COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 8

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 2 novembre 2004
(Séance de 17 heures 15)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Loi de finances pour 2005

· Avis enseignement supérieur (Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis)

· Avis santé (Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis)

· Avis personnes handicapées (Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis)

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Corinne Marchal-Tarnus, les crédits de l'enseignement supérieur pour 2005.

Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis, a tout d'abord indiqué que le projet de budget de l'enseignement supérieur pour 2005 s'élève à 9,36 milliards d'euros, ce qui représente une progression de 3 % par rapport à 2004.

Cette augmentation concerne les dépenses de fonctionnement, en hausse de 1,62 % par rapport à la loi de finances 2004, mais plus encore les crédits de paiement des dépenses en capital, qui progressent de plus de 18 % afin d'assurer le respect par l'Etat de ses obligations en matière de construction - telles qu'elles résultent, notamment, des contrats de plan Etat-régions (CPER) - et de renforcer le plan de mise en sécurité des bâtiments universitaires.

Ce projet de budget permet également des avancées significatives pour l'accompagnement social des étudiants. Les bourses d'enseignement supérieur sont revalorisées, les contingents de bourses de mérite et des prêts d'honneur sont augmentés et une allocation d'aide d'urgence est créée. De plus, les crédits consacrés à la réhabilitation des logements étudiants connaissent une forte hausse.

Cependant il reste beaucoup à faire tant pour donner un nouveau souffle à l'enseignement supérieur que pour améliorer la vie étudiante. L'Observatoire de la vie étudiante a estimé l'an passé que 1,3 % d'entre eux sont en situation de pauvreté grave et durable et que dans l'ensemble les conditions de vie se dégradent.

D'autres problèmes pèsent sur le fonctionnement de l'université auxquels il va falloir apporter des réponses dans les années à venir. Les jeunes se détournent de plus en plus des études universitaires en sciences et en ingénierie faute de perspective claire sur les débouchés professionnels. Pourtant la recherche française a un besoin énorme de matière grise dans la mesure où 40 % des chercheurs partiront à la retraite d'ici 2014. Un gouffre culturel s'est creusé entre le monde de l'entreprise et le monde universitaire. En France 80 % des décideurs sortent des grandes écoles et n'ont pas eu de formation par la recherche.

Enfin aucune université française n'atteint aujourd'hui la taille critique qui lui permettrait de lutter à armes égales sur la scène internationale avec les grandes universités étrangères et d'attirer les meilleurs étudiants étrangers.

La mise en place de l'espace européen de l'enseignement supérieur avec la réforme des diplômes et des cursus et l'adoption du schéma licence-master-doctorat (LMD) constitue une obligation mais aussi une chance historique de rénovation de notre système d'enseignement supérieur.

L'enseignement supérieur est le parent pauvre de l'éducation nationale et l'insuffisance des moyens qui lui sont affectés constitue un handicap pour la croissance française notamment face à la nouvelle vague technologique. Alors qu'un élève du secondaire coûte 36 % de plus en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE, un étudiant de l'enseignement supérieur, toutes formations confondues, coûte 11 % de moins que dans la moyenne de ces pays. Selon le rapport annuel de l'OCDE sur l'éducation, si on calcule en dollars et en parité de pouvoir d'achat, la France dépense annuellement 6 965 dollars par étudiant, les Etats-Unis 20 098 dollars, le Royaume-Uni 8 101 dollars, l'Australie 9 200 dollars et la Suède 8 356 dollars. L'Allemagne (6 370 dollars), l'Italie (5 064 dollars) et l'Espagne (5 951 dollars) ont des financements inférieurs.

La collectivité nationale a consacré, en 2003, 18,9 milliards d'euros à l'enseignement supérieur soit seulement 1,2 % du PIB. La part de l'Etat est prépondérante dans ce financement avec plus de 75,4 %, les collectivités territoriales contribuent à hauteur de 5,7 %, les entreprises de 6,1 % et les ménages 11,5 %.

Par ailleurs, les coûts moyens par étudiant sont très variables selon les filières de formation, ils sont deux fois plus élevés en classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) qu'en université. En 2003, un étudiant effectuant une année dans une université publique a coûté en moyenne à la collectivité nationale 6 820 euros, alors qu'une année en IUT revient à 9 320 euros et une année en CPGE à 13 170 euros.

Depuis 2002, le nombre d'étudiants est reparti à la hausse (+ 2,0 % en 2002-2003 et + 2,1 % en 2003-2004) et atteint un niveau historique. En 2003-2004, 1 430 000 étudiants étaient inscrits dans une des 85 universités françaises alors que l'année précédente ils étaient 33 500 de moins. Lors de la présente rentrée 27 000 étudiants supplémentaires se sont présentés et 17 600 de plus sont attendus à la rentrée 2005. Cette hausse est proportionnellement moins importante dans les établissements publics relevant du budget de l'enseignement supérieur (+ 3,8 % en deux ans), que dans les autres établissements d'enseignement supérieur (+ 4,9 % en deux ans). Cette hausse s'explique pour plus de moitié par l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers dont 75 % ne sont pas titulaires du baccalauréat.

L'augmentation des effectifs constatée en 2002 et 2003 s'est fortement concentrée dans les formations de la santé, en raison de l'augmentation du numerus clausus et de la réforme des formations paramédicales.

La proportion d'abandon, dans les universités françaises est très élevée et supérieure aux autres pays. Seuls 59 % des étudiants inscrits en première année universitaire obtiennent une licence. Si les bacheliers français peuvent s'inscrire librement à l'université sans sélection, ils subissent dès la première année du DEUG une sélection redoutable. La moyenne d'obtention d'un examen au niveau de la licence est, dans les pays industrialisés étudiés par l'OCDE, de 70 %.

En revanche, la France est l'un des pays qui compte le plus d'inscrits dans les filières courtes normalement destinées à une insertion professionnelle rapide (IUT et BTS) puisque 22 % des bacheliers s'y inscrivent.

Face à cette situation, l'enseignement supérieur constitue bien cette année, une priorité et permet tout d'abord un accroissement des moyens en personnels et des mesures de requalification.

Les mesures gouvernementales décidées en avril 2004 afin de soutenir la recherche universitaire sont consolidées dans le projet de loi de finances 2005 pour un coût de 40,61 millions d'euros. Il s'agit, d'une part, de 700 emplois d'enseignants-chercheurs et 150 postes d'attachés temporaires d'enseignement et de recherche (ATER) et, d'autre part, de 150 emplois de personnels ingénieur, administratif, technique, ouvrier et de service (IATOS) qui sont ouverts au budget à compter du 1er janvier 2005. Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit la création de 150 emplois supplémentaires de maîtres de conférence à la rentrée 2005 pour un montant de 2,02 millions d'euros afin de renforcer l'encadrement des étudiants.

La revalorisation des rémunérations et des régimes indemnitaires et l'amélioration des perspectives de carrière des principales catégories de personnels enseignants-chercheurs et IATOS (personnels ingénieurs, administratifs, techniciens, ouvriers et de service) sont également proposées pour un montant total de près de 12 millions d'euros.

On constate également une hausse des crédits de fonctionnement. Les établissements d'enseignement supérieur disposeront de moyens supplémentaires à hauteur de 14,53 millions d'euros ; 2 millions d'euros sont attribués aux bibliothèques et à l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA), 340 000 euros pour l'établissement public du campus de Jussieu et 4 millions d'euros pour le musée du quai Branly. En outre, 300 000 euros sont prévus pour l'ouverture d'une antenne de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) à Nice.

