COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES COMPTE RENDU N° 25 bis (Application de l'article 46 du Règlement) Jeudi 22 janvier 2004
(Séance de 9 heures 30) Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président. SOMMAIRE
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- Table ronde, ouverte à la presse, sur le plan Hôpital 2007 |
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| Le président Jean-Michel Dubernard : Mes chers collègues, Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord vous remercier chaleureusement d'avoir répondu à l'invitation de la commission, et en particulier le ministre, M. Jean-François Mattei, que je suis très heureux d'accueillir parmi nous pour cette table ronde intitulée « Hôpital 2007 ». Aujourd'hui, chacun d'entre nous le sait, l'hôpital traverse une crise qui semble avoir atteint un paroxysme. Elle est d'autant plus grave qu'elle touche à la fois les établissements de santé, l'institution et le service public. Oui, nous en conviendrons tous, l'hôpital est en crise : la vétusté des bâtiments, les équipements insuffisants, le cloisonnement des services rendent les conditions de travail chaque jour plus difficiles et cette crise prend en outre une allure de crise de confiance qui s'étend au-delà des seuls personnels hospitaliers. Les crises sanitaires récentes ou encore les affections nosocomiales suscitent en effet des inquiétudes croissantes au sein de la population. En réalité, faute d'ambitions et d'une véritable vision de son avenir, l'hôpital est devenu un orchestre sans chef, un navire sans gouvernail, qui doit pourtant faire face à de nombreux défis technologiques, sanitaires et sociaux. Certes, la qualité des soins reste encore globalement satisfaisante grâce au dévouement exceptionnel des personnels hospitaliers, mais pour combien de temps encore ? Alors que les hôpitaux accueillent près de 500 000 patients chaque jour, l'heure n'est plus aux palabres, mais à l'action avec un seul objectif et un seul mot d'ordre : replacer le malade au cœur de la modernisation de l'hôpital. Je sais que c'est devenu un lieu commun, mais c'est aussi le point de départ le plus simple et le plus efficace pour reconstruire le système hospitalier. C'est précisément pourquoi, dès septembre 2002, j'ai pris l'initiative de réunir ici même une table ronde sur l'organisation interne de l'hôpital. Elle a permis, dans le cadre d'une concertation très large, de dresser un bilan lucide et sans complaisance du malaise hospitalier : je voudrais que l'on retrouve aujourd'hui l'esprit de cette table ronde, c'est-à-dire qu'après l'intervention du ministre, qui malheureusement doit nous quitter pour un temps réduit, chacun s'exprime, donne son point de vue, afin que nous dressions une synthèse à la fin de la réunion. La commission a ensuite décidé de mettre en place une mission d'information sur ce sujet, dont la présidence a été confiée à M. René Couanau. Elle a procédé à l'audition de plus de cinquante personnalités et a effectué un grand nombre de visites sur le terrain. Là encore, le rapport de la mission, adopté à l'unanimité des groupes politiques, a dressé un constat sans concession. Ce rapport s'intitule « Le désenchantement hospitalier », ce qui a une grande signification, et formule des propositions afin de redonner à l'hôpital son excellence et aux hospitaliers la fierté d'y contribuer. Quelques mois plus tard, afin de donner corps à la volonté exprimée par le président de la République, le ministre de la santé a engagé une réforme d'envergure, le plan Hôpital 2007 qui constitue l'un des principaux chantiers de la législature. Cette réforme que le ministre va présenter vise tout d'abord à alléger les contraintes externes qui pèsent sur l'hôpital, avec un effort d'investissement sans précédent de plus de dix milliards d'euros sur cinq ans. Ce véritable « Plan Marshall » s'accompagne de la mise en œuvre de la tarification à l'activité, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, qui va permettre d'apporter plus d'équité, plus de transparence et de médicaliser les financements. Il faut enfin desserrer l'étau des contraintes administratives qui étouffe aujourd'hui les médecins et les éloigne d'autant de leur activité clinique, c'est-à-dire des malades. Mais à quoi sert-il de maintenir de nouveaux édifices si l'on ne s'assure pas que les fondations sont solides ? Ces fondations, ce sont les modalités d'organisation interne de l'hôpital. Ce programme d'investissement représente en effet une formidable opportunité, qui n'avait pas été saisie lors de la mise en œuvre de l'aménagement de la réduction du temps de travail, de réformer la gouvernance de l'hôpital. Ce faisant, il s'agit tout à la fois de garantir un meilleur emploi des ressources disponibles et de motiver et de responsabiliser chaque acteur au quotidien, en lui redonnant d'avantage d'autonomie. Je comprends naturellement qu'une réforme de cette ampleur suscite aujourd'hui des interrogations et des inquiétudes. Pourtant, ce n'est pas la réforme, mais bien l'immobilisme qui menace l'existence même de l'hôpital public. L'ensemble du système de santé s'en trouve profondément déstabilisé. C'est pour répondre à toutes ces interrogations et réfléchir ensemble aux conditions du succès de cette réforme ambitieuse que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a souhaité organiser cette table ronde. A cette fin, nous avons invité trois grands témoins qui ont accepté de venir nous faire part de leurs analyses et de leurs propositions. Je les remercie à nouveau très chaleureusement. A partir de leurs contributions, je souhaite que le débat s'engage avec vous tous. Permettez-moi de vous les présenter : - M. René Couanau, député d'Ille-et-Vilaine, président de la mission sur l'organisation interne de l'hôpital, président du conseil d'administration du centre hospitalier de Saint-Malo et vice-président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ; - M. Benoît Leclercq, directeur général des hospices civils de Lyon et coauteur du rapport sur les spécificités des CHU ; - M. Guy Vallancien, chef du département d'urologie à l'Institut Montsouris et coauteur du rapport sur la modernisation de l'hôpital public et de sa gestion sociale. Outre les députés, les invités à cette table ronde sont tous des acteurs de l'hôpital : médecins, infirmiers, administratifs, syndicats ou personnalités qualifiées. Il m'a semblé en effet essentiel de rassembler tous les acteurs autour d'une même table. Cette réforme de la dernière chance doit réussir ; j'allais dire qu'elle est condamnée à réussir. C'est ma conviction. Mais il faut pour cela qu'elle soit véritablement comprise et portée par ceux qui devront la faire vivre au quotidien. La matinée s'organisera de la manière suivante : dans un premier temps, le ministre va nous présenter le plan Hôpital 2007. Il partira en raison d'un impératif à Matignon, mais il reviendra. Après l'intervention du ministre, chaque grand témoin s'exprimera pour développer son analyse et ses propositions, puis un débat s'engagera alors avec la salle. A la fin, nous procéderons à une synthèse des débats, avant que le ministre ne conclue nos travaux. M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées : Monsieur le président, Mesdames, Messieurs, je voudrais tout d'abord vous dire que je suis très heureux d'être parmi vous. Je sais que, dans ces lieux, il y a un an et demi, vous avez déjà débattu de l'avenir de l'hôpital ; les débats d'alors ont inspiré notre démarche et la trace s'en retrouve désormais dans les différents textes qui ont été construits et discutés. Je suis heureux d'être parmi vous également car aujourd'hui, contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, la majorité des professionnels hospitaliers pense que la voie que nous avons choisie mérite d'être tentée : plus de responsabilité, plus de souplesse pour un soin meilleur. Mais naturellement, je ne peux pas ignorer, et personne n'ignore, qu'aujourd'hui certains hospitaliers manifestent car ils sont évidemment à l'épreuve dans leurs conditions de travail, sur le plan budgétaire ou sur le plan des personnels. C'est l'expression d'une insatisfaction qu'il faut naturellement prendre en compte. Nous sommes dans une période un peu difficile. Un certain nombre de prises de conscience apparaît aujourd'hui, alors même que nous sommes en train de remonter la pente et de sortir de la crise la plus profonde. Nous étions et nous sommes toujours confrontés à des problèmes budgétaires graves, mais ils vont plutôt aller en s'améliorant. Nous sommes confrontés à des conditions immobilières et d'équipement qui ne sont pas bonnes mais, dans les cinq années à venir, la situation va s'améliorer et les premières grues sont déjà là. J'ai commencé à poser les premières pierres. Enfin, cet hôpital un peu désabusé a toute la possibilité de retrouver sa cohérence et de sortir de ce désenchantement dont parlait très justement M. René Couanau. Je voudrais rappeler simplement la situation du monde hospitalier telle que nous l'avons trouvée en 2002 et qui perdure pour une grande partie. Nous étions face à un hôpital confronté à une pénurie de personnel, avec des équipes à flux tendus. L'application rapide, brutale et sans anticipation de la réduction du temps de travail m'avait d'ailleurs conduit à demander un rapport à M. Angel Piquemal qui nous a amenés à discuter et à négocier, et je leur en sais gré, avec les partenaires sociaux, les syndicats, les représentants des médecins et des personnels, l'application progressive du temps de travail. C'est extrêmement difficile ; cela a demandé des efforts financiers considérables, avec évidemment ici ou là quelques ratés qui ne m'ont pas échappé. Mais il faut bien reconnaître qu'avec cela, chacun a compris que si la réduction du temps de travail était probablement une avancée sociale, elle était inadaptée dans son application et que surtout, on n'avait pas su saisir cette occasion pour restructurer les équipes et réorganiser l'ensemble des établissements. Chacun m'a dit, avec beaucoup de bon sens, que la réduction du temps de travail est très difficile à appliquer dans des petites équipes, des petites unités ou des petits services ; avec des équipes beaucoup plus grandes, on bénéficie de plus de souplesse et de flexibilité. Par ailleurs, les administrateurs et les directeurs d'hôpitaux sont confrontés à une accumulation de contraintes administratives qui pèsent sur l'hôpital, et notamment un code des marchés publics qui rend toute opération aléatoire et étendue dans le temps. On a bien compris depuis les ordonnances de 1996 que le public et le privé ne sont plus concurrents, mais on ne peut pas dire qu'ils sont devenus complémentaires, ni qu'ils s'associent dans des tâches communes. Autrement dit, comme Jean-Michel Dubernard l'a très bien expliqué, on a des hospitaliers compétents, fiers de leur mission publique, fiers de leur vocation médicale, mais totalement désarmés face à cette adversité à tous les niveaux. Pourtant, ils sont décidés à prendre les choses en main et c'est ce qui a amené, dans la préparation des élections 2002 et tout de suite après, à faire le choix du plan Hôpital 2007, c'est-à-dire le choix d'une sorte de défi : en moins de cinq ans, remettre l'hôpital debout. Mais évidemment, il faudra ces cinq années : on ne peut pas avoir du jour au lendemain, d'un claquement de doigts, des médecins à profusion, des infirmières sollicitant leur embauche, des établissements reconstruits et des équipements achetés et en état de marche. Il faut donc que chacun comprenne que les difficultés perdurent, mais que nous sommes néanmoins en train d'y remédier. Ce plan Hôpital 2007 comporte plusieurs volets. Il concerne d'abord la relance de l'investissement hospitalier. Cette relance de l'investissement hospitalier de manière extrêmement volontariste est une nécessité. J'avais évoqué la possibilité d'un grand emprunt national, mais il paraît que c'est passé de mode. Nous avons donc choisi une autre méthode qui, partie de 6 milliards d'euros, arrive aujourd'hui à un investissement de 10,2 milliards d'euros sur les cinq années. Les 937 opérations sont désignées, elles sont fixées. Elles sont assez extraordinaires car elles sont diversifiées. Elles concernent naturellement en très grande majorité l'hôpital public, mais elles accélèrent surtout la recomposition du paysage sanitaire et modernisent les équipements. Par ailleurs, elles développent le nouveau concept de groupement de coopération sanitaire, c'est-à-dire le rapprochement d'hôpitaux publics-publics, privés-privés et publics-privés. Je peux d'ores et déjà vous affirmer qu'à Arras, à Paray-le-Monial où je suis allé, à Oyonnax et dans bien d'autres endroits, les opérations de reconstruction commencent déjà ainsi que le regroupement des hôpitaux publics et privés. C'est parti. Elles seront suivies de dizaines d'autres. Je suis à peu près persuadé qu'avec ces moyens-là, nous allons reconstruire et redessiner notre parc hospitalier français. Sans entrer dans le détail maintenant, mais je le ferai peut-être en conclusion, j'ajoute que dans cette somme considérable, des chapitres ont été arrêtés pour que la distribution soit équitable. Mais par exemple, pour les seules urgences qui constituent aujourd'hui un problème majeur en raison de locaux, il faut bien le dire, qui ne sont pas à la hauteur, nous avons près de 700 millions d'euros. Il y a 1,2 milliard d'euros pour l'obstétrique, les maternités, la périnatalogie, la réanimation néonatale. Je ne vous présente pas le détail, mais il faut que vous sachiez que cela a été pensé, construit avec la complicité des agences régionales de l'hospitalisation (ARH) qui ont été naturellement beaucoup consultées. Puis, il y a la refonte de l'organisation sanitaire par l'ordonnance du 4 septembre 2003. Elle permettra de contractualiser les autorisations entre les établissements et l'ARH, avec pour critère unique le SROS. La carte, c'est fini ! Ces rigidités qui font que, si on veut ouvrir deux lits d'hospitalisation à domicile, il faut en rendre de l'autre côté en hospitalisation conventionnelle, ne sont pas supportables. Nous avons donc clairement décidé d'assouplir le système. Le SROS deviendra le véritable outil de dialogue et de construction stratégique, et non plus le produit de critères technocratiques dépassés. J'ajoute que cette ordonnance permet d'externaliser la construction hospitalière. M. Leclercq vous le dira probablement, mais j'ai vécu cela comme beaucoup d'entre vous : construire un hôpital, c'était faire un marché de la menuiserie, un marché de la peinture, un marché de la plomberie, etc., avec tous les aléas que cela comporte. Désormais, nous pourrons bénéficier de marchés globaux. Enfin, depuis le 10 janvier, et ce n'était en effet pas dans l'ordonnance, le code des marchés publics est revu et corrigé. Il va assouplir les choses. En milieu d'année, on ne pourra pas nous dire que l'on ne peut plus avoir tel produit parce qu'on a dépassé la somme maximale possible avec tel ou tel fournisseur. Tout cela est arrangé. Le troisième point important avant d'entrer dans la gouvernance est la tarification à l'activité. Je ne vais pas rentrer dans le détail, mais si vous voulez, nous pourrons en discuter tout à l'heure. La tarification à l'activité est une obligation qui s'impose d'évidence car je ne connais pas plus de deux systèmes pour financer un hôpital. Dans le système qui vient d'en haut, l'enveloppe globale dégringole de l'administration centrale. On dote un hôpital qui utilise son enveloppe, d'une manière d'ailleurs opaque. Puis, les mécanismes d'adaptation étant insuffisants, très rapidement les hôpitaux immobiles et frileux se retrouvent bien à l'aise dans des enveloppes confortables et les hôpitaux innovants, qui entreprennent, qui vont de l'avant et développent des activités se trouvent à l'étroit, se retrouvent complètement enserrés et donc très vite contraints à des reports de charges, se voyant taxés quelquefois de mauvaise gestion. C'est assez invraisemblable. Par ailleurs, j'ajoute la précision suivante pour ceux qui craignent que la tarification à l'activité n'entraîne des inégalités : vous savez comme moi, pour ceux qui sont dans les hôpitaux, qu'il n'était pas rare, au mois d'octobre, que l'on commence à reporter des interventions programmées de prothèse de hanches ou des interventions beaucoup plus lourdes parce que l'enveloppe globale arrivait à son terme et qu'il fallait soit attendre, soit transférer dans le privé. Quand j'entends dire parfois que la tarification à l'activité pourrait être source de choix, de sélections, de discrimination, je m'élève naturellement en faux. D'ailleurs, depuis 1983, date à laquelle elle avait probablement été utile pour mettre un terme au système des rallonges budgétaires réclamées sans fin, tout le monde souhaite la tarification à l'activité et elle a d'ailleurs été proposée, au fil des gouvernements, par les uns et par les autres. Il fallait faire le saut. C'est le syndrome du plongeoir : quand vous avez envie de sauter et que vous êtes au bout de la planche, il vous arrive d'hésiter. Maintenant, nous sommes au bout de la planche. La tarification de l'activité ne vient pas d'en haut : les hôpitaux vont construire eux-mêmes leur propre budget par leur activité. J'entends encore certaines récriminations évoquant la péréquation d'une région à l'autre. Plus rien ne justifie une péréquation. Les hôpitaux feront leur propre budget et il n'y aura plus besoin de corriger quoi que ce soit. Bien entendu, il faudra répondre à des questions légitimes à propos desquelles je pourrai vous apporter des éclaircissements, notamment au regard de la sélection des patients. Naturellement, nous ne voulons pas que les patients soient sélectionnés. Naturellement, il ne doit pas y avoir de plans sociaux. Il ne faut pas confondre la santé et la comptabilité. Nous ne sommes pas en train de faire des entreprises à caractère commercial destinées à dégager des bénéfices. En réalité, tout cela montre que nous allons donner de la liberté, de la souplesse et donc de la responsabilité aux établissements. Par ailleurs, comme la tarification à l'activité est une révolution conceptuelle, elle a d'abord été expérimentée pendant un an à l'aide de deux méthodes différentes : une mission spécifique a été créée au ministère de la santé pour accompagner la formation des équipes. Les directeurs d'hôpitaux, les ARH le savent, c'est de la comptabilité analytique. Les directeurs m'ont exprimé le souci suivant : certes, ils pourront la mettre en place au niveau de l'équipe, mais quand il s'agira de tarifer au quotidien et que l'ensemble des équipes soignantes devra s'y mettre, la tâche sera peut-être un peu plus difficile. En réalité, je crois que nous sommes prudents : nous avons décidé de le faire sur huit ans avec, la première année, seulement 10 % du budget construit sur l'activité puis la deuxième année, probablement 20 % ou 25 %, nous verrons. La montée en puissance sera progressive. Par ailleurs, la tarification à l'activité s'appliquera sur les seules activités facilement tarifables, c'est-à-dire la médecine, la chirurgie et l'obstétrique. Il ne s'agit pas tout de suite de vouloir mettre dans le moule de la tarification à l'activité la psychiatrie, les urgences et un certain nombre d'autres activités. En outre, je m'empresse de dire - parce que je vois qu'il y a un certain nombre d'hospitalo-universitaires parmi vous -, ce qui est de la recherche, de la formation et puis pour l'ensemble des hôpitaux ce qui concerne l'accueil de la précarité et, d'une façon générale, les services d'intérêt généraux seront naturellement financés par une enveloppe forfaitaire. Je crois donc que ce système va placer les gens devant la nécessité de se rendre compte de ce qu'ils font et d'en tirer les fruits. Je crois que c'est important. Naturellement, tout cela n'a de sens que dans la mesure où l'hôpital retrouve une cohérence dans son organisation interne. En effet, il nous fallait rénover la gouvernance de l'hôpital. Pour ce faire, le rapport parlementaire de la mission Couanau, le rapport que j'avais confié à MM. Perrin, Vallancien et Debrosse pour l'hôpital public en général et le rapport confié à MM. Ducassou, Jaeck et Leclercq pour le CHU nous ont permis, d'ailleurs d'une façon assez satisfaisante et réconfortante, de voir que les grandes lignes se recoupent, qu'elles s'imposent. En définitive, il ne s'agit pas d'avoir tout d'un coup une idée ; les faits sont têtus. On voit bien qu'à l'hôpital, on doit regrouper, rapprocher, réassocier les soignants et les administratifs, que l'on doit aller vers plus de responsabilités au niveau des équipes et que chacun devait avoir le sentiment de disposer des moyens qu'il a demandés pour travailler et en contrepartie de rendre des comptes. C'est tout le problème de la gouvernance. Je vois parmi vous quelques-uns qui l'ont accompagné dans la concertation, dans le dialogue et in fine dans la négociation véritable, et qui ont apposé leur signature sur le relevé de conclusions. Cette gouvernance sera mise en place au cours de l'année. Nous nous sommes fixés trois ans au maximum pour l'ensemble des hôpitaux après une phase expérimentale de quelques mois. Nous revoyons le rôle du conseil d'administration, recentré sur trois responsabilités principales : stratégie, évaluation et contrôle, avec naturellement le pouvoir de demander un comité d'audit ou un plan de redressement. Il reste présidé par le maire ; c'est un sujet dont vous aurez peut-être à discuter car nous avons ici un grand témoin, en l'occurrence René Couanau, qui est l'exception qui confirme la règle, à savoir qu'il pense que le maire ne doit peut-être pas obligatoirement être le président. Or, je vous signale que René Couanau est quand même président du conseil d'administration du centre hospitalier de