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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 21

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 23 novembre 2005
(Séance de 17 heures)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique (M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)



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- Information relative à la commission

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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, le rapport de M. Jean-Michel Dubernard sur la mise en application de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Le président Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a rappelé que la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique est fondamentale pour l'évolution du système de santé publique, qu'elle redéfinit en profondeur et rationalise utilement afin de garantir à tous la protection et l'amélioration de la santé.

Le constat établi en mars 2005 par le premier rapport d'application de cette loi, qui faisait état d'un retard d'application sérieux, n'en était que plus préoccupant : seuls sept textes réglementaires - trois décrets et quatre arrêtés - avaient été publiés et quatre circulaires édictées ; quatre-vingt-sept articles restaient par conséquent encore inapplicables sur les cent cinquante-huit du texte. C'est pourquoi un nouveau bilan s'impose, fondé sur les dispositions de l'article 86, alinéa 8, du règlement de l'Assemblée nationale.

La loi entre cependant progressivement dans les faits. Depuis la publication du premier rapport d'application, seize nouveaux textes réglementaires - dix décrets et six arrêtés - ont été publiés et six nouvelles circulaires édictées. Deux articles, qui ne nécessitaient pas la publication de textes réglementaires, mais dont l'application avait été différée par la volonté du législateur, sont automatiquement entrés en vigueur, en particulier l'interdiction des distributeurs automatiques dans les établissements scolaires depuis le 1er septembre 2005. La publication de quatre décrets et cinq arrêtés a rendu applicables cinq nouveaux articles dans leur totalité, dont certains concernent des domaines très importants comme les modalités de fonctionnement de l'Institut national du cancer (INCa). La publication de six décrets et d'un arrêté supplémentaires a enfin rendu applicables certaines dispositions de six autres articles qui concernent des points très importants comme le fonctionnement et la convention constitutive type des groupements régionaux de santé publique (GRSP), les modalités de fonctionnement du Comité national de santé publique, l'agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières et de santé publique, l'organisation et le fonctionnement de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et l'approbation du document national des références des actions de réduction des risques en direction des usagers de drogue.

Vingt-trois textes réglementaires d'application de la loi ont donc au total été publiés - treize décrets et dix arrêtés -, rendant huit articles applicables dans leur totalité. Ceux-ci viennent s'ajouter aux soixante-huit qui étaient immédiatement applicables dans leur totalité dès le lendemain de la promulgation de la loi, lesquels portaient sur des domaines aussi importants que la définition des missions et des responsabilités de l'Institut de veille sanitaire (InVS), la lutte contre les infections nosocomiales en médecine de ville, la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, ainsi que quelques dispositions de la réforme du régime des recherches biomédicales. Soixante-dix-huit articles sur les cent cinquante-huit sont donc totalement applicables aujourd'hui et sept articles le sont en partie, soit près de la moitié de la loi.

Si la mise en application de la loi connaît encore un retard préoccupant, celui-ci pourrait être rapidement rattrapé. Seuls 21,9 % de l'ensemble des textes d'application prévus par le législateur pour la mise en application de la loi et même 17,5 % des textes estimés nécessaires par l'exécutif ont été publiés, en conséquence de quoi près de la moitié de la loi n'est toujours pas applicable. Cette situation est évidemment regrettable, d'autant que le texte comporte des avancées majeures, déterminantes pour la qualité et l'efficacité du système de santé publique. Les causes du retard, bien connues, sont en grande partie identiques à celles qui ont été pointées dans le premier rapport d'application de la loi : manque de moyens de la direction générale de la santé (DGS) ; nombre très important des consultations et concertations interministérielles requises par la loi ; expérimentations préalables ou procédures particulières comme les notifications à la Commission européenne. D'autres difficultés sont apparues plus récemment, concernant notamment les messages publicitaires sur les produits alimentaires, qui devraient être encadrés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Le retard pris dans l'application de la loi mérite toutefois d'être nuancé.

