COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2003
(Séance de 17 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

pages

- Loi de finances pour 2004

· Avis santé (M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis)

· Avis personnes handicapées (Mme Chantal Bourragué, rapporteure pour avis)

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- Information relative à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Heinrich, les crédits de la santé pour 2004.

M. Michel Heinrich, rapporteur pour avis, a indiqué qu'au sein du budget du ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées, les crédits de la santé se répartissent en trois agrégats : l'agrégat « santé publique et sécurité sanitaire », d'un montant de 321,8 millions d'euros, l'agrégat « offre de soins et accès aux soins », auquel seront affectés 1,54 milliard d'euros et une partie de l'agrégat « gestion des politiques de santé et de solidarité », d'un montant global de près d'1 milliard d'euros.

Le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées s'est engagé dans la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), qui veut favoriser le passage d'une culture de moyens à une culture de résultats et le développement de l'autonomie et de la responsabilité de chaque gestionnaire dans une perspective pluriannuelle. Le ministère s'est doté d'une structure de missions et programmes, commune avec le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, en cohérence avec les agrégats du projet de loi de finances pour 2004. La structure développée au titre de la LOLF comporte aujourd'hui sept programmes : santé publique-prévention, veille et sécurité sanitaire, offre de soins et qualité du système de soins, protection maladie complémentaire, familles, personnes handicapées, gestion et évaluation des politiques sanitaires et sociales. En dehors de l'agrégat « gestion des politiques de santé et de solidarité », chaque agrégat devrait prochainement céder la place à deux programmes. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2004, le programme appelé « Santé publique-prévention » de la mission « politique de santé » est présenté à titre de préfiguration de ce que sera demain l'ensemble des projets de performance.

Concernant les agences sanitaires, la canicule a mis en évidence des carences en matière de veille sanitaire auxquelles il faut remédier, notamment en dynamisant et en responsabilisant le paysage des agences sanitaires : 75 millions d'euros sont destinés aux agences de veille et de sécurité sanitaire et 35 emplois nouveaux sont inscrits pour consolider le dispositif des agences. Le gouvernement poursuit un objectif de rationalisation du maillage des agences sanitaires, objectif qu'il faut saluer. Le projet de loi relatif à la bioéthique prévoit que l'Agence de la biomédecine se substituera à l'Établissement français des greffes (EFG), avec un champ de compétences étendu à la greffe, à la médecine de procréation et à la génétique. Selon les informations fournies par le gouvernement, cette nouvelle agence pourrait dans un deuxième temps fusionner avec l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS).

La politique de prévention mérite une attention particulière. Les crédits alloués à la politique de prévention, 189 millions d'euros, sont principalement destinés au financement d'actions en matière de lutte contre l'alcoolisme, le tabac et plusieurs pathologies, dont le cancer et le sida. Des actions sont également prévues dans le domaine de la santé mentale, des suicides ou encore des traumatismes par accident. Des moyens importants sont mis en place pour la lutte contre le cancer, qui est une priorité présidentielle. Le budget finançant le plan de lutte contre le cancer s'élève en 2004 à plus de 59 millions d'euros, dont 18 millions d'euros de mesures nouvelles. Ces crédits permettront d'abord d'étendre à tout le territoire le programme de dépistage organisé du cancer du sein et des efforts seront également faits pour le dépistage du cancer de l'utérus et du cancer colorectal. Le plan de lutte contre le cancer prévoit notamment de développer un système d'information à destination des patients et des familles. Les crédits soutiendront également les associations nationales et les actions de formation professionnelle et contribueront à la mise en place d'un Institut national du cancer à hauteur de 11 millions d'euros.

Il faut également noter la poursuite de l'effort entamé en 2003 pour la formation des personnels de santé avec une augmentation de 13 millions d'euros, soit près de 10 %, qui permettra, d'une part d'envisager le recrutement de 30  000 élèves infirmiers au lieu de 26 400 et, d'autre part, de dégager des moyens supplémentaires importants pour la formation initiale des professions médicales et pharmaceutiques ainsi que pour la formation médicale continue. Concernant la couverture maladie universelle (CMU), les organismes complémentaires et le régime obligatoire seront mis sur un pied d'égalité pour la gestion des prestations complémentaires. Enfin, pour rétablir l'équité entre la métropole et les départements d'outre-mer, le plafond de ressources de 566 euros est majoré de 10,8 %.

