COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 24

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 30 novembre 2005
(Séance de 11 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Examen, en présence de M.  Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, du rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées (M.  Denis Jacquat, rapporteur)




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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, en présence de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, le rapport de M. Denis Jacquat sur la mise en application de la loi n° 2004-626 du 30 juin relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

Le président Jean-Michel Dubernard a souhaité la bienvenue à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, venu rendre compte à la commission de l'application de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées.

M. Denis Jacquat, rapporteur, a dressé le bilan de l'application de la loi.

La loi du 30 juin 2004 contient trois ensembles de dispositions différentes mais qui forment un tout cohérent d'actions de soutien et d'accompagnement des personnes âgées fragiles et des personnes handicapées.

- L'article 1er de la loi prévoit tout d'abord un recensement des personnes âgées ou handicapées isolées à leur domicile et la mise en place de plans d'alerte et d'urgence départementaux. Ce dispositif résulte des constats de défaillance et d'insuffisance des mécanismes de veille et d'alerte observés lors de la canicule de l'été 2003. L'objectif est de mettre en place des mécanismes de proximité d'alerte et de veille au profit des personnes âgées et des personnes handicapées en cas de risques exceptionnels, parmi lesquels figurent les risques climatiques.

Dans des délais extrêmement brefs, le gouvernement a publié le décret n° 2004-926 du 1er septembre 2004 pour l'application de cet article 1er. Ce décret a permis de donner une base réglementaire à la constitution des registres nominatifs par chaque mairie et évité ainsi aux maires d'engager une procédure d'autorisation au cas par cas auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Afin de donner une efficacité maximale à la mise en application de la loi, dès le lendemain de l'adoption en première lecture du projet de loi par l'Assemblée nationale, le gouvernement a publié le 12 mai 2004 une circulaire incitant les maires à appliquer de manière anticipée l'article 1er et entreprendre sans délai le recensement des personnes âgées ou handicapées isolées à domicile.

Il a été demandé à plusieurs reprises aux préfets de s'assurer que les maires avaient bien engagé une procédure de constitution de ces registres. Les préfets n'ont toutefois ni les moyens et ni les pouvoirs de vérifier la bonne exécution du recensement complet des personnes fragiles. Le rapport contient un état, département par département, des recensements engagés par les maires : en septembre dernier, 40 % des 36 500 communes avaient engagé une procédure de recensement.

Deux outils d'information par voie électronique ont été mis en place à l'intention des maires pour les aider.

Concernant les plans d'alerte et d'urgence, dès septembre 2003 un « plan canicule » a été mis en chantier pour définir les actions de court et moyen terme nécessaire à la prévention et à la gestion d'une crise sanitaire résultant d'une vague de chaleur. Le premier plan canicule a été publié le 12 mai 2004 ; il était la préfiguration des plans d'alerte et d'urgence prévus par l'article 1er de la loi. La mise en œuvre de ce plan au cours de l'été a fait l'objet d'une évaluation à l'automne, ce qui a permis de l'améliorer pour publier un nouveau plan national canicule le 5 avril 2005.

Ce plan canicule pour 2005 de 196 pages contient le détail des mesures de prévention et de gestion d'une canicule. Des fiches d'action par structure nationale sont publiées. Le plan présente un guide pour l'élaboration des plans départementaux de gestion d'une canicule. Il dresse également un plan de communication.

L'évaluation de la mise en œuvre de ce plan est en cours afin de le perfectionner pour l'été 2006. Ce travail de recensement des problèmes avant l'été, de montée en charge progressive des plans et d'évaluation de leur mise en œuvre est analysé dans le rapport. Il faut saluer le travail de la direction générale de l'action sociale et la coordination exemplaire des multiples acteurs institutionnels ou associatifs pour l'élaboration et la mise en œuvre de ces plans.

La mise en application de l'article 1er de la loi a été d'autant plus exemplaire que le gouvernement a accompagné la loi en mettant en œuvre des actions ciblées sur les établissements d'accueil : ce sont les plans bleus et le plan d'installation de pièces rafraîchies. Le rapport dresse l'état de leur mise en œuvre, département par département, au 9 septembre 2005 : 88 % des établissements hébergeant des personnes âgées avaient un plan bleu et 71 % des foyers-logements ; seuls 4,4 % des établissements n'étaient pas équipés d'une pièce rafraîchie.