Enfin, les établissements d'enseignement supérieur privés bénéficient de 5 millions d'euros supplémentaires par rapport au projet de loi de finances 2004

S'agissant des dépenses en capital, 330,39 millions d'euros devraient être consacrés en 2005 à des travaux de maintenance et de mise en sécurité des bâtiments des établissements d'enseignement et des laboratoires de recherche, notamment le désamiantage du campus de Jussieu.

Un effort financier réel est entrepris, dans ce projet de budget pour améliorer la vie étudiante. Les taux des bourses progresseront de 1,5 % à la rentrée 2005 et, afin de ne pas faire sortir mécaniquement du dispositif certains bénéficiaires, les plafonds de ressources seront relevés de 1,5 % pour un montant de 6,32 millions d'euros supplémentaires. De plus 300 bourses de mérite supplémentaires seront allouées aux boursiers ayant obtenu une mention très bien au baccalauréat. L'aide d'urgence, destinée à faire face aux situations difficiles auxquelles ne répond pas de manière satisfaisante le système des bourses sur critères sociaux, est complétée par un apport de 1,1 million d'euros. Enfin 4 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la rénovation du dispositif des prêts d'honneur qui devraient constituer à terme un véritable financement du cursus de l'étudiant et non pas seulement un complément de financement.

Le logement des étudiants constitue le problème le plus préoccupant et les conclusions du rapport de M. Jean-Paul Anciaux au Premier ministre sur le logement étudiant et les aides personnalisées sont édifiantes : 1 300 000 jeunes de statut étudiant ont besoin de trouver un logement, or les résidences universitaires publiques offrent 150 000 places dont 100 000 chambres de 9,5 m2 largement vétustes et inadaptées aux normes actuelles de confort. Les fortes tensions constatées sur la majorité des marchés de locations privées les rendent le plus souvent inaccessibles aux étudiants les moins favorisés.

Le projet de loi de finances prévoit d'augmenter de 35 % les crédits réservés à la maintenance et à la mise en sécurité des résidences universitaires, passant ainsi de 9,36 millions d'euros en 2004 à 12,64 millions en 2005. Par ailleurs 4 000 places supplémentaires en résidence universitaire devraient être livrées à la rentrée 2005, contre 1 100 cette année et 3 700 chambres et studios entièrement rénovés ont été livrés à la rentrée 2004, contre 3 000 en 2003. L'objectif annuel de 7 000 places rénovées devrait donc pouvoir être atteint à partir de 2005. Enfin, une enveloppe de plus de 2,7 millions d'euros (dont 700 000 provenant des ressources propres des CROUS) a permis d'engager des travaux de remise en état dans plus de 20 résidences dont l'état ne correspond pas aux normes acceptables.

La construction de l'espace européen de l'enseignement supérieur offre une chance de rénovation à l'université française. Cette politique est une initiative intergouvernementale, initiée à la Sorbonne en 1998, poursuivie à Bologne en 1999, à Prague en 2001 et à Berlin en septembre 2003. Les principaux objectifs consistent à faire du continent européen un vaste espace permettant facilement la mobilité des étudiants, des enseignants et des chercheurs et à rendre cet espace lisible et attractif à l'échelle du monde entier.

Tout en préservant la culture propre de chaque pays, la méthode choisie vise à faciliter une adaptation progressive pour conduire, au niveau de chaque Etat, les évolutions nécessaires. Les deux principaux leviers de cette construction concernent l'architecture des diplômes et le développement de l'évaluation.

La mise en place du schéma LMD est plutôt en avance en France. La nouvelle architecture des études supérieures est fondée sur trois grands niveaux : la licence (bac+3), le master (bac+5), le doctorat (bac+8). Les cursus se déroulent sous forme de crédits semestriels capitalisables et transférables, les ECTS.

En France, la mise en place du système a été initiée dès 1999 avec la création du grade de master et de la licence professionnelle. Le master professionnel ou orienté vers la recherche sanctionne l'acquisition de 120 crédits après la licence, c'est-à-dire de 300 crédits après le baccalauréat. Les grandes écoles sont habilitées à délivrer des masters.

C'est donc à une véritable recomposition en profondeur de l'offre de formation que les établissements d'enseignement supérieur en France sont invités à se livrer afin de proposer, pour chaque cursus, un ensemble de parcours flexibles et cohérents dans des champs disciplinaires établis en fonction de la stratégie propre à chaque établissement.

L'entrée dans ce dispositif n'est pas, à ce jour, une obligation, elle relève du libre choix de chaque établissement. A la rentrée 2004, 66 universités sur 85 ont fait le choix de basculer dans l'espace européen de l'enseignement supérieur. En fait, l'entrée dans le nouveau système semble vivement souhaitée par la majorité des établissements. Dès 2005 les trois-quarts des universités françaises devraient proposer à leurs étudiants une offre de formation rénovée. Si l'on ajoute les instituts et écoles de différents statuts, plus de 120 établissements sont concernés dès cette année.

Les instituts universitaires de technologie (IUT) et les instituts universitaires professionnels (IUP) ont vocation également à entrer dans le nouveau schéma tout en conservant les diplômes actuellement délivrés. Le maintien de ces diplômes correspond en effet la volonté des étudiants qui souhaitent s'insérer rapidement sur le marché du travail et aux besoins du monde économique en techniciens supérieurs. Une réflexion est en cours en vue de faire évoluer le diplôme universitaire de technologie (DUT) vers une double vocation, l'insertion professionnelle immédiate et la préparation à une poursuite d'étude en licence professionnelle.

La diversification et la spécialisation des cursus ont pour corollaire un accroissement sans précédent de l'offre de formation : plus de 10 000 formations différentes sont aujourd'hui habilitées dans les universités, sans compter les quelque 610 départements d'IUT. Cet ensemble déjà très disparate risque d'être encore compliqué, au moins dans les prochaines années, par les nouvelles offres de formation consécutives à la mise en place du système LMD. Les étudiants sont un peu perdus et souffrent de la faiblesse des dispositifs d'orientation. Les syndicats étudiants sont unanimes pour considérer que la mise en place du dispositif LMD exige, pour réussir, un accompagnement et un suivi pédagogique des étudiants qui font encore cruellement défaut. Un véritable tutorat pour guider les étudiants en début de licence dans la conduite de leur cursus et favoriser le travail en petit groupe est plus que jamais nécessaire et il est regrettable que des moyens spécifiques ne soient pas prévus dans le projet de budget pour cet accompagnement.

Plus le système se diversifie, plus l'offre de formation se modifie et se développe sous l'impulsion de la création de l'espace européen, plus les universités vont évoluer vers l'autonomie et plus l'évaluation devient un impératif de qualité et de performance. Or l'évaluation est aujourd'hui absente, qu'il s'agisse de celle des professeurs, des enseignements ou des cursus. Il faut impérativement développer l'évaluation des politiques pédagogiques, scientifiques et institutionnelles des établissements d'enseignement supérieur. Elle devrait permettre de vérifier la qualité et la pertinence des formations mais aussi la réalité de l'articulation entre l'enseignement et la recherche, garantissant ainsi la valeur des diplômes et leur reconnaissance internationale.

A l'évidence, la construction de l'espace européen constitue une chance pour l'enseignement supérieur français. La dimension de plus en plus internationale de la recherche scientifique, la nécessaire émulation entre les établissements par-delà les frontières et la valorisation des diplômes sur le marché européen constituent autant de données déterminantes pour l'évolution de l'enseignement supérieur et le gouvernement a saisi cette chance.

