COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2003
(Séance de 9 h 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Audition de M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sur les crédits des anciens combattants

2

- Examen, pour avis, des crédits des anciens combattants pour 2004 (M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis) - Informations relatives à la commission

11

- Audition de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et la francophonie, sur les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales

16

Avis francophonie et relations culturelles internationales (M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis)

21

- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sur les crédits des anciens combattants pour 2004.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué la présence de M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, au titre de ce qu'il incarne à titre personnel et au titre de ce qu'il représente au sein du gouvernement. Il s'est, par ailleurs, félicité de la publication, ce jour, du décret d'application de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 instituant un dispositif de révision des prestations versées aux ressortissants des pays placés antérieurement sous la souveraineté française résidant hors de France.

M. Hamlaoui Mékachéra, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, a fait part aux commissaires présents de sa satisfaction d'être parmi eux. Cette audition est la marque de l'attention que porte la commission au monde combattant. Cette deuxième rencontre qui intervient seize mois après la première allocution devant la commission est l'occasion de présenter à la fois un premier bilan de l'action accomplie et un aperçu des axes dans lesquels le gouvernement souhaite poursuivre son effort en direction du monde combattant. Entre-temps, le contact est resté constant entre le gouvernement et l'Assemblée nationale, grâce notamment aux rapporteurs successifs, M. Georges Colombier l'an dernier et M. Patrick Beaudouin aujourd'hui.

Pour ce qui concerne la politique de mémoire, l'année 2004 va revêtir un caractère exceptionnel. En effet, durant cet exercice, plusieurs grands rendez-vous vont faire l'objet de commémorations solennelles. Ainsi seront célébrés en 2004 : le 90ème anniversaire de la victoire de la Marne ;  le 60ème anniversaire des débarquements et de la libération du territoire et le 50ème anniversaire de la bataille de Dien Bien Phu.

Conformément à l'ambition du secrétariat d'Etat depuis plusieurs mois, les efforts viseront à honorer ceux qui ont donné leur vie pour la Patrie, à rendre hommage aux vétérans et à transmettre aux jeunes générations le sens des valeurs qui furent au cœur de ces conflits et restent, à tous égards, si nécessaires à notre temps.

Par ailleurs, toujours dans le domaine de la mémoire, plusieurs grands projets avancent également à un rythme soutenu : le nouveau musée d'Auschwitz - l'actuel n'étant plus conforme au caractère symbolique de ce lieu - le mémorial de Schirmeck, et le centre européen du résistant déporté au Struthof. Tous ces travaux sont suivis avec la plus grande attention.

- Pour ce qui est du budget, il a été établi, comme l'année précédente, dans le respect d'une logique de concertation et de planification.

Concertation avec le monde combattant représenté par ses principales associations rencontrées à maintes reprises à Paris et lors de nombreux déplacements en province. Le dialogue noué avec elles, dans la franchise et la sincérité, a permis d'identifier leurs principales attentes. Celles-ci trouvent leur traduction dans le projet de budget présenté.

Planification, ensuite, car la contrainte budgétaire ne permet pas de répondre immédiatement et simultanément à toutes les attentes des anciens combattants. Dans ce contexte, une approche pluriannuelle qui doit in fine produire un résultat significatif a été privilégiée mais supposera, bien entendu, de la part des pouvoirs publics un effort renouvelé durant les prochains exercices.

Quelques chiffres donnent la mesure de l'effort engagé par le gouvernement en faveur du monde combattant pour l'année 2004 :

- en masse, le montant inscrit au projet de loi de finances initiale pour les anciens combattants représente 3,39 milliards d'euros, ce qui le place au douzième rang des budgets de l'Etat ;

- ainsi, le projet de budget procure à chaque ressortissant une progression de ces droits à hauteur de 1,58 %. C'est sensiblement plus que l'année dernière où l'augmentation était de 0,68 %.

Enfin, la diminution globale du budget du secrétariat d'Etat est structurelle. Elle s'explique, évidemment, par la démographie des ressortissants, diminue inexorablement d'environ 4 % par an. Cependant, il faut souligner que les crédits du secrétariat d'Etat ne diminueront que de 3,1 % l'année prochaine.

Cette évolution va permettre de proposer cette année plusieurs mesures nouvelles très attendues par le monde combattant.

Une mesure de justice tout d'abord : l'augmentation de 15 points d'indice des pensions de veuves de guerre, des veuves d'invalides et des veuves de grands invalides. Il était juste, urgent et nécessaire que soit ainsi mieux exprimé le devoir de la Nation à l'égard de ces 130 000 personnes qui ont particulièrement souffert des conflits du XXsiècle et qui, s'agissant des veuves d'invalides, se sont dévouées jusqu'au dernier jour pour le mieux-être de leur conjoint handicapé. Près de 12 millions d'euros sont inscrits pour le financement de cette mesure.

Une mesure d'équité ensuite : l'harmonisation à quatre mois des durées de séjour nécessaires pour l'obtention de la carte du combattant au titre des guerres en Afrique du Nord. Cette mesure réclamée par toutes les associations d'anciens combattants met fin à un régime disparate et incohérent qui suscitait aigreurs et incompréhensions au sein du monde combattant. Désormais, les anciens appelés ayant servi au moins quatre mois sur ces théâtres d'opération auront droit à la carte du combattant, au même titre que les rappelés, les maintenus, les CRS et les policiers : 3 millions d'euros sont prévus à cet effet.

Enfin, une mesure de solidarité : l'inscription en base budgétaire de la totalité des crédits sociaux de l'Office national des anciens combattants (ONAC). Les années précédentes, une part significative de ces crédits - 1,5 millions d'euros - procédait d'un amendement voté au cours du débat parlementaire. La totalité de ces crédits sera désormais consolidée, ce qui confirme la vocation de l'office à intervenir davantage dans le registre de la solidarité.

Au delà de ces trois mesures nouvelles, le projet de budget pour l'année 2004 poursuit l'œuvre de consolidation de l'ONAC et de l'Institution nationale des invalides (INI) engagée l'année dernière. S'agissant de l'ONAC, celui-ci disposera des moyens nécessaires pour conduire dans les meilleures conditions la deuxième année de mise en œuvre du contrat d'objectifs et de moyens. Ce contrat, si nécessaire à la pérennité de l'office, permettra d'adapter ses capacités aux besoins prioritaires du monde combattant : la mémoire et la solidarité. Ce projet s'inscrit bien dans le prolongement des actions entreprises depuis seize mois.

- Le bilan du secrétariat aux anciens combattants depuis le début de la législature est révélateur de la volonté du gouvernement de satisfaire rapidement les principales attentes du monde combattant. Tout récemment, le gouvernement a ainsi apporté des réponses à deux questions essentielles qui, depuis trop longtemps, perturbaient l'harmonie du monde combattant.

La première concerne l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie. Le décret du 13 juillet 2000, instituant une mesure d'indemnisation au bénéfice des orphelins de la Shoah, était parfaitement légitime. Pour autant, les autres catégories d'orphelins ont considéré cette disposition comme inéquitable. La représentation nationale, unanime, a demandé au gouvernement de rechercher les termes d'une solution équitable.

M. Philippe Dechartre, ancien ministre du général de Gaulle et de George Pompidou, a bien voulu éclairer le gouvernement de ses réflexions sur cette question. C'est sur la base de ses conclusions que le Premier ministre a décidé que les orphelins des victimes de la barbarie nazie, c'est-à-dire les orphelins des déportés, des fusillés et des massacrés, allaient bénéficier d'une indemnisation identique à celle destinée aux orphelins des déportés de la Shoah. Il reste, désormais, à définir précisément le périmètre d'éligibilité à cette mesure, afin qu'une démarche qui se veut réparatrice ne soit pas porteuse de nouvelles injustices. Le décret qui sera publié au terme de ces travaux sera donc rédigé dans un souci d'équité.

Il y a quelques semaines, le Président de la République a signé le décret instituant le 5 décembre, Journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Cette décision est l'aboutissement logique d'une démarche de concertation à laquelle l'ensemble des associations représentatives du monde combattant a participé sous la conduite impartiale de M. Jean Favier, membre de l'Institut. Cette date se réfère au 5 décembre 2002, jour où, pour la première fois, un hommage national, unanime et solennel a été rendu aux « morts pour la France » en Afrique du Nord lors de l'inauguration par le Président de la République du mémorial qui leur est dédié, quai Branly, à Paris.

