COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 48

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 23 juin 2005
(Séance de 15 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen du projet de loi habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi - n° 2403 (M. Claude Gaillard, rapporteur)



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La commission a examiné, sur le rapport de M. Claude Gaillard, rapporteur , le projet de loi habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi - n° 2403.

M. Claude Gaillard, rapporteur, a commencé son intervention en rappelant le contexte dans lequel intervient la discussion de ce texte. Le 29 mai, en révélant l'ampleur du malaise social, a été un véritable choc psychologique pour la France. Ce malaise social, plus fort qu'à l'accoutumée, est lié à une cause objective, prégnante : la persistance sur la longue durée d'un chômage voisin de 10 %. Ce chômage élevé est-il une fatalité ? Notre modèle social est-il incompatible avec l'emploi ? L'expérience de certains de nos voisins européens, qui partagent à des degrés divers ce modèle social, nous démontre le contraire et prouve que des solutions existent. En dix ans, depuis le milieu des années 1990, le taux de chômage a été divisé par deux, voire par trois, chez certains d'entre eux ; plusieurs affichent aujourd'hui des taux de 4 à 6 %. Ce sont là des motifs d'espérance.

Le projet de loi d'habilitation s'inscrit dans la continuité de l'action gouvernementale entamée par M. Jean-Pierre Raffarin. Les mesures qu'il propose procèdent de la même philosophie - la priorité pour l'emploi - que celles mises en œuvre depuis 2002 : contrat jeune en entreprise, assouplissement des 35 heures, relèvement de 17,5 % du SMIC en trois ans, reconnaissance d'un droit universel pour tous les salariés à la formation continue à travers le droit individuel à la formation (DIF), plan et loi de cohésion sociale, amélioration de l'insertion des personnes handicapées dans l'emploi avec la loi pour l'égalité des chances, plan pour le développement des services à la personne...

Si la continuité de l'action est nécessaire, il faut aussi marquer une rupture dans les esprits, d'où le recours aux ordonnances. Dans une situation de crise, il est important de trouver les moyens d'un déclic psychologique, et vite. D'où la procédure un peu exceptionnelle de l'habilitation.

Quant au choix de recourir à des ordonnances, il faut d'abord rappeler que c'est une procédure très encadrée, la Parlement ne se dessaisit pas de toutes ses prérogatives, le constituant et le Conseil constitutionnel y ont veillé : l'habilitation est donnée pour un délai limité, en l'espèce trois mois, après quoi le Parlement reprend toute sa place en ayant le pouvoir de modifier les ordonnances s'il le veut ; en outre, des projets de loi de ratification doivent être déposés ; enfin, le champ de l'habilitation doit être précis : le juge constitutionnel l'impose et il contrôle le respect des principes constitutionnels par les lois d'habilitation, voire le contenu des ordonnances elles-mêmes dans le cadre de l'examen d'une loi de ratification.

Par ailleurs, force est de constater que la procédure de l'article 38 a été utilisée par de nombreux gouvernements de la Vè République, de tous les bords politiques. A titre d'exemple, durant la législature précédente, 76 ordonnances ont été prises, il est vrai sur des sujets techniques d'adaptation du droit national pour l'outre-mer, de codification ou de transposition de directives communautaires. Mais des réformes politiquement fondamentales ont aussi été conduites par ordonnance : la sécurité sociale, l'âge de la retraite, la durée du travail, le droit de l'intérim, le régime du contrat à durée déterminée... Le recours aux ordonnances fait donc partie intégrante, au même titre que d'autres procédures, des outils légitimes de notre patrimoine législatif et de notre culture politique.

Sur le fond, les dispositions du projet de loi sont essentiellement tournées vers deux priorités : la lutte contre le chômage des jeunes qui a atteint un niveau insupportable et la lutte en faveur de l'emploi des aînés. Elles répondent à une méthode : la volonté de simplifier le droit. L'impératif est de déverrouiller les blocages psychologiques qui conduisent les entrepreneurs à ne pas embaucher mais aussi d'encourager et d'accompagner les efforts de ceux qui reviennent vers l'emploi.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean Le Garrec a déclaré que malgré le respect qu'il lui porte, il ne partage pas l'analyse du rapporteur et se trouve en total désaccord avec les arguments avancés pour justifier le recours aux ordonnances. Toutefois, un point fait consensus : le terrible malaise social que révèlent les résultats du référendum du 29 mai, auxquels il faut ajouter un formidable malaise politique puisque la consultation a mis au jour la coupure existant entre la population et ses représentants.

