COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 5 octobre 2005
(Séance de 11 h 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les risques d'épidémie de grippe aviaire


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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur les risques d'épidémie de grippe aviaire.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, et l'a remercié d'avoir répondu à l'invitation de la Commission. La menace sanitaire que représente la grippe aviaire préoccupe tous les Français, et la délégation de membres de la Commission, conduite par son président, qui s'est rendue en Chine a pu y prendre la mesure du problème, lors de visites de terrain et de rencontre avec des scientifiques.

C'est en 1997, à Hong Kong, que les premiers cas de transmission d'un virus aviaire à l'homme ont été observés, et au début de 2004 qu'une reprise, aggravée, du phénomène a été constatée dans dix pays différents, où des centaines de milliers de volatiles sont morts. A l'heure actuelle, il semble qu'une centaine de cas humains soient avérés, dont un certain nombre de décès, mais il serait bon de disposer de chiffres officiels et vérifiés, afin de parer aux rumeurs.

L'extension, cet été, de l'épizootie vers l'Ouest - en Sibérie, au Kazakhstan, en Russie d'Europe - et l'aggravation de la situation en Asie du Sud-Est ont conduit à un renforcement de la vigilance. En France, le président de la République a demandé cet été au Gouvernement d'améliorer le dispositif prévu contre une éventuelle pandémie grippale. A la suite du sommet de l'ONU en septembre, au cours duquel le président George Bush et M. Dominique de Villepin ont évoqué la grippe aviaire, les Nations-Unies ont nommé un coordonnateur. L'OMS s'est également saisie de la question.

Compte tenu de ce contexte, la Commission ne peut être que vivement intéressée par toutes les informations que pourra lui donner le ministre et par les réponses qu'il voudra bien apporter à ses membres.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a remercié la Commission de l'avoir invité à rendre compte de l'état de la situation sanitaire et des mesures prises par le Gouvernement afin de faire face à la menace de grippe aviaire.

La persistance et l'extension de l'épizootie et les cas de transmission de l'animal à l'homme font craindre en effet la survenue d'une pandémie grippale humaine. Depuis janvier 2004, des foyers de grippe aviaire de type H5N1 sont apparus dans les élevages de volailles d'une dizaine de pays asiatiques. Récemment, l'épizootie s'est propagée en Mongolie, au Kazakhstan et à la Russie orientale.

Cette crise suscite de vives inquiétudes en termes de santé humaine, car elle n'est pas maîtrisée, et s'étend plus rapidement que prévu. Elle atteint non seulement les animaux domestiques, mais également les oiseaux sauvages, réduisant d'autant les chances de maîtrise, y compris par des mesures d'abattage. Depuis le début de cette épizootie, le virus est devenu plus virulent, tuant des oiseaux habituellement résistants et même certains mammifères, tels que civettes ou chats.

Est également inquiétant le fait que ce virus a provoqué chez l'homme de graves infections : 118 cas ont été confirmés par l'OMS, parmi lesquels 59 sujets sont décédés. On a constaté plusieurs épisodes groupés de cas familiaux, mais aucun cas avéré de transmission interhumaine n'a été mis en évidence à ce jour.

Le virus peut devenir transmissible d'homme à homme à l'issue d'une série de mutations génétiques, mais le risque majeur est celui d'une recombinaison - également appelée réassortiment - du virus aviaire avec le virus humain de la grippe saisonnière, recombinaison qui peut survenir chez un hôte intermédiaire, tel que le porc, ou chez l'homme à l'occasion d'une coinfection.

« Réassorti » ou « muté », un tel virus pourrait être à l'origine d'une pandémie. La persistance et l'extension de l'épizootie augmentent donc le risque de survenue d'un tel événement, dont la probabilité ne peut cependant pas être chiffrée. Trois pandémies sont déjà survenues au XXe siècle : en 1918, 1958 et 1968. Les experts nationaux et internationaux considèrent qu'une autre pandémie de grippe est inévitable en raison des « cycles naturels » des virus grippaux.

La pandémie peut se propager en France selon deux scénarios : extension de l'épizootie à la France et transmission secondaire de l'oiseau à l'homme, avec risque d'infection interhumaine en cas de mutation ou réassortiment ; introduction du virus en France par une personne infectée en provenance d'un pays touché. Le second scénario reste aujourd'hui le plus probable.