Il est à espérer que, tournant le dos à quarante ans de polémique, les anciens combattants et, au-delà, tous les Français, sauront se rassembler ce jour-là pour se recueillir devant les monuments aux morts de notre pays. De récents déplacements sur le terrain, et notamment une rencontre, le mois dernier, avec l'assemblée générale de l'Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC), laissent à penser que l'heure est à l'apaisement et au rassemblement au sein du monde combattant sur cette question qui trouve enfin un règlement.

Si l'on observe le panorama complet des mesures prises en faveur du monde combattant au cours des seize derniers mois, on relève ainsi :

- la décristallisation des retraites et des pensions des anciens combattants originaires de pays autrefois placés sous souveraineté française ;

- le rétablissement des droits en matière de cures thermales ;

- la pérennisation de l'ONAC ;

- la modernisation de l'INI ;

- l'augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste ;

- le dépistage des névroses traumatiques de guerre ;

- la création de l'Observatoire de la santé des vétérans ;

- l'indemnisation des orphelins de victimes de la barbarie nazie ;

- le choix de la date d'hommage aux morts pour la France en AFN ;

- l'augmentation des pensions de veuves ;

- l'harmonisation des durées de séjour nécessaires à l'obtention de la carte du combattant AFN ;

- l'inscription en base budgétaire de la totalité des crédits sociaux de l'ONAC.

Des progrès ont également été réalisés dans le domaine de l'ouverture du monde combattant sur l'extérieur.

Le concept de « la mémoire partagée » vise ainsi à rapprocher la France des pays qui furent ses alliés, ou éventuellement ses adversaires, dans les conflits du XXe siècle, afin de transmettre ensemble aux jeunes générations le sens des valeurs qui furent alors si âprement défendues.

Le concept de « reconversion du combattant dans les pays en situation de sortie de crise » poursuit également cet objectif. M. Pierre Morel-A-L'Huissier, député de la Lozère, vient d'être chargé par le Premier ministre d'une mission sur ce sujet.

Enfin, le secrétariat aux anciens combattants cherche à développer le « tourisme de mémoire » en partenariat avec les collectivités locales. Une convention sera prochainement signée avec le secrétaire d'Etat au tourisme afin de conjuguer les efforts des deux administrations pour que le patrimoine hérité des conflits passés soit plus accessible et les valeurs dont il est porteur mieux comprises d'un vaste public, français et étranger.

Dans le domaine du droit à réparation et de la mémoire, d'autres chantiers sont également ouverts.

S'agissant des contentieux hérités de l'annexion de l'Alsace et de la Moselle, la réunion du 12 mai dernier, à Strasbourg, avec les parlementaires et la Fondation « Entente franco-allemande », prolongée utilement par une lettre des députés alsaciens et mosellans au président de la Fondation, permet d'entrevoir un règlement prochain sur la délicate question de l'indemnisation du RAD-KHD.

Certes, il reste encore quelques attentes auxquelles une réponse n'a pas encore été apportée, telles la progression de la retraite du combattant ou à la simplification du rapport constant. Comme pour les autres questions, elles seront abordées avec détermination, dans un esprit de concertation avec les associations d'anciens combattants et la représentation nationale, et avec l'objectif de progresser sur la durée de la législature.

Le gouvernement a d'ores et déjà apporté des réponses concrètes aux attentes du monde combattant. Il entend poursuivre cette action de façon résolue.

Après l'exposé du secrétaire d'Etat, M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis, a tout d'abord salué la volonté du secrétaire d'État aux anciens combattants d'agir en faveur de l'imprescriptibilité des droits des anciens combattants et de leurs ayants droit ainsi que la méthode retenue qui privilégie la concertation avec l'ensemble du monde combattant, permettant une approche pragmatique de ses aspirations au moyen d'un plan pluriannuel. Il a ensuite indiqué qu'il a pu constater l'étendue de ces attentes en auditionnant dix-huit associations d'anciens combattants. Si les revendications sont nombreuses, il est cependant difficile de toutes les satisfaire.

Plusieurs questions se posent :

- Quel sera le délai pour le paiement effectif des pensions décristallisée en application du décret publié ce jour même ?

- A la suite des conclusions du rapport de M. Philippe Dechartre sur l'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victime du nazisme, quel est l'exact périmètre des ressortissants éligibles à ce dispositif ? L'indemnisation sera-t-elle versée à titre rétroactif au 15 juillet 2000 ?

- La retraite du combattant ne sera pas revalorisée en 2004. Qu'en est-il du plan quinquennal pour faire évoluer son montant indiciaire de 33 à 48 points ?

- La durée de quatre mois retenue pour l'obtention de la carte du combattant en AFN est une bonne mesure mais ne conviendrait-il pas de fixer au 1er janvier 1952 et au 2 juillet 1962 les dates butoirs pour sa détermination ?

- Quels sont les premiers effets mesurables du contrat d'objectif entre l'Etat et l'ONAC depuis le 1er janvier 2003 ?

- En ce qui concerne l'INI, le rétablissement des crédits à leur niveau de 2001 est une bonne nouvelle. Quel est le calendrier et le projet prévus pour la rénovation de l'institution ?

- Le gouvernement appuie-t-il les négociations en faveur de l'indemnisation des RAD-KHD ?

- Où en est-on de la reconnaissance de la quatrième génération du feu ?

- Quelles sont les actions envisagées pour la constitution d'une mémoire partagée ?

- Des directives ont-elles été données à l'ONAC afin de recueillir les témoignages oraux de la mémoire combattante ?

M. François Rochebloine a posé les questions suivantes :

- En ce qui concerne la décristallisation, quel sera le sort des 72,5 millions d'euros de crédits inscrits en loi de finances pour 2003 qui ne pourront sans doute pas être consommés cette année en raison de la parution tardive du décret d'application ?

- Quel est le nombre de bénéficiaires du fonds de solidarité pour les anciens d'Afrique du nord (les crédits ne baissent que de 20 % tandis que l'essentiel des ressortissants sont sortis du dispositif) ?

- A quoi correspond l'augmentation de 18,64 % des crédits inscrits pour la majoration du plafond de rente mutualiste du combattant alors même que la revalorisation à hauteur de 130 points d'indice n'est pas inscrite dans ce budget ?

- Certains postes de directeur des services départementaux de l'ONAC sont-ils toujours vacants ? Le secrétariat d'Etat compte-t-il les pourvoir ? Qu'en est-il des emplois mémoire ?

- Ne faut-il pas étendre le bénéfice de la carte du combattant aux soldats participant aux opérations extérieures et revoir les conditions d'attribution de cette carte pour les anciens combattants de la Seconde guerre mondiale ?

- Qu'en sera-t-il des conclusions du rapport de M. Michel Diefenbacher, député du Lot-et-Garonne, qui propose d'indemniser les Harkis à hauteur de 20 000 euros par an sur 5 ans alors que le projet initial prévoyait une indemnisation de 50 400 euros ?

- A quand la revalorisation de la retraite du combattant ?

M. Alain Néri s'est déclaré peu convaincu par la présentation de ce budget qui est en baisse alors que si l'on ajoute les Harkis aux autres parties prenantes, il est faux d'affirmer que les effectifs sont en baisse de 4 %. Puis il a fait les remarques suivantes :

- La publication, ce jour même, du décret d'application relatif à la décristallisation des pensions n'apparaît pas sérieuse et pose le problème de l'utilisation dans un laps de temps très bref des crédits ouverts à hauteur de 72,5 millions d'euros pour l'année 2003.

- En ce qui concerne la méthode vantée par M. Hamlaoui Mékachéra, elle n'est pas nouvelle. La planification des objectifs a déjà été pratiquée par MM. Jean-Pierre Masseret et Jacques Floch.

- L'augmentation de 33 à 48 points d'indice du montant de la retraite du combattant fait l'objet d'un consensus même si le calendrier peut être discuté. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens mais une augmentation de cinq points est un minimum afin de tenir cet engagement dans le cadre de la présente législature.

