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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mercredi 25 octobre 2006

Séance de 9h30

Compte rendu n° 5

Présidence de M. Christian Kert, vice-président

 

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Projet de loi de finances pour 2007 :

– Avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » :

• Formation supérieure et recherche universitaire ; Vie étudiante (M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur)

– Avis sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’État » :

• Rayonnement culturel et scientifique (M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis)

– Avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » :

• Recherche (M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur)


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Informations relatives à la commission

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Paul Anciaux, les crédits pour 2007 des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire ; Vie étudiante » de la mission « Recherche et enseignement supérieur. »

M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur, a rappelé qu’environ la moitié d’une classe d’âge accède à l’enseignement supérieur, même si malheureusement les sorties sans diplôme sont beaucoup trop nombreuses et très pénalisantes. À la rentrée 2005, plus deux millions et demi d’étudiants étaient inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur. Les universités, qui accueillent la plus large part de ces étudiants (un million trois cent neuf mille lors de cette même rentrée), s’efforcent de s’adapter dans un contexte budgétaire contraint depuis des décennies. Il faut saluer cette année l’effort du gouvernement qui érige l’enseignement supérieur et le financement de la vie étudiante au rang des priorités budgétaires, puisque les crédits de ces deux programmes progressent de 3,04 % par rapport à 2006 alors que les dépenses globales de l’État ne progresseront en 2007 que de 0,8 %.

S’agissant de l’exécution du budget 2006, comme chaque année un dispositif de réserve de précaution a été mis en place par le ministère des finances et des crédits ont été gelés, à hauteur de 97,56 millions d’euros, pour le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » et 84,76 millions d’euros pour le programme « Vie étudiante ». Ce gel, qui se répète chaque année sur le programme « Vie étudiante », conduit les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS), faute de trésorerie en fin d’exercice, à reporter le paiement d’un très grand nombre de bourses sur l’année suivante.

Cette situation, qui vient à contre-courant de l’action entreprise par le gouvernement pour améliorer les conditions de vie des étudiants, est inacceptable. Il convient que le gouvernement prenne d’urgence les mesures nécessaires pour que, le plus vite possible, la totalité des moyens inscrits en loi de finances 2006 au titre du programme « Vie étudiante » soit débloquée, afin que les bourses puissent être enfin versées aux étudiants bénéficiaires avant la fin de l’année.

Le rapporteur a indiqué que le thème de l’avis budgétaire porte cette année sur les conditions de vie des étudiants et les aides directes et indirectes qu’ils perçoivent de l’État. Comment, en effet, améliorer les conditions de vie des étudiants et favoriser leur autonomie ?

Tout d’abord, on ne peut que regretter que le dispositif général des aides directes et indirectes soit complexe, injuste et peu efficace. Ce dispositif se caractérise par trois grandes masses budgétaires de montants assez comparables : les bourses (environ 1,7 milliard d’euros), les aides au logement (environ 1,13 milliard d’euros), les aides fiscales à la famille (environ 1,3 milliard d’euros).

On dénombre une vingtaine de dispositifs différents, sans compter les aides des collectivités locales. Mais malgré cela, l’effet de seuil brutal du barème d’attribution des bourses sur critères sociaux prive de toute aide les étudiants issus des classes moyennes. Le système des bourses est conçu comme une aide complémentaire à la famille et non pas comme une aide directe aux étudiants. Ce schéma ne correspond plus à l’aspiration à l’autonomie, de plus en plus marquée, des nouvelles générations d’étudiants et surtout écarte du bénéfice des aides ceux dont les familles ne sont éligibles à aucun soutien de la part de l’État. Pour l’année 2005-2006, le nombre total de bourses, toutes catégories confondues, allouées en métropole et dans les DOM a été de 520 259, dont 496 427 sur critères sociaux soit environ 30 % d’étudiants bénéficiaires.

La demande est examinée en fonction des ressources et des charges de la famille de l’étudiant telles qu’elles figurent dans l’avis fiscal et selon un barème national. Ces plafonds de ressources déterminent à la fois l’éligibilité et l’échelon de la bourse ; il en résulte un ensemble extrêmement rigide qui peut, au centime près ou au kilomètre près pour les points de charge, faire basculer d’un échelon à l’autre ou sortir du champ d’attribution de toute aide. Une bourse du premier échelon de 1 335 euros par an correspond à un revenu fiscal annuel de la famille (sans point de charge) de 16 010 euros, soit à peine plus qu’un salaire annuel payé au SMIC ; au-delà de ce niveau de revenu et sans point de charge, aucune bourse sous condition de ressources ne peut être allouée. En 2005-2006, 40 % des étudiants boursiers bénéficiaient d’une bourse de cinquième échelon (3 607 euros par an), 19 % d’une bourse de premier échelon et 9 % des étudiants boursiers bénéficiaient uniquement de l’exonération des droits d’inscription et de sécurité sociale (échelon zéro).

De l’avis de tous les acteurs concernés il faudrait, en attendant une refonte générale du système des aides sociales aux étudiants, simplifier l’ensemble, déplafonner les bourses sur critères sociaux et décontingenter les autres.

Par ailleurs, les aides au logement aggravent les inégalités, puisque l’allocation de logement à caractère social (ALS) est proportionnelle au montant du loyer. Ce sont les seules aides personnelles déconnectées du niveau de revenu des familles, puisqu’elles relèvent du système général des aides au logement. L’allocation pour l'installation étudiante (Aline), qui vient d’être créée, se situe à mi-chemin puisqu’il s’agit d’une somme attribuée sur critères sociaux par les caisses d’allocations familiales aux étudiants boursiers qui décohabitent pour la première fois. Cette aide, d’un montant de 300 euros, sera versée une seule fois pendant tout le cursus universitaire, en novembre.

En outre, le système de prêts est inopérant en France. Certes, des prêts d’honneur peuvent être accordés à des étudiants français non boursiers : sans intérêt, remboursables au plus tard dix ans après la fin des études, ils sont attribués par un comité académique spécialisé, dans la limite des crédits prévus à cet effet et selon la situation sociale du candidat. Mais, pour 2007, le montant des crédits alloués pour ces prêts s’élève à 7 millions d’euros, ce qui ne permettra de satisfaire que 3 200 demandes environ.