Face au risque, le Gouvernement a élaboré dès le début de l'année 2004 le plan « Pandémie grippale », qui a été présenté en conseil des ministres en octobre 2004. Ce plan distingue : l'actuelle phase pré-pandémique « initiale », où le virus H5N1 peut se transmettre de l'animal à l'homme ; une phase pré-pandémique « intermédiaire » avec transmission d'homme à homme limitée, et une phase pandémique, correspondant à la propagation rapide et massive du virus dans le monde entier.

En cas de pandémie, l'Institut national de veille sanitaire (InVS) estime qu'en l'absence d'intervention, le nombre de malades pourrait être compris, en France, au bout de plusieurs mois, entre 9 et 21 millions, et le nombre de décès entre 91 000 et 212 000.

Pendant la phase pré-pandémique, l'objectif est d'éviter l'introduction du virus par le biais d'animaux infectés ou de personnes contaminées et, si cela se révèle impossible, de retarder sa diffusion.

Pour prévenir l'épizootie, les principales mesures prévues sont : l'interdiction d'importation des oiseaux de volière, de compagnie ou destinés à des concours, ainsi que des volailles vivantes, des œufs à couver et des porcs vivants en provenance des pays touchés ; le renforcement de la surveillance des oiseaux migrateurs susceptibles de contaminer les élevages ; la protection des élevages disposant d'un parcours en plein air - par l'interdiction de nourrir ou d'abreuver les animaux à l'extérieur - ainsi que des élevages fermés - par l'interdiction d'abreuver les animaux et de nettoyer leurs bâtiments avec des eaux provenant de plans d'eau extérieurs. Si l'épizootie se propageait en France, la stratégie consisterait à stopper la propagation du virus dans les populations de volailles, à restreindre les possibilités d'exposition de l'homme - au moyen de bonnes pratiques professionnelles telles que le respect des règles d'hygiène ou l'utilisation de vêtements et de matériel adéquats - et à recommander des mesures de protection des professionnels.

Du point de vue de la santé humaine, il s'agit de renforcer le contrôle sanitaire dans les plates-formes aéroportuaires internationales en veillant à l'information des voyageurs, au contrôle du fret, à la formation des cellules médicales pour la détection et la prise en charge des cas suspects et de leur contact.

Durant la phase pandémique, l'objectif sera de limiter le nombre de contaminations, et de permettre au système de santé de prendre en charge un nombre important de patients. Cette réponse reposera, en amont, sur une information adaptée des professionnels de santé et de la population. Pendant la crise, elle s'appuiera sur une mobilisation graduée des moyens de lutte médicale, en privilégiant la prise en charge ambulatoire, et réservant l'hospitalisation aux cas les plus graves. Des mesures de réduction des contacts sociaux - fermeture des écoles, arrêt des transports collectifs, suspension des rassemblements - seront également mises en œuvre.

En cas de pandémie, on dispose, au plan médical, de trois moyens de lutte :

- premièrement, les masques, qui sont de deux sortes : les masques de protection individuelle, à la norme FFP2, pour les professionnels en contact avec les malades ; les masques « anti-projections », communément appelés « chirurgicaux », portés par les malades pour protéger leur entourage ;

- deuxièmement, les médicaments antiviraux. Il en existe deux de la même famille, ayant approximativement le même niveau d'efficacité, mais se présentant sous une forme différente : le Tamiflu, oséltamivir administré en gélules, et le Relenza, zanamivir administré en spray - qui est d'utilisation et de stockage plus complexes ;

- troisièmement, les vaccins. On en distingue deux : le vaccin « prépandémique » fabriqué à partir du virus aviaire H5N1 actuel - non muté, non réassorti - et le vaccin « pandémique », qui ne pourra être fabriqué qu'après isolement du virus une fois muté ou réassorti.

En application du plan, la France s'est donc préparée activement à faire face. Dès la fin de 2004, le ministère de la santé a commandé 13,8 millions de traitements antiviraux Tamiflu, qui seront disponibles à la fin de l'année, et a lancé en février 2005 un appel d'offres pour l'acquisition de 2 millions de doses de vaccin pré-pandémique H5N1, qui seront disponibles début 2006. Il a par ailleurs réservé 40 millions de doses de vaccin pandémique à fabriquer en cas de crise sanitaire.

