COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 32

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 16 mars 2005
(Séance de  9 heures 30)

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président

SOMMAIRE

 

pages

- Audition, ouverte à la presse, de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur la proposition de protocole portant sur l'emploi dans le spectacle vivant, l'audiovisuel et le cinéma



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- Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, sur sa proposition de protocole portant sur l'emploi dans le spectacle vivant, l'audiovisuel et le cinéma.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la mission d'information sur les métiers artistiques créée par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a rendu ses conclusions en décembre 2004. Elle a apporté une contribution importante à la réflexion commune sur le problème général de l'emploi artistique et de la création culturelle, dans lequel s'inscrit le problème spécifique de l'assurance chômage des intermittents du spectacle. Les travaux de la mission ont conduit son rapporteur à la conclusion qu'il faut à la fois :

- maintenir un soutien financier public au secteur ;

- maintenir le régime social des intermittents, mais en tentant de résorber une partie du déficit - ce qui ne semble pas le cas actuellement - et en ramenant le système à sa vocation première ;

- maintenir ce régime dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.

La mission suggérait surtout une renégociation rapide de l'accord de juin 2003, sans attendre l'échéance de la fin de l'année 2005.

Dans ces conditions, la commission se réjouit de faire aujourd'hui le point sur cette question sensible avec le ministre, qui a publié la semaine dernière un projet de protocole d'accord sur l'emploi dans le spectacle traitant non seulement de l'indemnisation du chômage, mais également des conventions collectives et des financements publics, qui doivent être davantage liés à une politique d'emploi exemplaire.

Il convient en effet que les partenaires sociaux, les parlementaires, l'Etat et les collectivités locales se mettent autour d'une table et renouent le dialogue rapidement. L'enjeu économique est considérable : le spectacle vivant, le cinéma et l'audiovisuel représentent 300 000 actifs et un chiffre d'affaires annuel de 22  milliards, soit presque autant que toute l'industrie automobile. S'ajoutent au poids économique de ce secteur ses effets induits sur l'activité et l'emploi dans d'autres activités, tels le tourisme ou l'hôtellerie, et sa contribution fondamentale au maintien du lien social et au rayonnement extérieur de la France.

Aussi est-il souhaitable que le ministre éclaire la commission non seulement sur ce projet de protocole mais également sur l'articulation de l'ensemble des réformes relatives au statut de l'intermittence.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, s'est déclaré d'autant plus heureux de s'adresser à la commission qu'il est persuadé que le soutien au cinéma, à l'audiovisuel et au spectacle vivant repose sur la mobilisation de l'ensemble des partenaires, et que la participation en nombre des sénateurs et des députés aux débats organisés sur ce thème a marqué le soutien de la représentation nationale à ce secteur si important.

La dynamique engagée depuis quelques mois vise aussi à soutenir l'emploi et à défendre la spécificité des artistes et des techniciens, tout en montrant clairement à l'ensemble des Français que la prise en compte de cette spécificité est fondée. C'est pourquoi, ne souhaitant pas être le ministre des suppléments d'âmes mais celui du rayonnement de la France, il s'est attaché à rompre avec l'image de marginalité de l'activité culturelle et artistique.

Comme y invitait le rapport Guillot, la question de l'indemnisation du chômage n'a pas uniquement été traitée mais, plus globalement, celle du soutien à l'emploi dans l'ensemble du secteur. L'action gouvernementale a été grandement facilitée par les décisions prises par le législateur : crédit d'impôt pour le cinéma, qui a créé 1500 emplois, puis pour l'audiovisuel, qui devrait en créer autant ; nouvelle articulation des crédits du fonds de soutien avec ceux des régions. De même, l'octroi de crédits supplémentaires à l'audiovisuel public a permis un soutien direct à l'activité artistique, avec, en particulier, la brillante programmation de France 4 et le redémarrage de Taratata.

L'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises publiques et privées sont tous employeurs d'intermittents. Chacun doit donc balayer devant sa porte et réaliser que sa politique de soutien financier n'a jusqu'ici pas suffisamment tenu compte des conditions effectives d'emploi. C'est un objectif difficile à atteindre : on ne change pas en un jour des pratiques quasi générales, mais il est indispensable que les emplois permanents fassent l'objet de contrats à durée indéterminée (CDI) ou de contrats à durée déterminée (CDD) de durée appropriée.

