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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 31 octobre 2006

Séance de 9h

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Jean-Michel Dubernard, président,
puis de M. Georges Colombier, secrétaire,
puis de M. Jean-Michel Dubernard, président

 

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Projet de loi de finances pour 2007 :

– Avis sur les crédits de la mission « Santé » (M. Michel Heinrich, rapporteur)

– Avis sur les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » (Mme Catherine Génisson, rapporteure)

– Avis sur les crédits de la mission « Travail et emploi » (M. Bernard Perrut, rapporteur)

– Avis sur les crédits de la mission « Solidarité et intégration » (M. Patrick Beaudouin, rapporteur)

– Avis sur les crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » (M. Gilles Artigues, rapporteur)

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Michel Heinrich, les crédits pour 2007 de la mission « Santé. »

M. Michel Heinrich, rapporteur, s’est tout d’abord félicité de l’augmentation des crédits de la mission ministérielle « Santé », qui atteignent 430 millions d’euros en crédits de paiements, soit une hausse de 8 % par rapport à la loi de finances pour 2006, qui s’explique principalement par le financement de la dernière étape du plan national de lutte contre le cancer ainsi que par l’augmentation des moyens dédiés à la lutte contre les infections sexuellement transmissibles, en particulier le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).

La partie thématique de l’avis est cette année consacrée aux moyens de renforcer l’efficacité de l’action publique en matière de lutte contre les drogues illicites, qui doit reposer sur la volonté d’utiliser tous les leviers de l’action publique, mais aussi de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés, en particulier les usagers, les parents, les soignants ainsi que les personnels de police et les magistrats. La question de la toxicomanie doit par ailleurs être envisagée dans une perspective plus générale de lutte contre les addictions.

S’il est vrai que la consommation de drogues illicites concerne globalement un nombre limité de personnes, il n’en va pas de même pour la consommation de l’une d’elles, le cannabis, qui a connu une progression inquiétante au cours de ces dernières années, même si une stabilisation de l’expérimentation a été récemment constatée. La France reste toutefois caractérisée par des niveaux élevés de consommation de cannabis à l’échelle européenne et il est par ailleurs préoccupant de constater une hausse significative de l’usage de la cocaïne et de l’ecstasy entre 2000 et 2005.

Or la drogue n’est pas seulement source d’isolement et de souffrance pour l’homme, ses conséquences sanitaires et sociales sont aussi particulièrement lourdes. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), 69 personnes sont ainsi décédées à la suite d’une surdose en 2004. Par ailleurs, une étude réalisée récemment par l’OFDT a permis d’estimer le coût social des drogues illicites à plus de 2,8 milliards d’euros en 2003, dont plus de 900 millions d’euros de dépenses publiques.

Pour faire face à ce problème majeur de santé publique, un programme ambitieux de lutte contre les drogues a été engagé par le gouvernement pour la période 2004-2008. Préparé par la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT), ce plan comporte des objectifs précis, qui permettent d’inscrire l’évaluation au cœur de cette politique publique, afin d’en perfectionner en permanence les instruments et les outils.

La MILDT joue en effet un rôle majeur d’impulsion dans ce domaine en assurant la coordination des actions engagées par chaque ministère, mais aussi par les collectivités locales et les associations. Reflétant ce rôle premier d’animation de l’action des pouvoirs publics, les objectifs fixés par le projet annuel de performance (PAP) annexé au projet de loi prévoient que, pour l’année 2007, la MILDT devra veiller à ce que 50 % des soixante objectifs opérationnels du plan gouvernemental de lutte contre les drogues soient effectivement réalisés, contre 30 % prévus pour 2006.

Représentant 36,5 millions d’euros pour 2007, les crédits de la MILDT permettent de financer les trois actions suivantes : la coordination interministérielle (31,95 millions d’euros), l’expérimentation de nouveaux dispositifs (3,05 millions d’euros) et la coopération internationale (1,5 million d’euros). Si les crédits de ce programme sont optiquement en diminution de 33 % par rapport à 2006, cette évolution s’explique en réalité principalement par la réaffectation, au sein de la mission « Santé », d’une partie des crédits de la MILDT, à hauteur de 18 millions d’euros, au programme « Santé publique et prévention ». Il s’agit ainsi de revenir à la situation qui prévalait antérieurement à la précédente loi de finances, laquelle avait transféré ces crédits, destinés notamment aux actions de réduction des risques, au programme n°136 « Drogue et toxicomanie », suite à l’adoption d’un amendement sénatorial.

Il apparaît par ailleurs nécessaire d’engager une réflexion sur les moyens d’améliorer la visibilité de l’action publique en matière de lutte contre la toxicomanie. En effet, de nombreux acteurs participent aujourd’hui à la mise en œuvre de cette politique, alors que leurs rôles respectifs ne semblent pas toujours clairement déterminés. Il est à cet égard frappant de constater que selon l’OFDT, l’ensemble des dépenses publiques liées à la lutte contre les drogues illicites représentait 907 millions d’euros en 2003, à comparer avec les 30 millions d’euros de crédits accordés à la MILDT. Dès lors, plusieurs pistes de réflexion pourraient être envisagées, par exemple la création d’une mission interministérielle relative à la toxicomanie ou encore le rattachement des crédits de la MILDT au budget du Premier ministre, dès lors qu’elle est déjà placée sous son autorité. Pour mieux appréhender l’ensemble des crédits concourant à la lutte contre les drogues, il pourrait également être envisagé d’annexer au projet de loi de finances un document de politique transversale (DPT), qui permettrait ainsi de présenter la stratégie et l’effort financier de l’État consacré à cette politique publique et dont le chef de file serait le ministre chargé de la santé.