La mise en œuvre d'un espace européen d'enseignement supérieur nécessite toutefois de modifier profondément l'architecture du système français de formation. En effet, les principes sur lesquels celui-ci est bâti sont éloignés de ceux qui ont été fixés à l'échelle européenne.

En conclusion, la rapporteure pour avis a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé de la rapporteure pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a félicité la rapporteure pour avis, d'avoir développé un aspect précis du budget permettant de déboucher sur un débat intéressant en commission. Il conviendrait d'ailleurs à l'avenir que les rapporteurs pour avis centrent davantage leur intervention sur cette partie thématique, plutôt que sur la partie budgétaire, redondante avec le rapport spécial de la commission des finances.

Mme Martine David a nuancé l'optimisme de la rapporteure pour avis : l'augmentation du budget de l'enseignement supérieur est toute relative puisqu'elle n'est que de 1,6 % en tenant compte de l'inflation. Il s'agit donc d'un budget peu ambitieux qui mérite d'être critiqué au moins sur quatre points. Concernant l'aide sociale apportée aux étudiants, l'augmentation de 1,5 % des bourses est inférieure à l'inflation, alors que les frais d'inscription ont été augmentés de 4 % ; c'est donc une perte sèche de pouvoir d'achat pour les étudiants. Les départs en retraite de l'enseignement supérieur ne semblent pas avoir été anticipés, ni même simplement prévus ; les universités ne pourront faire face à ces départs l'an prochain, d'autant que la perte de ces personnels est tout aussi qualitative que quantitative. Par ailleurs, où en est-on de l'autonomie des universités ? Si ce sujet a été largement abordé au début de la législature par le prédécesseur de M. François Fillon, de manière sans doute un peu imprudente, il semble que le projet soit aujourd'hui au point mort, du fait notamment des réticences des organisations syndicales étudiantes. Quelles sont les intentions du gouvernement en la matière ? Enfin, la situation des étudiants salariés est préoccupante. Le statut des maîtres d'internat et surveillants d'externats (MISE) a été remplacé par celui d'assistant d'éducation, beaucoup moins intéressant pour les étudiants, tant financièrement qu'en termes de flexibilité des horaires. Un certain nombre d'étudiants se retrouve donc dans une situation sociale et financière critique.

M. Michel Herbillon a souligné l'intérêt de l'analyse thématique de la rapporteure pour avis portant sur le nouveau système de diplômes LMD. Effectivement, cette réforme est une chance de rénovation pour les universités françaises car le constat général est inquiétant. Il est donc aujourd'hui nécessaire de réformer le système sans attendre davantage, car ces questions font l'objet de débats anciens, jamais tranchés, la tendance des gouvernements étant toujours d'éviter d'aborder les questions sensibles. Or, dans le cas de l'enseignement supérieur, la feuille de route est fournie : il s'agit de refonder les liens entre les universités, la recherche et le monde de l'entreprise, de rénover les locaux, de mieux accueillir les étudiants étrangers, de permettre à tous les étudiants de disposer de meilleures conditions de vie - sur ces deux derniers points, nos insuffisances sont criantes par rapport aux autres pays européens, sans même parler des universités américaines -, mais aussi de s'attaquer à la question des bourses et des logements étudiants et d'aborder enfin de front la question de l'autonomie des universités. Ce dernier point est fondamental pour l'avenir de l'enseignement supérieur et conforme aux souhaits de la Conférence des présidents d'université ; il va de pair avec le développement de l'évaluation, préconisé par la rapporteure pour avis.

Il faudra effectivement modifier l'architecture du système français pour construire un système européen de recherche et d'enseignement. Si la mise en place du système LMD se passe relativement mieux en France que dans les autres pays de l'Union européenne, le classement mondial actuel de nos universités est peu flatteur. Le rapport en cours de rédaction sur ce sujet, au sein de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, est édifiant. Ainsi, la mise en place du processus de Bologne est une véritable chance pour l'université française si l'on sait affronter les véritables réformes. Il devrait d'ailleurs y avoir un réel consensus politique sur l'importance d'un enseignement supérieur de qualité, élément de notoriété, de puissance et de souveraineté pour un pays, comme l'ont compris nos voisins ainsi que les Etats-Unis.

M. Bernard Perrut a estimé que l'exposé de la rapporteure pour avis était objectif, proche des réalités, et donc sans complaisance. Les avancées de ce budget sont significatives en ce qui concerne l'accompagnement social des étudiants. Des efforts importants ont été réalisés pour les bourses, et les prêts d'honneur, sans oublier la création de l'allocation d'aide d'urgence. Les crédits de réhabilitation des logements étudiants sont également en hausse.

En revanche, trois points semblent plus inquiétants :

- La démocratisation de l'accès à l'enseignement supérieur ne s'est pas accompagnée d'une démocratisation de la réussite universitaire. L'égalité des chances est donc encore théorique, puisqu'un grand nombre de jeunes sortent chaque année de l'université sans diplôme. Il conviendrait de se pencher sur cette question fondamentale pour la démocratisation de l'enseignement supérieur.

- Les filières générales ne sont pas assez performantes, les proportions d'abandon ou de redoublement y étant très élevées. Quelles pistes sont envisageables pour modifier ces résultats ? L'objectif de l'université ne doit pas être seulement d'accueillir les étudiants en première année, mais de leur permettre de sortir de l'université avec un diplôme.

- Un certain nombre d'articles de presse se font l'écho des inquiétudes des régions concernant les retards de paiement de l'Etat dans la mise en œuvre des contrats de plan Etat-régions, dans le domaine de l'enseignement supérieur. Quelle est réellement la situation ?

En réponse aux différents intervenants, Mme Corinne Marchal-Tarnus, rapporteure pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- La hausse du budget de l'enseignement supérieur est plus forte que la hausse de l'ensemble du budget de l'Etat pour 2005. C'est donc un point positif. Le nombre d'étudiants a été multiplié par cinq tous les trente ans depuis le début du XXe siècle et les budgets n'ont évidemment jamais pu être augmentés dans les mêmes proportions. Le déficit ne s'est donc pas creusé en un jour. La priorité accordée par le gouvernement au budget de l'enseignement supérieur est tout à fait réelle. Le nombre de bourses va augmenter cette année grâce au relèvement des plafonds de ressources, qui permettra à un plus grand nombre d'étudiants d'y prétendre. Sur les départs en retraite les prévisions de remplacements n'ont pas été communiquées et il est vrai qu'un problème majeur risque de se poser pour les 40 % de chercheurs qui devront être remplacés.

- La question de l'autonomie des universités n'a pas été tranchée par le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

- Les étudiants salariés posent un réel problème à l'institution universitaire, qui n'a pas su adapter son fonctionnement à cette réalité. Aujourd'hui, certains étudiants ne peuvent pas travailler du fait d'horaires de cours inadaptés. Or le travail salarié ne nuit pas aux études s'il est correctement organisé.

- Les différentiels d'années d'études entre pays européens dans le cadre du schéma LMD vont se négocier en nombre d'unités capitalisables selon le nouveau système de crédits européens (ECTS) à la base des nouveaux cursus.

- S'agissant de la question de l'égalité des chances, il est vrai que les filières générales produisent autant de jeunes sans diplôme, parfois après trois ou quatre années d'études, que l'enseignement secondaire, soit 150 000 par an environ. C'est intolérable. Il n'existe à l'heure actuelle aucune cohérence entre les enseignements dispensés dans le supérieur et ceux dispensés dans le secondaire, ce qui perturbe et fragilise certains étudiants durant leurs premières années d'études supérieures, d'autant qu'il n'existe aucun suivi adapté. Ces incohérences expliquent une partie des échecs.