Le problème du logement étudiant est en amélioration. Le bilan de la mise en œuvre du plan gouvernemental en faveur du logement étudiant est positif. Ce plan, inspiré en très grande partie par les préconisations du rapport résultant de la mission confiée au rapporteur par le Premier ministre en 2003 sur ce thème, prévoyait notamment la réhabilitation de 70 000 chambres individuelles dans les résidences universitaires en dix ans et 50 000 constructions nouvelles pendant la même période. En 2005, 4 388 chambres ont été réhabilitées et 4 600 sur l’exercice 2006 ; en 2007, 5 000 réhabilitations sont prévues le coût par chambre rénovée s’élevant à 17 000 euros. Pour les constructions neuves, compte tenu des conditions à réunir (disponibilité du terrain, financement, recherches de maîtres d’ouvrage), un délai de trois ans est en général nécessaire entre la genèse du projet et sa livraison. Les projets sont aujourd’hui nombreux mais il existe encore un décalage dans les réalisations. À partir de 2007, les mesures annoncées devraient porter leurs fruits et le nombre de logements mis en service devrait être proche des objectifs du plan pour 2008.

Enfin, la situation des étudiants étrangers ne s’améliore pas beaucoup. Depuis 1998, leur nombre a progressé de 74,4 % et à la rentrée 2005, ils étaient plus de 265 000 en France métropolitaine et dans les DOM. Cette affluence, très concentrée dans quelques grandes régions, pose de gros problèmes d’accueil par les établissements dans lesquels ces étudiants sont inscrits et surtout de logement, car les inscriptions ne sont pas conditionnées par la capacité d’hébergement du lieu choisi par l’étudiant. Or, par hypothèse, à un étudiant étranger doit correspondre un logement. Tous les responsables des CROUS soulignent la situation de grande précarité dans laquelle se trouvent de nombreux étudiants étrangers notamment à Paris, en raison de la saturation totale du parc immobilier géré par les œuvres universitaires.

S’agissant des propositions, il faut globalement aller vers une vision plus dynamique du financement des études. Le système actuel se caractérise par la multiplication des aides directes et indirectes, leur manque de lisibilité et leur forte concentration sur certaines catégories d’étudiants. Environ 520 000 étudiants reçoivent une aide financière essentiellement sous forme de bourse sur critères sociaux, mais ce chiffre ne comptabilise pas les aides au logement et les aides fiscales à la famille. Une réflexion mériterait d’être menée afin d’évaluer les possibilités de regroupement de ces aides en une allocation unique d’étude gérée par les seuls CROUS et soumise à des conditions très strictes de réussite aux examens et de situation matérielle.

D’autres pistes doivent également être explorées pour rendre le système plus juste, plus efficace et plus propice à l’apprentissage de l’autonomie.

Ainsi, il convient de développer les formations en alternance. Trop longtemps, les diplômes obtenus en alternance, de bac + 2 au diplôme d’ingénieur, ont été moins bien cotés que les formations classiques. Un basculement s’est clairement opéré et le vécu professionnel accumulé pendant des études en alternance est bonifié dès l’arrivée sur le marché du travail.

Il faudrait également mettre en œuvre un véritable système de prêts. Bien qu’il ne soit nullement transposable, il est intéressant d’évoquer le système suédois. En Suède, les étudiants reçoivent une bourse d’État de l’ordre de 1 000 euros par mois, dont les deux tiers sous forme de prêt, pendant six ans au maximum. La quasi-totalité des 400 000 étudiants suédois en bénéficie. Cette bourse est renouvelée chaque semestre en fonction des résultats aux examens. À la fin des études la partie emprunt doit être remboursée sur une durée qui peut être assez longue. Ce système, évidemment coûteux, contribue néanmoins à rendre les étudiants plus responsables de leur avenir et plus vigilants dans le choix de leur filière et de leurs parcours universitaires.

Une réflexion doit s’engager en France sur l’évolution du système actuel qui devrait prendre en compte des critères d’attribution rénovés (études longues, délai de remboursement raccourci) et qui pourrait conduire à une augmentation du montant et du nombre des prêts.

Il convient aussi d’améliorer le fonctionnement du Centre national des œuvres universitaires (CNOUS) et du réseau des CROUS. Il faut en effet renforcer le rôle fédérateur de conseil et d’encadrement du CNOUS, notamment en lui accordant un droit de regard sur les nominations et la formation des directeurs d’unités de gestion des œuvres universitaires (restaurants et résidences), dont les compétences sont souvent mal adaptées aux fonctions, conformément aux propositions du directeur du CNOUS.

Il faut également donner les moyens à chaque CROUS de devenir le guichet unique de toute la vie sociale des étudiants, ce qui devrait contribuer à améliorer considérablement le paiement des bourses et la lisibilité des aides tout en facilitant l’accueil des étudiants.

Enfin, il faut rendre les étudiants plus responsables de leur santé. À cet égard, une proposition intéressante émane des mutuelles étudiantes : la création d’un « chèque santé étudiant », pris en charge par l’État et remis à chaque étudiant lors de sa première rentrée universitaire. Ce chèque d’un montant forfaitaire à définir devrait être obligatoirement utilisé à hauteur de 50 % pour financer l’adhésion à une mutuelle complémentaire de base, puisqu’actuellement 18 % d’étudiants ne bénéficient d’aucune assurance maladie complémentaire. Une telle contribution de l’État représenterait sans aucun doute une économie à moyen terme pour la collectivité car l’amélioration générale de l’état de santé des étudiants peut contribuer à améliorer sensiblement leur insertion professionnelle.

Ces propositions s’efforcent, comme le fait le gouvernement avec son projet de budget, de faire entrer l’université française dans le XXIè siècle.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Jean-Marie Geveaux a félicité le rapporteur pour la qualité de son intervention et de ses propositions. Le problème de l’université est aujourd’hui global. Tant qu’une réforme des universités embrassant tous les problèmes ne sera pas mise en œuvre, il sera difficile d’avancer sur un dossier particulier, les moyens financiers des universités étant aujourd’hui trop contraints. On ne peut donc que se féliciter des réflexions en cours, en espérant qu’elles aboutiront à une réforme.

Le taux d’étudiants sortant de l’université sans diplôme est particulièrement inquiétant. Certaines filières sont réellement saturées et on doit avoir le courage de limiter leur accès, car il est absurde de laisser des étudiants y entrer alors qu’ils auront toutes les difficultés du monde à s’insérer professionnellement et même à changer ensuite de voie de formation.

S’agissant des bourses, elles sont effectivement utiles et importantes. Elles sont certes versées trop tardivement, mais les collectivités territoriales qui en octroient ont les mêmes difficultés, du fait de la longueur de traitement de chaque dossier. Le versement des bourses ne se fait donc malheureusement pas toujours dans des délais raisonnables.