Saint-Malo. En réalité, nous en discuterons, vous en discuterez : le maire s'avère quand même celui qui a la plus grande légitimité pour ce faire. Ce conseil d'administration sera accompagné d'une instance nouvelle. Il s'agit d'une vraie création : un conseil exécutif paritaire, composé pour moitié de médecins et pour l'autre moitié d'administratifs, présidé par le directeur qui conserve naturellement son équipe de direction pour faire fonctionner l'hôpital. Ce conseil exécutif aura la responsabilité d'élaborer à la fois le règlement intérieur, le projet d'établissement et l'organisation interne. Bref, il sera à la manœuvre pour l'ensemble des grandes décisions qui seront prises à l'hôpital, je vous le rappelle, entre les médecins et les administratifs. J'ajoute, parce que mon regard s'est arrêté sur le doyen Bernard Charpentier, que naturellement, pour les CHU, le doyen sera membre du conseil exécutif. Nous allons nous atteler, dans les semaines à venir, à la superstructure des CHU afin que l'on ne « casse » pas l'outil hospitalier en le séparant de l'outil universitaire. Ce conseil exécutif sera accompagné de la commission médicale d'établissement et du comité technique d'établissement. La commission médicale, contrairement à ce qui a été dit, va se trouver renforcée dans ses responsabilités. Elle va en effet désigner ses représentants au conseil exécutif et au conseil d'administration. Le président de la CME siégera à la fois au conseil exécutif et au conseil d'administration avec voix délibérative. Par ailleurs, la CME sera sollicitée sur l'ensemble des projets soumis à délibération au conseil d'administration et sera également consultée sur les aspects budgétaires. L'hôpital sera organisé en pôles d'activités. Le pôle d'activité n'est que le dernier chaînon de ce raisonnement qui depuis presque quinze ans, nous a conduits à bâtir les départements et les fédérations de services. Pourtant, ces dernières n'étaient pas véritablement homogènes parce qu'il n'y avait pas de lieu unique de décision, ni de partage du personnel, des équipements et des moyens. Le pôle d'activité sera une entité ayant une réelle importance autour d'un coordonnateur de pôle désigné sur la proposition des praticiens du pôle, selon le souhait des médecins, ce que je comprends tout à fait. Mais ce coordonnateur de pôle, et c'est une nouveauté, sera nommé conjointement par le directeur et le président de la CME. Une grande homogénéité se crée donc. Les médecins, qui ont souvent exprimé leur crainte de tout perdre vis-à-vis des administratifs, sont au contraire impliqués comme ils ne l'ont jamais été. Quant aux directeurs, pour la première fois, ils vont nommer des médecins, ce qui ne leur était jamais arrivé. C'est donc une intervention dont on ne peut pas dire que les uns y perdent par rapport aux autres. Je dirai pour ma part qu'il s'agit d'une opération « gagnant-gagnant ». Les médecins entrent dans la dimension de gestion et par ailleurs, participent à la nomination de leurs pairs. Le directeur, qui est notamment garant de l'homogénéité, va contribuer à cela. Les médecins m'ont fait valoir que les pôles d'activité étaient une bonne chose, mais que si l'on avait un grand pôle, par exemple tête et cou, il fallait que les différentes spécificités médicales constituant le pôle conservent une identité sous la forme des services. Nous avons donc gardé la structure des services autour de la responsabilité médicale, des pratiques médicales de la spécialité, de l'enseignement des référentiels et des protocoles. Les services sont donc conservés autour de l'activité médicale et la responsabilité médicale restera au chef de service. Ces chefs de service seront nommés selon une double démarche : tout d'abord, ils seront inscrits sur une liste d'aptitude nationale validée par le ministre ; ensuite, la personne déclarée apte à être chef de service décidera, en fonction de la publication des postes « au fil de l'eau », de l'endroit où elle a envie de se présenter ; enfin, elle se présentera dans l'hôpital, appréciera si elle peut rentrer dans la démarche de contractualisation interne du pôle dans lequel elle aimerait exercer les fonctions de chef de service. Si les choses se présentent bien, si un accord se dessine, le directeur et le président de la CME valideront l'affection du chef de service. Notre démarche va vers l'homogénéité des équipes et la poursuite d'objectifs communs. Je suis persuadé que cela révolutionne un peu les choses mais cela va nous aider considérablement à réveiller les hôpitaux. Il y a une double logique de contractualisation : externe avec l'ARH (le projet d'établissement sera discuté avec l'ARH en fonction de son désir de développer telle activité, de se rapprocher de tel autre établissement, etc.), contractualisation interne entre, d'une part, le conseil exécutif (et donc la direction de l'hôpital) et, d'autre part, les pôles. Ces derniers auront défini un projet de pôle, dont évidemment une grande part sera constituée du projet médical lui-même, associé aux moyens et aux personnels gérés au niveau des pôles. Cette logique de responsabilité est basée sur le contrat. Enfin, dans le projet initial du plan Hôpital 2007, étaient prévues des discussions sur les statuts des directeurs et des praticiens hospitaliers ainsi que sur la partie « dialogue social » pour le personnel hospitalier non médical. Au fil de la discussion, il s'est avéré nécessaire d'aller vers des discussions parallèles pour ces sujets. La gouvernance, en termes d'organisation, est arrivée à son terme. Elle est validée par une majorité d'acteurs hospitaliers et même par une très large majorité. Les négociations statutaires se poursuivent avec les praticiens, les directeurs et les hospitaliers. Pour finir, je le répète parce que j'ai bien perçu l'inquiétude des hospitalo-universitaires qui s'inquiètent de leur sort, je rassure les doyens, les présidents de CME de CHU et les directeurs généraux de CHU : les particularités et spécificités des CHU seront naturellement prises en compte d'ici la fin du mois de février pour que l'ensemble constitue un tout homogène. Il y a là une capacité à sortir notre hôpital de ses difficultés et de son désenchantement, pour reprendre le terme désormais consacré. Si nous avons de l'enthousiasme, nous allons y arriver. Je n'ai pas parlé des problèmes de démographie ; je n'ai pas parlé des problèmes de moyens. J'en reparlerai tout à l'heure. Je n'ai pas parlé des plans qui viennent se surajouter comme le plan « Urgences », qui est hors Hôpital 2007, pour près de 500 millions d'euros. Je n'ai pas parlé du plan « Périnatalité » qui va être annoncé d'ici un mois de demi à peu près. Je n'ai pas parlé du plan « Santé mentale » qui sera annoncé avant l'été, tout autant de points particuliers qui viendront porter notre attention sur des éléments plus particulièrement en difficulté. M. René Couanau, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'organisation interne de l'hôpital : Je ne bouderai pas notre satisfaction. Elle est d'abord un peu formelle : quelques mois après la remise d'un rapport, nous constatons qu'il n'est pas mis dans un tiroir. Pour les non-initiés, je précise que c'est quasiment une première, même s'il y a eu quelques autres exemples. Un temps administratif d'un an n'est pas trop long. En outre, il ne s'agit pas que de notre rapport puisque deux autres rapports avaient été remis par d'éminents experts, dont le constat et les conclusions rejoignaient largement les nôtres. Ma deuxième satisfaction est qu'effectivement, les orientations présentées ici et discutées actuellement avec les différents partenaires correspondent aux orientations que nous avions préconisées. Je ne vais pas revenir sur le constat que nous avions tous largement partagé. Je rappelle que mes collègues ont adopté ce rapport à l'unanimité, ce qui est aussi un peu une première dans cette maison. Simplement, nous avions parlé de « désenchantement » autant que de « crise » car il nous semblait que l'aspect « perte de moral » à l'hôpital était aussi dangereux que les difficultés matérielles, démographiques et autres. Je vous rappelle ce que nous avions écrit à propos du paradoxe hospitalier : « Jamais une organisation n'a aussi peu favorisé les adaptations, la réactivité et disons même l'intelligence, et pourtant les compétentes, les initiatives et le dévouement foisonnent, inventent, surmontent les obstacles et les difficultés ». Pourtant, nous laissions entendre qu'elles passaient plus de temps à surmonter ces difficultés qu'à avoir toute la capacité à innover. Nous disions donc que certes, l'hôpital marche, mais pour combien de temps encore ? Nous appelions l'attention de tous sur l'urgence de la réorganisation de l'hôpital. Je voudrais également dire que, bien entendu, en nous axant sur l'organisation de l'hôpital, nous n'oublions pas le contexte général qui est rappelé encore ces temps-ci : le contexte démographique, le personnel médical, les personnels de soins et la mise en place des 35 heures, etc. Nous disions que ce serait fortement négliger un des facteurs de difficulté que de ne pas se pencher sur l'organisation de l'hôpital. Ce sujet semblait être une sorte de tabou depuis quelques années. Il ne l'est plus. Pourquoi ? Parce qu'il s'agissait du « polygone de sustentation ». Comme l'a dit le ministre, si l'on veut remettre l'hôpital sur pied, il faut que le polygone de sustentation soit assuré ; or ce polygone ne nous paraissait pas assuré et sa base nous paraissait plutôt branlante Nous sommes bien conscients que l'organisation ne suffit pas. Mais comme, l'a rappelé le ministre, avec qui je suis totalement en phase pour le plan Hôpital 2007 et pour cette partie-là, cela s'accompagne du financement d'investissements maintenant programmés et d'une modification que nous avions recommandée la plus rapide possible : la tarification à l'activité. Nous ne mésestimions pas les difficultés de mise en place, mais il était temps d'y passer car nous trouverons toujours dans les prochaines années de bonnes excuses pour rester à la dotation globale. Sur ce sujet, le ministre a même anticipé les événements. Sont également nécessaires des assouplissements, notamment sur les marchés. Je note quand même, et je voudrais le dire au ministre et à ses collaborateurs, que l'expérience que j'ai faite moi-même et que l'on m'a rapportée à propos d'autres établissements montrerait que l'assouplissement de la passation des marchés n'aboutit quand même pas à la réduction des délais que nous avions espérée. C'est un progrès, mais peut-être faudrait-il se pencher sur l'exécution. Enfin, la signature des contrats d'objectifs, l'accréditation accélérée et les plans annoncés nous paraissent constituer un bon ensemble. Les orientations vont donc dans le bon sens. Elles vont fortement dans le sens préconisé. Je voudrais souligner trois points importants. Premièrement, le couple administration/médecins nous semble rapproché et même réhabilité. L'organisation préconisée ne va pas laisser se poursuivre cette situation où les médecins ont l'impression d'être ignorés par les grands choix administratifs et budgétaires et où l'administration semble un peu éloignée des décisions d'ordre médical. Le conseil exécutif, appelons-le comme on veut, qui fait se joindre la direction et l'émanation de la commission médicale, me paraît être une bonne chose. Même appréciation en ce qui concerne la désignation des membres de la commission médicale par le corps médical. Je sais bien que les autres personnels nous font observer qu'eux-mêmes sont un peu écartés de la décision : ils ne le sont pas puisque les organismes de concertation restent ce qu'ils sont. Il faudra peut-être simplifier parce que le nombre de conseils dans un hôpital nous avait paru devoir être un peu réduit. Là, il est un petit peu augmenté. Mais peut-être est-ce pour mieux réduire la prochaine fois ; je fais crédit au ministre et à son ministère dans cette affaire. Le couple administration/médecins nous paraît donc réconcilié. Deuxièmement, je dis oui aux pôles d'activité, mais naturellement je ne suis pas favorable à une accélération du mouvement et à une disparition des services. Il est apparu à tous nos consultants que la notion de service était assez proche du malade, que l'organisation du terrain demeurait, mais que le service conduisait souvent à la balkanisation et qu'il fallait naturellement les organiser dans des pôles d'activité. Je crois que le mouvement est bon. Il est opéré dans quelques établissements et là, il est fortement encouragé. Troisièmement, on rentre dans un système de contractualisation externe avec l'ARH et dans une contractualisation interne : les pôles d'activités auraient progressivement des délégations, à la fois sur le plan médical, mais aussi sur le plan des services. J'espère que cela concernera l'intéressement, car vous savez bien qu'il n'y a de persistance dans la bonne volonté que si elle est accompagnée de moyens et d'effets financiers. Il faudra y veiller. Enfin, nous prenons acte des décisions concernant le conseil d'administration. Nous avons préconisé soit un système étatique, soit un système d'établissement avec un fort conseil d'administration. On ne choisit pas tout à fait la voie d'un fort conseil d'administration : j'observe tout d'abord, et c'est peut-être un sujet à aborder dans la discussion, que le conseil d'administration sera fortement dessaisi du pouvoir de nomination des chefs de pôles, dont la nomination sera remise à la fois à l'émanation de la CME et à la direction. Il y a peut-être quelquefois nécessité d'un arbitrage. Je ne sais pas par qui il sera donné : sera-t-il donné par le ministre ou par le conseil d'administration ? C'est à voir. Il reste encore un certain nombre d'autres points qui sont davantage remis à la direction et à la commission médicale qu'au conseil d'administration. J'en prends acte. Sinon, il aurait fallu aller jusqu'au bout, c'est-à-dire mettre en place de véritables conseils d'administration. Or qu'est-ce qu'un conseil d'administration qui n'est pas responsable des recettes ? Puisque les financeurs ne font pas partie du conseil d'administration, nous sommes là dans une organisation un peu particulière. Je reconnais que le ministre a adopté une orientation intéressante qui fait du conseil d'administration non pas un conseil d'administration, puisqu'il n'administre plus, qu'il ne nomme pas le directeur, qu'il ne décide ni des dépenses, ni des recettes, mais plutôt un conseil d'orientation et un conseil de surveillance. Mettons les choses au clair. Disons clairement que c'est cela, et non pas une sorte de conseil d'administration, qu'il soit présidé ou non par le maire. Mes collègues maires veulent absolument conserver la présidence du conseil d'administration. Pourtant, je ne crois pas que ce soit forcément une nécessité. Je note que le texte ouvre la possibilité qu'un autre élu ou une personnalité qualifiée soit élue par le conseil d'administration pour prendre la présidence, naturellement en accord avec le maire, on ne doit pas se faire d'illusion. Sur ce sujet, je me rangerai naturellement à la majorité, mais je continue à penser qu'une chose est d'être élu par ses concitoyens pour administrer une collectivité et une autre est d'administrer un système de santé. Là-dessus, je ne suis pas sûr que nous soyons tout à fait dans la bonne voie. Trois préoccupations demeurent après cette longue liste relevant la conformité du texte qui nous est présenté avec les préconisations que nous avions proposées. Je constate que la plupart des points proposés par la mission sont repris dans le projet du ministre. Premièrement, ne sont pas très claires, mais peut-être la discussion sur le statut des directeurs va-t-elle pouvoir les éclairer, les relations entre la direction et le conseil d'administration. Un directeur continue à être nommé par le ministre, probablement avec avis du président du conseil d'administration : cela renforce l'idée que le conseil d'administration n'en est pas un. Dans ce cas, tirons-en les conséquences. Ce lien n'est pas clair. Il est plus clair avec la CME. Nous étions conscients des problèmes du service public. Notre référence était plutôt les établissements participants au service public où, vous le savez, le président du conseil d'administration a la responsabilité du recrutement du directeur, avec les responsabilités conjointes et la contractualisation qui s'en suivent. Nous n'en sommes pas là. Mais je reconnais, en tant qu'ex-homme du service public, qu'il faut bien rentrer dans les contraintes du service public. Deuxièmement, nos préoccupations allaient bien au-delà de la seule administration de l'hôpital. L'hôpital n'est pas une île indépendante du système de santé. La gouvernance du système de santé nous intéresse également. Est-ce que les mêmes tombereaux de directives, de normes et de références vont continuer à s'abattre sur des établissements dont on veut qu'ils soient davantage autonomes ? Dans ce cas, la part d'autonomie serait réduite. Je demande donc une modification générale du système de gouvernance du système. Nous avions par exemple préconisé qu'aucune norme ne soit édictée sans avoir été préalablement testée et sans que son impact n'ait été chiffré en heures, en personnel, en moyens, etc. Je ne vois pas apparaître cela, mais je suis sûr que c'est dans l'esprit du ministre et de ses collaborateurs. Je dis donc simplement : ne faisons pas une simple réforme de l'hôpital, sans nous réformer nous-même. Je m'adresse là au ministère que je vois plutôt dans un rôle d'animation de la réforme que dans un rôle d'accablement des hôpitaux par des normes, directives et autres circulaires qui, vous le savez, demandent de plus en plus de personnel pour les interpréter et de plus en plus de temps pour les appliquer, alors qu'on ne les applique pas. Il faut garder la tête froide. Troisièmement, je crois que tout sera dans la mise en œuvre. Les textes précédents donnaient aux hôpitaux toute liberté de s'organiser, à travers le fameux « amendement liberté » que peu d'établissements ont utilisé. Pourquoi n'ont-ils pas utilisé cette possibilité de s'auto-organiser ? On le redira donc dans ces textes de façon forte : est-ce que les hommes et les femmes qui participent au service hospitalier seront en mesure de prendre en main cette responsabilité ? Je le dis simplement. Je dis donc aux directeurs qu'il leur faut peut-être accepter qu'il y ait dans leur position une certaine forme contractuelle à travers des objectifs à atteindre. S'ils ne sont pas atteints, il faut peut-être penser à changer non plus l'organisation, mais le directeur. Je le dis comme je le pense, sans généraliser et en disant de même des chefs de service et des responsables de pôles. Là-dessus, il faut aller jusqu'au bout. Nous aurons donc besoin d'une volonté politique pour animer la réforme. Je pense qu'il aurait fallu quelques incitations. Comme on l'a dit tout à l'heure, la bonne volonté n'est durable, comme le développement, que si elle est incitée financièrement. Or la partie investissements du plan Hôpital 2007 est déjà appliquée avant même que les hôpitaux ne se soient engagés dans la voie des réformes. J'aurais préféré, et le président Dubernard a insisté cent fois là-dessus, que l'on assortisse cette forte disponibilité financière d'un mouvement de réformes internes à l'hôpital. Compte tenu de l'urgence, je vois bien que l'on n'a pas pu opérer de cette façon et je le regrette. Mais dans ce cas, il faut réfléchir à un système d'intéressement à la fois des pôles d'activité, des centres et des responsables, sinon la bonne volonté s'usera rapidement et l'on en reviendra à quelques difficultés. Enfin, je suis assez satisfait que la démarche d'évaluation soit entreprise. Elle pourra être entreprise à l'initiative, je le note, du conseil de surveillance, dit conseil d'administration. Cela me semble être une bonne chose, il y a des appels possibles. Si nous allons dans ce sens, dans les mois à venir, je ne crois pas que l'hôpital aura quelque alibi que ce soit pour ne pas se réorganiser. Nous lui aurons donné les moyens juridiques et le cadre des responsabilités. Il reste naturellement à repenser le système de restructuration réhospitalière, à le rendre moins opaque au niveau régional, c'est-à-dire à avoir, au niveau régional, une sorte de consultation interne des différents acteurs pour savoir comment les restructurations se font. Dans tous les cas, vous avez devant vous un rapporteur très satisfait des suites données par le ministre aux auditions que nous avions faites et au rapport de la mission d'information de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. M. Benoît Leclercq, coauteur du rapport sur les spécificités des CHU : Je suis ici pour représenter le groupe que le ministre avait chargé de réfléchir sur l'évolution des CHU. Je rappellerai simplement le titre du rapport : « Restaurer l'attractivité des centres hospitalo-universitaires et leur partenariat avec le monde de la santé et de l'université ». Ce groupe a été animé, outre par moi-même, par le professeur Jaeck et le professeur Ducassou, ici présents. Nous avons fait un constat qui appuie et fonde les propositions que nous faisons. Les liens avec l'université étaient peu lisibles, avec des conventions peu actualisées, un enseignement médical mal intégré et des résultats de la recherche médicale, clinique en particulier, insuffisamment valorisés. Par ailleurs, les activités stratégiques, dont celles qui relèvent des missions propres des CHU, pâtissaient de l'évolution des moyens humains et financiers, avec la part de plus en plus importante des soins de proximité au détriment des activités de recours, des statuts de médecins multiples et rigides, des pratiques hospitalières et universitaires qui n'étaient pas assez évaluées et bien sûr les limites du financement par dotation globale. Le statut et