COMMISSION des AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 33

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 22 mars 2005
(Séance de  17 heures)

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,
puis de M. Georges Colombier, secrétaire

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs - n° 2100 (M.  Dominique Juillot rapporteur)



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- Examen du projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs (discussion générale) - n° 2100 (M.  Dominique Juillot rapporteur)


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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, sur le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs - n° 2100.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, et a salué la rigueur de sa politique de lutte contre le dopage, objet du projet de loi très attendu qu'il est venu présenter à la commission.

M. Jean-François Lamour, ministre de la jeunesse, des sports et de la vie associative, a indiqué que le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage, présenté en Conseil des ministres le 16 février dernier, vise à améliorer l'efficacité du dispositif en clarifiant les responsabilités des acteurs internationaux et nationaux.

Ce projet tient compte, d'une part, de la nécessaire évaluation de la loi du 23 mars 1999 à la lumière de son application effective depuis six ans et, d'autre part, des évolutions qui se sont produites sur le plan international, notamment le développement de l'Agence mondiale antidopage et la reconnaissance par les fédérations internationales du code mondial antidopage. Les conséquences à tirer de cette évaluation et de ces évolutions ont été examinées dans le cadre d'une concertation engagée dès octobre 2003 auprès des acteurs nationaux et internationaux de la lutte contre le dopage.

Le projet de loi poursuit trois objectifs : le renforcement de la protection sanitaire des sportifs, l'amélioration du cadre juridique de la lutte contre le dopage en France, pour rendre le dispositif français plus efficace, et enfin la mise en conformité de notre législation avec le Code mondial antidopage.

La lutte contre le dopage ne se résume pas à sa dimension disciplinaire, c'est pourquoi le projet réaffirme le rôle premier de l'Etat dans le domaine de la prévention, de la protection de la santé des sportifs et de la mise en œuvre de programmes publics de recherche.

La protection de la santé des sportifs sera mieux assurée. Le projet de loi dispose qu'un renouvellement régulier du certificat médical obligatoire pour la délivrance d'une licence peut être exigé par une fédération en fonction de l'âge du sportif ou de la discipline sportive. De plus, pour certaines disciplines dont la liste sera arrêtée par les ministres en charge des sports et de la santé, ce certificat ne pourra être délivré que dans des conditions particulières. Ainsi, pour certaines disciplines à risque, des examens particuliers et adaptés seront exigés.

S'agissant des sportifs de haut niveau, soumis à l'obligation du suivi longitudinal, la loi prévoit que le médecin chargé de ce suivi pourra établir un certificat de contre-indication à la pratique compétitive qui s'imposera à la fédération sportive concernée. Il pourra ainsi être tiré des conséquences de l'apparition d'anomalies à l'occasion du suivi longitudinal dans un champ purement médical et non disciplinaire.

Les politiques de prévention, d'éducation et de recherche seront à l'avenir engagées et coordonnées par l'Etat. Le ministère en charge des sports en aura le pilotage.

S'agissant du champ disciplinaire l'organisme compétent sera défini par la nature de la compétition ou de la manifestation. Cette nécessaire clarification des compétences est inspirée d'un principe clair : le contrôle de la loyauté des compétitions internationales doit relever des instances internationales qui les organisent afin d'assurer l'équité entre les sportifs de toutes nationalités qui y participent. Le contrôle de la loyauté des compétitions nationales doit relever quant à lui des autorités nationales.

L'ensemble du champ disciplinaire national est confié à une autorité publique indépendante. Ainsi le projet de loi crée, par transformation du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD), une agence indépendante aux compétences étendues et renforcées : l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD). Sa composition est inchangée et son indépendance garantie.

Les compétences de l'AFLD sont renforcées dans son champ d'intervention national. Elle diligente les contrôles antidopage, compétence actuelle du ministère en charge des sports. Elle analyse ou fait analyser les prélèvements ; le Laboratoire national de dépistage du dopage lui est intégré. Elle prononce les sanctions disciplinaires en substitution ou réformation des décisions fédérales nationales. Elle délivre, après avis conforme d'un comité d'experts, pour les compétitions nationales, les autorisations d'usage thérapeutique. Les conditions d'organisation interne de l'agence garantissent l'équité et l'indépendance des procédures de contrôle, d'analyse et de sanction.

