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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

COMPTE RENDU N° 53

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 mai 2006
(Séance de  17 heures 30)

12/03/95

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président.

SOMMAIRE

 

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- Audition, ouverte à la presse, de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, sur la mise en application de la loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux (Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure)




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- Information relative à la commission

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En application de l'article 86, alinéa 8 du Règlement de l'Assemblée nationale, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné en présence de M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, le rapport de Mme Muriel Marland-Militello sur la mise en application de la loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux.

Le président Jean-Michel Dubernard s'est réjoui d'accueillir le ministre et a souligné l'importance que la commission des affaires culturelles, familiales et sociales attache à rencontrer les ministres six mois après la promulgation des lois afin de voir où en est leur application. Les ministres ont eux-mêmes souligné à plusieurs reprises qu'il s'agissait pour eux d'un exercice fort utile.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure, a rappelé que l'examen de la loi publiée le 27 juin 2005 avait longtemps été retardé et souligné que les membres de la commission sont très impatients de savoir, un an après son vote, quand cette réforme majeure sera véritablement opérationnelle.

S'agissant de la publication des textes d'application, on peut parler d'avancées indéniables, malgré des difficultés. Toutefois, pour que la réforme du statut soit effective, il faut poursuivre l'effort et imposer un rythme soutenu. En effet, si l'on s'en tient à un bilan quantitatif, sur les six décrets annoncés, deux ont été publiés, celui relatif à la formation des assistants familiaux avec la création d'un diplôme d'État d'assistant familial et celui sur la formation des assistants maternels. En revanche, le décret relatif au droit du travail applicable aux deux professions est en instance de publication et il serait souhaitable que le ministre confirme que sa parution est imminente.

Le cœur du texte, c'est-à-dire la réforme de la procédure d'agrément, l'harmonisation des critères et des conditions d'exercice sur le territoire national, n'a pas encore pu être finalisé. La rapporteure a demandé au ministre de préciser sous quelle forme juridique sera mise en œuvre la réforme de la procédure d'instruction de l'agrément. Un décret en Conseil d'État sera-t-il complété par un décret simple ? Un arrêté ministériel définira-t-il la composition du dossier de demande d'agrément ?

Le bilan qualitatif de la préparation des textes d'application paraît quant à lui extrêmement positif. Le ministre s'est attaché à organiser en amont une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes : conseils généraux, représentants des deux professions, Assemblée des départements de France (ADF) et Association des maires de France (AMF). L'ampleur de cette concertation explique la lenteur de la publication des textes d'application. Il serait intéressant de connaître le bilan des groupes de travail qui ont été constitués pour « déminer » toutes les difficultés très en amont, aussi bien sur des questions de principe que sur des points très techniques, afin de parvenir à ce que la réforme soit immédiatement opérationnelle une fois les textes d'application publiés.

Les conseils généraux sont la pierre angulaire de cette réforme : ils ont en effet la responsabilité de la procédure d'agrément aussi bien pour les assistants maternels que familiaux et ils sont aussi les employeurs de la majorité des assistants familiaux. D'un point de vue plus stratégique, ce sont eux qui définissent à la fois la politique d'accueil de la petite enfance en concertation avec les communes et les caisses d'allocations familiales et qui sont les maîtres d'œuvre de la politique de la protection de l'enfance. Rien ne pourra donc se faire sans leur forte mobilisation, et le ministre a eu raison de mener avec eux une concertation approfondie.

Il serait d'ailleurs intéressant de savoir comment a été organisée la concertation avec les élus locaux et comment il a été possible de surmonter la difficulté de devoir adopter des textes réglementaires posant des normes contraignantes dans un domaine de compétence qui relève essentiellement des départements. Comment, par exemple, le projet de décret sur l'agrément énoncera-t-il des critères nationaux d'agrément tout en permettant au président du conseil général d'y déroger pour répondre à des besoins locaux spécifiques ? Le texte d'application encadrera-t-il le champ des dérogations possibles ?

Concernant le financement de cette réforme, des estimations alarmantes ont été faites du coût de sa mise en œuvre par les départements. Il serait souhaitable que le ministre indique son impact financier, précise le calendrier de montée en charge des revalorisations salariales des assistants familiaux et donne une estimation du coût de la formation professionnelle obligatoire des assistants maternels et des assistants familiaux, même si cela dépend évidemment du nombre de professionnels qui demanderont un agrément dans les prochaines années. Par ailleurs, l'État envisage-t-il de prendre en charge une partie de ces dépenses dont le financement incombe aux départements mais qui, au fond, relève du pouvoir régalien de l'État puisque c'est d'éducation qu'il s'agit ?

