COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 9 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,
puis de M. Bernard Perrut, vice-président,
puis de M. Georges Colombier, secrétaire

SOMMAIRE

 

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-  Projet de loi de finances pour 2006

· Avis « Travail» (M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis)

· Avis « Rayonnement culturel et scientifique » (M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis)

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-  Informations relatives à la commission

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La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Pierre Le Ridant, les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2006.

M. Jean-Pierre Le Ridant, rapporteur pour avis, a indiqué que la première année d'application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances, la « LOLF », se caractérise par une importante diminution des crédits de la mission « Travail et emploi » - à hauteur de 13 milliards d'euros - par rapport à ceux qui étaient inscrits au titre du fascicule budgétaire « Emploi et travail » en 2005. Cette évolution traduit en fait une modification du périmètre, dont certaines lignes de crédits ont été retirées. C'est notamment la conséquence de la fiscalisation du financement de l'allègement général des cotisations sur les bas salaires, qui a fortement augmenté au fil des ans, passant de 10,4 milliards d'euros en 2000 à 18,9 milliards en 2006.

Cette opération de fiscalisation appelle trois questions : quelles garanties de compensation intégrale pour la sécurité sociale ? La nature de l'allègement général de cotisations justifie-t-elle qu'il n'apparaisse plus comme une « dépense pour l'emploi » ? Quel sera le suivi, à l'avenir, de ce dispositif ?

Le projet de loi de finances leur apporte plusieurs réponses quant à la compensation : la garantie d'un recalage sur l'année 2006 à l'euro près ; la perspective d'une modification de la liste des impôts et taxes affectés dans le cas où les allègements de charges seraient eux-mêmes modifiés ; des rendez-vous pris en 2008 et 2009, à l'occasion desquels le gouvernement remettra un rapport analysant les écarts éventuels.

S'agissant du suivi, il faut souhaiter que la perte d'information formelle résultant de la fiscalisation de l'allègement soit compensée par un effort réel d'évaluation de l'impact de ce dispositif coûteux, dont l'efficacité reste méconnue, donc incertaine. Il convient donc de saluer l'apport du débat parlementaire sur la première partie du projet de loi de finances, qui a débouché sur l'obligation pour le gouvernement de déposer à court terme deux rapports, l'un sur la perspective d'une intégration de l'allègement général des charges au barème des cotisations, l'autre sur l'évaluation de l'efficacité de cette politique d'allégements.

En tenant compte de cette modification de périmètre, ainsi que d'autres moins importantes, les moyens budgétaires affectés au travail et à l'emploi entre 2005 et 2006 ont été reconduits à l'identique, hors financement de l'allégement des cotisations patronales sur les bas salaires. En intégrant celui-ci, on constate une augmentation de près de 6 %.

Par ailleurs, le projet de budget du travail et de l'emploi traduit les priorités gouvernementales dans ce domaine.

La loi de programmation pour la cohésion sociale a notamment revu intégralement le dispositif d'aide au retour à l'emploi des chômeurs de longue durée par les contrats aidés en promouvant plusieurs démarches visant à la simplification ou à une gestion plus proche du terrain, responsabilisant les collectivités territoriales - dans le cas du contrat d'avenir - et les préfet de région - dans celui du contrat initiative-emploi (CIE) et du contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE).

Elle comporte également des engagements budgétaires quant à l'insertion par l'activité économique (IAE) et fixe enfin des objectifs ambitieux en matière de formation en alternance des jeunes. Aussi, le projet de loi de finances comporte-t-il une hausse de 19 % des moyens affectés aux mesures spécifiques aux chômeurs de longue durée, contrats aidés et aides au secteur de l'IAE.

S'agissant des contrats dans les secteurs marchand et non marchand, on relève des ajustements dictés par le principe de réalité. Le gouvernement a donc fait évoluer ses prévisions d'effectifs dans les différents dispositifs :

- il met l'accent sur les CAE, avec 120 000 entrées escomptées en 2006 ;

- il révise à 200 000 la prévision quant aux entrées en contrats d'avenir ;

- il prévoit un niveau prudent d'entrées dans les mesures tournées vers le secteur marchand : le CIE (50 000 entrées attendues), le contrat jeune en entreprise (50 000 également), le contrat de professionnalisation (160 000 contrats pour les jeunes et 15 000 pour les chômeurs de longue durée) ;

- il anticipe un renforcement des effectifs d'apprentis (265 000 entrées en 2006 contre 250 000 en 2005).

Les maisons de l'emploi constituent par ailleurs un élément important du plan de cohésion sociale. Anticipant la création de 80 maisons d'ici la fin 2005 et 200 d'ici 2006, le projet de budget inscrit à ce titre 150 millions d'euros en autorisations d'engagement.

D'autre part, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui rend compte de l'un des trois chantiers du Président de la République, a aussi un impact sur les crédits du travail, même si cette loi modifie relativement moins les politiques de l'emploi des personnes handicapées que d'autres politiques les concernant. On relève ainsi l'apparition dans le budget de l'aide au poste dans les entreprises adaptées, qui leur permettra d'offrir aux salariés handicapés des rémunérations de droit commun égales à celles des autres salariés.

Ce projet de budget met également en exergue le développement de l'emploi dans les secteurs porteurs, notamment les hôtels, cafés et restaurants. L'aide publique, qui est reconduite, vise à accompagner ces secteurs en forte pénurie de main d'œuvre. Par ailleurs, la volonté de doubler le nombre des emplois de services à la personne se traduit par un important dispositif d'exonérations, dont le coût est évalué à 180 millions d'euros pour 2006. De plus, 20,3 millions d'euros sont prévus pour le lancement de la nouvelle Agence nationale des services à la personne.

Enfin, on constate que plusieurs mesures du plan d'urgence pour l'emploi ont été introduites dans le projet de budget, notamment la mise en place d'une allocation versée par l'Etat aux bénéficiaires de contrat nouvelles embauches qui seront victimes d'une rupture de contrat sans avoir pu acquérir de droits à l'assurance chômage. Le parcours d'accès aux carrières des fonctions publiques territoriales (PACTE) est de même doté de 15 millions d'euros. Enfin 37 millions d'euros ont été alloués à la création de l'Etablissement public d'insertion de la défense, qui s'inspirera en métropole des méthodes du service militaire adapté en outre-mer.