- Il serait souhaitable de préciser les dates butoirs pour la définition de la période de quatre mois nécessaire à l'obtention de la carte du combattant au titre de l'AFN, comme étant d'un côté la date de début de chacun des conflits et, de l'autre, le 2 juillet 1962.

- On ne peut qu'être inquiet du sort des crédits afférents à la majoration de la rente mutualiste car nombreux sont les anciens combattants aux revenus modestes qui ne peuvent souscrire un tel engagement. A ce titre, il serait intéressant de connaître précisément le montant des crédits consommés. En effet, le budget des anciens combattants est particulièrement soumis à la régulation budgétaire puisque 56 millions d'euros ont été gelés ou annulés en 2003.

- Alors que les parlementaires alsaciens et mosellans sont parvenus à un accord pour l'indemnisation des RAD-KHD, il semble que celle-ci nécessite une modification des statuts de la fondation franco-allemande, modification nécessairement complexe puisque ces dernières ont été définies par un accord bilatéral entre la France et l'Allemagne. Qu'en est-il exactement ?

- L'intervention du 5 décembre comme journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats au Maroc et en Tunisie ne règle pas la question du choix d'une date commémorative de la fin des conflits en Afrique du nord. La troisième génération du feu a incontestablement droit, elle aussi, au respect et à un jour de recueillement qui corresponde à un évènement du conflit en souvenir des sacrifices consentis pour la Nation.

M. Georges Colombier a tout d'abord considéré que, 2004 étant une année de restriction budgétaire, il n'est pas étonnant que le budget des anciens combattants soit en régression. Par contre, il est regrettable que, comme les années passées, ce budget ne puisse bénéficier du report des crédits non consommés, qui sont très importants.

Différents points positifs doivent tout d'abord être soulignés, comme la publication aujourd'hui même du décret sur la décristallisation des pensions - il importe cependant que le versement de ces pensions se fasse dans les plus brefs délais -, l'augmentation des pensions des veuves d'invalides pensionnés, la délivrance de la carte du combattant au personnes ayant effectué quatre mois de service en Afrique du nord ou encore le principe de l'extension des mesures de réparation du décret du 13 juillet 2000 à l'ensemble des victimes de la barbarie nazie, le périmètre d'application devra cependant être défini avec équité.

Néanmoins, de nombreuses questions et attentes demeurent :

- Les moyens humains et matériels des services départementaux de l'ONAC sont manifestement insuffisants,

- Le budget ne comporte pas de propositions en matière de revalorisation de la retraite du combattant, malgré les engagements pris par le ministre l'an passé ; un amendement portant sa valeur indicielle de 33 à 36 points sera présenté à la commission mais ne pourra parvenir jusqu'à la séance publique en raison de son irrecevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution : il serait donc souhaitable que le ministre puisse le reprendre à son compte.

- Il conviendrait de réactiver la concertation sur le « rapport constant » afin d'aboutir à un nouveau mode de calcul, plus lisible, sans pour autant porter atteinte aux intérêts des anciens combattants.

- Aucune décision n'a été prise en matière d'extension du bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants d'Afrique du Nord.

- Il serait par ailleurs souhaitable que tous les titulaires de la médaille de la Résistance ou de la croix de guerre au titre de la Résistance puissent se voir attribuer la carte de combattant volontaire de la Résistance, même lorsqu'ils ne remplissent pas les conditions de durée d'engagement.

- Il devient urgent d'effectuer un véritable travail de recensement des témoignages d'anciens combattants afin de transmettre aux générations futures une mémoire vivante.

- Le choix du 5 décembre pour la journée d'hommage aux morts pour la France de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie est une erreur car cette date est dépourvue de sens historique. Les contestations de cette décision au sein du monde combattant demeurent très fortes, notamment de la part de la FNACA. On peut regretter la façon dont cette date a été choisie, et tout particulièrement l'organisation de la commission Favier, dans laquelle chaque association, quelle que soit sa taille et sa représentativité, disposait d'une voix pour le choix final. Nombreux sont aujourd'hui les anciens combattants d'Algérie qui continuent de commémorer la date du 19 mars car, même si le souvenir des accords d'Evian n'a rien de joyeux, ceux-ci ont néanmoins signifié, pour l'ensemble des combattants présents sur le terrain, la fin de la guerre.

M. Bernard Depierre a formulé les observations suivantes :

- La baisse des moyens des services départementaux de l'ONAC, sensible en Bourgogne notamment, est déplorable.

- Il est plus qu'urgent de mettre sur pied un véritable dispositif de reconnaissance en faveur des Harkis.

- Beaucoup d'anciens combattants d'Algérie demeurent opposés au choix du 5 décembre comme date de commémoration ; ce rejet était notamment manifeste lors du récent congrès national de la FNACA à Beaune. Comment, dès lors, éviter une rupture de l'unité du monde combattant sur ce sujet ? Des propositions d'apaisement doivent être faites.

M. Jean-Marc Roubaud a pour sa part considéré que le choix du 19 mars aurait été très mal ressentie par les Français d'Algérie, car cette date est un symbole de défaite. En tant que député de la Nation, et non pas d'une association, il faut avant tout ne pas entretenir la fracture sur ce sujet et accepter la décision prise. Quant aux Harkis, dont la cause est particulièrement sensible dans sa circonscription puisqu'elle comprend le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise à Saint-Laurent-des Arbres, tout doit être mis en œuvre pour que la parole du Président de la République soit honorée.

Après avoir souligné la richesse et l'importance des questions posées par les différents intervenants, le secrétaire d'Etat aux anciens combattants a donné les indications suivantes :

- Le paiement des retraites et pensions liées au décret relatif à la décristallisation dépend encore de la signature de plusieurs arrêtés par différents ministres ; sans pouvoir donner de date précise pour la publication de ces textes, tout sera fait pour qu'il n'y ait plus de perte de temps. Quant aux crédits prévus à cet effet, il n'y a pas d'inquiétude à avoir : comme il s'agit de crédits évaluatifs, ils pourront effectivement être consommés. Enfin, le décret prévoyant une rétroactivité de quatre ans pour les bénéficiaires de la mesure, ceux-ci ne seront pas lésés par le retard pris dans la publication du décret.

- L'étude des conditions d'application de l'extension des mesures de réparation du décret du 13 juillet 2000 à l'ensemble des victimes de la barbarie nazie est en cours ; le décret sera publié dans les meilleurs délais ;

- Pour ce qui concerne la retraite du combattant, toute les revendications ont été mises sur la table. L'objectif final est bien d'atteindre un taux de 48 points mais le budget n'est pas un « tonneau sans fond » et des priorités doivent être dégagées. C'est donc désormais sur l'ordre de ces priorités que le monde combattant doit se prononcer ;

- Un accord semble se dégager pour fixer la date « tampon » pour l'octroi de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord au 2 juillet 1962 ;

- La mise en œuvre du contrat d'objectifs de l'ONAC se passe dans de très bonnes conditions, même si les mouvements de personnels prévus (diminution des effectifs de catégorie C et accroissement des effectifs de catégorie A) ne sont pas encore totalement réalisés. Le nouveau directeur général présentera cet après midi même le budget 2004 au conseil d'administration, ce qui lui donnera l'occasion d'exposer les évolutions actuelles.

- L'Institution nationale des invalides est en cours de restructuration. Elle a été accrédité par l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) et a vocation à devenir aujourd'hui un pôle d'excellence. Après le projet médical, en cours d'élaboration, le projet d'établissement sera mis en place ainsi qu'une convention d'objectifs et de moyens, conformément aux orientations définies par le conseil d'administration.

- L'Etat n'a pas à intervenir dans le débat concernant la réforme éventuelle du statut de la Fondation « Entente Franco-allemande », dans la mesure où la France n'est pas responsable des dommages indemnisés par celle-ci. Il convient cependant de rester très attentif au règlement du difficile problème de l'indemnisation des RAD-KHD.

- S'agissant du concept de « mémoire partagée », une convention avec l'Australie sera conclue la semaine prochaine et des conventions avec la Corée et la Nouvelle-Zélande sont en voie d'élaboration.

- Le nombre des ressortissants du fonds de solidarité est progressivement amené à se réduire au fur et à mesure de l'admission de ces personnes au bénéfice de la retraite, ce qui explique les mouvements d'affaissements ou de sursauts observés dans les crédits du fonds.