Un certain nombre des articles relatifs au droit du travail ne nécessitait aucune mesure réglementaire pour entrer en application. Les dispositions relatives au contrat de travail, à la prise en compte des majeurs de moins de vingt et un ans dans le public des assistants familiaux ou au régime de la rupture du contrat de travail étaient ainsi applicables dès l'entrée en vigueur de la loi en juin 2005.

Pour le reste, un décret couvrant la quasi-totalité des articles concernés est donc en instance de publication. Il faut s'en féliciter, car il s'agit d'une matière technique. En outre, les enjeux sont essentiels puisque sont en cause notamment la question de la rémunération des assistants maternels et familiaux ou encore celle de leur temps de travail et du moment de la prise des congés. Tout ceci est essentiel car il s'agit des éléments d'une revalorisation de l'ensemble de la profession. C'est un élément capital. Avec ce décret, ces mesures sont donc désormais prêtes à entrer en application.

Naturellement certaines interrogations demeurent et il est important d'évoquer les préoccupations de la profession en cette matière.

Un an avant l'adoption définitive de la loi, une « convention collective nationale de travail des assistants maternels du particulier employeur » a été adoptée - il faut dire que l'adoption définitive de la loi est intervenue avec un an de retard... Conformément à son intitulé, son champ d'application est plus étroit que celui de la loi, ne concernant que les rapports entre les assistants maternels et leurs employeurs particuliers. Cependant, elle traite de la plupart des questions de droit du travail que l'on retrouve dans la loi et qui peuvent être appliquées aux deux professions

Chronologiquement, il ne s'agit pas de l'application de la loi. Mais en pratique, la question de l'articulation harmonieuse entre cette convention et la loi peut se poser. Le plus souvent, les dispositions des deux textes sont de même portée : la loi et le décret recouvrent les dispositions de la convention, et il n'y a donc pas à revenir sur ces dernières. Mais il existe quelques cas où des divergences entre les différents textes seraient susceptibles d'apparaître, notamment concernant la question de la proratisation des indemnités d'entretien des assistants maternels et celle du régime de l'absence. Il serait donc souhaitable que le ministre apporte des précisions sur ces questions. Il est en effet très important que l'esprit de la loi soit préservé, d'autant que les assistants maternels constituent le mode de garde préféré des Français. Il y a là un devoir éthique.

Il semble qu'une circulaire commentant l'ensemble des dispositions relatives au droit du travail soit en préparation. La profession sera certainement très intéressée par ce document : quand sera-t-il disponible ?

Enfin, le nouveau régime du temps de travail des assistants maternels est plus limitatif, en particulier pour ceux qui sont employés dans des crèches familiales et qui ne pourront plus toujours travailler autant d'heures qu'auparavant. Cela n'est-il pas susceptible d'entraîner des difficultés de recrutement de personnels supplémentaires ? Quelles solutions sont d'ores et déjà envisagées ?

Voilà donc certaines des préoccupations essentielles de la profession. Concernant ceux pour qui cette réforme a été faite, c'est-à-dire les enfants et leurs familles, il convient de prendre en compte les préoccupations des parents.

Jusqu'à présent, les familles ont été les grandes absentes de cette réforme. Elles bénéficieront, bien sûr, de cette requalification du métier d'assistant maternel qui est un gage de qualité pour l'accueil des jeunes enfants mais, à court terme, elles sont déroutées par l'application de la nouvelle convention collective et par de nouvelles normes de rémunération qu'elles ne connaissent pas.

Comment le ministre a-t-il l'intention de faire connaître cette réforme pour que les familles disposent d'informations objectives et ne dépendent pas uniquement de celles qui sont publiées par les organisations syndicales ? Quel rôle peuvent jouer les caisses d'allocations familiales en la matière ? Elles paraissent le vecteur de communication le plus adapté puisqu'elles touchent régulièrement toutes les familles employant des assistants maternels par le versement de la prestation pour frais de garde de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE).

Un débat a suivi l'exposé de la rapporteure.