- Enfin, l'augmentation de 18 % des dépenses en capital prévue par le projet de budget 2005 devrait permettre de combler les retards de paiement constatés dans les régions pour l'application des contrats de plan Etat-régions.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2005.

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La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de Mme Bérengère Poletti, les crédits de la santé pour 2005.

Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis, a tout d'abord rappelé que le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin peut se prévaloir, en deux ans, d'avoir tout à la fois rénové la politique de santé publique, mis en œuvre un plan volontariste de lutte contre le cancer, actualisé la loi relative à la bioéthique, lancé le plan Hôpital 2007, réformé le régime des recherches biomédicales et modernisé notre système d'assurance maladie. Pour 2005, le budget de la santé et de la protection sociale, y compris les crédits destinés à la gestion des politiques de santé et de solidarité, représente ainsi 8,63 milliards d'euros. A périmètre constant, c'est-à-dire en prenant notamment en compte les transferts de compétences prévus par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, le budget de la santé est quasiment stable. En outre, le ministère de la santé et de la protection sociale s'est engagé résolument dans la préparation de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, qui marque le passage d'une culture de moyens à une culture de résultats.

Il convient, en premier lieu, de saluer le fait que la santé publique n'est plus le parent pauvre du système de santé français : les crédits consacrés à la mise en œuvre des politiques de santé publique s'élèvent ainsi à 209 millions d'euros en 2005, contre 190 millions d'euros prévus pour 2004. Au sein de ces crédits, la lutte contre les pathologies à forte mortalité, telles que le cancer et le sida, ainsi que les actions sur les déterminants de santé, en particulier l'alcool et le tabac, constituent les principaux postes de dépenses.

Alors que 700 000 personnes sont atteintes d'une maladie cancéreuse et 250 000 nouveaux cas sont diagnostiqués chaque année, la lutte contre le cancer constitue en effet la principale priorité du ministère en matière de santé publique, avec près de 81 millions de crédits inscrits au budget pour 2005. Le plan de mobilisation nationale contre le cancer, annoncé par le Président de la République en mars 2003, prévoit ainsi de mobiliser l'ensemble des acteurs concernés autour de 70 mesures, depuis la prévention jusqu'à l'écoute et l'accompagnement des malades et de leurs familles, sans oublier le renforcement de la recherche et l'amélioration des soins. Avec 21 millions d'euros supplémentaires, le plan cancer sera significativement renforcé en 2005, ce qui permettra notamment d'accompagner la montée en puissance de l'Institut national du cancer (INCa), qui bénéficiera de près 32 millions d'euros de crédits, et de poursuivre les programmes de dépistage organisés du cancer du sein, mais également, à titre expérimental, ceux du cancer de l'utérus et du cancer colorectal.

Le gouvernement a par ailleurs engagé une politique déterminée en matière de lutte contre les toxicomanies, conformément au nouveau plan quinquennal pour 2004-2008, arrêté par le Premier ministre le 26 juillet dernier, qui définit des objectifs et des stratégies d'actions spécifiques, en prenant en compte les conditions concrètes de consommation de chacune des substances entrant dans le champ des drogues et produits addictifs. En outre, des programmes stratégiques seront engagés afin de limiter l'impact de la violence et des comportements à risques sur la santé et d'améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques ainsi que la prise en charge des maladies rares.

Pour disposer d'une meilleure évaluation des risques sanitaires, adossée à un système de veille efficace, et mettre en place des programmes d'action et des structures adaptés afin d'améliorer la gestion des crises, le gouvernement s'est attelé à une réforme en profondeur du dispositif de veille et de sécurité sanitaire, dont les crédits s'élèvent à 116 millions d'euros pour 2005. Dans ce domaine, le plan national santé environnement, présenté en juin dernier, constitue une étape fondatrice qui marque un tournant dans la lutte contre les pollutions ayant un impact sanitaire.

Comme l'avait souligné à juste titre le rapporteur pour avis sur les crédits de la santé pour 2004, le paysage des agences sanitaires exige une certaine rationalisation, afin notamment de concentrer les expertises et les moyens et donner plus d'efficacité au dispositif. On peut dès lors se réjouir que le gouvernement ait poursuivi cet effort de rationalisation, à travers notamment la création de l'Agence de la biomédecine prévue par la loi n° 2004-800 du 6 août 2004 relative à la bioéthique. Cette agence, qui devrait être opérationnelle dès le début de l'année prochaine et qui bénéficiera de plus de 2,4 millions d'euros de mesures nouvelles, sera principalement chargée de l'expertise et de la veille scientifique, de la délivrance d'autorisations concernant les structures et les praticiens exerçant des activités relevant de son champ de compétences, s'agissant notamment des recherches sur l'embryon, ainsi que de l'évaluation et du contrôle de ces activités. De surcroît, la Haute autorité de santé, qui constitue une des avancées majeures de la loi du 13 août dernier portant réforme de l'assurance maladie, permettra d'apporter une expertise scientifique indispensable à la prise de décision - en évaluant l'utilité médicale des actes, prestations et produits de santé - mais également d'améliorer l'information des professionnels de santé et des usagers afin de promouvoir la qualité des pratiques et des soins. Les crédits prévus dans le projet de loi de finances sont à la hauteur de l'importance de ses missions, puisque la Haute autorité bénéficiera de plus de 11 millions d'euros de crédits pour 2005.

Le projet de loi permet enfin d'accompagner la mise en œuvre des réformes visant à améliorer la qualité et l'égal accès aux soins. Ainsi, comme le prévoit la loi du 13 août précitée, un rapprochement sera effectué entre les agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM), grâce à la mise en place de missions régionales de santé (MRS), qui seront notamment chargées de déterminer un programme d'actions concernant la mise en œuvre et le financement des réseaux de santé et l'organisation de la permanence des soins. Des agences régionales de santé seront également créées à titre expérimental. Le projet de loi prévoit par ailleurs de fixer à 100 000 euros pour 2005 le montant de la contribution de l'Etat au fonctionnement de l'Institut des données de santé, qui sera en quelque sorte l'« INSEE de la santé ».

Actuellement alimenté par une contribution des mutuelles et des organismes de prévoyance et par une dotation budgétaire de l'Etat, le Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture maladie universelle (CMU) financera près de 200 millions d'euros de mesures nouvelles et en particulier la création du crédit d'impôt d'aide à l'acquisition d'une complémentaire santé. A ce titre, l'assurance maladie versera directement au fonds une dotation de 100 millions d'euros.

Enfin, en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales, de nouvelles compétences sont transférées aux régions concernant l'attribution des bourses aux étudiants et la gestion des écoles et instituts de formation des professions paramédicales et des sages-femmes. Dans ce dernier cas, le transfert ne sera toutefois effectif qu'en juillet prochain.

La rapporteure pour avis a ensuite exposé le résultat de ses travaux concernant les problèmes liés à la démographie médicale et les solutions que pourrait y apporter la télémédecine.

En effet, de nombreuses inquiétudes se font jour, notamment en milieu rural mais pas uniquement, face à ce problème majeur qui touche l'ensemble des médecins, car il existe souvent une corrélation entre la densité des médecins spécialistes et généralistes au niveau local. En matière de démographie médicale, tant libérale qu'hospitalière, il incombe à l'Etat, « garant » et non « gérant », d'accompagner les actions engagées par l'assurance maladie pour lutter contre la désertification médicale, véritable plaie en matière d'aménagement du territoire. Le gouvernement a pris toute la mesure de ce problème en annonçant notamment en avril dernier le relèvement de 5 700 à 7 000 du numerus clausus, qui était de 3 500 en 1993, et en proposant la mise en place d'un dispositif d'aides à l'installation. Parallèlement, il est important de promouvoir des solutions qui puissent produire leurs effets rapidement telles que la télémédecine, soit l'échange de données médicales par l'utilisation des nouvelles technologies de communication entre professionnels de santé afin d'améliorer la prise en charge des patients.