De ce point de vue, le recours aux ordonnances - bien que prévu par les textes - dans la hâte, l'improvisation, l'hésitation, la contradiction, est une méthode détestable et va à rebours du message délivré par les Français. Au besoin, le Parlement aurait pu siéger quelques jours de plus pour examiner un projet de loi selon la procédure normale, d'autant plus que l'ordre du jour de la session extraordinaire actuellement envisagée semble peu chargé.

En raison du recours à cette méthode détestable, en contradiction avec les attentes des citoyens, le groupe socialiste a décidé de ne pas participer aux travaux de la commission. Et si le groupe a déposé quelques amendements, ceux-ci ont uniquement pour but de tenter de débrouiller les intentions du gouvernement qui, en l'état actuel des informations et du texte du projet de loi, restent assez floues.

Le gouvernement s'attaque pourtant à un problème lourd. La France détient le triste record du plus fort taux d'inactivité chez les jeunes et chez les plus de cinquante ans : difficile de préparer l'avenir du pays lorsque la période moyenne d'activité ne dépasse pas trente ans. De ce point de vue, la politique de l'offre préconisée par le gouvernement n'a pas de sens si elle ne s'inscrit pas dans une véritable réflexion macroéconomique. Les propos tenus par M. Thierry Breton, ministre de l'économie et des finances, sont sur ce point éclairants, lorsqu'il déclare que la France ne travaille pas assez, mais il n'en tire pas les bonnes conséquences : il stigmatise la durée légale du travail lorsque le véritable problème est le nombre de sans-emploi. Autre exemple de cette erreur d'appréciation des politiques publiques, le cadeau fiscal de 1,5 milliard d'euros consenti aux restaurateurs. Dans un premier temps, le président de leur organisation professionnelle a annoncé que cette mesure permettrait de créer plus de 30 000 emplois. Puis, dans une autre intervention, ce chiffre avait fondu à 10 000. Aujourd'hui, il n'est plus question de rien et les évaluations font défaut.

Or, lorsqu'on touche à des problèmes aussi délicats et graves que les droits des salariés, il convient d'être précis, ce qu'à la fois le calendrier - on ne peut plus resserré - et l'absence d'informations sur le contenu des intentions gouvernementales rendent impossible. Il convient en outre de procéder à une concertation qui ne soit pas tronquée. D'ores et déjà le texte contient des imprécisions voire des contradictions. Ainsi, concernant la disposition d'atténuation des effets de seuil, le dispositif paraît viser le seuil des vingt salariés tandis que l'exposé des motifs parle de dix. Où est la réalité ? Toujours à propos des seuils, ne pas décompter les salariés de moins de 26 ans constituerait une discrimination au regard du droit syndical contraire aux règles édictées par le Bureau international du travail (BIT). Quant à la prime de 1000 euros versée aux chômeurs qui retrouveraient un emploi, sous quelles conditions sera-t-elle versée ? Sous quelle forme ? Par qui sera-t-elle financée ? Personne ne le sait. Il s'agit là pourtant de questions essentielles.

De surcroît, pourquoi vouloir absolument mettre en place de nouveaux dispositifs là où certains commençaient à faire leurs preuves. Plutôt que de créer cette prime, ne vaut-il mieux pas reprendre le dispositif dit d'« intéressement » permettant à l'ex-allocataire du RMI ayant trouvé un emploi de conserver une partie de ce revenu, celui-ci allant en s'éteignant dans les mois qui suivent son embauche ? Enfin, le projet de loi contient des mesures de précarisation des salariés inacceptables comme le contrat « nouvelles embauches » de deux ans qui peut être interrompu par l'employeur à tout moment et sans motif, un véritable emploi « kleenex » en somme. Tout cela relève de cette idée absurde qu'il suffirait d'aider financièrement les employeurs pour qu'ils embauchent, même s'il n'y a pas de demande. Cela n'est pas sans rappeler certains propos tenus en 1985 par M. Yvon Gattaz au sujet des « emplois à contrainte améliorée ».

Force est de constater qu'aussi bien sur la forme que sur le fond, le groupe socialiste est en total désaccord avec le gouvernement. L'ensemble de ces sujets aurait nécessité un travail de fond, ainsi qu'une réelle concertation - par exemple dans le cadre du Conseil d'orientation pour l'emploi institué par M. Jean-Pierre Raffarin, et qui semble bien avoir disparu.

Rappelant, pour conclure, qu'il avait anticipé l'échec du lundi de Pentecôte travaillé et que les faits lui ont donné raison puisque cette disposition pourrait bien avoir eu sur la croissance les effets inverses de ceux escomptés, M. Jean Le Garrec a estimé que la majorité serait bien inspirée de tenir compte de ses mises en garde.