Le rapporteur pour avis a ensuite exposé le résultat de ses travaux concernant le plan Biotox.

Le plan Biotox a pour objectif de permettre de faire face à des actes de terrorisme utilisant des substances biologiques. La prise de conscience par les autorités publiques sanitaires nationales de l'ampleur de la menace terroriste de type biologique et bactériologique est très récente. Elle date de septembre 2001. Avant cette date, peu avait été fait pour analyser la menace et préparer des scénarios de réponse, en particulier en ce qui concerne la formation des professionnels de santé. La France était et est toujours en retard par rapport aux Etats-Unis, où la création des Centers for diseases control (CDC) a répondu à la crainte d'une attaque bioterroriste pendant la guerre froide. Le risque bioterroriste ne peut pas être géré de manière totalement indépendante de l'émergence des nouveaux risques sanitaires. L'apparition du SRAS a d'ailleurs été interprétée, à son début, comme une attaque bioterroriste. La bonne gestion de l'épidémie du SRAS ne peut amener à considérer que le dispositif français est efficace à 100 % : en effet, la contagiosité du SRAS s'est révélée en France moins élevée que prévue.

Quelle est la menace ? Le but recherché par d'éventuels terroristes peut être de causer des dommages sanitaires maximaux. Les terroristes pourraient aussi souhaiter créer un choc psychologique. Prenons l'exemple de l'alerte à l'anthrax : si 10 000 enveloppes contenant de la poudre blanche sont envoyées et si une seule contient du charbon, le risque sanitaire est faible. Cependant, d'une part le choc psychologique est important, d'autre part la désorganisation des services sanitaires peut être grande et accroître les dégâts d'une attaque ultérieure. Le risque de bioterrorisme peut prendre des formes très diverses et très particulières. Il faut donc adopter une approche par agent toxique utilisé afin d'apporter la réponse spécifique. A partir des agents utilisés, et en fonction des voies utilisées et des milieux visés (air, eau potable, nourriture, peau...), des scénarios ont été élaborés et des exercices menés. Aux Etats-Unis, les CDC ont hiérarchisé les risques d'agents de bioterrorisme. La classification par degré de dangerosité comporte plusieurs niveaux. La catégorie A comprend des micro-organismes qui peuvent être disséminés facilement ou transmis rapidement entre les patients. Ils sont susceptibles de causer des réactions de panique : variole, charbon, peste, toxine botulinique, agent de la tularémie dans les filovirus et les arénavirus (Ebola, Lassa, Marburg, Machupo, Crimée-Congo). La catégorie B comprend des micro-organismes plus difficiles à disséminer, qui déterminent des maladies moins graves mais qui nécessitent une surveillance et une capacité diagnostique spécifiques. Cela inclut la fièvre Q, les rickettsioses, la brucellose, la mélioidose, les toxines du ricin, le clostridium perfringens et le staphylocoque. Le professeur Didier Raoult suggère l'adoption en France de la même classification, ce qui est d'ailleurs le cas pour l'essentiel.

La réponse à la mesure met directement en cause la responsabilité de l'Etat. Ces enjeux de sécurité civile concernent la vie de milliers de personnes. Le projet de loi relatif à la politique de santé publique, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, précise les contours de cette responsabilité. Le but du dispositif français n'est ni de parvenir à un risque zéro ou à une situation du type « zéro décès », ce qui paraît extrêmement difficile, mais de limiter au maximum les dommages sanitaires causés par une attaque bioterroriste. Les contre-mesures donnent lieu à la constitution de stocks mobilisables (matériel médical et de diagnostic, médicaments et vaccins, matériel de vaccination...). Chaque préfecture doit prévoir, sur la base de la stratégie définie au niveau national, l'organisation de la distribution de ces médicaments ou vaccins. La direction générale de la santé (DGS) effectue la coordination du travail des agences sanitaires puis participe à la décision lors des réunions interministérielles. Compte tenu de la nature transversale du risque, il n'a pas été jugé opportun de créer au sein du ministère de la santé une structure administrative spécifique dédiée à la lutte contre le risque d'attentat bioterroriste. Cependant, une cellule de coordination a été créée et un coordonnateur Biotox nommé cet été.