Par ailleurs, un premier stock de 50 millions de masques de protection FFP2 est aujourd'hui commandé et en cours de livraison dans les hôpitaux.

L'exercice gouvernemental national du 30 juin dernier a permis de dégager quatre exigences essentielles : se doter d'une stratégie d'information adaptée à chaque étape de la crise, basée sur la transparence et la responsabilisation ; former les responsables politiques, administratifs, professionnels et associatifs ; prévoir les moyens d'assistance et de prise en charge des ressortissants français à l'étranger ; appeler, comme le Président de République l'a récemment demandé, à la coopération et la mobilisation européennes et internationales.

Le ministre s'est rendu au cours de l'été 2005 sur la plate-forme de Roissy, pour s'assurer du renforcement des mesures de contrôle prévues par le plan. Des mesures d'information, notamment la distribution de plaquettes aux passagers des vols directs en direction des zones affectée et l'affichage fixe et électronique dans les terminaux sont actuellement en œuvre. Un projet de création de spots d'information à diffuser sur l'aéroport et dans les avions en cas de crise devrait aboutir d'ici la fin de l'année. Le service de contrôle sanitaire aux frontières, dépendant de la DDASS de la Seine-Saint-Denis, et chargé de vérifier la mise en œuvre des actions de prévention et de former le personnel aéroportuaire, sera renforcé.

Le ministre a rencontré, récemment, les syndicats de médecins libéraux pour leur rappeler le rôle essentiel qu'ils seront amenés à jouer en cas de pandémie et les assurer que les moyens nécessaires seront mis à leur disposition pour accomplir cette tâche. Il a également visité l'hôpital de la Pitié-Salpétrière, qui est l'un des hôpitaux de référence pour la prise en charge des malades en cas de menace bioterroriste ou de pandémie, afin de s'assurer de la mise aux normes et s'entretenir avec les différents acteurs hospitaliers.

Devant la progression de l'épizootie en Eurasie, le Président de la République a demandé au Gouvernement, le 25 août 2005, d'« appliquer pleinement le principe de précaution » à l'égard de la grippe aviaire, afin que chaque Français « soit protégé ou puisse être soigné ».

Il a été décidé de renforcer l'ensemble du dispositif de prévention et de surveillance de l'épizootie, et un ensemble de décisions a été pris par le Premier ministre afin de renforcer la préparation de notre pays. Outre la désignation, le 30 août 2005, d'un délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire, le professeur Didier Houssin, ces mesures visent notamment à porter les réserves de médicaments antiviraux et des moyens de protection individuelle au niveau nécessaire pour assurer la santé de tous les Français : le stock de 50 millions de masques de protection FFP2 sera ainsi porté à 200 millions d'ici le début de l'année 2006, et une capacité nationale de production de masques sera développée en vue d'assurer l'approvisionnement nécessaire pendant la période de pandémie. Les contrats de livraison de vaccins contre un virus grippal nouveau sont en cours de modification pour assurer la vaccination de toute la population. Les réserves de médicaments antiviraux seront portées à un niveau supérieur pour traiter, dans l'attente des vaccins, les personnes qui pourraient être atteintes par la maladie ou y être directement exposées. L'ensemble précis de ces éléments sera finalisé, avec la réactualisation du plan, d'ici la fin du mois.

Les mesures prévues et les mesures nouvelles ont un coût, et il ne faut pas se cacher que ce coût sera important. Mais il ne sera en aucun cas un obstacle, car c'est le prix de la protection et de la prise en charge de tous les Français face à une menace grave. Pour les mesures sanitaires, il est logique, s'agissant de prévenir ou soigner des maladies, que le financement repose essentiellement sur des crédits de l'assurance maladie ; la représentation nationale en débattra donc avec le Gouvernement lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La communication est un volet capital de la gestion de crise, tant en amont que pendant celle-ci. Un plan de communication est en cours de réalisation afin de préparer l'opinion publique à la possibilité d'une pandémie, en l'informant notamment de l'état de préparation du pays et des mesures de protection individuelles. A travers les associations professionnelles, les instances ordinales et les syndicats, les médecins seront également associés à cet effort d'explication et de pédagogie. Une campagne d'information en direction de l'ensemble des professionnels de santé est en cours pour les former, les informer et les protéger car ils sont en première ligne. Le Gouvernement est conscient que, dans ce domaine, beaucoup reste à faire.