L'efficacité des procédures de contrôles inopinés est renforcée par le projet de loi qui prévoit la communication à l'agence par les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, qui font l'objet d'un programme de contrôle ciblé, des informations permettant leur localisation pendant leurs périodes d'entraînement. De même, il est prévu la possibilité de contrôler au domicile les sportifs qui l'acceptent.

Le projet de loi confirme la compétence des fédérations nationales pour prononcer des sanctions disciplinaires, l'AFLD pouvant se substituer à elles en cas d'inaction ou réformer leur décision. L'agence a le pouvoir d'étendre une sanction fédérale aux autres fédérations. Les compétitions internationales relèvent quant à elles de la compétence disciplinaire, en relation avec l'AMA, des fédérations internationales qui les organisent. Cette évolution est rendue possible par l'adoption formelle par ces dernières d'un corps de règles unique : le code mondial antidopage.

Cependant dans un souci de cohérence internationale, le projet de loi facilite la collaboration entre l'agence nationale et les organismes internationaux. Ainsi, l'AFLD peut, à la demande de l'AMA ou des fédérations internationales, effectuer des contrôles pour leur compte à l'occasion de compétitions internationales.

Concernant la liste des produits et procédés dopants interdits élaborée au niveau international depuis 1989, sa transposition en droit interne sera accélérée. Ce projet de loi renforce ainsi l'efficacité de la lutte contre le dopage, il permet une harmonisation et une coopération internationale, condition indispensable de cette efficacité.

Renforcer la lutte contre le dopage est une condition de la sincérité et de la loyauté des épreuves et donc de la préservation des valeurs éthiques du sport, et de la protection de la santé des pratiquants quel que soit leur niveau de pratique.

Après l'exposé du ministre, plusieurs commissaires sont intervenus.

Après avoir souligné le rôle joué par le gouvernement français dans la lutte contre le dopage et l'adoption, par 163 Etats, de la Déclaration de Copenhague en mars 2003, M. Dominique Juillet, rapporteur, a demandé au ministre comment il concevait le rôle du ministère des sports en matière de prévention du dopage, ce qu'il entendait faire pour détendre les relations entre le monde médical et le monde sportif, et s'il pouvait rassurer ceux qui s'inquiètent de la brèche ouverte par les autorisations d'usage thérapeutique de substances interdites, notamment dans leur forme abrégée.

M. Alain Néri s'est félicité du rôle pionnier joué par la France dans la lutte contre le dopage depuis les lois Bambuck de 1989 et Buffet de 1999, observant au passage que de les nombreuses voix qui s'élevaient, à l'époque, pour annoncer que les autres pays ne suivraient pas le mouvement ont été démenties par les faits. Il ne faut pas, cela dit, se voiler la face : si Paris veut accueillir les Jeux olympiques en 2012, cela suppose que les contrôles aient lieu dans des conditions qui agréent à l'Agence mondiale antidopage. Or, face aux progrès incessants de la science, qui permettent aux tricheurs de « se laver le sang », seuls les contrôles inopinés peuvent être de quelque efficacité. Comment y soumettre les athlètes qui s'entraînent à l'étranger ? La récente décision, annoncée par la fédération grecque d'athlétisme, de blanchir Ekaterini Thanou et Kostandinos Kenteris, n'est guère rassurante.

L'autorisation d'usage thérapeutique de substances interdites fait planer la crainte que beaucoup de sportifs ne se fassent délivrer des ordonnances de complaisance : on avait pu s'étonner déjà, aux Jeux olympiques d'Atlanta en 1996, de l'importante proportion d'athlètes asthmatiques traités à la Ventoline ! Il faudra surveiller de très près les conditions de délivrance des autorisations. Mais ne serait-il pas plus sage de considérer qu'en sport comme ailleurs, lorsqu'on est malade, on prend un congé de maladie ?

S'agissant de la pratique amateur, il est certes bienvenu de renforcer le rôle du certificat médical préalable, mais le coût des visites ne pourrait-il être supporté en partie par l'Etat ou la sécurité sociale, lorsqu'il s'avère élevé pour les familles ?

Enfin, le laboratoire de Châtenay-Malabry conservera-t-il son statut de droit public, sous la responsabilité conjointe des ministères de la santé et de la jeunesse et des sports ?