Trois opérateurs participent actuellement à la mise en œuvre du programme de lutte contre la toxicomanie : le Centre interministériel de formation anti-drogue à Fort-de-France (CIFAD), l’OFDT et la plate-forme de téléphonie sociale « Drogues alcool tabac info service » (DATIS). Il convient également de souligner que les crédits de la MILDT lui permettent d’engager des expérimentations, qui ont ensuite vocation à être repris par les différents ministères concernés, si leur évaluation se révèle positive. C’est par exemple le cas du programme de prévention des pratiques addictives en milieu scolaire, qui a été expérimenté dès le début de l’année 2005 dans cinq académies.

La MILDT va également expérimenter l’année prochaine, avec le ministère de la jeunesse et des sports, la constitution d’un réseau de personnes ressources assurant la prévention dans les lieux de vie des jeunes ainsi qu’un programme de prévention dans le milieu des entreprises. Les moyens affectés à la lutte contre le trafic international sont par ailleurs significativement augmentés pour 2007, afin notamment de renforcer les actions de coopération et d’assistance technique avec certains pays de l’Europe de l’Est.

Face à la progression inquiétante à la consommation de cannabis, dont la banalisation ne saurait en aucune façon être considérée comme une fatalité, la première des priorités doit être de renforcer la prévention, en particulier auprès des jeunes. Selon les dernières données de l’OFDT, il y aurait en effet en France près de 1 200 000 personnes qui consomment régulièrement du cannabis parmi les 12-75 ans, dont environ 500 000 personnes quotidiennement. Dans le même temps, un certain nombre d’études, en particulier de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), ont permis de mieux appréhender les effets du cannabis sur la santé. Ainsi, à court terme, ce produit altère la perception, l’attention et la mémoire immédiate, et provoque des troubles susceptibles de perturber la réalisation de tâches psychomotrices, telles que la conduite automobile ou le travail scolaire des jeunes consommateurs.

Il est donc très positif que, pour la première fois, une campagne nationale d’information et de communication ait été lancée en 2005 sur le cannabis, représentant un coût de cinq millions d’euros. À l’avenir, il importe de consacrer les moyens financiers nécessaires à la poursuite de cette campagne d’information, mais aussi de poursuivre les actions de prévention des pratiques addictives en milieu scolaire, prévues par l’article 51 de la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, résultant de l’adoption d’un amendement de M. Bernard Accoyer.

La création de 272 points de « consultations cannabis », anonymes et gratuites, constitue également une avancée majeure dans ce domaine et leur cible a bien été atteinte : les consultants sont en effet de jeunes consommateurs de cannabis, dont un tiers sont considérés comme dépendants.

S’il ne saurait être question de dépénaliser le cannabis, il serait cependant opportun, dans le cadre du projet de loi de prévention contre la délinquance, d’adapter les peines actuellement encourues pour usage de stupéfiants. En effet, il existe aujourd’hui incontestablement un décalage entre la peine théoriquement encourue (3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement) et l’impossibilité matérielle de poursuivre les 100 000 personnes interpellées chaque année pour usage de stupéfiants. Il importe dès lors de veiller à ce que loi soit pleinement applicable, mais aussi de prévoir des peines de substitution destinées à mieux sensibiliser les consommateurs aux risques sanitaires d’une consommation régulière et créer ainsi les conditions propices à un changement durable des mentalités.

Enfin, comment réduire les risques sanitaires liés à l’usage des drogues, tout en veillant au bon usage des traitements de substitution ? Consacrée par la loi n° 2004-806 du 9 août 2004, la politique de réduction des risques repose notamment sur le développement des traitements de substitution, qui a constitué une avancée majeure en termes de santé publique. En effet, le nombre de décès par overdose était de 69 en 2004, soit cinq fois moins qu’en 1994. De même, alors qu’on estimait qu’un tiers des consommateurs d’héroïne était séropositif au VIH ou au VHC en 1995, aujourd’hui seuls 3 % des usagers de drogues sont contaminés par le virus du sida.

Ce développement des traitements de substitution s’est toutefois accompagné d’un nombre important de mésusages, voire de trafics, en particulier dans trois régions : l’Ile-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Alsace. Le nombre de médicaments à base de buprénorphine haut dosage (BHD) qui sont détournés est en effet estimé entre 20 et 25 % de l’ensemble des quantités vendues. Le nombre de patients concernés serait cependant limité à environ 5 % de l’ensemble de ceux à qui un traitement de substitution a été prescrit.

Plusieurs mesures doivent permettre de renforcer le bon usage des traitements de substitution, en particulier la poursuite du plan de contrôle engagé par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), qui a déjà permis d’obtenir des résultats significatifs. Il convient également de souligner l’importance, d’une part, de la création du dossier pharmaceutique, conçu et financé par l’Ordre national des pharmaciens, qui doit être opérationnel d’ici la fin de l’année prochaine et, d’autre part, de la mise en œuvre du parcours de soins et d’un couple « médecin-pharmacien » pour certains usagers de drogues, comme le prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui aménage le dispositif déjà prévu par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, qui n’a de fait jamais été appliqué.

En matière de réduction des risques, deux chantiers apparaissent aujourd’hui particulièrement prioritaires. En premier lieu, il apparaît nécessaire d’améliorer la prévention, le dépistage et la prise en charge des hépatites. Dans cet objectif, il conviendrait en particulier d’améliorer la couverture vaccinale contre l’hépatite B des populations les plus exposées, mais aussi d’inclure des filtres non réutilisables dans les trousses d’injection stériles (« Stéribox »), en diminuant par exemple leurs coûts de production afin de maintenir le prix public de ces trousses à environ un euro. En second lieu, l’offre de soins pour les toxicomanes doit être diversifiée, à travers notamment l’expérimentation de communautés thérapeutiques et de salles de consommation, dans le cadre d’un cahier des charges précisément défini.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

Mme Catherine Génisson a souhaité avoir des précisions sur les points suivants :

– Dispose-t-on de chiffres concernant l’augmentation de la consommation des drogues de synthèse ?