- La loi du 30 juin 2004 contient ensuite un deuxième ensemble de dispositions tendant à mettre en place la journée nationale de solidarité.

La loi institue une journée de solidarité sous la forme d'une journée de travail supplémentaire non rémunérée dans la limite de sept heures de travail. Sont concernés aussi bien les salariés de droit privé que les agents publics.

Pour les salariés du secteur privé, la détermination de la date de la journée de solidarité est renvoyée à des conventions et des accords de branche ou d'entreprise. A défaut d'accord collectif, la loi fixe au lundi de Pentecôte la journée de solidarité.

Pour les agents publics de l'Etat, la journée de solidarité est fixée par un arrêté du ministre compétent ; pour ceux des collectivités territoriales, par une délibération de l'organe exécutif de l'assemblée territoriale ; pour ceux des hôpitaux, par une décision du directeur de l'établissement. A défaut de décision prise avant le 31 décembre de l'année précédente, la loi fixe au lundi de Pentecôte la journée de solidarité.

Les dispositions de la loi du 30 juin 2004 ne nécessitent pas la publication de textes réglementaires pour être mises en application dans le secteur privé. La direction des relations du travail a cependant diffusé une circulaire n° 2004/10 du 16 décembre 2004 pour expliciter l'application de la loi. Compte tenu des nombreuses questions parvenues après la publication de cette circulaire, le directeur des relations du travail a signé le 20 avril 2005 une nouvelle circulaire présentant une synthèse des questions relatives à la mise en œuvre de la journée de solidarité et des réponses qui doivent y être apportées.

Pour la fonction publique d'Etat, un décret du 26 novembre 2004 a mis en application la loi. Ce décret a porté de 1 600 à 1 607 heures la durée annuelle du temps de travail à compter du 1er janvier 2005. Dans les fonctions publiques territoriale et hospitalière, les autorités locales ont chacune arrêté les mesures de mise en application pour 2005 de la journée de solidarité.

Pour le secteur privé, 11 accords de branches ont comporté des stipulations relatives à la journée de solidarité. La plupart de ces accords se sont limités à rappeler les termes de la loi ou à renvoyer à l'employeur le soin de déterminer la date de la journée de solidarité. Cette situation explique que ces accords n'aient pu être étendus, faute d'avoir fixé précisément les modalités d'une journée de solidarité.

La négociation au niveau des branches a donc cédé le pas à la négociation dans l'entreprise. Celle-ci s'est correctement pratiquée puisque 629 accords ont été constatés dans 48 départements. Le rapport dresse l'inventaire de ces accords et les modalités retenues pour mettre en œuvre la journée de solidarité. Neuf accords semblent ne pas respecter l'esprit de la loi :

- huit accords prévoient expressément de dispenser le salarié de l'accomplissement de la journée de solidarité ; parmi les entreprises concernées figurent TF1, Shell et Neuf Telecom ;

- un accord prévoit le fractionnement par minute sur l'année de la journée de solidarité. C'est l'accord signé à la SNCF.

Les difficultés rencontrées en 2005 pour la première mise en application tiennent en grande partie aux modalités arrêtées par le ministère de l'éducation nationale et les administrations.

Alors que la loi cherchait à ce que chaque entreprise ou administration détermine la journée de solidarité la mieux adaptée à son fonctionnement, aux habitudes locales et aux attentes des clients ou usagers, un arrêté du 8 décembre 2004 du ministre de l'éducation nationale a fixé pour tous les personnels placés sous son autorité la journée de solidarité au lundi de Pentecôte 16 mai 2005. Même si cet arrêté permet aux recteurs d'académie de choisir un jour différent afin de s'adapter aux nécessités locales, le signal de l'uniformité était donné. Pour 2005, il n'y a eu que quatre dérogations : les écoles des départements du Gard et du Territoire de Belfort et les écoles des villes de Moissac et de Vic-Fezensac qui ont accompli leur journée de solidarité le lundi de Pâques 28 mars.

Cette impulsion ministérielle a été comprise par les Français comme un signal de contrainte et de journée de travail imposée par l'Etat. Il faut en effet avoir conscience que certains services publics, au premier rang desquels figure l'éducation nationale, sont très structurants pour la vie sociale. Toutes les administrations se sont alignées sur l'éducation nationale et les entreprises se sont retrouvées contraintes de choisir la même journée.

