COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 31

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 12 février 2004
(Séance de 9 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président, et de M. Klaus Kirschner,
président de la commission de la santé et la sécurité sociale du Bundestag allemand


SOMMAIRE

 

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- Réunion commune avec la commission de la santé et de la sécurité sociale du Bundestag allemand sur la réforme des retraites et la réforme de l'assurance maladie (Berlin)


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M. Klaus Kirschner, président de la commission de la santé et de la sécurité sociale du Bundestag : Chers collègues, et avant toutes choses chers collègues de notre commission jumelle, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale française, cher collègue et président, Monsieur Dubernard, c'est avec chaleur que je vous souhaite à tous la bienvenue. Je suis heureux que nous soyons parvenus à nous rencontrer et que nous puissions avoir aujourd'hui cette réunion commune de nos commissions. C'est une première. Je vous souhaite la bienvenue au Centre Marie-Elisabeth-Lüders. C'est un bâtiment neuf, terminé ces jours-ci et où nous avons également assisté hier à une importante audition publique portant sur le thème des retraites : l'un des problèmes dont nous voulons discuter ensemble aujourd'hui et, nous le savons, un sujet qui fait l'objet de débats en France. Nous avons à peu près les mêmes problèmes, d'une part, du côté des recettes, du fait du chômage élevé, d'autre part, du côté des dépenses, du fait de l'évolution démographique, de la modification de la pyramide des âges de nos sociétés. L'ordre du jour de notre réunion commune prévoit la discussion des problèmes de la sécurité sociale allemande et française et des réformes décidées ou prévues ayant pour but la stabilisation du système et son adaptation à un cadre global en évolution. Je crois qu'il serait bien pour les deux commissions de s'écouter mutuellement, de savoir quels sont les problèmes en France et en Allemagne.

Ce n'est qu'au début de l'année que nous avons adopté une loi importante dans le domaine de la politique de santé. Nous sommes actuellement en plein débat parlementaire à propos de la réorganisation du régime légal des retraites. Nous allons conclure dans les prochaines semaines. Cela signifie aussi que nos débats sur ce sujet sont très denses. Ils ne se limitent pas, en définitive, seulement à notre commission mais s'étendent aussi à la population.

Je dois encore vous présenter quelques personnes : de gauche à droite, ce sont mes collègues du SPD, de l'Alliance 90/Les Verts, du FDP et les collègues du groupe parlementaire CDU/CSU. A ma gauche se trouvent mon représentant et collègue, M. Zöller du groupe parlementaire CDU/CSU, les membres du secrétariat ainsi que la chef de service des Affaires internationales et européennes. Encore une fois, soyez les bienvenus. Nous nous réjouissons de cette discussion et sommes heureux de cette rencontre. Je pense qu'elle marque le début d'un dialogue intensif que nous voulons avoir ensemble.

M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale : Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés, je voudrais tout d'abord saluer les membres de la commission de la santé et de la sécurité sociale du Bundestag qui sont aujourd'hui présents. Je sais combien votre agenda parlementaire est chargé en cette semaine de séance. Ensuite, Monsieur le président, je voudrais vous remercier de votre invitation à venir à Berlin tenir une réunion commune dans cette salle magnifique dont nous pouvons presque dire que nous l'inaugurons aujourd'hui.

La délégation de l'Assemblée nationale est composée de M. Denis Jacquat, député UMP de la Moselle, M. Jean-Luc Préel, député UDF de Vendée, M. Jean-Marie Le Guen, député socialiste de Paris, M. Yves Bur, député UMP du Bas-Rhin, M. Marc Bernier, député UMP de Mayenne, Mme Maryvonne Briot, députée UMP de Haute-Saône. Pour ma part, je suis député UMP du Rhône, et plus précisément de Lyon.

Nous voulons discuter ensemble maintenant des problèmes de l'assurance maladie et des retraites, ce qui me semble particulièrement opportun. S'agissant de l'assurance maladie, vous avez déjà entrepris, dans le cadre de votre plan d'ensemble Agenda 2010, une réforme qui s'applique depuis le 1er janvier 2004. Nous, en France, ne sommes par contre qu'au début de ce processus de réforme. C'est pourquoi, il est très intéressant pour nous de venir discuter des modalités et des effets de cette réforme en Allemagne. D'un point de vue politique, il est aussi intéressant de venir ici étudier de près des réformes profondes mises en œuvre par un gouvernement de coalition associant sociaux-démocrates et verts, mais adoptées par la majorité et l'opposition. Je suis convaincu qu'une telle réforme est très riche d'enseignements pour les députés français. Ce sont les raisons pour lesquelles je me réjouis particulièrement de cette réunion d'aujourd'hui.

Avant d'aborder séparément chacun des thèmes, retraites puis assurance maladie, je souhaiterais évoquer le cadre général dans lequel s'inscrivent ces deux réformes. L'assurance maladie et les retraites constituent les fondations de ce qu'on appelle en France le « pacte social », le contrat social. Elles sont les biens communs les plus précieux de nos deux nations, ce qui souligne l'importance de sauvegarder ces systèmes. Or, dans nos deux pays, le statu quo signifie la désintégration de ces deux piliers de notre protection sociale, c'est-à-dire que pour les conserver, il nous faut les réformer profondément. Ensuite, nos deux pays sont deux vieilles nations qui sont peuplées de citoyens de plus en plus âgés. Je sais que le Bundestag s'est déjà penché sur ce problème et a créé sous la législature précédente ce que vous appelez une « commission d'enquête » sur le changement démographique et ses conséquences, initiative dont l'Assemblée nationale pourrait d'ailleurs s'inspirer. Le vieillissement de la population constitue à la fois le moteur et la contrainte des réformes relatives à l'assurance maladie et aux retraites. Les économies de nos deux pays ont des taux de croissance réduits et le nombre d'emplois créés est insuffisant. Dans un contexte de compétitivité dégradée, il serait inopportun d'augmenter les prélèvements sociaux pour combler les déficits.

En ce qui concerne les retraites, nous avons voté la loi du 21 août 2003. Cette loi constitue pour la France la réponse à un triple défi : défi politique, défi démographique et défi social voire sociétal. Le défi politique est le suivant : une véritable réforme des retraites a longtemps été conçue en France comme un serpent de mer ou, à tout le moins, une réalité inaccessible. Il y a eu en 1993 une réforme dite « réforme Balladur », du nom de l'ancien Premier ministre, comportant quelques mesures courageuses, la durée de cotisation a été allongée dans le secteur privé, les modalités de calcul de la retraite et de l'indexation ont été modifiées. Cette réforme n'en était pas moins partielle et une décennie de mise en œuvre progressive a fait ressortir la nécessité d'une réforme globale incluant notamment la fonction publique et s'inscrivant dans la durée. Mais cette décennie n'a pas produit de nouvelles mesures, elle a été le temps de la réflexion, de la maturation. Du livre blanc élaboré par le Gouvernement Rocard en 1991 au rapport du Comité d'orientation sur les retraites de 2001 mis en place par Lionel Jospin se sont succédé les constats parfois contradictoires de la nécessité d'une réforme plus profonde, nécessité toujours repoussée.

Le gouvernement actuel a, dès son entrée en fonction, voulu qu'à la réflexion succède enfin l'action. Le choix a été fait - et mérite d'être souligné tant il est rare dans un pays comme la France - de consulter les partenaires sociaux sur les grandes lignes de cette réforme au cours des mois de février et mars 2003. L'avant-projet de texte issu de ce dialogue a été amendé à la suite d'une négociation avec les partenaires sociaux, certains assumant le résultat de ces discussions, d'autres misant plutôt sur la contestation sociale. Après dix ans de réflexion et d'hésitations et au terme d'un débat public et parlementaire particulièrement dense - près de 9 000 amendements et je crois, le deuxième débat de la Ve République au niveau de sa longueur - la loi du 21 août 2003 a été votée, laquelle apporte une vraie réponse au défi majeur que constitue l'évolution démographique française.

Le principal défi était, comme je l'ai déjà dit, le contexte démographique. Comme l'Allemagne, la France a fait le choix de ne pas remettre en cause le système de retraites, de garantir un niveau de retraite fondé sur un taux de remplacement maintenant un lien entre revenu issu de l'activité professionnelle et niveau de retraite. L'ancien système de retraites se dirigeait vers un déficit chiffré à environ 50 milliards d'euros en 2020 dont 28 milliards imputables aux régimes de la fonction publique. Une « solution » aurait consisté à laisser se dégrader le montant des pensions. Socialement inacceptable, elle n'a à aucun moment été envisagée. Une autre solution aurait été d'accepter une hausse des prélèvements afin d'assurer le financement du régime : socialement difficile, elle était économiquement insupportable puisqu'elle aurait durablement dégradé la compétitivité de notre économie et aurait été incompatible avec nos engagements communautaires. Ces solutions n'étaient en réalité que des replâtrages repoussant le problème sur les générations futures.

La loi du 21 août a donc consisté à mettre en œuvre une vraie réforme, une réforme, pas une révolution. Cette loi ne remet pas en cause les fondements essentiels des régimes de retraites français : il s'agit toujours d'un système de répartition assis sur les revenus issus de l'activité professionnelle et assurant une solidarité intergénérationnelle. La loi a également prévu une réforme globale, pas une réformette : pour la première fois, les modifications touchent l'ensemble des actifs puisqu'elles concernent à la fois les salariés du secteur privé et ceux des trois fonctions publiques, d'Etat, locale et hospitalière.

