COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 52

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 16 septembre 2004
(Séance de  9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président

SOMMAIRE

 

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- Audition , ouverte à la presse, de M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour relatif à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, sur le rapport de la Cour relatif à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

Le président Jean-Michel Dubernard a d'abord souligné que la nomination de M. Philippe Séguin au poste de Premier président de la Cour des comptes confère à l'audition rituelle du Premier président de la Cour des comptes sur le rapport de la Cour relatif à l'application de la loi de financement de sécurité sociale un relief particulier. Tous les membres de la commission sont heureux de l'accueillir de nouveau dans une maison qui reste un peu la sienne.

C'est la deuxième fois, depuis le décret impérial de 1807, qu'un ancien président d'assemblée parlementaire accède à cette fonction. Mais aujourd'hui, la commission n'entend pas seulement le digne successeur de François Barbé-Marbois mais véritablement l'homme de la situation. En 1996, à l'occasion du colloque tenu pour le cinquantenaire de la création du commissariat général au plan, l'actuel Premier président avait tenu les propos suivants : « A ne parler que du train de vie de l'Etat, on finit par ignorer que la croissance de la part des dépenses publiques dans le revenu national cache une forte réduction de la part de l'Etat dans les prélèvements obligatoires au profit - notamment - de la sécurité sociale. » Il avait alors ajouté : « Pour réformer, il faut pouvoir évaluer. Poser le problème de la dépense publique, ce n'est pas seulement poser le problème de son montant, c'est aussi et surtout poser le problème de son utilité. ». Depuis, deux membres de la Cour des comptes, MM. Bonnet et Nasse ont à deux reprises critiqué l'opacité des comptes sociaux, leur complexité et les difficultés croissantes d'évaluation de cette catégorie de dépenses publiques.

La révision constitutionnelle du 22 février 1996 a posé les bases de l'intervention du Parlement en matière de finances sociales. Cependant, aujourd'hui, il n'exerce toujours pas la mission de contrôle qui lui incombe dans d'autres démocraties, qu'elles soient présidentielles avec le Congrès des Etats-Unis d'Amérique ou parlementaires avec la Chambre des Communes. Il reste un travail considérable à accomplir dans ce domaine.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que ce constat l'a incité, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, dont il était le rapporteur, à défendre l'idée de la création d'une mission d'évaluation et de contrôle chargée spécifiquement de l'évaluation des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS). Le Parlement doit se doter des outils nécessaires pour être en mesure, lui aussi, de « déterminer très prosaïquement ce qui marche et ce qui ne marche pas » et le cas échéant « d'exprimer des vues de réformes », comme le Premier président l'a souligné lors de son discours d'installation. Cette MECSS va être mise en place très prochainement. La commission souhaite savoir si la Cour accepterait d'être associée à ses travaux. De même, l'expertise de ses magistrats serait très utile à la préparation de la réforme des textes organiques relatifs aux lois de financement de la sécurité sociale. La démocratie financière se constate lorsque la ressource est votée par des représentants du peuple, qui en contrôlent l'usage avec le concours d'experts dont l'indépendance ne peut être questionnée.

A cette première question d'ordre général s'ajoute des questions plus précises, dont certaines posées au nom de M. Jean-Pierre Door, rapporteur pour l'assurance maladie, empêché :

- S'agissant de l'hôpital et des cliniques, et plus précisément de la réforme de la tarification à l'activité, il serait intéressant d'apprécier dans quelle mesure l'application de la tarification à l'activité parviendra à résorber les transferts de charges ? Qu'arrivera-t-il aux établissements « perdants » ? En outre, la Cour constate que la réforme de la tarification à l'activité a conduit le gouvernement à ménager des coefficients correcteurs, qu'elle estime calculés de manière « politique » et non « technique ». Ces coefficients sont-ils justifiés ? Comment aurait-il fallu procéder ? La Cour souligne également que la péréquation régionale a été arrêtée et qu'en particulier l'AP-HP a largement compensé en 2003 les effets négatifs de cette compensation en 2002. N'est ce pas contradictoire avec la mise en place de la tarification à l'activité ? La Cour constate enfin que l'encadrement des dépenses hospitalières ne permet pas une bonne information des parlementaires. A titre d'exemple, elle souligne qu'en 2003, 100 millions d'euros ont été transférés de l'agrégat « dépenses des hôpitaux » à l'agrégat « dépenses des cliniques ».

- Dans le contexte de la prochaine loi organique relative aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, comment pourrait-on améliorer le contrôle parlementaire en la matière ?

- Concernant la médecine de ville, dans quelle mesure la réforme du régime des affections de longue durée (ALD) mise en place par la loi relative à l'assurance maladie répond-elle aux critiques de la Cour des comptes ? Les coûts d'un contrôle accru ne seraient-il pas supérieurs aux économies attendues ? Qu'attend par ailleurs la Cour des travaux en cours sur la classification commune des actes médicaux ?

- Sur le médicament, la Cour dresse un bilan mitigé de la procédure simplifiée de fixation du prix pour les médicaments innovants. Quelles en sont les raisons ? Quelles seraient les voies d'amélioration ? La Cour souligne l'existence d'incertitudes quant à l'efficacité du tarif forfaitaire de responsabilité (TFR) sur la pénétration des génériques, du fait notamment de l'alignement du prix des princeps sur les TFR. Est-il dès lors nécessaire de modifier les instruments de la politique actuelle de promotion des génériques ? L'élargissement des missions et la modification de la composition du comité économique des produits de santé, prévus par la loi du 13 août 2004, sont-ils de nature à promouvoir efficacement l'achat des médicaments au meilleur prix ? Comment limiter la croissance des dépenses liées à la « rétrocession hospitalière » ?