– Ne faudrait-t-il pas mieux distinguer les protocoles de soins mis en œuvre pour le Subutex, qui relève d’une prescription simple, de ceux prévus pour la méthadone, dans la mesure où dans ce dernier cas les protocoles sont très approfondis et visent à assurer une prise en charge globale des usagers ?

– S’il est effectivement nécessaire de renforcer la lutte contre les hépatites, des interrogations subsistent néanmoins quant à la politique mise en œuvre en matière de vaccination contre l’hépatite B, dont le champ a été restreint à certains groupes à risques en raison des inquiétudes suscitées par les effets de ce vaccin.

– Alors même que le rapporteur souligne l’importance de renforcer la prévention des pratiques addictives en milieu scolaire, on ne peut que déplorer le manque d’acteurs sur le terrain, en raison de la pauvreté de la médecine scolaire. Par exemple, dans le Nord-Pas-de-Calais, on compte un médecin pour 10 000 élèves, ce qui, à l’évidence, ne permet pas de créer les conditions nécessaires pour mener une politique de prévention efficace.

Après avoir salué l’intérêt de la présentation du rapporteur ainsi que le progrès que constitue incontestablement la présentation modernisée des crédits de la santé dans le cadre des nouvelles missions prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), M. Jean-Luc Préel s’est félicité de l’augmentation de ces crédits et a posé les questions suivantes :

– S’agissant du dépistage organisé du cancer du sein, comment peut-on sensibiliser les femmes qui ne consultent pas habituellement et quelles sont les intentions du ministère de la santé pour améliorer leur taux de réponse ?

– Quel est le taux de réponse pour le dépistage du cancer colo-rectal, qui se met en place progressivement, et comment sont prises en charge les coloscopies réalisées après un test Hemocult positif : s’agit-il de l’assurance-maladie ou de l’Etat ?

– Quel bilan peut-on dresser, à mi-parcours, de la mise en œuvre des objectifs posés par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique ?

– Comment s’organise la mise en place des agences régionales de santé (ARS) expérimentales ?

– Qu’en est-il de la formation des infirmières et des sages-femmes, s’agissant notamment de leur intégration au dispositif licence-master-doctorat (LMD) ?

– Le transfert de la gestion des instituts de formations en soins infirmiers (IFSI) aux régions s’est-il accompagné du versement par l’État de dotations permettant de compenser l’intégralité des charges afférentes et que reste-t-il aujourd’hui à la charge des établissements de santé ?

– Dans quels délais et selon quelles modalités les médecins et pharmaciens inspecteurs de santé publique, qui jouent un rôle majeur en termes de santé publique, seront-ils intégrés au statut des praticiens hospitaliers, suite à l’adoption d’un amendement adopté dans ce sens il y a quelques mois ?

M. Pierre-Louis Fagniez s’est également interrogé sur la réalisation des objectifs fixés par la loi relative à la politique de santé publique, pour lesquels des moyens importants ont été mis en œuvre, ainsi qu’en atteste l’augmentation très significative des crédits prévus pour 2007 en matière de lutte contre le cancer.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS) permet aux députés de suivre la mise en œuvre de ces politiques. Ainsi, le premier rapport adopté en 2004 par l’OPEPS, présenté par M. Marc Bernier, portait précisément sur le dépistage du cancer du sein.

Mme Catherine Génisson a jugé légitimes les revendications des élèves infirmiers, kinésithérapeutes et sages-femmes, concernant tant leur formation initiale que leur statut, en souhaitant que des réponses précises soient apportées par le gouvernement sur ce sujet, alors que trop souvent les ministères de la santé et de l’Éducation nationale se renvoient mutuellement la question.

Mme Martine Billard a estimé que le courrier envoyé par les caisses d’assurance maladie, afin d’attirer l’attention des femmes concernées sur la nécessité de procéder à un dépistage du cancer du sein, semble trop banalisé. Il serait dès lors intéressant de se pencher sur les raisons qui conduisent certaines femmes à ne pas répondre positivement à ce courrier : il existe probablement un problème significatif de communication.

M. Patrick Beaudouin a félicité le rapporteur pour le choix du thème d’étude de cet avis. Alors que l’Assemblée nationale vient de conclure ses travaux sur les dangers posés par la consommation de tabac, il convient en effet de ne pas baisser la garde en matière de lutte contre les drogues, s’agissant notamment du cannabis. Pour ce qui est du dépistage organisé du cancer du sein, on pourrait par exemple s’inspirer de l’expérience consistant à personnaliser davantage le courrier adressé aux femmes concernées, au niveau d’une commune, qui a eu des résultats positifs.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

– L’expérimentation de cocaïne a presque doublé entre 1998 et 2005, tandis que celle d’amphétamines et d’ecstasy est passée de 2,1 % à 3 %. Sur la même période, la consommation d’héroïne est restée globalement stable.

– Il convient de renforcer la lutte contre l’hépatite B, à travers une amélioration de la couverture vaccinale des populations à risques.

– Les actions menées au titre de la prévention des pratiques addictives en milieu scolaire se sont accompagnées de la formation des enseignants sur les dangers de l’usage des drogues, dans le cadre d’une expérimentation lancée dans cinq académies. Il est malheureusement impossible de ne pas partager le constat négatif porté sur l’état de la médecine scolaire ; cependant, celle-ci aurait peut-être gagné à être décentralisée. Cette réforme s’est heurtée aux souhaits des médecins scolaires de rester dans le giron de l’Éducation nationale.

M. Alain Néri s’est opposé à cette proposition, en considérant que l’éducation doit rester nationale. Décentraliser la médecine scolaire consisterait à un transfert de charges inacceptable sur les collectivités territoriales, faute du versement des crédits correspondants.