En premier lieu, le calcul du taux d'application ne prend en compte que les textes réglementaires publiés, alors même que beaucoup d'entre eux sont déjà rédigés et demeurent en attente d'examen par le Conseil d'État. En ce qui concerne la gouvernance, le projet de décret relatif aux conférences régionales de santé est en cours de signature, ce qui laisse augurer d'une mise en place des conférences régionales de santé avant la fin de l'année 2005, tandis que le décret simple relatif à la Conférence nationale de santé est en cours de publication, ce qui devrait permettre son installation effective au tout début 2006. Enfin, le Haut conseil de la santé publique (HCSP), chargé de l'expertise multidisciplinaire, sera installé dès le premier trimestre 2006. Tous les décrets relatifs à la formation médicale continue des professionnels de santé sont également déjà rédigés et sur le point d'être soumis au Conseil d'État pour une publication avant le début 2006. Devraient également être publiés dans le courant de novembre 2005 les décrets relatifs aux programmes de formation à l'éducation à la santé, aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogue, aux recherches biomédicales, aux modifications des missions de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), aux médicaments bénéficiaires d'une autorisation temporaire d'utilisation et aux ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues. Au total, quarante décrets devraient donc être publiés d'ici à la fin 2005, permettant la mise en œuvre effective de la quasi-totalité de la loi du 9 août 2004.

En second lieu, le succès d'une politique de santé publique ne se limite pas à la publication de textes réglementaires d'application. Il faut se féliciter que de grands axes de santé publique continuent de recevoir une traduction concrète par le gouvernement au travers de la mise en place des plans et programmes pluriannuels de santé publique. Les plans stratégiques de santé ont ainsi été dotés de moyens spécifiques par le projet de loi de finances pour 2006, qui consacre notamment la poursuite d'un effort budgétaire important en faveur de la lutte contre le cancer.

Après avoir indiqué que les députés tenaient particulièrement à remplir leur mission de contrôle, le rapporteur a posé les questions suivantes à M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités :

- Dans quel délai la réorganisation du partage de l'expertise entre le HCSP et les agences de sécurité sanitaire, qui devrait achever la mise en place du nouveau système de pilotage de la santé publique, est-elle susceptible de trouver une traduction concrète ?

- Comment les modalités de mise en œuvre du nouveau dispositif de formation médicale continue, qui devraient être publiées prochainement, ont-elles été articulées avec les dispositions de l'article 14 de la loi relative à l'assurance maladie, qui pose l'obligation d'évaluation individuelle des pratiques professionnelles ?

- Il semblerait que deux rapports prévus par la loi de santé publique, sur les conditions d'organisation d'états généraux de la lutte contre l'alcoolisme et sur l'accès à l'assurance des personnes présentant des risques de santé aggravés, soient déjà finalisés et puissent être prochainement rendus publics. Quelles initiatives le gouvernement compte-t-il prendre sur ces deux points ?

- Est-il confirmé que l'École des hautes études en santé publique (EHESP) sera ouverte pour la prochaine rentrée scolaire ?

- Quel est l'état d'avancement des consultations conduites à propos de l'usage du titre de psychothérapeute ? Où en est la concertation avec le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, s'agissant notamment des formations de psychopathologie clinique requises ?

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a témoigné de son attachement au suivi des textes de loi, revendiquant la paternité de l'expression « service après-vote » apparue lors de la réforme des retraites : le Parlement doit être régulièrement informé de l'état d'avancement de la publication des décrets, arrêtés et circulaires prévus dans les lois qu'il adopte.

Une stratégie de santé publique a été mise en œuvre sans attendre les textes d'application de la loi de 2004, à travers notamment les plans stratégiques sur les maladies rares, sur le cancer avec la création de l'INCa, sur les facteurs environnementaux avec le programme national santé-environnement (PNSE), sur la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques et sur la lutte contre les addictions. Ces plans sont d'ores et déjà déclinés à l'échelon régional. Des dispositifs de vigilance et de gestion de crise ont été mis sur pied. Chaque plan régional de santé publique (PRSP) intégrera à court terme un volet d'urgence sanitaire. L'InVS est mobilisé et se voit doté de moyens informatiques, notamment pour analyser les causes des décès. Des axes forts ont été fixés en matière de prévention, concernant le tabac, l'alcool, la nutrition ou la santé bucco-dentaire.

