COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 51

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 6 juillet 2005
(Séance de  15 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

ppages

- Audition, ouverte à la presse, de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, sur l'application de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social


2

En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, le rapport de M. Jean-Paul Anciaux sur la mise en application de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, et rappelé que le contrôle par les commissions de la mise en application des textes législatifs, introduit dans le Règlement de l'Assemblée à l'initiative de M. Jean-Luc Warsmann, a le double intérêt de stimuler les cabinets et les services ministériels et d'appeler leur attention sur la nécessité de respecter l'esprit de la loi dans l'exercice du pouvoir réglementaire.

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a souligné que la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social constitue l'un des textes sociaux les plus importants de la législature en cours.

Cette loi est fille du dialogue social, car elle reprend les éléments exigeant une traduction législative de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 sur la formation et de la position commune des partenaires sociaux du 16 juillet 2001 sur la réforme du dialogue social. Elle promeut elle-même le dialogue social en prévoyant l'intervention d'accords collectifs pour la mise en œuvre de nombre de ses mesures et en réformant ses règles de fonctionnement afin de favoriser des négociations responsables et proches du terrain.

L'autre grande question traitée par la loi est celle, selon son intitulé même, de la formation professionnelle tout au long de la vie. A l'heure où l'on cherche à sécuriser les parcours professionnels, à garantir le retour à l'emploi de ceux qui en sont privés, l'enjeu du maintien à niveau et de l'acquisition de nouvelles qualifications tout au long de la vie professionnelle est décisif. En prévoyant un accroissement très important de la contribution des entreprises au financement de la formation professionnelle, en créant un droit individuel à la formation (DIF) supposant une codécision de l'employeur et du salarié et partiellement transférable et en professionnalisant les formations en alternance, la loi du 4 mai 2004 a posé à cet égard des fondations très importantes.

La quasi-totalité des textes réglementaires d'application de la loi a été prise, et ce dans des délais très raisonnables : trois à neuf mois après la publication de la loi. En particulier, il est à noter que les dispositions relatives aux contrats de professionnalisation ont été publiées dans des délais compatibles avec l'entrée en vigueur du dispositif, fixée par la loi au 1er octobre 2004 : il s'agit de deux décrets des 13 septembre et 15 octobre 2004.

Le gouvernement s'est efforcé de mettre en œuvre le principe de transparence de la gestion des organismes collecteurs des fonds de la formation professionnelle : le décret pris à ce titre dispose notamment que ces organismes devront désormais établir et publier la liste des priorités, des critères et des conditions de prise en charge des demandes présentées par les employeurs, ainsi que motiver leurs décisions de refus de prise en charge.

Il faut également saluer l'installation, le 14 avril dernier, du Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, qui comportera une commission des comptes, chargée de produire un rapport annuel sur l'utilisation des fonds de la formation professionnelle et de l'apprentissage, et une commission de l'évaluation, laquelle rendra un rapport triennal.

En ce qui concerne la réforme du dialogue social, peu de textes réglementaires étaient nécessaires. Mais il convient de relever l'effort pédagogique des services du ministère du travail, qui les a conduits à produire le 22 septembre 2004 une circulaire explicative très claire.

Quelques rares mesures n'ont pas ou pas encore fait l'objet des textes réglementaires d'application qu'elles exigent ou semblent exiger. En effet, l'analyse de ces cas montre que, pour diverses raisons et malgré les apparences, il n'y a sans doute pas lieu à disposition réglementaire pour la plupart d'entre eux, et ce pour diverses raisons : telle mesure a été ou va être modifiée par une autre loi, telle autre relève surtout de la déclaration de principe et n'appelle pas réellement d'application réglementaire, même si un décret est formellement prévu... Toutefois, s'agissant toutefois du chèque formation pour le paiement du DIF, on est en droit de se demander pourquoi le décret d'application n'est pas paru.