Quatre types d'actions sont mises en œuvre : la surveillance et la détection, la prévention (notamment grâce aux vaccins), l'organisation du système de soins et l'amélioration de la logistique en ce qui concerne les plans de réponse (hospitalisations de masse et distribution de médicaments ou d'antidotes notamment).

Concernant la surveillance et la détection en matière bioterroriste, l'établissement rapide d'un diagnostic précis est crucial afin d'éviter les éventuelles épidémies. La surveillance et la détection reposent en grande partie sur l'Institut national de veille sanitaire (InVS) qui coordonne l'action des centres nationaux de référence (CNR), dont certains sont spécifiquement consacrés à la lutte contre le risque bioterroriste. Selon les personnes auditionnées, les CNR fonctionnent bien mais une poursuite de leur financement est indispensable et il faudrait de plus créer de nouveaux CNR en particulier pour les toxines (ricin, sarin) ainsi que pour les agents d'épidémie animale et végétale.

S'agissant de la prévention, dans le cas spécifique de la variole, différents niveaux d'alerte ont été définis en fonction de la menace d'attentat ou de la survenue d'un cas dans le monde ou en France. La vaccination d'une équipe nationale multidisciplinaire chargée de prendre en charge les premiers cas de variole sur le territoire a déjà été réalisée. D'autres équipes, déjà identifiées, seraient vaccinées en cas de menace précise d'attentat utilisant le virus de la variole. En présence, dans le monde ou en France, d'un cas de variole, considérée comme étant le plus grand danger mondial si elle était utilisée dans le cadre d'attaque terroriste, le plan Biotox prévoit l'organisation de la vaccination en urgence de tout ou partie de la population résidant en France. La France, qui disposait de stocks de vaccins de première génération, les a complétés en achetant des lots supplémentaires ainsi que le matériel nécessaire à une administration de masse. Une technique utilisant très peu de vaccin a été validée, permettant désormais de disposer d'un stock suffisant pour assurer, le cas échéant, la vaccination de toute la population française. Pour le charbon, qui est le risque le plus probable, on ne dispose pas aujourd'hui de vaccin mais il existe une possibilité de traitement efficace ; c'est pourquoi la France a constitué un stock conséquent d'antibiotiques (quinololones). Il est à noter que le professeur Didier Raoult conteste ce choix et préconise l'utilisation d'une plus grande diversité d'antibiotiques moins onéreux, ce qui faciliterait la gestion des stocks.

L'organisation adéquate du système de soins est assurée par l'action de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS), qui a mis à jour les « plans blancs » correspondant aux procédures et aux moyens à mettre en œuvre en cas d'afflux massif de blessés. En outre, la DHOS a identifié neuf hôpitaux dits de référence qui seront, sur chaque zone de défense considérée, les établissements de soins destinés à assurer la gestion sanitaire de la crise. Des moyens supplémentaires ont été dégagés pour appuyer ce référencement. Le principe d'un don de l'Etat aux établissements a été retenu. Cela permet aux hôpitaux d'intégrer ces matériels dans leur patrimoine, de les amortir et d'en prévoir le renouvellement. L'Etat a ainsi acquis des automates, des extracteurs ADN/ARN et des respirateurs. Le professeur Didier Raoult souligne la nécessité de prévoir à l'avenir la construction dans les très grandes agglomérations de services complets de maladies infectieuses, susceptibles d'être mis en dépression et associés à des laboratoires de type P3, et d'équiper les aéroports internationaux d'infirmeries permettant l'isolement des patients suspects. Enfin, on peut souligner que le ministère chargé de la santé a participé à deux exercices majeurs dans un cadre international : EURATOX 2002 (26 au 29 octobre 2002) et EXINNAT 2003 (24 au 26 juin 2003).