Mais un certain nombre de formes d'expression culturelle et artistique auxquelles les Français sont attachés, comme le court-métrage ou la diffusion musicale dans de petits lieux, ne peuvent vivre sans l'intermittence.

L'objectif du nouveau protocole, qui peut bien sûr être amendé, est donc de clarifier les responsabilités et les engagements de chacun et de traiter l'ensemble des questions d'emploi, car il serait vain de ne s'attaquer qu'à l'assurance chômage. Or, si le financement de l'indemnisation du chômage repose sur l'union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC), la politique de soutien à l'emploi relève de la responsabilité de l'Etat et des collectivités territoriales. C'est pourquoi ce projet de protocole fait l'objet de discussions non seulement avec les organisations professionnelles du secteur, mais aussi avec les représentants des collectivités. Il convient de rappeler que l'objectif n'est pas de faire financer l'assurance chômage par les collectivités, comme certains le craignent.

En 2004 et 2005, l'Etat a su prendre ses responsabilités pour réparer les conséquences injustes du protocole de 2003, et 2300 personnes ont ainsi été réintégrées dans leurs droits. C'est beaucoup et on voit là qu'il ne s'agit pas de charité mais d'une vraie politique. Qui plus est, à force d'insister sur les 507 heures en 12 mois, on en a fait une véritable indication pour les partenaires sociaux en vue de la renégociation de la convention d'assurance chômage. De même, ils sauront sans doute se souvenir de la revendication de réintégration des congés maladie.

Par ailleurs, alors que, dans le débat en cours sur l'éducation artistique, on fait à la majorité le mauvais procès d'avoir déclaré la guerre à l'intelligence, le gouvernement a montré l'importance qu'il accorde à la formation des plus jeunes et à l'apprentissage des nouveaux publics avec le passage, dans le fonds de transition, de 55 à 120 pour les artistes et de zéro à 120 pour les techniciens du nombre d'heures d'enseignement et de formation éligibles dans les 507 heures. Ces mesures importantes commencent à produire leurs effets en permettant des réintégrations. Le ministre a toutefois constaté lui-même, en se rendant à l'antenne spécialisée des associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) de Paris Xe, qu'en marge de l'application du protocole, un certain nombre de dysfonctionnements étaient dus moins à une mauvaise information des personnels qu'à des problèmes de codification et d'informatique. Ainsi, une ingénieure du son travaillant bien au-delà des 507 heures a été radiée uniquement parce que le code de sa fonction était erroné. Il faut remédier à cela, car les gens ne comprennent pas que de vrais professionnels soient exclus du dispositif d'indemnisation.

Il faut également que les mesures favorables à l'emploi soient intégrées dans les critères de financement et de commande publique. L'Etat donne l'exemple, puisque, dans le budget 2005, 18 millions d'euros sont affectés exclusivement à la politique de l'emploi, afin notamment de modifier un certain nombre de contrats et de faire en sorte que les compagnies et les centres nationaux se tournent davantage vers l'emploi permanent. Chacun peut désormais avoir connaissance de la structure de l'emploi dans chaque institution culturelle, ce qui permet de s'apercevoir que des pratiques inacceptables perdurent et que des efforts importants restent à faire... De ce point de vue, on peut aussi entendre l'argument selon lequel l'UNEDIC n'a pas à financer l'intégralité de la politique culturelle du pays.

En insistant sur l'évolution des comportements vis-à-vis de l'emploi, le gouvernement ne se contente pas de lancer des incantations. Ainsi, en un an, France Télévisions a réduit de 7 % le nombre de ses intermittents. Le rapport qui sera remis à ce propos au Conseil national des professions du spectacle (CNPS) du 29 mars sera bien évidemment adressé à chaque membre de la commission.