Conformément à l'esprit général de la loi, nombre de ses dispositions renvoient au dialogue social. Un an après sa publication de la loi, de nombreux accords, notamment de branche, ont déjà été conclus par les partenaires sociaux. Les données recueillies font apparaître :

- une mobilisation plus forte des partenaires sociaux sur les mesures de réforme de la formation professionnelle que sur celles relatives à l'organisation du dialogue social, les « accords de méthode » restant en nombre limité, alors que plus de cent branches ont contracté sur le droit individuel à la formation et plus encore sur les contrats de professionnalisation ;

- le rôle particulier des branches des services et de l'artisanat, qui ont souvent décidé d'aller au-delà des obligations légales. S'agissant par exemple du DIF, une vingtaine de branches ont prévu une accumulation de droits dépassant les vingt heures annuelles fixées par la loi. De même, pour ce qui est de l'effort de formation des entreprises de moins de dix salariés, certaines branches vont au-delà du 0,55 % légal : 0,6 % pour les métreurs vérificateurs ; 0,65 % dans l'artisanat et la coiffure ; 0,77 % chez les avocats...

En ce qui concerne le DIF, le débat parlementaire avait été assez serré sur plusieurs questions sensibles, où le législateur était tenu par les choix des partenaires sociaux signataires de l'accord du 20 septembre 2003, choix parfois sciemment ambigus, incertains, insatisfaisants. Il s'agit notamment de la transférabilité, des droits au DIF des salariés en CDD, intérim ou temps partiel, des rôles respectifs de l'employeur et du salarié dans l'accès au dispositif, de l'articulation de celui-ci avec les autres dispositifs existants, tel le plan de formation d'entreprise. Sur tous ces points, il serait intéressant de savoir si le dialogue social a permis de dégager des avancées, des solutions originales.

Les contrats de professionnalisation avaient également donné lieu à débat, notamment quant à leur durée et au temps de formation, exprimé en pourcentage, qu'ils devaient comporter. Il apparaît que de très nombreuses branches ont retenu la faculté qui leur était laissée de proposer des contrats de 24 mois plutôt que 12 mois. En revanche, le dépassement du quantum de 25 % de temps de formation durant le contrat a été prévu par un nombre plus limité d'entre elles. D'après les éléments statistiques disponibles, plus de 16 000 contrats de professionnalisation étaient en cours d'exécution en avril 2005.

S'agissant enfin des périodes de professionnalisation, le législateur s'est montré plus exigeant vis-à-vis des partenaires sociaux puisqu'il ne leur ouvre pas de facultés dérogatoires, mais prévoit des accords collectifs qui conditionnent l'entrée en vigueur du dispositif. Ces accords ont pour objet de définir les priorités pour l'accès au dispositif des salariés insuffisamment qualifiés et la liste des qualifications accessibles au titre d'une période de professionnalisation. Le dialogue social permet-il une mise en œuvre effective de ce dispositif ?

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Déclarant être prêt à assumer le risque de déplaire à ses collègues de la majorité, M. Christian Paul a porté une appréciation sévère sur la politique menée depuis 2002 en matière de formation professionnelle. Trois ans après une campagne électorale où cette question était très présente dans tous les programmes, dénotant une prise de conscience générale par-delà les clivages partisans du caractère crucial de la formation dans la lutte contre le chômage, et plus d'un an après la promulgation de la loi du 4 mai 2004, l'Etat ne semble pas animé par une volonté politique à la hauteur des ambitions naguère affichées.

La formation professionnelle reste très inégalitaire, plus encore que la formation initiale. Ce sont les salariés les plus protégés, titulaires de contrats à durée indéterminée et travaillant dans de grandes et prospères entreprises, qui y accèdent le plus facilement. Cette situation immuable appelle plusieurs questions.

Dans le plan contre le chômage annoncé par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 8 juin 2005, il n'a été que peu question de formation professionnelle. Quelles sont les ambitions du gouvernement en la matière ? A quel rythme veut-il les mettre en œuvre ? Quels résultats attend-il ? Quelle coopération souhaite-t-il avoir avec les régions ? Entend-il remettre à plat le système de financement, afin que l'argent, qui globalement ne manque pas, soit mieux employé ?