Mais le vrai problème de fond concerne les classes moyennes, notamment lorsqu’elles ont deux ou trois enfants dans l’enseignement supérieur. Elles doivent alors faire face à des charges très importantes et sont pourtant peu aidées, puisqu’on ne tient aucun compte du nombre d’enfants dans le supérieur pour l’attribution des bourses d’État. Les collectivités n’ont pas toutes la même politique. Ainsi, dans la Sarthe, le conseil général prend en compte cette situation dans l’octroi des bourses. Le seul critère de revenu est insuffisant pour fonder une politique de bourses efficace.

Les prêts constituent une solution qui n’est pas inintéressante, mais une réforme est nécessaire au niveau national. Aujourd’hui, seules les collectivités ont une politique cohérente. Il conviendrait peut-être d’expérimenter de nouveaux dispositifs.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement est dans la bonne voie, même s’il reste beaucoup de travail.

M. Pierre Lasbordes a estimé que le budget de cette année va dans le bon sens. Le principal problème des universités est aujourd’hui l’état désastreux de l’immobilier. Les prochains contrats de projet État/régions (CPER) doivent prendre des mesures pour y remédier. Les régions devraient répondre présentes et accompagner plus fortement l’Etat sur ce dossier.

S’agissant des allocations de recherche, on ne peut que se féliciter des efforts constants du gouvernement depuis 2002, prolongés aujourd’hui par une nette revalorisation. Malgré tout, il convient d’être objectif et de ne pas ignorer la déception des jeunes chercheurs. Certes les revendications des doctorants de troisième année ont été satisfaites puisque leur allocation devrait atteindre la valeur de 1 ,5 Smic, mais il conviendra de veiller au respect des engagements pris lors de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche en faveur des doctorants de première et deuxième années.

De nombreux rapports ont mis en avant les carences de l’université française. Il convient aujourd’hui de s’atteler à la réforme.

M. Alain Néri a, en premier lieu, attiré l’attention sur l’état défectueux des bâtiments universitaires et des établissements d’enseignement supérieur. Les propositions de régionalisation des investissements immobiliers risquent d’aggraver profondément les écarts entre les universités. Il faut s’en tenir aux lois de décentralisation de 1982 qui ont clairement réparti les compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État en matière d’enseignement. L’État doit conserver sa compétence pour les universités et il est de sa responsabilité de maintenir les immeubles universitaires en bon état. Une nouvelle étape de décentralisation dans ce domaine pourrait conduire à avoir des universités françaises à vingt-deux vitesses.

En matière de logement étudiant, les crédits sont insuffisants. Il faut tenir compte du délai de trois à quatre années séparant l’ouverture des crédits de la mise à disposition des logements neufs. À côté des mesures en faveur de la construction de logements, il faudrait augmenter les crédits destinés à la rénovation de logements selon, par exemple, le modèle des primes à l’amélioration des logements à usage locatif et occupation sociale (PAPULOS). De même, il faut encourager l’utilisation des logements vides comme le font certains CROUS et les centres info-jeunesse.

Par ailleurs, il est indispensable d’abaisser les droits d’inscription universitaire. Les niveaux actuels des droits génèrent une ségrégation par l’argent et excluent trop d’étudiants d’origine modeste du système universitaire. Parallèlement, les bourses étudiantes doivent être augmentées, et le seuil d’attribution relevé, notamment pour les familles nombreuses.

Faute de moyens suffisants, beaucoup d’étudiants de famille modeste sont obligés de travailler et cela entraîne pour eux un taux d’échec supérieur à la moyenne. L’égalité des chances n’existe pas.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a donné les éléments d’information suivants :

– En matière d’orientation et d’information sur les filières de l’enseignement supérieur, le rapport propose plusieurs pistes d’amélioration. Il faut en fait revoir toute la chaîne de l’orientation très en amont, bien avant la terminale, et les systèmes de pré-orientation envisagés avant le baccalauréat vont dans le bon sens.

– Le système des bourses universitaires écarte les classes moyennes car il est orienté vers les étudiants des milieux les plus défavorisés. Le rapport fait des préconisations mais c’est une remise à plat de l’ensemble qui est nécessaire et pour cela il faudra du temps et du courage.

– La situation des familles ayant plusieurs enfants n’est pas totalement ignorée, au moins au plan fiscal, avec le quotient familial.

– Les étudiants français sont très réservés à l’égard des prêts étudiants pour des raisons culturelles et aussi à cause des incertitudes en matière d’insertion professionnelle.

– Les contrats de plan État-régions prennent en compte les investissements immobiliers universitaires. De nombreuses régions réalisent des investissements importants. Ainsi, la Bourgogne, indépendamment des majorités de son conseil régional, s’est toujours impliquée dans ce dossier qui relève de la liberté des régions dans leurs choix budgétaires. Il ne faut pas craindre les actions des régions et même des communautés urbaines en faveur des universités. Les résultats de ces actions sont contrastés, mais l’exemple de la communauté d’agglomération de Strasbourg montre que la décentralisation peut permettre aux universités de bénéficier d’importants efforts en faveur de leur développement. Il faut laisser aux collectivités locales la possibilité d’intervenir dans le domaine des universités. L’État doit fixer les grandes lignes et corriger les inégalités mais on ne peut pas interdire aux collectivités locales d’investir dans les universités.

– L’effort budgétaire en faveur de la recherche universitaire est réel mais il peut toujours être jugé insuffisant.

– Les résultats dans le domaine du logement des étudiants sont fonction de l’implication des directeurs de CROUS, des présidents d’université et des recteurs. Il faut également rappeler que les étudiants étrangers pèsent sur ce dossier dans la mesure où la présence d’un étudiant étranger exige de prévoir un logement. Le rythme de 7 000 rénovations de logements chaque année et de 5 000 logements en construction est atteint, mais le délai de livraison des logements est de deux ans car les entreprises sont surchargées de commandes et préfèrent intervenir dans le secteur privé. À cela s’ajoute, surtout à Paris, la difficulté de trouver des surfaces disponibles à des prix abordables.

– Les droits d’inscription à l’université varient en fonction des cursus mais ils sont en moyenne de 200 euros, auxquels il faut ajouter 189 euros de cotisation au régime étudiant de sécurité sociale. La France est de très loin le pays européen à pratiquer les tarifs les plus bas.

M. Alain Néri a indiqué qu’il était d’accord pour que les départements ou les régions qui veulent s’impliquer par des dotations complémentaires dans la construction d’infrastructures universitaires le fassent. Mais l’exemple du département des Hauts-de-Seine, qui a eu les moyens de créer une université privée, n’est pas transposable.

Le rapporteur a estimé qu’il faut laisser une certaine liberté aux collectivités territoriales dans l’intérêt des étudiants. Il ne faut pas interdire les initiatives locales.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits des programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante » et a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

*

La commission a procédé à la désignation des membres de la mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.