Le rapporteur pour avis a ensuite indiqué avoir choisi de développer un thème particulier dans son avis : l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) dans le contexte des réformes affectant ses missions.

En effet, les récentes réformes en faveur de l'emploi ont grandement affecté l'ANPE qui, pour s'adapter, doit évoluer dans ses moyens, ses méthodes et ses partenariats. Il s'agit notamment de l'ouverture du placement des demandeurs d'emploi à des opérateurs privés, de la mise en place des nouveaux contrats aidés de la loi de programmation pour la cohésion sociale et des maisons de l'emploi, de l'institutionnalisation des relations conventionnelles avec l'assurance chômage gérée par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC) - qui doivent conduire au dossier unique du demandeur d'emploi et à des formes de « guichet unique » -, de la réforme du suivi des demandeurs d'emploi et de l'instauration d'entretiens mensuels pour eux.

Il faut d'abord relever la modernisation de l'ANPE, qui se manifeste dans la terminologie employée dans ses documents. Ceux-ci font référence à une « offre de services » et aux « clients », même si la plupart des organisations syndicales se montrent attachées à la notion d'« usager » du service public. Plus généralement, le développement des relations avec le secteur privé démontre la préparation de l'agence au nouveau régime de partenariat et d'ouverture à la concurrence des opérateurs privés promu par la loi de programmation pour la cohésion sociale. En outre, le succès du site anpe.fr, qui reçoit 82 millions de visites par an, et la progression du recours aux outils informatiques illustrent l'évolution de ses méthodes. De même, l'ANPE a renforcé son activité de prospection et propose désormais de nouveaux services aux demandeurs d'emploi.

Le renforcement substantiel des moyens, notamment humains, de l'ANPE lui a permis d'accompagner sa mutation, même si le taux d'encadrement des demandeurs d'emploi reste encore très en deçà des autres pays européens, notamment du Royaume-Uni.

Pour 2006, la subvention de l'Etat à l'ANPE atteindra selon les documents budgétaires 1,268 milliard d'euros, soit une progression de 3,6 % par rapport à la loi de finances pour 2005. Son budget a donc été renforcé eu égard aux nouvelles mesures développées par le plan de cohésion sociale et le plan d'urgence pour l'emploi. A ces mesures s'ajoutera l'embauche, non financée dans le projet de loi de finances, de 3 200 nouveaux agents pour la mise en place d'entretiens mensuels pour l'ensemble des demandeurs d'emploi dès le quatrième mois d'inscription. Les textes d'application de la loi de cohésion sociale confortent également l'ANPE en tant que « bras armé » de l'Etat conducteur de politiques publiques de l'emploi. L'Etat lui confie notamment la maîtrise des différents contrats aidés pour les demandeurs d'emploi de longue durée que crée ou réforme cette loi. On assiste donc à un renforcement patent des moyens humains de l'ANPE et de son rôle.

Dans ce contexte, les relations de l'ANPE avec ses partenaires du service public de l'emploi, et d'abord avec l'UNEDIC, ont également connu des évolutions.

Dans son rapport rendu en 2004, M. Jean Marimbert relevait que le système d'intervention français sur le marché du travail est devenu au fil des ans « de moins en moins lisible » et « le plus éclaté en Europe ». Le désengagement de l'Etat de la gestion courante de l'indemnisation qui caractérise la France apparaît comme une rareté en Europe. Pour autant, le rapport précité ne préconise pas la fusion des grands organismes intervenant dans le domaine de l'emploi, à commencer par l'ANPE et l'UNEDIC. Celle-ci impliquerait un alignement des statuts des personnels complexe et coûteux.

La distinction entre un organisme chargé du placement et un autre de l'indemnisation a en effet des justifications. Pour la plupart des organisations syndicales, cette dichotomie est garante de l'égalité de traitement des demandeurs d'emploi et de la neutralité de l'action de L'ANPE. D'un point de vue a contrario plus libéral, sa position d'assureur autonome autorise l'UNEDIC à mettre en concurrence et à évaluer les différents opérateurs de placement en vue d'une plus grande efficacité.

La loi de programmation pour la cohésion sociale n'a pas fait le choix de la fusion, mais favorise le rapprochement et la coordination des acteurs, dont les maisons de l'emploi sont la plus concrète illustration.

La première grande expérience contractuelle entre l'ANPE et l'UNEDIC est antérieure : elle s'est effectuée dans le cadre de la mise en œuvre du plan d'aide au retour à l'emploi (PARE), suite auquel l'ANPE reçoit désormais de l'UNEDIC un quart de son budget. Cette année, l'ANPE et les ASSEDIC ont engagé une expérimentation de constructions de « parcours personnalisés » pour les demandeurs d'emploi, qui s'avère être un excellent exemple de coopération partenariale observé par le rapporteur pour avis à Lomme, près de Lille.

La convention tripartite est actuellement en cours de négociation, conformément à la loi de programmation pour la cohésion sociale. Elle devrait comprendre des mesures telles que le rapprochement ou la mise en commun de locaux ANPE et ASSEDIC, la mise en œuvre du dossier unique du demandeur d'emploi, la création d'une filiale commune pour l'informatique... Les dirigeants de l'UNEDIC se montrent favorables à un rapprochement opérationnel mais pragmatique et respectueux de l'indépendance des partenaires.

Pour autant, cette démarche conventionnelle comporte des limites intrinsèques. Certes une annexe sera signée avec l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), mais les autres acteurs majeurs du service public de l'emploi tels que le réseau des missions locales ou l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) ne sont pas associés à la démarche par la loi de programmation.

De plus, ce projet de convention a du mal à intégrer le principe de pilotage tel qu'il a été acté dans cette loi. Il est centré sur la coordination opérationnelle et semble omettre la notion de « service public de l'emploi », qui sous-entend que le service public peut être assuré par divers opérateurs, y compris privés, mais implique des obligations vis-à-vis des usagers et une forme de pilotage par la puissance publique.

Finalement, il convient de s'interroger sur la pertinence du dispositif institutionnel français, lequel conserve la dichotomie entre un organisme chargé du placement des demandeurs d'emploi, qui est placé dans la seule main de l'Etat, et un organisme d'indemnisation placé dans celle des seuls partenaires sociaux.