M. Jean-Marie Geveaux a rendu hommage à la détermination du ministre et souligné que le dopage, hélas présent à tous les niveaux de compétition, devait être combattu partout. Au niveau international, on peut craindre que tous les pays, et en particulier la Chine, prochain organisateur des Jeux olympiques d'été, ne jouent pas le jeu au sein de l'Agence mondiale antidopage. Au niveau national, des précisions supplémentaires seraient souhaitables quant à l'organisation concrète de la lutte contre le dopage, et notamment le rôle des directions départementales et régionales de la jeunesse et des sports, en liaison avec les fédérations et les clubs, sur les stades et les lieux d'entraînement. Dans certaines régions, comme les Pays-de-la-Loire, des collectivités ont contribué au financement de plateaux techniques de contrôle ou de procédures de dépistage sur les lieux d'entraînement. Comment s'articuleront ces initiatives locales avec la politique nationale menée par le ministère ?

M. Henri Nayrou a jugé que la nouvelle loi venait opportunément adapter la loi Buffet à l'évolution du monde sportif et à celle des esprits. Mais sera-t-il possible d'amener l'AMA jusque sur les positions de la France ? Et en France même, il convient de préciser la coopération entre l'Agence française de lutte contre le dopage et les services déconcentrés du ministère. La transversalité du contrôle des certificats médicaux sera un outil précieux, mais il faut rappeler que la réforme de l'assurance-maladie exclut en principe du remboursement les visites justifiées par l'obtention de ces certificats. Enfin, on peut se poser la question de l'articulation entre la répression sportive du dopage et sa répression pénale.

Évoquant son expérience en qualité de médecin chargé des contrôles antidopage lors des débuts de ce combat, M. Denis Jacquat a souligné la volonté de certains sportifs et de leur entourage de contourner la réglementation et rappelé qu'il avait insisté, lors de la discussion de la loi Buffet, sur la nécessité d'une action concertée au niveau international, car un sportif peut s'entraîner dans d'autres pays que le sien, et il en est de plus laxiste que d'autres ; la coordination qu'apporte le présent projet est donc bienvenue. S'agissant de l'autorisation d'usage thérapeutique de produits interdits, on peut s'étonner que tant d'asthmatiques soient sportifs de haut niveau ; on peut aussi s'alarmer de certains surdosages, que seuls des contrôles inopinés décèleront.

En réponse aux différents intervenants, le ministre a apporté les précisions suivantes.

Le rapport rédigé pour le CPLD par M. Michel Boyon et M. Marc Samson, devenu depuis président de cet organisme, pointe la dispersion des actions de prévention que celui-ci est précisément chargé de coordonner. L'accent sera donc mis sur cet aspect, ainsi que sur le lancement d'un programme public de recherche, associant notamment l'INSERM, le CNRS et des facultés de médecine comme celle de Montpellier. Une attention particulière sera portée aux pôles Espoirs et aux pôles France au sein des centres d'éducation populaire et de sport (CREPS), ainsi qu'au sport scolaire et aux non-licenciés, notamment dans les clubs dits de fitness, gangrenés par la diffusion de compléments alimentaires dangereux. La lutte contre le trafic de produits dopants sera menée en liaison avec l'Office central de répression des trafics de produits illicites.

- S'agissant des autorisations d'usage thérapeutique, il faut nuancer certains propos soupçonneux sur le nombre d'athlètes ou de rameurs asthmatiques, car l'asthme peut être justement provoqué par un effort intensif et prolongé. En tout état de cause, il appartiendra à une commission d'experts scientifiques de se prononcer, au vu du suivi médical et du suivi longitudinal, sur les demandes présentées. C'est un grand progrès, mais il reste à veiller, lors de la réunion de la commission exécutive de l'AMA le 15 mai 2005, à ce que les AUT simplifiées ne puissent donner lieu à des contournements du Code mondial antidopage.

- Le suivi longitudinal permettra le cas échéant au médecin fédéral d'établir un certificat de contre-indication. Cette formule existe, à titre expérimental, dans le cyclisme, où elle fonctionne très bien. Il sera naturellement possible pour le sportif de faire appel devant un comité d'experts fédéral, avec débat contradictoire. Tous ces points seront précisés par décret.

- L'accueil, évidemment souhaitable, des Jeux olympiques de 2012 à Paris est une question qui n'a rien à voir avec celle des contrôles antidopage, puisque les 163 pays signataires du code mondial antidopage ont convenu que celui-ci s'appliquerait dès février 2006. D'ici là, l'Agence française de lutte contre le dopage sera en place. Les contrôles, il faut le rappeler, ne datent pas de 1999, ni même de 1989, mais de la loi Herzog de 1965, et la loi Buffet de 1999 n'a pas empêché que se produise, en janvier 2004, le scandale Cofidis, dont les protagonistes, on s'en est aperçu à cette occasion, allaient s'entraîner à l'étranger. Notre objectif est de parvenir, en France, à un taux de contrôles inopinés dépassant les 65 %, et j'ai demandé à l'AMA de les renforcer de son côté aussi.