- L'augmentation des crédits destinés à la retraite mutualiste du combattant sont inscrits à cet effet dans le projet de loi de finances pour 2004 - 31 millions d'euros - est la conséquence logique du nombre plus élevé des ayants droit.

- Si le problème des Harkis ne relève pas des compétences du secrétariat d'Etat, à l'exception du règlement des allocations de reconnaissance, il s'agit d'une question particulièrement importante. C'est pourquoi, à la suite du rapport remis par M. Michel Diefenbacher, le Premier ministre a souhaité qu'un débat soit engagé au Parlement sur ce sujet. La somme de 20 000 euros évoquée par M. François Rochebloine ne constitue qu'une hypothèse de travail ; il s'agit en effet d'un problème complexe qui nécessite d'être envisagé avec beaucoup d'humilité et de prudence.

- S'agissant de l'utilisation des crédits inscrits en loi de finances pour 2003 pour la décristallisation évoqué par M. Alain Néri, ceux-ci ne seront pas perdus puisque la mesure est rétroactive. Il s'agit de crédits évaluatifs qui feront l'objet d'un report budgétaire.

- Des travaux sont actuellement engagés afin de réformer le « rapport constant », mais il s'agit d'une tâche technique et très complexe, qui demande à être examinée sans précipitation.

- La question de l'attribution de la carte du combattant volontaire de la Résistance aux titulaires de la médaille de la Résistance ou de la Croix de guerre au titre de la Résistance ne dépend pas uniquement de la volonté du gouvernement mais également d'une décision des différents intéressés.

- D'importants efforts ont été réalisés concernant la mémoire orale, mais il convient de les poursuivre dans le cas de l'Indochine, de l'Algérie ainsi que de la Corée, afin que toutes les générations du feu soient prises en compte.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le secrétaire d'Etat pour la qualité de son intervention et pour ses réponses exhaustives à l'ensemble des questions posées.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, les crédits des anciens combattants pour 2004.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget pour 2004 s'élève à 3 390 millions d'euros, soit une diminution de 3,12 % par rapport aux crédits adoptés en 2003. Cette baisse est cependant moins importante que celle enregistrée l'année précédente (- 3,9 %).

L'évolution démographique du monde combattant n'est que partiellement prise en compte, puisque la dotation rapportée au nombre des parties prenantes augmente de 1,58 %, soit deux fois plus qu'en 2003 (+ 0,68 %). C'est pourquoi, si les conditions économiques le permettent, il serait souhaitable d'envisager une pause dans l'évolution des crédits et le maintien de ceux-ci au niveau atteint aujourd'hui en euros courants.

Comme l'année précédente, l'engagement du secrétaire d'Etat repose sur la volonté de prendre en compte le droit à réparation dans toute son ampleur et sur une méthode fondée sur la concertation permanente avec le monde combattant, afin que le projet de loi de finances prévoit l'augmentation uniforme de 15 points d'indice de toutes les pensions de veuves pensionnées. Cette mesure, dont le coût s'élève à 11,84 millions d'euros, doit bénéficier à 130 000 veuves.

Le projet de loi de finances prévoit également que la carte du combattant sera délivrée à toute personne justifiant de quatre mois de service en Algérie, au Maroc ou en Tunisie. Cette mesure vise à unifier les délais de service nécessaires pour obtenir la qualité de combattant avec ceux exigés pour les policiers et les CRS. Il reste cependant une ambiguïté sur la manière dont peuvent être pris en compte les durées de services effectués dans plusieurs Etats d'Afrique du Nord. C'est pourquoi un amendement sera présenté afin de préciser que les quatre mois de service seront valables sans condition pendant toute la période allant du 1er janvier 1952 au 2 juillet 1962.

Dans le domaine de l'action sociale, le projet de loi de finances pérennise les missions de l'Office national des anciens combattants (ONAC) et engage une rénovation profonde de l'Institut national des invalides, comme l'a souligné le secrétaire d'Etat.

L'aide sociale aux anciens combattants est également renforcée. S'agissant de la réinsertion professionnelle des anciens combattants, neuf écoles spécialisées offrent deux mille places aux travailleurs adultes et aux militaires. L'aide de solidarité sociale de l'ONAC est de plus en plus sollicitée par les anciens combattants en raison de leur âge et, de façon croissante, par les veuves d'anciens combattants qui sont maintenant reconnues comme telles. Le gouvernement a donc décidé d'augmenter de 1,5 million d'euros sa contribution aux crédits sociaux de l'ONAC, qui atteindront 12,13 millions d'euros en 2004. Il s'agit d'une mesure importante, puisqu'avec le passage d'une subvention non pérenne accordée par les parlementaires sur leur réserve à une subvention définitive de l'Etat, elle marque bien la volonté du gouvernement de pérenniser l'ONAC. S'agissant des mesures de soutien aux anciens combattants âgés, il ne faut pas oublier que l'ONAC gère directement 9 maisons de retraite disposant de 980 lits et poursuit une politique de conventionnement de ces établissements ainsi qu'une politique de labellisation d'établissements dont il n'a pas la charge.

En ce qui concerne la contribution de l'ONAC au devoir de mémoire, 67 délégués à la mémoire vont être recrutés pour la mise en place de l'office. La politique de la mémoire est également renforcée avec l'instauration d'une journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord.

L'INI se voit également consacrée dans ses missions gérées à des crédits en hausse qui vont permettre à sa modernisation.

Année de commémorations solennelles de divers grands moments de notre histoire, 2004 verra enfin le parachèvement de deux mesures déjà décidées et très attendues par le monde combattant concernant l'indemnisation des orphelins des victimes de la barbarie nazie et la décristallisation des pensions des anciens combattants.

D'autres mesures doivent cependant être envisagées, en particulier la revalorisation de la retraite du combattant. Pour arriver à l'indice 48, il devrait être possible d'étaler la dépense par étapes, en fonction des possibilités budgétaires. Dès cette année, il serait souhaitable de porter l'indice à 36 points.

Surtout, il est nécessaire d'adapter le budget à notre temps, en améliorant tout d'abord le « statut social » de l'ancien combattant. En effet, l'essentiel du budget des anciens combattants est fondé sur le droit à réparation. Mais comment ne pas voir qu'aujourd'hui l'ancien combattant n'est pas seulement un mutilé ? C'est aussi un homme ou une femme qui a sacrifié une partie de sa vie au plus beau des services, celui de la France et de la République. La reconnaissance de la communauté ne saurait s'attacher aux seules douleurs et doit s'exprimer par la considération pour le service accompli. Est-il admissible qu'un ancien combattant puisse être condamné à vivre la fin de sa vie avec des ressources inférieures au SMIC et que leurs veuves puissent, de ce fait, être quasiment réduites à la misère. Si le principe est clair, la mise en oeuvre de cette mesure est à incontestablement complexe. C'est pourquoi un amendement sera présenté afin que le gouvernement adresse un rapport à l'Assemblée nationale sur ce sujet.

Il convient également, d'une part, de veiller au droit à réparation pour la quatrième génération du feu et, d'autre part, de garantir la transmission de la mémoire, en organisant la conservation de la mémoire autour de l'écrit, de l'oral et du visuel et en envisageant la création d'une journée de la mémoire combattante. Au-delà de toutes les commémorations particulières de ses combats, la France pourrait ainsi se retrouver un jour par an dans la commémoration de ce qui était commun à ses citoyens soldats : l'esprit de sacrifice au service de la Patrie et la défense des valeurs républicaines de la France. Le 11 novembre s'impose naturellement, non seulement comme le jour de la victoire de la Première guerre mondiale, mais également comme le symbole de cet esprit de sacrifice.

En conclusion, le rapporteur pour avis a estimé que le projet de budget des anciens combattants pour 2004 comporte plusieurs mesures positives, mais également certaines lacunes, et que dans les circonstances actuelles, il ne pouvait sans doute pas être meilleur. Il a donc proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits, sous réserve des amendements que la commission examinera, et en soulignant qu'il sera nécessaire de rester vigilant à l'avenir.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, le président Jean-Michel Dubernard a souligné que cet excellent rapport avait été précédé de nombreuses auditions et jugé particulièrement intéressantes les propositions du rapporteur pour avis sur le statut social de l'ancien combattant et sur la journée du 11 novembre.