l'organisation nous apparaissent inadaptés. Le statut d'établissement public administratif n'est pas adapté au fonctionnement des CHU. Le conseil d'administration n'est pas une instance stratégique. La gouvernance est éclatée entre plusieurs pouvoirs et notamment, au niveau des CHU, avec l'université. L'intégration n'est donc pas assez forte et l'hyperspécialisation des services a abouti à une balkanisation de nos structures hospitalières. Enfin, l'environnement nous a paru complexe. Nous avons fait le constat que les ARH ne prennent pas assez en compte les spécificités des CHU. Nous avons constaté que les relations entre les acteurs de santé au titre de la gouvernance du système nous paraissaient encore trop faibles et que les actions de coopérations internationales, en particulier européennes, étaient peu développées. S'agissant des recommandations, il faut d'abord clarifier les liens entre le CHU et l'université. A cette fin, il est nécessaire de revoir les conventions entre l'université et l'hôpital universitaire. Le lancement d'une mission conjointe entre l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale de l'éducation nationale représente une première réponse à cette proposition. Nous en sommes de ce point de vue très satisfait. Par ailleurs, dans le projet de réforme de la loi de modernisation des universités, nous avons retrouvé un certain nombre d'éléments qui permettent, à nos yeux, de faire évoluer l'hôpital universitaire, notamment sur la formation des médecins. Il faut revoir les études de médecine en donnant notamment à l'internat, qui est le fondement de la formation des spécialistes, plus de souplesse et plus de mobilité. Nous permettrons ainsi que les médecins soient mieux formés pour l'avenir. Il serait très utile de valoriser les résultats de la recherche médicale à l'hôpital. Il s'agit d'un point important de notre proposition. Il faut reconnaître au CHU qu'il est un lieu d'exercice de la recherche médicale au même titre que d'autres organismes. Un statut adapté devrait donc être trouvé. Il faut aussi se donner les moyens de cette recherche, à la fois au niveau de l'Etat mais aussi à l'intérieur de nos hôpitaux et des universités. Enfin, et nous avions beaucoup insisté sur ce point, il faut que la recherche clinique soit évaluée rigoureusement, comme l'ensemble de la recherche fondamentale. La deuxième recommandation consiste à assouplir les statuts et l'organisation des CHU. Cela passe d'abord par l'harmonisation des statuts médicaux. Il faut simplifier les modalités d'accès aux grades hospitalo-universitaires et ouvrir les candidatures, en particulier au niveau de l'Europe. Il est nécessaire de disposer d'un financement adapté. La réponse est apportée par la tarification à l'activité, mais aussi avec une prise en compte beaucoup plus explicite et donc beaucoup plus transparente des missions d'intérêt général, en particulier des CHU dans le domaine de l'enseignement, de la recherche et de l'innovation. Développer le recours à des procédures administratives allégées serait aussi une piste à suivre. Je n'insisterai pas sur les réponses apportées par le ministre, mais je voudrais rappeler à la fois à mes collègues présents, mais aussi à l'ensemble des responsables hospitaliers, qu'ils soient médicaux ou administratifs, qu'effectivement, ces réformes (la tarification à l'activité, le code des marchés, l'ordonnance de simplification administrative ou la nouvelle gouvernance) sont une chance unique à saisir dans nos hôpitaux pour les faire évoluer, en intégrant l'ensemble de ces réformes pour en tirer une synergie dans le gouvernement de nos hôpitaux. Il nous semblait qu'il fallait rapprocher le statut des hôpitaux universitaires de celui des établissements publics industriels et commerciaux, notamment pour lui donner une certaine souplesse à travers la valorisation de la recherche clinique. L'hôpital doit disposer d'instances internes ouvertes au rôle clairement défini. Le ministre a répondu aux recommandations sur le rôle stratégique du conseil d'administration, sur le rôle plus délibératif de la commission médicale d'établissement et bien sûr sur le rôle de pilotage du comité exécutif, que nous avions appelé comité stratégique. Il est impératif de généraliser les pôles d'activité médicale. C'est un moyen de responsabiliser les responsables médicaux, mais aussi les responsables de la direction. C'est mettre en place, et j'insiste beaucoup, des modalités de délégation de gestion qui ne sont pas monnaie courante et qui ne sont pas forcément faciles, notamment pour les personnels de direction et administratifs. Je crois qu'il faut là faire preuve d'imagination afin de donner tout son sens à la vraie gestion des pôles d'activité médicale, dont l'organisation doit tourner autour de l'activité médicale et non pas autour de la gestion. Enfin, comme René Couanau l'a dit, nous croyons fortement à des modalités significatives d'intéressement, soit collectives pour les pôles, mais aussi individuelles. Nous croyons aussi à l'évaluation des résultats et à l'analyse des conséquences. La réponse du ministre sur ce sujet va dans le sens que nous souhaitions dans ce rapport. Enfin, il faut insérer le CHU dans son environnement. On avait constaté que dans un environnement complexe, les choses n'étaient pas parfaitement claires. Nous avons fait tout d'abord une première recommandation appelant à se rapprocher du fonctionnement des régions. La santé hospitalière s'appuie sur des agences régionales d'hospitalisation. On doit insister sur le lien entre les collectivités régionales et les hôpitaux en général et universitaires en particulier, notamment en ce qui concerne le poids du conseil régional pour les schémas régionaux d'organisation sanitaire. N'oublions pas non plus que les conseils régionaux sont également compétents dans le domaine de la formation. Vous savez la part importante, que ce soit pour les personnels médicaux ou paramédicaux, que tiennent les hôpitaux dans ce système de formation. Notre deuxième recommandation portait sur le développement de la coopération, d'abord entre les hôpitaux, les établissements privés, mais aussi avec la médecine libérale. La réponse à travers le groupement de coopération sanitaire modernisé grâce à l'ordonnance de simplification répond en grande partie à ce souhait d'efficacité dans les modes de coopération. Là aussi, nous disposons d'un outil juridique important qui nous permet sans doute de développer très fortement la coopération. Enfin, pour les CHU, nous avons beaucoup insisté aussi sur l'approche interrégionale. Nous avons vu des expériences intéressantes en France. Tous les CHU de France ne pourront pas à l'avenir faire toutes les hyperspécialisations. En outre, il nous paraît nécessaire de développer les relations internationales, notamment en Europe, peut-être en développant des modalités de financement adaptées. Nous pensions aussi qu'il conviendrait que nous puissions avoir, au niveau du ministère des affaires étrangères, des coordinateurs nationaux qui permettraient aux hôpitaux universitaires d'avoir des correspondants « fléchés » et compétents dans les pays avec lesquels nous souhaitons coopérer. En conclusion, nous avons aujourd'hui, de mon point de vue de gestionnaire hospitalier, une chance unique qu'il ne faut pas rater. Le soutien à l'investissement, qui est quelque chose d'extraordinairement important et significatif, avec le développement de la tarification de l'activité, sont les deux éléments moteurs de cette réforme. C'est la gouvernance hospitalière nouvellement proposée qui va être le moyen de mettre en place tous ces éléments, en particulier grâce à l'ordonnance de simplification administrative. Ainsi, je crois que l'on pourra redonner du sens à l'activité principale de l'hôpital qui est l'activité médicale et à celle des hôpitaux universitaires qui est, elle, de former les médecins et de développer l'innovation. M. Guy Vallancien, coauteur du rapport sur la modernisation de l'hôpital public et de sa gestion sociale : Je suis un béotien en la matière puisque je n'avais jamais été sollicité, par aucun ministère, pour rapporter quoi que ce soit. Je me réjouis de constater que les trois rapports ont été utiles, probablement parce que nous sommes partis sans dogme et en allant tous sur le terrain, afin de rapporter la vérité de la situation de l'hôpital. Le projet est maintenant ficelé et j'ai trois petites inquiétudes. Premièrement, comment cela va-t-il se passer sur le terrain ? Même là où je suis, les messages ne passent pas toujours bien. Tarification à l'activité et mission d'intérêt général, tâchez d'aller vendre cela ! C'est très compliqué. Plus on complique les mots, moins les messages passent. Le message que je veux faire passer aujourd'hui est donc qu'il faut communiquer, communiquer à toute vitesse, donner des deadlines. Les médecins sont habitués. Le 1er février, nous démarrons avec « l'amendement liberté ». Il faut avancer de cette façon, avec des bornes, pour que les médecins puissent vraiment se sentir aidés. En outre, il faut aller vite en dehors de la communication. J'ai dit hier au ministre qu'il était dans son 747, avec tout son équipage. Il a fait son plan de vol, il est en train de rouler sur le tarmac de Roissy. Il a devant lui le 747 de la réforme des retraites qui décolle ; on attend une minute pour que retombe sa fumée noire, que l'air se pose et qu'il n'y ait pas trop de vibrations. Derrière, il y a un autre 747, celui de la réforme de l'assurance maladie. Que doit donc faire le ministre avec son 747 de l'hôpital ? Il doit avancer sur le tarmac et décoller. Pour décoller, il faut deux choses et tout d'abord, le plein de kérosène : c'est le fric ! Si ceux qui s'engagent dans la réforme ne voient pas tout de suite qu'ils recevront l'argent pour faire, vous aurez un retour de manivelle extrêmement brutal. Les hôpitaux qui vont s'engager doivent donc être financés. Ensuite, il faut appuyer sur la manette des gaz car on sait bien qu'il y a une vitesse critique à partir de laquelle on s'envole ou bien l'on va dans le champ. Voilà la réalité des six mois qui viennent. Deuxièmement, j'avais moi-même été frappé par le terme de tarification à l'activité. Je considère qu'il est mauvais. Nous sommes entre nous. Bien sûr l'idée est bonne, mais le terme est mauvais parce que vous n'empêcherez pas un directeur d'hôpital, tout honnête qu'il soit, de pousser les médecins à faire de l'acte. Il est gravissime de parler d'activité, je pense qu'il faut que l'on en revienne aux termes de « qualité » ou de « pathologie ». Pourquoi ? Parce que sinon, vous allez encore décevoir ceux qui ont accepté de travailler dans le système public. Je me souviens en avoir discuté avec François Aubart et nous étions d'accord là-dessus. Or, la qualité se décline par l'évaluation. Bien sûr, il y a une ligne d'évaluation, mais l'évaluation, c'est l'évaluation des pratiques. Or, dès qu'on parle de cela en France, nous sommes dans un pays latin, on déteste que quelqu'un regarde sur notre épaule. Les anglo-saxons sont habitués au fait qu'être évalués, c'est s'améliorer. Nous, c'est le contraire, c'est : qui contrôle ? Et au nom de quoi ? Pour évaluer, il suffit de demander aux associations savantes que dans les deux pathologies les plus fréquentes pratiquées à l'hôpital, elles donnent au ministre les bonnes indications. On a des référentiels nationaux et internationaux, dans la plupart des pathologies aiguës en tout cas. Il faut qu'il y ait des évaluateurs. Ce ne sont pas les médecins qui pourront faire cela, mais les consultants hospitaliers, reconnus par les associations savantes, en partenariat avec des libéraux qui seraient aussi reconnus par les associations savantes. C'est facile à faire. C'est un pur problème de volonté politique. Qu'on ne nous dise pas que l'on ne peut pas y arriver, sinon j'arrête ! Je pense que sans la qualité, il ne peut pas y avoir d'activité. Enfin, mon troisième point porte sur la sélection des malades : on nous dit toujours que l'hôpital ne voit que les vieux, les plus tristes, les CMU, tandis que la clinique ne prend que le jeune cadre de cinquante ans. Non, ce n'est pas comme ça que cela se passe. J'ai voulu réaliser une enquête sur le terrain. J'ai donc demandé au CHU de Clermont-Ferrand, à la grosse clinique Beaumont de Clermont-Ferrand, à un hôpital situé à 50 km plus au sud et à l'établissement participant au service public hospitalier de Saint-Etienne, de prendre leurs trente derniers malades souffrant de résection de prostate afin de voir qui sont les malades. Quel est leur âge, restent-ils debout tout seuls, ont-ils une famille, viennent-ils d'un service de médecine où ils traînent depuis trois semaines ? Je m'aperçois qu'en fin de compte, il y a beaucoup moins de différence que certains ne veulent le dire. J'aimerais bien que les ARH demandent, dans chaque région, une cartographie des malades présents dans les cliniques, les hôpitaux généraux et les CHU. Nous serons sans doute surpris du résultat. Pour finir, je souhaiterais que l'on s'occupe réellement du sort des infirmières praticiennes. Nous sommes la seule profession où, entre bac + 3 et bac + 10, il n'y a pas de niveau intermédiaire. Il s'agit probablement d'une des grandes explications du drame dans lequel se trouvent les hôpitaux. Il nous faut ces assistantes. Or, cela ne demande pas trois ans ; il faut des formations brèves. Il ne s'agit pas de mettre les infirmières au niveau de sous-médecin, il faut qu'elles aient des spécificités très particulières dans des petits secteurs où les formations sont de trois mois et dont elles peuvent changer tous les trois ou quatre ans si elles veulent. Il est possible d'appliquer cela tout de suite, mais je m'adresse plutôt au ministre de l'éducation. Nous sommes prêts à lancer des diplômes universitaires à toute vitesse dans ce sens et vous verrez le nombre d'infirmières qui s'y précipiteront. Voilà quelques points de réflexion à partir du projet qui, je le répète, est un très beau projet que je souhaite voir réussir. Le président Jean-Michel Dubernard : Le discours du ministre prenait en compte les trois rapports des six experts et le rapport parlementaire qui réunissait toutes les tendances politiques. Je note aussi une certaine inquiétude sur la mise en œuvre. Guy Vallancien a bien précisé le timing. La comparaison avec le tarmac est excellente. Monsieur le directeur de la direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, Mesdames et Messieurs les membres de cabinet, c'est un des éléments qu'il nous paraît essentiel de prendre en compte. L'« amendement liberté », c'était il y a quatorze ans ou presque ; depuis, il y a eu les départements ; ensuite, il y a eu l'ordonnance hospitalière de 1996 et les centres de responsabilités. Il ne faut pas que cette réforme suive le même chemin. Sinon, on l'a dit, l'hôpital est condamné et par là même, notre système de santé. M. Pierre Gerbeau, praticien hospitalier : Je tiens à vous remercier infiniment pour m'avoir permis d'être parmi vous pour témoigner et répondre à vos questions. Je n'ai pas pour objectif de me présenter devant vous comme un avocat ou un procureur, mais en fait comme un témoin, un acteur du service public dans l'exercice quotidien de mon métier. Je suis chirurgien spécialiste en neurologie et en chirurgie générale. Praticien hospitalier à l'hôpital de Blois, j'exerce par ailleurs les responsabilités de chef de service. Il est important que vous sachiez également que je suis ni syndiqué, ni mandaté. Malgré tout, je pense être représentatif d'une grande partie du secteur public hospitalier en France pour plusieurs raisons : d'abord parce que j'exerce dans un hôpital de province, dans une ville de moyenne importance (50 000 habitants), chef-lieu du département drainant une population de 200 000 habitants ; ensuite, parce qu'au sein de notre hôpital, pratiquement toutes les spécialités médicales et chirurgicales sont représentées (soit environ 500 lits de médecine, chirurgie et obstétrique, sans compter les 800 lits de gériatrie) ; et enfin parce que la moyenne d'âge, et c'est important, des médecins et des praticiens hospitaliers dans notre hôpital est de quarante-cinq ans. Nous sommes des acteurs dynamiques, actifs et sûrement pas immobiles. Pour ces raisons, nous avons suivi avec intérêt les différentes étapes de l'élaboration du projet Hôpital 2007. Nous sommes tous parfaitement conscients de la nécessité d'une réforme en profondeur de l'hôpital public, mais nous sommes conscients également que si le sens de l'économie doit l'emporter, cela ne doit pas se faire au détriment des missions du service public. Je souhaiterais donc vous faire part de nos doutes sur la possibilité de traduire sur le terrain hospitalier ce que la loi va définir quand elle sera définitivement votée. Nous avons, à la lecture des différents textes, noté des mots, des expressions, des objectifs qui peuvent susciter certaines inquiétudes. Aussi nous nous demandons quelle signification peut avoir le mot « contrat » dans le cadre d'une mission de service public. Si nous avons bien compris, le contrat engage le praticien à respecter des objectifs de qualité, mais également de moyens. Or, les médecins disposeront-ils de la possibilité d'honorer le contrat, quelle que soit la responsabilité de maîtrise des dépenses que l'on va leur imposer ? Nous sommes bien sûr conscients de la nécessité de faire toujours des économies dans l'efficacité maintenue des missions de l'hôpital, mais nous nous interrogeons sur la signification des termes « indicateurs budgétaires » et « productivité ». Les spécialités dont l'exercice repose sur la production d'actes, comme le dit M. Vallancien, par exemple la chirurgie ou encore certaines spécialités médicales comme la gastro-entérologie, pourront facilement s'adapter à ces critères. Mais qu'en sera-t-il de toutes les autres spécialités comme la médecine interne, la gériatrie, la psychiatrie ? Nous craignons en effet que les patients qui relèvent de ces spécialités, pour lesquels les diagnostics nécessitent des dépenses d'investigation lourdes et coûteuses, ne fassent passer les indicateurs budgétaires dans le rouge et ne dégagent aucune productivité. Nous pensons néanmoins que plus que d'autres, ces patients relèvent et relèveront de la mission de service public. La preuve en est le faible nombre d'établissements privés qui, en France, prennent en charge ce type de patients. La tarification à l'activité tiendra-t-elle compte de cette non-productivité ? Il ne faudrait pas que cela conduise les praticiens à des choix qui ne seraient pas conformes à la mission et à l'éthique du service public. Dans ce domaine très délicat, nous appréhendons beaucoup les décrets d'application. Nous ne refusons évidemment pas non plus l'évaluation, mais nous craignons que ces critères ne soient plus adaptés aux moyens dont nous disposerons. Les notions d'intéressement et de productivité suscitent de notre part d'autres interrogations : nous nous interrogeons ainsi sur l'inadéquation entre une logique de productivité et les moyens humains et matériels dont nous disposerons. Concernant les moyens matériels, nous avons déjà beaucoup de difficultés, ne serait-ce déjà que pour renouveler le matériel existant, coûteux, qui nous sert à exercer de façon quotidienne, dans des conditions décentes de sécurité. Aussi, nous nous demandons si les moyens budgétaires permettront en plus d'acquérir les moyens nécessaires à l'évolution rapide et permanente d'une médecine de qualité. Dans ma spécialité, je dois par exemple pleurer pour remplacer un appareil à 50 000 F qui est usé de plus en plus rapidement par les nouvelles procédures de désinfection, alors que dans le même temps, on me demande dans le projet d'établissement de parler d'une chirurgie robotisée, ce qui représente l'avenir a priori dans notre domaine. Que penser également des différentes circulaires, qui régulièrement, nous assignent des missions de sécurité sanitaire, sans pour autant nous en donner les moyens ? Je prendrai juste deux exemples du terrain pour illustrer mes propos. Nous avons eu une circulaire sur le syndrome de détresse respiratoire. En pratique, une dame est arrivée aux urgences, nous lui avons fait un prélèvement que nous devions envoyer à Paris après avoir téléphoné à un numéro vert. Ce numéro était sur répondeur à 17 heures et le lendemain, lorsqu'il a fallu envoyer le prélèvement, nous n'avions même pas assez d'argent pour mandater un taxi pour emmener ce prélèvement à l'Institut Pasteur. L'autre exemple, parlant également, est celui de la circulaire sur le prion : on a demandé aux médecins de s'assurer qu'ils n'allaient pas faire des examens contaminateurs du prion en leur réclamant instamment de détruire tout le matériel en cas de suspicion, mais sans nous donner les moyens de renouveler notre parc de matériel. La notion de productivité suscite également notre inquiétude en ce qui concerne les moyens humains qu'elle impose, à la fois dans le nombre de personnes et dans la durée. Je vais reprendre un exemple dans l'hôpital de Blois : pour des raisons budgétaires liées en partie à l'application des 35 heures et en partie à l'application des règlements de la Communauté européenne, notre bloc opératoire, qui dispose de huit salles fonctionnelles dont seulement six fonctionnent, ne comporte plus que quatre salles, quatre mois par an, alors que le nombre de patients ne diminue pas. Ainsi, il m'a été suggéré pendant deux mois d'été de retarder une intervention longue pour traiter un cancer, parce que ce n'était pas compatible avec les moyens en personnel. Quatre mois par an représentent un tiers de l'année. Cela entraîne inévitablement une réduction de l'activité et des délais d'attente contraires à l'éthique médicale. Que penser quand on vous suggère de différer des interventions ? En vérité, nous sommes d'accord avec