Le financement du plan Biotox s'effectue grâce aux crédits d'Etat et aux crédits de l'assurance maladie (au moyen d'un fonds de concours) en fonction de la nature des opérations à financer. En ce qui concerne les produits (vaccins, antibiotiques, antidotes et matériels connexes), la source de financement est l'assurance maladie. Les autres opérations sont financées par les crédits d'Etat (en investissement et en fonctionnement).

Le 11 septembre 2001 a marqué un tournant. Auparavant, les centres nationaux de référence, et en particulier l'Institut Pasteur faisaient état de l'insuffisance des crédits. Après le 11 septembre 2001, des crédits ont été votés dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2001 afin de renforcer les centres nationaux de référence. Ces crédits, reportés et délégués en 2002, ont notamment permis la création du Centre national de référence dédié au charbon, la mise en place d'astreintes et de permanences dans les CNR, la création au sein de l'Institut Pasteur d'une cellule d'intervention biologique d'urgence et le développement par les CNR de l'Institut Pasteur d'un programme d'innovation technologique.

En 2003, les crédits votés dans le cadre de la loi de finances pour 2002 relatifs à la lutte contre le bioterrorisme n'ont pas été reconduits. La pérennisation des nouveaux CNR et des effectifs recrutés pour le renforcement des CNR existants, notamment ceux susceptibles d'être mobilisés dans le domaine du bioterrorisme, ne pouvait être assurée sans un abondement budgétaire. Des crédits supplémentaires ont donc été dégagés par redéploiement. Pour 2003, les crédits destinés aux CNR s'élèvent à 7,4 millions d'euros. En outre, une subvention complémentaire de 2 millions d'euros est attribuée aux CNR de l'Institut Pasteur de Paris pour la poursuite du programme d'innovation technologique.

Pour 2004, le ministre chargé de la santé a indiqué que le programme d'action BIOTOX fera l'objet de financements spécifiques, répartis entre le budget de l'Etat et l'assurance maladie. Ce programme inclut la constitution et le renouvellement de stocks d'antibiotiques, d'immunoglobulines, d'antidotes et de vaccins afin de faire face à tout évènement de grande ampleur. Des financements supplémentaires interviendront grâce au projet de loi de finances rectificative pour 2003 et par des reports de crédits 2003 non consommés.

En conclusion, le rapporteur pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2004.

Après l'exposé du rapporteur pour avis, le président Jean-Michel Dubernard a souligné l'intérêt du thème retenu, la menace bio-terroriste étant une source d'inquiétude pour les Français.

M. Jean-Luc Préel a posé les questions suivantes :

- Si la participation de l'Etat au financement des instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) augmente de 16 %, on peut s'interroger sur la justification de la participation des budgets hospitaliers. Ne serait-il pas préférable de faire prendre en charge ces dotations par le ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ?

- Quelle sera l'application de l'amendement adopté au rapport annexé du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 prévoyant le financement des mammographies en vue du dépistage du cancer du sein par les crédits de prévention de l'assurance maladie et non par le budget hospitalier ?

- L'article 82 du projet de loi de finances pour 2004 prévoit un montant identique forfaitaire de 300 euros pour les caisses primaires d'assurance et pour les organismes de protection sociale complémentaire agissant dans le dispositif de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC). Cette mise à égalité des régimes de base et des régimes complémentaires préfigure-t-elle une nouvelle architecture de l'assurance maladie ?

Après avoir salué la qualité des travaux du rapporteur pour avis sur le plan Biotox, Mme Hélène Mignon a estimé souhaitable de revaloriser la formation des personnels paramédicaux et d'augmenter le quota de recrutement des infirmières. En effet, les solutions provisoires mises en œuvre, par exemple l'appel à des infirmières étrangères, ne sont pas soutenables à long terme. Par ailleurs, on pourrait envisager la création de maisons de santé situées dans les chefs-lieux de canton afin de disposer de dispensaires proches du terrain susceptibles de désengorger les services d'urgence des hôpitaux.

En réponse aux intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les précisions suivantes :

- S'il convient effectivement de développer les maisons de santé pour désengorger les urgences, ce sujet est traité dans le cadre des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

- Il est exact que les écoles d'infirmières privées sont financées par les crédits de la santé alors que les écoles d'infirmières publiques sont financées par les budgets hospitaliers.