Un point sera aussi fait lors de cette réunion du CNPS sur la question des conventions collectives. Les partenaires sociaux se sont déjà mis autour de la table à ce propos. Il est très important que le périmètre des entreprises et des métiers concernés par les annexes 8 et 10 soit incontestable au moment où s'engagera, au cours de cette année, la renégociation de la convention d'assurance chômage pour l'ensemble des métiers. A défaut, on peut être certain que ceux qui veulent remettre en cause ces annexes alimenteraient la chaudière médiatique avec un certain nombre de situations aberrantes. Défendre vraiment artistes et techniciens suppose donc de défendre un périmètre clairement délimité et de dénoncer les abus. C'est bien pourquoi les ministres de la culture, de la cohésion sociale et des relations professionnelles ont donné une certaine publicité aux 1500 contrôles effectués récemment. Il faut en effet que ce secteur soit exemplaire. D'ailleurs, les chiffres de l'UNEDIC montrent que de plus en plus d'entreprises modifient leur comportement, même si beaucoup de progrès restent à faire. Bien sûr, les contrôles ne doivent pas viser en priorité les secteurs les plus fragiles comme le court-métrage.

Il ne faut pas hésiter à mettre aussi sur la table les questions qui fâchent comme les relations entre amateurs et professionnels : on doit encourager la pratique des premiers sans nuire à l'activité des seconds. Dans le même esprit, il convient de traiter du statut des figurants.

Un certain nombre d'initiatives ont été prises pour s'attaquer à ce véritable serpent de mer qu'étaient l'interconnexion et la communication des fichiers. Les décrets que l'on attendait depuis des années pour rendre les contrôles effectifs ont enfin été pris et on peut espérer qu'ils seront suivis de résultats. Si des mesures législatives sont nécessaires, elles seront soumises au Parlement.

Chacun doit aussi avoir des réflexes nouveaux. Désormais, lors de chaque déplacement, le ministre dispose des informations sur la structure d'emploi dans chaque institution culturelle et sur le coût de la transformation des emplois précaires en emplois permanents. Il faut que ce réflexe soit aussi celui des collectivités territoriales, qui assurent une part prédominante du financement du spectacle vivant. Les organisations syndicales actuellement reçues dans le cadre de la préparation du protocole apportent d'ailleurs des témoignages édifiants sur les pratiques des collectivités en matière d'emploi. C'est aussi l'évolution des comportements qui aura des effets concrets sur la situation des artistes et des techniciens.

Il en est de même des politiques d'emploi et de formation. S'agissant de l'entrée progressive des jeunes dans ces métiers, les dispositions globales en faveur de l'insertion des jeunes doivent être utilisées dans ce secteur.

En ce qui concerne enfin l'assurance chômage des artistes et techniciens, les responsabilités doivent être clairement établies entre les différents signataires et il devra apparaître clairement que le financement de l'indemnisation repose sur les partenaires sociaux, à l'exclusion des collectivités territoriales, peut-être en mentionnant le rôle que l'Etat devra assumer. Ce protocole n'est en rien une manœuvre dilatoire, il s'inspire des orientations annoncées au CNPS de décembre. Le gouvernement n'est pas resté les bras croisés : le fonds de transition est en vigueur et il donne des résultats. Etat, collectivités et partenaires sociaux, chacun doit donc prendre ses responsabilités et une réouverture rapide des négociations sur les futures annexes 8 et 10 est souhaitable.

Par ailleurs, alors que les 507 heures en 12 mois semblent faire à peu près l'unanimité, la mesure n'est pas reprise dans la proposition de loi qui a été déposée. D'autres questions sont posées : plafonnement, durée de service des prestations. Même s'il était un jour contraint de déposer un projet de loi, le gouvernement serait obligé de commencer par discuter avec les partenaires sociaux, tout simplement parce que ces questions ne peuvent être réglées uniquement dans un cabinet ministériel.

Il faut réfléchir à la façon de préparer la négociation interprofessionnelle. Les organisations professionnelles du secteur peuvent proposer des pistes de travail. Il est très important de faire comprendre aux Français que l'indemnisation du chômage des artistes et des techniciens doit continuer à relever de la solidarité interprofessionnelle car beaucoup parmi les partenaires sociaux guettent une faute du ministre de la culture pour constater que, s'il définit lui-même les critères, c'est aussi à lui que doit incomber le financement. Or la spécificité des annexes 8 et 9 doit être absolument maintenue dans la renégociation globale de l'assurance chômage. Pour autant, faire confiance aux partenaires sociaux ne signifie pas que l'Etat, qui a pris un grand nombre d'engagements avec le fonds provisoire puis avec le fonds de transition, ne sera pas extrêmement vigilant au moment de l'agrément. S'il faut prolonger son intervention aux côtés des partenaires sociaux pour arriver à un système pérenne, cela ne doit pas être exclu, mais il faut que les partenaires tranchent eux-mêmes.