la productivité si elle conduit à répondre à tout moment à des besoins de santé publique, mais nous craignons qu'on nous reproche un manque de productivité qui résulterait d'un manque de moyens humains et matériels. Le paradoxe s'impose à nos yeux quand on nous explique que notre budget va dépendre de notre productivité. L'organisation du nouvel hôpital suscite également de multiples interrogations : il existe en effet des cas où l'appréciation des situations ne peut procéder que des praticiens. J'ai l'exemple du plan rouge de l'A10 à Blois où un car entier de touristes s'était renversé. L'administrateur de garde et moi-même étions dans la salle du SAMU où l'on nous annonçait quatre ou cinq blessés graves. L'administrateur a découvert qu'il fallait six heures pour stériliser du matériel et que le personnel pour stériliser le matériel le week-end n'avait pas été mis en place, faute de budget. Nous avons été capables dans ces conditions de n'accueillir qu'un seul blessé grave. Heureusement qu'il n'y en avait qu'un. Mais peut-on reprocher à un administratif ce genre d'appréciation de la situation ? Il ne faudrait pas que cet exemple nous conduise à nous interroger sur les ruptures d'équilibre de la nouvelle gérance. Il serait fâcheux que dans la nouvelle gérance, la prépondérance ou la parité de l'administratif par rapport à l'organisation rompe l'harmonie nécessaire entre les praticiens, qui sont acteurs du quotidien et l'administration responsable. Nous nous demandons si cette nouvelle répartition de l'exercice de la responsabilité ne risque pas d'appauvrir les débats et craignons qu'elle entraîne une dépendance hiérarchique d'un médecin qui pourrait nuire à son rôle d'avocat du patient face à une logique de productivité. Nous craignons que le projet médical ne soit plus le moteur de la politique d'établissement, mais soit mis au même plan que les autres projets. M. Jacques Domergues, député : Je suis très heureux que les trois rapports sur l'organisation hospitalière et sur le malaise hospitalier donnent lieu à une réforme et donc aient été pris en compte. Dans le plan hôpital 2007, il y a l'hospitalisation publique, mais également l'hospitalisation privée. Il existe une activité médicale qui ne peut se faire qu'un milieu hospitalier, c'est l'activité chirurgicale et l'activité d'obstétrique. Si je reprends l'image de M. Vallancien, si le carburant, c'est le fric, le moteur, c'est l'activité médicale. L'activité médicale des structures hospitalières concerne à 80 % la chirurgie pour le secteur privé et à 50 % l'obstétrique et la chirurgie pour le secteur public. Faire abstraction de la réforme ou du malaise qui existe aujourd'hui dans l'activité principale du secteur de l'hospitalisation, la chirurgie, revient à faire un gros oubli dans une réforme qui va être mise en place et qui risque de se traduire par un effet inattendu, voire inférieur à celui qui est escompté. Je me permets donc aujourd'hui d'attirer l'attention de chacun d'entre vous sur ce problème. Faire la réforme hospitalière, c'est bien, mais n'oubliez pas que l'activité principale du secteur hospitalier, c'est la chirurgie. Or demain, nous n'aurons plus de chirurgiens. Je pense qu'il ne faut pas délaisser la chirurgie. Nous avons, nous parlementaires et experts présents ici, d'énormes difficultés pour nous faire entendre au niveau du ministère sur ce problème spécifique de la chirurgie. M. Bernard Charpentier, professeur d'université - praticien hospitalier : Je vois que l'université n'est pas absente de cette tribune puisqu'au moins trois personnes ici appartiennent à l'université, y compris le président, Monsieur le ministre et l'un des grands témoins. Effectivement, je parle au nom de l'université, et non uniquement au nom des 3 800 professeurs d'université - praticien hospitalier (PUPH), mais au nom des 10 000 personnes, y compris les chefs de cliniques, qui représentent donc les forces des facultés de médecine. Au départ, nous avions une certaine inquiétude devant « Hôpital 2007 » car le volet universitaire, qui nous semblait important, n'avait pas encore été ouvert. Or, la réforme nous semblait tout d'abord adaptée à des hôpitaux généraux de taille moyenne. Puis les deux ministres de la santé et de l'éducation nationale, par des courriers, nous ont ouvert le volant universitaire qui va apparaître si possible très rapidement et éventuellement être prêt à la fin du mois de février. Nous étions assez satisfaits de cette nouvelle situation, en sachant que les ordonnances de 1958 et les lois de 1984 ont créé une entité que vous connaissez bien, le CHU, qui a permis à la médecine française d'être là où elle est aujourd'hui. Nous souhaitions donc qu'elle continue, en particulier dans sa dimension d'enseignement et de recherche, à côté du périmètre de gestion et de soin. Nous rappelons que nous avons signé avec les directeurs généraux de CHU et présidents de CME une plate-forme qui gardait l'esprit des assises hospitalo-universitaires de Nice sur le nouveau mode de gouvernance du CHU qui nous semblait adapté, avec à chaque fois l'avis du directeur général du CHU, du président de CME et du doyen. D'ailleurs, « doyen » est un mauvais terme puisque nous sommes en fait directeurs d'unités de formation et de recherche, nous sommes donc, par la loi de 1984, les représentants de l'université dans le cadre dérogatoire de l'article 32. Nous avons un souhait de présence très fort dans le comité exécutif, mais nous souhaitons surtout participer à la nomination des chefs de pôles et chefs de service quand ils ont un contrat universitaire, c'est-à-dire un périmètre d'enseignement et de recherche à côté du soin et à côté de la gestion. Il nous semblerait tout à fait illogique que, dans un CHU, ce chef de pôle ne contracte pas pour recevoir des étudiants, des internes, des troisièmes cycles, etc., d'autant plus qu'à l'heure actuelle, nous sommes dans un cadre « d'universitalisation » des professions de santé, d'augmentation du numerus clausus et de volonté de beaucoup de professions de passer par le moule de l'université française. J'ai été très heureux que M. Vallancien le souligne, je crois qu'il faut revoir maintenant la grande évaluation. Non pas l'évaluation à la française, « je te passe le poivre, tu me passes le sel » ou j'évalue mon voisin de palier qui me réévalue à son tour, mais une véritable évaluation à l'européenne, ce que font de temps en temps les EPST et que le CEA fait très bien, mais que nous ne faisons pas très bien. Tout doit être évalué, les pratiques, les médecins, mais aussi l'administration et l'ensemble des personnels qui participent. Les doyens ont des rapports quadriennaux. Cette université ne nous donne de l'argent que tous les quatre ans, sur un projet et un rapport. Il faudra bien sûr que cette évaluation soit mise au point, elle est la condition fondamentale pour qu'Hôpital 2007 démarre. J'ai bien entendu que l'on éviterait l'augmentation des circulaires, et de la lourdeur administrative. Le dialogue très singulier entre un malade et son soignant, qui va prendre sur ses épaules tous les drames de la vie de son patient (le pus, le sang, les larmes, la mort), ne doit pas être englué dans une espèce d'« apparatchikisme », qui va permettre l'arrivée d'autres métiers qui seraient redoutables, c'est-à-dire l'avocat et le juge. Si nous tendons vers cela, ce sera la fin de notre médecine à la française qui sera réglée par d'autres systèmes. Nous ne le souhaitons pas car ce serait un grand échec. Nous le redisons donc au ministère de tutelle et à vous tous, n'oubliez cette dimension spécifique du serment d'Hippocrate, n'oubliez pas cette spécificité qui fait que le public a confiance dans les médecins et les infirmières. Ils le disent tout le temps puisque généralement ces professions sont toujours nommées dans les premières et les hommes politiques dans les dernières. C'est comme cela. N'oubliez pas cela, sans cela, vous serez maudit par l'histoire. Comme vous le savez, l'Ecclésiaste se termine par la phrase suivante : « Et rien, rien ne sera pardonné ». M. Jean-Paul Segade, directeur d'hôpital : D'abord, je voudrais vous présenter le point de vue d'un auvergnat, du centre de la France. Au niveau de la conférence des directeurs généraux de CHU, nous avons trouvé la réforme intéressante et nous y adhérerons parce qu'elle nous donne plus de souplesse et correspond aux aspirations affirmées dans les différents rapports. Je voudrais plaider pour deux points. D'abord, attention aux décrets d'application. Il faut éviter qu'il y ait des pesanteurs socioprofessionnelles ou autres qui obligent à encore respecter le principe de l'unité. A Clermont-Ferrand, nous gérons le CHU différemment de celui de Lille ou de Marseille et c'est très bien. Laissez-nous de la souplesse car il y a des réalités locales. On ne gère pas l'hôpital de Perpignan comme on gère l'hôpital de Lyon. Acceptez la diversité car de toute manière, quand les textes sont inapplicables, on ne les applique pas ; le bon sens s'impose. Je voudrais insister sur un autre point qui me paraît important : comment dynamiser les équipes soignantes à partir d'exemples concrets ? Je crois que les hôpitaux sont plus riches que ce que l'on peut penser en termes d'expérimentations. Il faut que vous nous libériez et que vous nous donniez la possibilité d'expérimenter. Je prends deux exemples : la possibilité de créer une filière de cadres soignants qui permette à des infirmiers, à des manipulateurs radio d'avoir des promotions autres que les promotions administratives. Aujourd'hui, une infirmière qui veut progresser en termes de promotion professionnelle fait l'école des cadres. Nous avons de plus en plus besoin d'infirmières cliniciennes, il faut à tout prix que l'on puisse nous libérer de ce cadre et permettre aux infirmières, aux manipulateurs radio, au personnel soignant d'avoir des filières de promotion qui ne soient pas uniquement des filières administratives. Il faudra, je le dis aux députés, que le ministère de l'université, comme le ministère de la santé nous donnent la possibilité d'expérimenter avant de lancer les grandes réformes. Par ailleurs, je crois que la participation reste la clef de cette mobilisation. Là aussi, j'ai une petite inquiétude. Excusez-moi d'attaquer un ministère qui s'appelle le ministère du budget. Mais je rappelle que nous sommes un établissement public administratif et que nous avons une tutelle assez forte du receveur et des trésoriers-payeurs généraux (TPG). Lorsque l'on voudra mettre en place une politique d'intéressement, que cet intéressement soit collectif (il faut des intéressements par pôles, par services, par équipes médicales) ou qu'il soit individuel, je ne voudrais pas que, par le biais du ministère du budget, on n'empêche la possibilité d'expérimenter. Les contrôleurs financiers sont absents aujourd'hui ; pourtant je rappelle que tous les hôpitaux sont sous le contrôle des chambres régionales des comptes. Parfois, la frilosité de certaines expérimentations vient du fait que l'on ne nous a pas donné cette place. Je souhaite et j'espère que notre commission suivra la possibilité que les décrets aillent dans le sens d'une plus grande souplesse et que vous accorderez aussi des expérimentations. M. Yves Bur, député : Je partage totalement les remarques de notre collègue René Couanau. J'insisterai plus particulièrement sur la nécessité pour l'hôpital d'avoir davantage d'autonomie. Je crois que c'est un facteur de souplesse et un facteur d'efficacité. Il faut que cela soit renforcé. L'autonomie va de paire avec davantage de responsabilités. Je voudrais donner mon sentiment face à cette réforme. J'ai le sentiment que nous sommes devant une réforme qui reste centrée sur l'hôpital. On a l'impression que l'hôpital serait comme une île déconnectée du reste du système de santé. Je considère, pour ma part, que cette réforme ne prend pas suffisamment en compte le nécessaire décloisonnement entre la prise en charge hospitalière et la prise en charge de la médecine de ville. A l'évidence, comme le rappelle le Haut conseil, pour les deux dispositifs de soins, il faudra que nous aboutissions à un meilleur rapport qualité/prix ; cela ne peut s'imposer uniquement à l'un ou à l'autre. Il me semble que l'on parle trop d'organisation au sens conditions de travail et de fonctionnement pour les acteurs de l'hôpital et que l'on prend insuffisamment en compte le malade. Autour du malade, il y a une prise en charge hospitalière, mais aussi une prise en charge au travers de la médecine de ville. Les deux devront travailler de pair et davantage qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présent. Je souhaite que la réforme puisse aborder cette question qui me paraît fondamentale : c'est à ce moment-là que le patient sera davantage au cœur de la réflexion parce que l'on prendra plus en compte ses besoins, et non les seuls besoins d'organisation. M. Pierre Loulergue, président de l'Intersyndicat national des internes des hôpitaux : Nous sommes tous d'accord sur le constat de changement, même si la réforme de l'hôpital est difficile à aborder pour nous. Vous savez tous, du moins ceux qui sont en formation médicale dans cette salle, que dans l'internat, nous avons un peu la tête dans le guidon, selon l'expression consacrée. Malgré tout, dans tous les internats et dans nos structures nationales, nous avons beaucoup parlé du plan Hôpital 2007. Deux points se dégagent pour nous, et le premier point porte sur la tarification à l'activité. Elle donnera peut-être satisfaction ; en tout cas, le système de la dotation globale était certainement à changer et l'on ne peut que se poser la question, comme certains l'ont déjà fait ce matin, des crédits universitaires, même si on est rassuré de savoir qu'ils seront dans une enveloppe à part. On peut difficilement imaginer qu'il en soit autrement. Je voudrais attirer votre attention sur la qualité de la formation puisque la qualité de la formation aujourd'hui correspondra à la qualité des soins de demain. Je pense que tout le monde en est conscient : un interne est par définition un médecin en formation. Nous sommes donc moins aguerris que nos aînés puisque c'est eux qui nous transmettent le savoir. Il ne faut pas que ces derniers rentrent dans une logique de productivité qui mettrait de côté les plus jeunes, c'est-à-dire nous. Notre métier est basé sur une transmission verticale des savoirs, une transmission au quotidien. C'est ce système que nous voulons garder car c'est ce système qui a fait la preuve de son efficacité, qui la fait tous les jours et qui la fera, à mon avis, dans l'avenir. Par ailleurs, les discussions sur les systèmes de pôles et de services ne doivent, à notre sens, pas occulter ce qui nous apparaît comme un véritable enjeu, la politique d'évaluation. Nous croyons qu'il faut se donner les moyens d'une politique d'évaluation d'ampleur. Chez les internes, nous avons accepté très tôt l'évaluation du troisième cycle. Nous voulons y participer. Comme le disait à juste titre M. Jean-Michel Dubernard, c'est nous qui allons vivre cette réforme et nous voulons donc lui être associés. Les jeunes médecins aiment l'hôpital, mais il faut nous donner d'urgence l'envie d'y travailler et pas l'envie de travailler. On entend en effet souvent que nous sommes une génération qui a peut-être moins envie de travailler. Je crois que c'est faux. Il faut nous offrir un cadre qui nous donnera vraiment envie de faire fonctionner l'hôpital, c'est-à-dire régler d'urgence la question de la pénurie d'internes qui est un problème criant et redonner aux spécialités les plus en difficulté leur attractivité. On peut y travailler, nous sommes prêts à y travailler, mais nous ne pourrons pas le faire seuls : c'est évidemment un appel à peine masqué aussi bien au ministère qu'à nos aînés médecins, patrons, doyens. Notre but à tous est la qualité des soins, celle-ci passera par notre formation. L'hôpital de demain, dans lequel nous soignerons, sera celui que vous nous laisserez, mais pas seulement : si l'on veut que la transition se fasse, il faudra aussi nous associer aux changements pour construire un meilleur hôpital demain. M. Francis Pradeau, professeur de médecine : Beaucoup de choses ont été dites, je n'y reviendrai pas. Je ferai simplement deux remarques ponctuelles en termes d'interrogation. Le plan Hôpital 2007 nous fait notamment passer d'une notion de budget prévisionnel approuvé par une tutelle, l'ARH, à une notion de prévision de recettes et de dépenses assises sur une activité prévisible et prévue. La tarification à l'activité me semble donc modifier le rôle des ARH dans leur aspect de tutelles générales hospitalières tel qu'on le connaissait jusqu'à maintenant. Est-ce que ces réorientations d'axe de travail des ARH pourraient permettre des travaux importants comme ceux qu'évoquait tout à l'heure M. Guy Vallancien, comme des études de patients ? Quelles pathologies, pourquoi, comment ? De ce fait, le plan Hôpital 2007 n'appelle-t-il pas un recentrage et une redéfinition du rôle et des missions des DRASS et des DDASS ? Ne faudrait-il pas clarifier et simplifier les structures externes auxquelles l'hôpital a affaire, structures qui sont multiples et variées puisque les ordonnances de 1996 ont rajouté la couche ARH sans supprimer les couches DASS et DRASS qui, certes, travaillent une grande partie de leur temps pour le compte des ARH, mais qui, souvent, ajoutent des couches additionnelles. On travaille donc en terme d'addition de questionnaires, de formulaires d'activité et non en termes de substitution. Par ailleurs, l'assurance maladie qui, à terme, va recevoir les factures que sont les groupes homogènes de séjour, qui seront tarifants (puisqu'à partir de 2007, ces GHS seront transmis par les hôpitaux publics aux caisses d'assurances maladie), ne va-t-elle pas avoir un rôle renforcé en matière de contrôle de la tarification hospitalière ? D'ailleurs, la tarification à l'activité nécessite un contrôle de qualité externe renforcé et redéfini des données servant à la tarification. Suite à l'apport du plan Hôpital 2007 et de la tarification à l'activité, les médecins hospitaliers vont devoir être beaucoup plus impliqués qu'antérieurement. Avant, ce n'étaient que des procédures purement administratives et déconnectées de l'activité médicale. Là encore, quel rôle pour l'ARH et les services médicaux de l'assurance maladie ? Pour conclure mon intervention, j'ai envie de dire que nous aurons peut-être une totale lisibilité du plan Hôpital 2007 lorsque nous verrons l'articulation avec la réforme de l'assurance maladie et donc du système de santé. L'hôpital ne doit pas être traité comme un isolat mais comme quelque chose d'articulé dans un continuum de processus de soins et de prise en charge des patients. Ne nous faut-il donc pas attendre pour avoir plus de lisibilité, le Boeing 747 suivant, comme l'évoquait M. Guy Vallancien ? M. François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière : Mon organisation et moi-même avons signé un relevé de conclusions et nous engageons avec volonté dans la réorganisation de l'hôpital parce que nous faisons trois constats qui témoignent de l'impossibilité pour nous de rester dans la position d'immobilité que les rapporteurs ont stigmatisée. Au moment où l'hôpital n'a jamais été aussi performant, l'hôpital n'a jamais été aussi inéquitable. Selon l'heure de la journée, le jour, l'endroit où l'on se trouve, selon les informations dont on dispose, on est en position de fragilité et en position inéquitable par rapport à l'accession à ce système hospitalier. En outre, il faut que l'on sorte, et c'est un syndicaliste qui parle, d'un hôpital conçu invariablement comme soit la somme des statuts, soit le lieu d'équilibre des comptes. Enfin, il faut que l'on sorte d'une situation où il n'est donné au médecin hospitalier que la capacité d'avoir recours au bénévolat ou à l'arrêt d'activité, parce que nous sommes conduits à réagir aux ruptures du système avec réactivité, sans avoir la moindre capacité d'intervenir sur les raisons profondes qui causent ces dysfonctionnements. Il est manichéen de dire que l'on est pour ou contre le plan Hôpital 2007. Nous essayons de faire la part des choses. Il y a dans l'hôpital (et en toute modestie, je ne sais pas si c'est la position majoritaire) à la fois une vraie volonté de changement et une véritable inquiétude ; on ne passe pas brutalement du désenchantement à l'enchantement. Il y a un chemin, une méthode à trouver. Mais je crois qu'il y a une volonté affichée. Quelles sont les craintes ? La crainte principale porte sur la tarification à l'activité. Il y a un risque de sélection, c'est une certitude. Il y a un risque de confondre ce qui pour nous est légitime, l'amélioration de la productivité, avec le productivisme. Ce qui les différencie clairement, c'est la qualité. Or elle n'apparaît pas clairement dans les préoccupations, ni même dans les modifications du code de la santé, peut-être parce que nous n'avons pas encore su plaider suffisamment. Si la tarification à l'activité se met en place sans ce volet de la qualité, effectivement les dérives sont possibles et en tout état de cause, on n'entraînera ni la majorité de la communauté médicale, ni la majorité des professionnels. Il y a également, dans Hôpital 2007, le volet d'allègement de simplification des structures et des tutelles que nous avons à approuver. Je voudrais dire un mot sur le débat de l'autonomie des établissements. Pour notre part, l'autonomie est à géométrie variable. La vraie logique, celle du vrai décloisonnement, est celle du territoire qui unit l'ensemble des professionnels en dehors de l'hôpital. L'autonomie de l'hôpital risque donc d'être un frein aux nécessaires passerelles et complémentarités. Cela ne signifie pas que le corollaire est le centralisme et la mainmise normative. Tout est affaire de