M. Georges Colombier a félicité le rapporteur pour avis pour la qualité de son rapport.

M. Alain Néri a considéré que ce budget en trompe l'œil se contente d'effets d'annonces mais qu'il est dangereux pour l'avenir du monde combattant.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité que la position des groupes politiques sur le budget soit exprimée dans le détail en séance publique compte tenu de l'ordre du jour des travaux de la commission.

M. Alain Néri a protesté contre l'impossibilité de s'exprimer sur le fond du budget des anciens combattants.

La commission est ensuite passée à l'examen des amendements.

Avant l'article 73

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz fixant à 130 points d'indice le plafond majorable de la rente mutualiste du combattant.

M. Jacques Desallangre a jugé incompréhensible la décision de ne pas poursuivre le rattrapage promis par le gouvernement l'an dernier et de s'en tenir au statu quo.

M. Georges Colombier a considéré que le monde des anciens combattants est partagé sur cette revendication car les personnes moins fortunées n'ont pas toujours les moyens de bénéficier de cette mesure.

M. Jacques Dessallangre a précisé qu'il s'agit d'un plafond et que les anciens combattants ne sont pas obligés de cotiser jusqu'à ce niveau.

M. Alain Néri a regretté le coup d'arrêt du gouvernement après le coup d'accélérateur de l'an dernier.

Le rapporteur pour avis a rappelé que le plafond a été augmenté de 7,5 points d'indice l'année dernière et que la priorité pour le monde combattant porte de préférence sur la revalorisation de la retraite du combattant qui les concerne tous et non pas seulement quelques uns d'entre eux. Il a néanmoins regretté que la progression ne soit pas poursuivie cette année et a émis le vœu que le gouvernement porte le plafond de la rente mutualiste du combattant à 130 points dans le budget pour 2005.

Après que le rapporteur a émis un avis défavorable, la commission a rejeté l'amendement.

Article additionnel après l'article 73 : Rapport sur les anciens combattants retraités ayant des ressources inférieures au SMIC

La commission a examiné un amendement du rapporteur pour avis demandant au gouvernement de remettre au Parlement, avant le 1er septembre 2004, un rapport répertoriant le nombre d'anciens combattants âgés de plus de soixante ans dont les ressources sont inférieures au SMIC et envisagent les moyens juridiques et le coût de la création d'une allocation permettant à chacun d'entre eux, ainsi qu'à leurs veuves, de combler l'écart entre les ressources dont ils disposent et le montant du SMIC.

Le rapporteur pour avis a indiqué que les anciens combattants ainsi que leurs ayants droit ont acquis le droit de terminer leur vie dans des conditions d'existence décentes parce qu'ils se sont battus pour la défense de l'intégrité du territoire national et pour les valeurs de la République. Or, force est de constater que ce n'est malheureusement pas toujours le cas. Le temps semble venu d'envisager autrement le droit à réparation en direction des anciens combattant en mettant l'accent sur la solidarité nationale.

Cet amendement vise donc à étudier la possibilité de créer un « statut social » de l'ancien combattant lequel reposerait sur deux principes : les droits acquis ne seraient pas remis en cause et tout ancien combattant, âgé de plus de soixante ans, disposerait de ressources au moins égales au SMIC, l'écart entre ses ressources et le montant du salaire minimum étant comblé par une allocation spécifique. Ce dispositif a naturellement vocation à être étendu aux veuves d'anciens combattants.

M. Alain Néri a exprimé son accord de principe avec cet amendement tout en se demandant comment le statut social de l'ancien combattant proposé serait financé. Ne serait-il pas préférable de revaloriser la retraite du combattant afin d'offrir à tous les anciens combattants l'équivalent d'un treizième mois ?

M. Jacques Dessalangre a également exprimé son accord avec l'amendement, tout en rappelant que la retraite de l'ancien combattant en 1932 équivalait à un mois de salaire ouvrier et que son montant a donc fortement régressé depuis lors.

M. Georges Colombier s'est déclaré favorable à l'amendement qui affirme un véritable effort de solidarité en faveur des anciens combattants les plus modestes.

La commission a adopté l'amendement à l'unanimité.

Après l'article 73

La commission a examiné un amendement de M. Maxime Gremetz créant un établissement public chargé de porter secours aux veuves non pensionnées d'anciens combattants.

M. Jacques Dessalangre a estimé que la création de cet établissement doté d'un fonds de solidarité permettrait d'apporter une aide aux veuves d'anciens combattants dans le besoin, ce qui marquerait l'attachement de la Nation à celles qui ont soutenu les anciens combattants.

Le rapporteur pour avis a estimé qu'il n'est pas nécessaire de créer un établissement public spécifique car, même si leur situation peut encore être améliorée, les veuves bénéficient déjà des crédits d'action sociale de l'ONAC.

La commission a rejeté l'amendement.

Elle a ensuite rejeté un amendement de M. Alain Néri substituant dans la législation et la réglementation en vigueur la notion de conjoint survivant à celle de veuve, après que le rapporteur pour avis a rappelé que la notion de conjoint survivant a certes été introduite au sein du code des pensions civiles et militaires de retraite par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites mais pas encore dans le code des pensions militaires d'invalidité et de victimes de guerre. Un projet de loi sur ce sujet est en cours de préparation au sein du secrétariat d'état aux anciens combattants.

Article 74 (article L. 253 bis du code des pensions militaires d'invalidité des victimes de la guerre) : Extension d'attribution de la carte du combattant

La commission a examiné en discussion commune trois amendements visant à harmoniser la date butoir pour définir la durée de service prise en compte, l'un du rapporteur pour avis, l'autre de M. Maxime Gremetz et le dernier de M. Alain Néri.

Le rapporteur pour avis a indiqué que les dates butoirs prises en compte pour définir la durée de service donnant lieu à l'attribution de la carte du combattant au titre de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie sont actuellement les suivantes : Tunisie, du 1er janvier 1952 au 20 mars 1956 ; Maroc, du 1er juin 1953 au 2 mars 1956 ; Algérie, du 31 octobre 1954 au 2 juillet 1962. Afin que l'harmonisation des critères d'attribution de la carte du combattant au titre de l'Afrique du Nord sur le critère de quatre mois de service ne suscite pas de nouveaux contentieux, il est nécessaire d'harmoniser également les périodes durant lesquelles la durée de service est comptabilisée.

La commission a adopté l'amendement du rapporteur pour avis à l'unanimité. En conséquence, les deux autres amendements sont devenus sans objet.

Article additionnel après l'article 74 (article L. 256 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre) : Revalorisation du montant de la retraite du combattant

La commission a examiné en discussion commune deux amendements identiques du rapporteur pour avis et de M. Georges Colombier portant le montant de la retraite annuelle du combattant à 36 points d'indice de pension militaire d'invalidité, deux amendements identiques de MM. Alain Néri et Maxime Gremetz portant ce montant à 38 points d'indice et un amendement de M. Alain Néri portant ce montant à 48 points d'indice.

Le rapporteur pour avis a estimé nécessaire de réaliser une première étape de revalorisation de la retraite du combattant. Etant donné le coût d'une telle mesure - un point d'indice correspond à une dépense de 16 millions d'euros - une augmentation de trois points étalée sur une période de cinq ans apparaît comme une démarche raisonnable.

M. Alain Néri s'est prononcé en faveur d'une revalorisation d'au moins cinq points d'indice cette année pour obtenir quinze points d'augmentation sur trois budgets. Le statu quo proposé par le gouvernement remet en effet en cause toute possibilité de parvenir au règlement de cette question au terme de cette législature au rythme d'une revalorisation annuelle de trois points. Pour autant, on peut se rallier à une augmentation de trois points d'indice.

M. Georges Colombier a estimé que cet effort budgétaire est déjà important, car un point d'augmentation coûte 16 millions d'euros.

M. Alain Néri a rappelé que 134 millions d'euros ont été gelés sur le budget 2003, ce qui pourrait constituer une source de financement.

M. Jacques Desallangre a considéré qu'accorder six points d'indice permettrait un plus grand effort d'équité en faveur des anciens combattants.

La commission a adopté les deux amendements identiques du rapporteur pour avis et de M. Georges Colombier. En conséquence les trois autres amendements sont devenus sans objet.