Les contrats de professionnalisation, dont nombre de députés avaient dénoncé les insuffisances lors de la discussion de la loi du 4 mai 2004, ne décollent pas : seuls 16 000 ont été signés depuis le 1er janvier. Combien y avait-il, l'an dernier à la même époque, de contrats de qualification ? Etait-il bien opportun de les remplacer par cette nouvelle formule dont les présidents de chambres consulaires disent eux-mêmes - notamment en Bourgogne, région également familière au rapporteur - qu'elle ne répond pas à leurs besoins ?

Enfin, qu'entend faire le gouvernement pour promouvoir la mise en œuvre du droit individuel à la formation, une fois franchies les différentes étapes indispensables - décrets, accords de branche ? Et quels objectifs quantitatifs se fixe-t-il ? Comment assurer, d'autre part, une réelle transférabilité des droits, seule façon de garantir que les salariés touchés par le chômage ou obligés de changer d'employeur en bénéficient ?

Le président Jean-Michel Dubernard a observé que l'objet de la réunion n'était pas de débattre de la situation générale de la formation professionnelle en France, mais de faire le point de la mise en application de la loi du 4 mai 2005.

M. Georges Colombier a évoqué, tout en prenant note de la mise au point du président Jean-Michel Dubernard, le cas, qui n'est pas rare, où plusieurs candidats réussissent le concours d'élève-infirmier dans un même établissement, mais où celui-ci ne peut financer qu'un seul poste. A qui appartient-il de résoudre le problème ? A la région ? Au ministère ?

M. Pierre-Louis Fagniez a félicité les services du ministère du travail pour leur diligence, qui a permis que tous les textes réglementaires, ou presque, soient pris en moins de neuf mois. Pour avoir été rapporteur de la loi sur la bioéthique, il apprécie a contrario la performance... Reste-t-il, cela dit, des textes en souffrance, dont le contenu serait de nature à donner satisfaction à M. Christian Paul, dont certaines observations ne manquent pas de pertinence ?

En réponse aux différents intervenants, M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, a rappelé que la loi du 4 mai 2004, si elle correspond aux engagements pris par le gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin dans sa déclaration de politique générale du 3 juillet 2002, constitue surtout la mise en œuvre de l'accord intervenu en septembre 2003 entre les partenaires sociaux. Le gouvernement respecte en effet la démocratie sociale. Force est cependant de constater que certains retards constatés dans l'application de la loi sont liés à la difficulté rencontrée par les partenaires sociaux dans la recherche d'un accord, difficulté parfois due à des considérations tout à fait extérieures à la formation professionnelle, telles que la mise en place d'un service minimum dans les transports publics ou l'avenir des industries électriques et gazières. Reste que, pour l'essentiel, les textes d'application ont été pris avec célérité, ainsi que l'ont souligné le rapporteur et M. Pierre-Louis Fagniez.

La réforme instituant la formation professionnelle tout au long de la vie repose sur un pari : le pari que la compétitivité d'un pays repose en grande partie sur la compétence de ses salariés, sur la gestion de ses ressources humaines, sur le développement de son capital humain. Ce pari, le gouvernement l'a engagé en faisant du salarié l'acteur de son projet professionnel, en misant sur la responsabilisation et sur le libre choix.

Le dispositif du DIF ouvre ainsi un véritable droit pour tous les salariés et, à cet égard, la France est en avance sur la plupart des pays de l'Union européenne. Si l'on ne dispose pas à l'heure actuelle de données statistiques sur sa mise en œuvre réelle dans les entreprises, le gouvernement, parce qu'il est convaincu que ce dispositif offre une réponse aux inégalités d'accès à la formation initiale, entend le promouvoir activement, au moyen d'une campagne de communication, afin que les entreprises comme les salariés se l'approprient davantage.

Sur les 71 accords de branche signés dès 2004 et comportant des dispositions relatives au DIF, 20 % prévoient une durée supérieure aux vingt heures légales, les deux tiers la transférabilité des droits et les quatre-cinquièmes ciblent des publics prioritaires. Cela peut créer, il est vrai, des difficultés à certains organismes de formation, habitués à proposer une offre « sur catalogue » à des publics le plus souvent déjà formés. Cela pose aussi la question de la durée des formations, trop courtes pour être vraiment utiles aux publics les plus en difficulté.