Les prévisions concernant la répartition géographique de l'offre de soins sont inquiétantes. Ce phénomène n'est pas nouveau, mais il devient très préoccupant dans certains endroits du territoire. La densité nationale s'élevait ainsi à 332 médecins pour 100 000 habitants en 2002, contre 130 en 1970, mais cette augmentation dissimule en réalité une grande hétérogénéité au niveau départemental : la densité médicale varie par exemple de un à quatre entre le département le plus faiblement doté, la Mayenne, et le département le mieux pourvu, Paris, avec 834 médecins pour 100 000 habitants. Les inégalités sont aussi infra-départementales. Aux effets de l'héliotropisme s'ajoute en effet l'attrait de plus en plus fort pour les zones urbaines, même si l'on peut également constater des insuffisances en termes de présence médicale de proximité dans quelques quartiers sensibles. Or ces inégalités risquent de s'accentuer au cours des prochaines années, en raison notamment des départs en retraite de nombreux praticiens non compensés par l'entrée dans la vie active de nouveaux médecins issus des classes creuses du numerus clausus. Les diminutions les plus fortes attendues concernent par exemple les ophtalmologistes et les psychiatres.

Préalable à l'action publique, la création de l'Observatoire national de la démographie médicale des professions de santé par un décret de juin 2003 a été qualifiée à juste titre d' « acte fondateur » de la politique démographique par M. Jean-François Mattei, alors ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées. Il s'agit ainsi de remédier à l'absence de données fiables et d'établir des diagnostics locaux couplés à des données épidémiologiques ou concernant les conditions de transport ainsi que les comportements des professionnels au niveau local. Il faut d'ailleurs saluer le fait que la loi du 13 août dernier ait permis de lui donner une reconnaissance législative, en créant un comité de la démographie médicale.

Parce que cela semble aujourd'hui plus efficace et consensuel, il est urgent d'agir pour corriger les inégalités territoriales en matière d'offre de soins en privilégiant, au moins dans un premier temps, la voie de l'incitation. Des crédits ont ainsi été prévus par la loi de finances rectificative pour 2003 afin de financer des aides à l'installation ou au regroupement des médecins en zone sous-médicalisée. Le principe envisagé est d'attribuer une aide de 10 000 euros par an et par médecin, ce qui nécessite au préalable l'identification des zones déficitaires en matière de soins, tâche qui relève des préfets de région. Il faut également rappeler que le projet de loi sur le développement des territoires ruraux permet aux collectivités locales qui le souhaitent de contribuer au financement de l'aide, aux côtés de l'Etat et de l'assurance maladie. A cet égard, l'Assemblée nationale a adopté en seconde lecture un amendement de M. Christian Ménard prévoyant, sous certaines conditions, l'exonération fiscale des honoraires perçus par leurs médecins ou leurs remplaçants dans des zones de garde comportant majoritairement des communes de moins de 3 500 habitants.

Parallèlement à la politique d'incitation engagée par le gouvernement, une régulation plus active de la démographie médicale nécessite également la réorganisation des conditions de travail des professionnels de santé. Celle-ci pourrait utilement s'appuyer sur la télémédecine, qui est au croisement de deux mondes totalement différents : la médecine avec sa culture millénaire et proximale et les nouvelles technologies de la communication, qui supposent notamment la distance. Loin d'être un gadget, celle-ci permet en effet de mieux répondre aux attentes des professionnels de santé et constitue un levier d'action supplémentaire en matière de démographie médicale, car elle est incontestablement génératrice d'une meilleure efficience collective et surtout d'une plus grande équité dans l'accès aux soins.

L'excellent rapport publié récemment sur ce sujet par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPESCT) comporte de nombreux exemples d'expériences qui méritent d'être citées. En Midi-Pyrénées, des médecins généralistes exerçant en maison de retraite, en cabinet ou encore en maison médicale peuvent ainsi télétransmettre des données au CHU de Toulouse, par exemple une lésion dermatologique, grâce à un outil de visio-conférence (ordinateur et webcam) permettant d'obtenir un avis médical et ainsi d'éviter au patient de se déplacer pour une autre consultation. En Poitou-Charentes, la télétransmission d'électrocardiogrammes permet de relier l'Ile d'Aix au continent et en particulier à la ville de Fouras où exerce le généraliste. Entre l'hôpital local de l'Ile d'Yeu et le centre hospitalier de Challans, près de quatre-vingts grossesses sont suivies par télésurveillance du rythme cardiaque fœtal et aux contractions utérines. En matière de téléformation, le réseau des maternités du Nord-Pas de Calais s'appuie également sur des visioconférences regroupant plus de vingt maternités publiques et privées. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, des téléconsultations ont lieu depuis plusieurs années à l'hôpital local situé à Tende, en matière notamment de psychiatrie, de cardiologie et de dermatologie, ce qui permet d'éviter des transferts inutiles mais également de rompre le sentiment d'isolement des médecins. Enfin, des réseaux de diabétiques et de cancérologie ont été mis en place en Basse-Normandie.

Ainsi, comme l'a souligné le rapport précité de l'OPESCT, « la télémédecine est un outil indispensable de l'aménagement du territoire car sa mise en place est la condition de survie des hôpitaux ruraux et le gage de qualité de la médecine libérale. Les hôpitaux ruraux ne peuvent pas assurer la présence permanente de médecins et de spécialistes de la même façon qu'un hôpital général plus important. Cela n'est pas possible pour des raisons de démographie mais également parce que l'activité d'un hôpital de proximité ne justifie pas la présence à plein temps d'un spécialiste qui ne procéderait même pas à une consultation quotidienne. » En revanche, il est souligné que la présence de personnels qualifiés capable de faire fonctionner une station de télémédecine relié à un hôpital général ou spécialisé, selon les pathologies, permet de gagner du temps en orientant correctement le malade, de gérer au mieux l'urgence non vitale et d'assurer le suivi de la qualité des soins dispensés.

Il ne s'agit pourtant encore que d'une pratique émergente : en 2004, on dénombrait 426 applications contre 398 en 2003 et 168 en 1998. Le développement de la télémédecine se heurte en effet à de nombreux obstacles, parmi lesquels l'absence de cadre réglementaire, s'agissant notamment de la question de la responsabilité médicale, et le déficit d'organisation, lié notamment au cloisonnement entre la médecine de ville et l'hôpital. Se posent également le problème de l'absence de valorisation de l'acte télémédical et le cumul des handicaps lorsque ce sont les mêmes territoires qui souffrent d'une faible démographie médicale et d'un accès insuffisant, voire inexistant, au haut débit.

C'est pourquoi des actions ont été mises en œuvre afin d'encourager le développement de la télémédecine. L'Observatoire des réseaux de télésanté permet ainsi de suivre le développement de ces nouvelles formes de pratique médicale et constitue un outil d'aide intéressant en matière d'organisation des soins et d'aménagement du territoire. Dans plusieurs régions, la définition de la politique régionale de télésanté relève d'une véritable concertation entre les ARH, les préfectures de région, les URCAM, les élus, les représentants des fédérations hospitalières, les unions régionales des médecins exerçant à titre libéral (URML) et parfois les usagers. Les ARH ont eu à cet égard un rôle de coordination et d'impulsion à jouer et il serait dès lors souhaitable de veiller à ce qu'un référent « télémédecine » soit désigné au sein des agences comme des missions régionales de santé (MRS). En outre, le bilan des actions d'appui à l'investissement en télémédecine engagées dans le cadre des contrats de plan Etat-région s'avère globalement positif, ces crédits ayant permis de financer plusieurs des exemples d'applications citées précédemment.