En quoi cette réforme consiste-t-elle ? Tout d'abord en un allongement de la durée de cotisation équitable, progressif et évolutif. Il aurait été simple de repousser l'âge de la retraite de 60 à 62 ans. Mais cela aurait présenté l'inconvénient d'une grande rigidité, socialement injuste pour les actifs ayant commencé à travailler très tôt. Elle n'aurait pas été d'une grande efficacité pour ceux ayant eu des carrières courtes. Il a donc été décidé de porter de 37 ½ à 40 années la durée de cotisation requise - quel que soit le ou les régimes d'affiliation - et avec ces 40 années, il est possible d'obtenir l'intégralité de sa retraite. Il s'agit donc d'une réforme équitable. Cet allongement de la durée de cotisation se fait progressivement jusqu'en 2008 et les conséquences de durées de cotisation inférieures à 40 annuités ne se feront sentir pleinement qu'à compter de 2020. Cet allongement des durées de cotisation est aussi évolutif puisque la loi met en place des règles de calcul permettant qu'à l'avenir les gains d'espérance de vie soient équitablement partagés entre périodes d'activité et périodes de retraite : ainsi la durée d'assurance devrait augmenter à 41 ans en 2008 et peut-être à près de 42 ans en 2020. Conséquence de cet allongement de la durée d'assurance, la loi prévoit des mesures destinées à favoriser le maintien en activité des seniors : possibilité de travailler au-delà de la limite d'âge pour compléter sa retraite, amélioration de la retraite au-delà des 40 années d'assurance requises, renchérissement du coût des préretraites. Cet encouragement au maintien en activité combiné aux évolutions démographiques prévisibles devrait permettre à la France de boucler le financement des retraites jusqu'en 2020 et l'aider à remplir les engagements souscrits au niveau communautaire en termes d'emploi des seniors.

Le troisième défi est d'ordre social voire sociétal. La réforme des retraites n'est pas seulement une affaire comptable mais aussi l'expression de la solidarité. Solidarité entre les générations mais aussi entre les diverses composantes de la société. Dès lors, il était impératif que la réforme réaffirme cette dimension. Tel est le cas, par exemple, avec une plus grande équité entre régimes, donc entre le secteur privé et la fonction publique, mais aussi entre régimes du secteur privé - par exemple, avec la création de retraites supplémentaires pour les commerçants. Ensuite l'objectif a été de parvenir pour les actifs les plus modestes à une retraite équivalente à 85 % du SMIC - salaire minimum garanti - et à un relèvement des pensions minimales. Je pense qu'il existe sur ce point des similitudes entre ces dispositions et les mesures relatives à la pension minimale que vous avez adoptées en février 2001. Il a en outre été prévu la possibilité pour les salariés ayant commencé à travailler avant 16 ans de partir avec une retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans. A été également supprimée la différence entre hommes et femmes dans les dispositifs de réversion tout en compensant, par exemple, les désavantages en terme de retraite liés aux périodes d'éducation des enfants. De ce point de vue, je crois que nos dispositifs de validation et de bonification sont d'inspiration semblable à ce que vous avez vous-mêmes voté. La loi du 21 août 2003, sans remettre en cause le système de répartition a facilité l'accès des Français à l'épargne-retraite. C'est une épargne volontaire mais j'y vois aussi une convergence entre nos deux pays.

Concernant l'assurance maladie, notre déplacement a lieu à un moment très approprié. Le gouvernement français a créé fin 2003 un organisme, appelé « Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie », dont le nom sonne particulièrement bien. 53 personnalités venues de tous les horizons y sont représentées, dont trois députés, deux faisant partie de la présente délégation : M. Jean-Marie le Guen, et moi-même pour la majorité. Ce Haut conseil a été chargé d'établir un « diagnostic partagé » de l'état de notre système d'assurance maladie et de formuler des propositions, un peu dans l'esprit de ce que vous avez fait avec la Commission Rürup. Le Haut conseil a rendu son rapport à la fin du mois dernier, donc fin janvier, et le gouvernement a commencé le 9 février, il y a donc deux jours, les discussions avec l'ensemble des différents partenaires. Ces discussions devraient être terminées en mai/juin et un projet de loi pourra être présenté en juin/juillet. Les propositions ont été mises au point de façon consensuelle entre tous les experts des différents secteurs venant des assurances ou représentant les patients, les professions de santé, les syndicats et naturellement les employeurs. Les points essentiels sont les suivants. Premièrement, il faut une réforme de structure car les déficits de l'assurance maladie présentent un caractère structurel. Deuxièmement : il y a une confusion des responsabilités : on ne sait plus qui décide de quoi au sein de l'assurance maladie et du système de santé en général, c'est véritablement très frappant en France. Troisièmement : la qualité et l'organisation des soins sont insuffisantes : il y a un déficit d'évaluation.

La contrainte est d'éviter tant le rationnement des soins que l'explosion du montant des cotisations et de renforcer la qualité et la coordination des soins avec des mécanismes de régulation rénovés, en associant notamment les assurances complémentaires. Il faut mieux définir les prestations de santé que l'assurance maladie doit rembourser en adoptant le critère de l'efficacité et de l'efficience (rapport qualité/prix). Il faut en outre clarifier les relations financières entre l'Etat et les régimes de sécurité sociale et promouvoir les bonnes conduites des assurés en les informant mieux sur les systèmes de santé. Nous possédons un rapport de synthèse qui est très intéressant et qui constitue vraiment une base solide pour d'autres réflexions.

Maintenant, sans anticiper les débats à venir, je voudrais effectuer une comparaison entre les mesures décidées en Allemagne et les mesures qui pourraient être prises en France, notamment en ce qui concerne les assurances complémentaires. Je voudrais encore rappeler à ce sujet que deux ou trois membres de la commission ont également pu participer à une rencontre avec Mme Ulla Schmidt et vous-même. A cette rencontre étaient présents différents députés français et décideurs français du secteur de la sécurité sociale et ils eurent la chance d'y rencontrer non seulement des responsables politiques mais encore nos collègues, des représentants du gouvernement, la ministre, mais aussi les représentants des syndicats, de l'assurance maladie. Lorsque je suis rentré de cette réunion, pendant tout le vol de retour j'étais encore impressionné par la profondeur et le sérieux des réflexions qui y avaient été menées et de l'équilibre auquel vous aviez pu parvenir entre tous les partis avec cette réforme. Lorsque je reviens encore sur ma comparaison entre ce que vous avez fait, et ce que nous pouvions faire, je dirais qu'en ce qui concerne la méthode, la réforme allemande a été menée dans la plus grande concertation. Cela nous a tous fortement impressionnés car cette culture du consensus, ce grand art du compromis entre les diverses majorités politiques du Bundestag et du Bundesrat ont conduit à ce que la réforme soit votée à une grande majorité. Je souhaite ardemment qu'un accord de ce type entre la majorité et l'opposition, qui marque selon moi une certaine maturité politique, soit aussi possible en France. Nous pourrions également nous inspirer de ce qui a été récemment organisé par le ministère de la Santé allemand pour expliquer aux citoyens la réforme du système de santé : pendant quatre jours, 100 experts ont répondu à plus de 8 000 questions téléphoniques sur ce sujet. Vous avez également créé un site Internet ad hoc à ce sujet. J'estime remarquable cet effort de proximité avec les citoyens. La réforme menée en Allemagne est une réforme de qualité, qui est non pas une sortie par le bas mais par le haut, en accroissant la transparence du système. La création d'un Institut pour la qualité et la rentabilité du système de santé, chargé de l'évaluation des soins, des pratiques médicales, de l'efficacité des thérapies et des produits de santé est à cet égard très intéressant. Car nous avons la conviction que le « demi-dieu en blanc », comme vous appelez les médecins, doit se former continuellement et également mieux informer ses patients.

Il existe aussi un deuxième point. C'est justement la révision du périmètre des biens et des services médicaux remboursables. Vous y êtes attaqués, par exemple en supprimant les cures thermales ou la possibilité de se les faire rembourser. Cela fut très courageux et il faudrait faire preuve en France aussi d'une ferme volonté politique. Même chose pour le développement du médecin référent et des réseaux, formules qui n'ont cependant pas eu le succès escompté en France. La réforme menée en Allemagne conduit même à diminuer le taux de cotisation : en France, il serait déjà bien de pouvoir le stabiliser. S'agissant de l'hôpital, les problèmes sont comparables, notamment en ce qui concerne la pénurie de médecins. Nous devons appliquer les directives européennes et avons justement des difficultés à appliquer la tarification à la pathologie. Deux points de la réforme allemande feront très certainement l'objet de débats en France : à savoir davantage responsabiliser les patients en mettant fin au tout-gratuit et en adoptant éventuellement un mécanisme comparable à la « taxe de cabinet » appliquée maintenant en Allemagne. Il me semble également très difficile d'introduire en France un nouveau système de rémunération pour les médecins libéraux basé sur une rémunération fondée sur une grille de morbidité pour certaines maladies.

Il me faut rappeler une particularité française, à savoir la surconsommation de médicaments et de produits pharmaceutiques : nous sommes les premiers dans ce domaine en Europe. L'un de ses corollaires est le développement des résistances bactériennes et des virus dans les hôpitaux. C'est un grave problème en France. En Allemagne, le comportement de prescription des médecins de ville est différent. Je pense que cela peut nous servir de modèles.