Après l'article 74

La commission a rejeté un amendement de M. Alain Néri rappelant que le maintien de l'ONAC est un engagement de l'Etat, après que le rapporteur pour avis a précisé que le gouvernement a exprimé sa volonté réelle et forte de pérenniser l'ONAC en dotant l'office d'un contrat d'objectifs et de moyens, en inscrivant dans la durée les crédits sociaux dont il dispose et en lui permettant de créer, dès l'année prochaine, 67 postes de délégués pour la mémoire.

La commission a examiné un amendement de M. Alain Néri précisant que la mention Algérie est inscrite sur la soie des drapeaux des unités engagées dans ce conflit.

M. Alain Néri a estimé que, à la suite de la reconnaissance de la guerre d'Algérie votée par le Parlement sous la précédente législature, la troisième génération du feu a le droit, comme les précédentes, à la reconnaissance de la Nation.

M. Jacques Desallangre a estimé souhaitable de porter la mention de la guerre d'Algérie sur les étendards.

Le rapporteur pour avis a indiqué que cette décision, dont il ne mésestime pas le bien-fondé, ne relève pas du Parlement. Une commission ad hoc, présidée par un inspecteur général de l'armée de terre, est chargée d'examiner les nombreuses demandes faites par les anciens combattants dans ce sens et il convient d'attendre ses conclusions et de respecter la procédure classique avant de prendre une telle décision.

La commission a rejeté l'amendement.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des anciens combattants pour 2004.

*

La commission a ensuite entendu M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur les crédits de l'action culturelle internationale.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre d'avoir répondu à l'invitation de la commission et a salué deux avancées très importantes dans la politique de coopération : la relance de l'aide publique au développement ; la priorité donnée à la francophonie. Sur ce point, le retour à une politique ambitieuse de bourses pour les étudiants étrangers est à noter. En ce qui concerne, en particulier, les médecins étrangers, il est tout à fait regrettable que notre pays, ces dernières années, n'ait pu accueillir, faute de pouvoir les rémunérer, de nombreux praticiens de haut niveau, notamment en provenance d'Amérique latine ; par exemple, deux mille médecins auraient quitté l'Argentine à la suite de la crise économique et presque tous sont allés aux Etat-Unis. La France doit jouer son rôle d'accueil. Enfin, il convient de rappeler l'intérêt porté par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales aux conditions de la mise en place d'une chaîne française d'information internationale.

M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, a observé que les actions constituant globalement la « coopération culturelle » sont très diversifiées, mais s'articulent autour de deux axes stratégiques : assurer le rayonnement de la culture et de la langue françaises dans le monde ; promouvoir le dialogue des cultures qui est la seule véritable réponse aux défis de la mondialisation. Les moyens consacrés à l'action culturelles seront maintenus en 2004 au même niveau que dans la loi de finances 2003.

A titre préliminaire, plusieurs remarques peuvent être faites :

- La coopération culturelle de la France profitera de l'augmentation du volume de l'aide publique au développement, passé de 0,32 % du PIB en 2001 à 0,41 % en 2003 et 0,43 % en 2004 (selon les prévisions), l'objectif étant d'atteindre 0,5 % en 2007 et 0,7 % en 2012.

- Le fonds de solidarité prioritaire verra ses moyens augmenter de 25 % par rapport à l'exercice 2003, ce qui permettra un effort de rattrapage et le lancement de nouvelles actions.

- Les actions de coopération bilatérales culturelles s'inscrivent dans une démarche globale de promotion de la diversité culturelle. Comme le Président de la République l'a souhaité au sommet de Johannesburg, la conférence générale de l'Unesco a donné mandat à son directeur général pour présenter un projet de convention internationale sur la diversité culturelle à la conférence générale de 2005. Il s'agit de reconnaître à chaque Etat le droit de définir sa politique culturelle, de prendre des mesures de protection et d'échapper aux seules règles de l'OMC. Cet objectif inspire nos actions en matière de coopération avec les pays du sud, parmi lesquels on peut citer les saisons culturelles étrangères en France ; à titre d'exemple, l'année de l'Algérie en France a constitué, avec plus 2 000 représentations et un public estimé à trois millions de personnes, un évènement majeur. Autre exemple, un projet mobilisateur de 3,3 millions d'euros sur trois ans destiné à soutenir les artistes et les opérateurs culturels africains a été confié à l'AFAA. Au Vietnam, c'est un projet de 1,4 million d'euros d'appui au Festival international de Hué qui a été mis en place. Dans le domaine de l'écrit, le ministère des affaires étrangères consacre 35 millions d'euros à la lecture publique, à la filière du livre et à l'aide à l'édition africaine.

- Dans le domaine de la francophonie institutionnelle, la France assume près des deux tiers du budget d'environ 200 millions d'euros des cinq opérateurs de la francophonie multilatérale, soit 143,6 millions d'euros. Le ministère des affaires étrangères en finance à lui seul 128,2 millions. Ce budget ne concerne que la seule francophonie multilatérale à travers l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et ses opérateurs et n'inclut donc pas l'effort que la France fournit en plus à titre bilatéral (Agence pour l'enseignement français à l'étranger, réseau culturel, alliances françaises, Radio France Internationale, Canal France international...). Si l'on prenait en compte l'ensemble de ces contributions, c'est à un total de près de 880 millions d'euros financé à 90 % par le ministère que l'on aboutirait. Le Président de la République a annoncé à Beyrouth une relance de la francophonie qui conduit à une augmentation très substantielle des crédits alloués par le ministère des affaires étrangères aux opérateurs directs de la francophonie. Elle porte notamment sur le programme de bourses accordées par l'Agence universitaire de la francophonie, le renforcement des programmes relatifs à la démocratie et aux droits de l'homme et l'abondement du plan pour le français dans l'Union européenne.

- La promotion de la culture française à l'étranger est le corollaire de notre politique en faveur de la diversité culturelle. Le ministère des affaires étrangères s'efforce de projeter dans le monde une image vivante et actuelle de la culture française. Ces orientations sont mises en œuvre par les services et établissements culturels (147 établissements culturels), avec le concours des 283 alliances françaises et le soutien de l'Association française d'action artistique. À cette fin, 64,7 millions d'euros de crédits d'intervention leur sont affectés sur le titre IV en 2004. Le niveau des crédits programmés en 2004 est globalement comparable à celui de 2003 ce qui devrait permettre de maintenir l'intense activité du réseau. La modernisation et l'adaptation de ce réseau culturel - l'un des objectifs du projet de réforme du ministre des affaires étrangères - se poursuivront à travers la mise en place d'instruments de gestion et d'évaluation plus performants, un soutien budgétaire ciblé et la recomposition progressive de la carte des établissements.

- L'audiovisuel fera l'objet d'une attention particulière. La création d'une chaîne française d'information internationale doit donner lieu à des propositions techniques et financières dans les semaines qui viennent, M. Bernard Brochand ayant remis son rapport. Par ailleurs l'arrêt de la diffusion télévisuelle de Canal France international (CFI) a été fixé à la date du 31 décembre 2003. Il permettra à CFI de se concentrer sur son activité de banque d'images et d'outil de coopération au service des télévisions du sud. Cette mesure dégagera une économie de 1,6 million d'euros pour la période 2003-2005. Pour le reste, avec 165 millions prévus, les crédits que le ministère des affaires étrangères alloue à l'audiovisuel extérieur seront globalement stables. TV5 bénéficiera d'une mesure nouvelle de 0,95 million d'euros et Radio France internationale de 71,42 millions d'euros, soit une augmentation de 1,5 %.

- L'enseignement et la formation des élites étrangères demeurent l'un des points forts du dispositif français.