Après avoir expliqué qu'il aborderait le dossier de la grippe aviaire la semaine suivante, à l'occasion de son audition par la mission d'information de l'Assemblée sur la grippe aviaire, le ministre a dressé le bilan des décrets d'application de la loi de santé publique :

- En janvier 2006, le gouvernement aura fait face au retard qui avait été pris dans la parution des décrets d'application. Sur soixante-deux textes à prendre, vingt-six ont été publiés ou sont sur le point de l'être et, fin janvier, quarante-sept, soit 76 % du total, devraient l'être.

- Treize décrets ont déjà été publiés et sept décrets sont en cours de publication relatifs aux conférences nationales et régionales de santé, au programme de formation à l'éducation pour la santé, au plan blanc dans les hôpitaux, à l'organisation des centres d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogue, à l'élargissement des missions de l'ONIAM et à la recherche biomédicale.

- Six décrets sont parvenus devant le Conseil d'état, relatifs à la formation continue des médecins, pharmaciens et dentistes, aux ordres des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues et à la composition du HCSP.

- Onze décrets seront envoyés très prochainement au Conseil d'état, relatifs aux missions du HCSP, à l'assermentation des inspecteurs de la radioprotection, aux conditions de réalisation des analyses de biologie dans les laboratoires installés en Europe, à la vigilance sur les dispositifs médicaux, aux groupements de coopération sanitaire, à la transmission des certificats de décès à l'InVS, aux médicaments bénéficiaires d'une autorisation temporaire d'utilisation, aux mesures de publicité de l'acte portant déclaration d'utilité publique des captages d'eau, aux missions de l'École des hautes études de santé publique (EHESP) et aux radiophysiciens.

- D'autres textes, relatifs au nouveau métier de conseiller en génétique, au suivi sanitaire des élèves et à l'EHESP, font l'objet de travaux bien engagés avec le ministère de l'Education nationale et devraient être adressés au Conseil d'État d'ici à la fin de l'année.

- Certains textes, relatifs aux psychothérapeutes, aux pharmacies à usage intérieur, à la formation continue des préparateurs en pharmacie, sages-femmes et auxiliaires médicaux, ainsi qu'aux modalités de transfert des débits de boissons, doivent faire l'objet d'une concertation approfondie.

- Le décret relatif au message sanitaire sur les publicités pour les produits alimentaires est conditionné par la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2006, mais le gouvernement n'a pas attendu cette échéance pour se mettre au travail et la parution de ce texte est imminente.

- Sept décrets, relatifs aux pigments de tatouage, à la revente des dispositifs médicaux d'occasion, aux micro-organismes et toxines, à la cosmétovigilance, aux eaux minérales et au saturnisme, de même que celui relatif aux messages sanitaires sur les publicités alimentaires, ne pourront paraître qu'après expiration du délai de notification de trois mois auprès des instances européennes.

- Quatre décrets, relatifs au fonctionnement et aux codes de déontologie des ordres des masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues, sont conditionnés par la mise en place de ces ordres et ne pourront donc être publiés qu'en mars et décembre 2006.

- Enfin, les textes relatifs à l'InVS font l'objet de travaux scientifiques préalables, comme celui relatif à la politique vaccinale, qui devrait paraître en juin 2006, ou d'une expérimentation préalable, comme celui relatif aux conditions de traitement des événements indésirables graves.

- La DGS a préparé un projet de rapport sur les publications de décrets, qui sera transmis au Parlement avant la fin de l'année. Toutes ces dispositions sont évidemment très importantes. Les grands axes de la loi seront traduits dans les décrets d'ici à fin janvier 2006 et pourront se mettre concrètement en place courant 2006. S'il convient de se montrer attentif à la place de la concertation, qui requiert du temps, la partie réglementaire ne doit en rien dénaturer le vote parlementaire et il importe de passer à la vitesse supérieure ; le gouvernement s'y emploie.