- En ce qui concerne la mesure relative au dispositif de la couverture maladie universelle, la mise à égalité des régimes complémentaires et obligatoires débouche sur une déduction de 300 euros par bénéficiaire couvert par les organismes d'assurance complémentaire.

- En matière de financement de la prévention, ce budget marque un effort important puisque 18 millions d'euros financent des mesures nouvelles relatives à la lutte contre le cancer.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2004.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Chantal Bourragué, les crédits des personnes handicapées pour 2004.

Mme Chantal Bourragué, rapporteure pour avis, a indiqué que le devoir de la collectivité comme de chacun était de changer le regard sur le handicap et les personnes handicapées.

Les perspectives ouvertes par le Président de la République à l'aube de l'année européenne des personnes handicapées ont généré de l'espoir et, partant, des attentes. Comme pour 2003, les crédits du secrétariat d'état aux personnes handicapées veulent répondre à ces attentes. Dans un contexte économique difficile, le budget pour 2004 assume la transition vers la réforme de la loi du 30 juin 1975 annoncée pour le premier semestre. Toutes les lignes budgétaires de l'an passé sont soit augmentées, soit reconduites. Cela témoigne sans aucun doute de l'attachement du gouvernement à la cause du handicap.

L'allocation aux adultes handicapés bénéficie de 4,6 milliards d'euros de crédit en 2004 ; le nombre de bénéficiaires a augmenté de 2,8 % en 2002.

Pour ce qui concerne les centres d'aide par le travail (CAT), 29 millions d'euros de mesures nouvelles sont destinés à l'évolution de ceux-ci et créent notamment 3 000 nouvelles places. Cet objectif prolonge celui de 2003, puisque le gouvernement a décidé dès l'an dernier de créer 3 000 places au lieu de 1 500 initialement prévues. Les places financées en 2003 seront toutes effectivement occupées au 31 décembre 2003 car elles sont liées à des extensions d'établissements existants.

Le budget présenté est de transition tout en demeurant en augmentation. Le montant des crédits du secrétariat d'Etat aux personnes handicapées pour 2004 s'élève à 6,123 milliards d'euros. Les crédits consacrés à l'allocation aux adultes handicapés (AAH) représentent 84 % de la totalité des crédits du secrétariat d'état. Cette allocation est revalorisée chaque année comme les pensions de retraite, soit une indexation sur l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation hors tabac. Les crédits de l'AAH connaissent une évolution toujours dynamique : + 2,6 % en 2000, + 2,8 % en 2001, + 2,9 % en 2002.

La loi de finances pour 2004 prévoit également de poursuivre le développement des places en CAT. Le plan pluriannuel 1999-2003 a permis la création de 8 500 places nouvelles et il est proposé de créer 3 000 places supplémentaires. Ainsi, les crédits consacrés au CAT connaissent une progression de 2,7 %. Cette augmentation comprend une mesure nouvelle d'ajustement pour couvrir l'évolution de la masse salariale d'une part et une mesure nouvelle complémentaire pour la création spécifique de 3 000 places nouvelles en 2004 d'autre part.

En matière d'accompagnement social et d'aide à l'intégration, le plan triennal 2001-2003 en faveur des enfants, des adolescents et des adultes handicapés comporte trois types de mesures : des mesures visant à favoriser le maintien ou le retour des personnes handicapées en milieu ordinaire, des mesures ayant pour objet d'amplifier les efforts de création de places en établissements médico-sociaux et des mesures tendant à moderniser et à renforcer les ateliers protégés. Le projet de loi de finances pour 2004 met l'accent sur les personnes très lourdement handicapées en créant 500 forfaits qui leur sont destinés.

Pour ce qui est des sites de vie autonome, le dispositif a rencontré un large succès. En 2003 soixante-dix départements en disposent. Une mesure nouvelle de 3,85 millions d'euros est prévue en 2004 pour que tous les départements puissent bénéficier en année pleine des crédits de fonctionnement du Fonds d'accès aux aides techniques. Cette mesure est très attendue. La création des sites de vie autonome a révélé l'importance des besoins. De fait, les demandes sont très nombreuses et insistantes.