Mme Hélène Mignon a souligné qu'en effet les familles manquent d'information, en particulier pour qu'elles puissent prendre conscience des qualités professionnelles et donc de la formation qu'exige le métier d'assistant maternel. En effet, pendant des décennies tout s'est passé de gré à gré entre les familles et les assistants maternels de manière tout à fait informelle. Aujourd'hui, des règles strictes doivent être respectées, les parents demandent une plus grande qualité et les assistants maternels eux-mêmes veulent être mieux formés pour répondre à cette attente. Mais cette professionnalisation a un coût et les parents confrontés à des difficultés financières n'ont pas forcément compris la démarche d'autant que, du jour au lendemain, les plages horaires de garde ont été réduites tandis que les tarifs augmentaient.

Il convient donc effectivement que les parents soient bien informés, qu'on leur explique tout l'intérêt qu'ils ont à ce que les assistants maternels répondent à des critères stricts de moralité et de qualification professionnelle, afin qu'ils puissent offrir aux parents toutes garanties en matière de sécurité sanitaire et alimentaire. Les parents doivent prendre conscience qu'il s'agit d'un vrai métier et l'application de la convention collective en est le premier symbole.

Il faut par ailleurs insister sur le rôle important des relais assistants maternels (RAM), en particulier pour la socialisation des jeunes enfants.

M. Bernard Perrut, tout en rappelant la nécessité de faire le point sur l'application de cette loi, a souligné que celle-ci s'inscrit dans le cadre d'une politique familiale ambitieuse du gouvernement qui s'est traduite par le financement de nombreux équipements pour la garde des enfants ou par de nouvelles prestations familiales comme la PAJE ; il y a longtemps que l'on n'avait pas fait autant pour les familles, sans même parler des aides au logement, et cela doit être mis au crédit de la majorité.

La rapporteure a eu raison d'insister sur la formation : il est essentiel d'être bien formé pour dispenser des soins aux enfants car hélas les cas de maltraitance sont fréquents dans les urgences pédiatriques qui voient en particulier arriver beaucoup d'enfants « secoués » car les accueillants n'ont pas eu, avec les enfants dont ils ont la garde, les gestes adaptés. De ce point de vue, le décret d'avril 2006 qui double le temps de formation est une innovation majeure.

C'est également à juste titre que la rapporteure a relevé qu'un certain nombre de décrets n'ont pas encore été pris. On ne peut qu'inciter le ministre à mettre totalement en œuvre une loi très attendue par les assistants maternels et familiaux. Il convient, par ailleurs, de donner une information très claire aux familles sur leurs nouvelles obligations, notamment ce qui concerne le contrat écrit, les dispositions financières ou les dates de congé des assistants maternels.

Enfin, il faut rappeler que les RAM, qui jouent un rôle essentiel pour permettre des échanges d'expérience entre les assistants maternels et pour informer les parents, sont aujourd'hui essentiellement financés par les collectivités locales.

M. Pierre-Christophe Baguet a indiqué qu'il y a sur le terrain, en particulier chez les familles, une certaine confusion entre la loi et la convention collective. Il convient donc de préciser l'impact respectif de ces deux textes et les nouvelles obligations qui incombent aux familles. Les familles se posent aussi des questions concrètes sur les déclarations sociales et sur les rémunérations applicables. Lors du débat en séance publique, l'harmonisation des attestations d'emploi délivrées par le centre PAJE emploi avec les bulletins de paie avait aussi été évoquée ; a-t-on avancé dans cette direction ? S'agissant par ailleurs de l'accès prioritaire au logement social, il serait opportun que le ministre rappelle aux préfets qu'une priorité doit être accordée aux assistants maternels ayant obtenu l'agrément sous réserve de disposer d'une pièce supplémentaire.

En conclusion de son propos, M. Pierre-Christophe Baguet a indiqué qu'il s'apprêtait à adresser au ministre une question écrite sur les nouveaux critères appliqués par la CNAF pour sa participation au financement des investissements dans les communes pour les équipements d'accueil de la petite enfance. Il semble qu'on retienne désormais le taux d'équipement des communes, leur profil sociologique et le niveau de leurs ressources. Or il ne paraît pas très pédagogique de pénaliser ainsi, dans l'attribution des 30 millions d'euros annoncés, ceux qui ont déjà fait beaucoup d'efforts pour construire des crèches. Il conviendrait également de prendre en compte le taux d'emploi féminin, sauf à vouloir inciter les mères à rester au foyer... Le mode de calcul doit être équilibré et éviter les effets pervers.