Le ministre a ensuite apporté les éléments de réponse suivants au rapporteur :

- Le dispositif du HCSP sera opérationnel à la fin du premier trimestre 2006, dès la publication de deux décrets en Conseil d'État. Le premier répartit les missions anciennement gérées par le Conseil supérieur d'hygiène publique de France (CSHPF). Le second organise le fonctionnement du nouveau HCSP : le secrétariat du Haut conseil sera assuré par la DGS ; les avis seront étudiés dans des commissions spécialisées composées d'experts permanents qui pourront aussi faire appel à des comités techniques permanents ; un collège multidisciplinaire organisera la coordination en regroupant les présidents des commissions et dix autres experts ; les saisines éventuelles des agences de sécurité sanitaire passeront par le ministère de la santé, seule tutelle du HCSP. Ces deux décrets, actuellement finalisés, ont été soumis à une large concertation. Le deuxième a d'ores et déjà été transmis au Conseil d'État mais celui-ci a réservé son avis pour n'en donner qu'un seul, global, sur les deux textes.

- Le thème de l'assurabilité est prioritaire, car il est inacceptable que des assurés ayant combattu la maladie perdent la possibilité d'accéder facilement au crédit. La convention Belorgey ne donne pas pleine satisfaction ; les associations d'usagers font état de cas difficilement justifiables. Il est nécessaire d'établir un état précis de l'application de cette convention et d'en tirer toutes les conclusions qui s'imposent. Le gouvernement a demandé pour ce faire l'appui de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et a également l'intention de rencontrer la Fédération bancaire française et la Fédération française des sociétés d'assurance sur ce sujet. La convention présente certes le grand mérite de prendre le problème en considération mais les choses n'ont pas suffisamment avancé et il faut offrir davantage de possibilités aux assurés concernés. S'il s'avérait impossible d'aller au-delà dans l'application de la convention, le gouvernement se verrait obligé de prendre d'autres dispositions, d'ordre législatif ou réglementaire.

- L'EHESP, construite à partir de l'École nationale de la santé publique (ENSP), se voit attribuer quatre missions par la loi de santé publique. Le décret sera envoyé début décembre au Conseil d'État. Le projet pédagogique est en cours d'élaboration au sein d'un groupe de travail santé-enseignement-recherche, auquel sont adjointes des personnalités qualifiées, animé par le directeur de l'ENSP ; il sera prêt en février. Le siège de l'école n'est pas encore fixé mais l'objectif est de l'ouvrir pour la rentrée 2006.

- Le ministère, en accord avec les organisations représentatives des professionnels concernés, s'est engagé dans la rédaction du décret d'application de l'article 52 de la loi de santé publique, qui concerne la reconnaissance du titre de psychothérapeute. Le projet de décret doit être soumis à une large concertation en décembre 2005. Le principal objet de ce texte est la mise en place d'une formation de qualité dans les domaines de la psychopathologie et des psychothérapies. Cette formation sera nécessairement plurielle, les acteurs de santé utilisant des techniques psychothérapeutiques venant d'horizons multiples. Il conviendra aussi de prévoir que les professionnels actuellement en exercice puissent le cas échéant bénéficier d'équivalences. La rédaction définitive de ce décret devrait intervenir en début d'année 2006.

- L'évaluation des pratiques professionnelles (EPP) et la formation médicale continue (FMC) ne sauraient être déconnectées, la première étant une forme d'application de la seconde. Cela se concrétisera, dans le décret relatif à la FMC, par la fusion au niveau régional de la commission évaluation des pratiques professionnelles et des commissions formation médicale continue. La Haute Autorité de santé continuera à piloter l'évaluation des pratiques professionnelles, les commissions nationales de formation médicale continue ayant la responsabilité des orientations en matière de formation. L'EPP est financé par le Fonds d'aide à la qualité des soins de ville (FAQSV) et les unions régionales des médecins libéraux (URML). Enfin, une mission de l'IGAS est actuellement en cours pour déterminer les modalités pratiques de la FMC, notamment en lien avec l'industrie pharmaceutique.

