COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 10 Février 2004
(Séance de 17 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie


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- Information relative à la commission

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La commission a entendu M. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l'assurance maladie est un « trésor social », comme l'a indiqué le Premier ministre. Après la réforme du système des retraites, la rénovation de l'assurance maladie permettra de sauvegarder ce pilier de notre pacte social.

Nous ne sommes qu'au début de ce processus de rénovation qui s'étendra tout au long de l'année 2004. Le Parlement et la commission des affaires culturelles, familiales et sociales joueront tout leur rôle dans la discussion sur l'adaptation de l'assurance maladie. Une délégation de la commission part d'ailleurs demain pour Berlin afin d'en discuter avec la commission pour la santé et la protection sociale du Bundestag.

Installé le 13 octobre dernier par le Premier ministre, le Haut conseil rassemble des personnalités représentatives, de tous horizons, concernées par ce chantier. Cet organisme à la très large composition est chargé d'élaborer un diagnostic puis des propositions pour l'avenir de notre régime de l'assurance maladie. Cette mission se poursuivra tout au long du processus d'adaptation.

Le Haut conseil a rendu son premier rapport sur la partie « diagnostic » le 23 janvier dernier. Sur cette base, M. Jean-François Mattei, ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées, a réuni lundi 9 février l'ensemble des acteurs du monde de la santé et de l'assurance maladie, représentés par près de soixante délégations. Le ministre a fourni un calendrier, des principes d'action et une méthode.

Etablir le diagnostic des maux dont souffre notre assurance maladie était indispensable. En effet, à la différence des retraites, l'assurance maladie n'a pas fait l'objet d'une réflexion ponctuée par de nombreux travaux depuis une dizaine, voire une vingtaine d'années.

Cette première étape est un succès, d'abord en raison de la qualité du rapport, mais aussi parce qu'elle est marquée par un esprit de consensus. Il s'agit bien d'un diagnostic partagé. Il constitue à ce titre une fondation solide et une référence pour les travaux à venir. Il faut espérer que l'esprit qui a entouré les réflexions sur le diagnostic se poursuive lorsque nous chercherons ensemble les solutions. Aboutir à un consensus « à l'allemande » sur un sujet comme celui-ci témoignerait d'une grande maturité politique de notre démocratie.

M. Bertrand Fragonard, président du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, a rendu compte des travaux de ce qui n'est pas un groupe d'experts mais un collectif de personnes participant activement au système d'assurance maladie. C'est pourquoi le rapport n'est pas un document académique. Il procède à l'évaluation du système de santé et, se centrant sur les questions fondamentales, notamment celles des modalités d'évaluation, il a pu être adopté de façon consensuelle.

Tous les membres du Haut conseil ont considéré que le système français d'assurance maladie repose sur le principe fondamental de la prise en charge égale des soins et qu'il faut le sauvegarder. En effet, par la mise en œuvre du principe de solidarité nationale, la couverture de la population est universelle et n'est donc pas différenciée selon le risque, l'âge ou l'état de santé. Les ménages les plus modestes, les personnes les plus vulnérables savent que leur prise en charge se fera sans cotisation supplémentaire. Le taux de prise en charge de l'assurance maladie française, très élevé sans être pour autant le plus élevé au monde, est le fondement de l'égal accès aux soins grâce à la fois à des prélèvements collectifs, à une affiliation généralisée et à l'importance des exonérations de ticket modérateur. Il s'agit d'un acquis non discutable.

Le rythme d'évolution des dépenses d'assurance maladie ces dernières années pose cependant un problème : il est supérieur d'environ deux points à la croissance du PIB. Cette augmentation des dépenses a jusqu'à présent été absorbée par la levée de recettes supplémentaires qu'ont permis la croissance économique et l'état des comptes publics. La conjoncture s'étant retournée, il n'est plus possible de s'en remettre à des hausses des recettes pour accompagner l'augmentation tendancielle des dépenses.