Compte tenu des perturbations constatées en 2005 et tirant tous les enseignements de la première journée de solidarité, le ministre de l'éducation nationale a retenu pour 2006 un système très souple et orienté sur la définition de projets scolaires. Il a publié un arrêté du 4 novembre 2005 au Journal officiel du 17 novembre qui fixe la journée de solidarité pour 2006 sans l'asseoir sur le lundi de Pentecôte :

- Pour les enseignants des premier et second degrés et pour les personnels d'éducation, la journée de solidarité pourra être fractionnée en deux demi-journées et sera consacrée hors du temps scolaire, d'une part, à la concertation sur le projet d'école ou d'établissement ou sur le projet de contrat d'objectif et, d'autre part, à la définition d'un programme d'action en faveur de l'orientation et de l'insertion professionnelle des jeunes. La journée de solidarité ne sera pas consacrée à un enseignement délivré aux élèves. Dans le premier degré, la date de la journée de solidarité sera déterminée par l'inspecteur de l'éducation nationale après consultation du conseil des maîtres. Dans le second degré, elle sera déterminée par le chef d'établissement après consultation des équipes pédagogiques.

- Pour les autres personnels, la journée de solidarité prendra la forme d'une journée de sept heures de travail, continue ou fractionnée, effectuée aux dates déterminées par l'autorité responsable de l'organisation du service, après consultation des personnels concernés.

Le système retenu pour 2006 par l'Education nationale repose donc sur l'adaptation au terrain et, comme la loi le permet, n'impose pas une date unique à tous les personnels quelle que soit leur situation.

Prolongeant cette mesure d'application marquée par la souplesse, le directeur des relations du travail a publié le 22 novembre 2005 une nouvelle circulaire qui admet le fractionnement en sept tranches horaires de la journée de solidarité dès lors que l'heure de travail supplémentaire est effective.

Ces nouvelles lignes directrices de mise en application de la loi répondent parfaitement aux intentions du législateur ; elles s'inspirent du rapport du comité de suivi et d'évaluation présidé par M. Jean Leonetti et sont de nature à répondre aux critiques apportées à la première mise en application de la loi en 2005. Elles devraient permettre d'ancrer définitivement la journée de solidarité dans la vie sociale et les habitudes des Français.

- La loi du 30 juin 2004 met enfin en place la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Le cadre juridique fixé en 2004 était provisoire. Il a été profondément revu par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Le rapport comporte l'analyse des évolutions législatives du statut, du mode de fonctionnement et des finances de la CNSA, qui viennent encore d'être modifiées par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

En tous les cas, on ne peut qu'être satisfait de la mise en application de la loi du 30 juin 2004 puisque toutes ses dispositions ont fait l'objet des textes réglementaires nécessaires pour leur mise en application dans les temps voulus par le législateur. M. Jean-François Chossy, qui fut rapporteur de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, aura l'occasion de faire des remarques sur les nouvelles dispositions introduites par celle-ci dans le rapport relatif à son application, qu'il présentera le 14 décembre.

Le présent rapport présente les nombreux décrets et arrêtés publiés. Il convient de signaler le retard, toutefois non préjudiciable, pris par l'arrêté de nomination des membres du conseil scientifique, qui n'est toujours pas publié.

Enfin, il ressort des longues discussions qu'a eues le rapporteur avec le directeur de la sécurité sociale et le directeur de la CNSA que la mise en application du circuit financier de collecte de la contribution de solidarité autonomie et l'affectation de son produit se sont faites sans aucune perte, jusqu'à ce jour, pour les personnes âgées dépendantes et les personnes handicapées.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Cécile Gallez a remercié le ministre délégué d'avoir fait adopter par le Sénat les dispositions relatives aux logements-foyers qu'elle avait proposées par amendement à l'Assemblée nationale, demandé quand paraîtront les décrets d'application relatifs aux assistantes maternelles, qui sont très attendus, et souhaité être associée au groupe de travail qui sera mis en place sur la question des personnes handicapées vieillissantes.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que la question posée sera évoquée en janvier prochain, lors d'une audition similaire relative à la mise en application de la loi relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux et regretté que l'implication constante de Mme Cécile Gallez pour soutenir les logements-foyers n'ai pas donné lieu à l'adoption de dispositions à l'Assemblée nationale plutôt qu'au Sénat.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a souhaité indiquer immédiatement que les décrets relatifs aux assistants maternels seront publiés avant le 31 décembre, comme annoncé le 19 novembre dernier, aux représentantes de la profession réunies à Paris, et s'est réjoui d'avoir pu satisfaire Mme Cécile Gallez grâce au vote du Sénat sur les logements-foyers.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que l'excellent travail de Mme Cécile Gallez dont le rapport pour l'Office d'évaluation des politiques de santé sur la maladie d'Alzheimer fait désormais référence dans les milieux médicaux.