- L'AMA est en train de se doter d'une base de données nommée ADAMS, qui sera opérationnelle au milieu de l'année 2006, et à laquelle les athlètes de haut niveau ont l'obligation d'adresser, par voie électronique, leur emploi du temps détaillé, c'est-à-dire comprenant les compétitions, les entraînements et les lieux de résidence. Dès la deuxième absence à un contrôle inopiné, ils seront considérés comme dopés et encourront deux ans de suspension. Pour l'heure, l'affaire des deux athlètes grecs Ekaterini Thanou et Costas Kenteris n'est pas réglée : le président de l'AMA a qualifié de « cocasse » la décision de leur fédération, et ne manquera sans doute pas de saisir l'agence si elle devait être confirmée par l'IAAF. A l'avenir, des fédérations, voire des pays qui se comporteraient d'une façon inadmissible, pourraient se voir interdits de Jeux olympiques.

- Il n'y a pas lieu de craindre que la Chine refuse d'adopter le code mondial antidopage puisque sa signature du contrat de « ville-hôte » l'a engagée en ce sens. Les médecins du CIO et de l'AMA pourront donc procéder dans ce pays à des prélèvements inopinés.

- Le Laboratoire national de dépistage sera, pour des raisons de cohérence, intégré à l'Agence française de lutte contre le dopage, personne morale de droit public, mais cela ne changera rien au statut des personnels. Il n'a pas vocation à participer aux missions de prévention que l'agence accomplira en coordination avec le ministère chargé des sports, mais à affiner les méthodes de détection de l'EPO, de l'hémoglobine réticulaire ou de l'hormone de croissance.

- Les fédérations seront les principaux partenaires du ministère en matière de prévention, en liaison avec les CROS et les CDOS ainsi qu'avec l'éducation nationale et la MILDT. En les responsabilisant, on donnera plus de lisibilité à leurs actions.

- Les moyens financiers consacrés à la lutte contre le dopage devraient s'élever à 19,33 millions d'euros en 2005 - dont 6,5 millions pour le soutien aux fédérations, 6,5 millions pour le laboratoire, l'AMA et les antennes médicales, 1,25 million pour le CPLD et 5 millions pour les activités de recherche et de prévention des établissements - et à un montant équivalent en 2006, dont 6,7 millions pour l'AFLD et 12,6 millions pour le ministère qui regroupe le soutien aux fédérations, la recherche et la prévention.

M. Henri Nayrou a souhaité que les positions de l'AMA soient tirées vers le haut, c'est-à-dire conformément à la législation française.

Puis le ministre a poursuivi ses réponses aux différents intervenants :

- En 1999, l'AMA a établi une liste de produits interdits durant les compétitions et une liste, plus réduite, de produits interdits hors compétition. Il sera très difficile, malheureusement, de revenir sur cette distinction, mais au moins peut-on espérer obtenir que l'agence étende - comme cela a été le cas pour les Jeux olympiques d'Athènes - les périodes de compétition, où s'applique la liste la plus complète, à la semaine précédant chaque grand rendez-vous, voire à dix ou douze jours dans le cas des Jeux olympiques, et aussi aux deux jours suivant ces périodes.

- Ni le code mondial antidopage ni la loi de 1999 ne font référence à la répression pénale du dopage, que seule l'Italie prévoit, sans toutefois la pratiquer dans les faits. Il ne faut pas mélanger les deux registres, mais il faut faire preuve de la plus grande sévérité avec les fournisseurs de substances illicites.

- La nécessaire coordination entre l'AFLD et les services déconcentrés du ministère sera organisée de manière conventionnelle. Elle passe notamment par la fourniture à l'agence des éléments constitutifs d'une liste des compétitions nationales, permettant de localiser les sportifs de haut niveau.

- Les certificats médicaux seront adaptés au sport pratiqué et à l'âge du pratiquant. Le remboursement des visites par l'assurance maladie se heurte évidemment à un problème de financement, mais il faut savoir que nombre de médecins apportent leur concours bénévole aux clubs locaux pour examiner, l'espace d'une après-midi par exemple, les inscrits. Si besoin est, il est toujours loisible d'avoir recours à la part régionale du FNDS pour la mise en place d'une aide spécifique.