En conclusion : vous avez déjà réalisé votre réforme, nous ne sommes qu'au début d'un long chemin, dans lequel le Parlement et notre commission joueront leur rôle. La rencontre d'aujourd'hui avec des représentants de la majorité et de l'opposition est certainement très utile dans la préparation de cette réforme de l'assurance maladie et constituera sûrement une référence dans nos débats à venir. Je vous remercie beaucoup de nous avoir invités à un moment aussi favorable non seulement pour la France mais également pour l'Allemagne.

Le président Klaus Kirschner : Nombre de choses, dans ce que vous avez dit et exposé, nous rappellent les discussions, les débats que nous devons mener non seulement publiquement mais aussi ici au Parlement, et naturellement en particulier ici au sein de la commission compétente pour la santé et de la sécurité sociale. Vous avez mentionné à ce propos la réforme de l'assurance maladie entrée en vigueur le 1er janvier. C'est une partie du plan d'ensemble « Agenda 2010 ». Vous avez entièrement raison et je tiens à le répéter encore une fois ici, elle est le résultat d'un effort commun du gouvernement fédéral, de la coalition gouvernementale du SPD, de l'Alliance 90/Les Verts, de la CDU/CSU et également du Bundesrat. Il est très important que les Länder, qui interviennent justement beaucoup dans le domaine de la santé et doivent donner leur accord au Bundesrat, soient partie prenante dans la discussion. Cela a naturellement exigé de faire des compromis de toutes parts, mais vous connaissez cela grâce à votre expérience du travail parlementaire. Ce fut aussi le cas chez nous l'été dernier.

Chez nous, tout comme chez vous, le régime légal de l'assurance maladie et des retraites sont des piliers essentiels de la sécurité sociale, complétés dans notre pays par l'assurance chômage et par l'assurance dépendance, cette dernière constituant le pilier le plus récent de notre système de protection sociale. Mais leur point commun est qu'elles nous causent de très nombreux soucis financiers. Dans le régime légal d'assurance maladie, notre taux de cotisation moyen est de 14,3 % environ. Celui-ci est financé à égalité par les employeurs et les employés. Il est de 19,5 % pour les retraites, de 6,5 % pour l'assurance chômage et de 1,7 % pour l'assurance dépendance. Cela montre déjà les efforts que nous devons faire pour que ces taux de cotisation n'augmentent pas plus et explique aussi les mesures que nous avons dû prendre dans le cadre du régime légal d'assurance maladie. Je voudrais préciser encore une fois que le but de cette réforme est non seulement de stabiliser le taux de la cotisation d'assurance maladie au taux actuel de 14,3 % environ, mais aussi de l'abaisser. Politiquement, c'est la seule manière de pouvoir présenter à la population, aux personnes concernées, les actions considérables que nous avons entreprises : par exemple, le paiement de taxes supplémentaires, la taxe de cabinet, l'augmentation de la participation financière aux produits pharmaceutiques, aux médicaments, aux dispositifs médicaux et aux frais de séjour à l'hôpital. C'est pourquoi, l'acceptation de cette loi, laquelle fait aussi l'objet d'un vif débat public chez nous, débat mené en ce moment jour après jour dans les médias, ne peut être obtenue que si l'on réussit simultanément à abaisser à moyen terme le taux de cotisation.

Je veux faire observer que nous avons beaucoup de similitudes et également de problèmes communs, par exemple, en ce qui concerne les dépenses publiques finançant l'assurance vieillesse. Par rapport au produit intérieur brut, les dépenses en France s'élèvent à environ 10,6 % et en Allemagne à 10,5 %. Concernant le taux de chômage, nous nous situons presque au même niveau.

En matière de démographie et d'augmentation du nombre de personnes âgées, en 2050 l'espérance de vie moyenne des femmes en Allemagne atteindra 84 ans et 80 ans chez les hommes. Nous nous en réjouissons. Mais naturellement, cela signifie à l'inverse que les problèmes pour les systèmes de sécurité sociale ne seront pas réduits mais plus importants. Et là, je voudrais aussi faire remarquer que nous devons moins discuter de savoir si nous relevons ou non maintenant l'âge de la retraite, mais plus de savoir s'il est possible de réussir à maintenir réellement au travail les personnes plus âgées, entre 55 et 65 ans, ou à les ramener au travail. Si l'on effectue des comparaisons au niveau international, nous avons un sous-emploi notable, en particulier chez les femmes, mais aussi chez les hommes. Il est d'autant plus important que nous puissions maintenir ces personnes au travail et que notre économie profite de leur expérience. Pour moi, c'est l'un des problèmes capitaux devant lesquels nous nous trouvons.

Une remarque concernant le vieillissement de la population : nous nous trouvons devant des problèmes énormes mais cela n'est pas totalement nouveau. En 1950, il y avait pour chaque personne âgée de plus de 65 ans 6,9 personnes âgées de 15 à 65 ans. En l'an 2000 ce rapport n'est plus que de 4,1, ce qui signifie qu'entre 1954 et 2000 le groupe des personnes âgées entre 15 et 65 ans s'est presque réduit de moitié. Ce chiffre va encore se réduire de moitié d'ici 2040. Cela montre naturellement les défis démographiques de plus en plus lourds auxquels nous faisons face.


Concernant les dépenses de santé, les conditions en France et en Allemagne sont à peu près les mêmes, tant dans le domaine de la prescription des médicaments que de leur nécessité. Vous avez parlé de « soins hospitaliers ». La totalité des dépenses de santé en Allemagne, par rapport au produit intérieur brut - en tenant compte non seulement du régime légal de sécurité sociale mais aussi du régime d'assurance des fonctionnaires, de l'assurance maladie privée etc. - s'élèvent à 10,7 %, c'est-à-dire qu'au fond nous dépensons un euro sur neuf pour la santé. En France, avec un taux de 9,5 % la situation est un peu plus favorable. Mais il faut toujours rappeler que la santé est un bien faisant partie de l'Etat social. Les gens souhaitent bénéficier de soins de santé corrects. L'évolution du taux de cotisation du régime légal de sécurité sociale, qui assure environ 87 % de la population, nous cause le plus de soucis. Il a augmenté au cours des dix dernières années depuis 1992, de 12,5 % en moyenne pour la totalité des 200 caisses de maladie à 14,3 % au 1er janvier 2004, soit précisément 1,8 point.
Cela montre naturellement devant quel défi nous nous trouvons. S'agissant de toutes les mesures que nous avons à prendre ou que nous avons dû prendre, il ne faut pas oublier que le régime légal de l'assurance maladie existe d'abord pour les patients.

A ma connaissance, en France, l'analyse conduit à un résultat identique : 1 % des assurés donnent lieu à 30 % des dépenses, il s'agit alors des personnes ayant des maladies graves. 9 % des assurés sont à l'origine de 50 % des dépenses, il s'agit des malades chroniques. Cela veut dire que 10 % des assurés sont responsables de 80 % environ des dépenses. C'est pour cela que le régime légal d'assurance maladie existe et lorsque l'on dit que la solidarité a une grande valeur dans la société française, cela vaut aussi pour l'Allemagne. Cela signifie que notre régime légal d'assurance maladie a pour fonction que les jeunes soient là pour les personnes âgées, les bien portants pour les malades, les célibataires pour les familles, que ceux qui gagnent bien leur vie doivent aussi s'acquitter d'une cotisation de solidarité pour ceux qui gagnent moins. C'est la seule façon dont peut fonctionner une assurance maladie solidaire.

Je voudrais juste indiquer très rapidement ce qui joue avant toutes choses un grand rôle dans le débat public actuel. Nous prévoyons en général 10 % de participations supplémentaires sur l'ensemble des prestations, au minimum 5 euros et au maximum 10 euros. 10 euros est la limite supérieure. Pour chaque première visite chez le médecin au cours d'un trimestre, donc tous les trois mois, il faut payer 10 euros. Si le médecin de famille recommande une visite chez un spécialiste, cela ne donne pas lieu à une autre taxe de cabinet. Mais si, par contre, quelqu'un consulte directement un spécialiste, 10 euros seront alors de nouveau dus, cela s'applique du reste non seulement pour le médecin mais aussi pour le spécialiste. Concernant l'hôpital, pour un maximum de 28 jours par an, dix euros doivent être payés chaque jour. Vous pourrez donc penser qu'il s'agit là de versements complémentaires considérables, mais chez les malades chroniques, ils sont atténués par une limite supérieure s'élevant à 2 ou 1 % pour les maladies chroniques. Ces versements complémentaires ne concernent pas les enfants ainsi que les jeunes de moins de 18 ans. Dans l'année à venir, les prothèses dentaires financées jusqu'ici par le régime légal de sécurité sociale, doivent être financées séparément, que ce soit dans le cadre du régime légal d'assurance maladie ou à titre privé, c'est l'assuré lui-même qui en décide. A partir de 2006, nous allons encore une fois prélever une cotisation spéciale de 0,5 % en plus de la cotisation d'assurance maladie. L'indemnité journalière doit être financée à l'avenir de façon indépendante par les assurés. Pour le financement des nombreuses prestations dites « extra-assurantielles » du régime légal d'assurance maladie - allocation de maternité, indemnité journalière, l'allocation pour la garde d'un enfant malade - les taxes sur le tabac vont être progressivement augmentées en trois fois, au total de 1,2 centime d'euro par cigarette. Il nous semble nécessaire que les impôts financent également les prestations extra-assurantielles. A l'avenir, il n'y aura plus de subvention non plus pour les lunettes. L'allocation au titre de l'assurance décès a été supprimée. Vous voyez donc que nous avons procédé à de nombreuses interventions dans ces domaines.