L'UNEDIC tire manifestement une certaine légitimité du fait du paritarisme qui la place en position de force grâce à sa capacité à s'affirmer comme acteur politique. Or elle ne devrait pas apparaître comme un « donneur d'ordre » mais plutôt privilégier une co-traitance avec l'ANPE, agence administrative, qui ne peut s'affirmer que si l'Etat joue pleinement son rôle de pilote du système.

Autre contradiction : l'assurance chômage, en tant que payeur des indemnités des demandeurs d'emploi, revendique légitimement un pouvoir de contrôle que la loi de programmation pour la cohésion sociale lui a d'ailleurs donné. Mais, en matière de suivi de la recherche d'emploi, elle n'est pas en position institutionnelle de contrôler la réalité de leurs efforts pour retrouver un emploi, cette démarche incombant à l'ANPE. A ce titre, c'est logiquement que le décret d'application du 2 août 2005 permet à l'assurance chômage de suspendre, à titre conservatoire, l'indemnisation des demandeurs d'emploi en cas de non-réponse aux convocations et de fausses déclarations, mais pas pour absence de recherche active d'emploi ou refus d'emploi « compatible ».

On peut aussi s'interroger sur le principe d'une assurance chômage autonome gérée paritairement. Certes ce système amène les partenaires sociaux à décider et à prendre ensemble des décisions parfois douloureuses, comme le fut la réduction de 30 à 23 mois de la durée d'indemnisation des chômeurs en 2004. Toutefois, le système de financement de l'indemnisation assis sur des cotisations salariales a un caractère « procyclique », car il dépend de l'activité économique. Cela engendre un ajustement de l'équilibre financier à court terme, qui conduit parfois à des situations vécues comme des injustices comme ce fut le cas pour les « recalculés ». En effet, le raisonnement économique et l'équité sociale justifieraient que les conditions d'indemnisation s'améliorent en période de basse conjoncture, mais au contraire se durcissent quand l'emploi va bien.

Parmi les autres partenaires de l'ANPE, il faut citer l'AFPA. Leur collaboration leur a été imposée par l'Etat depuis 1999, à travers des contrats de progrès leur fixant des objectifs de complémentarité, l'ANPE recourant à l'AFPA pour des prestations de définition d'un projet de formation au bénéfice des demandeurs d'emplois qui en ont besoin. D'autres domaines de complémentarité ont également été reconnus comme la validation des acquis de l'expérience (VAE). La loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit également que l'ANPE et l'AFPA mettent en place une offre conjointe de services pour les jeunes non qualifiés passés par une plateforme des vocations. Des coopérations ponctuelles s'opèrent aussi dans les opérations de reconversion (MOULINEX, METALEUROP) ou vers les métiers en tension.

S'agissant des relations de l'ANPE avec les missions locales, elles ont longtemps été marquées par une sorte de concurrence à l'égard du public « jeunes ». Elles sont actuellement inscrites dans deux conventions : pour la mise en œuvre du projet d'action personnalisé pour un nouveau départ (PAP-ND) et la mise à disposition aux missions locales de 400 agents de l'ANPE. Les missions locales souhaiteraient néanmoins une convention globale avec l'ANPE qui aborderait outre les dispositions susmentionnées leur participation à la mise en place des maisons de l'emploi et des plateformes de vocation.

Avec l'ANPE, l'AGEFIPH, qui finance le réseau des associations Cap Emploi, lequel assure efficacement le placement des personnes handicapées. Ces associations sont conventionnées à la fois avec l'AGEFIPH, l'Etat et l'ANPE, qui reverse au réseau, par le biais de l'AGEFIPH, des financements apportés par l'UNEDIC au titre du PARE. Ces apports dépendront à l'avenir de la convention tripartite Etat/ANPE/UNEDIC, à laquelle l'AGEFIPH regrette donc de ne pas être associée. Elle craint ainsi de se voir imposer certains choix, que son réseau, composé de petites structures, pourrait difficilement assumer.

Les relations entre départements et ANPE sont anciennes pour la gestion de l'insertion des bénéficiaires du RMI. Depuis la loi de décentralisation de 2004, l'ANPE travaille avec les conseils généraux, mais la mise en place de leurs nouvelles relations a été délicate, puisque la plupart des départements étaient mécontents du fait des tarifs élevés proposés par l'ANPE. Ainsi, une dizaine d'entre eux ont cherché à la mettre en concurrence avec des prestataires privés. C'est pourquoi l'ADF finalise actuellement un accord-cadre avec l'ANPE, qui devrait avoir pour corollaire une baisse des tarifs pratiqués. Il introduit également des objectifs de résultats.

La loi de programmation pour la cohésion sociale met en place les maisons de l'emploi : 56 maisons de l'emploi ont d'ores et déjà été labellisées et l'objectif de 80 d'ici la fin de l'année semble réaliste. Les dépenses sont d'ailleurs inférieures à celles initialement prévues dans le plan de cohésion sociale.

La loi a également supprimé le monopole historique de l'ANPE pour le placement en emploi et permis la reconnaissance des agences de placement privées, qui sont soumises à des obligations de service public et des contrôles. Les acteurs concernés par cette nouvelle loi sont pour l'heure prudents : l'ANPE a renoncé à créer des filiales commerciales et a signé une charte de bonne conduite avec les entreprises de travail temporaire, garantissant une certaine complémentarité entre eux.

Cette évolution amène aussi le recours à des opérateurs de placement privés conventionnés par des commanditaires publics, tels Ingeus, BPI ou Altédia. Les expérimentations en cours reposent sur le principe du volontariat des demandeurs d'emploi envoyés à ces organismes et du monopole de prescription de ces prestations par le service public de l'emploi. Le taux de reclassement constaté pour l'heure avoisine les 17 %, mais il n'est pas significatif, faute de recul. S'agissant de la rémunération des opérateurs privés, celle-ci est liée aux résultats et si le montant apparaît élevé, il se justifie néanmoins par un niveau élevé de service.