Il s'agit également d'amplifier les initiatives internationales, car la pandémie ne connaît pas les frontières. D'après l'OMS, la France est un des pays les mieux préparés. A ce titre, son devoir est aussi de renforcer la coopération internationale, et de proposer l'assistance technique de la France pour les pays exposés au risque de grippe aviaire. Le 31 août dernier, le Président de la République a rencontré le directeur général de l'OMS pour affirmer cette volonté de la France, que le Premier ministre a réaffirmée devant l'Assemblée générale des Nations Unies le 14 septembre.

La France souhaite renforcer, a déclaré le Premier ministre à cette occasion, les structures multilatérales - OMS, FAO, Office international des épizooties - pour lutter contre l'épizootie dans les pays touchés et développer les capacités logistiques d'intervention en urgence dans les foyers de départ d'une pandémie. Au cours du mois écoulé, le ministre a successivement rencontré le docteur Jong Wook Lee, directeur général de l'OMS, et M. Jacques Diouf, directeur général de la FAO, pour évoquer l'ensemble de ces questions. Un contact a aussi été pris avec le docteur Jean-Luc Angot, directeur adjoint de l'OIE.

Au niveau de l'Union Européenne, la France plaide pour que soient développées un certain nombre d'interventions visant à renforcer les capacités de réaction et d'entraide des Etats membres. L'accent est mis sur la nécessité d'harmoniser les mesures de contrôle aux frontières, le développement et l'augmentation des capacités de production de vaccins pandémiques. Le ministre s'est entretenu de cette question avec M. Markos Kyprianou, commissaire européen, chargé de la santé et de la protection des consommateurs, et avec ses homologues belge et allemand.

Le plan de mobilisation devra être sans cesse réactualisé. Le Gouvernement en présentera une nouvelle version à la fin du mois d'octobre ou au début du mois de novembre 2005, et il devra continuer d'évoluer en fonction du progrès des connaissances et des innovations thérapeutiques et vaccinales. Il faut cependant avoir conscience qu'un certain nombre de paramètres ne seront connus qu'au moment de la survenue de la pandémie et que, même si les efforts déjà réalisés sont considérables, la préparation à une telle éventualité devra être constamment améliorée.

Le Gouvernement se fera un devoir d'informer de façon régulière et transparente la représentation nationale sur un sujet qui concerne chaque Français et qui doit mobiliser toute la nation.

Un débat a suivi l'exposé du ministre.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre pour sa présentation à la fois synthétique et objective de l'état de préparation de la France à une éventuelle pandémie grippale, et a rappelé que la Conférence des présidents a décidé hier la création d'une mission d'information sur la grippe aviaire, ce qui donnera certainement au Gouvernement l'occasion d'entretenir avec la représentation nationale un dialogue suivi sur cette question.

M. Pierre-Louis Fagniez, après avoir remercié à son tour le ministre, a observé que le principe de précaution posé par l'article 5 de la Charte de l'environnement, à peine constitutionnalisé, est déjà dépassé, puisque le risque de pandémie n'est plus du domaine de l'incertain : selon le directeur général de l'OMS, la question est seulement de savoir où et quand celle-ci se produira, et quelle sera son ampleur. Il s'est inquiété des délais que requerra, le jour venu, la fabrication d'un vaccin pandémique, et du risque que les campagnes d'informations ne fassent passer les citoyens, du jour au lendemain, de l'indifférence à la panique.

M. Denis Jacquat s'est félicité, en tant que rapporteur devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur la grippe aviaire, des mesures prises par la France dès le mois d'août 2005, soit plusieurs semaines avant le sommet de l'ONU et la réunion de Malte, et a plaidé pour une plus grande harmonisation européenne dans le domaine des contrôles sanitaires aux frontières et de la coopération avec les pays d'Asie du Sud-Est : l'élimination précoce des foyers d'infection passe en effet par l'abattage massif des volatiles contaminés, ce qui suppose des compensations financières pour les éleveurs concernés, et donc l'aide de la communauté internationale. Il a par ailleurs insisté sur la nécessité d'informer la population sans l'affoler.