La loi du 4 mai 2004 a également contribué à promouvoir l'adaptation et la flexibilité des formations. Pour que celles-ci permettent, en particulier aux plus jeunes, de s'engager dans des voies professionnelles d'avenir et de construire des parcours professionnels sûrs et continus, il est indispensable que l'offre soit adaptée aux exigences, en évolution constante, du marché du travail et des entreprises. C'est pourquoi la loi a consacré le principe de véritables périodes de professionnalisation qui doivent être partie intégrante du parcours professionnel des salariés et combiner orientation, bilan de compétences, validation des acquis de l'expérience (VAE) et formation.

La validation des acquis de l'expérience est, cela dit, l'un des domaines où les progrès sont les plus lents. Le rapport commandé par M. François Fillon au professeur Albert-Claude Benhamou sera rendu en septembre, mais d'ores et déjà il ressort d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) que la France reste un pays où le diplôme initial pèse incomparablement plus lourd que l'expérience professionnelle ; si l'on n'accélère pas les choses, il est à craindre que la VAE ne mette de nombreuses années à s'imposer.

Pour les plus jeunes, la création, aux côtés des filières scolaires professionnelles et de l'apprentissage, du contrat de professionnalisation, a marqué une avancée remarquable. Après quelques mois de montée en charge, cette réforme est désormais tout à fait opérationnelle. L'ensemble des textes d'application nécessaires a été publié, et les financements nécessaires sont disponibles. A ce jour, aucun organisme paritaire collecteur agréé (OPCA) n'a fait état de difficultés financières qui l'empêcheraient de financer des contrats de professionnalisation, bien au contraire. Près de 20 000 de ces contrats avaient déjà été conclus en mai 2005, donnant un « encours » total de 37 000 contrats de qualification et de professionnalisation, à comparer avec les 38 000 contrats de qualification en vigueur l'an dernier à la même époque. Cela dit, il est peu probable, du fait du retard pris par les accords de branche, que l'objectif de 160 000 contrats de professionnalisation sera atteint en fin d'année. Aussi le gouvernement a-t-il pris l'initiative d'organiser des rencontres avec les branches et les OPCA et de mettre en place avec l'ANPE un véritable plan d'action de développement, afin d'obtenir une accélération des entrées dans le dispositif à la rentrée.

Par ailleurs, le ministre a indiqué avoir rencontré, depuis le 7 juin, près de quatre-vingts directeurs des ressources humaines des plus grandes entreprises françaises des secteurs de l'industrie, du bâtiment et du travail temporaire - car on oublie parfois que les grandes entreprises recrutent beaucoup de jeunes, pour leurs besoins propres comme pour ceux de leurs sous-traitants - pour leur demander de se mobiliser sur les dispositifs d'aide à l'emploi, notamment l'apprentissage et le contrat de professionnalisation. A cet égard, on note que le caractère souvent triennal des plans de formation d'entreprise ralentit la montée en puissance des nouveaux dispositifs.

S'agissant du dialogue social, il convient d'observer que la loi du 4 mai 2004 réaffirme l'importance du niveau de la branche comme niveau pertinent pour définir la politique de formation et de gestion des compétences. La réforme a, de ce fait, suscité une activité de négociation de branche intense. Plus de deux cent accords ont été, à ce jour, signés pour décliner l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 et la loi du 4 mai 2004. Reste que l'essentiel se joue au niveau des entreprises, et notamment des plus grandes.

Pour ce qui est plus généralement de la réforme du dialogue social, à ce jour, sept accords de branche ont été conclus sur les modalités de conclusion des accords de branche ou d'entreprise en application de l'article 37 de la loi. Plusieurs branches importantes ont par ailleurs engagé des négociations sur ce thème. Tous ces accords renvoient au droit d'opposition majoritaire.