En conclusion, le ministre a rappelé que, conscient qu'il n'est pas facile de faire évoluer les pratiques, il n'a pris que des engagements qu'il était certain de pouvoir tenir ; ainsi, il avait annoncé en 2004 qu'il n'y aurait pas de période de non-droit à partir du 1er janvier 2005, mais qu'il n'était pas certain que les partenaires sociaux acceptent de renégocier avant la fin de 2004. Dans le même esprit, il sera amené, le 29 mars devant le CNPS, en fonction des positions de chacun, à prendre des engagements pour 2006 car il n'est pas souhaitable que de mauvaises interprétations circulent parmi les artistes et les techniciens. Le gouvernement a la volonté de bâtir un système définitif d'indemnisation du chômage et, au-delà, de soutien à l'emploi et souhaite arriver au CNPS du 29 mars avec une version nourrie des recommandations des uns et des autres, afin que ce document soit soumis officiellement mi-avril à la signature des organisations professionnelles, des partenaires sociaux et des représentants des collectivités territoriales. Les nombreuses dispositions ne produiront leurs effets que si elles sont soutenues par tous.

Plusieurs députés sont intervenus après l'exposé du ministre.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre d'avoir présenté clairement les grandes lignes du projet de protocole et d'avoir laissé la porte ouverte à des améliorations que ne manqueront pas de lui proposer les membres de la commission, qui se sont beaucoup intéressés à ces questions.

M. Jean-Pierre Brard a observé que le ministre n'a pas évoqué le comité de suivi qui réunit des représentants des quatre groupes de l'Assemblée nationale et des groupes du Sénat ainsi que des principales organisations concernées. On sait toutefois qu'il a accepté de travailler avec ce groupe qui a veillé à préserver un certain consensus autour de la sauvegarde de l'emploi, du foisonnement culturel et de la création.

Le ministre a dit souhaiter une réouverture rapide des négociations ; il a assuré que le protocole n'était pas une manœuvre dilatoire et qu'il n'hésiterait pas à prendre des initiatives législatives. Pour sa part, c'est dans le souci de laisser du temps au dialogue que le comité de suivi est parvenu à laisser de côté une proposition intempestive du groupe UDF. Mais il ne faudrait pas que ce temps devienne éternité et on peut donc regretter que le ministre, semblant tétanisé par ce clone d'Ernest Antoine Seillière qu'est M. Denis Gautier-Sauvagnac, n'ait pas osé taper du poing sur la table au CNPS... Ainsi, l'article 14 du projet renvoie à la fin de l'année les négociations sur les annexes 8 et 10 alors qu'il faudrait aller bien plus vite ! En effet, il est dangereux de chercher ainsi à gagner du temps : les festivals s'annoncent, l'ambiance est détestable dans le pays et, avec ce nouveau protocole dilatoire, les conditions sont réunies pour que les choses se passent mal cet été.

Par ailleurs, le ministre avait évoqué l'an dernier en Avignon la perspective d'une loi de programmation pour l'emploi dans le spectacle vivant.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a fait observer à M. Jean-Pierre Brard qu'il devait le confondre avec M. François Hollande et que, pour sa part, quand il prend un engagement, c'est qu'il sait pouvoir le tenir. Le gouvernement a simplement décidé de soutenir l'activité artistique par des mesures et par un plan pour l'emploi. Ces mesures sont entrées en vigueur et si chaque collectivité importante engageait également 18 millions d'euros, on ferait à coup sûr d'importants progrès.

M. Jean-Pierre Brard a répondu qu'on progresserait plus encore si on faisait moins de cadeaux fiscaux aux plus aisés.

M. Frédéric Dutoit a souligné que le débat est ouvert sur la question de l'emploi comme sur celles de la convention collective et du périmètre. En revanche, on a le sentiment que, depuis le 6 juin 2003, les dispositifs provisoires se succèdent mais que, sur le fond, rien n'a bougé et qu'on n'a toujours aucune garantie sur la préservation des annexes 8 et 10. Le ministre a souhaité que les partenaires sociaux reprennent les négociations. Le comité de suivi a proposé de les y aider en empruntant la voie législative, non pour les soustraire au financement de l'intermittence, mais pour préserver le régime spécifique d'indemnisation. Comment faire aujourd'hui pour amener les partenaires à respecter une politique conforme à l'intérêt général ?