M. Jean Leonetti s'est dit satisfait, en tant que président du comité de suivi et d'évaluation de la journée nationale de solidarité, de constater que les rapports respectifs du comité et du rapporteur chargé du suivi de l'application de la loi du 30 juin 2004 aboutissent à des conclusions convergentes. La mise en œuvre de la journée de solidarité appelle néanmoins plusieurs questions.

L'esprit de la loi n'est pas d'imposer le lundi de Pentecôte comme journée de solidarité : le Parlement a toujours exprimé son souhait que cette journée soit un temps de travail choisi. La SNCF a été critiquée pour l'avoir fractionnée en minutes, mais d'une part ces minutes ont été regroupées de manière à améliorer le service rendu aux usagers en augmentant le nombre de trains en circulation, et d'autre part le fait de fonctionner vingt-quatre heures sur vingt-quatre commande une organisation du travail particulière. En tout état de cause, cependant, le fractionnement en périodes de moins d'une heure n'est pas souhaitable car il fait perdre de sa lisibilité au dispositif.

On s'est, par ailleurs, inquiété de la destination des deux milliards d'euros collectés : cet argent va-t-il bien à la solidarité nationale et, plus précisément, aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées ? Y a-t-il eu du retard, comme on l'entend dire çà et là, dans la distribution des moyens, et si oui, s'explique-t-il par le fait qu'il est plus difficile et plus long de recruter des personnels que de lancer des travaux ? Surtout, la CNSA aura-t-elle durablement, au-delà des trois ou quatre ans à venir, les moyens d'assurer ses missions, compte tenu de l'accroissement prévisible du nombre de personnes âgées dépendantes ?

Enfin, il faut se réjouir que l'Education nationale ait choisi pour 2006 une solution plus souple car c'est elle qui donne le tempo des congés familiaux. Mais les conventions qui doivent être signées d'ici le 31 décembre iront-elles dans le même sens, c'est-à-dire permettront-elles que ce temps de travail supplémentaire soit un temps choisi ?

Mme Danièle Hoffman-Rispal a félicité le ministre délégué pour le temps qu'il consacre aux visites de terrain et à l'écoute des partenaires concernés, tout en précisant que le groupe socialiste, qui avait considéré, lors de la discussion du projet de loi, qu'il y avait d'autres moyens plus appropriés de financer le traitement de la dépendance, n'a pas changé d'avis. Ses mises en garde contre le surcoût occasionné aux communes, en matière de transport scolaire notamment, ont été confirmées par les faits, et l'on peut se réjouir que le gouvernement soit revenu sur la fixation au lundi de Pentecôte de la journée de solidarité dans l'Education nationale ; puisse-t-il évoluer aussi sur d'autres points !

Il se confirme également qu'une part non négligeable des fonds de la CNSA n'a pas été consommée en 2004 et 2005 ; ils devraient permettre de financer un volume plus important de travaux d'humanisation dans les logements-foyers et les unités de soins de longue durée. Pour l'instant, cependant, les 10 000 places nouvelles - 20 000 à terme - annoncées ne sont guère visibles sur le terrain, notamment à Paris, département le plus mal loti de France, où le Comité régional de l'organisation sanitaire et sociale (CROSS) refuse fréquemment des projets de création de places parce que les crédits - qui étaient pourtant censés doubler - sont épuisés.

D'autre part, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), en améliorant les conditions de maintien à domicile, a eu pour effet de reculer de trois ans, ce qui est considérable, l'âge moyen auquel les personnes âgées entrent en établissement, mais la conséquence en est qu'il s'agit alors de personnes plus dépendantes qu'auparavant, si bien que l'application de la norme « Dominic + 35 » pose de graves problèmes, surtout si le ratio d'encadrement doit passer de 0,21 à 0,18 : comment assurer, dans ces conditions, la permanence des soins, notamment de nuit ?