curseur. Naturellement, je dirai un mot de la gouvernance. Je ne m'identifie pas du tout dans ce néologisme : je dirais plutôt « nouvelle organisation de l'hôpital ». Il y a clairement deux logiques : la logique de gestion et la logique médicale. Comme cela a été dit, tout sera dans la mise en œuvre. Chacun se fait un procès d'intention : entre les gestionnaires et certains qui ont en ligne de mire une vision économique et la logique médicale qui a ses excès, mais aussi ses zélateurs, il convient de trouver là encore un curseur et un bon déplacement des responsabilités. Pour ce faire, il me semble qu'il faut véritablement un lieu où la confiance s'établisse et où tous les textes d'application et tous les dossiers puissent faire l'objet de partage et de propositions. Il a été créé un comité de suivi qui me paraît un peu modeste. Personnellement, je plaiderai pour la constitution d'un vrai lieu qui permet de coordonner, de partager et de communiquer. A propos du découpage interne, le conseil d'administration va certainement être un lieu très différent, dans ses missions, de ce qu'est une administration ; pour autant, nous sommes tout à fait favorables à ce qu'il soit présidé par un élu. Je n'ai pas dit le maire. En raison des rapprochements et rivalités entre établissements, le maire ne peut pas toujours répondre à ses exigences de missions intercommunales ou départementale ou régionale. Néanmoins, qu'il s'agisse d'un élu nous paraît un élément essentiel. La commission médicale d'établissement, dans le projet que nous avons approuvé, retrouve toutes ses légitimités. Sur nos propositions, la CME retrouve des attributions et une légitimité pleine et entière. Puis, il y a cette fameuse dualité entre pôles et services. Il faut le dire sans peur, comme c'est écrit dans la nouvelle version du code de la santé : l'hôpital est organisé en pôles et en services. Il ne s'agit plus d'avoir cette logique notariale de territoires, mais bien de dire qu'il y a une logique économique de moyens donnés aux pôles et des équipes médicales qui ont vocation à être responsables de la conduite et de la permanence de l'organisation des soins auprès des patients. C'est notre éthique et notre engagement idéologique. Je n'ai pas propension à faire du catégoriel, mais je m'y sens obligé en tant que chirurgien : permettez-moi de m'associer aux propos de M. Jacques Domergues et aux autres propos tenus dans cette salle pour dire que la chirurgie doit faire l'objet d'une action spécifique, non pas parce que la chirurgie est une discipline qui a une légitimité particulière, mais en termes de structuration hospitalière et en tant aussi que moteur de la réforme, il nous paraît important que la chirurgie fasse l'objet d'une démarche et d'un volontarisme de sauvetage de façon rapide. Pour terminer, dans le même temps, mon organisation est présente ce jour pour témoigner de sa volonté d'entrer dans cette réforme, mais nous sommes aussi présents dans une manifestation qui réclame de l'argent et des postes médicaux et non médicaux. Ce n'est pas, à mon avis, incompatible, ni illisible. D'ailleurs, M. Guy Vallancien l'a dit, il faut du kérosène. Puisque l'Etat depuis fort longtemps a joué le coup des enveloppes à l'occasion de mouvements sociaux et de toutes les prises de paroles un peu fortes, on est arrivé dans une situation où l'on considère bonne la réforme si elle donne des sous et mauvaise si elle n'en donne pas. Pour autant, il faut du kérosène : on n'a jamais vu dans l'industrie des organisations se restructurer sans argent ni moyens. Il y en a sur l'investissement : c'est un effort sans précédent que nous saluons. Il faut aussi qu'il y ait une véritable politique dynamique de créations de postes, ce qui sous-entend évidemment une politique volontariste sur la démographie, le transfert des responsabilités entre spécialités et entre professions, et une volonté de faire la réforme par les hommes et les femmes qui fondent l'hôpital. Le président Jean-Michel Dubernard : La concomitance de cette table ronde et de la manifestation correspond à une pure coïncidence, à moins que les manifestants aient souhaité s'aligner sur notre programme, décidé depuis très longtemps. M. Pierre-Louis Fagniez, député : A chaque réunion, quelqu'un donne le « la ». Manifestement c'est toujours M. René Couanau. La dernière fois, M. René Couanau nous avait désenchantés. Puis, nous avons tous réfléchi, nous nous sommes interrogés, il y a eu trois rapports, le ministre est venu. Et aujourd'hui, on sent que nous sommes moins désenchantés, nous avons un peu d'espoir. D'ailleurs, la présence ici d'internes, que l'on ne voyait pas auparavant, montre que l'espoir revient par les jeunes. Ils disent qu'ils aimeraient bien vivre au moins dans le métier comme nous avons vécu, parce qu'ils ont peur d'avoir un métier moins intéressant que celui que nous avons eu. Pourquoi ? Parce que de notre temps, nous étions là pour faire ce pour quoi nous étions faits. Or actuellement, chacun ne fait pas ce pour quoi il est fait : certains médecins complètement nuls en administration n'ont qu'une seule idée, présider des commissions auxquelles ils ne connaissent rien ; d'autres directeurs d'hôpitaux qui heureusement ne connaissent rien à la médecine se mettent à parler des infections nosocomiales. C'est tout cela qui ne va pas. Chacun devrait faire ce qu'il doit faire. Les internes le sentent bien. Les chirurgiens sont très intéressés par leur métier, qu'ils veulent exercer. Nos internes ne veulent pas déserter le métier. Ils savent qu'il y a des procès, ils savent que l'on gagne dix fois moins que du temps de M. Jean-Michel Dubernard, ils savent que c'est très dur, mais ils veulent faire ce métier. Il ne faut pas dire qu'il n'y aura plus de vocations. Il faut se dire que si chacun faisait ce pour quoi il est fait, on verrait mieux les choses. On en arrive au conseil d'administration : M. René Couanau, vous avez bien dit que ce conseil d'administration ne fait pas ce pour quoi il est fait puisqu'il n'a pas la capacité de le faire. Donc, n'appelons plus cela un conseil d'administration. Va-t-on supprimer cette fausse note ? C'est exactement comme si un médecin devient un administratif, il n'a pas les moyens d'exercer son métier. Enfin, je vais aborder un point que personne n'a osé aborder. Je crois qu'il faut que ce soit quelqu'un de l'intérieur qui l'évoque. Le gouvernement pousse à la reconnaissance au mérite. Dans les hôpitaux, on sait bien qu'il n'y a que des gens épatants puisqu'on n'a jamais le droit de dire du mal d'une infirmière, d'un médecin, d'une aide-soignante. Il n'y a que des saints. Il n'empêche que, parmi ces saints, il y en a de meilleurs. Et parmi ces saints, certains mériteraient d'être gratifiés. Est-ce que l'on osera un jour ? Certains internes travaillent 70 heures par semaine, pendant que d'autres internes travaillent beaucoup moins. Or ils gagnent tous le même salaire. Comment voulez-vous que sans attaquer ce problème de fond, nous résolvions la crise dans les hôpitaux ? Mon dernier point, que vous avez soigneusement éliminé, M. René Couanau porte sur la valorisation au mérite : en effet, l'évaluation de la qualité doit être faite non pas par des flics, mais par nous-mêmes. Nous sommes tous preneurs d'évaluations sollicitées parmi nos collègues qui viendraient nous dire qu'il est possible d'afficher à la porte de l'institut Montsouris : « Mortalité : 10 % dans la néphrectomie élargie ». M. Bernard Guiraud-Chaumeil, président du conseil d'administration de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé : A l'évidence, je défendrai l'idée que cette réforme marchera si elle est régulée par la qualité. Les uns et les autres, nous savons qu'il y a des différences majeures dans la qualité de ce qui est fait dans un hôpital. L'un des principes majeurs à défendre est de pouvoir mesurer cette qualité. Les indicateurs de résultat existent. Les indicateurs de procédure existent. Ceci permettra vraisemblablement de valoriser l'ensemble des gens, de primer l'ensemble des gens qui tirent vers le haut notre hôpital. Réguler par la qualité est la manière de faire avancer notre système de santé et non pas seulement l'hôpital. Nous avons trois manières d'évoluer : la première, c'est de rester immobile en se disant que le passé était meilleur et que nous voulons toujours le même système. Cette manière n'est pas la bonne. La deuxième manière est de dire que le monde est difficile, que la société évolue et qu'il faut nous protéger et que par conséquent, nous voulons encore plus de circulaires, encore plus de décrets. Cette méthode est encore mauvaise. Il n'existe qu'une manière d'avancer : c'est de décider de mesurer la qualité. Nous avons passé notre temps à l'université à évaluer. Il faut qu'à l'hôpital, cette évaluation se fasse, non pas simplement au nombre d'actes, mais à la qualité de ces actes, à la nécessité de ces actes. Je voudrais ajouter, en tant qu'ancien président de la conférence des doyens, qu'au CHU, le monde de l'université doit à l'évidence avoir la place qui lui permet de choisir et de nommer les gens. Je verrais assez mal que le doyen ne participe pas à la nomination des chefs de services dans un CHU. Les médecins hospitaliers et universitaires doivent avoir des critères de qualité autant au niveau de l'enseignement, que du soin et de la recherche. Je pense qu'un chef de pôle et un chef de service doivent avoir les mêmes qualités et je verrais mal que les doyens ne donnent pas leur avis. M. Philippe Even, professeur de médecine, association « Action pour la santé » : En effet, ce projet m'apparaît comme un très grand effort et même un pas en avant. Reste que pour réussir, il doit recueillir l'adhésion de l'ensemble de la communauté des acteurs de l'hôpital, c'est-à-dire les soignants et les administratifs. Pour reprendre la métaphore du Boeing, je dirai que pour décoller, il ne faut pas seulement du carburant et mettre les gaz. Il ne faut pas seulement un pilote et un copilote (administratif et médecin). Il faut naturellement aussi dans l'avion des passagers, c'est pourquoi l'adhésion de tous doit être acquise pour espérer le succès. Je vais me borner à trois remarques très brèves et à trois bombes parce qu'il faut bien que quelqu'un les évoque. Premièrement, sur la tarification à l'activité, c'est une catastrophe d'avoir choisi ce nom d'activité qui prête à confusion avec le terme acte et qui risque de conduire à une spirale des volumes qui irait exactement à l'encontre des objectifs recherchés. Je crois qu'il est encore temps d'en revenir au terme de tarification à la pathologie, avec une dimension qualité. Nous savons que nos hôpitaux travaillent de telle sorte que l'exécution y est le plus souvent du plus haut niveau, mais au niveau des indications il y a probablement beaucoup à faire. C'est précisément parce que ces indications sont souvent exagérées, pour ne pas dire parfois délirantes, que la terminologie de tarification à l'activité est dangereuse. Il suffit de lire les journaux pour constater que les journalistes ont tous compris « tarification à l'acte ». Deuxièmement, il serait invraisemblable que les services, qui sont aussi des centres de formation et de recherche, voient leurs responsables désignés dans les CHU en dehors de l'avis des universitaires. Troisièmement : qualité, qualité, qualité. Tous les hôpitaux anglo-saxons, aux Etats-Unis, en Angleterre, en Australie, au Canada et même en Nouvelle-Zélande comportent un département de qualité. Je me demande ce que l'on attend dans notre vieille culture latine pour en venir à cela car l'ANAES, quand bien même elle serait décentralisée dans les régions, jamais ne pourra réellement contrôler la qualité dans un hôpital s'il n'y a pas de relais, s'il n'existe pas une culture de l'auto-évaluation bien connue des Anglo-saxons et que l'on regrette de ne pas voir plus présente en France. Voilà maintenant les bombes. En matière de nomination et mutation des directeurs d'hôpitaux, il me paraîtrait utile que la CME ou le comité exécutif donne son avis et qu'éventuellement il choisisse. Pas plus que les médecins, les directeurs ne sont égaux. Un directeur devra être choisi en fonction du projet qu'il propose pour l'hôpital dont il désire prendre la responsabilité. Il faut donc qu'il y ait pour les directeurs d'un côté et pour les médecins de l'autre une prise en compte de l'avis de l'ensemble des responsables de l'hôpital, que les représentants des médecins et des infirmières puissent aussi donner leur avis, éventuellement sur une liste, dans le choix de celui qui sera amené à les diriger pour les années qui suivront. Deuxièmement, à propos de la reconversion des élus, je suis d'accord avec M. François Aubart : peut-être faudrait-il, comme aux Etats-Unis pour les shérifs, faire élire dans les villes les directeurs d'hôpitaux, mais certainement pas par les maires et surtout pas par les députés maires ni les sénateurs maires. Sinon, on continuera sans fin le double discours : économie de santé au niveau des votes parlementaires à l'échelon national et dépenses dans mon hôpital à moi pour maintenir l'emploi et l'adhésion de mes électeurs. Nous connaissons parfaitement cette mécanique. Il n'existe rien de plus nocif. Peut-être videra-t-on le conseil d'administration de toutes ses responsabilités et du coup, peu importe qui le présidera. Il reste que, du point de vue de la symbolique, l'autonomie des hôpitaux que chacun a réclamée ce matin ne peut pas se concevoir ainsi, pas plus que la restructuration des hôpitaux. Vous savez très bien qu'il existe deux à quatre fois plus de lits ouverts en France que dans n'importe quel autre pays occidental. Vous savez que beaucoup de services voient les maladies traîner et ne sont remplis qu'à 60 %. Il y a un excès massif de lits aigus ; une redistribution des cartes doit être faite dans les disciplines des lits aigus. Mais inversement, nous manquons de lits de moyens séjours, de lits de convalescence, de capacité d'accueillir les handicapés. Il y a des reconversions à faire, elles sont nécessaires non pas seulement en termes de budget, mais pour la sécurité dans les hôpitaux d'aigus et au service des vieux, des handicapés et des personnes qui doivent être prises en charge sur une longue durée. Il faut absolument s'attaquer aujourd'hui à cette reconversion et nous n'arriverons à rien si nous avons contre nous le pouvoir des maires. Enfin, dernière bombe, je ne peux pas avaler qu'il y ait 40 000 médecins titulaires dans les hôpitaux, plus quelques milliers d'internes, plus quelque 20 000 équivalents temps plein, soit un total de 65 000 personnes environ et 115 000 administratifs, trois fois plus dans le secteur public que dans le secteur privé, deux fois plus que dans tous les pays, sauf les Etats-Unis mais on sait où cela les mène du point de vue de la dépense de santé. Il y a un effort massif à faire dans ce domaine. Les performances des administratifs devraient être évaluées comme devraient l'être celles des médecins. Leurs missions devraient être repensées, tout comme l'utilité de leur travail quotidien qui est énorme et qu'ils se donnent à eux-mêmes. Il n'est pas normal que dans un grand hôpital, à chaque heure du jour, il y ait plus de personnel administratif qu'il n'y a d'infirmières. Je vous rappelle qu'il y a 150 000 infirmières en France et 110 000 administratifs dans les hôpitaux, mais que les infirmières travaillent en 3-8. La catégorie de personnel la plus nombreuse actuellement est donc la catégorie des administratifs. On manque d'administratifs dans d'autres secteurs de l'Etat, on en manque dans les collectivités territoriales. Je crois qu'il y en a un excès considérable dans les hôpitaux, dont les salaires additionnés représentent tout de même 4 à 5 milliards d'euros, ce qui n'est pas négligeable. M. Laurent Degos, professeur de médecine : Nous sommes tous très heureux de constater un bond en avant dans la modernisation des hôpitaux. Mais il faudrait s'occuper de la structure de l'hôpital non seulement en 2007, mais aussi en 2015-2020. Quel sera cet hôpital ? Comment sera-t-il fait ? Le citoyen demande certes plus d'efficacité et de sécurité, mais il demande aussi plus d'ambulatoire. Par ailleurs, la technologie et le médicament deviennent plus efficaces et là aussi, on rentrera dans l'ambulatoire. Le médicament sera d'ailleurs d'autant plus coûteux et il y aura probablement une compensation budgétaire à trouver entre médicament et hôpital. Enfin, nous n'en sommes qu'au début des procès des maladies nosocomiales : très vite, la réaction médicale sera de ne pas garder le patient dans un lit et de le renvoyer le plus vite possible chez lui. L'ambulatoire va donc prendre une place prépondérante dans l'hôpital. Nous étions freinés jusqu'à présent parce que l'hospitalisation et la consultation de jour étaient très dévalorisées dans les moyens d'évaluation actuels. Désormais, nous aurons avec la tarification à l'activité un moyen rapide de passer à l'ambulatoire pour traiter les mêmes pathologies. Je pense que très rapidement, nous allons constater une diminution drastique du nombre de lits de plus de 24 heures. Le frein, c'est le maire, mais il sera peut-être contournable dans le futur. De ce fait, si l'on a beaucoup moins de lits, nous aurons donc un transfert de charge entre l'hôpital et la ville. Qui va prendre la partie sociale du patient ? La ville et le maire auront peut-être là un rôle. Je me demandais si vous aviez bien réfléchi à ce transfert social. Nous devrons, dans le futur, avoir un relais, si l'hôpital ne fait que de l'ambulatoire en dehors de quelques pathologies qui nécessitent l'hospitalisation. Il est sûr que nous allons avoir un vrai transfert de charge pour lequel l'hôpital de 2007 à 2015 jouera un rôle technologique ambulatoire plus qu'hôtelier. Est-ce un transfert vis-à-vis de la ville ? Est-ce qu'il y aura des caisses qui prendront en charge des hôtels, en face de l'hôpital ? Avez-vous pensé à ce transfert ? M. Bernard Lafond, sous-directeur des hôpitaux, direction centrale du service de santé des armées : Les hôpitaux des armées suivent de très près toute cette évolution du service hospitalier puisqu'ils concourent au service public et qu'il n'existe pas mille et une manières différentes d'organiser un hôpital, qu'il soit civil ou militaire. Néanmoins, nous ne sommes pas réglementairement impliqués. Je souhaitais apporter un témoignage qui découle du fait que les hôpitaux militaires ont vécu les problèmes de l'hôpital public. Le retentissement de la crise des professions de santé se fait sentir dans nos hôpitaux qui ont également subi le contrecoup de l'évolution du dispositif de défense, de la professionnalisation, ce qui les a mis à un moment donné dans une situation d'urgence. A ce titre, peut-être ont-ils pris un peu d'avance sur un certain nombre de démarches qui maintenant sont en place chez nous et qui sont l'auto-évaluation, la contractualisation interne, la contractualisation avec la direction centrale que je représente et avec la DHOS. Toute cette démarche a abouti à la construction de budgets hospitaliers fondés sur cette espèce de fusée à étages, dans un système d'organisation hérité du passé qui met les médecins à la tête des établissements. En effet, le médecin-chef de l'établissement est un médecin auquel sont associés des gestionnaires hospitaliers. De ce fait, il n'y a pas dans nos établissements la victoire d'un pouvoir sur l'autre. Car ce n'est pas parce que nos médecins sont médecins-chef que cela en fait des experts en administration. Cela les met à une place de responsabilités où ils exercent et font sentir une compétence, qui est la compétence médicale, dans un dialogue permanent et pluri-quotidien avec nos gestionnaires hospitaliers. Tout cela aboutit à l'obtention d'un véritable point d'équilibre qui se fait précisément sur la finalité même de l'action hospitalière qui est la prise en charge du patient et la qualité, avec la convergence de logiques qui ne s'affrontent pas, mais se rejoignent et font des deux parties de véritables acteurs de santé. Ils sont complètement unis sur la finalité même du soin. Je pense qu'il faut diffuser beaucoup d'informations en direction des médecins qui sont placés à ces postes de responsabilité. Mais l'information ne suffit pas. Il faut aussi une véritable formation. A partir du moment où les médecins sont impliqués dans la sphère administrative et non pas seulement du point de vue de l'expertise, l'amateurisme, même éclairé, ne suffit pas. Il faut peut-être que le médecin accepte de s'impliquer véritablement dans l'acquisition sinon d'un savoir, du moins d'une bonne sensibilité à ces questions. Les moyens existent et il ne faut pas hésiter à y recourir. M. Jean-Luc Préel, député : Je vous félicite d'avoir organisé cette réunion qui bénéficie d'une grande liberté d'expression. Les avis que nous avons entendu ce matin étaient passionnants. Pour avoir participé à la mission présidée par M. René Couanau et qu'il avait intitulée « Le désenchantement hospitalier », je rappelle que le sous-titre était « le miracle permanent » car il fonctionne encore. Je pense que nous avons encore l'espoir de le voir fonctionner parce que tout le monde est d'accord pour dire que la réforme est urgente et nécessaire. Ce qui est proposé est intéressant et je voudrais faire quelques remarques. Ma première remarque concerne la responsabilité du conseil d'administration : on a évacué assez rapidement la question. Je souhaite que l'on ait un véritable conseil d'administration qui administre réellement l'hôpital, qui recrute véritablement le directeur de l'hôpital et que le directeur soit responsable devant le conseil d'administration de l'application du projet d'établissement. Je crois que c'est essentiel. Si l'on ne va pas vers cela, je crains que l'on aille vers des « assistances publiques régionales » dirigées par les ARH et contrôlées