Encore quelques remarques concernant le régime légal des retraites. Hier, nous avons eu ici une audition publique avec des experts, avec des scientifiques et avec les syndicats, avec la Confédération des syndicats allemands et la Fédération des syndicats patronaux allemands, les organismes d'assurance vieillesse et toutes les fédérations qui, elles-mêmes ou bien leurs membres, sont ici directement ou indirectement concernées. Ce forum était de très bonne tenue et je pense que cela nous a beaucoup apporté. La commission doit prendre en compte ce qui y a été dit. Nous aussi, dans ce domaine, nous nous trouvons devant des décisions à prendre. Nous avons, je l'ai dit, un taux de cotisation de 19 %, nous disposons encore dans le régime des retraites, d'après les chiffres actuels, d'une réserve correspondant à peu près à un quart de ses dépenses mensuelles : ce qui veut dire que l'assurance vieillesse dispose à peine, voire même plus du tout de ressources financières. Cela montre aussi qu'il est extrêmement urgent de prendre des mesures.

Enfin, la République fédérale d'Allemagne a une particularité : la grande chance de l'unité allemande. A l'inverse, pour ce qui a trait aux systèmes de sécurité sociale, d'énormes charges financières sont transférées aux régimes légaux de sécurité sociale. Tous les gouvernements fédéraux l'ont fait depuis 1990. Nous qui pratiquons une politique sociale, nous savons que d'autres financements auraient été nécessaires, mais il en a ainsi été décidé. Je veux juste faire observer que rien que pour l'année 2003, les transferts des anciens Länder aux nouveaux Länder, en ce qui concerne l'assurance vieillesse, représentaient environ 14 à 14,5 milliards d'euros. Ce transfert assure que dans les nouveaux Länder le même niveau de retraite puisse être garanti que dans les anciens Länder. Mais les chiffres montrent aussi le montant des charges qu'ont dû supporter les systèmes de sécurité sociale. Cela s'applique naturellement aussi aux systèmes d'assurances maladie, marqués par un transfert de 2 milliards. Ce transfert va presque doubler d'ici l'année 2007. Cela signifie que nous devons en plus assumer cette particularité.

Concernant le niveau des retraites, nous avons actuellement des discussions très vives (c'est aussi le résultat de l'audition d'hier) concernant l'introduction d'une clause d'assurance minimale, qui assure que les pensions ne peuvent pas tomber au-dessous d'une certaine valeur. Si nous exigeons des cotisations obligatoires à un système public, les personnes doivent être sûres des résultats à en attendre. En particulier, si l'on considère la jeune génération, ceux qui ont 30 ans, 40 ans, ils doivent savoir quel sera le montant de leur retraite plus tard. Ils doivent aussi avoir une certitude quant à l'opportunité de prendre éventuellement un système de prévoyance à titre privé, que ce soit des systèmes de retraite d'entreprise, la retraite Riester ou d'autres placements privés. Enfin, je voudrais ajouter en conclusion que nous visons un niveau de retraite, pour ce que nous appelons le retraité standard (le retraité ou la retraitée ayant cotisé pendant 45 années et qui a toujours touché le salaire moyen des assurés) pour l'année 2040 un niveau de retraite - avant impôts - d'environ 50 %. Ceci doit être le minimum, il ne faut pas que cela descende plus bas. Vous voyez, nous nous trouvons devant le même problème que vous. C'est pourquoi nous sommes heureux aujourd'hui de pouvoir avoir cette discussion afin, justement, d'apprendre mutuellement les uns des autres et de savoir comment vous abordez ces problèmes. Et à l'inverse, nous souhaitons essayer de vous dire comment nous croyons pouvoir nous attaquer à ces problèmes. C'est dans ce sens que je tiens encore à vous remercier et à vous souhaiter la bienvenue à Berlin.

Le président Jean-Michel Dubernard : Ce qui me surprend, c'est le parallélisme inverse, si je puis dire, entre les situations de nos deux pays. Donc, tout d'abord, pour vous rassurer, nous avons aussi essayé de nous projeter dans l'avenir. Les pronostics de retraites ont été établis pour l'année 2040, mais tout va être définitivement décidé entre 2012 et 2020.


M. Jean-Marie Le Guen 
: C'est avec un grand intérêt et beaucoup de joie que j'ai donné suite à l'invitation de venir discuter aujourd'hui avec vous. Le président Dubernard l'a déjà dit, nous avons déjà eu l'occasion de venir à Berlin pour parler de la réforme de la santé, en tous les cas au moins certains d'entre nous. Nous suivons avec beaucoup d'intérêt ce qui ce passe en Allemagne.

Lorsque nous parlons de nécessaires réformes, nous partons des systèmes allemands et français qui sont relativement semblables, non seulement en ce qui concerne les données économiques, mentionnées par le précédent orateur, mais aussi les fondements philosophiques et les objectifs sociaux. Lorsque nous parlons de réforme, nous voulons tous dire par là que nous voulons une réforme parce que nous croyons que le progrès la rend nécessaire et la justifie. Nous avons en effet dans nos sociétés des défis démographiques considérables que nous avons vus venir depuis de longues années déjà mais qui, aujourd'hui, dans nos systèmes de sécurité sociale, doivent être totalement supportés. Il y avait un autre critère de réforme qui a joué un rôle important dans le débat allemand tout comme dans le débat français, c'est le coût du travail. Dans ce contexte, je crois qu'entre la droite et la gauche nos approches sont différentes en ce qui concerne la nécessité d'abaisser le coût du travail, les charges sociales. Cela fait partie de notre débat public comme du vôtre et c'est également intéressant pour nous de poursuivre cette discussion dans votre pays.

A propos de la retraite, je ne voudrais pas exprimer de critique ; notre président a loué la réforme française. Mais je voudrais simplement ajouter qu'elle sera moins importante, qu'elle semble moins globale qu'on peut en avoir l'impression peut-être à première vue, et que l'on a encore beaucoup de problèmes devant nous. Nous devrons certainement reparler de cette question en 2008 mais un pas a déjà été fait. Nous avons donc un problème commun, on peut vraiment le dire ouvertement entre nous. C'est un problème auquel nous devons réfléchir, le problème de l'emploi chez les plus de 50 ans, c'est un problème important auquel nous sommes confrontés en France. Nous parlons du caractère solidaire de la retraite, mais nous devons nous demander comment le mettre en pratique maintenant et à l'avenir car nous demandons aux employés français et allemands de travailler plus longtemps, jusqu'à 61, 62, 63 ans. Personnellement, cela ne me choque pas mais naturellement nous devons simultanément être à même de prendre en charge ceux qui, physiquement, ne sont pas en mesure de travailler ou bien ceux qui ne le peuvent pas parce qu'ils ne trouvent pas de travail. C'est une révolution qui doit se produire dans le domaine de l'emploi. Nous sommes ici bien loin en arrière par rapport à la réalité de la société. C'est ce que je voulais dire au sujet de la retraite. Mis à part les débats dans nos deux pays, je crois que c'est la question qui suscite les plus grandes difficultés, pour assurer l'avenir de la retraite, pour garantir un minimum en matière de justice sociale, par exemple, vis-à-vis de ceux qui voudraient un travail mais qui ne peuvent pas travailler. Nous devons naturellement garder en vue le niveau de retraite général mais aussi le niveau de retraite personnel.

Je vais maintenant ajouter quelque chose à propos de la santé. C'est encore un thème important où nous n'avons pas seulement besoin d'échanger nos expériences mais où nous avons effectivement un problème commun. La réforme de santé doit concerner le système de santé public. Nous y avons des intérêts communs : la lutte contre le tabagisme, contre l'excès de poids.

Le président Klaus Kirschner : Je vais alors donner la parole à notre collègue M. Andreas Storm qui est aussi président du groupe de travail et porte-parole en matière de politique sociale du groupe CDU/CSU.

M. Andreas Storm : Je suis un peu étonné car je pensais que ma collègue Mme Lotz répondrait au collègue socialiste, mais c'est peut-être un très bon signe pour notre réunion commune que nous puissions ainsi discuter de façon croisée. C'est aussi une très bonne occasion, au lendemain de l'audition d'hier sur la réforme des retraites, d'échanger en commission sur la façon de voir les choses dans nos deux pays.

Je voudrais faire deux brèves remarques concernant la situation initiale, avant notre réforme des retraites. Dans les prochaines décennies, nous devrons surmonter en France et en Allemagne d'énormes problèmes du fait de l'évolution démographique. En Allemagne, la situation est certes encore plus dramatique parce que notre courbe de natalité se situe encore plus bas qu'en France. Cela signifie que d'ici 2035 environ, la proportion des personnes ayant l'âge de la retraite doublera. La problématique est donc encore plus forte que chez vous en France. Deuxième point : nous avons financé, en France et en Allemagne, d'importants pans des systèmes de sécurité sociale par des cotisations sociales indexées sur les salaires, donc par des charges salariales, mais là aussi une comparaison européenne montre que l'Allemagne a un taux maximal. Avec ces cotisations sociales indexées sur les salaires, nous nous situons encore au-dessus de la valeur française. Naturellement, cela accroît encore le poids de la réforme. Nous en arrivons à la conclusion commune que nous devons détacher en partie le financement de la sécurité sociale des charges salariales.