M. Henri Nayrou a proposé de confier la présidence de cette mission à M. Gaëtan Gorce et de doter celle-ci d’une « direction bicéphale » avec un président et un rapporteur, n’appartenant pas au même groupe, comme le Règlement l’autorise et comme c’est le cas pour les commissions d’enquête.

M. Alain Néri a rappelé que le groupe socialiste avait présenté en juin dernier une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur ce sujet car une commission d’enquête dispose de davantage de moyens et peut ainsi aller plus loin dans ses investigations. Il faut néanmoins se féliciter de la création d’une mission d’information. Dans ce cadre, il serait judicieux de procéder, comme à l’occasion de la création d’une commission d’enquête, à la désignation d’un président et d’un rapporteur de sensibilité politique différente, afin de réaliser un certain équilibre auquel est attaché le président de l’Assemblée nationale. Il faut prendre acte du fait que la candidature de M. Dominique Juillot est proposée pour la présidence de la mission mais il convient d’informer le président Jean-Michel Dubernard de cette volonté de désigner un rapporteur membre de l’opposition.

M. Christian Kert, président, après avoir rappelé que le Bureau de la commission avait déjà retenu le principe d’un président-rapporteur unique, a indiqué qu’il ferait part de cette remarque au président Jean-Michel Dubernard.

La commission a ensuite désigné les membres de la mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.

La commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Bloche, les crédits pour 2007 du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l’État ».

M. Patrick Bloche, rapporteur pour avis, a rappelé que les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique », sont destinés aux actions menées par la France pour encourager la diversité culturelle et promouvoir la francophonie. Ces crédits sont, depuis l’entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, éclatés de façon insatisfaisante entre plusieurs missions, selon qu’ils s’adressent à des pays éligibles à l’aide publique au développement ou à des pays développés. Il faut en revanche se féliciter que les crédits pour l’Agence de l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) relèvent désormais du programme « Rayonnement culturel et scientifique » et non plus du programme « Français à l’étranger et étrangers en France ». Cette bonne nouvelle correspond à une logique certaine dans la mesure où l’AEFE gère un réseau d’établissements dont les élèves étrangers représentent près de 56 % des effectifs.

S’agissant des crédits affectés à l’audiovisuel extérieur, sujet largement débattu, il faut déplorer qu’ils soient désormais rattachés à la mission interministérielle « Médias » tandis que ceux consacrés à la chaîne d’information internationale, qui s’appellera désormais France 24, relèvent du Premier ministre. Le projet de loi de finances pour 2007 prévoit de consacrer 70 millions d’euros pour permettre la diffusion de cette chaîne internationale, tandis que les crédits pour l’audiovisuel extérieur se maintiennent à 160 millions d’euros. L’éclatement des moyens consacrés à l’audiovisuel extérieur est regrettable et on est bien loin des préconisations de la mission d’information commune sur la création d’une chaîne française d’information internationale, dont M. Christian Kert fut le rapporteur. Cet éclatement n’incite d’ailleurs pas à une mutualisation des apports des différents opérateurs et risque même de créer une concurrence entre les opérateurs financés sur fonds publics, comme ce pourrait être par exemple le cas entre TV5 et France 24 qui visent le même type de téléspectateurs.

Les crédits accordés à la coopération culturelle et scientifique sont insuffisants. Ils ne progressent que de 1,6 % hors masse salariale. De plus, 21 emplois équivalents temps plein sont supprimés dans le programme « Rayonnement culturel et scientifique » du fait d’une diminution des emplois contractuels. Il y a donc un décalage flagrant entre les moyens accordés pour la promotion de la culture française et les ambitions affichées. Quelques exemples illustrent l’ampleur de ce décalage :

– Le désengagement de l’État vis-à-vis de l’agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE) pose problème aux citoyens qui se trouvent à l’étranger. Lors de la création de l’AEFE, la part de l’Etat dans le financement de cet établissement était de 60 %, elle ne représente plus que 40 % actuellement. Le financement est donc aujourd’hui assuré très majoritairement par les parents d’élèves. Si la participation financière de l’Etat a augmenté de près de 70 % entre 1990 et 2000, celle des parents d’élèves a progressé de 190 %. Cette tendance est inquiétante car c’est le principe d’égalité qui risque d’être mis en cause, les familles vivant à l’étranger étant nettement désavantagées par rapport à celles qui peuvent bénéficier de la gratuité de l’Éducation nationale.

– L’évolution de la politique de coopération culturelle, scientifique et technique est également préoccupante. Le nombre de coopérants civils est passé de 23 000 en 1980 à 9 100 en 1990 et 1 300 en 2005. C’est surtout la coopération dite de missions de courte durée qui pose problème. La limitation de la durée des contrats conduit en effet au départ d’assistants techniques en cours de projets, ce qui suscite l’incompréhension des autorités locales et la frustration des intéressés. Il convient donc de mener rapidement une vraie réflexion sur ce sujet.

– S’agissant des établissements culturels, 19 centres ont été fermés de 2000 à 2006. L’objectif est par ailleurs d’obtenir un taux d’autofinancement de ces établissements de 60 % en 2010. Enfin, les crédits de fonctionnement consacrés aux centres culturels sont en baisse dans le projet de loi de finances pour 2007.

– L’accueil des étudiants étrangers dans les universités françaises est un sujet sur lequel les parlementaires sont souvent interpellés. Il existe une contradiction entre les ambitions du ministère des affaires étrangères et les objectifs du ministère de l’intérieur qui se traduisent par une politique restrictive dans l’attribution des visas. Les centres pour les études en France (CEF) se développent certes comme dispositif de « guichet unique » facilitant les démarches pour les étudiants étrangers désireux de venir étudier en France, mais dans un cadre qui restreint leur efficacité. Il convient d’appeler l’attention sur la situation des étudiants qui souhaitent venir en France pour apprendre le français pour une durée supérieure à trois mois. Ils doivent en effet justifier d’un projet d’études ou d’une inscription dans un cursus d’études supérieures. Les étudiants étrangers qui souhaitent venir en France pour suivre une scolarité de quelques mois dans des centres de « français langue étrangère » ne répondent pas aux critères d’obtention des visas et sont donc dans l’impossibilité de venir en France apprendre le français. Il faut se mobiliser sur ce sujet qui représente un enjeu majeur pour l’avenir du français et l’attractivité des universités françaises. Les pays voisins tels que la Grande-Bretagne et l’Allemagne ont en ce domaine une politique dynamique. Par ailleurs, les crédits consacrés aux bourses plafonnent à 18,4 millions d’euros.