- L'article 42 de la loi de santé publique prévoit un rapport relatif à l'organisation d'états généraux sur l'alcool, que le gouvernement a effectivement remis au Parlement le 4 novembre 2005. L'étude approfondie de ces propositions permettra de conclure s'il faut comme prévu organiser un débat public sur la question. Le rapport a été rendu public et est consultable sur le site Internet du ministère. L'installation du comité national d'orientation se fera en janvier 2006. En ce qui concerne le financement, l'opérateur sera l'INPES.

M. Jean-Marie Le Guen s'est étonné que la publication des textes d'application ait pris autant de retard, alors que l'adoption de la loi, après deux lectures, avait déjà pris beaucoup de temps. La procédure du rapport d'application vise à stimuler la production des décrets mais il reste indiscutablement des progrès à accomplir. Les problématiques de santé publique portent sur le long terme mais il n'en faut pas moins agir vite et fort. Les motifs de cette lenteur sont d'ordre politique et non administratif : les hésitations du gouvernement, le fonctionnement de l'État et le manque de moyens alloués à la DGS.

A propos du conseil de modération et de prévention, l'opposition a eu la désagréable surprise de voir le Sénat adopter une disposition mettant la santé publique sous la tutelle des milieux de l'alcool. Dans le même ordre de préoccupation, le gouvernement reprendra-t-il la proposition de loi relative à la protection contre les dangers du tabagisme passif déposée par M. Yves Bur, qui ne semble pas être programmée à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?

La charte de la commission Belorgey a été élaborée en 2001, si ce n'est auparavant, et le Parlement a toujours déploré ses insuffisances. Les constatations du gouvernement convergent vers cette analyse ; les députés y sont évidemment sensibles.

L'opposition a défendu le plan cancer proposé par le Président de la République, mais l'absence totale d'information du Parlement lui pose problème. La décision de l'implantation du siège de l'INCa, par exemple, ne relève pas d'un choix sanitaire mais d'une logique d'aménagement du territoire « inversée » puisqu'il sera implanté dans l'ouest parisien. Il serait dommage que l'opacité régnant sur cette question contraigne l'opposition à émettre des critiques.

Objectivement, le dossier de la psychothérapie est compliqué et la difficulté d'écriture est compréhensible. Il ne serait donc pas inutile que la commission et son président soient associés à la rédaction du décret.

Par ailleurs, le président Jean-Michel Dubernard a reçu, le 4 novembre, un dossier relatif aux états généraux sur l'alcool, mais n'a pas communiqué l'information à la commission. Quel sens revêt le contrôle parlementaire s'il se limite au contrôle du président de la commission ?

Le retrait d'un rapport de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) du site du ministère, effectué par le ministre précédent, avait surpris. Il serait de bon aloi de rétablir l'ordre scientifique des choses : un rapport scientifique doit être exposé, critiqué mais certainement pas censuré, quelles que soient les options idéologiques du ministre.

Le rapporteur a rappelé que l'objet de la réunion est de contrôler l'application de la loi de santé publique et non de l'évaluer.

M. Gérard Bapt a déploré que d'autres textes restent en attente de décrets d'application, notamment la réforme de l'assurance maladie et même la loi sur les droits des malades, qui remonte pourtant à 2002. Si quelques emplois ont été créés à la DGS afin de tirer les conséquences de la catastrophe de la canicule et d'être plus actif en matière de prévision et de gestion des crises sanitaires, il semblerait qu'une rotation trop rapide de ses agents nuise à son efficience et que ses moyens restent globalement insuffisants.