Or, si le système de soins de qualité, diversifié et dynamique, est une conséquence de la bonne prise en charge organisée par l'assurance maladie, on constate que l'interface entre les deux systèmes ne fonctionne pas de manière optimale en termes de coûts. Il existe un certain nombre de carences, d'inégalités ou d'abus - que le Haut conseil n'a pas cherché à quantifier comme l'ont fait par le passé le rapport Béraud ou le plan stratégique de la CNAM - qui offrent, tant dans le secteur ambulatoire qu'à l'hôpital, des marges significatives à mobiliser pour absorber la tendance à l'augmentation des dépenses. Les Français n'accepteraient pas une augmentation des recettes ou une diminution de la prise en charge sans qu'aient été auparavant mobilisées toutes les marges de manœuvre disponibles. Les sacrifices ne sont acceptables que si le système est correctement géré. Il faut d'ailleurs noter que la recherche de la performance peut porter simultanément sur les coûts et la qualité.

Les projections faites « au fil de l'eau » par le Haut conseil conduisent à envisager, à tendances constantes, un déficit courant compris entre 60 et 70 milliards d'euros d'ici quinze ans, sans les charges de la dette. Sans inflexion du rythme des dépenses d'assurance maladie, l'équilibre supposerait un doublement de la CSG ou la diminution de vingt points du taux de prise en charge. Il convient donc de desserrer les contraintes financières en améliorant la qualité du système de soins. Pour cela, un principe simple peut être retenu : chaque euro investi doit l'être de façon optimale et contribuer à la qualité des soins. Quelques pistes peuvent rapidement être mentionnées : renforcement de la continuité des soins, amélioration de l'interface entre ville et hôpital, vigilance à l'égard des prix administrés qui peuvent facilement dégénérer en rente de situation.

Enfin, une des raisons de la désoptimisation du système vient du fait qu'il est mal gouverné, en raison d'une pluralité d'acteurs, du manque de pilotage, d'instruments de coordination et de volonté politique pour « boucler l'exercice ». Il manque en effet un pilotage ferme avec des acteurs responsables des résultats financiers, disposant des moyens pour les atteindre. Ainsi, si la CNAM est responsable de l'équilibre financier de la branche maladie depuis 1967, elle n'a jamais, ni d'elle-même, ni à la demande du gouvernement, joué ce rôle.

S'il y a donc consensus pour constater une absence de pilotage, une gouvernance chaotique et l'absence d'un cap ferme, le Haut conseil n'est pas allé plus loin sur ce sujet compte tenu des analyses divergentes des différents acteurs sur ce qu'il faut faire afin d'éviter que le déficit de l'assurance maladie continue de filer. Il faut cependant rebattre les cartes sans tarder puisque le déficit de l'assurance maladie se creuse de 20 000 euros par minute.

Après avoir souligné l'intérêt du rapport élaboré par le Haut conseil qui établit un diagnostic partagé, M. Jean-Luc Préel a observé que l'élaboration du traitement risque d'être plus difficile et que le Haut conseil sera associé au suivi de ce dossier. Il a ensuite formulé les observations et questions suivantes :

- Il est regrettable que le Haut conseil n'ait pas évoqué la place majeure des mentalités des usagers et des professionnels de santé parmi les causes de la crise actuelle de l'assurance maladie et n'ait pas suffisamment traité de l'absence de pilotage identifié du système.

- Le groupe UDF considère que l'assurance maladie constitue désormais un système quasi étatisé dans lequel c'est le ministre qui intervient dès lors qu'il convient de prendre la moindre décision.

- Faut-il pour réformer reconstruire le paritarisme qui paraît beaucoup moins légitime pour la gestion de l'assurance maladie qu'en ce qui concerne les accidents du travail ou les retraites complémentaires, comme en témoignent l'importance prise par la CSG pour son financement et le retrait du MEDEF ?

- Il faut associer étroitement les professionnels de santé à la réforme en cours.

- L'efficience des soins et la maîtrise médicalisée des dépenses de santé sont-elles de nature à combler le différentiel existant entre la croissance des dépenses de santé et celle du PIB ?

M. Jean-Marie Le Guen a tout d'abord rappelé sa participation aux travaux du Haut conseil et l'unanimité qui a présidé à l'adoption du rapport. Il n'y a pas de raisons de se méfier d'un tel consensus. Il n'est pas artificiel dans la mesure où le rapport témoigne d'une évolution importante de la réflexion sur notre système de santé. Partant en effet d'une problématique purement financière, le Haut conseil est parvenu au constat de l'existence de contraintes structurelles au sein du système de santé qui invalide les analyses purement conjoncturelles qui ont longtemps prévalu. L'idée que le dynamisme de l'emploi ou de nouvelles recettes pourraient régler le problème à venir a vécu.