La rapporteure pour avis a ensuite évoqué l'un des thèmes de son rapport : l'intégration en milieu scolaire ordinaire des personnes handicapées. Les enfants et adolescents handicapés sont soumis à l'obligation éducative. Ils satisfont à cette obligation en recevant soit une éducation ordinaire, soit, à défaut, une éducation spéciale. Cette exigence fixée par la loi du 30 juin 1975 est noble mais elle implique en contrepartie que les moyens mis en œuvre pour la satisfaire soient à la hauteur de l'enjeu. Or le dispositif d'intégration scolaire ordinaire des jeunes handicapés présente des insuffisances. Ainsi, 30 000 élèves sont scolarisés à l'école primaire, 15 000 à l'école secondaire et 7 000 dans l'enseignement supérieur. Ces chiffres montrent que les élèves handicapés connaissent une intégration de plus en plus difficile en milieu ordinaire.

Les parcours scolaires des élèves handicapés peuvent combiner diverses formes de scolarité d'une année à l'autre. Ainsi certains élèves peuvent être accueillis dans des établissements d'éducation spéciale ou dans des établissements médico-sociaux tout en étant intégrés à temps partiel ou complet dans des établissements scolaires ordinaires. Mais là encore se pose le problème du nombre de places disponibles dans des établissements médico-sociaux. Les places dans ces établissements sont notoirement insuffisantes depuis l'amendement Creton car elles sont occupées par des adultes.

L'effort doit être également dirigé vers les services médico-sociaux autonomes ou rattachés aux services d'éducation spéciale et de soins à domicile (SESSAD). Ces établissements accompagnent les familles, aident au développement psychomoteur de l'enfant et soutiennent celui-ci dans son intégration scolaire et l'acquisition de son autonomie. En 2003 une enveloppe complémentaire de 4 millions d'euros a été allouée pour la création de places en SESSAD. Mais les besoins d'accompagnement par les SESSAD sont très importants et ne sont pas satisfaits sur l'ensemble du territoire.

L'autre dispositif de soutien des jeunes élèves handicapés est l'accompagnement par les auxiliaires de vie scolaire créés par la loi relative aux assistants d'éducation du 30 avril 2003. L'auxiliaire de vie scolaire a un rôle très important : interventions dans la classe, participation aux sorties de classe, accomplissement de gestes techniques ne requérant pas une qualification médicale ou paramédicale. Le nouveau dispositif offre des perspectives aux jeunes concernés par le statut des assistants d'éducation chargés de fonctions d'auxiliaires de vie scolaire. Ils pourront bénéficier d'un nouveau contrat de trois ans. Dans tous les établissements scolaires visités, tous les intervenants se sont félicités du rôle des auxiliaires de vie.

Enfin, il convient impérativement de développer les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP) qui ont pour principale mission d'établir un dépistage et un diagnostic précoce des troubles du développement du jeune enfant. Les crédits du plan triennal permettent d'aider ces centres à hauteur de 9,15 millions d'euros.

En réalité la non-scolarisation des enfants handicapés est difficile à évaluer, comme le prouve une étude de la direction de la recherche des études, de l'évaluation et de la statistique (DREES) de janvier 2003. La non-scolarisation peut être transitoire lorsque l'enfant est en attente d'une place. Certains enfants ne sont ni scolarisés, ni accueillis en établissement : le nombre, très difficile à estimer avec précision, est vraisemblablement de quelques milliers. Les données statistiques disponibles ne permettent pas une mise en relation de l'état de santé et de la non-scolarisation.

La rapporteure pour avis a ensuite évoqué le problème de la prise en charge du handicap psychique.

Le handicap psychique relève d'une prise en charge particulière qui doit évoluer dans son adaptation. La secrétaire d'Etat aux personnes handicapées a donné les grandes lignes de son plan pour la prise en compte de ce type de handicap qui s'articule autour de quatre axes :

- la réorganisation des soins en psychiatrie et l'articulation entre le secteur sanitaire et le secteur médico-social ;

- des réponses diversifiées de jour, créatrices de lien luttant contre l'isolement ;

- un projet de loi relatif à l'égalité des chances des personnes handicapées, qui traitera du handicap psychique avec une réflexion particulière ;

- la protection juridique des personnes handicapées.