Légiférer sur des sujets de santé publique doit être du seul ressort du ministre chargé de la santé publique, après examen et accord de la commission permanente de l'Assemblée nationale compétente dans ce domaine. Il est anormal qu'une loi relative à l'agriculture, à l'aménagement rural ou à la formation professionnelle aborde de tels sujets.

L'Agence de la biomédecine, à l'instar de l'INCa, est sujette à quelques turbulences. Le financement et la gestion du plan cancer feront l'objet d'un débat, fin 2005 ou début 2006, devant la commission des finances de l'Assemblée. Mais où en est l'Agence de la biomédecine ?

M. Jean-Pierre Door a approuvé le principe de ces séances consacrées au suivi des lois après leur adoption et jugé très convenable le bilan présenté par le gouvernement, au vu de l'accélération sensible de la publication des décrets.

La loi de santé publique répond à des attentes importantes, concernant notamment l'installation des conseils de l'ordre réclamés par les pédicures-podologues et les masseurs-kinésithérapeutes ou la formation médicale continue obligatoire. La révision de la convention Belorgey est également essentielle pour garantir l'accessibilité à l'assurance des personnes rencontrant des problèmes médicaux.

Face au regain du sida mais aussi de la tuberculose ou de la syphilis, que l'on croyait pourtant jugulées, il convient de ne pas baisser la garde en matière d'évaluation et de veille sur les maladies infectieuses.

Enfin, il serait intéressant, même si ce sujet s'écarte de l'ordre du jour, que le ministre, de retour de Chine, donne à la commission la primeur de son analyse sur le dossier brûlant de la grippe aviaire.

M. Pierre-Louis Fagniez a estimé que la loi de santé publique est suffisamment importante pour que les députés n'évoquent pas d'autres sujets, tout aussi cruciaux mais étrangers à l'ordre du jour, comme celui de la loi de bioéthique. Il est certes dommage que le gouvernement n'ait pas pris la peine de donner des informations en temps réel sur l'implantation de l'INCa, mais ses explications a posteriori ont pleinement convaincu les conseillers généraux du Val-de-Marne, département qui était aussi sur les rangs : la décision a été prise sur recommandation d'une commission composée exclusivement de scientifiques, parmi lesquels le professeur Maurice Tubiana.

Le Premier président de la Cour des comptes a déjà été amené à sensibiliser la commission au manque de moyens dont souffre la DGS. Les textes réglementaires doivent passer par une multitude d'organismes et d'instances avant d'être transmis au Conseil d'État, mais le gouvernement a bien travaillé et l'on ne peut que se féliciter de l'adoption des décrets concernant la recherche biomédicale, en particulier de celui relatif aux comités de protection des personnes : les chercheurs vont pouvoir faire leur travail.

En réponse aux députés, le ministre a apporté les précisions suivantes :

- Concernant le tabac, le rapport de l'IGAS commandé par M. Philippe Douste-Blazy sera rendu public au cours de la première quinzaine de décembre, une concertation sera alors engagée, puis des initiatives seront proposées en janvier 2006. Les différents États ont choisi des voies très différentes pour lutter contre le tabagisme actif et passif ; il convient de mettre à profit les quelques mois à venir pour définir un moyen d'avancer résolument dans une logique de santé publique.

- Le site de l'INCa a été choisi par une commission composée d'experts scientifiques au profil incontestable, au sein de laquelle ne siégeait pas le ministre, mais celui-ci a effectivement reçu les élus qui en ont manifesté le souhait, notamment ceux du Val-de-Marne, pour les informer des critères suivis.

- La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) contient deux indicateurs concernant le plan cancer : la mise en œuvre du plan ; le rendu des actions de l'INCa. Cette action fait donc bien l'objet d'un contrôle parlementaire. Le sujet dépasse heureusement les clivages politiques et ne doit pas devenir l'objet de critiques ou de polémiques.

- S'agissant du rapport de l'INSERM retiré du site Internet du ministère, le ministre a exigé de M. Jean-Marie Le Guen qu'il cesse de critiquer systématiquement le précédent ministre chargé de la santé en son absence : M. Philippe Douste-Blazy n'a jamais pratiqué la censure et il serait plus juste de saluer la qualité de son action en matière de santé publique.