M. Bernard Perrut a souligné la dimension internationale de la lutte contre la grippe aviaire et demandé dans quelle mesure la France coordonnait son action avec celle des autres pays dans le cadre de l'OMS, de la FAO et de l'Office international des épizooties. Il s'est également enquis de l'identité des laboratoires auxquels ont été commandés des vaccins, ainsi que du contenu des supports d'information destinés au grand public : il ne faut pas, sur un sujet aussi grave, que se diffusent des craintes infondées.

M. Jean-Marie Le Guen a estimé que la France est engagée, comme les autres pays, dans une course contre la montre, dont l'enjeu est à la mesure du risque sanitaire. S'il est essentiel de tenir aux citoyens un discours rationnel, de les informer de tous les moyens dont dispose le pays pour parer aux risques principaux, il faut aussi réfléchir à l'organisation de la politique de santé et, au-delà, aux implications de l'organisation politique du pays. Les Etats et les sociétés modernes se sont en effet organisés, historiquement, de façon à protéger leur territoire contre une agression extérieure, ou plus récemment contre le terrorisme, davantage que contre les risques sanitaires, dont la survenue est pourtant inéluctable à l'horizon de dix, quinze ou vingt ans, qu'il s'agisse de maladies infectieuses ou de fléaux tels que l'obésité, que la révolution scientifique n'a pas fait disparaître. Aussi faut-il se féliciter de la décision de la Conférence des présidents de créer une mission parlementaire, qui pourra faire œuvre de pédagogie et éclairer les choix stratégiques des pouvoirs publics ; puisse-t-elle se constituer sans attendre !

Le ministre a apporté les éléments de réponse suivants :

- Sans rouvrir le débat sur la portée constitutionnelle du principe de précaution, il va de soi que le devoir d'un Gouvernement est de préparer au mieux le pays à un risque d'une telle ampleur, ce qui signifie que le plan de prévention devra évoluer en permanence, en fonction de l'évolution des connaissances, comme il l'a d'ailleurs fait depuis un an, et que la mobilisation ne devra se relâcher à aucun moment.

- L'information devra naturellement être rationnelle, cohérente et régulière, de façon à ne créer ni panique ni même situation anxiogène. L'exercice est nouveau, il est vrai, mais l'acquis du plan de prévention de la grippe aviaire sera utile face à toute autre crise sanitaire qui pourrait survenir. Il est possible d'informer le public sans l'affoler, et la couverture médiatique actuelle de la grippe aviaire paraît d'ailleurs répondre à cette exigence, ce dont on ne peut que se féliciter.

- Les mesures de protection envisagées se situent, et ce dès la phase pré-pandémique actuelle, dans une démarche opérationnelle, que le Gouvernement aura à cœur d'enrichir grâce aux propositions émanant des élus, des professionnels de santé, des associations, des citoyens, sans leur opposer - le Président de la République en a pris l'engagement formel et solennel - d'obstacle économique ou financier.

- L'harmonisation des actions au niveau européen est indispensable, notamment pour le contrôle sanitaire aux frontières, question dont il a lui-même saisi le commissaire Markos Kyprianou.

- S'agissant des actions d'éradication à mener là où se déclarent des foyers d'infection, la France sera au rendez-vous de l'appel de Kuala Lumpur, et espère que l'Union européenne y sera également en tant que telle, car il importe de traiter le mal à la racine. Selon le directeur général de la FAO, les Etats d'Asie du Sud-Est versent des indemnités aux éleveurs contraints d'abattre leurs volatiles, mais une contribution supplémentaire des pays développés permettrait de lever les obstacles financiers qui freinent encore les campagnes d'abattage.

- La coopération internationale fonctionne d'ores et déjà en matière de surveillance, notamment dans le cadre de la FAO et de l'OIE, qu'il s'agisse de l'évolution de la situation en Asie du Sud-Est et en Asie centrale ou des vols d'oiseaux migrateurs à l'approche des changements de saison.