- Enfin, s'agissant des questions de gouvernance, la création de la Haute autorité de santé, prévue par la loi du 13 août 2004, satisfait-elle les recommandations de la Cour concernant le renforcement de l'évaluation médicale des produits de santé ainsi que l'information des prescripteurs ?

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, s'est déclaré sensible à ces mots de bienvenue. Il a rappelé qu'il a été membre de la commission et qu'il a fréquemment travaillé avec elle dans le cadre de ses responsabilités ministérielles. Ce septième rendez-vous de la Cour des comptes avec la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale sur le thème de l'application de la loi de financement de sécurité sociale découle de la loi du 25 juillet 1994, votée à son initiative, demandant à la Cour d'établir chaque année pour le Parlement un rapport - dans un premier temps non public - sur la sécurité sociale. C'est en outre sous sa présidence, en qualité de président de l'Assemblée nationale, que fut ultérieurement adoptée l'ordonnance du 22 juillet 1996, fondement législatif de ce rapport annuel. La création de la MECSS a été suivie avec le plus grand intérêt par la Cour des comptes. Cependant, l'autorité de la Cour est d'autant plus forte qu'elle s'exerce dans un cadre collégial. Ce n'est qu'à l'issue d'une réflexion collégiale qui sera lancée rapidement que la demande de renforcement des relations entre la Cour et la commission formulée par le président de celle-ci trouvera réponse.

Il est regrettable et injustifiable que tous les organes de presse aient fait état du rapport avant même qu'il ne soit présenté à la commission. Les procédures contradictoires, récemment renforcées, ne sont pas spontanément compatibles avec l'exigence de confidentialité qui s'attache aux rapports établis par la Cour avant leur publication, confidentialité qui n'est d'ailleurs protégée par aucun texte. Ces fuites sont donc organisées dans la plus totale impunité. Or, en phase contradictoire, il est nécessaire d'envoyer plus de cent quarante extraits différents du rapport à cent quarante organismes et dix projets de rapports complets sont remis à une dizaine d'administrations et d'institutions. Cela rend impossibles la prévention et la répression des fuites. A cet égard, il serait bon qu'un projet ou une proposition de loi permette de résoudre ce véritable dysfonctionnement.

Le rapport de la Cour des comptes sur les comptes sociaux 2003 montre la dégradation du déficit réapparu en 2002 : le déficit atteint 11,7 milliards d'euros. Toutes les branches du régime général ont vu leur situation se dégrader. Le déficit de la branche maladie a presque doublé et atteint 11,9 milliards d'euros. Il s'agit d'un déficit sans précédent. Les excédents des branches famille et retraites diminuent fortement. Cette situation a entraîné des difficultés de trésorerie croissantes et désormais chroniques : en 2003, la trésorerie du régime général a connu 311 jours de déficit contre 114 en 2002.

La Cour des comptes a analysé certaines des dépenses les plus dynamiques de l'assurance maladie : affections de longue durée, produits et prestations remboursables, transports sanitaires et indemnités journalières. Ces éléments sont peu connus mais l'analyse souligne l'encadrement insuffisant des prescriptions et des contrôles déficients. Les failles de la régulation sont patentes. On assiste à une véritable dérive des dépenses en 2003, alors même que la loi relative à l'assurance maladie ne portera ses effets que de manière progressive et que, encore récemment, des dépenses supplémentaires ont été décidées au bénéfice des professionnels de santé. La situation en 2004 ne s'améliorera donc pas significativement.

La deuxième partie du rapport de la Cour des comptes concerne les dépenses de gestion du régime général. Si elles ne représentent que 4 % des dépenses, elles s'élèvent en valeur absolue à dix milliards d'euros. La gestion est insatisfaisante. Les conventions d'objectifs et de gestion ont été des outils utiles mais leurs objectifs devraient être précisés et réorientés. L'organisation territoriale des caisses n'a pas bougé depuis 1945 ; elle concerne près de cinq cents organismes de base du régime général. Le développement de l'accueil de proximité n'a pas été assez maîtrisé. Les gains de productivité sont insuffisants, notamment dans la branche maladie. S'agissant de l'organisation régionale de l'assurance maladie, elle est trop complexe et souffre d'une multiplication des acteurs aux activités enchevêtrées. La capacité de pilotage des caisses nationales devrait être renforcée et les réseaux reconfigurés afin d'augmenter le service rendu aux usagers.

La troisième partie du rapport, relative à la gestion des risques, comprend des développements sur la politique du médicament, dont la dépense remboursée concerne un tiers des dépenses de médecine de ville. En dépit des réformes opérées depuis 1999, l'organisation actuelle ne permet de garantir ni la meilleure utilité, ni le meilleur prix, ni le meilleur usage. Les relations conventionnelles entre l'Etat et les laboratoires pharmaceutiques, excessivement complexes, n'ont que des effets limités. Les possibilités d'économies sont très importantes. Les efforts réalisés en Allemagne ont permis d'économiser 4 milliards d'euros, ce qui semble un objectif crédible pour la France.

S'agissant de la branche retraite, la Cour des comptes s'est penchée sur les dispositifs de solidarité, qui accordent des droits supérieurs à ceux que permettrait le strict calcul des droits contributifs. Ces dispositifs qui comprennent notamment le minimum vieillesse, le minimum de pension et les majorations de pension ne sont pas exempts de critiques. Ainsi, le rapport relève le coût important des avantages familiaux, par ailleurs non imposables, ainsi que l'inéquité entre assurés qui en résulte.