L'exercice du droit d'opposition est resté mesuré. Il est certes difficile de comptabiliser le nombre d'accords collectifs, aux niveaux des branches comme des entreprises, qui ont fait l'objet d'une telle opposition majoritaire, puisque, étant réputés non écrits, ils ne sont en principe pas déposés. Les éléments dont le ministère dispose donnent toutefois à penser qu'ils sont rares.

Ainsi, depuis la publication de la loi, sur 821 textes signés dans les branches, moins de dix oppositions majoritaires ont été repérées. De même, peu d'accords d'entreprise ont fait l'objet d'une opposition, mis à part quelques cas médiatisés - Perrier, Arcelor, Crédit Agricole. On peut d'ailleurs observer que, lorsque l'opposition est exercée, cela ne paralyse pas pour autant le dialogue social, mais conduit le plus souvent à une renégociation, susceptible de déboucher, comme dans le cas de Perrier, sur la conclusion d'un nouvel accord.

S'agissant de l'articulation entre les niveaux d'accords collectifs, force est de constater que le nombre d'accords d'entreprise dits « dérogatoires » est, à ce stade, quasi nul, même si des accords de branche en ouvrent régulièrement la possibilité. En effet, sur 821 textes signés dans les branches depuis la publication de la loi, plus de la moitié porte sur les thèmes sur lesquels la loi interdit des dérogations d'entreprise (salaires minima, classifications, prévoyance et financement de la formation professionnelle) ; 137 comportent une clause expresse interdisant aux entreprises de déroger, principalement en matière de formation professionnelle ; 207, en l'absence d'une telle clause, autorisent implicitement des dérogations par accord d'entreprise. A ce jour, seuls six accords d'entreprise ont été signalés comme dérogatoires à une stipulation conventionnelle de branche par les services du ministère.

Concernant la négociation en l'absence de délégué syndical dans l'entreprise, les quatre accords conclus à ce jour - interbranche des industries alimentaires, négoce des combustibles et produits pétroliers, biscotterie-chocolaterie, négoce des engrais et produits du sol - sont actuellement examinés dans le cadre de la procédure d'extension et plusieurs branches ont d'ores et déjà engagé des négociations sur ce thème ou sont sur le point de le faire.

Enfin, aucun accord de branche n'a été conclu en application des articles 49 et 51 de la loi portant sur l'information des salariés sur le droit conventionnel et sur la prise en compte des thèmes de négociation souhaités par les syndicats.

A ce stade, la mise en œuvre de la loi du 4 mai 2004 n'a donc pas bouleversé le jeu conventionnel. Il est vrai que la formation professionnelle et les retraites, mais aussi les salaires et les classifications dans les branches, ont plus largement mobilisé les acteurs sociaux et occupé l'ordre du jour des réunions paritaires. Il n'en demeure pas moins que les conséquences des nouvelles règles de la négociation collective ne pourront être mesurées qu'à moyen terme. Beaucoup dépendra de la manière dont les partenaires sociaux s'en saisiront au niveau des branches professionnelles.

Il convient de rendre hommage au travail qu'accomplissent les services du ministère dans le suivi et l'appui qu'ils apportent à la négociation collective, et en particulier salariale, pour laquelle a été mise en place une structure d'accompagnement et d'information, destinée à empêcher qu'elle ne reste en sommeil pendant plusieurs années dans telle ou telle branche. L'essor de la négociation collective en 2004 s'est ainsi traduit par un nombre exceptionnel d'accords collectifs examinés par la Commission nationale de la négociation collective : 857, dont 780 ont fait l'objet d'une extension.

Tous les décrets nécessaires à l'application de la loi ont été pris, à l'exception de deux.

Il s'agit, concernant la formation professionnelle, du décret d'application de l'article 8 qui doit permettre aux entreprises, et notamment aux petites entreprises, de s'acquitter de leurs obligations en matière de DIF par l'intermédiaire d'un titre de paiement spécial, un chèque formation. D'un commun accord, les partenaires sociaux et l'administration ont estimé qu'il est opportun de différer jusqu'au second semestre 2005 la mise en œuvre de ce titre, et donc la publication du décret, afin de ne pas perturber le démarrage d'un dispositif par ailleurs perçu comme assez complexe.