De même, s'agissant de la couverture du risque, les arguments soutenant le caractère économiquement bénéfique d'une concurrence par le système assurantiel ou la pertinence de la distinction des risques selon leur importance n'ont pas été validés, ce qui constitue un indéniable progrès de la réflexion. Le Haut conseil a également porté un regard sceptique sur la contribution décisive du reste à charge à l'équilibre du système.

Ces travaux ont en revanche utilement porté sur la nature et la qualité des prestations servies. Ils débouchent sur le constat du caractère non optimal du système de soins pris dans son ensemble. L'analyse en termes de qualité et d'efficience remet en question l'idée rassurante - mais ne reposant pas sur une analyse globale jusqu'à présent - selon laquelle le système de santé français serait le meilleur du monde et plaide pour une réforme de structure.

La réflexion sur la gouvernance du système de santé qui n'a certes pas été menée à son terme a néanmoins permis de réfléchir sur le nécessaire décloisonnement de l'appareil de soins et la confusion qui prévaut en matière de responsabilité. L'analyse du Haut conseil est à poursuivre mais le constat dressé est essentiel.

Il convient de relever l'intérêt des données statistiques présentées dans les annexes au rapport. Elles permettent de comparer les dépenses de santé en fonction de la catégorie socioprofessionnelle et témoignent de l'importance de la redistribution ainsi opérée. On constate ainsi que le niveau de santé n'est pas homogène au sein de la population et que la structure des dépenses entre les soins de ville et l'hôpital varient grandement d'une catégorie socioprofessionnelle à l'autre. Globalement l'accès aux soins est égal mais les différents acteurs n'ont à l'évidence pas la même stratégie de soins.

En conclusion, il est rassurant de constater que ces travaux permettent de faire disparaître un certain nombre d'idées reçues et de disposer d'éléments de réflexion plus fiables.

M. Pierre Morange a salué l'avènement d'un nouveau discours fondé sur la rationalisation et la recherche de l'efficience, tout en s'interrogeant sur l'importance des marges disponibles pour faire évoluer le système. Pour réussir, la réforme doit être acceptée par tous, y compris par les partenaires sociaux. L'esprit des ordonnances fondatrices de 1945 témoigne du choix en faveur d'un Etat garant et non gérant de l'assurance maladie au sein du pacte social qui lie la Nation à ses membres. La question se pose de savoir si le délai nous séparant de la date butoir de la mi-2004 est suffisant pour résoudre cette équation sanitaire et sociale.

En réponse aux intervenants, M. Bertrand Fragonard a apporté les précisions suivantes :

- Le Haut conseil n'est pas à proprement parler associé à la nouvelle étape de la réforme mais fournira ponctuellement des analyses en réponse aux saisines des autorités politiques. Il lui reviendra également d'établir un rapport annuel d'évaluation de la réforme mise en place à compter de 2005. Toutefois, le vrai travail à mener désormais est celui de la réforme : il relève d'une démarche politique associant les partenaires sociaux.

- Le principe de réalité doit s'imposer sur ce dossier. Le déficit augmente de trois milliards d'euros chaque année ; il faut donc désormais avancer même si l'échéance de la mi-2004 ne sera pas l'occasion de régler toutes les questions soulevées.

- Il est rassurant de constater qu'un esprit de consensus a permis d'évoluer assez rapidement sur des sujets aussi sensibles que la continuité des soins, l'amélioration des pratiques, l'accréditation ou encore l'inscription des actes médicaux dans un processus de soins. L'urgence financière est mesurée par tous.