Le rapport n'évoque pas directement la réforme de l'assurance maladie issue de la loi du 13 août 2004. Il ne pouvait ni ne devait le faire. Il ne pouvait le faire car le contenu du rapport est programmé dès le début de l'été et les échanges contradictoires ont eu lieu, pour l'essentiel, avant le vote de la loi du 13 août. Il ne devait en outre pas le faire car la Cour s'est toujours interdit de porter une appréciation sur une loi venant d'être votée. Il reste que le rapport de l'année dernière établissait un constat sévère sur la question de la régulation des dépenses d'assurance maladie et insistait sur la nécessité d'une réforme.

Le rapport de cette année revient en revanche sur cette question par le biais de l'analyse des dépenses d'assurance maladie les plus dynamiques, en appelant, en particulier, à une action plus vigoureuse des pouvoirs publics. Le rapport de l'an dernier avait déjà insisté sur le fait que la réalisation des objectifs suppose « un changement en profondeur des comportements des professionnels et des usagers ». L'avenir dira si les conditions d'un tel changement ont été créées. C'est de l'effectivité et de l'efficacité des mesures adoptées que dépendent la maîtrise durable des dépenses de santé et la qualité de notre système de soins.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, a tout d'abord précisé que son propos se bornera à compléter la présentation faite par le Premier président par l'exposé de quelques points du rapport de la Cour. Il semble également opportun d'évoquer les enquêtes et contrôles que la sixième chambre de la Cour conduit actuellement ou prévoit de conduire dans le champ de la santé et de la sécurité sociale, dans la mesure où les sujets traités correspondent à des préoccupations exprimées par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Il importe tout d'abord de s'arrêter un instant sur l'évolution des recettes, des dépenses et du déficit de la sécurité sociale.

S'agissant tout d'abord de l'évolution des recettes, il convient de remarquer leur tenue relativement bonne en 2003. Alors que le produit intérieur brut n'a progressé que de 2,5 % en valeur en 2003, les cotisations effectives des régimes de base ont augmenté de 3,2 %. La réalisation n'est d'ailleurs pas très éloignée de la prévision de la loi de financement de la sécurité sociale initiale (181,2 milliards d'euros contre 181,9). On notera également que le produit des impôts et taxes affectés s'est accru de 2,7 %, les recettes de contribution sociale généralisée progressant pour leur part de 2,8 %. Ce constat vaut également pour le seul régime général dont les ressources ont augmenté de 2,9 % en 2003 : les cotisations sur salaires connaissent même une progression un peu supérieure à celle de l'année précédente (+2,4 % au lieu de +2,2 %) alors que la masse salariale du secteur privé ne s'est accrue que de 1,7 %.

Une croissance économique supérieure - elle n'a été que de 0,5 % en volume en 2003 - aurait eu un effet positif sur les recettes de la sécurité sociale et aurait permis de réduire le déficit. On ne peut pas pour autant imputer celui-ci au seul ralentissement de l'économie et à la faible progression des recettes. Par comparaison, les recettes fiscales nettes de l'Etat ont diminué de 0,2 % en 2003. Le déficit s'explique donc, pour l'essentiel, par la forte augmentation des dépenses, et plus précisément celles de l'assurance maladie.

En effet, si les dépenses des régimes de base ont progressé en 2003 de 3,8 % pour la branche famille et de 3,5 % pour la branche retraite, celles de la branche maladie ont augmenté de 6,9 %. L'augmentation des dépenses de l'assurance maladie est un peu inférieure à celle de 2002 (7,3 %) mais nettement supérieure à celle des années précédentes (5,6 % en 2001). De 2000 à 2003, le produit intérieur brut a augmenté de 9,7 %, les dépenses de retraite de 11,8 %, celles de la branche famille de 16,3 % mais celles de la maladie de 22,4 %, donc plus de deux fois plus vite que le produit intérieur brut.

Il n'y a pas lieu de revenir sur les raisons de cette évolution que la Cour a analysées dans son rapport de l'an dernier. Certaines sont structurelles, d'autres conjoncturelles, d'autres enfin tiennent aux lacunes ou aux dysfonctionnements des dispositifs de régulation de ces dépenses. Il est certain que les causes conjoncturelles de l'accélération des dépenses comme la mise en place de l'aménagement de la réduction du temps de travail dans les établissements de soins, les protocoles hospitaliers ou encore les revalorisations d'honoraires des professions de santé vont épuiser leurs effets. S'agissant de la régulation, dont la Cour a mis les failles en évidence (elle l'a fait dans le rapport de 2003 et à nouveau cette année pour certains postes), une amélioration est à espérer grâce à la mise en œuvre de mesures dont l'application a été retardée, les moindres remboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant par exemple, et surtout des dispositions de la loi du 13 août dernier et de ses textes d'application. Le redressement de la conjoncture économique, s'il est au rendez-vous, permet enfin d'escompter une progression plus dynamique des recettes de la sécurité sociale.

Cela suffira-t-il à rééquilibrer durablement les comptes de l'assurance maladie et dans quels délais ? L'avenir le dira. La Cour, pour sa part, a prévu d'évaluer au cours des prochaines années, la mise en œuvre et les résultats des réformes intervenues et de continuer à pointer les améliorations nécessaires, dans un esprit constructif, c'est-à-dire en accompagnant ses critiques de recommandations.

Par ailleurs, il convient de mentionner deux questions particulières : le relèvement des taxes sur le tabac et les cotisations dues par les employeurs publics.

Comme la commission des affaires culturelles, familiales et sociales l'avait souhaité, la Cour a procédé à une enquête pour tenter d'évaluer les effets de la politique de hausse de la fiscalité du tabac poursuivie depuis plusieurs années. Il apparaît que ces effets sont difficiles à évaluer pour plusieurs raisons, en particulier la liberté de l'industrie de ne pas répercuter l'intégralité de la hausse des taxes, mais aussi l'augmentation de l'approvisionnement à l'étranger et de la contrebande. L'évolution de la consommation taxable peut s'écarter de la consommation réelle.