Concernant le dialogue social, il semble qu'à l'article 43, il manque un décret simple ouvrant la possibilité de déroger à la règle des onze heures de repos quotidien - article L. 220-1 du code du travail - par convention ou accord d'entreprise ou d'établissement, alors qu'auparavant cette possibilité de dérogation ne pouvait être mise en œuvre que par convention ou accord collectif étendu. Il n'a pu être signé à temps avant le changement de gouvernement, et le sera dans le courant du mois de juillet.

Il convient, cela dit, de souligner que l'application de la loi dépend certes des décrets qui permettent sa mise en œuvre, mais aussi et surtout des partenaires sociaux qui la feront vivre et ont à ce titre une responsabilité majeure.

S'agissant de l'apprentissage, le gouvernement est en passe de conclure avec dix-huit régions des contrats d'objectifs et de moyens, et ose espérer que le différend sur les transports franciliens ne fera pas obstacle à la conclusion d'un accord avec la région Ile-de-France... Il ressort d'un rapport élaboré en 2001 par le Centre d'études et de recherche sur les qualifications (CEREQ) que les jeunes les moins atteints par le chômage sont ceux titulaires d'un CAP, d'un BEP ou d'un diplôme « bac + 2 » assorti d'un parcours de professionnalisation ; tel est le véritable enjeu de l'insertion professionnelle des jeunes.

Enfin, la formation, notamment celle des publics difficiles, reste une responsabilité forte de l'Etat. C'est pourquoi celui-ci a pris à sa charge 20 000 stages AFPA.

M. Georges Colombier s'est enquis de l'état d'avancement du décret sur la validation des acquis de l'expérience pour les aides-soignants, qui devait sortir fin juin et dont le retard inquiète les responsables des écoles.

Le rapporteur s'est dit satisfait des réponses et précisions apportées par le ministre, et a pris note des raisons justifiant le report du fort complexe décret sur le chèque formation. S'il est vrai que le dialogue social est principalement l'affaire des partenaires sociaux, il est important que l'Etat ait envers eux une démarche volontariste d'incitation, d'accompagnement, d'aide et de conseil.

Mme Pascale Gruny a insisté sur le fait que les formations professionnelles courtes ne sont un gage d'insertion que lorsqu'elles reposent sur un choix d'adhésion, c'est-à-dire lorsqu'elles sont choisies par les jeunes eux-mêmes et non à défaut par les enseignants.

Par ailleurs, le fait que la loi ne permette pas de passer des provisions comptables pour financer le droit individuel à la formation peut créer des difficultés aux entreprises, compte tenu de la possibilité de cumuler sur six ans un crédit pouvant atteindre cent vingt heures. Il faut plus généralement souligner que la mise en œuvre du DIF est très compliquée, même pour une entreprise moyenne de 150 salariés.

Le ministre a indiqué, s'agissant des aides-soignants, que la question relève du ministère de la santé et du ministère délégué à la sécurité sociale, mais que le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie aurait à connaître le rapport sur les formations sociales commandé à M. Philippe Chevreul. Le gouvernement attend par ailleurs du conseil, lieu d'échanges et de dialogue que préside M. Dominique Balmary et dont l'un des vice-présidents est un élu régional, qu'il contribue à la mise en place des plans régionaux de développement de la formation professionnelle.

Concernant l'orientation, c'est en fin de classe de troisième qu'il faut agir, mais il faut aussi que les branches fassent, à l'instar du bâtiment, un effort pour améliorer l'image de leurs métiers. Le rôle des plates-formes de vocations, qui sont l'un des lieux de rencontre avec les jeunes et leurs parents, est essentiel à cet égard. Il est essentiel que les jeunes puissent « tracer » leur avenir, pour ne pas avoir à le subir.

Enfin, le fait est que le Conseil national de la comptabilité a estimé que les charges afférentes au droit individuel à la formation ne doivent pas obligatoirement être provisionnées.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre pour ses réponses précises.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-391 du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social en vue de sa publication.


© Assemblée nationale