La partie thématique du rapport est consacrée aux cinq écoles françaises à l’étranger (EFE) : l’École française d’Athènes (EFA), l’École française de Rome, l’Institut français d’archéologie orientale du Caire (IFAO), la Casa de Vélasquez de Madrid et l’École française d’Extrême-Orient (EFEO).

Ces écoles sont financées non par des crédits relevant du ministère des affaires étrangères, mais par des crédits du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il s’agit de laboratoires de recherche de haut niveau dans le domaine des sciences humaines et plus particulièrement dans les disciplines utiles à l’archéologie. Très anciennes, l’École française d’Athènes date par exemple de 1846, ces institutions sont bien intégrées dans les pays d’accueil. La Casa Vélasquez de Madrid en est le plus beau symbole, puisqu’elle est placée sous la protection de la monarchie espagnole et qu’elle est presque devenue une institution du pays. Les écoles françaises à l’étranger sont à la fois en charge d’activités de recherche (accueil de chercheurs recrutés par concours et accueil de stagiaires) et gestionnaires de sites de fouilles (l’École française d’Athènes réalise par exemple des fouilles en Bulgarie et en Albanie). Toutes ces écoles octroient également des bourses.

Pourquoi avoir choisi dans le cadre d’un rapport budgétaire sur les relations culturelles internationales d’aborder la question de l’avenir de ces cinq écoles françaises à l’étranger ? Il s’agit de réfléchir au rôle que peuvent jouer ces établissements pour le rayonnement de la culture française et à leur positionnement vis-à-vis du réseau diplomatique.

Soucieux de préserver leur vocation première qui est de mener des travaux de recherche de haut niveau, ces établissements tiennent à affirmer leur autonomie vis-à-vis des postes d’ambassade et ce serait sans nul doute une mauvaise idée que de les placer sous tutelle des ambassadeurs français ou de rattacher leurs crédits au ministère des affaires étrangères. Ces établissements, héritiers d’une longue tradition d’érudition, cherchent à moderniser leur gouvernance. La Cour des comptes, dans le cadre de son contrôle régulier sur les établissements publics, a récemment fait des propositions pour améliorer la gestion des écoles françaises à l’étranger et pour accroître leurs partenariats avec des chercheurs étrangers.

L’avis s’attache plus particulièrement à examiner comment ces écoles françaises peuvent s’inscrire dans une politique de coopération avec le pays d’accueil. Elles entretiennent en effet des relations très étroites avec les autorités locales, dont elles dépendent pour obtenir des autorisations de fouille. Certaines écoles ont mis en place de véritables partenariats avec le ministère de la culture du pays d’accueil et jouent un rôle important dans la valorisation touristique des chantiers de fouille. L’avis insiste également sur la nécessité de développer le travail en réseau entre les cinq établissements. Le ministère de l’éducation nationale et le ministère des affaires étrangères pourraient par ailleurs trouver des synergies pour une meilleure coopération entre les 27 centres de recherche dépendant du ministère des affaires étrangères, dont certains ont une activité d’archéologie, et le réseau des EFE.

En conclusion, le rapporteur a indiqué que ces cinq prestigieuses institutions participent au rayonnement de la France et offrent, de par leurs relations avec le CNRS et l’université française, une belle image de la recherche. Puis il a donné un avis défavorable à l’adoption des crédits.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Christian Kert, président, a souhaité interroger le rapporteur pour avis qui a fait partie de la mission d’information commune sur la chaîne française d’information internationale sur le point de savoir si la chaîne d’information internationale France 24 était réellement attendue à l’étranger ou si TV5 suffisait pour diffuser des informations en langue française. S’agissant de l’École française d’Athènes, elle fait un excellent travail mais ne peut-on pas craindre que les autorités grecques ne souhaitent récupérer ces chantiers prestigieux car ce pays dispose maintenant d’archéologues nationaux correctement formés.

M. Patrick Bloche, rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

– À propos de France 24 et de son audience potentielle, il faut en effet inverser la problématique et se demander ce que le monde attend de cette chaîne et non pas ce que nous en attendons. Cette chaîne internationale a été construite sur l’idée que le monde attendrait de la France un message universel. Il est vrai que l’influence française dans les instances internationales reste essentielle, comme l’a démontré le dossier irakien, mais le paysage audiovisuel a changé et l’abondance de l’offre satellitaire doit nous contraindre à diversifier notre diffusion en construisant un projet audiovisuel plus culturel, plus festif et plus tourné vers le sport. France 24 ne peut se borner à être une chaîne d’information en langue française ni être perçue comme la Voix de la France.

– S’agissant de l’École française d’Athènes, la crainte exprimée par le Président était fondée il y a quelque temps encore car la Grèce a en effet exprimé à une époque une forme de « patriotisme du sous-sol », mais aujourd’hui le contexte est plus détendu et cette crispation nationale s’est atténuée. Un entretien avec la responsable des Antiquités au ministère de la culture grec laisse à penser que l’École française d’Athènes a un très bel avenir comme opérateur sur des chantiers de fouille prestigieux.

Contrairement aux conclusions du rapporteur pour avis, la commission a donné un avis favorable aux crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique. ».

*

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Jacques Gaultier, les crédits pour 2007 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Jean-Jacques Gaultier, rapporteur, a tout d’abord indiqué que les crédits de la recherche s’intègrent dans un contexte budgétaire fragile mais que l’Etat tient néanmoins ses engagements dans le prolongement de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche. La recherche est le troisième budget de l’Etat après ceux de l’éducation nationale et de la défense. En l’espace de trois ans, de 2005 à 2007, six milliards d’euros supplémentaires et 6 000 emplois nouveaux seront venus soutenir l’effort national en faveur de la recherche. Mais surtout c’est la nouvelle organisation de la recherche en France qui est importante, avec l’introduction d’une logique de financement de projets qui constitue un progrès majeur et nous rapproche des standards internationaux. Pour autant, il ne s’agit pas de faire disparaître les organismes de recherche mais de les obliger à un travail plus cohérent. La création de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AEAES), à laquelle est consacrée la partie thématique du rapport, constitue également un point essentiel de la réforme.