Par ailleurs, sur la question connexe de l'accès au fonds de soutien pour le cinéma, le ministre a déclaré en novembre dernier qu'il serait possible de modifier les règles pour qu'un financement extracommunautaire ne fasse plus obstacle à ce qu'un film soit éligible. Or les producteurs et les professionnels souhaitent qu'une étude d'impact approfondie soit menée avant toute décision qui pourrait remettre en cause la diversité culturelle.

M. Dominique Richard a rappelé que depuis deux ans tous ceux qui s'intéressent à cette question sont confrontés à la difficulté de combiner la volonté de laisser se poursuivre le dialogue entre partenaires sociaux et celle de garantir que l'indemnisation du chômage dans ce secteur continue à relever de la solidarité interprofessionnelle. Faute d'un accord entre les négociateurs de l'UNEDIC, le protocole proposé par le ministre présente l'intérêt d'aller au-delà de cette question d'indemnisation et de susciter une réflexion globale sur l'emploi culturel et artistique. Cette démarche pragmatique permet aussi à chacun des intervenants d'être entendu et de maintenir les droits, en 2005 comme en 2004. Il serait toutefois utile de rassurer le secteur quant à la valeur juridique contraignante du protocole et à la possibilité de l'intégrer ensuite dans le processus de négociation général de l'UNEDIC.

Enfin, sur ce qu'il est convenu d'appeler « l'affaire Jeunet-Warner », il est souhaitable qu'une réelle étude d'impact soit menée avant tout décision définitive.

M. Etienne Pinte a souligné que le protocole du 26 juin 2003 a conduit à un fiasco total, puisque le déficit non seulement ne s'est pas réduit, mais s'est encore aggravé. On peut s'étonner, dans ces conditions, qu'il soit si difficile de convaincre les partenaires sociaux de se mettre tous autour d'une table, ne serait-ce que pour stopper l'hémorragie en attendant la renégociation globale qui doit avoir lieu avant la fin de l'année.

M. Patrick Bloche s'est demandé si le projet de nouveau protocole existerait si un certain nombre de députés n'avaient pas déposé une proposition de loi : son impression est que l'on avance étape par étape, sans stratégie globale, en attendant que les partenaires sociaux daignent renégocier le mauvais protocole qu'ils avaient signé.

Par ailleurs, le discours du ministre semble viser davantage les collectivités locales que les entreprises, alors même qu'un certain nombre d'entre elles se sont engagées dans un louable effort de moralisation. Un terme a été fixé au 15 avril pour la signature du nouveau protocole, mais où en est le dialogue avec les collectivités ? Dans le climat polémique actuel qui entoure les questions de la décentralisation et de la fiscalité locale, on peut douter que les conditions d'une discussion sereine et confiante soient réunies.

Il faut veiller à ne pas diaboliser le recours à la loi, en présentant celui-ci comme une menace : le législateur de 2002 n'avait pas hésité, devant la défaillance des partenaires sociaux, à pérenniser les annexes 8 et 10 et M. François Fillon, lorsqu'il était ministre des affaires sociales et de l'emploi, avait fait passer un amendement tendant au doublement des cotisations. Plus le temps passe, plus les cas d'exclusion se multiplient, au gré de pratiques étranges de certains guichets de l'UNEDIC : la mésaventure arrivée à un cadreur qui se retrouve reversé dans l'annexe 4, malgré vingt-cinq ans d'ancienneté dans le métier, parce que ses contrats ne comportent pas la mention exacte « cadreur vidéo », est loin d'être un cas isolé, au point que l'on est en droit de se demander s'il n'y a pas là une politique délibérée de la part de l'UNEDIC.

Enfin, la demande, faite par MM. Frédéric Dutoit et Dominique Richard, d'une étude d'impact sur les modifications éventuelles des règles d'accès au fonds de soutien pour le cinéma, est tout à fait judicieuse.

M. Dominique Paillé a félicité le ministre d'avoir institué un fonds provisoire puis un fonds de transition, mais jugé urgent de mettre sur pied un système permettant de régler de façon durable la question du périmètre des annexes, et demandé si, en cas d'absence d'accord des partenaires sociaux au 31 décembre 2005, le fonds de transition sera prorogé, pour combien de temps et dans quelles conditions.