L'accompagnement des demandeurs d'emploi a lui aussi évolué. En termes quantitatifs tout d'abord, puisque le plan d'urgence pour l'emploi a prévu que les jeunes de moins de 25 ans demandeurs d'emploi depuis plus d'un an puissent être reçus dans l'été. De plus, dès janvier 2006 seront généralisés les entretiens mensuels avec les demandeurs d'emploi, ce qui fera passer de 14 à 28 millions le nombre d'entretiens assurés annuellement par l'agence. Ce suivi sera également personnalisé grâce à l'attribution d'un référent à chaque demandeur d'emploi. Cette mesure suppose des moyens importants et l'enjeu est d'avoir véritablement quelque chose à offrir aux personnes convoquées lors de rencontres aussi rapprochées, afin d'éviter deux écueils de la part des demandeurs d'emploi : une lassitude qui pourrait en décourager (notamment ceux qui ne sont pas indemnisés et donc moins susceptibles de sanctions) de se présenter aux entretiens et un éventuel recours à la violence, sans doute très minoritaire mais craint par plusieurs organisations syndicales de l'ANPE.

S'agissant de la prise en charge différenciée des chômeurs, celle-ci est une réalité dans d'autres pays européens ; elle est fonction de leur distance au marché du travail évaluée à l'inscription, comme aux Pays-Bas, ou d'autres critères, en particulier de durée de chômage, comme au Royaume-Uni. En France, les expérimentations en cours reposent sur une évaluation initiale au terme de laquelle trois parcours sont identifiés selon le risque présumé de chômage de longue durée.

Dans le contexte expérimental actuel, des interrogations restent ouvertes ; elles portent sur la pertinence d'un système d'évaluation initiale de la distance à l'emploi et sur les conséquences à en tirer : faut-il attendre trois mois, comme on le fait aujourd'hui, pour proposer un accompagnement très renforcé aux personnes évaluées comme très menacées de chômage de longue durée ?

Il convient enfin d'observer qu'il existe d'autres entrées que la distance présumée à l'emploi dans des régimes d'accompagnement spécifique : la convention de reclassement personnalisé (CRP) est ainsi réservée aux personnes concernées par un prochain licenciement économique. Certaines décisions récentes, telles que celle de mise en place des entretiens mensuels pour tous les demandeurs d'emploi, vont même au rebours de l'évolution vers la différenciation des parcours. Il apparaît donc que les choix ne sont pas encore fait en matière d'accompagnements plus ou moins différenciés des demandeurs d'emploi et de critères d'accès à ces accompagnements.

Face aux pénuries de main-d'œuvre dans certains métiers, enfin, l'ANPE s'efforce d'apporter de nouvelles réponses. Elle se tourne désormais davantage vers la prospection des entreprises et l'identification des métiers porteurs pour anticiper leurs besoins. Les plateformes de vocation constituent un élément de cette politique puisqu'elles permettent d'évaluer l'aptitude des jeunes, indépendamment de leur formation, sur un à trois métiers porteurs ou en tension sur leur bassin d'emploi. La loi de programmation en prévoit 72 d'ici fin 2005 et 100 pour 2006.

S'il ressort de l'ensemble de ces éléments plusieurs constats plutôt consensuels, mais il s'ensuit également un débat beaucoup plus difficile à trancher.

Les constats assez consensuels portent sur : le renforcement du rôle des opérateurs privés sur le « marché » du placement en emploi, du fait de la prudence et de la volonté de complémentarité plutôt que de concurrence frontale qui sont affichées ; les maisons de l'emploi, qui opèrent un mouvement réel de rapprochement des acteurs locaux, même si d'inévitables conflits de pouvoir se produisent ; la différenciation des « parcours » des demandeurs d'emploi, évolution qui paraît à la fois inéluctable et légitime dans son principe.

Beaucoup plus délicate est la question du rapprochement ANPE-UNEDIC. Jusqu'où peut-on aller dans le rapprochement volontaire, puisque conventionnel et essentiellement limité à la coordination opérationnelle ? Il faut bien admettre que ce système rencontre vite diverses limites, tensions et contradictions :

- Le rapport de force est structurellement déséquilibré entre l'assurance chômage, acteur « politique », et l'ANPE, acteur seulement « administratif » dépendant de l'Etat.

- Il existe une contradiction entre la volonté - légitime - de l'assurance chômage, en tant que payeur, de contrôler les demandeurs d'emploi indemnisés et son implication limitée dans leur accompagnement à l'emploi.

- On peut discuter l'équité d'une situation qui veut que, parce qu'ils sont indemnisés par l'UNEDIC, des demandeurs d'emploi bénéficient le cas échéant de prestations d'accompagnement renforcé ou de formations qui sont inaccessibles aux demandeurs d'emploi non indemnisés qui en auraient pourtant besoin tout autant.

- On comprend les sentiments d'injustice ressentis lorsque l'on est amené à durcir les conditions d'indemnisation du chômage alors même que la situation de l'emploi se dégrade, comme ce fut le cas en 2004.

- On constate une segmentation de la chaîne d'indemnisation des personnes sans emploi, bénéficiaires d'abord de l'allocation de retour à l'emploi financée par l'UNEDIC, puis de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) financée par l'Etat ou du revenu minimum d'insertion (RMI) à la charge des départements, les modifications de réglementation décidées par un financeur se répercutant dès lors sur les charges subies par les autres, comme ce fut le cas en 2004, lorsque le passage de 30 à 23 mois de la durée d'indemnisation a entraîné un accroissement de plus de 8 % du nombre des allocataires du RMI.

Aller plus loin dans le rapprochement impliquerait une nouvelle intervention du gouvernement et du législateur, qui pourrait être perçue comme un acte d'autorité inacceptable. Ce serait inévitablement le cas si une fusion devait être imposée.

Cependant, il appartient à l'Etat d'assumer pleinement son rôle de pilotage du service public de l'emploi tel que l'a inscrit dans le marbre la loi de programmation pour la cohésion sociale. Très prochainement, il sera partie prenante de la délicate négociation de la nouvelle convention UNEDIC, qui s'engagera sur le constat d'un déficit cumulé approchant 14 milliards d'euros fin 2005. Ce pourrait être une occasion exceptionnellement favorable de convaincre les partenaires sociaux de la nécessité d'une refonte en profondeur du dispositif institutionnel dans le respect de la légitimité de chacun, en évitant tout « coup de force ».