M. Jean-Marie Le Guen a précisé que, s'il faisait de la politique, il n'attaquait pas les hommes et s'est interrogé, par ailleurs, sur le sort de la direction de l'Agence de biomédecine.

Le ministre a répondu qu'il n'est pas souhaitable non plus de commenter les informations provenant de la presse, surtout lorsqu'elles sont fausses, comme c'est le cas concernant l'Agence de la biomédecine. Puis il a poursuivi ses réponses :

- La bioéthique est au cœur des préoccupations du gouvernement et de la commission : comment, par exemple, promouvoir davantage le don d'organe ?

- La DGS aura produit dix-neuf décrets en 2004 et quarante en 2005, alors même qu'elle doit simultanément faire front à la mise en application de plusieurs textes législatifs : elle ne rencontre donc pas de problèmes d'effectifs. Pour être en mesure de publier plus rapidement les textes d'application, il convient, en amont, de mener un travail parallèle d'écriture de la loi et des décrets : une fois la loi publiée, il ne reste alors qu'à tenir compte des débats parlementaires et des amendements adoptés tout en ouvrant la concertation, qui prend du temps mais permet de parvenir à une solution d'équilibre sans dénaturer aucunement l'esprit parlementaire. C'est la méthode qui a été retenue avec succès pour la loi sur l'assurance maladie et ce devrait être la règle pour toutes les autres lois.

- La santé a fait l'objet, ces dernières années, de nombre de lois importantes, et l'enjeu, au-delà des statistiques sur les décrets d'application, est avant tout de faire vivre ces textes. En effet, tant qu'une loi n'est pas entrée dans le quotidien des citoyens, elle reste imperceptible. Il convient de prendre résolument en considération cette dimension pragmatique.

- Les maladies infectieuses ne s'éteignent jamais complètement. La grippe aviaire est certes d'actualité mais ne doit pas occulter, par exemple, le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), même si des réponses vaccinales existent pour cette maladie. En plus de l'évaluation et de la veille, il importe de maintenir l'effort en matière de recherche, partout dans le monde, afin d'être en mesure de répondre à toute affection susceptible d'émerger. Pour la dengue, par exemple, la prévention ne suffit pas, d'autant qu'elle n'est pas efficace à 100 %, même à Singapour, pourtant exemplaire dans ce domaine : l'enjeu consiste aussi à développer les thérapies indispensables.

- En matière de recherche biomédicale comme dans tous les domaines de la santé, il faut dégager les moyens nécessaires pour faire face aux risques actuels et surtout aux risques émergents. En tout cas, la mise en application de la loi de santé publique dans les plus brefs délais mobilise la totalité du ministère.

Enfin, le ministre a confirmé s'être rendu cette semaine à Hanoi, Shanghai et Hongkong, où il a rencontré ses homologues, les responsables de l'Institut Pasteur et de l'Organisation mondiale de la santé, ainsi que des ressortissants français, afin de mesurer l'état des esprits, l'état de préparation et l'état des besoins concernant la grippe aviaire. Il a indiqué qu'il entrerait dans le détail des enseignements tirés de ce voyage et formulerait des propositions, la semaine prochaine, devant la mission d'information de l'Assemblée sur la grippe aviaire.

Le rapporteur a douté qu'il soit nécessaire d'organiser une troisième réunion sur l'application de la loi relative à la politique de santé publique, tant elle semble bien lancée sur les rails. La mise en œuvre de la loi est de la plus grande importance et ne se juge pas à ses seuls textes d'application réglementaires.

Le ministre a souligné qu'il se montre particulièrement attentif, après la mise en application d'une loi, à son évaluation, sujet relevant tout autant du mandat politique.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Manuel Valls rapporteur sur la proposition de loi de M. Jean-Marc Ayrault et plusieurs de ses collègues visant à permettre la diversité sociale dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles et autres établissements sélectionnant leur entrée - n° 2688.


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