Mme Françoise de Panafieu a remercié le ministre d'avoir tenu un langage clair et courageux, qui lui vaut d'être respecté par les professionnels de la culture. Reste que la situation, bien qu'ayant évolué dans le bon sens, n'est pas encore considérée comme satisfaisante ; c'est d'ailleurs ce qui a motivé le dépôt de la proposition de loi que, personnellement, elle n'a pas signée, craignant que les partenaires sociaux ne la ressentent comme une pression inacceptable, de nature à leur faire quitter la table des négociations. En outre, la saison des festivals approche, et avec elle la tentation de la surenchère ; raison de plus pour hâter l'ouverture des négociations, si possible en mai ou juin au plus tard.

M. Pierre-Christophe Baguet a plaidé pour une discussion entre partenaires sociaux sur la proposition de loi relative à la pérennisation du régime d'assurance chômage des intermittents sous l'autorité du ministre, ainsi que pour une étude d'impact sur une éventuelle réforme du fonds de soutien pour le cinéma.

M. Christian Kert a souhaité avoir bien compris que le ministre recherchait une solution permettant de pérenniser le régime spécifique des intermittents. On avait pu craindre que le système n'écarte un grand nombre de gens ; les chiffres rassurants dont il a fait état lors de son audition par la mission d'information sur les métiers artistiques se confirment-ils ? La question essentielle est évidemment celle du périmètre, et les nouvelles propositions devront garantir un meilleur équilibre entre permanents et intermittents, et ce dans la plus grande clarté possible, sans quoi seuls quelques spécialistes se retrouveront dans le maquis des textes.

En réponse aux divers intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- Le comité de suivi est un lieu de discussion nécessaire, et même privilégié, car le monde de la culture et de l'art ne doit plus être tenu en marge du dialogue avec les acteurs économiques et parlementaires : s'il y avait, au sein du mouvement des entreprises de France (MEDEF) entre autres, plus de gens qui suivent de près ces questions, tout serait réglé depuis longtemps ! Quant au CNPS, il est devenu une véritable structure opérationnelle, qui se réunit tous les trois mois, et qui ne manquera certainement pas d'évoquer la proposition de loi déposée par un certain nombre de députés.

- Le gouvernement souhaite remettre les partenaires sociaux autour de la table des négociations avant l'été, et annoncera à cette fin, au CNPS du 29 mars, des engagements précis pour le début de 2006 et une méthode pour y parvenir. Il n'est pas encore possible de chiffrer l'incidence financière de la proposition de loi, s'agissant notamment du passage de 243 jours à un an. De nouvelles expertises sont nécessaires. Par ailleurs, un jalonnement très précis sera établi avant la date butoir du 31 décembre 2005. Mais il n'est pas question que l'Etat se substitue a priori aux partenaires sociaux.

- La difficulté principale tient au fait que certains ont pour objectif de supprimer les annexes 8 et 10, c'est-à-dire de nier la spécificité des métiers de la culture, tandis que d'autres veulent l'étatisation de l'assurance-chômage. Le gouvernement n'entend aller dans aucune de ces deux directions, pour autant il doit se garder de faire d'emblée des propositions trop précises, car il ne manquerait pas de s'entendre dire : « puisque vous décidez de tout, financez donc tout ! ».

- Une question importante est de savoir s'il faut négocier d'abord par secteurs, ou dès le début au niveau interprofessionnel, quitte à ce que ce dernier renvoie la discussion de certains points à des instances techniques. En tout état de cause, la question ne saurait se limiter, chacun en convient d'ailleurs, à celle de l'indemnisation du chômage. La sécurité juridique est une exigence essentielle, car le fonds de transition n'est pas gravé dans le marbre pour l'éternité.

- Le fonds de transition a certes permis de réintégrer un certain nombre de gens, mais il n'est pas envisagé de le reconduire tel quel au cas où l'accord que concluraient les partenaires sociaux ne donnerait pas entière satisfaction. S'il apparaît nécessaire de modifier certains critères pour répondre à des situations non traitées par les partenaires sociaux, le gouvernement appréciera la situation et prendra ses responsabilités le moment venu. Ce qu'il faut en tout état de cause, c'est que la spécificité des annexes 8 et 10 soit confirmée officiellement dans le cadre de la renégociation globale de l'assurance-chômage. Quant au contenu précis des mesures, aux critères d'indemnisation, ce sont des choses qui doivent être discutées cartes sur table, en commençant les négociations le plus tôt possible, en tout cas avant l'été, afin qu'une perspective claire et encourageante soit donnée à toutes les parties. Ni le niveau du budget de la culture, ni les mesures prises en matière de contrôles ou de conventions collectives ne sont de nature à justifier que certains jouent la paralysie.