on se demande par qui. Si l'on veut réellement une autonomie et une responsabilité, il faut donner un vrai pouvoir au conseil d'administration. Ma deuxième remarque concerne les niveaux des établissements. Je plaide pour qu'il y ait plusieurs niveaux, que les CHU relèvent de la responsabilité de la région et que l'on ait ensuite des hôpitaux de secteur de la responsabilité des départements et des hôpitaux de proximité de la responsabilité des communes. Bien entendu, l'ensemble des établissements doit fonctionner en réseau. Je souhaite que les communes aient une responsabilité financière partielle, ce qui impliquerait une vraie responsabilité des conseils d'administration, et qui est une façon de résoudre le problème. Ma troisième remarque est qu'il faut aller vers des contrats et des évaluations. Là-dessus tout le monde est d'accord et il reste à savoir comment on fixe les contrats : est-ce que les directeurs sont recrutés sur contrat et sont évalués ? Est-ce que l'on va vers des vrais contrats et vers le mérite pour les médecins ? Ma quatrième remarque concerne la tarification à l'activité. Tout le monde peut regretter ou redouter que la réforme se fasse au niveau national à enveloppe constante. Si la réforme se fait à enveloppe constante, on voit mal comment elle va fonctionner correctement, car comment l'appliquer sans remise à niveau quand on sait que de près de 50 % établissements ont aujourd'hui des reports de charge ? Si on ne remet pas du charbon, du pétrole, du kérosène au départ, je pense que l'on va aller à l'échec. Comment rééquilibrer les établissements ? En effet, certains sont sur-dotés par rapport à d'autres. Si l'on raisonne à enveloppe constante, il faudra retirer à ceux qui sont sur-dotés pour donner aux autres. Comme le personnel compte pour 70 % des dépenses, on va bloquer très vite dans le rééquilibrage entre les différentes régions. Enfin, il est nécessaire pour ma part d'avoir une adaptation permanente de la nomenclature en raison de l'évolution des techniques. Je prends l'exemple tout simple de la coronographie par voie chirurgicale ou par voie fémorale. Si l'on n'évolue pas vite, nous aurons de véritables problèmes. Quand on voit le manque de réactivité pour la classification commune des actes médicaux et le nombre d'années nécessaires pour évoluer, j'ai de grands doutes pour le suivi de l'évolution technique par la tarification à l'activité. Cela sera très grave. La tarification à l'activité a un côté inflationniste certain, puisque chaque service, chaque hôpital sera financé en fonction de l'activité qu'il développera lui-même. Comment se fera la régulation au niveau national ? J'aimerais que l'on m'explique comment on la mettra en œuvre. Il faut redonner de l'espérance, notamment aux jeunes, afin que les étudiants s'orientent vers les spécialités indispensables. L'année dernière, seuls 30 % des postes créés ont été pourvus ce qui est inquiétant. Comment réussir sans prendre en compte la responsabilité, la pénibilité et le mérite ? Nous avons à réaliser une véritable réforme en ce sens et si nous ne la faisons pas, j'ai peur que demain, nous ayons de vrais problèmes. M. Henri Guidicelli, professeur de médecine : Je suis professeur de chirurgie vasculaire. J'ai rédigé deux rapports en chirurgie, l'un remontant à dix ans qui m'avait été confié par M. Gérard Vincent, alors directeur des hôpitaux, et l'autre en collaboration avec M. Jacques Domergues. Je suis très content car en tant qu'hospitalier universitaire, je sens une volonté de changement qui est très importante. Il ne faut pas faire du catastrophisme, aussi bien en public qu'en privé ; il faut croire à ce changement et aller de l'avant. Notre exemple, celui des seniors, est important pour les jeunes : ils ne comprennent pas qu'à la tête des services, il y ait ce découragement. Je crois qu'il faut se reprendre et croire en l'avenir. Il est vrai que la chirurgie pose un problème très particulier. Lors de mon premier rapport, j'avais visité une centaine d'hôpitaux privés et je m'étais rendu compte, il y a dix ans, que certains services de chirurgie, en termes de sécurité, ne répondaient pas aux attentes de la population. Il faut donc restructurer les hôpitaux, il faut certainement fermer les services de chirurgie et les transformer en soins de suite. Il faut regrouper, mailler les hôpitaux, décloisonner les secteurs publics dans un bassin de population et faire travailler ensemble, autour des plateaux techniques, le privé et le public, en particulier au niveau de l'urgence chirurgicale. Je suis également ravi d'entendre parler d'évaluation car il y a dix ans, j'avais été frappé, en visitant les services de chirurgie universitaires et non-universitaires, de constater que l'on ne savait pas qui faisait quoi et que les responsables eux-mêmes ne connaissaient pas leurs résultats. Or en chirurgie, ceci est très facile car il y a des référentiels et il suffit de s'y mettre. On sait très bien que lorsqu'on est dans le secteur rouge, on doit se remettre en question en termes de résultats. Il y a des choses qui devraient être affichées, comme aux Etats-Unis. On y viendra. La véritable culture d'évaluation n'a pas été assez mise en pratique. Dans les services, on sent bien que les jeunes ou les moins jeunes ont besoin de cette culture. Evaluation ne signifie pas sanction, mais remise en question. Je termine en disant deux mots sur l'observatoire national de la démographie des professions de santé où j'ai été chargé de mission concernant la chirurgie. M. Yvon Berland, qui en est à la tête, fait un travail extraordinaire, mais le problème est de savoir qui fait quoi aujourd'hui, dans les différentes spécialités médicales. En matière de chirurgie, nous avons relevé des dissociations entre les chiffres démographiques donnés par les organismes officiels et ce qui se passe sur le terrain. Avec M. Yvon Berland, nous essayons d'avoir des explications afin de dresser un état des lieux précis qui, naturellement, doit prendre en charge la prospective et les filières de formation. Cette démographie doit avoir un impact sur les structures de santé qui doivent être remises en question au sein des bassins de population. Je suis satisfait de constater que tout cela avance. Tenez compte tout de même des spécificités chirurgicales. La chirurgie connaît une crise qui est certainement beaucoup plus importante sur le terrain qu'elle n'est perçue au niveau des décideurs. M. Etienne Tissot, professeur de médecine : Je voudrais rappeler ici que les orientations d'Hôpital 2007 répondent aux souhaits des présidents de CME de CHU. En effet, depuis plusieurs années, les présidents de CHU, les directeurs généraux et les doyens avaient exprimé très clairement leurs craintes de voir dépérir l'hôpital public et notamment le CHU. Nous l'avions dit et répété lors de nos assises hospitalo-universitaires de Montpellier puis de Nice. Le résultat de nos réflexions et de nos travaux avait abouti à sept propositions communes et nous sommes extrêmement satisfaits de constater que la plupart de ces propositions ont été reprises dans Hôpital 2007. L'aide à l'investissement répond vraiment au vieillissement de notre patrimoine. Les uns et les autres peuvent maintenant constater qu'il va y avoir des grues dans les hôpitaux, ce que nous attendions depuis longtemps. L'élément le plus important d'Hôpital 2007 est peut-être cette ordonnance de simplification administrative qui répond véritablement à un souci d'efficacité et de raccourcissement des délais. Nous sommes très heureux de constater que dans certains de nos sites, des réalisations majeures vont pouvoir être réalisées en moins de 18 mois, alors qu'il fallait auparavant de nombreuses années. Nous avons beaucoup parlé ici de la tarification à l'activité. Je partage ce qui a été dit sur le choix du terme : c'est également une réponse à nos attentes. Nous en avions assez de la dotation globale, dont nous connaissions les effets pervers. Il est certainement très utile de financer l'activité plutôt que les structures. Il faudra faire attention à ce qu'il n'y ait pas de dérives vers le productivisme et qu'il y ait toujours ce souci d'évaluation. A propos de la gouvernance, il faut bien savoir qu'elle est appliquée sous la forme qui est dans les textes dans la plupart de nos CHU depuis longtemps. Nous avons insisté sur le fait que les médecins et les directeurs étaient dans le même bateau et qu'il ne devait plus y avoir de luttes de pouvoir. Les décisions majeures d'un établissement doivent être prises conjointement par le directeur général, le président de la CME et le doyen, assisté d'un comité exécutif. Nous sommes heureux de constater que la spécificité hospitalo-universitaire, à laquelle nous sommes évidemment très attachés, va être traitée dans le prochain mois. Pour réussir ce plan Hôpital 2007, auquel nous croyons, il faut évidemment que l'application soit la plus adéquate possible et qu'il y ait un énorme effort de communication. L'application repose, selon nous, sur la notion de souplesse : on ne peut pas généraliser l'application des textes dans certains hôpitaux généraux de petite taille et dans les différents CHU. Il faut que chaque établissement dispose de suffisamment de marges de manœuvre pour s'organiser comme il l'entend, en respectant bien évidemment la loi et l'esprit de la loi. C'est vrai pour ce qui concerne le découpage des pôles d'activités médicales. Nous insistons lourdement là-dessus : ces pôles ne doivent pas être découpés de façon arbitraire, ils doivent être dessinés avec souplesse. Ce découpage doit reposer sur un projet médical, et non pas uniquement un projet de gestion. C'est un projet médical et de gestion qui doit, pour les CHU, comporter tous les volets de notre mission de CHU, c'est-à-dire les soins, mais également l'innovation et la recherche, ce qui implique les doyens dans la désignation des responsables de pôles. La communication est un élément très important. Je peux vous garantir que les présidents de CME ne sont pas des apparatchiks détachés de leurs collègues. Ce sont des hommes de terrain qui expriment ce que pensent leurs autres collègues sur le terrain. Il est très facile d'organiser des assemblées générales de médecins. Nous l'avons fait la semaine dernière avec M. Benoît Leclercq. Nous avons expliqué Hôpital 2007 devant l'ensemble des médecins de Lyon et nous avons entendu leurs réactions. C'est facile à organiser pour décliner les différents chantiers d'Hôpital 2007 et faire comprendre les avantages de chacun des grands chantiers. Tous ces éléments sont très importants pour nous. Les textes qui sortent ont fait l'objet d'une concertation pendant de longs mois et nous nous en sommes réjouis. Les présidents de CME n'ont pas eu l'habitude de bénéficier d'autant de concertation dans des dossiers au moins aussi importants qui avaient été traités antérieurement, et notamment le dossier de l'aménagement de la réduction du temps de travail qui s'est malheureusement terminé en dossier de la RTT. Tout ce que je viens de vous dire explique que les présidents de CME de CHU ont signé le protocole qui nous a été proposé en début de semaine. Pour terminer, je voudrais citer un écrivain qui était un peu Lyonnais, Saint-Exupéry : « On ne peut être responsable et désespéré ». M. Robert Toubon, journaliste : Je voudrais rappeler quelques évidences qui ont d'ailleurs déjà été évoquées par MM. Bur et Aubart. L'hôpital n'est pas seul et ne sortira pas de la crise si l'ensemble du système de santé n'en sort pas lui-même. Pour répondre l'image de M. Guy Vallancien, j'ai peur que l'avion ressemble pour l'instant au charter libyen de Cotonou. Le pilote voulait décoller, il était plein de kérosène, mais s'est effondré en bout de piste car il y avait trop de passagers et trop de fret. Or, aujourd'hui, est effectivement à l'origine des plus graves dysfonctionnements du système hospitalier la surcharge : au moins neuf motifs de consultations sur dix relèvent de la médecine de ville ou de la base du système hospitalier. J'ai peur que l'on ne s'intéresse pas suffisamment à la base du système hospitalier, à l'hôpital de proximité. Pourquoi y a-t-il cette surcharge ? De la même façon qu'un bon homme politique ne fera pas longtemps carrière s'il considère que les électeurs sont des imbéciles, un médecin ne peut pas considérer que les malades sont des idiots. Si les patients négligent la première étape, la base de la médecine hospitalière, c'est parce qu'ils n'y trouvent pas la prise en charge qu'ils recherchent. Il y a toujours plusieurs causes pour expliquer une situation, mais il en existe selon moi une que l'on n'évoque pas assez : les médecins qui devraient prendre en charge les 9/10 des motifs de consultations ne sont pas formés au métier qu'ils exercent. Tant qu'on ne se sera pas mis cela dans la tête, on ne s'en sortira pas. Il faut certes que la réforme démarre à toute allure, mais M. François Aubart a donné quelques pistes sur les façons qu'il y aurait d'améliorer la communication entre la ville et l'hôpital. Le fait que les personnels soient formés au métier qu'ils doivent exercer est tout à fait fondamental. Depuis plus de trente ans, je m'intéresse à divers titres au monde de la santé. A l'époque, on discutait encore sur l'omnivalence du diplôme de docteur en médecine. Pourquoi un médecin généraliste ne pourrait-il pas faire une transplantation ? Aujourd'hui, on pourrait se poser la question à l'envers : est-ce que quelqu'un qui avait toutes les compétences pour être chef de clinique, agrégé, patron de service de CHU, mais qui ne le sera pas pour une raison de place va être le mieux placé pour prendre en charge l'ensemble des motifs de consultation ? On les appelle « bobologie », mais c'est péjoratif, car parmi les motifs de consultation, il y a toujours une souffrance. Je me pose la question. M. Paul-Henri Cugnenc, député : Quand on intervient en fin de débat, la première constatation que l'on fait est que les points que l'on souhaitait aborder ont déjà été débattus. Je souhaitais, comme tout le monde, en introduction polie, qu'on se remercie, qu'on se félicite et qu'on dise que tout va aller très bien. Chaque intervenant l'a fait avant moi et sûrement mieux que moi, je parlerai donc simplement de quelques petits éléments qui concernent peut-être plus la forme que le fond. Aujourd'hui, nous avons de très bonnes idées dans le plan Hôpital 2007. Comme M. René Couanau, puisque je fais partie des dix parlementaires qui l'ont entouré dans la rédaction de son rapport aux conclusions consensuelles quelle que soit l'opinion politique des rédacteurs, je constate que nous avons été entendus et que les idées du plan sont bonnes et sont même très bonnes. Maintenant, il va falloir regarder leurs retentissements sur le terrain. J'interviens à ce niveau. A l'hôpital, aujourd'hui, certains éléments ne vont pas du tout. Je ne vais pas les décliner, mais nous savons que parmi ce qui ne va pas, il y a le problème du manque d'esprit d'équipe, de motivation et puis surtout du bon sens. En matière d'esprit d'équipe, il faut savoir si le plan 2007 va être capable de changer radicalement la situation. Nous avons, en France, la caractéristique d'avoir côte à côte à l'hôpital d'excellents acteurs et d'excellents responsables, aussi bien au niveau médical qu'au niveau de la gestion et des administratifs, mais nous ne sommes pas sûrs qu'ils travaillent bien ensemble. Tant que nous n'aurons pas mis à l'hôpital l'esprit d'équipe qui convient entre ceux qui gèrent et ceux qui soignent, je ne vois pas comment on va pouvoir avancer dans la cohésion. En matière de motivation, on a l'impression que les uns et les autres ne parlent pas la même langue. Aujourd'hui, lorsque l'on souhaite donner une promotion à des membres du personnel soignant et à des infirmières, on leur donne des responsabilités administratives. Ce n'est pas du tout ce qu'elles souhaitent. Comment peut-on motiver réellement les soignants au sein de l'hôpital ? Se crée avec cette espèce de dérive que nous observons un état d'esprit infiniment regrettable : nos infirmières me disaient encore la semaine dernière qu'elles avaient l'impression d'être évaluées en deux groupes, avec d'un côté les infirmières intelligentes que l'on va éloigner des malades et réunir autour d'une table et de l'autre côté les moins intelligentes, qui vont rester avec les malades. Les soignants pensent qu'il faudrait faire exactement le contraire. On en vient au problème du bon sens. Je ne comparerai pas l'hôpital à un moyen de transport, mais si nous n'avons pas le bon sens élémentaire, nous risquons de décoller, mais nous ne sommes pas sûrs de revenir. Les soignants constatent qu'à l'hôpital, quand on n'a rien à dire, quand on n'a rien à décider, on se réunit ; or les soignants pensent que l'on ne doit se réunir que lorsque l'on a des choses à dire et à décider. Les pôles d'activité tels que les propose le plan sont une grande avancée, mais il faudra savoir si nous avons les moyens de mettre les choses en place. J'ai la chance d'appartenir à un hôpital qui, depuis quatre ans, a ouvert avec des pôles d'activité. Pourtant, depuis 2000, nous fonctionnons comme avant, parce que les pôles d'activité ne reçoivent aucune dotation. Nous vivons donc en services et pas plus mal qu'ailleurs. Or le temps qui va s'écouler entre 2004 et 2007 est inférieur au temps qui s'est écoulé pour nous entre 2000 et 2004. Pourtant, en matière de pôles d'activité, nous n'avons pas avancé. Je suis moi-même le responsable du pôle de cancérologie, j'ai voulu être aux premières loges pour constater les évolutions : rien n'a bougé. Il va donc falloir avancer à une autre vitesse. Ainsi, les idées sont bonnes, mais nous attendons de constater leurs effets sur le terrain et surtout la vitesse des changements. Je constate par exemple que dans un même secteur géographique, lorsque nous sommes en situation de pénurie en matière de personnel, dans l'hôpital le plus vétuste de l'Assistance publique, on ferme le tiers de salles d'opérations. Mais à l'hôpital Pompidou qui vient d'ouvrir, on ferme aussi le tiers des salles d'opération. Personne n'a le bon sens de dire que, dans une maison comme la nôtre, si l'on ne peut pas faire tourner toutes les structures, peut-être faudrait-il faire tourner celles qui sont en situation de performance. Nous sommes dans une telle rigidité et dans un tel dogmatisme que quand on ferme le tiers des salles, on ferme le tiers des salles dans ce qui est neuf et le tiers des salles dans ce qui est complètement vétuste. Si l'on ne change pas cet état d'esprit, nous disposerons de peu de marges de manœuvre pour progresser. En France, tous les citoyens pensent que l'hôpital est fait pour les malades et pour ceux qui s'en occupent. Mais les soignants à l'hôpital savent bien qu'en pratique, l'hôpital n'est pas fait pour cela. Je souhaiterais qu'au terme du plan 2007, les soignants se remettent à penser comme l'ensemble des Français que l'hôpital est fait pour les malades et pour ceux qui s'en occupent. M. Olivier Gomez, directeur d'hôpital, membre du Syndicat national des cadres sanitaires et sociaux de la CFDT : Mon intervention portera sur la réforme de l'organisation interne de l'hôpital public qui est le dernier volet du projet Hôpital 2007. Cette réforme nous paraît indispensable et le projet présenté par le ministre nous paraît aller dans un sens positif, nécessaire pour améliorer la réponse aux besoins de santé. Néanmoins, mon intervention consistera en trois points visant à demander des éclaircissements sur différents points de ce projet. Pour notre organisation, il nous semble que la réforme du fonctionnement interne de l'hôpital ne peut réussir que si elle remplit trois conditions. Il faut garantir un équilibre des pouvoirs et faciliter la prise de décision. Dans ces conditions, la création d'un conseil exécutif est une évolution tout à fait intéressante, mais il nous semble nécessaire de choisir définitivement si ce conseil est une instance de concertation ou une instance de décision, ce qui n'a pas le même impact sur la responsabilité de chacun de ses membres. Il faut ensuite clarifier l'organisation des structures médicales pour qu'elles puissent répondre au mieux aux besoins de santé. Dans ces conditions, la réintroduction des services et des chefs de service dans la dernière version du projet de texte législatif nous paraît poser trois questions qu'il convient d'éclaircir : est-ce que la réintroduction des services et des chefs de service ne remet pas en cause la liberté d'organisation du pôle puisque ce sont les seules structures internes mentionnées dans le relevé de conclusions ? Est-ce que la réintroduction de ces services ne risque pas de déboucher sur des conflits de compétences entre chefs de pôle et chefs de service ? Est-ce que la réintroduction des services ne risque pas de compromettre l'émergence du chef de pôle et l'objectif d'une organisation plus souple et plus simple des structures médicales ? Enfin, l'implication de tous les professionnels pour garantir la mobilisation nécessaire est indispensable. Dans ce cadre, il nous paraît nécessaire de clarifier et de conforter les compétences du conseil de pôle qui ne peut être que la seule transposition du conseil de services, qui est une instance qui n'a pas rencontré le succès escompté. Dans cette mobilisation des professionnels, il est sans doute nécessaire de définir ou de renforcer le projet social et de moderniser le dialogue social pour impliquer l'ensemble des catégories professionnelles. En tant que jeune directeur d'hôpital, je suis tout aussi désireux que les autres membres présents dans cette salle de contribuer à améliorer la réponse aux besoins de santé et je reste à cet égard toujours très surpris par certaines charges simplistes contre l'administration qui ne me paraissent pas de nature à contribuer à la clarté du débat. M. Jean-Luc