Il faudra également clarifier la question du financement des nouveaux métiers qui se développent autour du traitement de la dépendance, en distinguant de façon plus rationnelle ce qui relève du forfait de soins et ce qui relève du forfait d'hébergement.

Enfin, il n'est pas normal que les dépenses d'investissement engagées pour la modernisation et l'humanisation des établissements soient répercutées sur le prix de journée payé par les personnes hébergées et leurs familles, qui ont souvent des ressources modestes.

M. Claude Leteurtre a jugé mitigé le bilan de l'application de la loi. Les plans d'alerte et d'urgence ont bien fonctionné grâce à l'engagement des maires mais l'application de la journée de solidarité laisse un goût amer, celui d'une bonne idée gâchée. Lors de la discussion du projet de loi, M. Dominique Tian avait à juste titre mis en garde le gouvernement contre le risque que l'Education nationale n'impose, dans les faits, le choix du lundi de Pentecôte à tout le pays. Il n'a pas été entendu, si bien que l'on est aujourd'hui contraint de revenir, tardivement et laborieusement, à plus de souplesse, après avoir additionné les mécontentements.

Le fonctionnement de la CNSA au niveau local laisse, d'autre part, perplexe. De nombreuses conventions tripartites ne peuvent être signées, faute d'argent disponible. Par quels canaux celui-ci arrive-t-il donc à destination ? Dans le schéma initial, la caisse devait donner aux préfets de région des objectifs et des fonds, à charge pour eux de redistribuer ceux-ci. Dans les faits, elle exerce une véritable tutelle sur les départements dans le domaine du handicap, à telle enseigne qu'on peut parler de recentralisation - et dans le domaine de la dépendance, on ne comprend pas bien ce qui se passe.

M. Daniel Prévost s'est fait l'écho de la vive inquiétude ressentie, sur le terrain, par les personnes handicapées, leurs familles, leurs associations et les collectivités, qui attendent avec impatience la publication des décrets d'application de la loi du 11 février 2005. Les maisons du handicap pourront-elles bien ouvrir, comme prévu, au 1er janvier 2006 ? Les moyens ad hoc auront-ils été transférés aux départements ?

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que M. Jean-François Chossy présentera le 14 décembre son rapport sur l'application de la loi du 11 février 2005.

M. Dominique Tian a reconnu, s'agissant de la journée de solidarité, que le nouveau système est plus souple, mais n'a pas forcément gagné en simplicité. N'aurait-il pas mieux valu raccourcir d'un jour les vacances de la Toussaint ?

M. René Couanau a dit partager l'amertume de ses collègues à propos de la journée de solidarité. Dès le début de l'examen du projet de loi, les parlementaires avaient détecté deux risques principaux : le premier était que l'Education nationale soit en situation d'imposer le lundi de Pentecôte au reste de la société, le second que la signification même de la journée de solidarité soit perdue. Les cabinets ministériels ont hélas traité avec condescendance cette double mise en garde, avec le résultat que l'on sait.

Par ailleurs, le débat sur la compensation du handicap est loin d'être épuisé et les associations ne sont pas seules à être frustrées : les parlementaires le sont aussi. Il faudra aussi répondre à la grande inquiétude des parents des personnes handicapées vieillissantes : on ne peut pas demander à des personnes qui ont fait des efforts considérables pour créer des lieux d'accueil, des structures d'hébergement, des centres d'aide par le travail, de tout recommencer à zéro lorsque leurs enfants seront vieux. Puisse, cette fois, le gouvernement entendre les parlementaires avant plutôt qu'après.

Le président Jean-Michel Dubernard a estimé que l'intervention de M. René Couanau résume assez bien le sentiment de l'ensemble des membres de la commission.