- Même dans l'hypothèse où les partenaires sociaux n'arriveraient à conclure aucun accord, il ne serait pas question de revenir à l'application du protocole du 26 juin 2003, dont les objectifs affichés n'ont pas été atteints. Le déficit s'est accru de 62 millions d'euros - au lieu, il est vrai, de 130 millions les années précédentes, mais il a tout de même continué de s'accroître -, et 199 millions d'euros ont été encaissés en 2004 pour 1,751 milliards versés. Ces chiffres montrent que, s'il y a eu des gens exclus par le protocole de 2003, une partie a été réintégrée depuis, et qu'un certain nombre de situations individuelles ont été améliorées, notamment chez les techniciens.

- Il n'est pas souhaitable de remettre sur le tapis la question de la carte professionnelle, soulevée par certains. C'est à juste titre, en revanche, que M. Christian Kert a évoqué, dans son rapport, les « permittents », car cela permet de faire le lien avec les nécessaires transformations d'emplois, auxquelles certaines collectivités et entreprises - publiques ou privées - ont commencé de procéder.

- La décentralisation ne doit pas donner lieu à de vains procès d'intention sur un hypothétique désengagement de l'Etat : si une collectivité refuse d'être propriétaire de monuments historiques, elle ne le sera pas contre son gré ! Les relations entre l'Etat et les villes sont d'ailleurs bien moins conflictuelles qu'entre l'Etat et certains départements ou régions. Le ministère est en contact avec l'Association des régions de France, l'Association des départements de France et l'Association des maires de grandes villes de France pour étudier la question des périmètres, en recherchant la synergie plutôt que la polémique.

- les radiations abusives dénoncées par M. Patrick Bloche révèlent un vrai problème, qui n'est pas pour rien dans la désespérance ressentie par certains professionnels dont la spécificité se trouve indûment niée. La nomenclature devra être précisée, et peut-être un guide fourni aux employeurs afin qu'ils remplissent exactement les formulaires. En attendant, la mission confiée à M. Michel Lagrave, et qui a été prolongée, devrait permettre de régulariser les cas individuels signalés

- L'accès au fonds de soutien pour le cinéma est un enjeu considérable. Il ne s'agit pas de réformer à la légère et de prendre le risque de déstabiliser un système d'aides qui a fait ses preuves et que le monde entier envie à la France. C'est pourquoi chacune des associations concernées a été reçue au ministère, et des expertises supplémentaires ont été ordonnées. Il faut attendre, en outre, la décision de justice qui interviendra prochainement - car il ne faut pas oublier que c'est un contentieux qui est à l'origine des menaces qui pèsent sur le système. L'objectif du gouvernement est d'encourager les tournages en France, sans renchérissement du coût ni effets d'aubaine.

Le président Jean-Michel Dubernard a félicité le ministre de s'être exprimé clairement et nettement, sans recourir à la langue de bois, et a estimé que, malgré la complexité et la sensibilité de la matière, sa démarche était comprise par une très large majorité des membres de la commission.

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Informations relatives à la commission

La commission a désigné les membres d'une éventuelle commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école :

Titulaires

Suppléants

M. Jean-Michel Dubernard (UMP)

M. Ghislain Bray (UMP)

M. Frédéric Reiss (UMP)

M. Jean-Pierre Decool (UMP)

M. Bruno Bourg-Broc (UMP)

M. Lionnel Luca (UMP)

M. Guy Geoffroy (UMP)

M. Pierre-André Périssol (UMP)

M. André Schreiner (UMP)

M. Yvan Lachaud (UDF)

Mme Martine David (SOC)

M. Christian Paul (SOC)

M. Yves Durand (SOC)

Non désigné (CR)

Puis la commission a désigné M. Yves Boisseau, rapporteur sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2004-1197 du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et modifiant le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports - n° 1966.


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