- Les contrôles inopinés sont les seuls à même d'isoler les tricheurs qui disposent dans la pratique de moyens de contourner la loi ; les déclarations dans l'affaire COFIDIS l'ont montré. La constitution de groupes cibles et de la base de données ADAMS sous l'égide de l'AMA permettra d'y remédier.

M. Alain Néri a fait état d'une dérive générale et préoccupante dans les pratiques de recrutement des clubs sportifs, qui tendent à privilégier la morphologie du sujet par rapport à ses qualités techniques. On voit ainsi des responsables s'enquérir, auprès de gamins de onze ans, de leur taille à la naissance et au cours de leur croissance, de celle de leurs parents et grands-parents, pour déceler d'éventuelles potentialités innées. Cette dérive peut également inciter l'entourage de certains jeunes sportifs à avoir recours à des produits prohibés pour améliorer leur capacité physique au lieu de miser sur l'entraînement et l'acquisition des bons gestes. Il s'agit là d'un dévoiement dangereux, pour la santé comme pour l'esprit sportif.

Le ministre a répondu que le suivi longitudinal, qui n'est pas seulement physiologique mais aussi psychologique, aide les jeunes à avoir une pratique sportive équilibrée, et que les pôles Espoirs ne recrutent pas avant douze ans pour éviter, justement, la sélection précoce à outrance que dénonce M. Alain Néri. Si certaines structures sportives créent, souvent d'ailleurs avec l'aide de collectivités territoriales, des « pré-pôles Espoirs » pour les enfants plus jeunes, et si certaines écoles primaires mettent en place des horaires adaptés, le ministère n'y est pour rien ! Cela dit, il faut relativiser l'importance de ce phénomène : l'exemple de Tony Parker, qui ne mesure qu'un mètre quatre-vingt-six, prouve qu'il n'est pas nécessaire d'être immense pour être un très grand basketteur !

M. Georges Colombier, président, a remercié le ministre pour la qualité de ses réponses, appréciée par tous les députés présents.

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Puis la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, a examiné sur le rapport de M. Dominique Juillot, le projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et la protection de la santé des sportifs. - n° 2100

M. Dominique Juillot, rapporteur, a soumis aux commissaires deux pistes pour améliorer le dispositif de prévention contenu dans le projet de loi. Tout d'abord, il conviendrait de réfléchir à un dispositif en faveur des jeunes qui sont en quelque sorte dans « l'antichambre de l'élite » car ils sont particulièrement susceptibles d'être entraînés sur la mauvaise pente du dopage. D'autre part, les fédérations sportives pourraient être incitées à désigner des référents santé-dopage chargés de mener des actions de prévention, d'information et d'incitation à respecter l'éthique auprès des licenciés. Les commissions santé établiraient des comptes rendus de leurs actions, qui seraient soumis à l'assemblée générale des fédérations.

M. Jean-Marie Geveaux a considéré que l'efficacité de la loi dépendra de l'organisation de la prévention sur le terrain. A ce titre, il serait important d'avoir des engagements précis des structures sportives et de connaître exactement les maîtres d'œuvre de la lutte contre le dopage. Les directions départementales du ministère en auront-elles la charge ou bien cela relèvera-t-il des comités régionaux olympiques et sportifs (CROS) ? Faut-il inscrire ces indications dans la loi alors même que ces précisions présentent un caractère largement réglementaire ? Par ailleurs, la désignation d'un référent, qu'il conviendrait plutôt de nommer « référent santé », est une suggestions intéressante.

M. Alain Néri a rappelé que la loi de 1999 avait multiplié les actions de prévention et d'information auprès des sportifs, notamment par les antennes médicales créées à cette occasion qui proposent des consultations anonymes de nature à établir un climat de confiance avec les sportifs. C'est pourquoi il est important de s'appuyer sur ces structures. Par ailleurs, il conviendrait de renforcer les actions d'information auprès des médecins et des enseignants du sport.

Le rapporteur est convenu de l'utilité d'un renforcement des antennes médicales. Il faut en outre motiver les services déconcentrés de la jeunesse et des sports présents sur le terrain en les associant au résultat de la lutte contre le dopage.