En 2003, on constate que pour une hausse du prix du tabac de 11 % en début d'année - inférieure aux +17 % attendus - le produit des taxes n'a augmenté que de 0,2 milliard d'euros par rapport à 2002 au lieu de 1 milliard d'euros inscrits dans la loi de financement de la sécurité sociale ; par ailleurs, les ventes de tabac ont diminué plus que prévu. Pour 2004, il semble que les prévisions sous-estiment l'effet des hausses sur la consommation de tabac et il est probable que des moins-values de recettes seront également enregistrées.

S'agissant de la question des cotisations maladie et famille dues par les employeurs publics, le rapport de la Cour de 2002 traitait de l'assiette des cotisations sociales des salariés du secteur privé. Celui de 2004 présente les résultats d'une enquête sur les cotisations sociales - maladie et famille - des agents des trois fonctions publiques. Il apparaît que les employeurs publics ne cotisent pas à parité avec les employeurs privés : d'une part l'assiette des cotisations ne comprend pas la totalité des rémunérations versées, d'autre part le taux de cotisation fixé pour l'Etat est inférieur au motif que celui-ci finance et verse directement certaines prestations. La Cour estime que la réduction de l'assiette n'a pas de fondement législatif et que celle du taux n'est pas entièrement justifiée. Elle évalue à 2 milliards d'euros le manque à gagner qui en résulte pour le régime général. Elle relève enfin que pour certaines catégories d'agents non titulaires, les cotisations dues ne sont pas toujours perçues et les contrôles sont inexistants.

Pour ce qui concerne, enfin, la gestion du régime général, il importe d'insister sur deux points. D'abord, les analyses et les recommandations du rapport dans ce domaine arrivent au moment où se préparent de nouvelles conventions d'objectifs et de gestion entre l'Etat et les caisses nationales de sécurité sociale. La Cour invite à mieux définir leurs objectifs, à rendre les enveloppes budgétaires plus contraignantes, à mieux évaluer et suivre les coûts de gestion, à améliorer les indicateurs. Ensuite, les chapitres sur la gestion des ressources humaines et sur la productivité se situent dans la ligne des études menées par la Cour sur les personnels du secteur public. Les développements sur la productivité sont nouveaux : il n'existe guère d'études sur ce sujet dans le domaine des administrations publiques. Le rapport recommande d'affecter une partie des gains de productivité à la réduction des effectifs tout en poursuivant les efforts accomplis pour améliorer la qualité des prestations fournies aux usagers. L'usage généralisé des technologies nouvelles, par exemple en matière de gestion des feuilles de soins électroniques, et l'augmentation des départs à la retraite le permettent.

Cette présentation peut être complétée par certaines indications relatives aux travaux - enquêtes et contrôles - actuels ou à venir de la sixième chambre, dont plusieurs répondent aux demandes de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales :

- L'importance du déficit de l'assurance maladie conduit à donner une large place aux enquêtes susceptibles d'en suivre l'évolution et d'en expliquer les causes. A cet effet, sont ou seront notamment menés plusieurs travaux. Il y aura tout d'abord une enquête sur les comportements des professionnels de santé et des assurés sociaux, dont les résultats constitueront l'un des chapitres du rapport de 2005 sur la sécurité sociale. Cette question est évidemment essentielle, puisque de très nombreux dispositifs existent, qui visent à réguler les dépenses de l'assurance maladie et à éviter ou sanctionner les abus. La récente loi du 13 août en institue de nouveaux, tout à fait justifiés. Comme le soulignent les rapports successifs de la Cour, en particulier celui de 2003 et le présent rapport, l'effectivité et l'efficacité des dispositifs de régulation constituent en elles-mêmes une question majeure. Viendra ensuite, comme en 2004, l'examen de postes de dépenses de l'assurance maladie en croissance rapide, tels ceux concernant les laboratoires de biologie ou les dépenses de radiologie. Toujours dans le champ de la maladie, la Cour s'attachera au suivi des réformes : celle d'août 2004 relative à l'assurance maladie mais aussi les réformes hospitalières, la tarification à l'activité notamment. Enfin, sera réalisé l'examen d'enveloppes de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) peu étudiées jusqu'ici, celles des cliniques privées, des handicapés, des personnes âgées, des départements d'outre-mer. Plus généralement, sur l'ONDAM, la Cour poursuivra ses études sur la définition des enveloppes, l'articulation entre l'ONDAM et l'objectif de branche ou encore entre les comptes des hôpitaux et les comptes des caisses.

- Dans le domaine des politiques de santé publique, le contrôle des agences sanitaires est poursuivi. Une enquête est en cours sur la périnatalité et l'assurance maternité et une autre va l'être sur les politiques de prévention et d'éducation pour la santé. En outre, l'enquête sur la gestion des « fonds amiante », le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (FCAATA) et le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA), est en cours d'achèvement.

- En matière de retraite, le bilan des réformes récentes ne pourra pas être fait avant 2006 ou 2007. Les contrôles porteront pour l'essentiel sur les organismes ou des régimes particuliers.

- Dans le domaine de la politique familiale, l'enquête sur les aides au logement sera lancée cet automne, avec la cinquième chambre de la Cour. L'action sociale de la branche famille sera aussi examinée.

- Enfin, des travaux seront menés sur l'établissement des comptes de la sécurité sociale dans une perspective de certification. Leurs conclusions figureront également dans le prochain rapport de la Cour sur la sécurité sociale.