Alors que les besoins sont avérés, les freins culturels en voie de régression et que la loi du 13 août 2004 a constitué une avancée historique pour la télémédecine, par la mise en place d'un cadre légal, quelles actions doivent dès lors être envisagées afin de donner l'impulsion nécessaire à l'indispensable développement de la télémédecine ?

Il convient, dans un premier temps, de poursuivre la réflexion sur les enjeux déontologiques et éthiques de la télémédecine, en concertation avec les instances représentatives des professionnels. Les MRS devront définir rapidement les orientations relatives à l'évolution de la répartition territoriale des professionnels de santé et auront un rôle important à jouer en matière de développement des réseaux, en cohérence avec les schémas régionaux d'organisation sanitaire. Les hôpitaux pourraient également être incités à désigner un correspondant télémédecine en leur sein et à intégrer cette question dans leur projet d'établissement.

Pour créer un environnement propice au développement de la télémédecine, la formation continue des professionnels de santé pourrait également être améliorée dans ce domaine. Il convient à cet égard de rappeler que le projet de loi de finances pour 2005 prévoit de financer à hauteur de 4,7 millions d'euros le fonctionnement des conseils nationaux de la formation médicale continue (FMC). Cette question s'inscrit par ailleurs dans le cadre de la problématique plus générale du transfert des compétences entre les professions, dans la mesure où les médecins disposent de la possibilité de déléguer toutes les tâches techniques n'exigeant pas leur qualification.

Quant au problème de l'absence de reconnaissance des actes télémédicaux, qui a été évoqué à de nombreuses reprises au cours des auditions, deux pistes de réflexion pourraient être envisagées : la codification de ces actes et leur rémunération, à travers par exemple un mécanisme de surcotation, ainsi que leur prise en compte au sein des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (MIGAC), qui font l'objet d'un financement spécifique dans le cadre de la mise en œuvre de la tarification à l'activité.

En conclusion, la rapporteure pour avis a proposé à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé de la rapporteure pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a salué la qualité de l'exposé de la rapporteure pour avis, tout en exprimant à nouveau le souhait que les rapporteurs se consacrent davantage à la présentation de la partie thématique de leur rapport, qui est en l'occurrence très intéressante.

Mme Catherine Génisson a tout d'abord souligné que ce rapport ouvre des pistes de réflexion intéressantes concernant la question de la démographie médicale, qui constitue un problème de santé majeur auquel les mesures incitatives ne répondent qu'imparfaitement. Les professionnels de santé sont en effet à la recherche d'une meilleure qualité de travail, qui passe notamment par le développement du travail en équipe et l'émulation qu'il est à même de susciter. A cet égard, la télémédecine constitue une approche féconde, qui s'est d'ailleurs déjà développée dans de nombreuses régions, notamment le Nord - Pas de Calais. Elle nécessite toutefois des compétences aussi bien au niveau de l'émetteur que du récepteur dans la chaîne d'informations et elle est par ailleurs tributaire de la durée de transmission des données. En outre, si la télémédecine s'avère intéressante pour éviter des transferts inutiles quand elle s'opère d'hôpital à hôpital, dans un processus de compétence ascendante, son efficacité en milieu rural est plus incertaine en raison notamment du problème précédemment évoqué des compétences des professionnels de santé.

Mme Paulette Guinchard-Kunstler a pour sa part estimé que la télémédecine se développe souvent là ou les ARH sont convaincues de son utilité, en soulignant que ces applications sont particulièrement efficientes lorsqu'elles s'insèrent dans un réseau de soins. Or des interrogations existent quant à l'avenir du financement de ces réseaux, s'agissant en particulier des aides accordées par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV).

Il serait par ailleurs utile d'avoir des précisions sur le financement du plan Alzheimer, annoncé par le ministre de la santé et de la protection sociale, ainsi que l'état d'avancement du plan gériatrique.

Après avoir félicité la rapporteure pour avis pour la qualité de son rapport, M. Marc Bernier a rappelé l'importance que revêt le plan national de lutte contre le cancer, en soulignant qu'en 2003 seuls quarante départements avaient mis en place un dispositif de dépistage organisé du cancer du sein. En tout état de cause, il apparaît nécessaire de veiller à la généralisation de ces programmes de dépistage sur l'ensemble du territoire mais également d'accroître le taux de participation des femmes et de procéder à une évaluation de ce dispositif.

La question de la démographie médicale est primordiale et concerne aussi bien les territoires ruraux que les zones montagneuses et péri-urbaines, médecins libéraux comme hospitaliers. Afin de proposer une offre équitable de soins sur l'ensemble du territoire, il convient de favoriser le travail en équipe, mais il semble que le développement de la télémédecine se heurte essentiellement aux inégalités liées au parc de lignes ADSL et aux incertitudes juridiques concernant les conditions d'engagement de la responsabilité médicale.

M. Gérard Bapt a estimé que ce projet de budget confirme le désengagement de l'Etat en matière d'investissement hospitalier. La couverture médicale universelle est également victime de ces coupes claires puisque ses crédits diminuent de près 300 millions d'euros, alors même qu'il s'agit là d'un dispositif qui devrait relever de la solidarité nationale, s'agissant en particulier de l'acquisition de l'aide à la complémentaire santé.

M. Bernard Perrut a proposé de rapprocher les enjeux présentés par le développement de la télémédecine avec les conclusions des troisièmes états généraux sur le cancer, réunis la semaine dernière, afin de mettre en exergue les inégalités sociales qui demeurent en matière de traitement du cancer, en souhaitant que la télémédecine contribue à mieux dépister le cancer dans les zones reculées.

Après avoir salué la qualité du rapport précité de M. Jean Dionis du Séjour et de M. Jean-Claude Etienne au nom de l'OPESCT, M. Jean-Pierre Door a rappelé que la télémédecine est d'ores et déjà opératoire en de nombreux points du territoire. Au-delà des questions liées aux compétences des professionnels de santé, le Conseil national de l'ordre des médecins doit avant tout statuer sur la question de la responsabilité médicale. La télémédecine représente l'avenir en matière de diagnostic et de coordination des soins : dès lors, si les crédits du FAQSV ont pu financer en effet de tels projets par le passé, des crédits spécifiques et identifiés sont sans doute nécessaires aujourd'hui.

En réponse aux différents intervenants, Mme Bérengère Poletti, rapporteure pour avis, a apporté les précisions suivantes :

- Il est vrai que les aides attribuées par le FAQSV ne sont pas toujours facilement mobilisables, s'agissant en particulier des projets faisant intervenir des hôpitaux. S'il est vrai que ces crédits ne sont pas pérennes, il faut toutefois saluer le fait que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 a prévu de doubler sa dotation annuelle mais également de proroger sa durée de vie d'un an.

- Le problème des compétences des professions de santé ne semble pas constituer le principal obstacle au développement de la télémédecine. En réalité, ces freins semblent davantage de nature juridique et financière.

- Tous les départements n'avaient pas mis en place des programmes organisés de dépistage du cancer du sein alors qu'ils ont des effets très positifs. C'est pourquoi l'Etat a « recentralisé » cette compétence afin de renforcer l'efficacité de ce dispositif.