Chassagnol, président du Syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH) : Le syndicat national des cadres hospitaliers, syndicat majoritaire chez les directeurs d'hôpitaux, a signé le protocole car pour nous, cette réforme tant dans sa philosophie que dans l'ensemble du texte va globalement dans le bon sens en permettant notamment une plus grande autonomie des établissements. Néanmoins, je souhaite préciser dans ce cadre que cette autonomie devra respecter les schémas régionaux d'organisation des soins. Je pense qu'il convient d'insister sur ce point, à défaut de voir la tarification à l'activité dériver vers une gestion administrative des hôpitaux qui ferait fi de nos missions de service public. La tarification à l'activité oui, mais pas une tarification d'activité du type « clinique privée », ces cliniques n'ayant pas les mêmes objectifs que les hôpitaux publics. L'exemple le plus parlant de cette autonomie est bien évidemment la mise en musique, enfin, de « l'amendement liberté » de la loi de 1991, dont nous nous réjouissons. Il va néanmoins de soi que pour le SNCH, cette réforme devra s'accompagner de l'acceptation par le gouvernement d'amendements au texte sur certains points, outre ceux cités à l'instant par l'ami de la CFDT : - revoir sans doute le pouvoir d'alerte, qui dans la rédaction actuelle peut amener plus d'incompréhension et une certaine difficulté à diriger les hôpitaux, même si nous ne le contestons pas sur le fond ; - préciser ce que l'on entend par cosignature : on ne peut pas écrire dans un texte que les pôles doivent être obligatoirement organisés avant le 1er janvier 2007, sans préciser ce qui se passe si, dans un hôpital, le président de la CME et le directeur ne s'entendent pas pour nommer le responsable du pôle ; - renforcer le volet évaluation : la dernière version rédigée par l'ANAES sur les mesures d'accréditation va plutôt dans le bon sens et nous sommes plutôt optimistes ; - retirer, et c'est pour nous une évidence, l'article spécifique sur les hôpitaux psychiatriques et la nomination des chefs de service en psychiatrie qui ne reflète pas à notre sens la majorité des médecins en psychiatrie, même s'il reflète certains de leurs leaders syndicaux. - accompagner très vite cette réforme d'une autre réforme statutaire d'envergure pour les directeurs et pour les praticiens hospitaliers. Pour conclure, M. Philippe Even a été un peu polémique et je souhaiterais répondre également sur un ton polémique. Il ne s'agit pas de trois bombes, mais de trois « bombinettes ». A propos de l'autogestion, M. Philippe Even propose que les directeurs soient élus par les infirmières. Que je sache, le premier exemple d'autogestion date de 1970 : les chefs de département devaient être élus par l'ensemble du département. Pourtant, ce sont bien les chefs de service qui ont refusé cette réforme. Par ailleurs, selon M. Philippe Even, les élus ne doivent plus être présidents du conseil d'administration. Si, les élus doivent rester présidents du conseil d'administration ! En tant que citoyen, je suis choqué par ce manque total de confiance dans notre système démocratique et dans la représentativité des élus. Le peu d'expérience ministérielle que j'ai me montre qu'à l'évidence, lorsque le maire d'une grande ville rencontre un ministre, son poids politique n'existe pas en tant que président du conseil d'administration, mais en tant que député maire de cette grande ville. Il sera d'autant plus compétent pour discuter qu'il connaîtra les problèmes de son hôpital et présidera à la destinée de son hôpital. Troisièmement, le SNCH persiste à penser que l'hôpital est un des éléments de la vie d'une ville et je ne vois pas comment le maire pourrait en être écarté. Enfin, et beaucoup plus sérieusement, on ne peut plus vous laisser dire qu'il y a beaucoup trop d'administratifs dans les hôpitaux publics. C'est inexact : je vous renvoie à l'excellente revue du ministère Informations hospitalières. Les pourcentages d'administratifs dans les hôpitaux et dans les cliniques privées en France sont identiques à 0,3 % près. En outre, si l'on va creuser dans ce livre ce qui s'est passé lors des dix dernières années, on constate qu'effectivement les pourcentages des administratifs sont restés les mêmes, mais que dans les services logistiques (buanderie, cuisine), les effectifs ont baissé et que les effectifs de secrétaires médicales ont augmenté et c'est tant mieux. Le pourcentage est donc resté le même parce que c'est auprès des chefs de service que les personnels ont été mis. On ne peut plus, dans la situation grave que nous connaissons, vous laisser dire de telles inexactitudes. Pour conclure, je crois qu'une fois le texte voté, il conviendra d'accompagner cette réforme d'une communication d'envergure sur tous les métiers de l'hôpital (il ne s'agit pas de les monter les uns contre les autres) afin de redonner envie aux jeunes infirmiers, mais plombiers également, de venir travailler dans des établissements où toutes les disciplines sont confrontées à un réel problème de carrière. M. Claude Leteurtre, député : Je suis moi-même chirurgien hospitalier, ce qui me permettra d'avoir une délicatesse chirurgicale. J'avoue avoir été un peu perplexe devant ce plan Hôpital 2007 au regard de sa mise en œuvre en termes d'investissements. Mais le sujet n'est peut-être pas là. Je voudrais dire comme mes collègues que la chirurgie hospitalière est en danger, et notamment la chirurgie viscérale. Il faut bien comprendre que l'on ne va plus former de chirurgiens viscéraux, notamment en chirurgie froide et qu'il y a un problème d'avenir de la chirurgie dans les hôpitaux généraux qui est extrêmement fort et extrêmement grave. M. le ministre le sait bien. Je ne lui apprends rien. J'ai acquis une certitude aujourd'hui : sur le terrain, nous sommes confrontés à des choses gigantesques en termes de circulaires, de protocoles. J'ai vécu l'accréditation, qui n'amène rien, si ce n'est des contraintes supplémentaires. Nous perdons en productivité. Avec cette tarification à l'activité, il faut prendre en compte cette perte de temps. Je souhaite vous citer un autre exemple : le dépistage du cytomégalovirus coûte 200 millions d'euros par an. Ce dépistage ne sert à rien. Ne faudra-t-il pas alléger ce type de choses ? Il y a des économies à faire. Tout ce qui tourne autour du prion nous coûte une fortune, nous rend moins opérants, parfois moins efficaces. Finalement, je vais rompre tout l'enthousiasme. Une certitude m'est apparue, mais ce n'est pas forcément un reproche ou une critique. Il s'agit d'une réforme bâtie par les hospitalo-universitaires qui ne prend peut-être pas assez en compte le sort des hôpitaux généraux. J'ai été agressé par les propos de M. Philippe Even. Le maire doit être président du conseil d'administration. C'est fondamental. Il a sa légitimité. En outre, n'oubliez pas que dans les hôpitaux, il est la dernière intervention de l'Etat vraiment efficace en termes d'aménagement du territoire. Cela ne veut pas dire que les maires doivent faire n'importe quoi et telle n'est pas leur logique, mais il faut bâtir un vrai maillage. Le maillage ne consiste pas obligatoirement à tout mettre sur un plateau technique qui doit être extrêmement performant. C'est peut-être nécessaire pour certaines spécialités, mais peut-être pas dans toutes. Il faut vraiment définir les conditions de complémentarité entre les hôpitaux. C'est comme cela que l'on définira un vrai aménagement du territoire. Le rôle des maires, qui peuvent être intelligents, je vous l'assure, est de bien défendre leur établissement et de le faire évoluer. Je crois qu'ils en sont capables. Mme Josiane Pheulpin, infirmière à l'hôpital intercommunal de la Haute-Saône : Je vous remercie de m'avoir invitée. Je ne suis pas cadre infirmier. Je suis une simple infirmière de terrain, je ne suis pas du tout pour la paperasserie, je travaille près de mon malade. La dernière fois, j'étais venu pour défendre ma profession et vous faire part du mal-être et de la démotivation que nous ressentions tous. Aujourd'hui, je suis venu pleine d'espoir et de bonheur : je suis comme un enfant à qui l'on vient de montrer le Père Noël, je viens de voir mon ministre de la santé. J'ai ressenti une grande joie en écoutant vos propos, ce matin. Je crois que toutes les choses qui ont été dites vont se faire. J'ai beaucoup d'espoir. J'y crois profondément. Je travaille au centre hospitalier intercommunal de Lure, qui est le centre intercommunal de la Haute-Saône, à qui ont été rattachés l'hôpital de Vesoul, l'hôpital de Luxeuil et l'hôpital de Lure. M. Henri Kreis, professeur de médecine, chef de service à l'hôpital Necker : Je vous remercie, M. le président, de m'avoir fait participer à ces deux débats sur l'hôpital public. Je n'ai aucune compétence particulière, je ne suis mandaté par personne pour parler et je ne représente que moi-même. Je ne suis qu'un chef hospitalier qui a commencé sa carrière il y a une cinquantaine d'années et qui va la terminer à la fin de celle-ci. J'ai vécu une réforme qui a été une réforme fondamentale et j'en ai vécu beaucoup d'autres après, mais elles n'ont rien apporté : la seule qui a apporté quelque chose est celle qui a instauré le plein-temps hospitalier. Depuis, il y a eu des innovations, soi-disant fantastiques, mais je ne suis pas sûr que tout cela change grand-chose. Le plein-temps hospitalier avait transformé les hôpitaux mauvais de l'époque en des hôpitaux excellents sur le plan international. Aujourd'hui, je suis à la fois heureux d'avoir connu le système hospitalier quand il était bien portant, quand il était en croissance, quand les médecins géraient le projet hospitalier de l'hôpital, mais je m'en vais triste parce qu'un médecin est toujours triste quand il quitte son ami lorsqu'il est très gravement malade. Or le système hospitalier est très gravement malade. Le débat que nous avions eu l'avait montré et le débat d'aujourd'hui apporte quelques cataplasmes, mais pas un véritable traitement, j'en ai peur. Il y a des bonnes choses, ce sont des petits pas. Or il faut aujourd'hui d'énormes pas. Il faut des bottes de sept lieues pour récupérer l'hôpital. Une chose a changé dont personne n'a tenu compte ici : les mentalités et la société ont changé. Si l'hôpital a fonctionné, certes le plein-temps en est très responsable, mais le plein-temps n'a jamais défini nos horaires de travail. Si l'hôpital a fonctionné, c'est parce que nous n'avions pas d'horaires de travail. Les médecins hospitaliers ont fait du bénévolat parce qu'on leur donnait un outil qui leur permettait d'aboutir à leur objectif qui était de mieux soigner les patients, de développer la médecine et de former de nouveaux médecins. Aujourd'hui, il n'y a plus ce bénévolat. L'évolution de la société fait que de plus en plus, tout le monde devient fonctionnaire, y compris les médecins. On ne fait plus d'efforts au-delà du temps de travail et en plus de cela, on réduit le temps de travail. Où va-t-on ? Pour moi, une équipe hospitalière a un projet et essaie de l'appliquer. Elle a un humanisme et essaie d'appliquer son humanisme à toute son équipe. Si l'équipe doit être fragmentée, ce qu'elle est avec ce fonctionnement en 3-8, l'équipe va être obligée de se dédoubler, de se tripler. Le projet médical, l'esprit d'équipe n'existeront plus. Ils n'existent déjà plus aujourd'hui dans la plupart des services hospitaliers. Aujourd'hui, le temps d'accès à l'hôpital est en train d'augmenter. Il double, il triple et parfois beaucoup plus. Qu'est-ce qu'on va faire pour tout cela ? Je ne sais pas, je ne l'ai pas entendu aujourd'hui. Vous parlez d'augmenter les investissements hospitaliers. C'est bien. Il faut rénover le parc hospitalier, il y a encore des bâtiments trop vétustes. On n'entretient pas les bâtiments hospitaliers. Mais est-ce qu'il faut simplement rénover le parc ? Il faut en fait restructurer les hôpitaux. Il y a trop de lits d'aigus, il n'y a pas assez de lits de moyen séjour, pas assez de long séjour de bonne qualité. En revanche, il y a des hôpitaux un peu partout, dans de nombreux endroits où il n'y en a pas besoin, peut-être parce que là encore, ce sont les maires les présidents des conseils d'administration des hôpitaux. Pourtant, il faut restructurer l'hôpital, supprimer les hôpitaux qui ne sont pas nécessaires pour en remettre là où on en a besoin. Ce n'est pas uniquement la proximité qui est importante, c'est avant tout la bonne médecine et la sécurité des malades. On ne pourra pas installer des hôpitaux de proximité partout en assurant une sécurité et une qualité des soins identiques partout. Il y a donc là encore d'importantes choses à faire, mais il faudrait les faire très vite parce que c'est une des causes importantes de la mort actuelle de l'hôpital ou en tout cas de sa perte de qualité et de notoriété. J'ai honte souvent dans mon service quand je vois la relation des médecins avec leurs malades parce qu'ils n'ont plus le temps, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux et parce qu'ils n'ont pas été éduqués dans ce sens. Un point très important n'a pas été abordé par cette réforme : il s'agit de la relation entre la médecine en général, mais surtout entre l'hôpital et le médicament. Cette relation est à la fois nécessaire, très importante et aujourd'hui assez viciée. Il faudrait rétablir cette relation qui est fondamentale. L'industrie pharmaceutique produit les médicaments, les moyens de guérir les gens et il y a là à mon avis des dérives importantes qu'il faudrait corriger pour améliorer globalement le fonctionnement de l'hôpital. Au terme de cette journée, je ne peux pas dire que je vais partir à la retraite en me disant que l'hôpital va guérir. On est peut-être sur la voie de la guérison, mais on est au tout début de cette voie, et si l'on ne va pas plus vite, l'hôpital ne va pas guérir. Le président Jean-Michel Dubernard : M. le ministre, je voudrais résumer ce qui a été dit pendant votre absence. Tout d'abord, la qualité et l'évaluation de la qualité sont apparues comme une priorité. Indiscutablement, il existe des craintes qui ne portent d'ailleurs pas tellement sur le plan Hôpital 2007 ou sur les modifications de gouvernance, mais plutôt sur la mise en œuvre du plan : ne s'agit-il pas encore d'un nouveau plan qui finira comme les précédents ? Est-ce que nous sommes sur la voie du ré-enchantement ou bien serons-nous à nouveau désenchantés ? La tarification « à l'acte-ivité », pour reprendre une formule du Professeur Even, n'est pas encore très précise et les personnels ont très peur de voir apparaître l'acte et non l'activité. Il est vrai que les journalistes ne retiennent que l'acte dans le terme activité. Ont également été abordées l'évaluation, puis la chirurgie : une grande inquiétude porte sur le nombre de chirurgiens et les qualités des réponses dans ce domaine. Par ailleurs, j'ai l'impression que les hospitalo-universitaires des CHU apparaissent plus rassurés qu'ils ne l'étaient il y a quelque temps, notamment grâce à vos propos introductifs. En outre, il y a eu des questions concernant le conseil d'administration, le conseil de surveillance. Enfin, M. François Aubart a fait la distinction entre l'argent donné pour l'investissement et la nécessité d'accompagner la réforme par de l'argent pour le fonctionnement. M. René Couanau, rapporteur de la mission d'information parlementaire sur l'organisation interne de l'hôpital : Il y a manifestement une volonté généralisée de changement, que tout le monde exprime. Je ne sais si elle s'exprime également à l'extérieur, mais c'est probable. Je n'ai pas senti de rejet des propositions que vous nous faites, bien qu'elles ne soient pas encore toutes connues puisque les discussions continuent, notamment sur les CHU. Naturellement, une volonté de changement entraîne des inquiétudes. Tout se passera bien que si les personnes sur le terrain font tout pour que cela se passe bien. Les inquiétudes sont donc normales. On aurait peut-être pu éviter certains mots qui frappent, mais enfin, personne ne se souvient des inconvénients que représente la dotation globale ? Elle est le mode de fonctionnement le plus stérilisant qu'il soit. Il n'existe qu'une autre manière de fonctionner : c'est la tarification à la pathologie. J'aurais en effet préféré le terme de tarification à la pathologie, qui crée moins de confusion. En effet, nous craignons que l'incitation à la productivité et à la qualité ne se transforme éventuellement en productivisme. Ce n'est sûrement pas ce que vous voulez, ni ce que nous voulons. J'ai bien noté que la régulation de la réforme se trouve dans la qualité et le souci de qualité. Or qui dit qualité dit évaluation, et qui dit évaluation dit reconnaissance du mérite. C'est évident. Par ailleurs, l'hôpital n'est pas seul. Il ne s'agit pas que de l'hôpital dans le système de santé. J'ai été sensible à l'évolution prévisible vers le système de ville et donc l'éventuel transfert de charge évoqué, pas seulement vers la ville, mais aussi vers le département. L'hôpital n'est pas seul car il vit dans un environnement réglementaire de tutelle. Dans le cadre de la mission, nous avions d'ailleurs préconisé une évolution simultanée du ministère et des éléments régionaux. Je crois que nous sommes d'accord sur ce point. Enfin, je voudrais simplement dire que si je n'étais pas partisan de la création d'un automatisme de la présidence du maire au conseil d'administration, ce n'était pas du tout par défiance vis-à-vis de mes collègues. Ils sont, bien entendu, tous éminents et que deviendrait la Fédération hospitalière de France s'il n'y avait plus les maires comme présidents des conseils d'administration ? Alors, pourquoi ai-je pris cette position ? Parce que je suis maire et président de conseil d'administration depuis plus de dix ans. Or il s'agit du seul organisme que je préside où je ne me sens pas responsable et pourtant, je le suis. Néanmoins, je ne suis pas réellement responsable parce que je ne dirige rien, je ne commande rien, ni les dépenses, ni les recettes, ni l'exercice médical, ni la nomination du directeur. Ce n'est pas un conseil d'administration. Vous en avez fait progressivement un conseil d'orientation et un conseil de surveillance, c'est mieux. Dans ce cas, je revois un peu mon diagnostic sur les maires. Il faut évidemment que les élus soient présents dans le conseil d'administration, mais qu'ils soient automatiquement présidents, je n'en vois pas la nécessité. Il n'est pas question que quelqu'un du deuxième collège (des personnels ou du corps médical) dirige l'établissement en tant que président du conseil d'administration, alors, à défaut, on va chercher la personne la plus plausible, c'est-à-dire le maire ou éventuellement son suppléant ou une personne désignée par le préfet. Néanmoins, pour le malade, ce point me paraît accessoire. Tous les autres points abordés ce matin étaient vraiment plus importants. Si nous avons le sentiment que les maires sont là pour opérer de la résistance à l'intérieur des conseils d'administration, vis-à-vis des restructurations, c'est parce que les restructurations gagneraient à être plus discutées, plus concertées et plus expliquées, mais c'est aussi parce que Messieurs les médecins, Messieurs les spécialistes, vous n'avez peut-être pas suffisamment engagé le débat auprès de la population sur la proximité et la sécurité. Je crois qu'il y a là un débat essentiel que tous les pamphlets n'ont pas suffisamment souligné : quand vous, les médecins, aurez expliqué ce dilemme entre la proximité et la sécurité, peut-être le débat sera-t-il éclairé autrement. Ainsi, les maires le percevront autrement. M. Benoît Leclercq, coauteur du rapport sur les spécificités des CHU : Après ce débat, trois mots me viennent à l'esprit : optimisme, volontarisme, mais réalisme. Je voudrais revenir sur la mission des CHU car j'ai été très sensible aux propos du doyen M. Bernard Charpentier sur la place de la faculté de médecine dans la gouvernance. Nous avions, dans notre rapport, proposé une double contractualisation, à la fois en interne et au niveau national entre la santé, l'éducation nationale, les hôpitaux universitaires et l'université, de façon à donner du sens nationalement et localement à cette gouvernance. Je souhaite vous soumettre quatre petites réflexions. A propos de la tarification à l'activité, il faut faire un peu de pédagogie et de communication. A Lyon, nous savons aujourd'hui répartir des crédits à partir des modalités de la tarification à l'activité. Nous prévoyons ainsi l'allocation budgétaire interne aux Hospices civils de Lyon pour 20 % de nos crédits de dépenses médicales sur la base de la tarification à l'activité. Il ne faut donc pas attendre, nous avons déjà une base de travail. En matière de gouvernance, au-delà du fait que les pôles d'activité médicale doivent s'organiser autour de principes médicaux, pour que la gestion fonctionne, il faut faire de la vraie délégation de gestion auprès du coordonnateur médical. En outre, il faut travailler sur la qualité et son évaluation, mais elle ne pourra se développer qu'avec des modalités d'intéressement. Enfin, la simplification administrative, la réforme du code des marchés, le plan Hôpital 2007 et le « plan Urgences », pour ne citer que ceux-là, sont à combiner dans l'action que nous devons mener au quotidien dans nos hôpitaux. Les directeurs généraux ont voulu la réforme, mais elle sera ce que nous en ferons et elle ira au rythme que nous déciderons. Pour pouvoir aller vite, nous devons nous aussi aller vite et passer sur un certain nombre de détails ou de réticences qui peuvent se comprendre, mais qui ne sont pas essentielles au regard de l'enjeu. M. Guy Vallancien, coauteur du rapport sur la modernisation de l'hôpital public et de sa gestion sociale : J'ai retenu de ce riche débat juste un mot : IDEE. Pour moi, le I, c'est avant tout informer, informer