Après avoir souligné que la crise, qui s'est à nouveau exprimée dans le vote du 29 mai, ne date pas d'aujourd'hui et regretté qu'elle ne soit pas suivie d'un véritable débat au Parlement, Mme Martine Billard a indiqué qu'elle a l'impression d'assister à la réunion de la commission en spectatrice, étant donné que le projet de loi d'habilitation n'a été mis en distribution que ce matin, ce qui ne lui a pas permis de déposer des amendements.

S'agissant du projet de loi, elle a rappelé que le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME) rêvent depuis des années de faire sauter le seuil des 10 salariés ; s'agissant de cette modification, il faut d'ailleurs noter une certaine ambiguïté du projet entre l'exposé des motifs et le dispositif. Le relèvement de ce seuil à 20 salariés par le gouvernement est un premier pas dangereux, d'autant plus qu'une loi sur le dialogue social a été votée par cette majorité, qui préconise le développement de ce dialogue. Or, sans organisations représentatives, comment dialoguer ? Tous les textes votés par le Parlement depuis trois ans visent à limiter cette représentation des salariés.

S'agissant des aides, il n'a jamais été prouvé qu'elles entraînent des embauches. Par ailleurs, le flou entourant les dispositions prévues par le projet de loi d'habilitation est inquiétant. On a d'abord parlé d'une période d'essai de deux ans. On parle maintenant d'une « période » de deux ans. S'agissant de la rupture du contrat de travail, on évoque un régime indemnitaire spécifique : va-t-il donner accès au revenu minimum d'insertion ou à une prime momentanée ? Les associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC) seront-elles impliquées ? Dans ce dernier cas, un accord des partenaires sociaux gérant l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) est indispensable, mais il peut aussi être remis en cause dans les années qui suivent. En réalité, l'ensemble du dispositif offre assez peu de garanties.

S'agissant des mesures fiscales, les mots employés sont significatifs. L'exposé des motifs oppose activité à assistance. La majorité insinue ainsi que les personnes qui sont au chômage le veulent bien et qu'une « carotte » serait suffisante pour retrouver un emploi : c'est insultant pour tous les chômeurs qui se battent pour revenir dans le monde du travail. En réalité, on va tout simplement accroître le nombre de travailleurs pauvres - ils représentent déjà 25 % des salariés - qui n'auront même plus les moyens financiers de se loger et de s'habiller dignement. Pour que la valeur travail soit réhabilitée, encore faudrait-il que les gens puissent envisager un avenir pour eux-mêmes et leurs enfants.

Le président Dubernard a indiqué que le projet de loi a été mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale hier après-midi, raison pour laquelle le délai de dépôt des amendements a été reporté de 17 à 19 heures.

Après avoir remercié le rapporteur pour la qualité de son intervention, M. Michel Herbillon s'est déclaré surpris des propos de M. Jean Le Garrec. Le début de son analyse est correct : le résultat du référendum traduit bien un malaise social et politique important ; il s'agit même d'une fracture civique grave, qui interpelle tous les élus. Cette coupure entre les citoyens et leurs représentants est particulièrement inquiétante, mais elle n'est pas nouvelle, puisqu'elle s'est déjà exprimée en avril 2002. L'absence de débat démocratique au second tour des élections présidentielles explique sans doute que certaines questions fondamentales n'ont pas été posées.

La suite de l'exposé de M. Le Garrec est plus tendancieuse, notamment quand il explique, tel Saint Jean Bouche d'or, qu'il ne comprend pas vraiment ce que veut faire le gouvernement. Son étonnement semble un peu feint. Ce n'est pas la première fois qu'un gouvernement recourt aux ordonnances en matière de droit du travail - procédé constitutionnellement valide - et parfois les habilitations concernent des sujets beaucoup plus amples. Les socialistes ont utilisé cette méthode en 1982.

S'il n'est pas souhaitable qu'un gouvernement ait recours de manière trop fréquente aux ordonnances, les raisons de ce choix sont clairement exposées dans l'exposé des motifs du projet de loi d'habilitation. L'exposé des motifs est également très clair sur les objectifs poursuivis et il semble étrange que l'opposition ne soit pas en accord avec ces objectifs. Il y a en effet urgence à essayer tout type de solution, car le chômage est un véritable « cancer social », notamment quand il s'agit des jeunes, touchés à plus de 20%. Peut-on leur laisser comme seul espoir le chômage, un emploi précaire ou un stage parking ?