En conclusion, la rapporteure pour avis a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2004.

Après l'exposé de la rapporteure pour avis, Mme Muriel Marland-Militello a évoqué le problème de la prise en charge des jeunes adultes handicapés, pour lesquels le manque de structures est criant, avant de poser les questions suivantes :

- Est-il prévu, dans le projet de loi annoncé pour le début 2004, de procéder enfin à la réforme tant attendue des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnelle (COTOREP) et des commissions départementales de l'éducation spéciale (CDES) ?

- Qu'en est-il de la réalité des créations des 3 000 places de CAT prévues dans le budget pour 2003 et sur quels critères se sont effectuées les répartitions entre les différentes régions ?

- Va-t-on envisager, pour rendre l'AAH réellement efficace, d'autoriser son cumul avec un salaire ?

M. Pierre Forgues a rappelé que l'année 2003 a été consacrée « année du handicap » et s'est interrogé pour savoir si le projet de budget pour 2004 reflète cette priorité. Certes, les crédits affichent une augmentation, mais l'expérience passée des gels budgétaires incite à être prudent quant à la réalité d'un budget qui n'est, pour le moment, que virtuel. Il convient également de relativiser les efforts en matière d'AAH car la hausse de 2,3 % des crédits, outre qu'elle ne dépasse que de fort peu le taux d'inflation prévisionnel, résulte en fait d'une augmentation mécanique du nombre d'allocataires.

Plusieurs questions demeurent par ailleurs sans réponse après l'exposé de la rapporteure pour avis :

- Qu'en est-il de la réalité des 3 000 places supplémentaires en CAT et en ateliers protégés prévues par le budget 2003 ? Certes, le budget 2004 prévoit à nouveau 3 000 places de plus mais, sur le terrain, les créations effectives semblent se faire attendre. De plus, il ne suffit pas de créer des places. Pour fonctionner, les CAT doivent également avoir du travail, or on constate que les grands donneurs d'ordre délocalisent aujourd'hui de plus en plus leur production pour des raisons d'économies et retirent de ce fait des activités aux CAT.

- Combien de sites de vie autonome ont été effectivement créés et combien en faudrait-il encore pour que tous les départements en soient dotés ?

- Qu'en est-il de l'évaluation du programme Handiscol' lancé en 1999 ? Est-on aujourd'hui en mesure de connaître le nombre d'enfants et d'adolescents qui ne sont pris en charge ni par le milieu scolaire traditionnel ni par une institution spécialisée ?

M. Jean-François Chossy s'est félicité de la présentation d'un très bon budget pour 2004 qui poursuit notamment l'effort initié en 2003 en matière de création de places en CAT. Il s'agit néanmoins d'un budget d'attente de la réforme de la loi de 1975 prévue pour le début de l'année prochaine. Il faut par ailleurs remercier la rapporteure pour avis de s'être intéressée à la prise en charge du handicap psychique, même s'il est dommage que la question spécifique de l'autisme n'ait pas été plus approfondie. Enfin, l'inégalité des offres et des moyens financiers entre les départements pour la prise en charge des personnes handicapées et l'accompagnement de leur projet individuel de vie demeure un réel problème.

Mme Marie-Renée Oget s'est également félicitée de l'intérêt de la rapporteure pour les handicaps psychiques mais a regretté que l'avis ne précise pas les moyens financiers qui pourraient être consacrés à la prise en charge de ces pathologies. Il faut savoir que l'accompagnement des psychotiques est très lourd pour les familles qui ne se voient pas proposer de réponses spécifiques par les institutions, souvent en raison d'un manque de moyens.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a formulé plusieurs observations :

- Il est nécessaire d'augmenter le nombre de places d'accueil dans les SESSAD afin d'aider les parents à affronter le handicap d'un enfant.

- Il convient également de rester attentif à l'extension des capacités d'accueil des instituts médico-éducatifs.