- S'agissant de l'enseignement scolaire, le budget du ministère des affaires étrangères, via le fonds de solidarité prioritaire, a financé 25 projets dans une vingtaine de pays, pour un montant total de 35 millions d'euros sur les années 1999 à 2002. L'assistance technique résidente - une équipe de 250 agents - représente un budget d'environ 21 millions d'euros. Le pivot de l'action de la France est l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), dont le réseau comprend 272 établissements dans 52 pays. Le budget de 332 millions d'euros prévu pour 2007 s'inscrit en diminution de 5 millions par rapport à 2003. Toutefois, cette baisse sera absorbée par le moindre coût (10 millions d'euros en 2004 contre 15 en 2003) de la réforme du régime d'indemnisation des personnels expatriés. En outre, les gains tirés des variations de change étant laissés à l'agence, ses ressources réelles devraient rester stables, permettant le développement de nouveaux lycées, notamment à Alger et à Kaboul, et le financement d'une mesure nouvelle de 1,1 million d'euros en faveur des bourses scolaires. Un élève sur quatre scolarisé dans un établissement français à l'étranger bénéficie d'une bourse partielle ou totale. Une reconfiguration du réseau de l'agence est nécessaire à terme : si elle doit ouvrir de nouveaux établissements, elle doit également reconsidérer ses relations avec des établissements membres ne répondant plus à ses objectifs.

- Concernant la coopération universitaire, l'assouplissement des règles de délivrance des visas, l'internationalisation des établissements ainsi que la croissance du nombre de bourses ont permis de renforcer considérablement le dispositif français. La formation des élèves étrangers connaît une reprise soutenue. Pour 2002 et 2003, 220 000 étudiants étrangers sont venus en France, dont 100 000 en provenance d'Afrique et 28 000 doctorants. La progression se monte à 48 % sur trois ans. La France a regagné le terrain perdu et se trouve maintenant au deuxième rang en Europe derrière le Royaume-Uni. Comme le président Jean-Michel Dubernard l'a relevé, le secteur des professions médicales exige peut-être des mesures particulières.

Parce qu'elle crée les conditions d'un dialogue plus riche et plus équilibré, la coopération culturelle peut contribuer à restaurer des solidarités entre pays du nord et pays du sud. C'est la raison pour laquelle le ministère des affaires étrangères, en même temps qu'il s'attache au rayonnement de la culture, des arts et du modèle éducatif français, apporte son soutien aux pays du sud, notamment africains, pour qu'ils puissent accéder au savoir, faire connaître leurs créateurs et diffuser leurs œuvres. Le présent projet de budget traduit cette volonté.

Après l'exposé du ministre, le président Jean-Michel Dubernard s'est inquiété de la dégradation de la place de la francophonie en Amérique Latine.

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis, a considéré que l'exercice incombant au ministre est assez périlleux, compte tenu de ce qui est au mieux une stagnation des crédits du ministère des affaires étrangères et plus particulièrement de ceux de l'action culturelle internationale. Ces crédits suscitent une appréciation bien différente de celle formulée par le ministre.

On ne peut que partager la volonté affichée par le Président de la République et le Premier ministre de soutenir la langue française et la diversité culturelle et de ne pas leur appliquer les lois du marché. Encore faut-il que ces affirmations débouchent sur des actions volontaristes. La défense de la diversité culturelle dans le monde passe par le renforcement et la diversité des moyens d'information d'expression francophone. Mais, il semble que la chaîne française d'information internationale, telle qu'elle ressort des conclusions du rapport rédigé par M. Bernard Brochand, sera un organe partial. Les conditions de sa création suscitent la colère des membres du Parlement et plus particulièrement des membres malmenés de la mission d'information commune sur la création d'une télévision française d'information à vocation internationale : les conclusions précises et argumentées de cette mission préconisaient un partenariat équilibré entre le service public et le secteur privé. Or le choix du gouvernement a été très différent. Donner la part belle à TF1 n'est pas une garantie quant à la défense de la francophonie dans le monde et suscite aujourd'hui de fortes inquiétudes, notamment parmi le personnel de Canal France International.

Mme Hélène Mignon a noté que d'autres pays que la France agissent en matière de francophonie. C'est le cas du Canada et plus récemment du Japon qui forme des enseignants francophones avec des arrières pensées économiques. Il convient, à la lumière de ce que l'on peut observer notamment au Cameroun, que la France s'engage plus activement dans la lutte contre le SIDA. Dans certains pays africains, non seulement la main-d'œuvre en âge de travailler diminue, mais de nombreux orphelins sont laissés de côté, ne bénéficiant d'aucune formation, voire d'aucune scolarisation. Il est important d'aider les familles qui recueillent ces enfants à les éduquer et à leur donner une formation afin d'assurer la relève de la main d'oeuvre.

Après avoir salué la détermination du ministre en matière de promotion de la francophonie, M. Paul-Henri Cugnenc a jugé que le statut de la francophonie se dégrade dans certains pays, notamment dans le secteur médical. Il s'agit pourtant d'un partenariat précieux qui permet de renforcer le système hospitalier français. Les difficultés sont significatives dans le Sud-Est asiatique. Ainsi, les étudiants formés au Cambodge ne peuvent aujourd'hui pleinement profiter de leur séjour en France en raison d'un niveau de langue insuffisant.

Le président Jean-Michel Dubernard a insisté sur l'importance de la coopération existant entre la France et le Cambodge en matière scientifique et rappelé que la faculté de Phnom Penh est la seule, dans tout le sud-est asiatique, où la médecine est enseignée en français. Le déclin de l'usage de notre langue dans ces régions est donc réellement problématique. De façon plus générale, un moindre rayonnement de la France à l'étranger a immanquablement des conséquences économiques et culturelles. Dans le domaine scientifique tout particulièrement, la France s'efface de plus en plus devant les Etats-Unis et les autres pays anglophones, ce qui est très regrettable.

En réponse aux différentes questions, le ministre délégué à la coopération et la francophonie, a donné les indications suivantes :

- Le budget du ministère des affaires étrangères pour 2004 s'élève à 4,221 milliards d'euros, soit une hausse de + 2,61 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2003. Au sein de ce budget, on constate bien évidemment des évolutions contrastées des différentes masses. Cette année, le gouvernement a souhaité mettre l'accent sur les crédits destinés à la coopération et à l'aide au développement, négligés depuis 1996. C'est pourquoi ceux-ci augmenteront de 5,5 %. En contrepartie, d'autres secteurs d'activité du ministère voient leurs dotations stagner ou baisser en 2004.

- Il semble déplacé de dire que la future chaîne française d'information internationale sera sous influence ; ce serait faire un procès d'intention aux futurs journalistes ou à l'équipe de programmation de la chaîne, ce qui n'a pas lieu d'être. Les actuels opérateurs de l'audiovisuel extérieurs financés par le ministère des affaires étrangères ont toujours su faire la preuve de leur indépendance et de leur professionnalisme : il n'y a pas de raison qu'il n'en soit pas de même pour cette chaîne. Les propositions formulées par M. Bernard Brochand découlent des différents travaux et études effectués auparavant sur le sujet, notamment par la mission d'information commune de l'Assemblée nationale. La décision finale du gouvernement n'est pas encore prise même si le schéma sur lequel travaille M. Bernard Brochand est d'ores et déjà connu : une association à égalité entre France Télévisions et TF1. Il est donc faux de dire que cette chaîne sera sous-traitée à l'opérateur privé : il s'agira d'un partenariat organisé par un cahier des charges.

- Les pays francophones doivent être regardés comme autant de partenaires précieux pour la promotion du français dans le monde. Les actions de formation et d'enseignement de notre langue qu'ils organisent sont de façon générale très positives car la France ne peut pas tout faire. Il peut parfois y avoir des problèmes de concurrence sur un point ou un autre mais ces actions sont, par principe, les bienvenues.

- La prise en charge de l'éducation et de la formation des orphelins du SIDA est au cœur des préoccupations du ministère en matière de coopération. Elle est également présente dans l'esprit des entreprises et organismes français implantés en Afrique puisqu'ils se sont récemment réunis dans une association baptisée « SIDA entreprise » dont le but est de prendre en charge leurs personnels contaminés ainsi que les orphelins. Par ailleurs, la contribution de la France au Fonds mondial contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme sera multipliée par trois en 2004, pour passer de 50 à 150 millions d'euros.

- La baisse des moyens consacrés à l'aide publique au développement et à la coopération depuis 1996 a eu des conséquences directes dans de nombreux pays, ce qui explique que le gouvernement ait souhaité en faire une priorité du budget pour 2004.