Mme Cécile Gallez a insisté sur le problème, préoccupant pour certaines communes, des crèches familiales. Dirigées par une puéricultrice, ce qui offre une sécurité aux enfants et aux parents, elles sont aujourd'hui confrontées à des difficultés en raison de l'augmentation - tout à fait légitime car ils étaient sous-payés - des salaires des assistants maternels. En effet, les crèches familiales sont tenues d'appliquer un barème très bas afin de faciliter l'accès aux familles en difficulté, en particulier monoparentales. Mais cela a entraîné un doublement du déficit de ces structures et certaines communes, en particulier celles qui n'ont pas recours aux contrats petite enfance, ont dû fermer leurs crèches familiales. Il serait donc éminemment souhaitable de trouver une solution.

M. Alain Néri a jugé urgent que soient publiés les derniers décrets d'application d'une loi qui a connu un certain nombre de vicissitudes, même si l'on peut considérer que le report de son examen a favorisé un débat très riche en commission comme en séance publique.

S'il faut se féliciter que le décret sur la formation soit sorti, il conviendrait que celui sur le statut des assistants maternels soit également publié au plus vite, d'autant que les parents ne semblent pas encore convaincus qu'il s'agit d'un véritable métier qui suppose donc, outre des qualités morales et affectives, une vraie formation. Les familles, qui avaient en effet l'habitude de procéder de gré à gré, ne comprennent pas toujours très bien non plus les augmentations de salaires qui ont évidemment des répercussions sur leur budget, même s'il y a un certain nombre d'aides. Elles ont également du mal à comprendre les nouvelles règles applicables pour les congés, les absences et les indemnités d'entretien. Il faut apporter une réponse rapide, d'autant que les professionnels l'attendent également et que cela bénéficierait aussi aux enfants.

L'institutionnalisation des RAM marque, par ailleurs, un tournant historique. Si, au début, beaucoup d'assistants maternels les ont vus comme une contrainte, ils sont en train de comprendre que ces relais peuvent être un lieu de rencontre, d'aide, de perfectionnement et de mise en commun des expériences mais aussi qu'ils jouent un rôle important dans la socialisation des jeunes enfants.

L'augmentation indispensable du nombre d'heures de formation des assistants maternels et familiaux a des effets importants sur les budgets des conseils généraux. On peut donc se demander s'il y aura une aide de l'État et des CAF et si les régions participeront à l'effort de formation.

L'agrément est également une question importante. Il faut que les choses soient clairement précisées dans le décret s'agissant d'une responsabilité importante donnée aux conseils généraux. Il y va de la qualité de l'accueil des enfants.

La question du logement, évoquée par M. Pierre-Christophe Baguet, avait été longuement débattue en séance publique. Il convient en effet de donner des instructions aux préfets afin qu'une priorité soit donnée à l'amélioration des conditions d'hébergement des assistants maternels afin qu'ils puissent mieux exercer leur profession. Pour cette profession, le logement est un véritable outil de travail qui leur permet d'accueillir des enfants dans de bonnes conditions. Un coup de pouce serait donc le bienvenu.

Enfin, le problème des enfants scolarisés préoccupe grandement les assistants maternels. L'agrément devrait prendre en compte les enfants qui ne sont pas gardés à la journée mais uniquement en dehors du temps scolaire, d'autant que cela représente souvent un manque à gagner pour les professionnels. Il est souhaitable que les jeunes enfants ne soient pas contraints de rester à l'école et à la garderie de sept heures du matin à six heures du soir et d'effectuer ainsi des journées plus longues que celle de leurs parents. Il est donc bon qu'ils puissent quitter l'école un moment pour être accueillis dans une famille où ils se sentent bien. Il faudra se pencher sur cette question.

M. Claude Leteurtre a souligné que les RAM sont devenus extrêmement importants mais qu'au quotidien l'équilibre entre personnel départemental et assistants maternels est fragile, qu'il y a de dures compétitions et des conflits majeurs. Il faut pourtant mettre en avant ces relais, qui sont un lieu de soutien, d'écoute, de rencontre et d'information.