- La rapporteure pour avis a fort justement dénoncé le décalage qui existe, en matière d'intégration en milieu scolaire, entre les enfants et les adolescents, décalage qui entraîne souvent, par manque de places, des ruptures de parcours scolaire fort dommageables.

- Il est regrettable que l'avis n'aborde pas la question de l'autisme avec plus de détail ; il faut rappeler que les familles n'ont souvent pas d'autre choix que de garder à domicile, dans des conditions difficiles, des adolescents soufrant de cette pathologie en raison de l'absence de structures d'accueil dans leur région.

- Pour remédier à l'inégalité de l'offre entre départements il conviendrait, en préalable à la révision de la loi de 1975, de procéder à une évaluation de la situation sur tout le territoire et d'effectuer, comme en 1992, un travail de concertation auprès des associations et des directions départementales de l'action sanitaire et sociale (DDASS).

Mme Hélène Mignon a constaté que, si les CAT manquent de place, ils ont également besoin d'une réelle autonomie financière, ce qui nécessiterait une révision de leur structure juridique et de leur mode de fonctionnement. En effet, on voit trop souvent aujourd'hui des personnes maintenues en CAT alors qu'elles pourraient travailler dans le secteur de droit commun simplement pour préserver le taux de rendement. Quant aux COTOREP de plus en plus de personnes demandent à bénéficier de leur intervention en raison du resserrement du marché du travail. En effet, toutes les personnes souffrant d'un handicap léger qui pouvait auparavant trouver un emploi non qualifié dans le secteur de droit commun sont aujourd'hui refusées. Par ailleurs, qu'en est-il de l'amendement « Creton » sur l'accueil des jeunes adultes dans les instituts médico-éducatifs ? Avait-il une durée d'application limitée dans le temps ? Enfin, il est difficile de connaître le nombre réel d'auxiliaires de vie car la gestion des effectifs est partagée entre deux ministères, celui des affaires sociales et celui de l'éducation nationale.

Aux différents intervenants, Mme Chantal Bourragué, rapporteure pour avis, a apporté les réponses suivantes :

- La question de l'autisme a fait l'objet d'un excellent rapport de M. Jean-François Chossy, député de la Loire, dont les conclusions vont rapidement trouver une traduction législative.

- Le problème du vieillissement des personnes handicapées rejoint celui de la dépendance et doit donc être traité dans ce cadre. Il n'est pas besoin d'apporter de réponse spécifique pour les personnes handicapées âgées de soixante ans et plus.

- La réforme des COTOREP, des CDES et de l'allocation aux adultes handicapés est au cœur du projet de loi que la secrétaire d'Etat aux personnes handicapées s'apprête à déposer au Parlement.

- Il est malheureusement vrai que les sites de vie autonome chargés d'accueillir les personnes handicapées sont encore trop peu nombreux. Il convient en effet de les développer.

- La non-scolarisation des personnes handicapées doit être une préoccupation du législateur. Néanmoins, il est difficile de saisir l'ampleur du phénomène à cause du nombre important des séjours dits « transitoires » qui rend toute comptabilisation précise aléatoire. A l'heure actuelle, on estime entre 5 000 et 14 000, le nombre des personnes handicapées qui ne suivent aucune formation scolaire.

- L'inégalité en matière d'offre d'accueil pour les personnes handicapées entre les départements est une réalité. Il revient à l'Etat de faire en sorte que la répartition de ces lieux soit plus harmonieuse en corrigeant les différences d'investissements réalisés par les collectivités territoriales.

- En matière de handicap psychique, la prise en charge à la fois sociale et sanitaire des personnes atteintes de ces troubles se développe, notamment grâce à l'action d'information menée par l'Union nationale des amis et familles de malades mentaux (UNAFAM), et constitue un nouveau domaine de la politique en faveur des personnes handicapées.

- La disposition introduite par l'amendement dit « Creton » est toujours en vigueur. A l'origine, celle-ci constituait une souplesse, aujourd'hui, elle tend à devenir une contrainte en termes d'offre de places d'accueil.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2004.

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Information relative à la commission

La commission a désigné Mme Martine Carrillon-Couvreur secrétaire de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, en remplacement de M. Pascal Terrasse, démissionnaire.

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