- Les travaux du Haut conseil ont mis en évidence l'absence de pilotage, les participants n'ont pas pour autant qualifié le système de « quasi-étatisé ». En effet, l'étatisation signifierait qu'il y a un pilote, ce n'est justement pas le cas. On constate plutôt un émiettement de la gouvernance. Par exemple, les lois de financement de la sécurité sociale sont censées fixer un cadrage financier global. Les travaux du Haut conseil ont abouti à un diagnostic assez morose de ces textes en pointant un décalage entre le concept et la réalité de sa mise en œuvre. Comme M. Jean-Marie Le Guen l'a souligné lors des travaux du Haut conseil, on ne peut pas dire que ces lois soient les textes les plus crédibles de la Ve République.

- En vérité, l'Etat n'est pas le pilote. Il se contente de solder les grèves, de fixer une dotation, d'admettre ou non un produit ou un service au remboursement. Une bonne illustration de cette absence de pilotage est le développement très lent de la politique de promotion des médicaments génériques. De manière générale, il n'y a pas de cohérence de l'action des différents acteurs. Le schéma idéal est celui dans lequel le Parlement fixe le cadrage financier global, le gouvernement définit le cadre réglementaire général et les partenaires sociaux reçoivent une large délégation. Ce schéma n'est pas appliqué et tout le monde souffre de ce décalage. Ainsi, les médecins disent qu'ils ne savent plus avec qui ils doivent négocier. En effet, bien souvent, les négociations dites bilatérales se déroulent sous la surveillance rapprochée d'un troisième acteur, l'Etat. Le système est devenu si chaotique et si hasardeux qu'il faut rendre hommage aux fonctionnaires et aux ministres chargés de le gérer. Son fonctionnement est en effet très gourmand en énergie et il est marqué par l'absence de dessein politique et d'application des mécanismes économiques. Lorsqu'une volonté de réforme apparaît, comme cela fut le cas en 1996, elle patine faute d' « accrocher » à la réalité.

- Dès lors, une question s'impose : la rénovation du paritarisme constitue-t-elle une réponse adéquate ? La réponse se trouve d'abord chez les partenaires sociaux eux-mêmes. L'argument souvent avancé selon lequel la fin du paritarisme serait justifiée par le relâchement du lien entre le financement de l'assurance maladie et les salaires n'est pas apparu pertinent au Haut conseil. En effet, ce sont encore les cotisations sociales patronales qui constituent la recette majeure de l'assurance maladie et qui pèsent sur le coût du travail. La crise du paritarisme ne peut pas être résolue par une discussion sur l'origine ou la qualification juridique des recettes de l'assurance maladie. Un secteur d'une importance égale à 10 % du PIB, qui représente 20 % des salaires bruts et emploie deux millions d'actifs intéresse au premier chef les partenaires sociaux. En dépit des débats provoqués par la création de la CSG ou de la couverture maladie universelle (CMU), la nature du transfert social lié à l'assurance maladie n'a pas changé.

- Il est nécessaire d'associer les professionnels comme les usagers le plus en amont possible. Le drame est que l'on a déjà essayé de le faire, par exemple en créant les unions régionales des médecins libéraux (URML). Le système conventionnel est censé associer les professionnels ; pourtant, les aléas juridiques comme les incertitudes électorales ont nui à son efficacité.

Une conclusion importante des travaux du Haut conseil est que les méthodes administratives ne marchent pas, comme l'illustre l'échec de la politique des reversements instituée en 1996, alors même son principe était peu contestable. Il faut donc s'appuyer davantage sur les professionnels - mais le veulent-ils vraiment ? Leurs représentants sont légitimement attachés à leurs intérêts moraux et matériels et sont la proie de divisions liées à des compétitions électoralistes. L'urgence devrait les amener à travailler ensemble. Ce n'est qu'en 1993 qu'on a commencé à mettre en place les bonnes pratiques et les références médicales opposables. Or, il faut aller plus vite. On n'évitera pas les conflits avec les professionnels de santé. Quant aux usagers, la tonalité de leurs interventions a mis en évidence leurs grandes attentes en matière de qualité du système de santé.