En conclusion de son propos, le rapporteur pour avis a souhaité que la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

Le président Jean-Michel Dubernard a félicité le rapporteur pour avis d'avoir choisi l'ANPE pour thème d'étude, ainsi que d'avoir exposé en annexe les politiques efficaces suivies au Royaume-Uni.

M. Gaëtan Gorce a considéré, au nom du groupe socialiste, que la politique de l'emploi menée depuis 2002 est un échec : le chômage reste très élevé malgré la légère décrue obtenue ces derniers mois par des moyens au demeurant discutables ; l'emploi baisse dans l'industrie et, plus généralement, dans le secteur marchand. Les effets d'une croissance insuffisamment soutenue ont été aggravés par une politique en dents de scie, qui a d'abord consisté à supprimer les dispositifs précédemment adoptés au motif de mettre l'accent exclusivement sur l'emploi dans le secteur marchand - au moment même où l'activité s'y réduisait. Force est de constater que les résultats ne sont là ni sur le terrain, ni même dans le projet de budget : les crédits en faveur de l'emploi, qui avaient baissé quand M. François Fillon était ministre, progressent de 0,7 % à peine - hors allégements de cotisations sociales - malgré les dizaines de milliards d'euros annoncés par M. Jean-Louis Borloo. Le contraste est frappant entre un discours volontariste et des moyens en stagnation.

On observe, dans ce contexte de stagnation budgétaire, un redéploiement de moyens au détriment de certains dispositifs qui ont manifestement échoué : le contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS) agonise et le contrat jeunes en entreprise (SEJE), annoncé à l'été 2002 comme une mesure phare justifiant la convocation du Parlement en session extraordinaire, voit ses crédits se réduire substantiellement. S'agissant des contrats d'avenir, qui s'adressent à des publics en grande difficulté, l'objectif annuel est ramené de 250 000 à 200 000 signatures, au bénéfice des contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE). En d'autres termes, le gouvernement ne croit plus aux dispositifs qu'il a lui-même instaurés pour développer l'accès à l'emploi dans le secteur marchand ou au bénéfice des personnes les plus en difficulté et en revient à une politique classique de traitement social, visant à « faire du chiffre » sans trop se préoccuper d'insertion.

Quant aux contrats nouvelles embauches (CNE), leur impact sur l'emploi est très discutable, compte tenu de l'effet probable de substitution à des embauches classiques. En matière d'apprentissage, enfin, le contraste est vif entre la volonté affichée par le gouvernement de le développer et le vote par la commission des finances d'un amendement tendant à supprimer l'augmentation de la contribution au développement de l'apprentissage.

S'agissant de l'ANPE et du service public de l'emploi, la réflexion conduite par le rapporteur pour avis mérite d'être saluée et l'intéressante annexe consacrée au Royaume-Uni pourrait être utilement complétée, en vue de l'examen du projet de loi de finances pour 2007, par d'autres visites à l'étranger, en Suède par exemple. Ce pourrait être l'objet d'une mission d'information. La fluidité du marché du travail et les moyens de l'assurer constituent en effet des enjeux essentiels.

Le regroupement, envisagé par certains, entre l'ANPE et l'UNEDIC peut laisser sceptique à l'heure où le nombre des opérateurs, publics et privés, se multiplie sur le marché du travail, et où l'ANPE elle-même est mise en concurrence avec des agences privées. On prétend coordonner, mais on organise plutôt la balkanisation du système. Comment mener une politique efficace sans coordonner ces interventions dispersées et sans renforcer les moyens consacrés à l'accompagnement des chômeurs ? Le droit des chômeurs à la reconversion doit certes être assorti de devoirs, notamment en matière de recherche effective d'emploi, mais il n'a pas de sens d'imposer ces devoirs si les services de l'emploi ne sont pas eux-mêmes mobilisés de façon efficace dans cette direction. Le gouvernement doit s'engager dans une politique durable, dont le service public de l'emploi soit l'axe, au lieu de changer de cap tous les ans ou tous les deux ans, au risque de démoraliser et de démobiliser les personnels, les élus et les associations.

M. Francis Vercamer, après s'être étonné du faible nombre de participants à un débat portant sur le principal sujet de préoccupation des Français, a regretté que le rapporteur pour avis ait choisi de visiter des services de l'emploi à Lomme plutôt qu'à Roubaix ou Lille-Sud, secteurs plus touchés par les difficultés économiques et sociales, et estimé que le thème de l'organisation de ces services est effectivement intéressant ; il a d'ailleurs été l'objet d'un excellent rapport de M. Christian Blanc.

De manière générale, on ne peut que se féliciter que figurent au projet de loi de finances les moyens annoncés dans le cadre de l'examen de la loi de programmation pour la cohésion sociale, ainsi que de voir le chômage reculer, fût-ce légèrement, pour le sixième mois consécutif.

Il n'est pas condamnable de réduire les financements destinés à des dispositifs qui ne fonctionnent pas et de les orienter vers de nouvelles politiques plus conformes aux réalités des territoires et aux attentes des publics concernés. Certes l'emploi ne se décrète pas, mais si l'Etat peut intervenir utilement dans ce domaine, c'est en faveur des populations les plus exclues, les plus atteintes par la discrimination en matière d'emploi - et les événements actuels ne sont pas de nature à infirmer cette idée. Mais la réussite des politiques de l'emploi repose aussi sur les partenaires de l'Etat, en particulier sur les collectivités territoriales - villes, départements, régions. Certains territoires, plus atteints que d'autres par la désindustrialisation, par les reconversions, ont besoin de plus de moyens, et la seule discrimination positive qui vaille est une discrimination territoriale, qui permette d'aider au reclassement des travailleurs, notamment ceux que l'on a fait venir d'ailleurs il y a longtemps, sans les former ni même, souvent, les alphabétiser, et qui se retrouvent aujourd'hui sans emploi ni perspectives.

S'agissant des différents contrats, il ne faut pas confondre prévisions et réalités. Le budget 2005 prévoyait le financement de 185 000 contrats d'avenir ; au 3 octobre, seuls 3 813 avaient été signés, contre 49 111 CAE. Cette différence de succès entre les deux dispositifs s'explique notamment par le fait que l'encadrement des personnes concernées dans les chantiers-école est financé dans un cas, mais pas dans l'autre, du moins dans certaines régions, car il semble que les choix soient différents selon les territoires. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que la politique de l'Etat soit mal comprise sur le terrain.