Si la question du logement est en effet importante, il faut toutefois s'intéresser de près à la motivation de ceux qui souhaitent devenir assistants maternels et introduire un peu de souplesse dans l'examen des dossiers d'agrément par les conseils généraux, afin qu'on n'en arrive pas à un profil psychologique unique et à des dossiers remplis à l'identique. Même si cela peut paraître paradoxal, il faudrait aussi renforcer les possibilités de suspension voir de retrait de l'agrément afin de disposer des moyens juridiques de faire face à toutes les situations à risque car on sait bien que, sur le terrain, il n'est pas facile de prendre des sanctions en cas de présomption d'abus sexuels.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné que la reconnaissance législative des RAM a rencontré un écho très favorable.

En réponse aux intervenants, M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, a indiqué qu'il attache une importance toute particulière à ce texte qui, outre qu'il a été le premier qu'il a défendu dans l'hémicycle après sa prise de fonctions, s'inscrit, comme l'a justement rappelé M. Bernard Perrut, dans l'ensemble de la politique familiale menée par le gouvernement. Puis, il a apporté les précisions suivantes :

- La France est le pays d'Europe où l'activité professionnelle féminine est la plus importante, avec 80 % des 25/50 ans engagées dans la vie active, mais aussi celui, en dehors de l'Irlande, où le taux de natalité est le plus élevé, même s'il ne suffit pas tout à fait à assurer le renouvellement des générations. Il y a ainsi eu l'an dernier 805 000 naissances mais les couples affirment qu'ils aimeraient avoir plus enfants.

À l'évidence, l'emploi féminin n'est pas l'ennemi de la natalité, au contraire puisqu'il est plus facile d'élever des enfants avec deux revenus. La biactivité est donc un choix des Françaises et des Français et il faut la reconnaître. Cela suppose bien évidemment de promouvoir les modes de garde : peut-être est-ce parce qu'ils ne sont pas encore suffisamment montés en puissance que les parents hésitent encore à avoir davantage d'enfants. Bien sûr, la France dispose de l'école maternelle dès l'âge de trois ans, ce qui est unique en Europe, mais de réels progrès restent à faire en ce qui concerne l'accueil périscolaire et les modes de garde des enfants de moins de trois ans.

Pour cela, il faut des moyens et plusieurs des intervenants ont souligné que, s'il était légitime d'augmenter les salaires des assistants maternels, on devait se demander comment les familles pouvaient supporter cette augmentation. Il faut rappeler qu'en la matière la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) a radicalement changé les choses : les familles aux revenus moyens qui, avant sa création, percevaient 120 euros par mois en touchent désormais 260. D'ores et déjà, 205 000 familles de plus bénéficient de cette aide et il y en aura 250 000 à la fin de l'année. On peut donc parler d'un effort sans précédent de la branche famille pour solvabiliser les familles, effort intervenu avant l'augmentation des salaires des assistants maternels.

Parallèlement, il faut mettre les équipements et les moyens nécessaires pour que les familles trouvent un mode de garde. S'agissant des crèches, il faut souligner que 8 500 places ont été ouvertes l'an dernier et que 11 000 le seront cette année, contre 264 en 2000. C'est un effort énorme. De 2002 à 2008, avec la convention d'objectifs et de gestion mise en œuvre avec la CNAF, ce sont au total 72 000 places supplémentaires qui seront créées, soit une augmentation de 30 %, ce qui n'est pas si mal même s'il faut bien sûr continuer car, même si les assistants maternels restent le mode de garde préférée des Français, 40 % d'entre eux réclament plus de crèches.

- Aujourd'hui, les assistants familiaux et maternels accueillent les deux tiers des enfants gardés. On compte 352 000 assistants maternels, qui ont la capacité d'accueillir 750 000 enfants, mais les besoins sont en augmentation et, selon le Commissariat général du plan, 62 000 personnes de plus seront nécessaires en dix ans, d'où l'intérêt de revaloriser ce métier, ce qui est l'objet de cette loi et de ses textes d'application. Le développement de la profession se heurtait à un certain nombre de blocages et il fallait à la fois la rendre plus attractive pour attirer de nouveaux professionnels et apporter plus de garanties et de sécurité aux familles pour leur donner envie de faire le choix de ce mode de garde, c'est l'objet du renforcement de la procédure d'agrément. Ce sont ces deux objectifs qui sont poursuivis dans l'application de la loi.