Il est urgent de lever les blocages français. On ne peut pas se contenter de l'explication qu'avait donnée en son temps François Mitterrand : « Nous avons tout essayé et nous n'y arrivons pas ». Il n'y a pas en la matière de fatalisme. Sur ce sujet complexe, peut-être devrait-on mettre en œuvre des idées simples. La Grande-Bretagne a obtenu des résultats remarquables dans son combat contre le chômage, notamment celui des jeunes.

Il y a par ailleurs urgence à envoyer un message fort aux chefs d'entreprise, notamment des très petites entreprises, les blocages paralysant l'initiative dans notre pays.

On ne peut considérer le terme d'assistance comme une insulte. Il ne faut pas caricaturer. La prime de 1 000 euros n'est pas une insulte mais une nécessité, une évidence. Il est normal qu'il y ait une différence de traitement entre un chômeur et un actif salarié, ce n'est ni une grossièreté, ni une incongruité. Il ne s'agit pas de précarisation, mais de simplification et d'assouplissement, de mesures concrètes et pragmatiques, d'un refus du fatalisme de l'acceptation du chômage.

Dans ce cadre, il existe effectivement des différences majeures de valeurs et de conception entre la gauche et la droite en France. Il est dommage que dans notre pays, contrairement aux autres pays européens, les forces politiques n'aient pas réussi à dégager un consensus, en raison de leurs références idéologiques.

M. Dominique Richard a estimé que lors du référendum du 29 mai dernier, les Français ont adressé un message clair aux responsables politiques, à savoir une obligation de résultats sur le front de l'emploi, plutôt qu'une énième « case à palabres », voie sur laquelle l'ensemble des responsables ont eu tendance à s'engager par le passé et qui, aujourd'hui, serait totalement en décalage avec les attentes du peuple français.

En réalité, quelle plus grande injustice en France que celle qui existe entre celui qui se lève le matin pour travailler et celui qui est privé de cette possibilité ? Or, depuis des années et quels que soient les gouvernements, on a pu constater un écart du taux de chômage par rapport aux autres pays européens de l'ordre de deux à trois points en défaveur de la France, ce qui démontre l'échec des recettes traditionnelles pour faire baisser le chômage des jeunes mais également celui des seniors.

On ne saurait enfin jouer les vierges effarouchées quant au recours aux ordonnances par le gouvernement, dès lors que cette procédure a déjà été utilisée plus d'une trentaine de fois sous la Vè république. La priorité aujourd'hui est de s'engager dans de nouvelles voies, celles de l'efficacité et de la réussite, d'autant plus qu'en l'occurrence le champ de l'ordonnance est limitativement défini, à la fois dans son objet et dans le temps.

Après que le président Jean-Michel Dubernard lui a souhaité la bienvenue au sein de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales ainsi qu'à M. Jean-Claude Thomas, Mme Valérie Pecresse a jugé que, dans les circonstances actuelles, l'urgence commande ce projet de loi et que le résultat du référendum du 29 mai n'étant pas anodin, on ne saurait se dispenser d'y apporter une réponse rapide et efficace. L'opposition semble de surcroît bien mal placée pour condamner le recours à une ordonnance sur ce sujet, alors que plus de 17 000 amendements ont été déposés sur le projet de loi relatif à la régulation postale et que des milliers d'autres l'ont également été sur les projets de loi relatifs aux retraites et à l'assurance maladie.

Un point semble cependant avoir été passé sous silence par ce projet de loi, à savoir le problème du travail des femmes, dont un rapport récent sur la pauvreté des enfants a d'ailleurs souligné l'acuité. Dans la dialectique, qui est celle ayant présidé à l'élaboration du plan pour l'emploi annoncé par le Premier ministre, visant à rendre le travail plus incitatif que l'assistance, il conviendrait de mettre en œuvre des mesures spécifiques pour les femmes, en particulier celles qui élèvent seules leurs enfants, afin de prendre en compte le coût particulier pour elles du retour à l'emploi. Dans cette perspective, on pourrait utilement s'inspirer du plan britannique visant à favoriser le retour au travail des femmes seules, qui prévoit un ensemble d'aides, notamment l'accès gratuit aux différents modes de garde des enfants.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé qu'en effet ce point mérite d'être étudié attentivement.