Le président Jean-Michel Dubernard a toutefois estimé que des résultats significatifs ont été obtenus dans les communes, où la médecine scolaire avait été « municipalisée » et qu’il importe, de façon générale, que l’intérêt des enfants prévale sur celui des professionnels.

Mme Catherine Génisson a souligné l’importance de ce sujet et proposé de confier l’organisation de la médecine scolaire au ministère de la santé, afin que des moyens plus importants lui soient consacrés et qu’elle ne soit plus le parent pauvre de l’Éducation nationale.

Le président Jean-Michel Dubernard a approuvé cette suggestion.

Le rapporteur a poursuivi son propos :

– La MILDT suit régulièrement la mise en œuvre des objectifs fixés par la loi relative à la politique de santé publique, en particulier dans le cadre d’un rapport publié récemment.

– L’Etat participe à la mise en place, à titre expérimental, des agences régionales de santé (ARS), qui sont actuellement en cours de constitution.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Santé ».

*

Puis la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Catherine Génisson, les crédits pour 2007 de la mission « Sécurité sanitaire ».

Mme Catherine Génisson, rapporteure, a salué la méthode proposée par le président Jean-Michel Dubernard consistant à ne consacrer qu’une part limitée à l’analyse des crédits pour centrer la réflexion sur le thème retenu, à savoir l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens.

Sur l’aspect budgétaire – question dont il faut souligner que c’est la plus politique car elle reflète les choix opérés –, il convient de constater que l’augmentation globale des crédits budgétaires de la mission « Sécurité sanitaire » (de l’ordre de 4 %), que l’on ne peut qu’approuver, recouvre à la fois des évolutions contrastées et des situations préoccupantes.

Si l’on doit se féliciter que les crédits concernant le programme « Veille et sécurité sanitaires », qui vise à renforcer la capacité de réponse de l’État aux crises sanitaires, augmentent quelque peu (de l’ordre de 2 % pour les crédits de paiement), le programme « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui concerne le ministère de l’agriculture, connaît en revanche cette année une diminution très sensible. Cette évolution est grave, en particulier au regard du problème prégnant que constitue le développement de la grippe aviaire.

Lorsque l’on examine les crédits inscrits par la loi de finances sur le programme « Veille et sécurité sanitaire », on constate que ceux-ci sont essentiellement orientés vers le financement des agences sanitaires : 80,47 millions d’euros sur les 105,25 millions d’euros demandés pour le programme « Veille et sécurité sanitaire » correspondent en effet aux subventions aux agences.

Concernant ces agences, un certain nombre de remarques doivent être formulées.

Le prélèvement, pour un montant de 11 millions d’euros, sur le fonds de roulement disponible de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), ne doit pas se reproduire à l’avenir, notamment pour ne pas compromettre le projet d’investissement informatique de l’établissement.

S’agissant de l’Agence française de sécurité sanitaire alimentaire (AFSSA), on ne peut que se féliciter de la déprécarisation de vingt-deux agents affectés depuis des années à des activités pérennes relatives à la rage, aux encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST) et à l’antibiorésitance. En revanche, il est regrettable qu’il n’ait pas été prévu de reconduire l’effort de renforcement des équipes dédiées à la grippe aviaire. Il conviendrait enfin d’engager une réflexion en 2007 sur l’élargissement des modes de financement de l’AFSSA – sur le modèle de ce qui existe déjà pour l’AFSSAPS – pour permettre le maintien de ses équipements et ses infrastructures au niveau exigé par ses missions de référence et par les activités de recherche associées.

La situation de l’AFSSET reste, en revanche, extrêmement préoccupante. Le docteur Michèle Froment-Védrine, directrice générale, a déploré que la structure déjà légère de l’AFSSET n’ait pas reçu de postes supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2007. Malgré des efforts de sous-traitance avec l’AFSSA, l’absence de nombreux emplois de personnel technique et administratif est toujours à déplorer et le grand désarroi des collaborateurs de l’AFSSET semble extrêmement inquiétant pour la poursuite des missions de l’agence.

S’agissant de l’Agence de la biomédecine, Mme Carinne Camby, directrice générale, a tenu à appeler l’attention sur le manque de moyens de l’agence au regard de ses nouvelles missions. Il est très probable que les sept emplois supplémentaires sur les dix-huit qui étaient initialement demandés ne suffiront pas à faire face à la montée en charge de l’agence et obligera ainsi l’agence à décaler dans le temps certaines de ses missions.

Enfin, un certain nombre de problèmes affectent depuis quelques années l’Établissement français du sang pour son approvisionnement. On voit bien que cette situation est très liée à la sécurité sanitaire, dans la mesure où l’approvisionnement et la réactivité en cas d’alerte sont liés. Comme le récent appel national aux dons ne peut être reproduit chaque année, il sera nécessaire à court terme de mettre en place des structures pérennes pour relancer la promotion des dons et donc d’y affecter des moyens budgétaires plus importants.

Le thème qui fait l’objet du développement principal du présent rapport concerne l’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens.

Sujet politique à l’origine, élément clef de la politique de santé, la sécurité sanitaire, qui peut se définir comme la protection de la santé de l’homme contre les risques induits par le fonctionnement de la société, devient peu à peu un sujet citoyen, une composante fondamentale de notre démocratie sanitaire toujours à parfaire.

Vache folle, grippe aviaire, canicule, chikungunya, maladies nosocomiales ou accidents domestiques – dont il faut rappeler qu’ils constituent la première cause de mortalité infantile –  on voit bien que les sujets de sécurité sanitaire sont de plus en plus au premier plan des préoccupations de tous. L’article L. 1110-1 du code de la santé publique confie même désormais aux « usagers » la mission de contribuer à « la meilleure sécurité sanitaire possible ». Il paraît donc utile de réfléchir au moyen de mieux responsabiliser les citoyens-usagers du système de santé pour en faire de véritables acteurs de la sécurité sanitaire.