M. Georges Colombier s'est dit persuadé que l'imposition du lundi de Pentecôte comme journée de solidarité a pesé lourd dans l'échec du référendum du 29 mai, et a estimé que les résidents des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes et leurs familles n'ont pas vocation à financer, à travers le prix de journée, le remboursement d'emprunts souscrits en vue de la rénovation d'établissements dont ils ne sont ni ne seront les propriétaires.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a remercié le rapporteur pour son exposé, indiqué que son rapport contient les réponses à la plupart des questions posées par ses collègues et affirmé son attachement au rôle de contrôle exercé par le législateur en vertu de l'article XV de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen selon lequel « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». Puis, en réponse aux intervenants, il a apporté les précisions suivantes :

- Au vu de la première application de la journée de solidarité en 2005, force est de reconnaître que le Parlement avait raison et que ses mises en garde étaient justifiées, et le gouvernement a d'ailleurs adopté, pour 2006, un système plus souple, qui pourra encore faire l'objet, le cas échéant, de quelques aménagements mineurs si besoin est. Mais ce qu'il faut retenir, c'est le caractère novateur, révolutionnaire, de la mesure : pour la première fois, on finance plus de solidarité, non pas par plus d'impôt, mais par plus de travail et de production.

- Qu'est-il fait de l'argent collecté ? Il est normal que la question soit posée, et la réponse est on ne peut plus claire : il est intégralement consacré, à l'euro près, à la solidarité envers les personnes âgées dépendantes et envers les personnes handicapées. Quant à l'excédent de ressources, il a été conservé dans son intégralité par la CNSA afin d'être dépensé aux mêmes fins. Tous les chiffres figurent d'ailleurs dans le rapport de M. Denis Jacquat.

- L'une des toutes premières dépenses engagées, avant même que la CNSA ne soit en place, a consisté à prendre les dispositions nécessaires pour que l'APA soit financée, ce qui n'était pas acquis en 2002 ; elle constitue certes un grand progrès, mais il a fallu la sauver. La contribution de solidarité autonomie a ainsi permis de rembourser l'emprunt contracté pour financer l'APA.

- Les sommes collectées suffiront-elles à faire face à la progression inéluctable de la dépendance et de la maladie d'Alzheimer et à la nécessaire amélioration de l'accompagnement des personnes handicapées ? Cela dépend en grande partie des choix qui seront faits. Celui du gouvernement est de veiller à ce que le financement par la CNSA constitue et reste des dépenses supplémentaires par rapport à celles financées par les budgets de l'Etat et de l'assurance maladie, et non une façon pour l'Etat et l'assurance maladie de se désengager. Dans la loi de finances pour 2006, il y a plus d'argent pour le handicap ; dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, il y a plus d'argent pour la vieillesse et pour le handicap. Les personnes âgées dépendantes bénéficieront de dépenses d'assurance maladie en hausse de 9 %, cette hausse sera de 13,5 % si l'on ajoute les dépenses de la CNSA. Pour les personnes handicapées, les pourcentages d'augmentation sont respectivement de 5 % et de 6,16 %.

- Si l'on veut, par conséquent, que les moyens mobilisés grâce à la journée de solidarité continuent de progresser, il faut que l'assurance maladie progresse elle aussi et que sa gestion soit rigoureuse. Si le gouvernement s'attache à réduire les déficits, ce n'est pas par souci maniaque mais afin de dégager des marges de manœuvre supplémentaires. De même, il n'est pas question de financer des entreprises et services d'aide par le travail, des ateliers protégés ou une part de l'allocation aux adultes handicapés par les recettes de la journée de solidarité : c'est l'affaire de l'Etat. Tel est l'engagement que l'Etat a pris, et qu'il n'est pas forcément facile de respecter, car dès qu'il y a de l'argent quelque part, apparaît la tentation de le ponctionner. Il faudra rester vigilants en 2006 et 2007 car on ne balaie pas la salle à manger des uns en mettant la poussière dans le salon des autres.

- Les objectifs du plan « Vieillesse et solidarité » ont été doublés : au lieu de 10 000 places nouvelles, ce sont 20 000 places qui seront créées. Certes, il reste encore, comme l'a signalé Mme Danièle Hoffman-Rispal, des créations qui ne voient pas le jour faute de financement, mais il y a surtout des places qui sont créées alors qu'elles ne pouvaient pas l'être auparavant. Surtout, le conseil des ministres a adopté ce matin une ordonnance qui introduit une simplification bienvenue : désormais, l'autorisation d'aménager de nouvelles places en maison de retraite pourra être délivrée en fonction des moyens disponibles non pas sur l'année mais sur une période de trois ans.

Mme Danièle Hoffman-Rispal s'est réjouie de cette annonce.