Cette énumération est incomplète. Le Premier président arrête en fin d'année le programme des travaux de la Cour pour les trois années suivantes. Comme les années précédentes, la Cour est prête à prendre en compte dans son programme de travail, dans toute la mesure du possible, les demandes d'enquête de la commission.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, s'est associé aux propos du président Jean-Michel Dubernard sur la qualité du travail de la Cour et l'intérêt qu'il y aurait à renforcer les liens avec la commission tant en soulignant l'importance pour les parlementaires d'être informés avant l'opinion publique. Les enseignements du rapport justifient les points forts de la réforme entreprise il y a quelques semaines. Certaines interrogations demeurent toutefois sur les thèmes suivants :

- Tout le monde s'accorde pour souhaiter que le financement de la sécurité sociale soit le plus clair et le plus lisible possible. Certaines mesures adoptées, notamment la suppression du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) et les mesures de compensation prévues par la loi relative à l'assurance maladie, ne constituent-elles pas un progrès dans cette voie ? Quelles sont les mesures prioritaires de clarifications des flux de financement existant, notamment entre l'Etat et la sécurité sociale, restant à adopter ?

- Dans cette même logique de clarification mais également d'équité, la Cour évoque dans son rapport la question de l'assiette des cotisations des employeurs publics, parlant même de défaut de base légale à propos des cotisations famille et maladie, ainsi que la question du taux de ces cotisations. Des mesures sont-elles juridiquement nécessaires ? La Cour a-t-elle chiffré les incidences financières pour les différents acteurs d'une totale harmonisation entre employeurs publics et privés ?

- Le travail mené par la Cour sur l'organisation et la gestion du régime général est riche d'informations. Il laisse néanmoins interrogateur sur la question de savoir si l'organisation la plus efficace et la plus efficiente suppose, selon la Cour, une organisation identique dans chacune des branches et comment il est par ailleurs possible concrètement de mettre en œuvre la rationalisation du réseau tout en maintenant un réseau de proximité voulu par les citoyens.

- Le rapport de la Cour ne fait naturellement pas référence à la loi sur l'assurance maladie qui vient d'être adoptée. Il importe toutefois de s'interroger sur les aspects de la loi qui satisfont aux recommandations de la Cour et, a contrario, sur les mesures qui feraient défaut, de son point de vue, dans la loi.

- La Cour estime, en matière d'avantages familiaux de retraite, que « la réforme de 2003 aurait pu aller plus loin dans l'harmonisation entre les sexes et les régimes ». Il existe certes des inégalités entre hommes et femmes dans le secteur privé comme dans le secteur public en la matière. Quel serait selon la Cour le dispositif assurant le mieux la cohérence qu'elle appelle de ses vœux ?

- Le Gouvernement a donné la priorité à une politique familiale ambitieuse. La Cour dispose-t-elle déjà d'éléments permettant de dresser un bilan de cette réforme ? Dans le cas contraire, la Cour envisage-t-elle de traiter ce point dans son rapport de l'an prochain ?

M. Georges Colombier, rapporteur pour l'assurance vieillesse, a observé que la branche vieillesse occupe peu de place dans le rapport 2004 de la Cour, ce dont on ne peut s'étonner compte tenu de l'importance et de la qualité des développements qui lui ont été consacrés l'an dernier.

M. Yves Bur, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l'économie générale et du plan, a tout d'abord constaté qu'au fil des années et des rapports les recommandations formulées par la Cour des comptes ne sont prises en compte qu'avec beaucoup de lenteur. La Cour effectue-t-elle un suivi de ses recommandations par exemple en ce qui concerne les problèmes récurrents du médicament et de la gestion hospitalière ?

S'agissant de l'hôpital public, qui représente 80 % des dépenses hospitalières de l'ONDAM, on peut penser que la loi sur l'assurance maladie n'aura que peu d'impact. La direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins (DHOS) a en outre du mal à piloter cet immense paquebot, ce monstre vorace en crédits. Il est préoccupant de constater que le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie note des écarts de coûts très importants d'un établissement à l'autre, son président allant jusqu'à qualifier de « boîte noire » la gestion de l'hôpital. A l'initiative de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a été adopté un amendement à la loi de financement de la sécurité sociale habilitant la Cour à recueillir, en collaboration avec les chambres régionales des comptes, des informations directes sur le fonctionnement des hôpitaux. Cette disposition est-elle appliquée ? Que penser de la proposition qui consisterait à confier le contrôle des CHU directement à la Cour des comptes qui pourrait ainsi mener les comparaisons nationales indispensables dans le cadre de la tarification à l'activité.

Sur la politique du médicament, si la politique menée en matière de prix pour les nouveaux produits n'est pas contestable, ses effets sur les dépenses d'assurance maladie ne sont pas suffisamment compensés par le développement des génériques. Il convient de rappeler l'immense retard de la France en la matière : les génériques ne représentent que 11 % des ventes de médicaments alors qu'ils atteignent 40 % dans la plupart des autres pays. S'ajoute à ce phénomène la surconsommation et la surprescription de médicaments par rapport à nos voisins. Pour développer l'usage des génériques, ne pourrait-on déclencher une véritable « guerre des prix » en alignant systématiquement le taux de remboursement sur les prix les plus bas du marché ? De surcroît la marge des distributeurs en matière de génériques représente un coût, peut-être excessif, de 300 à 400 millions d'euros. Il faut également améliorer les prescriptions et l'on ne peut se satisfaire d'une baisse de 10 % du volume d'antibiotiques prescrit, sans s'interroger sur le niveau de prescription réellement nécessaire et sans engager une véritable campagne afin d'agir en profondeur sur les comportements.