- La méthode qui a été suivie est celle de la concertation aussi bien avec les professionnels concernés, des groupes de travail ayant été créés en vue de l'élaboration de chacun des décrets, qu'avec les employeurs, notamment les départements, qui ont participé aux groupes de travail. L'ampleur de cette concertation peut parfois expliquer que la publication des décrets ait pris plus de temps que prévu. L'objectif était de trouver un juste équilibre entre les attentes des professionnels et celles des employeurs et de permettre l'harmonisation des pratiques entre les départements tout en leur laissant suffisamment de souplesse. Les décrets sont aujourd'hui bouclés, voire déjà publiés :

Le décret sur la formation des assistants familiaux est paru au Journal officiel du 31 décembre 2005.

Le décret sur la formation des assistants maternels a été publié le 22 avril 2006.

Le décret simple sur le droit du travail applicable aux assistants maternels et familiaux a été signé par tous les ministres concernés. Il a été transmis au secrétariat général du Gouvernement pour parution en urgence au Journal officiel.

Le décret en Conseil d'État relatif à l'agrément des assistants maternels et familiaux a fait l'objet d'une très large concertation. Il est maintenant finalisé et a été envoyé au Conseil d'État dans la semaine du 2 mai. Il faut compter encore près d'un mois pour l'examen par le Conseil et deux ou trois semaines pour les signatures, la publication devant donc intervenir courant juin. L'Assemblée des départements de France a indiqué que ce décret ne lui posait pas de difficultés.

Le décret relatif à l'évaluation de l'application de la réforme supposait que des indicateurs soient déterminés. Les éléments constitutifs du décret ont été envoyés à la consultation le 5 mai. Une réunion de concertation destinée à le finaliser aura lieu le 23 mai.

- Sur l'agrément, les discussions avec l'Assemblée des départements de France ont été très approfondies puisque ont été mobilisés les services de PMI et d'aide sociale à l'enfance de sept départements, plusieurs autres départements étant associés aux réflexions menées par la Direction générale de l'action sociale. Pour laisser une marge d'appréciation aux services départementaux, le ministre a souhaité qu'on mette en place un référentiel national d'évaluation donnant des indications sur la manière d'interpréter les critères réglementaires. Ce référentiel est d'ores et déjà rédigé et il est soumis à la concertation avant d'être finalisé. Il constituera un guide d'application des textes sans enfermer les décideurs dans des règles trop rigides. Il fera bien sûr l'objet d'une campagne de communication destinée aux familles, aux employeurs et aux professionnels. C'est le ministère qui l'adressera à tous les intéressés, et la CNAF le diffusera dans tous les relais d'assistants maternels par voie de circulaire ainsi qu'auprès des familles bénéficiant du complément de libre choix du mode de garde de la PAJE pour l'emploi d'un assistant maternel.

De nouveaux critères sont par ailleurs fixés pour l'agrément : aptitudes éducatives, maîtrise du français oral, absence de condamnation pénale grave pour l'ensemble des majeurs résidant habituellement au domicile du candidat à l'agrément. Ce sont des garanties nécessaires pour accueillir un mineur dans des conditions favorisant son développement physique, intellectuel et affectif. L'instruction de la candidature ne se fera pas uniquement sur dossier ; il y aura un entretien avec le candidat, une visite à domicile et des vérifications diverses sur les qualités professionnelles et personnelles du candidat. Les référentiels seront distincts pour les assistants maternels et familiaux. Ils n'auront pas un caractère réglementaire mais seront l'expression d'un consensus du milieu professionnel sur les aptitudes requises pour l'exercice de chacun de ces deux métiers.

- Les missions des départements vont évoluer en ce qui concerne le contrôle des conditions d'activité. Il est ainsi prévu une obligation pour les personnes agréées d'informer le département de tout changement concernant leur situation familiale, les agréments dont elles disposent, et les majeurs résidant à leur domicile. Au-delà de la déclaration des nouveaux enfants accueillis, seront demandés les noms et coordonnées des familles ainsi qu'une information sur les départs définitifs d'enfants.