- Il ne faut pas en effet faire d'ironie sur les conclusions du Haut conseil et leur caractère consensuel. Deux fausses pistes ont été rapidement écartées. La première concerne les fins de vie. Ironiquement, on prête régulièrement à divers ministres le souhait de supprimer la dernière année de vie, considérée comme la plus coûteuse. Or, les travaux du Haut conseil ont mis en évidence que le coût de cette dernière année ne représente que 7 à 8 % de la dépense totale. La problématique de la fin de vie n'est donc pas de nature macroéconomique mais éthique. La deuxième fausse piste est celle du ticket modérateur. Celui-ci ne modère en réalité pas grand-chose en raison des assurances complémentaires. L'effet modérateur ne concerne que quelques ménages. Dans l'ensemble, le reste à charge est très faible et on peut donc l'augmenter. On peut ajuster les paramètres de prise en charge : cette formule figure dans le document du Haut conseil signé par tous, y compris les organisations syndicales.

- La vraie question est de savoir si nous sommes capables de dégager une marge supplémentaire. Si la tendance de croissance des dépenses perdure, on risque de passer à côté de la modernisation du système de santé, ce qui serait dommage. Il faut donc se poser les vraies questions : quel niveau de prise en charge se fixe-t-on ? Quelle part de solidarité entend-on assumer ? Les membres du Haut conseil n'ont pas voulu chiffrer l'ampleur de la marge disponible. Le rapport Béraud l'évalue à 20 % des dépenses, le rapport de la CNAM entre 10 et 15 %. Dans tous les cas, il ne faut pas céder aux solutions de facilité qui consisteraient à s'endetter, à trouver des recettes nouvelles ou à diminuer le taux de prise en charge.

Après avoir salué la qualité du rapport, M. Pierre Hellier a considéré que le consensus obtenu en matière de diagnostic conduira les Français à prendre conscience que notre système n'est pas le meilleur au monde, contrairement à ce qu'a encore récemment affirmé M. Bernard Kouchner ; Les Français sont prêts pour la réforme, les professionnels de santé peut-être un peu moins. Il a ensuite posé deux questions :

- Il faut associer les professionnels de santé à la réforme. Or, ils sont de moins en moins nombreux : quelles sont les conclusions du Haut conseil en matière de démographie des professions de santé ?

- La carte Vitale a un effet déresponsabilisant sur les assurés : est-il possible de connaître le coût de cette déresponsabilisation ?

M. Bernard Perrut s'est félicité du constat lucide établi par le Haut conseil de l'assurance maladie. Le temps est maintenant venu de prendre des mesures efficaces et responsables tant sur les recettes que sur l'organisation du système de soins. L'assurance maladie ne doit pas se borner à être un système de paiement des dépenses mais elle doit contribuer à promouvoir des soins de qualité. Le rapport comporte des analyses très intéressantes sur l'arbitrage à opérer pour parvenir au meilleur rapport qualité/prix possible et atteindre une réelle efficience du système de soins sans risque de sélection des patients.

Il semble indispensable de lutter contre les dépenses injustifiées en améliorant l'information des assurés qui n'ont aucune connaissance sur le coût des traitements. La généralisation de la carte Sesam Vitale est un facteur aggravant de déresponsabilisation des malades et il conviendrait de rendre obligatoire la communication par les pharmaciens du coût des médicaments prescrits. De même, il serait très utile de rendre public les budgets des hôpitaux afin que les assurés prennent conscience de l'ampleur des sommes en cause. En conclusion, quelles sont les solutions de nature à mieux responsabiliser les malades ?

M. Marc Bernier a souligné que, s'il est indispensable de mieux informer les patients sur le coût des traitements, il est aussi nécessaire de responsabiliser le corps médical qui reste le véritable décisionnaire en matière de dépenses de santé. Il serait souhaitable que la carte Vitale permette un véritable suivi des prescriptions pour éviter les abus et le nomadisme médical.

Il convient cependant de relativiser les problèmes financiers de l'assurance maladie, la généralisation de la protection sociale constituant néanmoins un formidable progrès. Il est regrettable qu'aucune étude sérieuse n'ait été menée pour mesurer les effets favorables, en termes économiques, de l'amélioration du niveau de santé de la population.

M. Jean-Pierre Door a insisté sur l'importance du consensus qui s'est dégagé des travaux du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie. Il convient maintenant d'améliorer la qualité de l'organisation du système de soins en agissant sur les trois acteurs essentiels c'est-à-dire les professions médicales, les consommateurs et la sécurité sociale. Même si le changement des comportements sera difficile, l'ensemble des parties prenantes est conscient de la nécessité de rupture profonde. Pour parvenir à cet objectif, il est essentiel que le système conventionnel sorte de l'impasse dans laquelle il se trouve depuis plusieurs années et que des négociations soient entreprises pour aboutir à une gestion paritaire du système.