S'agissant de la gestion des organismes d'assurance maladie, comment peut-on accepter que l'introduction des nouvelles technologies s'accompagne d'une augmentation du nombre de salariés ? Quel devrait être selon la Cour l'impact de la télétransmission sur les effectifs ? Les caisses primaires d'assurance maladie veulent maintenir le réseau actuel de proximité ; il existe cependant des redondances inacceptables et, sans remettre en cause la nécessité de la proximité, des fusions de certaines structures pourraient-elles être envisagées dans le cadre de la régionalisation ? La mise en œuvre expérimentale d'agences régionales de santé peut-elle constituer une réponse ?

Monsieur Bernard Cieutat, président de la sixième chambre, a tout d'abord indiqué que la Cour est évidemment très attentive au suivi de ses recommandations. Toutefois, les rapports de la Cour sont destinés au Parlement et elle n'a souvent qu'une connaissance tardive des décisions qui en résultent, de même que du rapport gouvernemental sur le suivi de ses recommandations dont la deuxième édition est en cours d'élaboration.

En application de l'amendement évoqué par M. Yves Bur, la Cour effectue des enquêtes sur l'hôpital public en liaison étroite avec les chambres régionales des comptes. Un groupe coprésidé par un conseiller-maître de la Cour des comptes et le président de chambre régionale des comptes d'Alsace a été constitué dans ce but. C'est ainsi qu'en 2005 devrait se mettre en place une enquête sur la fiabilité des comptes des hôpitaux, ce qui devrait avoir un impact sur l'efficacité de la tarification. Une enquête sur les personnels est actuellement en cours. Pour sa part, la Cour compte diligenter des enquêtes sur l'évolution de l'activité des établissements publics et sur la DHOS. A enfin été réalisée cette année une enquête sur la direction générale de la santé.

Monsieur Michel Braunstein, rapporteur général, a rappelé les limites du dispositif actuel en matière de génériques. Il faut réserver l'usage du tarif forfaitaire de responsabilité aux producteurs forts en identifiant bien les classes thérapeutiques concernées. Sans parler de guerre des prix, il faudrait aller vers une baisse des prix servant au remboursement : les marges arrêtées accordées aux pharmaciens dans ce domaine conduisent en effet à faire rembourser par l'assurance maladie un prix théorique. S'agissant de la surconsommation de médicaments, il faudrait engager une action de long terme tant vis-à-vis des usagers que des prescripteurs afin de provoquer une véritable prise de conscience.

La gestion des organismes se caractérise par le fait que les différentes branches du régime général ont veillé efficacement à l'amélioration de la qualité du service rendu mais pas au renforcement de la productivité. Il faut en particulier noter sur ce dernier point que les exigences de la convention d'objectifs et de gestion de la branche assurance maladie sont moins précises que celles des autres branches. La montée en puissance des décomptes automatisés grâce au système « Sésam-vitale » s'accompagne d'une baisse de 20 % de la productivité, alors que dans le passé celle-ci augmentait régulièrement. Cette exigence de productivité est d'autant plus essentielle que, dans les années à venir, vont se produire de nombreux départs en retraite. Ce n'est pas un hasard si les organisations syndicales et la CNAM ont évoqué des suppressions d'emploi à venir dans la branche maladie. Il semble difficile que les agences régionales de santé puissent jouer un rôle dans ce domaine car la gestion relève d'abord de la branche. Il faut revoir le réseau local des caisses sans nuire à la nécessaire proximité par un meilleur pilotage et un renforcement au niveau national de l'encadrement du réseau local.

M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a rappelé que la Cour des comptes s'interdit de réagir aux votes des lois. Elle attend traditionnellement quelques années pour émettre une opinion. Toutefois, on peut relever dans la loi relative à l'assurance maladie des dispositions faisant écho à des observations et recommandations de la Cour :

- La Cour des comptes appelle de ses vœux le dépôt de projets de loi de financement rectificatif qui interviennent assez tôt dans l'année pour infléchir efficacement les comptes. La mise en place d'un comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie pourrait contribuer significativement à la mise en œuvre de mesures correctives en cours d'année.

- En matière d'indemnités journalières, la Cour des comptes a regretté l'absence de référentiels de prescription d'arrêts de travail et la faiblesse des sanctions des abus. Sur ce thème, le Parlement, lors du vote de la loi sur l'assurance maladie, a adopté un dispositif contraignant à l'égard des prescripteurs abusifs d'arrêts de travail et prévu la signature d'un accord cadre de bon usage des soins entre l'assurance maladie et l'hôpital.

- Dans la ligne des remarques de la Cour des comptes sur le fonctionnement interne des caisses d'assurance maladie, cette même loi a accru les pouvoirs du directeur général de la CNAM et mis en oeuvre une nouvelle répartition des compétences entre les instances dirigeantes des caisses.

- Les dispositions législatives adoptées en juillet dernier devront être complétées par des mesures réglementaires et relayées par une démarche volontariste des pouvoirs publics et des organismes d'assurance maladie, notamment en matière de référentiels et de simplification des procédures. Toutefois, toutes ces mesures sont subordonnées à la conclusion d'accords avec les professionnels de santé. L'efficacité de la réforme est tributaire de la négociation.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre, a fourni les éléments de réponse suivants :

- Des progrès en matière d'amélioration de la lisibilité du financement de la sécurité sociale ont été accomplis. La Cour des comptes se félicite ainsi de la suppression du FOREC qu'elle avait demandée. Les avantages attendus de la création de ce fonds pour la garantie de compensation des exonérations n'ont en effet pas été constatés. De même, le III de l'article 70 de la loi a affecté à la CNAM une part supplémentaire des droits de consommation du tabac à hauteur d'un milliard d'euros. La Cour des comptes s'assurera de l'identification de ce milliard dans les comptes et vérifiera son traitement comptable.