Aujourd'hui, 70 % seulement des assistants maternels agréés accueillent effectivement des enfants et les familles n'ont souvent comme seule information qu'une liste d'assistants maternels sans indication de leur disponibilité. Il est souhaitable qu'il y ait plus de transparence et qu'on puisse mieux connaître l'offre d'accueil réelle sur un territoire donné. Il est envisagé de mettre en place un système de « pages jaunes », avec toute l'offre disponible sur un territoire donné, en crèche comme chez les assistants maternels. Y seront ajoutées toutes les informations sur les droits et obligations des parents comme des assistants maternels. Ces informations seront disponibles sur internet.

En ce qui concerne les assistants maternels employés par des crèches familiales et les assistants familiaux, il y aura une articulation entre la mission de suivi des assistants et la mission de contrôle de l'agrément des départements. Pour ce qui est des crèches familiales, les revalorisations de salaire des assistants maternels seront couvertes à près de 80 % par les caisses d'allocations familiales dans le cadre du système actuel de financement de ces établissements, c'est-à-dire le contrat petite enfance et la prestation de service unique. Mme Cécile Gallez peut donc être rassurée, les crèches familiales ne sont pas oubliées.

- Sur les questions relatives au droit du travail, une circulaire précisera effectivement les règles de calcul des congés des assistants familiaux et maternels ou les modalités d'indemnisation et de rémunération.

S'agissant de la rémunération, les textes sont aujourd'hui en passe être appliqués. Lors d'une première étape, fixée au 1er janvier 2007, la rémunération minimale d'un assistant familial accueillant un enfant ne pourra être inférieure à 93 % des nouveaux minima fixés, qui seront applicables à tous les assistants familiaux au taux plein de 100 %, lors de la seconde étape, le 1er janvier 2008. La montée en charge se fera donc sur deux ans au lieu de trois, comme initialement prévu. Il a fallu pour cela discuter avec l'Assemblée des départements de France car si de nombreux départements sont déjà à niveau, d'autres - souvent les plus pauvres et les plus peuplés - devront faire un effort important.

L'amélioration des formations et l'augmentation des rémunérations aura un coût. Celui de la formation des assistants familiaux est estimé, compte tenu de la montée en charge sur trois ans, à 5,5 millions d'euros par an, celui de la formation des assistants maternels entre 13 et 27 millions, selon le nombre des agréments, celui de l'augmentation des rémunérations des assistants familiaux à 40 millions par an à partir de 2008. Si l'on retient une hypothèse moyenne de 20 millions d'euros pour le coût de la formation des assistants maternels, le coût total de la réforme pourrait être de 65 millions d'euros.

En ce qui concerne les indemnités d'entretien, la loi prévoit un montant minimum pour une journée de neuf heures proratisable en fonction de la durée d'accueil. Faute d'un accord entre la fédération d'employeurs et les organisations syndicales, les parents restent dans l'incertitude et il est donc souhaitable qu'un accord intervienne rapidement.

Quant à la disposition relative au régime d'indemnisation en cas d'absence de l'enfant pour maladie, il faut l'interpréter dans un sens conforme à l'intention du législateur : pour les assistants maternels employés par des particuliers, c'est le texte de la convention collective qui s'applique et non le dispositif prévu par la loi qui ne concerne donc que les assistants maternels employés par des crèches familiales.

Enfin, la formation sera plus longue auparavant, elle donnera accès à la première unité professionnelle du CAP petite enfance, ce qui est très précieux. Elle se fera en partie avant l'accueil du premier enfant.

Mme Muriel Marland-Militello, rapporteure, a demandé si, bien qu'il ne s'agisse pas d'une extension de compétences, l'État prendra en charge une partie des coûts de formation que devront supporter les départements.

Le ministre délégué a répondu que cela figure, en effet, déjà dans les compétences des départements et qu'aucune discussion n'a donc été ouverte sur ce point.

M. Pierre-Christophe Baguet a souhaité revenir sur la question du logement. S'il n'est bien évidemment pas question pour une personne de demander un logement social parce qu'elle veut du jour au lendemain devenir assistant maternel, en revanche, dans la mesure où la compétence d'un assistant maternel est déjà reconnue et où il a l'agrément pour deux enfants, quand on lui propose un agrément pour trois enfants sous réserve qu'il dispose d'un logement adapté, il semble que le préfet devrait faire un effort.