les acteurs du système de soin pour les rassurer avec des mots simples et clairs, informer les Français sur la restructuration car certains hôpitaux vont souffrir et devront être transformés. Il faut donc le dire avant que les piquets de grève ne soient plantés. Ensuite, le D rappelle le verbe décoller pour reprendre la métaphore de l'avion : lorsque l'avion sort de la piste, il lui faut des balises, sinon il tournera en rond. Enfin, le E nous invite à entreprendre et donc passer d'une culture d'administré à une culture d'entrepreneur. Je suis convaincu que l'hôpital ne peut procéder à ce changement seul, il faut des accoucheurs extérieurs. Enfin, le dernier E correspond au verbe évaluer, évaluer à la fois les pratiques managériales et les pratiques administratives. Le président Jean-Michel Dubernard : Il me semble que l'on pourrait ajouter un troisième E à IDEE, expliquer, expliquer, expliquer. M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées : D'après ce que j'ai entendu depuis mon retour et ce que vous venez de me rapporter, je pense avoir compris un certain nombre de vos préoccupations. Je voudrais tout d'abord répondre à M. Henri Kreis. Son approche doit être explicitée, notamment au regard de l'interprétation du représentant des internes. Il n'y a, selon moi, pas de domaine où ceux qui s'en vont le font sans une certaine morosité au regard de ce qui se profile, car lorsque nous nous sommes donnés à notre métier, à notre vocation et que les choses changent, elles donnent le sentiment de nous échapper. Nous sommes de la même génération ou à peu près. Nous avons connu la réforme de 1958, les Trente Glorieuses à l'hôpital durant lesquelles les rapports étaient merveilleux entre les uns et les autres parce que l'on avait ce qu'on voulait dès lors que l'on en exprimait la demande. Puis, nous avons vu, à partir des années 1980, la situation se dégrader et progressivement les difficultés et la morosité apparaître. Si l'on jette un regard instantané sur l'hôpital, on est naturellement morose et pessimiste. Pourtant, nous avons un devoir : nous sommes la génération qui va transmettre le témoin. Or nous ne pouvons pas transmettre un message de morosité et de désespérance. Au cours de l'histoire, l'hôpital a vécu des mutations, de l'hospice de l'Hôtel-Dieu à l'hôpital que nous avons connu pendant les Trente Glorieuses. Nous avons vu fleurir les hôpitaux, mais nous les avons hélas souvent vus se construire sous forme de tours et de barres. Notre grande difficulté vient du fait qu'en raison de la mutation de l'exercice hospitalier, ces hôpitaux ne sont plus adaptés et ne sont pas modulables ; on n'avait pas prévu l'hospitalisation à domicile, l'hospitalisation de semaine, etc. Désormais, il faut agir. Nous tournons donc une page du grand livre à la gloire de l'hôpital et des services qu'il rend à la population. Nous sommes en train de débuter l'écriture d'une nouvelle page. Nous ne pouvons pas a priori décider qu'elle sera moins bonne que la précédente. Je suis au contraire persuadé qu'il nous faut faire évoluer les mentalités, définir des règles nouvelles et réaliser les efforts qui s'imposent aujourd'hui à nous. Si j'étais en âge de choisir un métier aujourd'hui, sachant ce que je sais de l'hôpital, je choisirais tout de même à nouveau la carrière hospitalière : je crois en l'hôpital et je crois que ceux qui s'engagent dans l'hôpital aujourd'hui se construiront un bel outil, qu'ils auront des satisfactions personnelles formidables et qu'ils soigneront les populations aussi bien que nous l'avons fait. Il s'agit d'un acte de foi probablement, mais je comprends que vous ayez les uns et les autres le sentiment de réformes impalpables, intangibles. Vous avez raison quand vous dites que rien ne bouge. C'est vrai. Je suis ministre depuis 18 mois et l'on n'a rien vu changer. En effet, il faut au moins un an pour préparer une ordonnance. Elle a été promulguée le 4 septembre. Or avant de voir dans la pratique quotidienne de l'administration la traduction des nouvelles règles, il faut de longs mois. Lorsque nous sommes arrivés, cet investissement nous est apparu très clairement, nous avons donc monté en un an seulement un plan de 10,2 milliards d'euros. Les ARH ont considérablement travaillé. Les montants ont été attribués au cours de l'été. Mais quand vous donnez des millions à un hôpital pour qu'il se restructure et même si vous raccourcissez les contraintes administratives, il faut quand même quelques mois avant de voir apparaître les premières grues. Vous le savez aussi. Il est donc vrai que la restructuration n'est pas encore généralisée. A propos de la tarification à l'activité, je reprendrai une comparaison du professeur Guy Vallancien, publiée ce matin dans un journal : il rappelle qu'en 1820, les Anglais, devant l'apparition des locomotives, avaient forcé le Parlement à voter le Horse Act qui interdisait à la locomotive d'aller plus vite que la vitesse de la diligence afin d'éviter toute concurrence insupportable. Il est clair que dix ans après, les trains allaient beaucoup plus vite que les diligences. Nous devons donc faire un pari et la tarification à l'activité est un pari. Je l'ai dit, je sais qu'il s'agit d'un pari. Mais comme la dotation globale a échoué, il faut faire le pari de la tarification. Alors, pourquoi n'avons-nous pas laissé la tarification à la pathologie ou les groupes homogènes de malades ? Parce qu'à l'hôpital, on ne fait pas que soigner, on prévient aussi. On réalise des bilans chez des personnes saines, il ne s'agit donc pas nécessairement d'une pathologie. L'hôpital n'est pas là que pour soigner, il entre également dans le domaine de la santé publique. Il s'agit donc d'une activité sanitaire. Le terme ne plaît pas parce que, derrière lui, rôde toujours l'idée que l'on pourrait faire du productivisme, l'idée que le libéralisme mercantile, commercial et profiteur se glisse partout et s'impose. Ce n'est pas le cas, je vais d'ailleurs vous le démontrer. En ce qui concerne l'organisation de la réduction du temps de travail, j'ai effectivement eu tort de ne vous présenter que le plan Hôpital 2007 dans ses grands piliers. J'aurai dû vous dire que nous avions commencé avec les hospitaliers médecins et non-médecins à faire le pari de la réduction du temps de travail. En effet, lorsque je suis arrivé au ministère au mois de mai 2002, nous aurions pu revenir sur la réduction du temps de travail. Je me suis posé la question et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé son rapport à M. Angel Piquemal. Je n'avais pas de certitudes. Après avoir lu ce rapport et avoir entendu les uns et les autres, j'ai compris tout d'abord qu'il s'agissait d'un acquis social. Notre société va nécessairement vers la réduction du temps de travail. La mécanique était lancée et j'ai donc choisi de faire le pari de la mettre en application progressivement avec des accords, des assouplissements et une période de transition avec les plages additionnelles. Je sais bien que ce n'était pas l'idéal, mais j'ai préféré fonctionner ainsi. Aujourd'hui, lorsque je discute avec mes collègues étrangers, notamment allemands et britanniques, confrontés au problème de la directive européenne, finalement, ils vont s'accrocher à un train en marche qu'ils n'ont pas su anticiper et qu'ils ne peuvent pas arrêter. Quand ils seront confrontés à ces difficultés, nous les aurons réglés. Nous les aurons réglées en quatre ans, cela nous aura coûté des sacrifices et des réorganisations. Pour en revenir aux propos de M. Henri Kreis, là est le point de l'aménagement et réduction du temps de travail (ARTT) qui me fait le plus mal : lorsque je discute avec de jeunes médecins, je comprends bien ce qui a changé ; ce n'est plus le malade qui rythme l'activité des équipes médicales, mais la qualité de vie du médecin. Ainsi, le malade est vu le lundi par un médecin, puis opéré le mardi et peut-être le mercredi, mais il ne sera pas nécessairement suivi en permanence par le même médecin. C'est la raison pour laquelle, au-delà des récupérations et des temps de repos, j'ai souhaité que chaque patient se voit attribuer un médecin référent qui soit celui avec lequel il peut correspondre, quels que soient les aléas des changements d'équipe. Il s'agit d'une vraie révolution, nous y arriverons, M. Kreis, si nous faisons triompher à l'hôpital l'humanisme et les valeurs éthiques, et si nous faisons en sorte que le malade soit vraiment au cœur de l'hôpital et non la vie personnelle du médecin et de l'hospitalier. Nous avons fait cela sur l'ARTT et ce n'est pas rien. Puis, nous avons rempli des engagements pris par nos prédécesseurs que j'ai souhaité non seulement assumer, mais conforter. Il faut quand même que vous sachiez que nous avons créé 26 600 postes non-médicaux entre 2002 et 2003. Ils ne sont pas tous occupés car nous avons une pénurie d'infirmières. Il est inutile de me demander de créer des postes supplémentaires d'infirmières car il faut du temps pour les former et les 26 600 postes créés ne sont pas totalement pourvus. Nous avons créé 2 000 postes de praticien hospitalier et les syndicats de praticiens hospitaliers y ont été très attentifs. Ils ne sont pas tous remplis parce que nous manquons de candidats. Je me suis engagé à ouvrir, en 2004, 10 400 postes de non-médecins, dont 3 200 pour les 32 heures 30 la nuit. Autrement dit, nous remplissons notre contrat : les postes sont créés, il faut les pourvoir. Enfin, en 2005, 750 postes de praticien hospitalier seront encore créés. Nous avons donc fait les efforts nécessaires en termes de personnels et la limite est une limite décisionnelle ou politique. Ce n'est pas une limite financière, mais une limite de compétence des personnels pour occuper les emplois créés. Malgré toutes les manifestations, nous ne pourrons pas aller plus vite que la vitesse de formation. Quand j'entends certains de nos collègues, notamment parisiens, se plaindre, à juste titre d'ailleurs, de ne plus avoir d'internes dans leurs hôpitaux, je regrette qu'ils ne se soient pas réveillés il y a six ans pour protester contre le numerus clausus. En effet, les internes d'aujourd'hui se sont inscrits il y a six ou sept ans dans les facultés de médecine. C'était à ce moment-là qu'il fallait vraiment se manifester comme ils le font aujourd'hui. Ensuite, je leur rappelle que l'internat est un troisième cycle universitaire, avec des durées très précises pour les spécialités pouvant aller de trois à cinq ans. On ne peut pas d'un coup décréter que l'internat durera un an de plus. Il s'agit de textes relatifs à l'enseignement supérieur, harmonisés avec les textes européens, sur lesquels nous n'avons pas la faculté d'agir. Enfin, certes, les spécialistes font défaut à l'hôpital, mais ils font aussi défaut dans les hôpitaux généraux, dans les cliniques privées et en ville. Il faut donc essayer de répartir nos efforts. Sur le plan du personnel, je ne détaille pas la validation des acquis et de l'expérience : 14 % de nos infirmières diplômées aujourd'hui sont d'anciennes aides-soignantes et c'est naturellement ainsi qu'il faut procéder. J'ai déjà évoqué le plan Cancer et le plan Urgences. Je voudrais vous dire un mot de la démographie. Mon prédécesseur avait déjà commencé à ré-augmenter le numerus clausus. Il était à 4 700 et nous sommes passés à 5 100 en 2003, 5 600 en 2004 et nous passerons à 6 000 en 2005. Nous le montons régulièrement mais pas de façon brutale, car j'ai fait le choix de ne pas compromettre la qualité du recrutement. Or si vous passez d'un coup de 4 700 à 7 000 comme certains le demandent, vous baissez forcément le niveau. Un certain nombre de directrices d'Instituts de formation en soins infirmiers (IFSI) me disent qu'avec des promotions de 30 000 élèves chaque année en France, le niveau de formation des infirmières commence à devenir un peu juste. Nous devons donc faire attention à ce travers. Il faut éviter les effets d'accordéon. Par ailleurs, à propos de l'internat, j'ai cette année un peu relancé les spécialités les plus en difficulté et la grande réforme de l'internat s'annonce. Le décret est paru. Je crois donc que la situation va petit à petit s'améliorer de ce point de vue. Je voudrais maintenant répondre en quelques mots à vos interrogations sur la qualité. Nous allons aborder la réforme de l'assurance maladie. Je ne veux pas de régulation comptable, je veux une régulation par la qualité. Mais la qualité nécessite évidemment une évaluation. Je rappelle que nous avons totalement réformé les critères d'accréditation de l'ANAES, en les médicalisant. Jusqu'alors, l'accréditation consistait simplement à vérifier si les protocoles étaient correctement respectés. Or il faut évidemment que non seulement les protocoles soient respectés, mais aussi que les résultats soient bons. La démarche de l'ANAES est totalement changée. A propos de la chirurgie, il est vrai que cette profession est de plus en plus désertée comme d'ailleurs l'obstétrique, l'anesthésie réanimation, les activités d'urgentistes ou de pédiatres, surtout à l'hôpital, parce que ce sont des spécialités contraignantes, pénibles et qui exposent à une grande responsabilité sur le plan juridique. Les avantages mis en face de toutes ces contraintes ont fait que les choix se sont progressivement portés sur des spécialités plus aisées, moins exposées, ce que l'on peut évidemment comprendre. Mon effort va consister à redresser et à « redorer » ces professions. Ce n'est pas simple. A l'hôpital, on peut peut-être trouver des procédures, mais en ambulatoire, c'est extrêmement difficile. Tant que les médecins n'accepteront pas que certaines professions soient dédommagées ou rémunérées davantage en fonction de leur pénibilité et de leurs conditions d'exercice, je pense que l'on aura des difficultés. Pourtant, c'est un combat que nous allons mener. Concernant les CHU, je crois que tout est bien clair désormais : nous allons nous engager dans la définition du CH et du U, comme le dit le doyen M. Bernard Charpentier. L'aspect universitaire ne nous aura pas échappé. A propos du conseil d'administration, M. René Couanau a, il me semble, un peu changé d'avis. Il a raison. J'ai rencontré les maires des grandes villes, des villes moyennes et des petites villes et ils m'ont tous dit ceci : « Vous avez le choix entre la possibilité d'avoir un maire président du conseil d'administration, porteur d'une certaine contestation à l'intérieur et celle d'avoir un maire et son conseil municipal, leurs écharpes tricolores et toute la population derrière eux, devant les grilles de l'hôpital ». En définitive, il vaut mieux les avoir au sein du conseil d'administration, d'autant qu'il y a un problème d'aménagement du territoire. L'hôpital est manifestement le premier employeur. Il sous-traite avec les entreprises du bassin d'emplois. Il est un agent économique et social. Ne croyez pas que nous avons abandonné l'idée d'hôpitaux de proximité. J'aurais aimé avoir le temps de m'engager dans un long développement sur la façon dont il faut voir les hôpitaux : n'utilisez pas le terme d'hôpitaux de proximité sans avoir clairement défini le contenu de cette expression. Les hôpitaux locaux sont les vrais hôpitaux de proximité, c'est-à-dire ceux qui assurent une hospitalisation conventionnelle en médecine aiguë polyvalente, qui assurent des lits de suite, de réadaptation de longs et moyens séjours, et qui assurent des consultations de spécialistes et de généralistes dans des lieux où la population est quelquefois confrontée à une sous-médicalisation. Mais les hôpitaux locaux se caractérisent par le fait qu'ils n'ont pas d'anesthésistes, donc ni maternité ni chirurgie. Ils obéissent néanmoins à un premier échelon, avec des urgences de premières intentions assurées dans la journée. Nous avons 350 hôpitaux locaux et j'ai demandé à M. Couty de superposer la carte de France des cantons sous-médicalisés et celle de l'implantation des hôpitaux locaux. Nous allons construire des hôpitaux locaux. Il s'agit de l'une des réponses essentielles à la sous-médicalisation rurale et de certaines zones de banlieue. Nous allons le faire parce qu'en plus, c'est un trait d'union entre l'ambulatoire et l'hôpital. A côté de ces hôpitaux locaux, il existe les vrais hôpitaux de proximité, ces hôpitaux de petite taille qui offrent quand même de l'anesthésie, de la chirurgie et une maternité. J'ai été très intéressé par l'intervention de Mme Josiane Pheulpin : les hôpitaux de Vesoul, Lure et Luxeuil se sont rapprochés et ont partagé les tâches. Le plan d'investissement est alors utilisé comme un outil de restructuration. Nous avons dit à ces trois hôpitaux que l'investissement serait distribué sous la réserve qu'ils regroupent la chirurgie ici, la maternité et la pédiatrie là, etc. Nous sommes en train de procéder ainsi. Les plans d'investissements hospitaliers montrent le succès de la complémentarité : nous avons en place 90 opérations de complémentarité et de recomposition de l'offre de soin, dont 51 représentent des investissements conjoints entre le public et le privé. Je n'insiste pas, mais vous n'avez pas idée de la recomposition profonde qui est en cours. Avec Mme Annie Podeur qui est directrice de l'ARH de Bretagne, nous avons traité nombre de dossiers difficiles afin de rapprocher des hôpitaux qui ne se parlaient pas et qui maintenant se sont organisés en complémentarité. Ne vous y trompez pas, les choses avancent. Je ne pourrai pas répondre dans le détail au représentant de la CFDT pour des questions de temps. Mais, bien sûr, l'équilibre des pouvoirs sera assuré. Je crois que nous y sommes parvenus. Vous avez posé la question de la prise de décision : elle se fera au conseil exécutif et sera validée par le directeur. De toute façon, nous ne pourrions pas procéder autrement, parce que c'est le directeur, au regard de la loi, qui rend compte de sa responsabilité directoriale et managériale, y compris sur le plan comptable. Mais que les médecins et les administratifs soient ensemble pour prendre une décision que le directeur entérine ensuite et met en œuvre, représente une avancée considérable. A propos des services et des pôles, il ne peut pas y avoir de conflits de compétences. Il faut en effet intégrer l'idée que dans les trois ans à venir, les médecins se seront progressivement cooptés. Le président de la CME élu va cosigner pour la nomination des chefs de pôles, va cosigner pour la nomination des chefs de service, le chef de service devra rentrer dans le projet contractuel du pôle au regard de l'établissement. Les conflits devraient donc disparaître ou en tout cas s'atténuer considérablement. Le chef de pôle émerge bien entendu, probablement comme au Québec où il y a un coordonnateur qui « s'y colle pendant quatre ans ». Il s'éloigne un peu du soin, cela représente un sacrifice, mais il va tenir le rôle de gestionnaire. Au bout de quatre ans, il se recyclera probablement un peu, puis reprendra une activité médicale ou chirurgicale. Enfin, d'autres décideront définitivement de s'orienter sur la gestion et seront inscrits sur la liste d'aptitude aux fonctions de directeur d'hôpitaux. Par ailleurs, je n'oublie pas le dialogue social et je suis d'accord avec votre remarque sur les charges simplistes contre l'administration. L'administration pourrait aussi exprimer des charges simplistes contre les médecins. En réalité, la mésentente et l'incompréhension sont venues des difficultés des uns et des autres : quand chacun est confronté à ses propres difficultés, il n'admet pas que l'autre ne les comprenne pas ou pense en tout cas que l'autre ne les comprend pas. Il faut maintenant oublier cela et que chacun se rapproche et se réassocie. A propos de « l'amendement liberté », on a toujours tort d'avoir raison trop tôt : il était dans la loi de 1991. J'avais participé à la discussion à ce moment-là, mais personne n'avait compris son intérêt à l'époque. Il vient donc aujourd'hui. Je ne veux pas rentrer dans le détail à propos des hôpitaux psychiatriques, mais simplement vous expliquer en deux mots pourquoi nous avons procédé ainsi. En premier lieu, la psychiatrie ne rentre pas tout de suite dans la tarification à l'activité. Or c'est tout de même cette tarification qui motive l'organisation des pôles dans l'immédiat. En second lieu, les hôpitaux psychiatriques sont quelquefois à part des autres hôpitaux. En troisième lieu, il y a une superposition entre la notion de service correspondant à un pôle, et la notion de secteur et d'intersecteur. Enfin, il existe des responsabilités médico-légales qui font que les psychiatres, même s'ils sont pour moi des médecins à part entière, ont quelques responsabilités qui les différencient. Je n'insiste pas sur les réformes statutaires qui viendront. Il y aura des économies à faire, par exemple, en ce qui concerne le cytomégalovirus ou le prion. Tout cela viendra avec la réforme de l'assurance maladie parce que nous aurons probablement des structures chargées, comme la commission de la transparence le fait pour le médicament aujourd'hui, de décider des actes qui sont utiles, de ceux qui le sont moins et de ceux qui ne le sont pas du tout. Tout cela avancera d'un même pas. Je voudrais que l'enthousiasme que vous avez mis dans vos réflexions et qui m'anime nous permette de mettre cette réforme sur les rails. Nous avons maintenant pratiquement tous les outils. Il faut s'y mettre. Le président Jean-Michel Dubernard : Merci, M. le ministre, d'avoir impulsé du dynamisme dans votre intervention. Merci à vous toutes et à vous tous, merci aux intervenants. Nous avons passé une matinée très intéressante. Au regard de ce que nous avions dit il y a 18 mois, nous constatons que le train se met en route, que le Boeing va décoller. Nous tous, nous devons faire qu'il décolle ; il en va de l'intérêt des malades, voilà ce que nous ne devons pas oublier. * * *
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