Dans l'audition d'hier concernant la politique en matière de retraites, il a été démontré que nous nous trouvons devant un très grand changement. J'utiliserais le terme de changement de paradigme car dans le passé il y avait un objectif de sécurité dans le régime légal des retraites, ce qui voulait dire que celui qui avait eu une longue vie de travail et cotisé régulièrement, pouvait escompter toucher deux tiers de son revenu net pour sa retraite. Il y a trois ans encore, le gouvernement de coalition entre les Verts et les sociaux-démocrates a inscrit dans la loi un niveau de retraite net de 67 %. Le président a déjà rappelé que depuis hier nous savons qu'à long terme on ne peut tabler dans tous les cas que sur un niveau de retraite net de 50 % à peine. Ce qui veut dire non plus deux tiers du revenu net mais seulement la moitié, soit une dégradation dramatique de la protection assurée par le régime légal des retraites. Si l'on regarde honnêtement les résultats d'hier, on constate que la retraite légale en Allemagne ne sera rien de plus qu'une garantie de base financée par les cotisations et que des systèmes de prévoyance privés ou d'entreprise doivent s'y ajouter dans des proportions considérables, si l'on veut maintenir son niveau de vie pendant sa vieillesse. Et là, nous avons un deuxième problème du fait qu'à la différence non seulement de la France mais de nombreux autres pays européens, nous disposons de moins de prévoyance d'entreprise et privée. La question est de savoir comment nous allons réussir à instituer le plus rapidement possible une prévoyance complémentaire globale en plus de la retraite légale, sujet qui nous préoccupe depuis des mois et pour lequel nous devons aussi trouver très rapidement une réponse. Eventuellement aussi, il nous faudra débattre s'il faut obligatoirement apporter une deuxième béquille à l'assurance vieillesse.

Un troisième thème qui a déjà été abordé dans ce contexte, c'est la question des limites d'âge. Actuellement, il existe certainement dans tous les groupes parlementaires un certain scepticisme quant au fait d'envisager déjà un relèvement de la limite d'âge à plus de 65 ans, notamment parce que les chances sur le marché du travail de la génération des seniors sont encore pour le moment tout sauf bonnes. Par ailleurs, se pose le problème du calcul possible de la prévoyance vieillesse et avec lui de la planification possible et personnalisée du départ à la retraite. Un problème surgit toujours lorsque le système politique décide à très court terme de relever l'âge de la retraite. De ce fait, il serait extrêmement opportun d'annoncer longtemps à l'avance que des changements vont avoir lieu afin de favoriser la confiance et les possibilités de planification. Chez nous, cela joue un rôle très important si l'on doit envisager quelque chose pour la décennie suivante, comme justement un relèvement supplémentaire de l'âge de la retraite. Mais lorsque l'on évalue les choses que nous avons pu voir ces dernières semaines, non seulement à partir des projets du gouvernement fédéral mais aussi des commissions d'experts qui ont siégé dans tous les partis, nous nous trouvons devant la modification la plus dramatique du système de retraite depuis les grandes réformes portant sur les retraites réalisées dans les années 1950.

M. Denis Jacquat : Les problèmes en France et en Allemagne sont quasiment identiques, vous l'avez dit vous-même. Car, d'une part, nous avons le système de répartition et, d'autre part, nous avons des problèmes économiques semblables. Il y a quelque chose dont vous n'avez pas parlé, c'est le nombre de retraités qui va considérablement augmenter en France, c'est la conséquence du baby-boom des années 60. Cela va conduire à une augmentation du nombre de retraités de 500 000 à 800 000. Simultanément, nous avons une plus grande espérance de vie, c'est-à-dire qu'aujourd'hui les retraités ont actuellement 22 années de retraite, les retraités à venir auront 28 années de retraite. Nous avons un système de répartition assis sur le coût du travail, sur les charges sociales, sur les salaires. Nous nous sommes dit que nos entreprises doivent rester compétitives, c'est pour cela que nous ne devons pas augmenter les cotisations sociales. Notre raisonnement est le suivant : nous n'augmentons pas les cotisations sociales, nous ne voulons pas réduire les prestations, cela veut dire indirectement que l'on ne peut miser que sur la durée de cotisation. L'allongement des durées de cotisation était donc le moindre mal. On doit aussi dire que nous allons de mieux en mieux, à 55, 60 ans nous sommes un peu moins au bout du rouleau, moins épuisés que dans le passé. Il faut dire que les dispositions prises en matière de préretraite furent plutôt un instrument de la politique de l'emploi.

En ce qui concerne l'allongement des durées de cotisation, c'était très important pour nous car nous avions un problème très spécifiquement français. Lorsque l'on veut toucher une retraite selon le système de base, on doit cotiser pendant 40 années, cela a déjà été décidé par la réforme Balladur tandis que dans la fonction publique il suffisait de cotiser pendant 37 ans et demi seulement. Il y eut aussi des indexations totalement variables. C'est-à-dire que nous craignions une explosion sociale car la majorité relevant du système général a naturellement demandé pourquoi il faudrait payer plus de cotisations et toucher toujours moins, d'un autre côté nous avons les fonctionnaires qui cotisent moins longtemps et qui touchent plus. C'est pour cela que nous nous sommes décidés pour le moindre mal ou pour le plus petit dénominateur, c'est-à-dire l'allongement des durées de cotisation. Au début nous avons travaillé dans la perspective de 2040. Ceux qui aujourd'hui, en 2004, ne paient pas encore de cotisations ne toucheront pas une pension à taux plein en 2040. C'était le point de départ. Mais 2040, c'est encore loin. C'est pourquoi nous avons décidé de réaliser deux étapes : une première étape en 2020 et une deuxième étape de 2020 à 2040. Tous les trois ans, on reconsidérera les choses afin de faire un bilan et de voir où nous en sommes.

Le président Klaus Kirschner : Je vais maintenant donner la parole à Mme Erika Lotz, porte-parole de la fraction SPD de la commission.

Mme Erika Lotz : Je me réjouis naturellement que dans une période si tendue nous puissions échanger sur les voies empruntées dans les différents pays. Il est juste que nous nous trouvons devant d'importantes évolutions démographiques et que nous avons donc aussi à mettre en œuvre des solutions dans les systèmes de sécurité sociale. La situation chez nous est la même que chez vous du fait du télescopage du « baby-boom » et de la chute de la natalité due à la pilule. Si nous avions encore en Allemagne des durées de retraite similaires à celles des années 60, un taux de cotisation de 12 % serait alors acceptable, mais cela a changé. Nous avions hier cette audition sur le projet de loi relatif à la réforme des retraites. Le projet de loi comprend entre autres ce qu'on appelle le « facteur de pérennité ». Lors des prochaines décisions de fixation du niveau des pensions, on prendra en compte le rapport entre les retraités et les actifs. Cela entraînera une moindre revalorisation des retraites. Mais nous sommes entièrement d'avis - et l'audition d'hier l'a encore confirmé - que non seulement l'objectif d'un niveau de cotisation ne dépassant pas 22 % en 2030 est nécessaire mais aussi qu'une garantie de niveau doit être fixée. L'audition d'hier a encore une fois confirmé ces demandes de politique sociale. Mais je voudrais encore faire observer qu'une des dernières réformes de l'année 2001 a conduit à ce que l'Etat favorise la mise en place d'une prévoyance vieillesse par capitalisation. Ces fonds constituent finalement un avantage afin que chacun et chacune prenne des dispositions pour avoir une retraite complémentaire du pilier principal représenté par la retraite d'Etat.

Mais je souhaite revenir à l'intervention de mon collègue M. Le Guen. Il est tout à fait juste que des dispositions doivent être prises et qu'il faut veiller à la solidarité avec ceux qui ne peuvent pas travailler. Nous avons dans notre système le cas de la pension d'incapacité partielle pour ceux qui ne peuvent plus travailler en raison de maladie. Nous débattons chez nous aussi d'un relèvement de la limite d'âge et savons, dans une situation de chômage élevé, que c'est un point que la population ne comprend pas. Pour cette raison, nous voulons encore y réfléchir un certain temps. Je suis en outre personnellement convaincue que quelque chose doit se faire au niveau des entreprises. En Allemagne, les choses sont telles que dans 60 % environ des entreprises, on n'emploie plus de salariés de 50 ans ou plus. Je pense qu'avec l'évolution démographique, les entreprises apprendront en définitive à apprécier la valeur des employés expérimentés.

M. Jean-Luc Préel : Je suis moi aussi heureux de pouvoir être là aujourd'hui, je fais partie de l'UDF. Nous essayons avant tout d'inciter la majorité à entreprendre des réformes globales. Il y avait deux défis : d'une part, dans le domaine de la politique des retraites et d'autre part, celui de la thématique de l'assurance dépendance. Sur ce point, nous avons déjà procédé à une réforme importante il y a quelques années, mais nous n'en sommes encore qu'aux débuts. La retraite est soumise naturellement à des contraintes démographiques, vous l'avez dit. En effet, en raison du « baby-boom », environ 700 000 à 800 000 retraités vont prétendre à leur retraite à l'avenir contre 500 000 actuellement. Cela joue évidemment un rôle important. Le système français est très complexe. Nous avons d'un côté, un système de base, par ailleurs, un système d'assurance complémentaire qui est obligatoire, et puis il existe aussi quelques pensions de retraite d'entreprise et la prévoyance privée. Nous avons diverses dispositions pour les employés du secteur privé et un autre système pour les fonctionnaires. Ces derniers touchent une retraite dans laquelle leur statut est maintenu. Il n'existe pas de caisse de retraite pour les fonctionnaires mais les retraites sont financées sur le budget de l'Etat. Puis, nous avons aussi des régimes spéciaux pour les chemins de fer, les transports publics, etc. Cela crée certains problèmes car les taux de cotisation, les durées de cotisation et même les pensions sont variables pour des salaires semblables. C'est donc une question de justice entre les citoyens.