Pour limiter les dépenses de santé, il semble important de parvenir à la généralisation de dossiers médicaux comportant l'ensemble des traitements prescrits aux patients afin d'éviter l'abus de prescriptions. De même, il conviendrait de définir des références médicales opposables afin de parvenir à la définition de traitements efficaces mais économes.

En réponse aux différents intervenants, M. Bertrand Fragonard a apporté les précisions suivantes :

- Le Haut conseil n'a pas travaillé spécifiquement sur les questions de démographie médicale car ce dossier a été traité par ailleurs, même s'il aura de profondes implications pour la qualité de l'offre de soins dans les années à venir.

- Pour répondre aux questions sur la déresponsabilisation entraînée par la généralisation de la carte Vitale, il convient de garder à l'esprit que la généralisation du tiers payant est déjà ancienne et qu'elle correspond à une demande de l'ensemble de la population. De plus, la carte Vitale n'a apporté de modifications notables que pour les seuls soins ambulatoires alors que le tiers payant était déjà généralisé pour tout le secteur hospitalier. La carte Vitale et la dispense d'avance de frais ont introduit une facilité. A-t-elle eu un effet inflationniste ? Il convient en fait surtout de se demander si ce n'est pas plutôt la gratuité des soins, par la prise en charge assurée par la sécurité sociale et les mutuelles, qui génère un comportement inflationniste dans la consommation de soins. La majorité des membres du Haut conseil estime que la gratuité encourage une surconsommation mais n'est pas en mesure de chiffrer cet effet inflationniste. De plus, il est difficile de freiner l'accès aux soins sans conduire à dégrader l'état de santé de la population, ce qui conduirait à moyen terme à une majoration encore plus forte des dépenses de santé. Sur cette question, les discussions ont parfois été vivres au sein du Haut conseil, certains étant favorables à l'instauration d'un « ticket modérateur d'ordre public » même si l'expérience menée en 1978 conduit à être prudent.

- De même plusieurs membres ont déploré le nomadisme médical mais on ne dispose pas d'informations précises sur l'ampleur du phénomène et aucune définition scientifique n'a à ce jour été donnée. La définition de critères pour limiter ce nomadisme s'avère particulièrement délicate et il conviendrait plutôt de s'orienter vers un véritable suivi des patients pour être en mesure de disposer d'une traçabilité des traitements prescrits.

Il conviendrait de s'inspirer de certaines solutions adoptées par d'autres pays européens comme en Allemagne où il existe une meilleure connaissance des traitements suivis par les patients et où le taux de gratuité est meilleur pour la médecine ambulatoire. La France présente l'inconvénient d'avoir un système très libéral qui ne permet pas de corriger les comportements excessifs. Parmi les priorités, il est apparu essentiel au Haut conseil de travailler sur les références médicales et sur les bonnes pratiques pour parvenir à une médecine tout aussi efficace mais plus économe.

- Concernant l'information des assurés, il est indéniable que de gros efforts doivent être faits mais l'information dispensée doit rester très concrète pour intéresser les patients qui en général ont tendance à surestimer l'importance des abus. De plus, il convient de garder à l'esprit la distribution très particulière de la consommation médicale, 5 % des assurés générant 60 % des dépenses. Il faut aboutir à une responsabilisation des assurés mais aussi des professionnels de santé.

- Il est donc vital de réengager des négociations sur le système conventionnel pour sortir de l'impasse actuelle car il est impératif que les professionnels soient étroitement associés à la gestion du système de soins.

En conclusion, M. Bertrand Fragonard a souhaité adresser un message d'optimisme aux membres de la commission en insistant sur la qualité du système de soins français. L'assurance maladie est une magnifique boutique. Elle ne fonctionne pas très bien mais elle peut aujourd'hui être réformée car l'ensemble des parties prenantes est conscient de l'urgence de la situation.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Claude Gaillard membre titulaire de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social et M. Jean-Paul Anciaux membre suppléant.

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