- Il est tout à fait légitime que l'assurance maladie contribue au fonds de financement de la CMU et, dans tous les cas, ça ne l'est pas moins que le financement de la réduction légale du temps de travail par l'assurance maladie sous la précédente législature.

- Enfin, la télémédecine pourrait également s'avérer riche de promesses en matière de dépistage du cancer. Il s'agit là d'une petite révolution car jusqu'à ce jour l'exercice de la médecine reposait sur un rapport de proximité qui est aboli par internet.

En conclusion, le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la réussite de la télémédecine repose avant tout sur la qualité du recueil des données initiales.

Conformément aux conclusions de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la santé pour 2005.

*

La commission a enfin examiné pour avis, sur le rapport de Mme Geneviève Levy, les crédits des personnes handicapées pour 2005.

Mme Geneviève Levy, rapporteure pour avis, a indiqué avoir étudié dans son avis le processus de décentralisation des interventions en faveur des personnes handicapées. Préalablement, elle a appelé l'attention de la commission sur trois points.

- Tout d'abord, concernant l'allocation pour adultes handicapés (AAH), la quasi-totalité des associations représentatives des personnes handicapées dénonce l'écart croissant entre l'évolution de l'AAH et celle du SMIC. Aujourd'hui l'AAH représente 58 % du montant du SMIC net (39 heures).

Il n'est sans doute pas opportun d'aligner l'AAH sur le SMIC comme l'Assemblée nationale l'a décidé en première lecture du projet de loi sur les personnes handicapées. En effet, le projet de loi crée la prestation de compensation qui offrira une aide pour la prise en charge des dépenses supplémentaires entraînées par le handicap selon des tarifs fixés en fonction de la nature de ces dépenses et permettra ainsi de réserver l'AAH à la couverture des frais nécessités par la vie courante. En outre, un abattement sur le revenu d'activité pour le calcul de l'AAH est prévu.

Néanmoins des progrès devraient être faits en faveur de deux catégories d'allocataires de l'AAH : les adultes qui, en raison de leur handicap, n'ont aucune perspective d'embauche professionnelle et dont l'horizon financier se résume jusqu'à l'âge de 60 ans à la perception de l'AAH à taux plein ; les adultes accueillis ou placés dans un établissement social, médico-social ou de santé, qui ne touchent qu'un reliquat de l'AAH, souvent qualifié de « reste à vivre », égal à 12 % de l'AAH.

- Par ailleurs, beaucoup d'associations entendues par la rapporteure pour avis se sont inquiétées de l'évolution des concours de l'Etat pour le financement des structures d'accueil pour enfants et adultes handicapés alors que leurs charges s'accroissent fortement et de façon néfaste pour les personnes handicapées. Une tarification à la personne selon son handicap pourrait éviter cette dérive.

En outre, alors que les progrès de la médecine permettent de prolonger très significativement la vie des personnes atteintes de handicaps graves, la programmation des créations de places dans les établissements accueillant des adultes risque de se révéler très insuffisante pour le traitement de ces personnes, parmi lesquelles doivent être signalés les autistes.

Enfin, les établissements souffrent également d'une pénurie de personnels qualifiés. La contrainte des 35 heures et les restrictions budgétaires ont conduit les associations gestionnaires à recruter des personnes non diplômées.

- Le troisième point concerne les créations de places. Le gouvernement a élaboré un plan de création de 40 000 places sur 2003-2007 dans les établissements accueillant des personnes handicapées. Le rythme de création de places sera ainsi doublé par rapport à la période 1998-2002.

Pour 2005, les crédits permettront de créer 1 250 places en services d'éducation spéciale et de soins à domicile, 2 500 en maisons d'accueil spécialisées ou en foyers d'accueil médicalisé et 1 250 dans les services médico-sociaux. Concernant les centres d'aide par le travail, la loi de finances pour 2004 a ouvert les crédits pour la création de 3 000 places supplémentaires. Le même effort sera reconduit en 2005, mais la création des 3 000 places sera financée par un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Enfin, 2 500 places nouvelles en ateliers protégés sont annoncées par le gouvernement.

La rapporteure pour avis a ensuite abordé l'action décentralisée en faveur des personnes handicapées.

Depuis la loi fondatrice du 30 juin 1975, l'Etat a été considéré comme l'initiateur, le coordinateur, l'ordonnateur et le banquier du soutien aux personnes handicapées. Indéniablement, son action a porté ses fruits en permettant la mise en place de normes d'accessibilité, des aides financières et humaines et des structures de soutien aux enfants et adultes handicapés, dans leur vie courante, à l'école, au travail ou dans des établissements spécialisés. Il a également apporté une assistance aux associations.

Cependant, les lois de décentralisation ont, à partir du 1er janvier 1984, confié aux collectivités locales, et tout particulièrement au département, des missions primordiales en matière de soutien aux personnes handicapées par le transfert de compétences étatiques en matière d'action sociale et médico-sociale.

Depuis vingt ans, les conseils généraux et leurs présidents ont ainsi su développer, dans la limite de leurs moyens, des politiques actives, novatrices et proches des besoins des personnes handicapées. En 1999, avant la réforme de la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées, les dépenses d'action sociale des départements représentaient 54 % de leurs budgets de fonctionnement alors qu'elles mobilisaient seulement 48 % de leurs crédits de fonctionnement en 1984. Le département apparaît en effet comme l'échelon le mieux adapté pour la gestion de la perte d'autonomie qui exige une connaissance des besoins courants des demandeurs, qui ne peut être acquise que par la proximité, et une réponse adaptée à l'environnement de l'allocataire.

L'avis budgétaire présente les principales mesures de décentralisation intervenues depuis 2001. Les principes de gestion décentralisée des personnes âgées doivent pouvoir inspirer la politique en faveur des personnes handicapées car, en matière de personnes handicapées, l'action du département reste encore en retrait par rapport à la place conservée par l'Etat et surtout la sécurité sociale.

Le vote en seconde lecture du projet de loi sur les personnes handicapées a permis au gouvernement de faire adopter une dizaine d'articles additionnels mettant en place une nouvelle organisation des structures de soutien aux personnes handicapées. Ce dispositif confie une mission de gestion de proximité au département sous la direction du président de son conseil général : il élaborera avec les personnes handicapées leur projet de vie, définira leurs besoins, attribuera les aides directes aux personnes, coordonnera les établissements et services à destination des personnes handicapées hors ceux dont la tarification est établie par l'Etat. Le département disposera à cette fin de deux instances nouvelles : la maison départementale du handicap et la commission des droits et de l'autonomie, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) étant dissoutes. Le département recevra les dotations de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie CNSA).

Par ailleurs, le préfet de région aura la responsabilité de la programmation financière des créations de places dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux destinés aux personnes handicapées, au moyen d'un « programme interdépartemental de prise en charge des handicaps et de la perte d'autonomie ».

Enfin, la CNSA assurera, au nom de l'Etat, mais avec la participation de tous les acteurs du secteur, et notamment les associations, la coordination nationale des moyens mobilisés sur le territoire en faveur des personnes handicapées. La caisse traduira en dotations régionales limitatives l'objectif annuel de dépenses d'assurance maladie des établissements des services sociaux et médico-sociaux de sécurité sociale et des établissements de santé dispensant des soins de longue durée et hébergeant des personnes dépendantes, cet objectif étant fixé par le Gouvernement en fonction du vote du Parlement en loi de financement de la sécurité sociale. Elle sera donc la garante de l'unité de la politique en faveur des personnes handicapées et de l'égalité de traitement financier des territoires.