- L'Etat a d'ores et déjà commandé 40 millions de dose de vaccin pré-pandémique, dont 28 millions à Sanofi Pasteur et 12 millions à Chiron, mais est en pourparlers avec d'autres laboratoires susceptibles de fournir des quantités supplémentaires. Il a également recensé plusieurs sites du territoire national, où seraient susceptibles d'être installés des élevages sécurisés pour la production des œufs nécessaires à la fabrication de vaccins.

- La France est bien engagée dans une course contre la montre, car retarder, fût-ce de quelques semaines, la survenue de la pandémie, c'est se donner le temps à la fois d'améliorer la prévention et de fabriquer plus de vaccins, et donc sauver des vies.

M. Richard Mallié, après avoir salué le pragmatisme du ministre, l'a interrogé sur le rôle dévolu au médecin traitant et au médecin du travail dans la prévention et l'information du public, ainsi que sur le montant approximatif des sommes qui seront inscrites au PLFSS pour le financement du plan de prévention.

Mme Bérengère Poletti a félicité le ministre pour la clarté et la précision de son exposé, mais a souhaité nuancer son appréciation de l'impact de la couverture médiatique du dossier de la grippe aviaire : elle n'a ressenti, pour sa part, qu'une très faible prise de conscience sur le terrain. Sans doute faudrait-il intensifier les campagnes d'information en direction des relais d'opinion que sont, au premier chef, les médecins traitants. Elle s'est en outre alarmée du délai très court, de l'ordre de deux à quatre semaines selon elle, dans lequel, une fois la pandémie déclarée en France, il faudra disposer de vaccins en nombre suffisant : selon certaines informations, les capacités mondiales de production couvrent à peine 20 % des besoins, et sont concentrées dans les pays industrialisés.

M. Pierre Hellier a interrogé le ministre sur la déclinaison locale du plan de prévention : qui sera en charge sur le terrain ? Les préfets ? L'armée ? Les pompiers ? La Croix-Rouge ? Les services de santé ? Par ailleurs, ne serait-il pas judicieux d'associer, dans les traitements curatifs, les deux antiviraux existants, dans la mesure où leur mode d'administration est très différent ? Quant à la fabrication d'un vaccin pandémique, certains observateurs estiment qu'elle requerrait un délai supérieur à six mois ; qu'en est-il ?

M. Gérard Bapt a souhaité, en tant que rapporteur spécial du programme « Santé publique et prévention », recevoir l'assurance que les crédits destinés à l'achat des masques de protection ne seraient pas touchés par les mesures de régulation budgétaire.

Le ministre a apporté, en réponse aux intervenants, les précisions suivantes :

- Le rôle des professionnels de santé, qu'ils soient libéraux ou hospitaliers, médicaux ou paramédicaux, est naturellement crucial.

- Sans attendre la présentation du PLFSS au conseil des ministres du 12 octobre, il est d'ores et déjà possible d'annoncer que les aspects sanitaires du plan de prévention seront financés sur le fonds de concours « Participation de la CNAMTS à l'achat, au stockage et à la livraison de dispositifs médicaux », doté de 200 millions d'euros pour 2005, et qu'il sera proposé, en 2005 comme en 2006, de doubler, voire davantage si besoin est. L'effort total sera donc supérieur à 600 millions, sans compter le coût des vaccins, et en sachant que les stocks devront être renouvelés à partir de 2007. Quant aux masques, financés sur le budget de l'Etat, ils seront disponibles en temps, en heure et en quantité, sans qu'aucun obstacle budgétaire ou réglementaire l'empêche ; des chaînes de fabrication seront installées en France pour en produire au-delà des quantités déjà commandées ;

- La fabrication d'un vaccin pandémique est une question de mois plutôt que de semaines, mais en commençant à développer le produit à partir du virus H5N1 actuel, non muté et non réassorti, il est possible de gagner du temps, en quantité d'autant plus grande, bien entendu, que les différences avec le virus muté ou réassorti seront faibles. D'ores et déjà, l'Etat a passé commande de 2 millions de doses.