- La Cour des comptes prévoit d'approfondir l'étude des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale d'un point de vue comptable dans la perspective de l'établissement de comptes de branche et de leur certification. Par ailleurs, la loi relative à l'assurance maladie oblige l'Etat à compenser les pertes de recettes ainsi que les charges supplémentaires des organismes de sécurité sociale. Ces mesures clarifient les relations financières entre l'Etat et la CNAV. La Cour des comptes veillera dès l'année prochaine à leur application.

- Si les règles relatives aux impôts et taxes affectés restent complexes, la Cour des comptes se réjouit toutefois de la stabilisation des normes et modalités de répartition en la matière.

- Concernant la branche famille de la sécurité sociale, la Cour des comptes a formulé un certain nombre d'observations sur le sujet, notamment sur la question de la petite enfance qui a fait l'objet d'une étude spécifique parue au mois de janvier dernier. Etant donné la date de son entrée en vigueur, la réforme de la PAJE n'a pas encore pu faire l'objet d'aucun rapport de la Cour des comptes mais l'étude de celle-ci figure bien évidemment dans son programme de travail pour les mois et les années à venir.

M. Michel Braunstein, rapporteur général, a fourni les éléments de réponse suivants :

- La définition de l'assiette de cotisation des employeurs publics relève en principe de la loi alors qu'elle est actuellement définie par un décret pour la maladie et la famille. L'abrogation de ce décret permettrait au cadre légal de s'appliquer entraînerait ipso facto un alignement du taux et des recettes supplémentaires pour la sécurité sociale. Le coût de cette mesure pour l'Etat employeur est estimé à 2,2 milliards d'euros. La réponse du ministère du budget à cette proposition de la Cour des comptes est très négative ; il fait notamment valoir que cette mesure obligerait également à faire prendre en charge les indemnités journalières des fonctionnaires pour un coût évalué à 1 ou 2 milliards d'euros.

- Il ne saurait être question d'élaborer un modèle d'organisation identique pour toutes les branches de l'assurance maladie afin de parvenir à une organisation plus efficace. Les structures de chaque branche peuvent être très différentes, leurs réseaux répondant aux besoins de proximité de leurs assurés. Ainsi, l'assurance vieillesse possède 16 caisses régionales, alors que les branches maladie et famille disposent d'une centaine de caisses locales chacune. De même, il existe à peu près 2 000 points de contact de l'assurance vieillesse accueillant 3 millions de visiteurs tandis que pour un même nombre de points de contact les allocations familiales accueillent 18 millions de visiteurs. Des ajustements pourraient sans doute être apportés.

- Concernant l'harmonisation entre les hommes et les femmes des règles de l'assurance vieillesse, la France ne peut laisser subsister des discriminations contraires aux règles européennes. On rappellera cependant que la Cour de justice des communautés européennes distingue le régime général et les régimes alignés, au sein desquels des discriminations fondées sur le sexe peuvent subsister, et les régimes professionnels (régimes spéciaux et retraites complémentaires) dans lesquels le principe d'égalité doit s'appliquer pleinement. La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites a ainsi modifié la règle de bonification des pensions pour les fonctionnaires, conformément à la jurisprudence Griesmar. En revanche, la loi n'a pas étendu aux agents publics de sexe masculin la jouissance immédiate de la pension accordée aux femmes fonctionnaires depuis plus de 15 ans et ayant eu trois enfants. Or, si l'Education nationale verse automatiquement aux hommes qui les demandent ces droits nouveaux, afin d'éviter tout contentieux, la CNRACL attend une décision - inévitable - du tribunal administratif pour s'exécuter en ce sens. Cette situation juridique est difficilement justifiable et tenable.

M. Pierre-Louis Fagniez a ensuite évoqué de nouveau une problématique qu'il a soulevée l'an dernier dans les mêmes circonstances, à savoir la question du principe de précaution en médecine. Il a fait l'objet de nombreuses discussions et était encore très récemment au cœur des débats parlementaires lors de l'examen du projet de loi sur la Charte de l'environnement. Or, si le bien-fondé d'un tel principe est incontestable, il est néanmoins souhaitable d'en mesurer les implications financières - comme l'ont montré la gestion de la crise de l'ESB et celle du sang contaminé -, ses répercussions sur la pratique médicale au quotidien et les bénéfices retirés de son application. M. François Logerot, prédécesseur de M. Philippe Séguin en tant que Premier président de la Cour des comptes, avait montré un vif intérêt pour cette question. Quel est le sentiment de la Cour et quelles suites peut-elle donner à cette demande ?.

Revenant sur la question de la gestion financière des organismes de sécurité sociale, M. Richard Mallié a déclaré que la part des dépenses consacrée à cette gestion pour modeste qu'elle apparaîsse (4 %) est toutefois considérable en valeur. N'y aurait-il pas là des gains de productivité à réaliser ? 85 % de la population française relève du régime général de la sécurité sociale tandis que les 15 % restant sont immatriculés auprès de très nombreux régimes. Leur unification ne serait-elle pas une source d'économie substantielle ? La Cour des comptes a-t-elle déjà étudié cette question ?