Il est par ailleurs difficile de dire si le contrat nouvelles embauches est ou non un succès, faute de savoir si les employeurs qui y ont recouru auraient ou non embauché en son absence, et sous quelle forme. Ce qui est certain, en revanche, c'est qu'il est un facteur de précarité supplémentaire, et donc un frein à la consommation et à la croissance.

Il est indispensable que soit menée une politique durable, afin de redonner confiance aux partenaires sur le terrain : comment une association s'enhardirait-elle à embaucher quelqu'un sur un contrat aidé en sachant qu'elle risque de devoir le licencier sous peu, faute de pouvoir le payer ?

Il faut également s'attaquer au problème des effets de seuil, qui retiennent nombre de bénéficiaires de minima sociaux de reprendre un emploi, car ils perdraient certains avantages liés à leur statut d'allocataires - exemption de redevance audiovisuelle ou de taxe d'habitation, gratuité des transports ou de certains services municipaux, etc. Un lissage de ces effets de seuil favoriserait la reprise d'emploi ; Mme Valérie Létard, sénatrice du Nord, est l'auteur d'un rapport très intéressant sur cette question.

Enfin, la création d'une agence pour la sécurité au travail est une initiative louable, mais ne vaudrait-il pas mieux créer une délégation interministérielle, afin que les différentes agences des différents ministères concernés ne se livrent pas une concurrence aussi stérile que coûteuse ?

Mme Cécile Gallez a estimé nécessaire de poursuivre la politique d'allégement de charges, notamment sur les bas salaires, ainsi que de réduction de la taxe professionnelle, afin d'aider les entreprises françaises à résister à la mondialisation. Le développement des services à la personne et le soutien au secteur de l'hôtellerie et de la restauration sont également susceptibles de créer des emplois. Après plusieurs mauvaises années, l'emploi donne des signes d'amélioration, et les contrats « Borloo » devraient aider la tendance à s'améliorer encore.

Les maisons de l'emploi sont une formule qui n'a pas besoin d'être très onéreuse pour donner de bons résultats. Si les demandeurs d'emploi ont accès à tous les services au même endroit, ils ne recevront plus d'informations contradictoires d'un guichet à l'autre. De même, le droit à un entretien mensuel pour les demandeurs d'emploi et le suivi personnalisé constituent d'excellentes mesures.

M. Bernard Perrut, président, a souligné en préambule le contraste entre la puissance des moyens financiers consacrés aux politiques de l'emploi et leur impuissance face au chômage, largement tributaire de la conjoncture économique internationale. A cet égard, le projet d'avis, par ailleurs excellent, évoque de façon injuste la mauvaise opinion qu'auraient les Français du service public de l'emploi, lequel est sans doute perfectible, mais accomplit un travail d'une grande qualité, notamment à l'occasion des entretiens avec les demandeurs d'emploi.

Les maisons de l'emploi sont sans nul doute une bonne idée, à condition qu'il ne s'agisse pas de créer un organe administratif de plus, mais simplement de faire travailler ensemble des gens qui n'en ont pas l'habitude, en vue de définir des stratégies adaptées aux besoins du terrain. On peut regretter aussi que les missions locales, qui envisagent l'insertion sous tous ses aspects, y compris ceux liés au logement ou à la santé, n'y soient pas associées. Il convient de sortir de la rivalité entre agences de l'emploi et missions locales.

Il serait intéressant de disposer d'un bilan des contrats jeunes en entreprise, portant aussi bien sur le nombre de contrats signés que sur celui des structures nouvelles - entreprises ou associations - nées grâce à ce dispositif. L'apprentissage est également une priorité sur laquelle il faut insister. Le Premier ministre a envisagé publiquement qu'il puisse commencer à quatorze ans, mais où en est la conclusion des contrats d'objectifs et de moyens avec les régions ? Enfin, les entreprises d'insertion rencontrent des difficultés financières du fait de la remise en cause de crédits de l'Etat (mais qui ne figurent pas dans la mission « Travail et emploi »).

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a apporté les éléments suivants :

- Il ressort de toutes les interventions que la question de l'emploi est difficile entre toutes, et requiert de la constance dans l'action. L'entrée en vigueur de la LOLF permettra au moins une analyse plus fine des effets des politiques menées. Les budgets doivent aussi s'adapter aux réalités du terrain, à la possibilité réelle d'utiliser les montants inscrits, c'est-à-dire à la capacité des entreprises ou des associations à embaucher. Certains contrats ont du mal à démarrer, c'est vrai, mais il convient de saluer l'effort consenti par l'Etat qui a porté son taux d'aide à 90 % pour tous les contrats d'avenir conclus jusqu'au 1er mars 2006 et de manière pérenne pour les chantiers d'insertion.

- L'augmentation du chômage des dernières années n'a pas commencé au printemps 2002, mais à l'été 2001, et l'on observe une amélioration depuis le printemps 2005. Cela mérite d'être rappelé car certains rapprochements entre les politiques menées et la situation de l'emploi sont trop faciles.

- Les déplacements en province ou à l'étranger sont toujours instructifs, et si le rapporteur pour avis a choisi de se rendre à Lomme, c'est parce qu'une expérimentation intéressante y est en cours ; d'autres visites lui ont permis par ailleurs d'avoir une vue plus large des choses. Développer la connaissance des systèmes d'accompagnement des demandeurs d'emploi à travers une mission spécifique pourrait être une bonne idée.

- La question des effets de seuil recevra une solution dans le cadre du projet de loi relatif au retour à l'emploi et au développement de l'emploi, qui améliorera les conditions de cumul partiel entre minima sociaux et revenus du travail.

- Il conviendra d'évaluer à brève échéance les effets des allégements de charges, mais ceux-ci sont une bonne chose, ainsi que l'a dit à juste titre Mme Cécile Gallez.

- Nul ne conteste l'intérêt des maisons de l'emploi, qui ne seront d'ailleurs pas forcément onéreuses, et si les crédits qui leur sont affectés sont plus faibles que ceux programmés dans le plan de cohésion sociale, c'est parce qu'en maints endroits les coûts d'investissement ou de personnel sont inférieurs aux prévisions. Il ne doit évidemment pas s'agir d'un « machin » supplémentaire, mais d'une structure souple, permettant aux différents partenaires de travailler dans la même direction, sur un secteur qu'ils connaissent bien, et il serait bon que les missions locales y soient associées également.