- La dimension locale du plan de prévention est essentielle, et fera intervenir les services déconcentrés de l'Etat - le professeur Houssin a demandé à disposer de correspondants dans les préfectures - ainsi que les collectivités locales, dont la mobilisation a déjà permis d'améliorer l'efficacité du plan canicule.

- Enfin, le Tamiflu et le Relenza sont tous deux, au-delà de leurs modes de stockage et d'administration différents, des antiviraux efficaces, et c'est pourquoi le ministère de la santé entend accroître la distribution de l'un comme de l'autre.

M. Bruno Gilles a demandé au ministre de préciser si les 50 millions de masques en stock dont il a parlé dans son propos liminaire, et dont le nombre est appelé à quadrupler à échéance relativement rapprochée - ce qui représenterait, soit dit en passant, le tiers de la production mondiale - sont de type FFP2 ou de type anti-projections.

M. Bernard Debré a demandé au ministre, après l'avoir remercié pour la clarté de son exposé, pourquoi la France, contrairement à certains pays de l'Europe du Nord, n'avait pas décidé le confinement des volailles de ferme : cela ne risque-t-il pas d'accélérer l'apparition de la pandémie ? Il a en outre émis la crainte que les pays pauvres ne soient, une fois de plus, les grands oubliés de l'accès aux traitements et aux vaccins. Il a enfin souhaité que d'autres laboratoires s'associent au programme de fabrication d'un vaccin pandémique, car les deux auxquels l'Etat a passé commande risquent fort de ne pas avoir la capacité de répondre à la demande, qui n'est pas seulement française, mais aussi américaine, et sera sans doute mondiale.

M. Marc Bernier a dit retirer de sa tâche actuelle de parlementaire en mission auprès du ministre de l'agriculture le sentiment que le risque de grippe aviaire est bel et bien ressenti sur le terrain, regretter que l'impact économique potentiel d'une telle pandémie, tant en France qu'au niveau international, n'ait pas été mesuré, et souhaiter que l'information donnée à la population sur les mesures de prévention ne conduise pas celle-ci à s'affoler.

Le ministre a apporté aux derniers intervenants les éléments de réponse suivants :

- Les 50 millions de masques actuellement en stock sont de type FFP2. Leur nombre doit en effet passer à 200 millions dès l'an prochain, voire davantage si les experts actuellement consultés par le ministère sont d'avis que les besoins sont supérieurs.

- Le confinement n'est recommandé, actuellement, ni par la Commission européenne ni par l'AFSSA, et les Pays-Bas, qui l'avaient rendu obligatoire, viennent de rapporter cette décision, car il semble qu'un confinement mal réalisé aggrave en fait le risque de transmission. Plus important apparaît le respect de règles d'hygiène strictes, notamment en matière de toilette des animaux ou d'alimentation en eau.

- Le problème de l'accès des pays pauvres aux traitements et aux vaccins est lié à celui du volume de la production mondiale. La France, à l'heure actuelle, a réservé et acquis plus de doses par habitant que ses voisins, mais, de même que pour le traitement du sida, elle n'entend pas en rester à une logique purement nationale. Les laboratoires qui produisent le Tamiflu et le Relenza ont décidé d'augmenter leur production, et s'agissant des vaccins, d'autres laboratoires que ceux auxquels ils ont été commandés ont été approchés également, mais tous sont loin d'être aussi avancés dans le développement d'un vaccin pandémique.

- L'information du public portera à la fois sur la crise sanitaire qui menace et sur les mesures prises pour y faire face, y compris au niveau international. Il faudra notamment expliquer qu'intervenir à temps en Asie du Sud-Est en cas de nouveaux développements de l'infection, comme s'y est engagé le laboratoire Roche, c'est prévenir l'expansion de celle-ci vers l'Europe.

- Enfin, l'impact économique d'une éventuelle pandémie grippale fait l'objet d'une étude en cours de la Banque mondiale. En France, le Commissariat général du Plan a été saisi de la question, et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a mis en place une commission permanente interministérielle. L'impact ne peut être estimé avec précision, mais il va de soi qu'il sera d'autant moins fort que la crise aura été mieux anticipée.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre pour les réponses apportées aux nombreuses questions des députés, ainsi que pour celles qu'il ne manquera pas d'apporter lors de futures réunions que la commission et la mission d'information tiendront sur ce thème.


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