Au regard de cette nécessité d’appropriation de la sécurité sanitaire par tous ses acteurs, citoyens mais aussi professionnels de santé, et après un nombre important d’auditions extrêmement enrichissantes, deux conclusions principales s’imposent.

La première conclusion est que si l’organisation multicentrique de la sécurité sanitaire dont s’est dotée la France en quelques années constitue un acquis indéniable, les structures complexes mises en place restent encore trop peu lisibles tandis que subsistent des problèmes d’autonomie et d’articulation avec les pouvoirs publics.

L’organisation qui s’est mise en place en une quinzaine d’années en réaction à des crises successives comporte des acquis indéniables et la philosophie générale sur laquelle elle repose, qui consiste à procéder à la séparation des fonctions d’expertise (surveillance, veille et évaluation) et celles de gestion de crises (stratégie et décision), a été validée par l’expérience.

Toutefois, le système français demeure complexe et peu lisible, tant pour les citoyens en général que pour les professionnels de santé et même l’ensemble des professionnels concernés. Les chevauchements de compétences, les difficultés d’articulation, l’absence de synergies entre les agences et les sujets insuffisamment traités, comme la toxicologie par exemple, ont souvent été mis en avant.

Tout spécialement, on ne peut qu’être extrêmement préoccupé par le fait que l’AFSSET demeure un maillon très faible du dispositif visant à renforcer la sécurité sanitaire en France. L’AFSSET est mal née et a subi un développement disharmonieux au sein d’un système qui souffre sans conteste d’un manque d’expertise propre et reste encore extrêmement fragmenté. L’AFSSET a normalement vocation à être une « tête de réseau », c'est-à-dire un établissement qui ne produit pas la science en interne mais qui a un rôle de coordination en allant chercher la compétence scientifique auprès de partenaires permanents ou ponctuels. Pourtant, on constate que les opérateurs rechignent bien souvent à être coordonnés et que les tutelles elles-mêmes ne jouent pas toujours le jeu de la coordination. Alors que les risques sanitaires liés à l’environnement inquiètent légitimement de plus en plus les Français et que les enjeux en matière de santé au travail sont multiples, il apparaît vraiment urgent de reformater l’AFSSET en la dotant de la taille critique et des moyens budgétaires qui lui permettent de remédier à sa faiblesse congénitale.

Enfin, on peut noter que l’autonomie des agences par rapport aux pouvoirs publics reste encore dans certains cas limitée. Il arrive que des ministères qui assuraient, avant la création des agences, les fonctions de surveillance et de contrôle manifestent ainsi certaines réticences pour se déposséder de leurs anciennes attributions.

Il est donc plus que jamais nécessaire de réaffirmer la nécessaire autonomie des agences de sécurité sanitaire dans leur champ de compétence. Il semble néanmoins qu’avant de remodeler le dispositif actuel des agences, comme le propose de façon très stimulante le récent rapport Girard, il soit nécessaire de stabiliser un peu un système encore jeune.

La deuxième conclusion importante du rapport est que des améliorations concrètes pourraient encore renforcer la place du citoyen au cœur de la sécurité sanitaire L’appropriation de la sécurité sanitaire par les citoyens ne saurait en effet se limiter à d’éventuelles réformes de structures pour accroître la présence des citoyens dans les conseils d’administration des agences ou pour leur permettre de les saisir. Les problèmes ne doivent pas être seulement traités pendant les périodes de crise.

Une meilleure appropriation de la sécurité sanitaire par tous les acteurs de la sécurité sanitaire passe à mon sens par quelques mesures concrètes dont il est possible de donner quelques illustrations, qui sont bien entendu détaillées plus longuement dans le rapport.

Tout d’abord, il faut insister fortement sur l’utilité de la prévention. Le citoyen doit s’approprier la sécurité sanitaire bien en amont des crises. On ne pourra pas faire de réel progrès en matière de sécurité sanitaire si on ne s’appuie pas sur les professions de santé et les citoyens eux-mêmes. Les exemples des infections nosocomiales (avec l’apparition du Clostridium difficile dans le Nord-Pas-de-Calais) et de la grippe saisonnière à l’origine de 7 500 décès chaque année, dont beaucoup pourraient être évités, le montrent bien. Des préconisations simples, comme le renforcement de l’hygiène des mains, sont plus que jamais nécessaires. Elles doivent s’adresser aux citoyens mais également aux professionnels de santé, en particulier dans le milieu hospitalier où on confond encore trop souvent respect des règles de l’asepsie et hygiène élémentaire. Il serait souhaitable en outre d’engager une réflexion sur le sujet de l’antibiorésistance pour que, lors de la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM), les antibiotiques les plus puissants soient réservés à la prescription en milieu hospitalier. Il faut d’autant plus recourir à des messages simples de prévention en matière de risque avéré comme la grippe saisonnière que ceux-ci sont également utiles contre les risques potentiels comme la grippe aviaire.

Concernant la question du déclenchement de l’alerte, le citoyen français est en droit d’attendre un déclenchement précoce et transparent. La réactivité du dispositif est en effet un enjeu majeur de la sécurité sanitaire. On constate de façon générale un bon déclenchement de l’alerte pour les risques identifiés. Mais des progrès restent néanmoins encore à faire pour les risques émergents.

Dans le domaine des risques désormais bien identifiés (canicule, pandémie grippale, grand froid), de multiples capteurs de risque fonctionnent déjà, pour lesquels le déclenchement de l’alerte est principalement basé sur des modèles épidémiologiques. Ces systèmes ont fait la preuve de leur performance, notamment lors du retour d’un épisode caniculaire exceptionnel à l’été 2006. Les dispositions prises depuis 2003 en application du plan national canicule et la gestion de la crise ont permis de limiter à son minimum l’excès de mortalité imputable aux fortes chaleurs de l’été. La préparation à une pandémie de grippe aviaire semble également désormais bien structurée, au moins au plan national. Ce sujet est éminemment d’actualité, à l’heure où l’on recense un septième décès en Égypte.