- L'entretien mensuel dont bénéficieront les demandeurs d'emploi sera utile s'il offre des perspectives et que l'on ne décourage pas les demandeurs d'emploi. Quant à l'image de l'ANPE, le rapporteur pour avis n'a fait que mentionner les résultats d'un sondage, avec les aléas qui s'attachent à cette forme de consultation, et n'a nullement mis en cause la qualité du service public et de ses agents.

- On décomptait un cumul de 229 820 contrats jeunes en entreprise signés jusqu'au 30 juin 2005, soit 30 % de plus que l'année précédente à la même date.

- L'Agence nationale des services à la personne a été mise en place le 18 octobre. Présidée par M. Laurent Hénart, elle se fixe pour objectif de doubler les créations d'emplois dans ce secteur.

Conformément aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi ».

*

Puis la commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, les crédits pour 2006 du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a.indiqué que les crédits affectés à la diplomatie culturelle de la France sont désormais dispersés entre quatre programmes budgétaires : aux programmes « Action de la France en Europe et dans le monde », « Français à l'étranger et étrangers en France » et « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'Etat », pilotés par le ministère des affaires étrangères, s'ajoute le programme interministériel « Solidarité à l'égard des pays en voie de développement ». Ce découpage n'est pas satisfaisant, et enlève de son intérêt aux travaux de la Commission.

En particulier, les crédits de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger (AEFE) relèvent désormais du programme « Français à l'étranger et étrangers en France », ce qui est pour le moins paradoxal, 56 % des élèves des établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger étant de nationalité autre que française.

En outre, la chaîne française d'information internationale (CII), qui avait été, l'an dernier, le thème d'étude du rapporteur pour avis, est désormais rattachée à la mission « Médias », pilotée par les services du Premier ministre, tandis que TV5 et RFI demeurent dans le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ; il serait plus cohérent que les trois médias, qui visent le même public, soient regroupés.

Les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » pour 2006 sont inférieurs de 4,25 % à ceux de la loi de finances initiale pour 2005. Les restrictions sont supportées avant tout par l'action « Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle », dont les crédits devraient baisser de 4,6 % par rapport à l'exercice 2005, et ce alors même que la France a eu la satisfaction, le 21 octobre dernier, de voir adoptée par l'UNESCO la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, en faveur de laquelle elle avait ardemment milité.

Deux autres points sont insatisfaisants : la réduction de 10 % des crédits consacrés aux bourses accordées par le ministère des affaires étrangères et la simple reconduction des crédits accordés aux opérateurs audiovisuels, qui se traduira en fait par une baisse de 1,4 % de leurs moyens par rapport à la LFI pour 2005, compte tenu de la revalorisation des salaires des personnels de ces opérateurs.

Le rapporteur pour avis a indiqué avoir choisi cette année pour thème d'étude la présence culturelle française en Pologne, pays le plus peuplé d'Europe centrale et orientale, avec lequel la France entretient depuis toujours des relations privilégiées.

Exemple rare, trop rare même en Europe, la France et la Pologne ne se sont de fait jamais affrontées sur les champs de bataille. Bien au contraire, l'Histoire a retenu que c'est une fraternité d'armes qui a la première rapproché les deux nations. Les différents interlocuteurs polonais rencontrés ont souligné la popularité en Pologne du personnage de Napoléon qui est perçu comme un libérateur.

L'intégration de la Pologne dans l'Union européenne offre une chance à saisir pour relancer la coopération culturelle, universitaire et scientifique entre les deux pays, sous forme bilatérale, multilatérale, voire trilatérale dans le cadre du « triangle de Weimar » qui les associe à l'Allemagne, ainsi que la promotion de la langue et de la culture françaises.

Si la Pologne n'est pas un pays francophone au sens traditionnel du terme, 6 % des Polonais de quinze à soixante ans déclarent connaître le français, soit 1 500 000 personnes. Plus encourageant encore, ils sont 26 % à juger utile, à l'heure de l'intégration européenne, de connaître le français pour faciliter les négociations dans le cadre communautaire.

La coopération culturelle bilatérale est étonnamment dynamique, la présence culturelle française en Pologne s'appuyant sur le service de coopération et d'action culturelle (SCAC), qui dispose de deux antennes à Poznań et à Wrocław, sur les deux instituts français de Varsovie et de Cracovie, ainsi que sur un réseau de seize alliances françaises. Ce dispositif est complété par le lycée français René-Goscinny de Varsovie et par un centre de civilisation française auprès de l'université de Varsovie.

L'apprentissage du français devrait encore progresser à la faveur de l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne. Dans les lycées d'enseignement général, la progression du français est notable, les effectifs passant de 94 000 élèves en 2003-2004 à 100 210 en 2004-2005, soit 13,4 % des lycéens - moins que l'anglais et même que l'allemand, mais plus, pour la première fois, que le russe. Cette évolution apparaît liée à la conjonction de deux facteurs : l'obligation, instaurée en 1999, d'apprendre deux langues à ce niveau d'enseignement, et surtout l'entrée de la Pologne dans l'Union européenne.

L'attention du rapporteur pour avis a été attirée sur les difficultés rencontrées par les alliances françaises, du fait de la vive concurrence des écoles et instituts privés, qui offrent en moyenne des cours à 13 zlotys de l'heure au lieu de 21 zlotys. Il convient de moderniser le réseau des alliances françaises en Pologne, en faisant notamment valoir que la connaissance du français, par exemple en langue de spécialité, peut être un atout pour une meilleure insertion professionnelle à l'heure de l'intégration européenne.

Acteur central de la francophonie, la France essaie depuis plusieurs années de promouvoir dans les instances internationales le respect de la diversité des cultures et des langues dans un monde multipolaire. En Pologne, son action vise notamment à favoriser l'émergence d'industries culturelles polonaises - elle pourrait ainsi apporter prochainement son appui technique pour transposer la loi sur le prix unique du livre dans le droit polonais. Etant donné le grand succès rencontré en France en 2004 par la saison culturelle polonaise Nowa Polska, il serait souhaitable que soit organisée en 2007 une saison culturelle française en Pologne, qui serait l'occasion de faire connaître des aspects méconnus de la culture française et de promouvoir la diversité culturelle.