M. Michel Braunstein, rapporteur général, a répondu aux questions relatives à la tarification à l'activité. En préambule, il faut savoir que cette tarification commence d'être mise en place dans les hôpitaux publics et qu'elle ne s'applique pas encore dans les cliniques privées. La réforme doit s'effectuer par tranches sur une période de dix ans. Cela explique que la Cour des comptes n'ait pas encore publié d'étude approfondie sur le sujet. Cependant, il ne fait aucun doute que cette thématique sera au cœur de l'examen des comptes sociaux par la Cour dans les années à venir. Plus précisément, concernant les transferts de charge liés à la mise en place de la tarification à l'activité, la Cour des comptes estime certes qu'il s'agit d'un changement radical dans l'attribution des moyens. Toutefois, la réforme est complexe à mettre en œuvre et s'annonce difficile aussi bien à gérer qu'à suivre. Sur la question du coefficient correcteur, la Cour des comptes n'a pas d'autre observation à faire que celle-ci : le coefficient a été, de l'aveu même des administrations concernées, pour certaines régions, calculé moins selon des données techniques que selon des impératifs politiques, ce qui risque de poser quelques problèmes pour l'avenir. De la même manière, la Cour des comptes, à l'instar des parlementaires, ne peut que constater la contradiction qu'il y a à augmenter le budget de l'AP-HP au moment où se met en place la tarification à l'activité. Enfin, la Cour observe que le transfert de 100 millions d'euros initialement dévolus à l'hôpital vers le budget des cliniques ne correspond pas à ce que l'on qualifie d'ordinaire d'ajustement courant (rebasage et transferts sous enveloppe). Il s'agit bien dans le cas d'espèce d'un transfert de pure opportunité politique.

M. Bernard Cieutat, président de la sixième chambre, a apporté les élements de réponse suivants :

- Concernant les affections de longue durée, le codage des données favorisera une meilleure maîtrise des dépenses. Cependant le dispositif suppose de nombreuses mesures réglementaires pour être opérationnel. Il conviendra donc de veiller à la publication rapide de ces textes pour que le système devienne effectif. Le contrôle des ALD s'effectuera en amont, c'est-à-dire lors de la liquidation des dossiers de remboursement. Il s'agira d'un contrôle automatique réalisé à partir d'un codage informatique qui ne génèrera pas de coût supplémentaire à la différence du contrôle effectué par le service du contrôle médical des caisses d'assurance maladie.

- Concernant la classification commune des actes médicaux qui devrait être mise en œuvre à la fin de l'année, la Cour des comptes n'a pas étudié précisément ce dossier. Cependant, sa mise en place est une mesure positive car elle permettra une meilleure connaissance statistique de l'activité de soins et facilitera l'action du contrôle médical de surveillance du respect des bonnes pratiques. La classification commune des actes permettra en outre une fixation plus rationnelle des tarifs négociés ; actuellement les pourparlers entre la sécurité sociale et les professionnels de santé se déroulent sans que les parties aient une réelle connaissance de l'activité médicale.

Après avoir indiqué qu'il partage la préoccupation exprimée quant au coût de l'application du principe de précaution mais qu'étant donné l'ampleur et la difficulté du problème soulevé du temps sera nécessaire pour examiner la question, M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a apporté aux différents intervenants les éléments de réponse suivants :

- La Cour des comptes peut tout à fait mener une étude sur les économies qui peuvent être réalisées grâce à une unification des différents régimes de sécurité sociale. Il n'en demeure pas moins que le démantèlement du système dérogatoire actuellement en place relève d'un choix politique et excède très largement à la fois les compétences et la légitimité de la Cour. De plus, il est à remarquer que les dernières orientations prises par le Parlement en la matière - notamment vis-à-vis d'EDF - ne semblent pas aller dans le sens de l'unification et la simplification réclamées, bien au contraire.

- Concernant le souhait exprimé par certains parlementaires d'un rapprochement entre la Cour des comptes et le Parlement afin de renforcer les pouvoirs d'expertise et de contrôle de ce dernier, il est à constater que des liens forts existent déjà et que les recommandations de la Cour des comptes sont prises en considération par les parlementaires qui n'hésitent pas à leur donner une traduction législative. Ainsi, la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a-t-elle prévu de doter la Haute autorité de santé des responsabilités antérieurement exercées par plusieurs organismes répondant ainsi à une préoccupation exprimée par la Cour.

En conclusion, M. Philippe Séguin, premier président de la Cour des comptes, a souhaité faire part aux parlementaires de quelques réflexions sur la transparence de l'information fournie au Parlement et sur les remèdes à apporter pour pallier certaines insuffisances des lois de financement de la sécurité sociale :

- Il importe que la loi fixe des objectifs financiers clairs et notamment qu'elle précise un objectif de solde du budget de la sécurité sociale. Tel n'est pas le cas à ce jour puisque la loi de financement de la sécurité sociale ne fait que fixer un objectif de dépenses sans préciser le montant des recettes non plus que son solde.

- Dans le même ordre d'idées, il serait souhaitable de mettre un terme à la présentation duale des dépenses de sécurités sociales, d'un côté l'ONDAM, de l'autre l'objectif de branche, laquelle est d'autant plus source de confusion qu'il n'existe pas de réelle articulation entre ces deux objectifs.

- Dans le souci d'une meilleure information du Parlement, les documents annexés à la loi de financement de la sécurité sociale gagneraient à être enrichis de manière à faire apparaître plus clairement l'évolution spontanée des masses afin de permettre d'analyser l'évolution structurelle de l'équilibre.

- Enfin, la réalisation de l'objectif de sincérité de la loi de financement de sécurité sociale suppose deux autres améliorations. D'une part, il conviendrait d'encadrer plus strictement la technique dite du « rebasage » afin d'en réduire la complexité et l'opacité. D'autre part, il serait souhaitable de stabiliser les méthodes comptables de façon à rendre plus aisée la lecture de l'évolution dans le temps des dépenses.

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