La situation semble pourtant nettement moins satisfaisante pour ce qui concerne la capacité à faire face à des événements non prévus. L’épisode récent de l’épidémie de chikungunya à la Réunion illustre les difficultés que peut rencontrer le système de sécurité sanitaire face à des risques non prévus. Pour être en mesure de faire face au défi sanitaire majeur que représentent des menaces à la fois inattendues et indéfinies, il est plus que jamais nécessaire de se doter d’une méthodologie efficace pour améliorer les dispositifs d’anticipation des situations d’urgence ou de crises sanitaires. Une des grandes leçons de l’épisode caniculaire de 2003 en matière d’identification des risques est en effet que les systèmes de surveillance ne doivent pas être concentrés sur des phénomènes connus mais doivent être réceptifs à des signaux sanitaires difficiles à identifier.

L’alerte peut également être déclenchée de façon presque intuitive, sur la base de modèles non scientifiques. L’apport de cette approche a par exemple été illustré lors de l’épisode du chikungunya par les mises en garde de Mme Gélita Hoarau, sénatrice de La Réunion. Il faut bien distinguer « le guetteur » et « le collectionneur ». Sur ce sujet de l’alerte, il n’est donc pas toujours souhaitable de disposer d’un dispositif administratif trop régulé. À cet égard, les discussions avec le professeur Didier Houssin, directeur général de la santé, ont été riches d’enseignements. Il convient surtout de développer l’analyse stratégique, c’est-à-dire de transformer un signal dormant en signal actif. En cette matière, beaucoup de progrès restent à accomplir, cette question constituant réellement le « maillon faible » de l’alerte.

En matière de crises sanitaires, le message envoyé aux politiques ne suffit pas. Il convient donc de favoriser la transparence en travaillant sur la « pédagogie du risque », selon l’expression de M. Bernard Kouchner. L’information transmise doit toutefois être nécessairement accompagnée de débats, d’échanges et de formation pour s’assurer que le message a été bien reçu et limiter tout risque d’alarmisme.

Quoi qu’il en soit, il demeure extrêmement difficile d’effectuer des prévisions du fait des limites des connaissances actuelles sur les maladies émergentes. D’où la grande importance qu’il y a de lancer rapidement, dans un souci d’anticipation, des missions de recherche sur les risques émergents pour développer les actions de veille sanitaire.

Par ailleurs, il est nécessaire, en matière de veille, de disposer d’une expertise et d’une recherche citoyenne. Pour maîtriser les risques, il faut les connaître. Face à un danger avéré ou potentiel, le recours à la recherche et à l’expertise scientifique est donc indispensable.

En premier lieu, le renforcement de l’interface entre la surveillance et la recherche est nécessaire. L’enjeu est de susciter les recherches adéquates et de contribuer ainsi à l’amélioration de l’évaluation des risques. Il peut s’agir de disposer de connaissances pour pouvoir concevoir des modélisations ou de développer, par la recherche, de nouveaux tests biologiques qui seront un apport pour la surveillance. L’affaire du sang contaminé ou celle de l’amiante ont montré que la responsabilité de l’État pour carence fautive pouvait être engagée. Dès lors, l’État se trouve dans l’obligation de rechercher les risques. Il importe de créer les conditions d’une mobilisation plus forte sur la recherche appliquée alors que l’accent est encore trop souvent mis en France sur la recherche fondamentale. Il s’agit d’un point essentiel.

En second lieu, l’expertise joue un rôle central dans le dispositif des agences sanitaires. Il importe dès lors de s’assurer de la compétence, de l’indépendance et de la transparence de l’expertise. À cet effet, les procédures d’appels d’offres doivent être préférées à la cooptation pour que la sélection des experts se fasse dans la transparence ; des critères d’excellence scientifique doivent être définis, la rétribution de l’expertise doit être décente et harmonisée entre les agences ; les experts doivent être soumis à une déclaration publique d’intérêt (DPI) pour éviter d’éventuels conflits d’intérêt et garantir leur indépendance. Il convient, enfin et surtout, de mieux reconnaître la fonction d’expertise dans les carrières universitaires. Ce point est capital pour redonner à l’expertise sa juste place.

L’expertise comme la politique de recherche ne doivent pas relever uniquement des scientifiques. La société doit aussi participer au débat. Il est souhaitable que les parlementaires s’emparent davantage des sujets de recherche et d’expertise, au sein de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) notamment.

Le citoyen doit enfin, de façon générale, être mieux associé à la sécurité sanitaire sur le terrain et, encore une fois, pas seulement en période de crise.

Les citoyens, et au premier chef les professionnels de santé, ont besoin d’informations de fond pour devenir acteurs de la sécurité sanitaire. Dans ce domaine, tout indique que la réaction des citoyens est d’autant plus adaptée que la préparation a eu lieu à froid. Les citoyens et les professionnels de santé doivent par exemple s’emparer des sujets de sécurité sanitaire et en discuter ensemble. Dans cet objectif d’appropriation des messages de sécurité sanitaire, il est évident que les médecins et les pharmaciens, par les contacts simples et de proximité qu’ils entretiennent, ont un rôle majeur à jouer.