S'agissant de la coopération universitaire et des échanges de chercheurs, l'université polonaise a adhéré au processus « Sorbonne-Bologne » et s'est ouverte plus nettement encore aux échanges, qu'il convient de consolider en les inscrivant notamment dans le cadre du « Triangle de Weimar ».

Enfin, il est possible de profiter du récent mouvement de décentralisation en Pologne et de l'émergence de nouveaux partenaires pour renforcer la coopération décentralisée entre les deux pays, en s'appuyant notamment sur les jumelages, nombreux en particulier dans la région Nord-Pas-de-Calais, mais pas seulement.

On peut se féliciter du dynamisme dont fait preuve la France pour affirmer sa présence culturelle en Pologne et œuvrer à la diffusion de la langue française, tout en soulignant que les acquis restent fragiles, ainsi que l'ont montré les réactions à certaines déclarations de responsables politiques français qui ne mesurent pas bien l'impact que peut avoir, à l'extérieur des frontières, une petite phrase ou un bon mot.

Les Polonais ont ainsi été profondément affectés par la phrase du Président de la République : « Je crois qu'ils ont manqué une bonne occasion de se taire », prononcée le 17 février 2003 en réponse à la déclaration du 5 février des pays du « groupe de Vilnius », lesquels se disaient prêts à contribuer à une coalition internationale pour faire respecter le désarmement de l'Irak. Plus récemment, lors de la campagne du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe, M. Philippe de Villiers dans une interview donnée au Figaro le 15 mars 2005, a fait porter de façon déplacée au « plombier polonais » la responsabilité d'un possible démantèlement du modèle économique et social français. Les Polonais ont réagi, cette fois, avec davantage d'humour, mais leur incompréhension reste très profonde vis-à-vis d'une telle attitude, étant donné que l'adhésion de leur pays à l'Union européenne a pour conséquence normale et logique que les travailleurs polonais accéderont librement au marché français du travail en 2009.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur pour avis.

M. Georges Colombier, président, a approuvé les observations du rapporteur pour avis sur le changement de périmètre budgétaire et son regret, dont il fera part au Président Jean-Michel Dubernard, que l'AEFE soit rattachée au programme « Français à l'étranger et étrangers en France », dont la commission n'est pas saisie pour avis. Il l'a d'autre part remercié d'avoir rappelé les liens d'amitié séculaires entre la France et la Pologne, et a rappelé que la petite phrase sur le « plombier polonais » n'exprimait pas la position officielle de la France.

M. Yves Boisseau a souligné que les liens culturels franco-polonais demeurent très vivaces dans les régions d'immigration polonaise et que d'autres pays d'Europe orientale sont également demandeurs de relations plus intenses avec la France. Ainsi, la récente venue dans le Calvados de Mme Vaira Vike-Freiberga, présidente de la Lettonie, qui parle d'ailleurs un français parfait, a été l'occasion pour lui de s'étonner, pour le déplorer, que les échanges entre la France et les pays Baltes soient encore faibles, en dépit de la forte croissance que ces pays connaissent depuis quelques années. Si le français n'est enseigné qu'à 2 % des élèves du secondaire en Lettonie, il ressort du tableau présenté dans le projet d'avis que de plus de 500 fonctionnaires de chacun des trois pays baltes ont participé en 2004 au programme « Plan pluriannuel pour le français dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne ».

M. Pierre-Louis Fagniez a regretté que le rapporteur pour avis ait paru mettre sur le même plan la déclaration du Président de la République, à laquelle au demeurant ne sauraient se résumer les relations qu'entretiennent de longue date la France et la Pologne, et la petite phrase malveillante reprise par M. Philippe de Villiers sur le « plombier polonais ».

M. Jean-Claude Beauchaud a déploré la modicité des crédits consacrés au rayonnement culturel et scientifique de la France, et surtout les gels et annulations dont ils sont chroniquement l'objet, car les bourses ou les échanges qui en sont victimes sont justement des actions qui contribuent à créer entre la France et ses partenaires un climat de paix et de confiance. Quant aux liens historiques entre la France et la Pologne, attestés par la proportion élevée de Polonais connaissant le français, ils sont à encourager mais encore faut-il que des crédits suffisants permettent de mener cette politique de coopération culturelle.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur pour avis a jugé désastreuse, pour l'image de la France à l'étranger, la remise en cause, sous prétexte de régulation budgétaire, de programmes bilatéraux ou multilatéraux prévus de longue date.

La France a su être très attentive à l'évolution de la Pologne dans les années qui ont précédé comme suivi la chute du « rideau de fer », et a notamment accueilli de très nombreux réfugiés au lendemain de la déclaration de la loi martiale par le général Jaruzelski en 1981. Il serait incompréhensible que les moyens consacrés à la coopération avec ce pays - comme avec les autres pays d'Europe centrale et orientale - baissent au moment où il entre dans l'Union européenne. Quant à la remarque de M. Pierre-Louis Fagniez, il en sera tenu compte dans la version définitive de l'avis, pour éviter de mettre sur le même plan les propos du chef de l'état et ceux de M. Philippe de Villiers. Il n'en demeure pas moins que la phrase malencontreuse du Président de la République a suscité une immense déception jusque dans les milieux les plus francophiles de Pologne, ainsi que le rapporteur pour avis a pu s'en rendre compte sur place.

En conclusion, le rapporteur pour avis a insisté une nouvelle fois sur l'intérêt qu'il y aurait à rattacher les crédits de l'AEFE au programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable au programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

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Informations relatives à la commission

La commission a procédé à la désignation des membres de la mission d'information sur l'enseignement des disciplines scientifiques dans le primaire et le secondaire :

Députés

Groupe politique

M. Jean-Marie Rolland, président-rapporteur

UMP

M. Yves Boisseau

UMP

M. Yves Durand

Soc.

M. Yvan Lachaud

UDF

M. Pierre Lasbordes

UMP

M. François Liberti

CR

M. Daniel Prévost

UMP

M. Frédéric Reiss

UMP

Mme Irène Tharin

UMP

Le groupe socialiste présentera ultérieurement les candidatures pour les deux postes lui revenant.


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