M. Alain Néri a fait observer que le ministère des sports avait rencontré quelques difficultés avec l'Ordre des médecins lors de l'élaboration de la loi de 1999 en raison de la protection absolue attachée au secret médical. En effet, le gouvernement avait souhaité que le médecin traitant alerte le médecin de l'antenne médicale en cas de suspicion de dopage, ce à quoi l'Ordre des médecins s'était opposé.

Le rapporteur a relevé qu'une telle procédure existe dans le cadre du suivi longitudinal mais s'est interrogé sur son organisation pratique dans le cadre du sport de masse. Par ailleurs, la désignation d'un référent santé différent de celui de la commission santé s'articulerait mieux avec les exigences d'éthique. Le médecin, voire le kinésithérapeute d'un club, pourrait être ainsi désigné.

M. Alain Néri s'est inquiété de l'éventualité de la désignation d'un kinésithérapeute étant donné les affaires survenues dans le milieu du cyclisme.

Le rapporteur a reconnu que le kinésithérapeute est en effet souvent le confident des sportifs, ce qui ne le prédispose peut-être pas à une telle fonction de référent.

M. Maurice Giro a estimé que si le projet de loi mettait en place un contrôle satisfaisant de l'élite sportive, le sport amateur est passé sous silence. Or, sur le terrain, on observe un développement du dopage parmi les amateurs tant en sport individuel qu'en sport collectif. Les pratiques de dopage subsisteront si l'on ne s'attaque pas au dopage des amateurs. Il serait souhaitable que le projet de loi mette davantage l'accent sur les contrôles inopinés chez les amateurs.

M. Henri Nayrou a jugé que si l'on peut approuver l'utilité de la mise en place d'un référent santé, on peut néanmoins s'inquiéter des propos du ministre relatifs à la délivrance du certificat médical. En effet, si celui-ci peut être délivré un dimanche par une vague connaissance, les fédérations et les clubs n'auront aucune garantie sur la qualité du signataire. Or la prévention et même le contrôle doivent s'opérer jusqu'aux plus bas échelons du sport. Cette question dépasse la sphère du sport pour relever de la santé publique.

M. Jean-Marie Geveaux a constaté que le projet de loi encadre correctement le contrôle des sportifs de haut niveau. Des centres médico-sportifs pilotés par le comité départemental olympique et sportif (CDOS) et financés par la caisse primaire d'assurance maladie et le département pourraient être mis en place au profit des jeunes sportifs amateurs, comme cela se fait dans la Sarthe. Les jeunes ayant passé une sélection en centre de formation sont astreints à deux visites par an dans ces centres. Ils y reçoivent en outre une information sur l'hygiène de vie.

Le rapporteur a fait remarquer que ces centres existent dans beaucoup de départements. Par ailleurs, concernant les certificats médicaux, on peut penser qu'un médecin ne prendra pas le risque de délivrer un certificat à un jeune présentant des symptômes inquiétants.

En outre, si l'on peut envisager l'obligation de passer deux visites médicales par an, le référent santé, qui devra recevoir une formation préalable, aura l'avantage de pouvoir mener une action de prévention basée sur des observations continues.

M. Henri Nayrou s'est inquiété de l'image du sport et de la protection de la santé des sportifs que pourrait entraîner la délivrance de certificats de complaisance. Il a estimé qu'il y a trop de non-dits et de zones d'ombre sur cette question de la délivrance du certificat médical. Il faut savoir quel objectif poursuit la loi : protéger la santé des sportifs de haut niveau ou celle de la grande masse des pratiquants ? Il ne faut pas oublier que le dopage existe à tous les niveaux de compétition à l'instar des révélations liées à l'affaire du pot belge.

Le rapporteur a fait remarquer que le contrôle des compétitions amateur est délicat en raison de leur très grand nombre. C'est notamment le cas des courses à pied sur route qui se développent considérablement à l'heure actuelle. L'Agence française de lutte contre le dopage aura un rôle important pour diligenter les contrôles à tous les niveaux de pratique en liaison avec les fédérations. Il convient cependant de garder à l'esprit le coût exorbitant que représenterait la multiplication des contrôles dans ce type de manifestations, de sorte qu'en ce domaine la prévention demeure l'arme principale.

M. Georges Colombier, président, a conclu en soulignant l'importance des habitudes acquises dès le plus jeune âge en matière d'hygiène sportive. C'est un déterminant fondamental de la réussite de la lutte contre le dopage chez les jeunes.

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