En définitive, c’est à une véritable mobilisation de l’ensemble du corps social autour de la sécurité sanitaire qu’il convient plus largement de parvenir. Pour ne prendre que l’exemple du plan de préparation contre la grippe aviaire, il est clair que si la France dispose d’un des meilleurs plans européens, il reste encore beaucoup de chemin à faire en matière de mobilisation sociale sur le terrain, que ce soit au travers de la mobilisation des entreprises, des structures professionnelles et associatives ou des collectivités locales. C’est désormais d’exercices locaux effectués sur le terrain dont on a besoin, impliquant notamment l’ensemble des professions de santé et du secteur médico-social qui seront les premiers opérateurs en cas de pandémie. Face à cet enjeu d’une appropriation locale des plans nationaux de réaction à des crises sanitaires importantes, la France dispose de l’atout de son organisation administrative locale.

En conclusion, il faut saluer l’attention portée aux préoccupations de sécurité sanitaire par les pouvoirs publics, et en tout premier lieu par le ministre de la santé et des solidarités. On peut aussi se féliciter de l’augmentation globale des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2007 et des efforts notables réalisés en matière de préparation à une pandémie de grippe aviaire, même s’il convient néanmoins encore de les traduire dans les comportements sur le terrain.

Au-delà des réformes structurelles qui semblent encore nécessaires pour améliorer le système français, notamment dans le secteur de l’environnement et de la santé au travail, et pour prendre en compte au mieux les questions de déclenchement, d’alerte, de recherche appliquée ou encore d’amélioration de l’AFSSET, les crédits affectés à la sécurité sanitaire demeurent toutefois encore largement insuffisants. C’est pourquoi la meilleure façon de rendre service au ministre de la santé et des solidarités en renforçant sa position dans les futurs arbitrages financiers est en définitive d’émettre, en l’état, un avis défavorable à l’adoption de ces crédits.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

Le président Jean-Michel Dubernard a souligné la grande qualité des deux rapports déjà présentés, en soulignant qu’ils avaient beaucoup de sens et en se félicitant de leur utilité. Il conviendrait de les distribuer localement et dans tous les milieux de la santé publique. La recherche en matière de sécurité sanitaire doit effectivement se développer. La compétence, l’indépendance et la transparence de l’expertise sont vraiment des points importants. L’appropriation citoyenne de la sécurité sanitaire est donc un objectif primordial.

M. Jean-Pierre Door a indiqué que la gestion du risque épidémique est effectivement un enjeu majeur de sécurité et de santé publiques. La prise de conscience de la nécessité d’anticiper le danger est assez récente. Si l’organisation du système de défense était difficile à percevoir jusqu’à maintenant, des politiques innovantes de mobilisation de l’ensemble des moyens de l’Etat se sont faites jour depuis deux ans sur le sujet de la grippe aviaire.

Il convient d’insister sur la mobilisation sociale, comme la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la grippe aviaire l’avait d’ailleurs recommandé. La mise en place, il y a quelques semaines, d’un comité d’éthique chargé des problèmes relatifs à la grippe aviaire participe à cet objectif et va dans le sens de l’indispensable proximité avec les citoyens.

L’outil administratif n’est probablement pas aujourd’hui optimum, car le pouvoir juridique appartient au préfet, alors qu’il conviendrait de donner une plus grande responsabilité aux élus des collectivités locales en désignant un référent sanitaire au sein de chaque collectivité. Le système d’alerte puis de défense doit être pris en charge par les élus locaux. Il est essentiel que l’expérimentation soit déclinée sur le plan local.

Il est regrettable que le rapport n’aborde pas les problèmes de cohérence du système français de sécurité sanitaire avec le dispositif européen. On ne peut rester isolé sur ces sujets, du fait des échanges croissants. Il convient également de faire le lien entre la défense sanitaire au sein de l’Union européenne et dans le monde.

La traçabilité des médicaments est un sujet relativement peu abordé bien que fondamental. Proposée dans le cadre de l’examen en première lecture à l’Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l’instauration d’une traçabilité des médicaments en France s’est vu opposée l’irrecevabilité financière. Cette traçabilité n’existe pas en France, alors qu’elle permettrait pourtant d’éviter les abus, les fraudes et les risques sanitaires, notamment lorsque ces médicaments sont fabriqués dans des pays peu respectueux des procédures.

M. Pierre-Louis Fagniez a salué la qualité du rapport, même s’il ne partage pas l’avis défavorable de la rapporteure sur l’adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». De façon générale, les termes « d’appropriation citoyenne » de la veille sanitaire paraissent quelque peu impropre, puisque les citoyens ne s’intéressent bien souvent au sujet qu’en cas de crise. Le parallélisme avec les inondations est éloquent. Les plans de prévention du risque inondation ne reçoivent que peu d’échos, si ce n’est lorsqu’une crise se profile. Il en est de même en matière de sécurité sanitaire, même si on peut le regretter. Sans remettre en cause l’expression d’« appropriation citoyenne », les termes de « sensibilisation citoyenne » seraient sans doute plus adaptés.

Par ailleurs, le maire apparaît bien comme le seul échelon de responsabilité pertinent en matière de sécurité sanitaire. Tous les maires devraient s’efforcer de s’approprier ce rôle crucial.

Il est étonnant que l’agence de biomédecine dépende uniquement pour ses crédits du ministère de la santé et même qu’elle relève de la mission « Sécurité sanitaire » alors que ses activités en matière de veille sont extrêmement limitées. Sachant, pour appartenir à son conseil d’administration, que l’Agence de biomédecine n’a effectivement obtenu que 7 postes sur les 18 demandés, doit-elle réorienter ses demandes vers le ministère de la recherche afin d’obtenir les moyens qui lui manquent ?

M. Jean-Luc Préel a estimé que le rapport est très intéressant et que la présentation du budget par mission est un réel progrès. Par ailleurs, le choix du thème est tout à fait pertinent et fait naître de multiples questions :

– Quelles sont les relations entre les agences et les ministères ?

– Ne conviendrait-il pas de développer l’autonomie des agences, aujourd’hui toute relative, tant au niveau de la gestion de leurs personnels, que de leur financement ?