Tout en jugeant préférable de ne pas engager de polémique stérile, M. Jean Le Garrec a cependant souhaité rappeler que la majorité actuelle a su trouver des solutions et des modalités particulières d'organisation du débat parlementaire lorsqu'un nombre important d'amendements a été déposé par l'opposition. Sur le fond, il est important de souligner que la politique mise en œuvre par la précédente majorité a permis de créer plus de deux millions d'emplois et de diminuer le chômage d'un million pendant cinq ans, en bénéficiant certes d'une conjoncture économique plus favorable, mais en prévoyant également les instruments nécessaires pour accompagner au mieux cette croissance. Or le plan annoncé par le Premier ministre ne semble pas s'inscrire dans une vision économique bien définie.

Quant aux distorsions créées lors du passage à l'emploi d'un bénéficiaire du revenu minimum d'insertion (RMI), il faut également rappeler qu'un système d'intéressement a été mis en place par le précédent gouvernement afin de répondre à ce problème. Celui-ci présentait de nombreux avantages, liés notamment au fait que les aides étaient étalées sur une année, ce qui, de fait, a permis l'insertion de ces publics défavorisés. Or, si ce dispositif simple aurait naturellement pu être évalué, voire modifié, l'actuel gouvernement l'a pourtant supprimé et il semble évident que la prime de 1 000 euros proposée par le Premier ministre ne parviendra pas à remédier à cette situation de façon efficace et durable.

Mme Martine Billard a estimé que, sans faire preuve de fatalisme, on peut néanmoins contester les choix économiques opérés par le gouvernement. Ainsi, les exonérations quasi-systématiques de cotisations sociales ont constitué autant de recettes budgétaires qui auraient pu être utilisées plus efficacement en faveur d'autres mesures pour l'emploi, comme par exemple l'aide au développement des énergies durables ou encore la recherche.

La prime de 1 000 euros constitue par ailleurs une fausse bonne idée, dans la mesure où cette aide ponctuelle ne saurait suffire à redonner confiance aux Français, qui ont besoin de garanties plus fermes et durables quant à leur conditions de logement, leurs frais de transport ou encore l'accès aux crèches.

Après avoir souligné que ces débats entre les intentions, bonnes ou mauvaises, et l'efficacité sont de fait inépuisables, puisque chacun peut avoir raison selon son angle d'approche, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

- Le choix d'utiliser la procédure des ordonnances vise à répondre au message très fort adressé le 29 mai dernier, qui est de mettre en œuvre des actions efficaces, après que ce problème de l'emploi a été débattu sans résultat depuis de trop nombreuses années.

- La problématique des petites et très petites entreprises étant très différente de celle des grands groupes, dont les rapports et l'organisation internes sont évidemment mieux structurés, il est nécessaire de mettre en œuvre des solutions nouvelles et adaptées à leurs spécificités afin de créer davantage d'incitations au recrutement et de ne pas décourager la croissance des effectifs.

- Quant à l'aménagement des règles de décompte des effectifs d'une entreprise s'agissant des jeunes employés, on peut s'interroger sur le fait que les mêmes critères sont utilisés pour apprécier le seuil d'effectifs au-delà duquel s'appliquent les règles concernant les conditions d'exercice des droits collectifs (représentation du personnel et syndicale) et celles concernant des dispositions de portée essentiellement financière, alors que ces problématiques sont très différentes. Cela dit, vu la situation de l'emploi des jeunes, on peut penser que toute mesure susceptible de créer des emplois pour eux est bonne à prendre, même si elle affecte les seuils de représentation.

- Quant à la diminution du chômage sous la majorité précédente, il est à souligner que la reprise de sa progression avait de fait commencé la dernière année de la précédente législature, ce qui tend à démontrer que les instruments de la politique économique retenue n'étaient pas en réalité efficaces.

- On ne peut enfin comparer le contrat nouvelles embauches avec l'idée généreuse d'un contrat à durée indéterminée très protecteur, dès lors que l'on sait que plus des trois-quarts des jeunes sont recrutés sous contrat à durée déterminée (CDD). C'est donc avec le CDD, et son caractère précaire, qu'il convient au contraire de comparer les mesures proposées par le gouvernement.

En conclusion, ce projet de loi permettra d'apporter des solutions immédiates et concrètes au problème du chômage, en répondant aux attentes des Français bien plus que ne le ferait la poursuite de débats théoriques sur ce sujet.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que les commissaires sont invités à participer aux différentes auditions organisées par le rapporteur, qui auront lieu le lundi 27 juin prochain.

Puis la commission est passée à l'examen des articles du projet de loi.

Article 1er : Champ de l'habilitation

La commission a adopté l'article 1er sans modification.

Article 2 : Durée de l'habilitation

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Puis, la commission a adopté l'ensemble du projet de loi sans modification.

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