La réforme que nous avons adoptée l'année passée était une réforme extrêmement nécessaire. C'était une première étape qui, bien sûr, ne résout pas tous les problèmes. Car, il ne s'agit pas ici de dispositions spécifiques pour les chemins de fer et les transports publics. Nous voulions parvenir progressivement à une plus grande égalité entre le secteur privé et le service public, c'est important avant tout au niveau du salaire de référence. Dans le secteur privé, on se base sur la moyenne des 25 meilleures années tandis que chez les fonctionnaires, ce sont les six derniers mois qui servent de base. On voit donc qu'il y a de grandes différences, cela veut dire que si les fonctionnaires bénéficient d'un nouvel avancement pendant les derniers mois, ils auront une retraite beaucoup plus élevée qu'elle ne l'aurait été si le calcul avait été fait à partir de la valeur moyenne de 25 années. Nous aurons donc de nouveaux besoins de financement et d'autres problèmes à l'avenir. Nous avons aussi ajusté les durées de cotisation, et là il y a deux problèmes. D'une part, il y a le problème des jeunes qui commencent à travailler très tard. Autrefois, on commençait à 16 ou 18 ans, aujourd'hui c'est beaucoup plus tard. Cela signifie que pour parvenir aux 40 années nécessaires pour une retraite sans abattements, reculer le début de la vie active représente un inconvénient. L'autre problème concerne ceux qui ont 60 ans. Lorsque l'on commence à travailler à 25 ans, on ne peut pas partir à la retraite à 60 ans.

Le deuxième problème a été abordé par M. Le Guen, c'est celui de l'aptitude à employer des personnes de plus de 55 ans. Il est connu qu'à cet âge-là, les entreprises n'embauchent plus, et qu'elles licencient même ceux de cet âge car ils coûtent plus cher que les jeunes. C'est un problème, bien sûr, avec les durées de cotisation qui ont été relevées. Nous essayons donc de suspendre progressivement les régimes particuliers de sorte que le régime général s'applique aux nouveaux venus ; mais ceux qui sont de l'ancien système peuvent encore conserver celui-ci. Avec le régime général de retraite on parle de parité entre employés et employeurs, mais il faut voir que ces caisses ne gèrent que les fonds sociaux et que l'Etat fixe chaque année les taux de cotisation et le niveau des prestations. Nous avions souhaité ici qu'il y ait une véritable parité, que l'on travaille en s'appuyant sur des points et que les partenaires sociaux puissent fixer ensuite la valeur de ces points pour calculer la retraite. La responsabilité propre des partenaires sociaux en serait accrue. Voilà ce que je voulais dire, vous avez vu que je diverge un peu de l'opinion de la majorité.

Le président Klaus Kirschner : Je donne la parole à notre collègue, Mme Bender, porte-parole de la fraction Alliance 90/Les Verts.

Mme Birgitt Bender : Nous constatons effectivement que les problèmes dans les deux pays sont très proches et que les solutions sont aussi relativement semblables. Pour cette raison, j'ai une question à vous poser concernant la présentation politique de la réforme. Avec la retraite, les choses sont telles que maintenant, la génération intermédiaire et la jeune génération sont concernées parce qu'elles devront travailler plus longtemps et qu'elles toucheront des pensions inférieures à celles des retraités actuels. En Allemagne, la génération actuelle des retraités est la plus aisée que nous n'ayons jamais eue sur le sol allemand. Les problèmes de pauvreté existent chez les familles jeunes avec enfants. Ce sont les retraités qui se sentent le plus menacés par la réforme des retraites, alors que ce sont les jeunes générations qui paient effectivement le prix de ces réformes et qui supportent les charges. Avez-vous le même problème chez vous et comment le traitez-vous ?

Le président Jean-Michel Dubernard : C'était aussi l'un des points qui nous a préoccupés car les jeunes, en général, ne s'intéressent pas à la retraite. C'est encore beaucoup trop lointain pour eux. Nous avons pris deux mesures dans le cadre du projet de loi, l'une de type collectif et l'autre de type individuel. La mesure collective a été de créer le Conseil d'orientation des retraites dont je fais partie. C'est une structure, ayant une fonction de surveillance, et qui étudie dans les différents systèmes de retraite de notre pays et également de l'étranger ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Son abréviation est le CORE. Ce conseil d'orientation a annoncé que si l'on ne procède à aucune réforme avant 2006, il faudrait automatiquement réduire de moitié toutes les retraites. Cela souligne combien il est nécessaire d'agir vite. Ce Conseil d'orientation a également dit que les durées de cotisation doivent être allongées. Nous sommes environ 40 membres, trois députés et trois membres du Sénat y sont représentés. Venons-en maintenant à la mesure individuelle : nous avons demandé pour cette raison, et d'ailleurs obtenu, que tous les organismes de retraite informent progressivement leurs membres, leurs cotisants - s'ils le souhaitent - du montant de la pension qu'ils pourront toucher. Si maintenant, vous avez déjà travaillé dix ans, supposons que vous toucherez le même salaire etc., vous recevriez alors une pension du même montant. Cela veut dire que si la personne en question est ensuite à la retraite, elle ne pourra plus s'étonner de recevoir, par exemple, une pension très faible. Elle peut déjà réfléchir auparavant à ce qu'il est possible de faire pour changer les choses. C'est très important.

M. Yves Bur : La réforme de la santé est encore à faire chez nous, en France. Elle s'accompagne de problèmes notables si l'on considère les problèmes que nous avons déjà eus avec la réforme des retraites et qui ne concernaient les gens que pour l'avenir. La réforme de la santé concerne tout le monde immédiatement. Cela signifie que deux grandes questions se posent mais, auparavant, je voulais souligner encore une fois que quelque chose m'a toujours étonné en Allemagne. La question de l'assurance vieillesse ainsi que la question du système de santé ont toujours été considérées comme des questions d'ordre moral et éthique, comme une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Si l'on ne prend pas de décisions en matière de politique de santé et de retraite, on accable les jeunes générations de charges intolérables et l'on déclenche ainsi un véritable conflit de générations. J'ai l'impression que l'on y fait plus attention en Allemagne et cela m'impressionne. Je crois qu'en matière de système de santé, c'est d'abord une question de financement. Comment pourrait-on réussir à ce que les assurés contribuent davantage au financement car les dépenses de santé augmentent du fait du vieillissement de la population et des progrès médicaux ? Et là nous devons nous décider, voulons-nous un financement collectif, c'est-à-dire chez nous la « contribution sociale généralisée », ou bien voulons-nous une responsabilité personnelle renforcée des assurés par laquelle ils doivent eux-mêmes payer certaines prestations de santé ou les financer par le biais d'assurances complémentaires ? Chez nous, cela concerne déjà une grande partie de la population. Je crois que c'est vraiment un point important, comment pouvons-nous continuellement assurer le financement ?

Mais il existe encore un deuxième point auquel il nous faut réfléchir : comment pouvons-nous maîtriser le développement des dépenses et comment les dépenses élevées du système de santé peuvent-elles être établies le plus efficacement possible de sorte que des prestations de santé appropriées soient pour ainsi dire favorisées et que l'on s'en tienne à ce qui est véritablement nécessaire ? Nous avons justement parlé du fait qu'en France nous consommons moitié plus de médicaments qu'en Allemagne et pourtant l'état de santé des Français n'est pas meilleur que celui des Allemands. Dans notre système, l'évolution des revenus des médecins dépend des cas qu'ils traitent et cela conduit naturellement au fait que les dépenses augmentent constamment.

Monsieur le président, si vous le permettez, j'aimerais évoquer deux questions qui me tiennent à cœur. Nous venons de parler de l'impôt sur le tabac, en France nous avons fortement augmenté le prix des cigarettes : il est situé maintenant entre 4,5 et 5 euros pour 20 cigarettes, donc pour un paquet. Je me demande dès lors si nos deux commissions ne pourraient pas se réunir et essayer d'harmoniser nos approches en matière de « lutte contre l'usage abusif du tabac », car cet abus provoque 66 000 décès par an en France et certainement autant en Allemagne. Ne peut-on pas s'efforcer de réfléchir ensemble à la manière dont on agit contre l'usage abusif du tabac, lorsqu'un paquet de cigarettes coûte maintenant 5 euros en France et encore 3 euros en Allemagne ? Je suis député en Alsace, cet état de fait entraînement naturellement de gros problèmes, vous avez les mêmes problèmes chez vous avec la frontière polonaise. Cela signifie que notre marge de manœuvre est très étroite. Un autre problème que je souhaitais aborder est celui de ce que vous appelez en Allemagne les « Alcopops » : leur consommation explose chez les jeunes, cela s'appelle en France « le premix » et c'est aussi un grave problème.

Le président Klaus Kirschner : Je voudrais juste faire une remarque à ce sujet. Nos estimations, selon les chiffres du Centre de recherches sur le cancer, s'élèvent à environ 100 000 morts par an dues à la cigarette. Nous devons aussi agir contre ce que l'on appelle les « minipaquets ». Ils facilitent la consommation de cigarettes chez les jeunes. Je sais que vous avez déjà réussi quelque chose dans ce domaine. Je vais aborder le problème des « Alcopops », ces boissons alcoolisées qui attirent avant tout les jeunes. En Allemagne, les jeunes consomment désormais davantage ces « Alcopops » que la bière. C'est un problème auquel nous travaillons, pour lequel nous voulons changer les choses. Il existe d'énormes problèmes mais nous voulons nous attaquer à celui-ci.

La parole est maintenant à Mme Widmann-Mauz, porte-parole en matière de politique de santé de la fraction CDU/CSU.