S’agissant des moyens alloués à la recherche dans le projet de budget, ils augmentent de 5 % par rapport à 2006 pour atteindre 22 milliards d’euros. En 2007, un effort supplémentaire d’un milliard d’euros est engagé, réparti entre 488 millions d’euros de crédits budgétaires, 280 millions d’euros pour le financement des projets et 280 millions pour les dépenses fiscales. Un effort est également poursuivi en faveur de l’université avec, par exemple, une augmentation de 63 millions d’euros des dotations en faveur de l’immobilier universitaire. Au total les crédits des établissements publics de recherche augmenteront de 137 millions d’euros. Le budget consacre également l’importance de la recherche duale et accompagne la montée en puissance des pôles de compétitivité. Les agences de moyens – Agence nationale de la recherche (ANR) et Oséo-Anvar – voient leurs crédits augmentés de 235 millions d’euros. Enfin, les dépenses fiscales dont l’objet est de stimuler la recherche privée, devraient atteindre un montant total de 1,5 milliard d’euros, essentiellement destiné à financer le dispositif du crédit d’impôt recherche (CIR) actuellement en cours d’évaluation. S’agissant des moyens humains, 3 000 emplois supplémentaires ont été créés pour la recherche en 2006, 2 000 le seront en 2007 répartis, à parts égales, entre l’université et les organismes de recherche. Les allocations de recherche des doctorants de première et deuxième années bénéficieront d’une nouvelle augmentation de 8 % en 2007 pour atteindre un montant mensuel brut de 1 530 euros, tandis que les allocations des doctorants de troisième année atteindront le seuil symbolique d’un SMIC et demi au 1er octobre 2007. De plus, ces allocations sont désormais indexées sur la grille de la fonction publique. Il faut souligner qu’aucune augmentation de ces allocations, qui vont bénéficier aujourd’hui à 12 000 allocataires, n’avait eu lieu sous la législature précédente.

Concernant les jeunes chercheurs, il convient également d’être vigilant sur la question des « libéralités » pratiquées par certains employeurs et notamment sur le fonctionnement de l’association Egide, financée par le ministère des affaires étrangères, qui organise des échanges d’étudiants et de stagiaires entre la France et le reste du monde.

La mise en place de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) constitue une avancée majeure de notre système de recherche. Créée par la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006 – les décrets d’application relatifs à l’AERES vont être publiés au début du mois de novembre – l’agence est la contrepartie nécessaire d’une politique scientifique destinée à promouvoir l’excellence. Par ailleurs, comparée à certains grands pays comme l’Inde ou la Chine, la France, en raison de sa taille moyenne, a l’obligation de concentrer ses efforts sur un nombre limité de priorités.

La création de l’AERES répond à un premier constat, à savoir que des secteurs entiers de la recherche française étaient mal ou pas évalués. Les enseignants-chercheurs ne postulant pas pour une promotion de grade ou de corps et travaillant dans un laboratoire universitaire n’étaient ainsi jamais évalués. Même lorsqu’elle existe, l’évaluation de la recherche est souvent déficiente. Enfin, le dispositif d’évaluation est trop morcelé pour autoriser des comparaisons entre les laboratoires et permettre ainsi d’apprécier justement les performances de chacun.

Actuellement, on dénombre quatre structures d’évaluation principales : le Comité national d’évaluation (CNE), le Comité national d’évaluation de la recherche (CNER), la Mission scientifique technique et pédagogique (MSTP) et le Comité national de la recherche scientifique (CoNRS), dont les compétences, mal définies, aboutissent à des chevauchements sans pour autant que les activités de recherche soient correctement évaluées. Plusieurs responsables de la Conférence des présidents d’université (CPU) ont d’ailleurs fait part de leur satisfaction lors de la création de l’AERES, qui se caractérise par son indépendance (les membres sont nommés sur leur seule compétence scientifique), le caractère universel de ses missions et la transparence de ses procédures. Pour accomplir sa mission, l’agence disposera des moyens des structures actuelles qui atteignent près de 6 millions d’euros.

Il est important, également, de situer l’expérience française d’évaluation au sein de l’ensemble des expériences prévalant à l’étranger. De manière générale, dans les autres pays le financeur est également l’évaluateur. À l’inverse, le système français d’évaluation est spécifique en ce qu’il comprend un organisme entièrement dédié à l’évaluation. Cette originalité doit cependant être mise en relation avec les spécificités du système français dominé par des universités peu autonomes et des organismes de recherche placés sous la tutelle de l’Etat. Concernant en revanche les modalités de l’évaluation, le modèle français se rapproche des standards internationaux avec l’application du principe du jugement par les pairs.

En Grande-Bretagne, les universités sont les principaux opérateurs de la recherche, mais l’essentiel du financement est assuré par huit agences de moyens, les councils. Ainsi, si chaque université et chaque council disposent de leur propre dispositif d’évaluation – notamment une évaluation a priori pour sélectionner les projets déposés dans le cadre des procédures d’appels d’offre – l’exercice d’évaluation important est le Research assessment exercice (RAE), dont le but est d’évaluer les recherches financées par le Higher Education Funding Council for England (HEFCE), à savoir l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur de Grande-Bretagne. L’évaluation, fondée sur le principe déjà évoqué du jugement par les pairs, ou peer review, aboutit à l’attribution d’une note allant de 1 à 5* rendue publique. Seules les notes les plus élevées – 4, 5 et 5* – donnent lieu à des financements spécifiques en recherche.

L’exemple allemand est moins propice à la comparaison, du fait de la structure fédérale de l’État. Cette structure se retrouve en effet au niveau du dispositif de recherche partagé entre des universités gérées essentiellement au niveau des Länder et des agences de moyens, parfois elles-mêmes opérateurs de recherche, placées au niveau de l’État fédéral. Il convient cependant d’évoquer l’existence d’un programme fédéral conduit conjointement par le Wissenschaftsrat, la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) en partenariat avec les Länder, connu sous le nom d’ « initiative excellence » et faisant appel à des experts pour 90 % de nationalité étrangère, programme qui a permis de classer les universités allemandes selon leur implication dans le domaine de la recherche.

Autre exemple, les États-Unis, État fédéral également, pratiquent l’évaluation de leur appareil de recherche de manière très décentralisée. Comme en Allemagne, mais de manière plus prononcée encore, coexistent deux niveaux d’évaluation, celui des universités et celui des agences fédérales. Extrêmement autonomes dans leur gestion et dans la définition de leur politique scientifique, les universités procèdent elles-mêmes à leur propre évaluation. Toutefois, les deux tiers des ressources qui financent leurs recherches provenant des agences de moyens fédérales, celles-ci jouent également un rôle important dans le dispositif d’évaluation.

Concernant les exemples finlandais et japonais, on retrouve un dispositif peu ou prou identique aux précédents, fondé sur la rationalisation de l’évaluation.

En Espagne, l’essentiel de l’évaluation est effectué par l’Agence nationale d’évaluation et de prospective (ANEP), directement rattachée au secrétariat d’État aux universités et à la recherche.

En conclusion, le rapporteur a souhaité formuler un certain nombre de recommandations destinées à faire de l’AERES un outil d’évaluation efficace reconnu par tous.