- En ce qui concerne plus particulièrement le Cambodge, une mission parlementaire réalisée dans ce pays il y a quelque années avait permis de constater un effort important pour le développement des classes bilingues. Le pays dispose en effet d'une taille bien adaptée pour lancer ce type de programme. Il serait intéressant de voir ce qu'il en est aujourd'hui et s'il ne serait pas nécessaire, pour lutter contre le recul du français dans la zone, de mieux cibler l'enseignement de notre langue ou encore d'en améliorer la qualité, afin que les étudiants soient ensuite en mesure de venir étudier en France dans de bonnes conditions.

- Le même type d'effort devrait être entrepris en Amérique latine, où le retard en matière d'enseignement du français est important malgré un potentiel considérable.

*

La commission a enfin examiné pour avis, sur le rapport de M. Frédéric Dutoit, les crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales.

M. Frédéric Dutoit, rapporteur pour avis, n'a pas souhaité revenir sur le budget pour 2004, tout en précisant qu'il n'a pas été convaincu par les arguments optimistes développés par le ministre délégué à la coopération et la francophonie, pas plus d'ailleurs que par ses explications sur la future chaîne française d'information internationale. Il a ensuite souhaité évoquer le thème choisi pour son avis budgétaire, c'est-à-dire les relations entre la construction européenne et la francophonie.

L'année 2004 constitue une année cruciale pour la relation entre le processus de construction européenne et la francophonie. L'Union européenne a posé le principe d'égalité des langues officielles et de travail. Le régime linguistique de l'Union européenne consacre un multilinguisme protecteur qui permet à chaque citoyen d'écrire à une institution ou à un organe de l'Union dans l'une des langues officielles et de recevoir une réponse rédigée dans la même langue. L'Europe doit revendiquer son identité et affirmer sa personnalité sans arrogance et sans complexe ; elle doit illustrer des valeurs qui lui sont chères : la pluralité et la solidarité. En ce sens, l'Europe est une chance pour les valeurs de la francophonie.

Cet équilibre est cependant menacé par les bouleversements linguistiques qui se dessinent avec l'élargissement à dix nouveaux Etats. En effet, le nombre de langues officielles va passer de onze à vingt et plus, posant ainsi l'urgence d'une adaptation du régime linguistique des institutions. Or, au fil du temps, les pratiques qui se sont développées ont rendu certaines langues plus égales que d'autres. Il faut reconnaître que la construction européenne est désormais menacée par un double péril : celui de s'effondrer si elle respecte un plurilinguisme intégral à tous les niveaux avec à terme une trentaine de langues et celui de voir triompher la pratique hypocrite actuelle qui tend à toujours plus imposer une langue unique transformée en un sabir appauvri. Les négociations actuellement en cours, tant sur la révision du régime linguistique du Conseil que sur la modification du statut des fonctionnaires européens, devront permettre d'aboutir à la définition de critères objectifs et transparents.

Alors que l'avenir du français dans le monde se joue désormais en Europe - bien que se soit en Afrique qu'il est le plus parlé -, la démonstration politique doit être apportée que le pluralisme linguistique n'est pas un handicap mais un formidable atout, pour peu qu'il soit maîtrisé. C'est pourquoi il est urgent d'engager les réformes appropriées afin d'assurer le bon fonctionnement des institutions tout en garantissant le respect d'une tradition plurilingue qui peut aussi permettre à l'Union de s'exprimer d'une autre voix dans le monde. Il faut établir des principes clairs conciliant le droit pour chacun de s'exprimer et de recevoir toute information de l'Union dans sa langue nationale, avec, néanmoins, une limitation à un nombre raisonnable, pour les seules réunions techniques, des langues de travail cibles des traductions et interprétations.

La diversité et le pluralisme linguistiques ne sont pas un obstacle à la circulation des hommes, des idées et des marchandises ou services. Le respect des langues, à l'inverse, est la dernière chance pour l'Europe de se rapprocher des citoyens, objectif toujours affiché mais presque jamais mis en pratique. L'Union européenne doit donc renoncer à privilégier la langue d'un seul groupe. Il faut intégrer le « droit à la diversité culturelle » parmi les droits fondamentaux garantis par les instruments juridiques européens et, demain, par la Constitution européenne même si, par ailleurs, on n'approuve pas son contenu actuel.

La France doit aujourd'hui, notamment au travers de la défense de la francophonie, mener une action résolue en faveur de la diversité linguistique. Cela passe d'abord par un ancrage dans les textes, la pratique et les esprits du fait que la langue n'est pas un bien régi par les lois de l'offre et de la demande. Il appartient ensuite à la France, aux autres Etats membres soucieux de préserver la diversité culturelle mais également aux institutions communautaires de dénoncer les violations du principe de diversité linguistique. Enfin, il appartient à la France d'ouvrir la voie, par une politique ambitieuse et ouverte de soutien à la langue française, et de mettre en oeuvre les moyens pour non seulement préserver mais également promouvoir la diversité linguistique, richesse essentielle de notre continent.

Plusieurs évolutions pourraient favoriser une telle politique :

- L'examen des candidatures aux concours communautaires émanant des ressortissants des futurs Etats montre que le français ne vient en qu'en troisième position après l'anglais et l'allemand : en conséquence, il faut, par le biais de la stratégie de pré-adhésion et des jumelages, promouvoir auprès d'eux la pratique du français.

- L'effort de coopération linguistique et d'enseignement du français doit porter sur les pays d'Europe centrale et orientale (y compris la Roumanie et la Bulgarie), Chypre et Malte. De ce point de vue, la décroissance de la part de cette zone dans la répartition des crédits de bourses ou dans l'attribution de postes d'expatriés doit être stoppée.

- L'apprentissage d'une seconde langue étrangère n'étant obligatoire que dans sept Etats sur quinze, il faut obtenir la mise en œuvre rapide d'un tel enseignement obligatoire dans l'ensemble des Etats actuels et futurs, notamment par un soutien au plan d'action adopté par la Commission en juin dernier.

- Il convient également que la France intervienne systématiquement auprès des institutions ou organes et agences communautaires lorsqu'elle constate des violations du principe d'égalité des langues ou du régime linguistique propre à l'institution, l'agence ou l'organe concerné.

- Il serait souhaitable de promouvoir auprès de nos partenaires les plus réceptifs à la question (Allemagne, Espagne et Italie notamment) un réflexe de défense du plurilinguisme.

- Enfin, il faut réfléchir à la création d'une Agence européenne de la diversité linguistique. Celle-ci aurait une mission de veille et d'alerte sur le modèle du médiateur européen ainsi qu'une mission de réflexion et de proposition.

Dans cet esprit, il convient de soutenir la proposition de résolution de M. Jacques Brunhes tendant à la création d'une commission d'enquête visant, à partir du bilan des politiques publiques destinées à promouvoir la langue française au plan national, européen et international, à proposer des mesures pour les améliorer et le cas échéant les réorienter.

En conclusion, le rapporteur pour avis a émis un avis défavorable sur les crédits des relations culturelles internationales et de la francophonie inscrits au budget du ministère des affaires étrangères.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la qualité du rapport ainsi que l'intérêt présenté par les propositions du rapporteur pour avis et a indiqué que la proposition de résolution visant à créer une commission d'enquête sur les politiques publiques destinées à promouvoir la langue française serait prochainement examinée par la commission. Il s'agit en effet d'une question importante et il n'est pas sans intérêt de relever qu'au Royaume-Uni, une commission de défense de la langue anglaise a été instituée, ce qui peut sembler pour le moins surprenant au vu de son expansion mais s'explique par le sentiment qu'ont les Britanniques de voir leur langue dénaturée.

Puis, contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la francophonie et des relations culturelles internationales pour 2004.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Paul-Henri Cugnenc, rapporteur sur la proposition de résolution de M. Yves Cochet tendant à créer une commission d'enquête sur la réalité de l'euthanasie en France - n° 1105.

Puis, elle a désigné les membres d'une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Titulaires

Suppléants

M. Jean-Michel Dubernard

M. Jean-Marie Rolland

M. Pierre Morange

M. Jacques Domergue

M. Bruno Gilles

M. Bernard Perrut

M. Claude Gaillard

M. Jean-Pierre Door

M. Yves Bur

M. Jean-Luc Préel

M. Claude Evin

Mme Paulette Guinchard-Kunstler

M. Jean-Marie Le Guen

CR (Non désigné)


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