Mme Annette Widmann-Mauz : Je crois que nous sommes tombés d'accord sur le fait que nous pouvons réagir au progrès, à l'accroissement des possibilités et des besoins autrement qu'en augmentant les taux de cotisation. C'est pourquoi, à la fin, la question consistera naturellement à savoir si l'on parvient, et dans quelle mesure, à limiter les prestations sans rétrograder dans un système de médecine de deuxième classe. Nous étions précisément également confrontés à cette question avec notre réforme. J'ajoute même que nous n'avons pas encore définitivement répondu à cette question avec cette réforme car, dans sa mise en œuvre, effective depuis le 1er janvier, nous constatons naturellement que la limite de la charge, dans de larges parties de population, notamment là où se trouvent de malades chroniques, là où les personnes sont socialement faibles, est presque à son maximum. Etant donné les chiffres actuels, l'espoir de pouvoir réussir à baisser les taux de cotisation dans les proportions dont nous sommes convenus de façon consensuelle pendant l'été n'est plus partagé par tous, pour dire les choses avec précaution. C'est pourquoi cela dépendra beaucoup du fait que les mesures que nous avons adoptées ne sont pas de nouveau sapées par la première vague de protestations afin de pouvoir parvenir au but le plus vite possible. Cela dépendra ensuite de savoir également si l'on trouvera les bonnes réponses pour la sécurité sociale pour un avenir lointain, dans la perspective des années 2030/2040.

Nous avons sûrement repris un grand nombre d'éléments dans cette réforme. Les mots qui reviennent le plus souvent sont certainement ceux qui évoquent la responsabilité personnelle et les changements structurels. Ce que nos collègues français ont décrit par les termes suivants : « accroissement de l'efficacité », et « meilleure coopération » est mis en œuvre chez nous par l'Institut indépendant pour l'évaluation des besoins. Concernant la question de savoir comment mettre en place un meilleur réseau entre les différents acteurs du système de santé, l'expression « soins intégrés » s'applique chez nous dans les cas où le secteur ambulatoire ou le secteur hospitalier travaillent en étant mieux coordonnés. Nous avons aussi créé davantage de choix, différentes possibilités dans les structures tarifaires allant jusqu'à des comportements de prévention valorisés en conséquence par des tarifs favorables. Nous avons aussi posé de façon offensive la question de l'exclusion de prestations : sujet dont vous avez débattu à une beaucoup plus grande échelle que nous ne l'avons fait mais pour lequel vous en êtes arrivés à la conclusion que les accidents privés ne doivent pas être exclus du régime légal de sécurité sociale. Dans ce domaine, j'aimerais absolument savoir comment se présente le débat en France. Nous finançons par les impôts certaines prestations que nous définirions comme étant des tâches externes à l'assurance ou globalement sociales. Nous avons pu suivre que vous discutez d'une augmentation des impôts, notamment par le biais de la CSG. Des propositions ont été faites à ce sujet par votre comité d'experts. Quelle est votre position sur ce point ? Vous avez pour la première fois introduit, ou bien voulu introduire, une limitation de l'augmentation des dépenses ou de leur lien avec l'évolution du produit intérieur brut. Nous avons fait cette expérience, alors dénommée « budgétisation », dans le passé parce que nous avions un lien avec l'évolution des recettes du système. Au cours des dix, quinze dernières années, nous avons dû constater que cette budgétisation a conduit au rationnement et ainsi à la privation injuste de certaines prestations et c'est pourquoi nous avons créé ce que l'on appelle le « volume de prestations réglementaires en fonction de la morbidité » dans la rémunération du corps médical. Je crois que ceci est le seul moyen équitable de garantir une rémunération adéquate du corps médical. Ce n'est pas l'évolution des revenus qui peut être rendue responsable dans ce cas de la rémunération mais le besoin médical effectif qui joue plutôt. Je pense que dans sa mise en œuvre, ce projet sera très compliqué mais, si nous voyons les conséquences négatives d'un tel plafonnement des dépenses, dans le fond il représente une mesure plus juste.

Concernant la notion de « prévention » : vous avez évoqué les sujets du tabac et de l'alcool. Chez nous, l'augmentation de la taxe sur le tabac est une lame à double tranchant. Si nous l'avions appliquée d'un point de vue uniquement préventif, l'augmentation aurait vraisemblablement été encore plus forte. Etant donné qu'elle a été utilisée comme moyen de revenus pour financer le régime légal de sécurité sociale, au bout du compte, elle paraît moins élevée. Voilà le dilemme.

A propos des « Alcopops », nous constatons également en Allemagne qu'une augmentation des taxes sur ces produits est très vite et très fortement ressentie comme négative. Mais il existe une loi protégeant la jeunesse, selon laquelle, si elle était mise en pratique dans les communes sur le terrain, on ne devrait pas en arriver à de telles répercussions négatives chez les jeunes. C'est pourquoi il faudrait déjà se demander si l'augmentation des taxes est une première étape, ou bien s'il ne faudrait pas d'abord que les lois en vigueur en Allemagne soient d'abord appliquées efficacement avant de vouloir encore soutirer de l'argent aux gens. Dernier point : nous avons provoqué un vif débat en Allemagne à propos du temps de travail et des périodes de garde du corps médical dans les hôpitaux, du fait de la décision qui a été prise au niveau européen. Cela m'intéresserait de savoir quelle est la situation dans ce domaine en France.

M. Marc Bernier : Je voudrais tout d'abord vous remercier d'avoir permis la présente rencontre entre l'Allemagne et la France. Nous vivons une époque importante. C'est pourquoi, il est essentiel que nous travaillons ensemble à la réforme des retraites qui a déjà été courageusement menée en France, et d'autre part à la réforme du système de santé que vous avez déjà réalisée. Je vous admire pour les 50 mesures qui ont été prises dans le cadre de cette réforme afin de faire prendre conscience à la population des problèmes qui se posent de façon pressante. Je voudrais bien poser quelques questions à ce propos. J'ai naturellement lu avec attention les dossiers. Concernant la responsabilité propre des malades, vous y parlez d'une carte de santé, c'est un sujet qui me préoccupe. Vous savez qu'en France, nous avons le principe du tiers payant, personne ne sait donc exactement quels frais sont occasionnés à proprement parler car les factures des hôpitaux ou les notes d'honoraires du médecin ne parviennent pas au malade. C'est pour cette raison que j'aimerais bien savoir si vous pouvez encore nous dire quelque chose à propos de cette carte de santé.

Je vous admire aussi, en tant qu'orthodontiste, mais en même temps je suis un peu soucieux à propos de la question des prothèses dentaires. En France, il n'existe quasiment pas de remboursement. On rembourse à peu près la même chose qu'en 1945, ce n'est par conséquent pas du tout adapté au progrès de la médecine. Ma dernière question porte sur la démographie médicale : je voudrais bien savoir comment vous envisagez la répartition territoriale des médecins. Vous avez dit que c'est un problème des Länder, alors qu'en France il s'agit d'un problème national. Il y a un numerus clausus. Peut-on éventuellement procéder maintenant à une comparaison et est-il prévu en Allemagne de faire quelque chose à ce propos ?

Dr. Wolfgang Wodarg : Je souhaite profiter de l'occasion pour aborder un point qui, je le crois, est très très important pour nos deux groupes. Il s'agit du rôle de l'Union européenne et de la méthode d'une véritable coordination qui est appliquée pour les domaines dont nous avons parlé ici. Nous avons des compétences nationales extrêmement étendues dans les deux domaines, mais nous avons de plus en plus besoin, et ce pour des motivations différentes, de parvenir à une harmonisation au sein de l'Union européenne et de combiner les systèmes, ce qui a un certain sens lorsque l'on vise la compétitivité de l'Europe sur le plan international. Nous discutons actuellement d'autorisations, de prix, d'attribution de brevets, de l'usage de produits pharmaceutiques. Des efforts sont faits dans ce domaine afin de parvenir à une centralisation plus importante de la pharmacovigilance, par exemple, de l'observation des effets secondaires des médicaments. Ce n'est qu'un exemple, mais des compétences nationales sont enlevées et centralisées dans ce domaine. Je voudrais savoir comment dans votre domaine, dans votre commission, ce discours est organisé ? Est-il possible que nous, ici, en tant que députés spécialement chargés des questions européennes, en tant qu'observateurs responsables de ce qui se passe à Bruxelles, nous présentions des sujets et des demandes communes à Bruxelles et que nous essayions ensemble, avec plus de vigueur et plus clairement que jusqu'à présent, de les imposer ? Ce serait pour moi une bonne occasion si nous pouvions profiter de notre rencontre pour un tel projet.

Nous avons pu naturellement échanger entre nous à propos de l'impôt sur le tabac, de la carte de santé et de nombreuses questions particulières. Je pense qu'il s'agit là de sujets que nous ne pouvons qu'esquisser. Les choses sont très complexes si bien qu'il faut en rester aux grandes lignes. Je crois qu'il serait vraiment important que nous profitions de l'occasion pour nous fixer un rendez-vous afin que, au moins pour les choses à propos desquelles nous pouvons nous serrer les coudes pour faire quelque chose au sein de l'Union européenne, nous en profitions et que nous essayions de l'organiser. Je demande aux présidents d'essayer, si possible, de déterminer une démarche, de trouver des sujets que nous pourrions travailler ensemble.