Avant toute chose, il est essentiel de respecter tant la lettre que l’esprit de la loi de programme pour la recherche. L’objectif, c’est l’harmonisation plutôt que l’uniformisation des différents systèmes d’évaluation. En théorie, les missions de l’AERES la conduisent à évaluer la qualité du travail de 140 000 personnes dans des milliers de laboratoires relevant eux-mêmes de plusieurs centaines d’établissements.

Dans le souci d’éviter la construction d’une gigantesque « usine à gaz », qui paralyserait l’action de l’agence, le Parlement avait souhaité décliner son action suivant trois modalités : une évaluation directe au niveau des structures, le soin laissé, par ailleurs, aux établissements de réaliser l’évaluation de leurs personnels et, pour les unités de recherche, un dispositif à deux niveaux. Celui-ci reconnaît aux établissements une compétence pour réaliser eux-mêmes l’évaluation de leurs propres unités mais, dans le même temps, il reconnaît à l’agence une compétence absolue pour réaliser directement l’évaluation de certaines unités lorsqu’elle l’estime utile.

Or, de l’avis de certains interlocuteurs, qui ont pris part aux discussions préparatoires à la rédaction du décret d’application des dispositions de la loi concernant l’AERES, l’équilibre voulu par la représentation nationale n’est que très imparfaitement traduit dans le texte réglementaire.

En effet, s’il est nécessaire à la fois d’évaluer les recherches qui à ce jour ne le sont pas et d’harmoniser les évaluations actuellement réalisées pour permettre une meilleure comparaison des activités réalisées par des laboratoires travaillant dans des champs disciplinaires communs beaucoup ne souhaitent pas que l’harmonisation se traduise dans les faits par une uniformisation.

Outre qu’une telle uniformisation serait matériellement difficile à réaliser pour les raisons évoquées précédemment, il serait regrettable de « jeter le bébé avec l’eau du bain » et, pour pallier d’évidentes carences, d’anéantir ce qui fonctionne. Au fil des ans, l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) et l’Institut Pasteur, pour ne prendre que ces deux exemples, ont su mettre en place des procédures d’évaluation en tous points conformes aux meilleures pratiques internationales leur assurant une compétence scientifique de très haut niveau, mondialement reconnue.

Pour ce qui est du recours à des experts étrangers pour mener les évaluations, il est important de rappeler le coût d’une telle procédure. En outre, de nombreux responsables d’établissements considèrent que cet appel à des experts internationaux peut nécessiter dans certaines disciplines et en raison des équilibres actuels de la géopolitique scientifique, que le processus d’évaluation soit mené en anglais. De ce point de vue, il apparaît nécessaire de lever un tabou. Adopter une position rigide sur ce sujet, en imposant dans tous les cas l’usage du français, irait immanquablement à l’encontre du but poursuivi. En effet, la diffusion de notre langue dans les cercles scientifiques s’accommodera mieux d’une compétence internationalement reconnue que du maintien de l’évaluation dans le cercle étroit des francophones, même si l’usage du français doit demeurer la règle et l’usage d’une autre langue l’exception.

Par ailleurs, il importe de trouver une articulation entre les rôles respectifs dévolus à l’Agence nationale de la recherche (ANR) et à l’AERES, puisque l’ANR agit de fait comme un évaluateur en sélectionnant les projets qui lui sont soumis pour faire émerger les équipes les plus compétentes. Enfin, le rôle qu’exerce l’ANR dans le processus d’évaluation montre combien la logique de concurrence, consubstantielle au financement sur appels d’offres, constitue le meilleur aiguillon pour tirer la qualité de la recherche vers le haut et accroître l’autonomie des établissements.

Au total, en matière d’évaluation, trois questions se posent : la question du diagnostic, la question : « a-t-on bien fait ? » et la question : « peut-on mieux faire ? ».

Deux exemples illustrent cette démarche. Les évaluations du CNRS n’aboutissent pas véritablement à distinguer les meilleures équipes puisque, entre le laboratoire ayant obtenu la moins bonne note (D) et celui ayant obtenu la meilleure note (A), la différence en termes de financement n’excède pas 10 %. En revanche, les exemples de l’INRIA ou de l’Institut Pasteur, qui réorientent voire suppriment les projets n’aboutissant pas aux résultats escomptés, sont concluants.

Il ne faut pas se dissimuler toutefois que cette problématique concerne moins l’AERES en tant que telle, dont la vocation est de diligenter des évaluations, que le pouvoir politique et la volonté qu’il aura d’utiliser les résultats d’une agence qu’il a lui-même mise en place.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Pierre Lasbordes, après avoir souligné la qualité du travail réalisé par le rapporteur, a salué le présent budget qui honore les engagements pris par le gouvernement, souhaitant néanmoins faire trois remarques.

D’une part, concernant la question des libéralités, il est dommage que ce problème n’ait pas été réglé car on en parle depuis cinq ou six ans.

D’autre part, s’agissant de l’évaluation, on ne peut que se satisfaire de la mise en place d’une structure nouvelle. Cependant, il faut être attentif au risque que soit créée une « usine à gaz » et il faudra veiller à l’application pratique de cette structure, pour ce qui est notamment des procédures de désignation de ses membres.

Enfin, l’objectif des « 3 % du PIB » à atteindre dans le cadre du processus européen de Lisbonne est un bon objectif que la France ne pourra atteindre qu’en dynamisant le secteur de la recherche privée. Il faut toutefois regretter la complexité de certaines des mesures mises en œuvre pour l’atteindre, en particulier le crédit impôt-recherche (CIR). Un certain nombre d’organismes extérieurs ont mis en lumière la nécessité d’une simplification en matière d’assiette éligible ou de détermination des dépenses de recherche. Une autre difficulté, enfin, est liée à la question de l’harmonisation de la définition des entreprises innovantes en France par rapport aux pratiques prévalant par ailleurs dans l’Union européenne.

M. Simon Renucci a également tenu à saluer la création de l’AERES. En revanche, il a fait part de son inquiétude car une chose est d’évaluer, une autre est de contrôler. Or, à l’évidence, la dérive du contrôle menace ce dispositif. La culture de l’évaluation est insuffisamment développée en France. Pour bien évaluer, encore faut-il savoir de quoi l’on parle. C’est un travail qui requiert humilité, dialogue, reconnaissance des efforts accomplis, respect. Il serait dommage de ne pas effectuer ce travail car les chercheurs ont besoin de liberté. La démarche d’évaluation est une démarche d’équipe, une démarche collective et locale. Il faut redire ici qu’il n’est pas de savant sans liberté de la recherche.