Plus précisément, les missions de la CNSA consisteront notamment à :

- fournir les moyens financiers aux départements pour verser l'AAH et la prestation de compensation ;

- répartir entre les régions et les départements l'enveloppe des crédits de l'assurance maladie résultant de l'ONDAM médico-social qui sont destinés aux personnes âgées et aux personnes handicapées ainsi que le produit de la contribution de la journée de solidarité, les préfets de région étant chargés de répartir les crédits entre les conseils généraux et les directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) ;

- expertiser les grilles et barèmes des handicaps et dépendances et évaluer les besoins individuels ; à cette fin, la CNSA sera dotée d'un conseil scientifique qui mènera des recherches.

Le gouvernement n'a donc pas, pour l'heure, retenu la proposition de MM. Briet et Jamet de confier au département la maîtrise de la tarification des établissements et des services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées, quand bien même le financement de ces établissements par l'Etat et la branche maladie de la sécurité sociale aurait subsisté, le département pouvant bénéficier d'un transfert de gestion.

Le processus de décentralisation paraît donc inachevé. Le département devrait pouvoir maîtriser complètement les prestations fournies par les établissements et services pour personnes âgées dépendantes (établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, services de soins infirmiers à domicile), pour enfants handicapés (services de soins et d'éducation spéciale à domicile, instituts médico-éducatifs, instituts de rééducation) et pour adultes handicapés (foyers d'accueil médicalisé, maisons d'accueil spécialisées, centres d'aide par le travail). Il s'agirait d'un ensemble cohérent.

Les pouvoirs de planification du préfet de région, proposés par le gouvernement afin de garantir l'égalité des territoires, peuvent se révéler inutiles à l'expérience, l'équilibre entre les départements se faisant mécaniquement par le relèvement des investissements des conseils généraux des départements les plus en retard et par une péréquation budgétaire par la CNSA.

En conclusion, la rapporteure pour avis a proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2005.

Plusieurs commissaires sont intervenus après l'exposé de la rapporteure pour avis.

Après avoir relevé que le rapport présenté par Mme Geneviève Levy contenait des points positifs, Mme Martine Carillon-Couvreur a fait les remarques suivantes :

- En dépit de l'augmentation du nombre de places dans les établissements médico-sociaux accueillant des personnes handicapées annoncée par le gouvernement, ceux-ci continuent de rencontrer des difficultés. Il semble bien en effet que la politique du gouvernement consiste plus en un redéploiement des places existantes que dans une véritable création de places, notamment pour les enfants lourdement handicapés. De la même façon, l'augmentation du nombre de places dans des centres adaptés pour les adultes handicapés doit faire l'objet des garanties nécessaires, d'autant plus que certaines personnes - adultes handicapés âgés, autistes, polyhandicapés - n'ont pas d'autre choix, étant donné leur handicap, que de vivre dans de telles structures.

- Il n'existe à ce jour aucune certitude quant à la mise en place des maisons départementales du handicap. Les COTOREP et les commissions départementales de l'éducation spéciale attendent des moyens supplémentaires pour pouvoir organiser l'accueil, l'évaluation et l'orientation des personnes handicapées dans de bonnes conditions.

- Il serait opportun de réactiver les schémas départementaux qui, par le passé, ont permis d'évaluer les besoins des structures à destination des personnes handicapés et ont ainsi facilité une meilleure répartition des places sur le territoire. Aujourd'hui, ces schémas sont en panne et les projets sont dans l'attente. Les associations de personnes handicapées attendent des éclaircissements sur ce point.

- L'intégration scolaire des enfants handicapés fait certes l'objet d'un affichage d'une volonté politique mais, sur le terrain, les emplois jeunes qui assuraient cette mission n'ont pas tous été remplacés.

M. Jean-François Chossy a approuvé le travail effectué par la rapporteure pour avis : l'avis budgétaire présenté est très argumenté et les propositions qui y sont formulées vont dans le sens d'un progrès pour les personnes handicapées. Plus généralement, on constate que la politique en faveur des personnes handicapées s'oriente autour de trois dates qui, toutes, portent la marque du Président de la République, M. Jacques Chirac : 1975, 1987 et, bientôt, 2005. Trois interrogations subsistent néanmoins :

- Où en est le financement de l'accueil temporaire des personnes handicapées dont il n'est pas fait mention dans le rapport ?

- L'annonce de la création de 40 000 places supplémentaires dans les structures d'accueil des personnes handicapées dans les cinq années à venir tient-elle compte des besoins nés du rapatriement des Français handicapés actuellement hébergés dans des centres belges sur des fonds publics français ?

- Si la revalorisation de l'AAH ne parviendra sans doute jamais à ce que l'allocation atteigne le montant du SMIC, quelle dépense budgétaire représente la proposition, très constructive, de revalorisation présentée par la rapporteure pour avis en faveur des personnes handicapées dans l'incapacité de travailler et des bénéficiaires du « reste à vivre » ?

Mme Paulette Guinchard-Kunstler s'est étonné que le rapport ne mentionne pas la crise de l'emploi et surtout de la formation dans les établissements accueillant des personnes handicapées alors même qu'il présente bien les problèmes de financement des dépenses en personnel. Un rapport récent du Conseil économique et social sur la formation des personnels des établissements médico-sociaux montre en effet que ces établissements sont victimes soit d'une baisse de leurs effectifs, soit d'une baisse de la qualité de leurs personnels liée au développement du recrutement de ceux que l'on nomme des « faisant fonction », deux éléments qui contribuent à rendre peu attractifs les métiers de la prise en charge des personnes handicapées. Il conviendrait que la commission mette l'accent sur cette situation de déficit de formation des personnels. Le schéma national établi il y a cinq ans constitue d'ailleurs un excellent dispositif qu'il conviendrait de réactiver.

Par ailleurs, la revalorisation de l'AAH doit être poursuivie et l'analyse de la rapporteure est pertinente. Les parlementaires sont désormais confrontés à une obligation de résultat.

Enfin, si la prestation de compensation constitue indéniablement une bonne mesure, son financement est mal assuré, d'autant plus qu'aucune évaluation des besoins n'a réellement été menée.

Alors que vient de se tenir le 9 octobre dernier la journée nationale du handicap, M. Bernard Perrut a tenu à rappeler les quatre principales attentes formulées par les associations de personnes handicapées : l'égalité de traitement entre les valides et les personnes handicapées ; l'existence d'un droit à compensation dont il importe de mieux préciser le contenu ; l'accessibilité généralisée, notamment pour la scolarisation des enfants handicapés ; la mise en place de maisons départementales du handicap dont il faudrait rapidement définir le statut.

Aux différents intervenants, la rapporteure pour avis a apporté les éléments de réponse suivants :

- Le gouvernement s'est engagé à publier avant la fin du mois de juin 2005 les décrets d'application de la loi en cours d'adoption, dont celui concernant l'organisation des maisons départementales du handicap.

- L'accueil temporaire des personnes handicapées, le sort des personnes handicapées actuellement hébergées en Belgique et la revalorisation de l'AAH sont en effet des préoccupations majeures pour les personnes handicapées et pour la majorité qu'il convient de relayer au mieux auprès du gouvernement.

- Sur la question du financement de la prestation de compensation, la représentation nationale dispose, à ce jour, de peu d'informations. Toutefois, il est d'ores et déjà acté que 635 millions d'euros provenant des recettes tirées de la suppression d'un jour férié affectés à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie viendront abonder ce financement. En revanche, aucune étude chiffrant les besoins n'a été présentée à la rapporteure pour avis.

Suivant l'avis de la rapporteure pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des personnes handicapées pour 2005.

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