Mme Hélène Mignon a évoqué la question des assistants maternels qui divorcent et qui, ne disposant ainsi plus du logement nécessaire à l'accueil des enfants, se retrouvent au chômage alors que leurs compétences sont reconnues et a indiqué que, s'agissant du financement, elle est moins optimiste que le ministre car les directeurs des CAF disent que leurs crédits sont de plus en plus limités et que, s'ils peuvent financer les opérations en cours, il leur est impossible d'en lancer de nouvelles.

Enfin, il conviendrait de se pencher sur le cas des assistants maternels qui ont pris leur retraite ces deux ou trois dernières années et qui disposent de pensions très faibles car les collectivités locales déclaraient souvent un minimum de revenus.

M. Alain Néri a souhaité que les nouvelles formations comportent une initiation aux premiers gestes de secourisme.

En réponse aux questions, le ministre délégué a apporté les précisions suivantes :

- Une circulaire sera adressée aux préfets sur la question du logement et il conviendra de voir précisément quelles situations doivent être traitées ; par ailleurs, Mmes Muriel Marland-Militello et Michèle Tabarot ont été chargées d'examiner dans quelles conditions on pourrait permettre aux assistants maternels d'accueillir des enfants dans des locaux mis à leur disposition par la mairie, sous leur seule responsabilité et non sous celle du maire.

- On compte aujourd'hui plus de 1 000 relais assistants maternels grâce aux plans d'investissements successifs des CAF et des communes. Avec le système de la prestation de services, les CAF assument 30 % du coût de revient, et il faut poursuivre cette politique qui a bien réussi.

- La formation au secourisme fait bien partie de la formation obligatoire des assistants maternels.

- Sur les critères de sélection précédemment évoqués par M. Pierre-Christophe Baguet, si l'on veut vraiment développer l'ensemble des équipements en faveur de la petite enfance et en particulier les crèches, il faut gérer les budgets avec beaucoup de rigueur et d'efficacité. Or on a constaté, ces dernières années, des dépassements considérables, à tel point que le budget de la CNAF au titre de l'action sociale a augmenté de 20 % en 2004 et de plus de 15 % en 2005. Aucune collectivité ne saurait durablement accepter une telle dérive. C'est pourquoi il y a eu effectivement une pause au cours des premiers mois de 2006, afin de repartir sur un bon pied et de faire en sorte que les crédits de l'action sociale et familiale soient effectivement utilisés à l'amélioration des modes de garde.

La convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAF, conclue en juillet 2005, a prévu d'augmenter de 7,5 % par an les moyens de l'action sociale des CAF, afin précisément de poursuivre le financement du plan de création de 72 000 places de crèches entre 2002 et 2008, en tenant compte des 15 000 créations supplémentaires annoncées par le Premier ministre dans son discours de politique générale. C'est pour donner aux Français une garantie de bonne fin quant à l'emploi de ces fonds que l'on a pris le temps de mettre en place un nouveau dispositif, qui permettra effectivement de renouveler tous les contrats temps libres ainsi que les contrats petite enfance arrivés à expiration, mais aussi de passer de nouveaux contrats petite enfance pour l'ouverture de nouvelles places de crèche et de passer encore quelques contrats temps libres, en nombre moins important il est vrai que les années précédentes. La priorité a été donnée aux crèches car on ne peut pas tout financer en même temps avec les fonds qui sont gérés par les partenaires sociaux au titre de l'action sociale. Ce temps de pause est désormais fini : le conseil de la CNAF adoptera le nouveau dispositif à la fin du mois.

- Enfin, même s'il convient peut-être de les affiner, le ministre assume les critères de sélectivité qui ont été définis car il faut construire d'abord de nouvelles places de crèche là où il n'y en a pas. C'est pourquoi il est tenu compte de l'équipement existant, afin d'accélérer la création de places tout en renouvelant le financement des places déjà ouvertes. Cela ne signifie pas que les communes qui ont déjà un certain nombre de places ne recevront aucune aide, mais qu'une priorité est donnée aux créations, dans un souci d'aménagement du territoire. Cela étant, ces critères jouent surtout pour les contrats temps libres, plus que pour les crèches pour lesquelles il existe encore partout des besoins importants.

Le président Jean-Michel Dubernard a remercié le ministre pour ses réponses détaillées.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. Gaëtan Gorce rapporteur sur la proposition de loi relative à l'insertion des jeunes dans l'emploi - n° 3066.


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