M. Jean-Marie Le Guen : Oui, je suis tout à fait de cet avis. Mais je crois que nous avons comparé nos deux systèmes et qu'il y a des choses pour lesquelles nous pourrions et devons apprendre les uns des autres, mais je pense que justement dans le domaine de la santé, nous avons besoin d'une politique commune au niveau européen, peut-être même à un niveau bilatéral. Notre collègue, M. Yves Bur, a parlé de la santé publique : à propos de la santé publique, nous devons avoir une position commune. Cela vaut pour le thème de la cigarette mais peut-être aussi pour celui de l'alcool. Même si, à ce sujet, nous avons chacun nos propres traditions et certaines tendances sur la manière dont on traite la bière en Allemagne ou le vin en France. Ce sont certainement des thèmes pour lesquels il faut aussi tenir compte des traditions ou de la manière dont Bruxelles traite de manière uniforme l'alcool sans faire de différences entre produits traditionnels et produits de marketing, tels les « Alcopops », par exemple. Quand je pense à la manière dont cela est traité, aux règles de publicité qui existent, tout cela est un peu hypocrite. Bien sûr qu'il y a des problèmes d'alcool liés à la consommation de vin et à celle de bière, mais ce n'est pas pareil. On devrait peut-être prendre des mesures plus strictes contre quelques produits de marketing qui créent des problèmes des deux côtés. Concernant l'alimentation et l'excès de poids, nous pourrions aussi faire quelque chose ensemble. C'est très important, cela n'est pas une obsession chez moi mais cela s'appuie sur des résultats scientifiques. Le comportement alimentaire a des répercussions considérables sur la santé des citoyens européens dans les années à venir. Cela s'applique à l'Allemagne, mais aussi à la France, même si la France a eu longtemps l'impression d'être un peu préservée de cela.

Pour revenir à la question des médicaments, des produits pharmaceutiques : il serait vraiment raisonnable et judicieux que nos deux commissions convoquent un groupe de travail qui ajuste les unes aux autres les politiques des divers Etats en matière de produits pharmaceutiques. Regardons pour une fois ce qui se passe aux Etats-Unis : quelle politique poursuivent-ils en matière de produits pharmaceutiques ? Cela a des répercussions considérables sur le marché européen. Nos amis et collègues du Congrès américain disent aux industries pharmaceutiques qu'elles doivent relever leurs prix sur le marché européen. Donc, sur ce thème mais aussi à propos de la question de la sécurité dans le domaine de la santé, de la pharmacovigilance, dont vous avez parlé, il serait vraiment très utile d'avoir une séance de travail des deux commissions, le cas échéant même avec les collègues qui s'y connaissent mieux au niveau européen, donc peut-être aussi avec les collègues des commissions des Affaires de l'Union européenne. C'est un sujet politiquement très important et dans cette mesure, ce serait très bien s'il pouvait y avoir une rencontre.

On a parlé tout à l'heure d'une coordination du système de soins, de la gestion et de la prévention. Ce sont des sujets qui nous intéressent de la même manière et nos deux sociétés sont, dans ces secteurs, considérablement en retard par rapport à ce que nous aurions pu faire. C'est un domaine très technique, très spécialisé, un domaine dans lequel divers avis se confrontent, par exemple du côté du corps médical. C'est donc pourquoi, il serait important que nous puissions nous en entretenir une fois à un niveau politique.

Le président Jean-Michel Dubernard : Je voudrais d'abord chaleureusement remercier le président Kirschner d'avoir pris l'initiative de cette séance commune. Nous avons eu des échanges fructueux sur deux thèmes centraux de notre vie politique. En matière d'assurance maladie, cette visite est d'autant plus justifiée que c'est l'Allemagne qui a inventé, à la fin du XIXe siècle, les régimes modernes d'assurance maladie. Notre collègue a proposé tout à l'heure d'approfondir cet échange et de faire ressortir les thèmes présentant pour nous un intérêt commun. J'ai bien sûr entendu les sujets qui intéressent tout particulièrement mes collègues : le tabac, l'excès de poids. Mais, heureusement, nous sommes allés plus loin et avons discuté de façon plus générale. Il y a une proposition de M. Jean-Marie Le Guen concernant les produits pharmaceutiques que je trouve très raisonnable. Le seul problème qui se pose, c'est que l'industrie pharmaceutique a une structure mondiale : que pouvons-nous faire à notre niveau, même si nous avons des laboratoires en Allemagne et en France qui satisfont aux normes internationales ? C'est une question très difficile. J'aimerais bien personnellement que nous fassions des progrès en ce qui concerne la qualité du système de santé. Dans nos réformes, donc dans la réforme que vous avez votée, on a l'impression que l'économie domine et que la qualité vient ensuite. En France, nous allons essayer - nous n'en sommes encore qu'au début du processus de réforme - de nous employer à ce que la qualité soit l'objectif principal de ceux qui en seront chargés. Ce concept de qualité devrait également nous permettre de trouver un point commun avec nos collègues allemands.

C'est pourquoi, je serais très heureux de pouvoir à mon tour formuler une invitation afin que nous nous rencontrions de nouveau dans quelques mois, peut-être fin 2004, début 2005. Que nous puissions continuer à discuter et que nous choisissions alors un thème de travail. Je propose que nous fassions trois ou quatre propositions, nous y réfléchirons dans notre commission et nous sélectionnerons ensuite ensemble le sujet le plus intéressant pour stimuler encore nos débats. Au-delà de la réussite de la rencontre entre le Bundestag allemand et l'Assemblée nationale à Versailles le 22 janvier 2003, au-delà des formules qui paraissent parfois usées, il est nécessaire que nos peuples se connaissent mieux et travaillent ensemble, notamment au niveau des commissions permanentes. Il est vrai que vous avez vingt-trois commissions permanentes, nous n'en avons que six en France. Notre commission des affaires culturelles, familiales et sociales correspond aux six commissions équivalentes en Allemagne. C'est pour cette raison, qu'il est parfois difficile de réaliser un échange. Au sein de nos commissions, certains députés se spécialisent sur certains sujets. Je pense à la culture : nous avons cinq ou six bons spécialistes dans notre commission. Cela nous permettrait aussi d'élargir peut-être encore un peu l'échange concernant la question de la santé.

La nécessité des échanges existe et cette conviction est partagée par tous nos parlementaires. Cela a d'ailleurs été souligné par le président du Bundestag, M. Wolfgang Thierse, et le président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Louis Debré. Au-delà des réunions annuelles des bureaux des deux assemblées, il faut accroître la coopération entre les divers organes de nos assemblées. J'ai déjà eu l'occasion de vous rencontrer en septembre dernier à l'initiative de la revue « Espace social européen ». C'était bien aussi que nous puissions nous rencontrer dans un cadre plus formel et plus solennel. A ma connaissance, nous avons eu ici la première réunion commune de nos deux commissions, je m'en félicite, c'est une étape importante. De ce fait, j'aimerais vous dire que j'espère que nous reverrons bientôt à Paris dans un cadre similaire et autour d'un thème que nous aurons fixé ensemble.

M. Wolfgang Zöller : C'est à moi qu'incombe l'honneur de pouvoir prononcer quelques mots de conclusion au nom de notre commission. Permettez-moi de revenir ponctuellement et brièvement sur des questions ciblées. La politique européenne vis-à-vis de la cigarette : je crois que nous aurons là un problème de médiation. Tant que nous subventionnerons encore au niveau européen la plantation de plants de tabac, il sera difficile de faire passer de façon crédible une campagne anti tabac auprès de la population européenne. Autre point : vous avez parlé de la carte de santé. Elle doit apporter une plus grande transparence, éviter des examens pratiqués en double et stocker des informations. Elle doit aussi permettre une protection contre la fraude parce qu'il y a eu beaucoup de fraude avec les cartes d'assurés. Enfin, depuis le 1er janvier, l'assuré peut demander une facture ou bien un reçu au médecin. Concernant les prothèses dentaires dont vous avez parlé, nous estimons que l'assuré doit pouvoir contribuer par son comportement personnel à ce que l'éventualité ou la probabilité d'avoir besoin d'une prothèse dentaire soit très faible, cela relève donc de sa propre responsabilité. Votre dernière question concernait la démographie médicale. Chez nous, cette tâche incombe à l'administration de l'Union des médecins conventionnés. Ils ont établi conjointement avec les caisses d'assurance maladie ce que l'on appelle un « programme des besoins ». Les médecins peuvent ensuite s'installer pour certaines spécialités afin que les besoins médicaux soient couverts globalement.

Mesdames et Messieurs, je vous remercie d'avoir discuté ouvertement. Cependant, il ne serait vraiment pas réaliste de croire que l'on peut résoudre les problèmes en deux heures. On ne peut que les aborder. Mais je pense que l'un des problèmes majeurs de nos systèmes sociaux est que souvent, nous n'avons pas le courage d'exiger à temps de la population des mesures nécessaires, même, pénibles. Ensuite, quand on pense que l'on devrait enjoliver les situations ou manier les chiffres en les embellissant, on ne résout jamais les problèmes, on les repousse en les aggravant. En conséquence, il est essentiel que nous nous attaquions le plus vite possible aux problèmes. On doit essayer de se rapprocher de la vérité, mais on ne peut s'en rapprocher que si l'on est déjà prêt à reconsidérer son point de vue. Pour cette raison, j'espère et je souhaite que nous soyons déjà prêts à modifier nos positions afin de nous rapprocher de la vérité. C'est dans ce sens, je crois, que nous souhaitons à nos deux commissions de travailler efficacement pour le bien de la population.

1 NdT : Riester-Rente = retraite complémentaire privée par capitalisation.

2 NdT : Alcopops = limonade additionnée d'alcool = boisson mixte


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