Le ministre délégué a poursuivi ses réponses :

- La loi du 11 février 2005 requiert quelque 80 décrets d'application. C'est pourquoi, dès la nomination du ministre délégué au mois de juin, toutes les associations ont été réunies afin d'organiser une concertation à la fois rapide et approfondie : le Conseil national consultatif des personnes handicapées s'est réuni toutes les deux semaines pendant l'été, ses commissions toutes les semaines, si bien que l'AAH a pu être portée, dès le 1er juillet, à 80 % du SMIC - lui-même revalorisé à cette date - pour les personnes affectée d'une incapacité définitive.

- En vue de la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées, des conventions-types ont été fournies à tous les départements et une enveloppe de 50 millions d'euros débloquée par la CNSA pour faire face à d'éventuels travaux.

- S'agissant de la prestation de compensation de handicap, qui constitue le cœur de la réforme de février 2005, le gouvernement a pris l'engagement de publier les principaux décrets d'ici au 31 décembre. Il y a lieu de se montrer optimiste quant au respect de cette échéance dans la mesure où le Conseil national consultatif a émis un avis favorable la semaine dernière sur les projets de décrets et où le passage devant le Conseil d'Etat devrait avoir lieu dans des délais permettant une signature avant la fin de l'année.

- Les maisons départementales des personnes handicapées seront donc bien en place au 1er janvier, le guichet unique également, mais cela ne signifie évidemment pas que la prestation de compensation pourra être versée dès le lendemain. Les associations le savent, mais les personnes handicapées et leurs familles, impatientes à juste titre, en sont parfois moins conscientes. Dans un certain nombre de départements, les COTOREP sont engorgées, et les nouvelles commissions des droits et de l'autonomie qui leur succéderont au 1er janvier risquent donc de l'être aussi ; c'est pourquoi un crédit supplémentaire a été dégagé pour leur permettre de recruter le personnel temporaire dont elles auront besoin pour franchir le cap de cette période transitoire. Dans un premier temps, néanmoins, le délai d'instruction des demandes sera de six mois au lieu de quatre. Mais la prestation, cela va de soi, sera attribuée rétroactivement, à la date de dépôt de la demande ; le fait qu'elle soit personnalisée explique cette durée d'instruction accrue. Les conventions sont en cours de négociation et les choses se passent plutôt bien avec les conseils généraux. En résumé, on peut opposer la prestation de compensation à l'APA en disant que celle-ci était, à sa création, une prestation sans financement, tandis que celle-là présente, pour l'heure, un financement sans prestation : le gouvernement n'a pas voulu mettre la charrue avant les bœufs mais s'assurer d'abord qu'aux 580 millions d'euros de l'allocation compensatrice pour tierce personne s'ajouteront bien les quelque 500 millions d'euros collectés pour la CNSA.

- S'agissant enfin des investissements de modernisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, ils ne seront plus répercutés sur le prix de journée puisque les financements supplémentaires disponibles épargneront aux établissements de recourir à l'emprunt.

Mme Danièle Hoffman-Rispal a insisté pour que les investissements réalisés par les collectivités locales bénéficient également de ces financements supplémentaires.

M. Marc Bernier a souligné que le lancement des maisons départementales des personnes handicapées ne nécessitera pas forcément la construction de locaux neufs, ni l'embauche de personnel supplémentaire, même temporaire : dans certains départements, des réaffectations de bâtiments et des redéploiements d'effectifs pourront suffire, ce qui évitera d'augmenter les impôts.

M. Claude Leteurtre a demandé comment sera réalisée la convergence, prévue par la loi dans un délai de cinq ans, entre la prise en charge des personnes handicapées et celle des personnes âgées dépendantes.

Le ministre délégué a répondu que la convergence est une question très importante : il y a certes des différences entre les deux situations, mais aussi de nombreux points communs. Le gouvernement a confié une mission au sénateur Paul Blanc sur la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes, qui sont appelées à devenir de plus en plus nombreuses puisque leur durée de vie va croissant - ce qui est une source d'angoisse, en particulier pour les parents d'enfants trisomiques. C'est un angle d'approche possible, qui n'épuise cependant pas le sujet. Le programme de créations de places devrait réduire l'ampleur du problème mais l'impératif d'assurer la continuité de la prise en charge à tous les âges de la vie demeure.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre délégué et l'a félicité pour sa vision pratique des choses ainsi que pour la tonicité de son intervention.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées en vue de sa publication


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