Pour ce qui est de la méthodologie en trois questions proposée par le rapporteur, il faut aussi toujours garder à l’esprit la nécessité, en matière d’évaluation, d’annoncer ce qu’on va faire, de définir des critères et cela sans tomber dans la dérive consistant à donner des leçons. À cet égard, il peut être intéressant de s’inspirer de l’exemple canadien qui remonte quand même aux années 1920 !

M. Pierre-Louis Fagniez, après avoir souligné la qualité du travail accompli par le rapporteur, a souhaité livrer certaines réflexions liées à son expérience tirée du suivi de la loi de programme pour la recherche, loi elle-même pour partie issue du rapport établi par la mission sur la recherche publique et privée en France face au défi international présidée par M. Jean-Pierre Door.

Il faut en effet se rappeler que nombre de chercheurs n’ont jamais eu besoin d’évaluation. Ainsi, la France détient la première place mondiale en matière de recherche mathématique : or les mathématiciens n’ont pas besoin d’une évaluation spécifique, car l’évaluation fait partie de leur culture et de leur vie.

L’agence d’évaluation telle qu’elle a été conçue était cependant nécessaire car chacun n’est pas mathématicien et certains secteurs de la recherche doivent être évalués. C’est une « grosse boutique », compétente en matière de recherche mais également – conformément au souhait du Sénat qui a inséré cette mention dans le projet de loi de programme pour la recherche – en matière d’enseignement supérieur. Et il est vrai que ce dernier domaine pose un certain nombre de difficultés. À cet égard, il serait intéressant de connaître la position du rapporteur, qui semble avoir plus centré ses auditions sur le thème de la recherche que sur celui de l’enseignement supérieur.

M. Jean-Pierre Door a salué tant le travail du rapporteur que le budget, conséquence positive de l’adoption de la loi de programme pour la recherche, elle-même conforme à un certain nombre des préconisations de la mission qu’il a présidée sur ce thème.

Le présent budget confirme l’effort du gouvernement en matière d’emplois universitaires, notamment avec le recrutement de 1000 enseignants-chercheurs. Il faut aussi souligner les mesures positives prises en faveur des carrières des chercheurs, notamment les plus jeunes. L’institution d’une agence consacrée à la recherche, projet pourtant par le passé parfois décrié, est un succès ; sa création répondait donc à un réel besoin.

Par ailleurs, la revalorisation de la recherche privée est une nécessité. Faut-il aller plus loin dans l’attribution du crédit impôt-recherche (CIR) au profit des entreprises privées ? En tout état de cause, on peut en cette matière s’inspirer d’un certain nombre d’exemples étrangers, à l’image des expériences scandinaves, allemandes ou de certains pays émergents.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– Concernant la question des libéralités, la responsabilité de l’employeur est essentielle, mais l’État doit aussi donner l’exemple. En outre, il faut se rappeler l’effort non négligeable, à hauteur de deux millions d’euros, réalisé il y a deux ans lorsque M. François d’Aubert était en charge de ce dossier au gouvernement. Enfin, il convient de rester vigilant à l’égard des positions prises dans ce domaine tant par les différentes associations que par le ministère des affaires étrangères.

– L’AERES ne doit à l’évidence être ni une « usine à gaz » ni le produit d’un quelconque soviétisme. Elle devrait plutôt suivre l’exemple de l’ANR, dont la structure administrative ne comprend que vingt-six emplois équivalents temps plein et dont le budget de fonctionnement ne représente que 0,6 %  de son budget total, très loin de la « grosse machine » administrative qu’est la National Science Foundation (NSF) américaine. Pour cela, l’agence devra utiliser la faculté qui lui est donnée de procéder à des délégations lorsque les circonstances le permettent.

– S’agissant du crédit impôt-recherche (CIR), il faut rappeler que son montant est déjà supérieur à 1,5 milliard d’euros. De plus, de 2005 à 2007, c’est environ 300 millions d’euros supplémentaires par an qui ont abondé le dispositif. Sur cette question, un rapport doit être rendu public très prochainement et il est prudent d’en attendre les conclusions. Il est vrai toutefois que certaines entreprises, telle qu’EADS jugent le dispositif trop contraignant, tout en l’utilisant, et que d’autres, telles que Nestlé Waters, qui gère un centre mondial d’études sur l’eau implanté à Vittel, y font très peu appel. L’augmentation de la part de l’initiative privée dans la recherche est cependant le seul moyen d’atteindre l’objectif européen des « 3 % du PIB » qui se décompose de la façon suivante : 1 % au profit de la recherche publique (on atteint aujourd’hui 0,98 %) et 2 % en faveur de la recherche privée. Or les entreprises françaises ne contribuent actuellement à l’effort de recherche que pour 1,14 % du PIB. Toutefois, avant de mettre en place de nouveaux dispositifs incitatifs en faveur de l’initiative privée de recherche, il convient là aussi d’attendre la publication du rapport précité.

– En aucun cas, il n’est question de « fliquer » les organismes de recherche. Le principe de l’évaluation par la nouvelle agence se veut transparent. En particulier, le principe du contradictoire sera respecté. L’action de l’agence doit être incontestable et incontestée. L’objectif est de dépenser ni plus ni moins mais de dépenser mieux.

– La question du champ d’application de l’évaluation par l’agence (universités, enseignants chercheurs, etc.) est importante. Elle va de pair avec celle des marges disponibles, sur un budget de 5 à 6 millions d’euros et compte tenu de la présence d’une cinquantaine de personnels, ainsi qu’avec celle de la mise en œuvre des procédures : il faudra en effet déterminer dans quelle mesure l’agence intervient directement ou par délégation, et ce conformément à la loi. À cet égard, la rédaction du décret d’application sera particulièrement importante.

– Il est vrai qu’il convient de saluer la mise en place de l’ANR dont le succès est tel qu’elle s’impose désormais comme un label de qualité, les chercheurs eux-mêmes étant fiers de pouvoir affirmer avoir leur projet sélectionné par l’agence.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

*

Informations relatives à la commission

La commission a désigné M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur pour avis sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la prévention de la délinquance – n° 3338.

La commission a désigné les membres de la mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs :

– M. Dominique Juillot, président-rapporteur (UMP)

– M. Edouard Courtial (UMP)

– M. Bernard Depierre (UMP)

– M. Jean-Marie Geveaux (UMP)

– M. Gaëtan Gorce (Soc.)

– M. Denis Jacquat (UMP)

– M. Céleste Lett (UMP)

– M. Henri Nayrou (Soc.)

– M. Alain Néri (Soc.)

– UDF (Non désigné)

– CR (Non désigné)