– Ne pourrait-on pas imaginer d’autres modes de financement ?

– Quelles sont les relations entre l’AFSSAPS et la Haute autorité de santé et comment pourrait-on les améliorer ?

– L’AFSSAPS entretient-elle des liens au niveau européen, notamment dans le domaine du médicament ?

– Quels sont les relais des agences sur le terrain ?

– Est-ce que le ministère de la santé a prévu de retenir certaines préconisations du récent rapport du professeur Jean-François Girard sur la veille sanitaire ?

M. Bernard Perrut a interrogé la rapporteure sur l’établissement français du sang. Les structures locales appellent régulièrement l’attention de la représentation nationale sur les manques chroniques de dons de sang. Le rapport évoque cette question de la difficulté des approvisionnements et suggère la création de structures pérennes pour relancer la promotion des dons et l’affectation de moyens budgétaires plus importants. Quelles préconisations concrètes peuvent être formulées face à l’urgence du sujet ?

Mme Martine Billard a évoqué l’épidémie de légionellose qui a touché Paris cet été, du fait de dysfonctionnements de tours de réfrigération. La municipalité a alors été confrontée à la mauvaise volonté des organismes et des entreprises responsables de l’entretien de ces tours. Comment les collectivités et les maires, dont le rôle est mis en avant, peuvent-ils réagir, alors même qu’ils ne disposent souvent que de peu d’information sur les causes et l’origine de l’épidémie ? Comment éviter de nouvelles victimes face à un problème auquel les maires sont de plus en plus confrontés ?

M. Georges Colombier est revenu sur le problème de l’approvisionnement en sang de notre pays. Lors des réunions des assemblées de donneurs de sang, ces derniers s’inquiètent souvent de cet état de fait. Ne pourrait-on pas imaginer qu’une information sur ce thème soit dispensée à la fois aux patients par les médecins traitants et aux adolescents par l’Education nationale, afin de sensibiliser régulièrement la population aux problèmes de solidarité et aux enjeux du don de sang ? Ces propositions concrètes seraient susceptibles de donner rapidement des résultats.

La rapporteure a remercié l’ensemble des intervenants pour leurs suggestions et leurs propositions. En réponse aux différentes questions, elle a apporté les précisions suivantes :

– On ne peut que se féliciter de la qualité des dispositifs de sécurité sanitaire en France. Ceux-ci ont été rapidement mis en place, en réaction à des crises ponctuelles. Pour autant, il existe encore un décalage entre l’organisation des agences et la connaissance qu’en ont les citoyens. Les agences sont en effet très récentes et leurs modes de fonctionnement restent souvent complexes et différents selon les secteurs. Il conviendrait donc d’améliorer la cohérence du dispositif, de favoriser la complémentarité des agences et d’organiser des lieux de rencontres fréquentes qui viendraient s’ajouter à ceux existant déjà, comme la réunion hebdomadaire de sécurité sanitaire autour du directeur général de la santé.

– Le problème des relations avec l’Union européenne est effectivement un sujet majeur. Il est d’ailleurs développé dans le rapport.

– La traçabilité des médicaments devrait effectivement être mise en œuvre. C’est un sujet dont l’AFSSAPS doit se saisir. D’autre part, la transparence concerne également les laboratoires pharmaceutiques, qui ont trop tendance à ne diffuser leurs résultats que quand ils sont bons.

– S’agissant du choix de la dénomination d’« appropriation » retenue dans le rapport, il convient certes que les citoyens se mobilisent lors des crises mais il faut aussi profiter de ces crises pour qu’ils s’approprient réellement le thème de la sécurité sanitaire sans se contenter d’une simple sensibilisation. L’exemple de la pandémie grippale est intéressant. La grippe aviaire a fait prendre conscience à nos concitoyens de l’importance des règles élémentaires d’hygiène qui doivent être enseignées dans la famille, dans le milieu scolaire et dans les milieux professionnels de la santé. Le respect de préconisations simples est également important pour la grippe classique. À partir d’une crise, il est possible de traiter d’un problème de façon globale.

– S’agissant de la question de l’antibiothérapie, les mesures d’information initiées par M. Bernard Kouchner ont porté leurs fruits, puisque chacun sait aujourd’hui que les antibiotiques ne sont pas efficaces contre les virus. Il s’agit ici d’un sujet certes médical mais qui est également devenu un sujet citoyen allant bien plus loin qu’une simple sensibilisation.

– L’appropriation sur le terrain est effectivement fondamentale. Le rôle des professionnels de santé est décisif et celui des maires, qui sont en première ligne, doit être renforcé.

– S’agissant de l’Agence de la biomédecine, l’implication du ministère de la recherche n’a pas été évoquée lors des auditions mais il semble effectivement que sa participation au financement de l’agence soit une bonne piste.

– La question des relations entre les agences et les ministères est bien développée dans le rapport. La genèse de l’existence des agences explique les problèmes de « collision » de compétences entre certaines agences et l’Etat. Des progrès ont déjà été faits mais il convient aujourd’hui d’aller plus loin, de mieux préciser le rôle de chacun, et d’éviter surtout toute distorsion entre les messages diffusés par les agences et les décisions ministérielles.

– S’agissant des financements, il serait effectivement intéressant de diversifier les modes de financement des agences, comme cela existe déjà pour l’AFSSAPS et comme le rapport le préconise pour l’AFFSA.

– Les relations entre la Haute autorité de santé et l’AFSSAPS n’ont pas été spécifiquement évoquées lors des auditions mais elles peuvent certainement être améliorées et il y a matière à réflexion sur le sujet.

– Des relais des agences sur le terrain existent déjà ; les cellules interrégionales d’épidémiologies (CIRE) relayent, par exemple, l’action de l’InVS. De tous les relais de terrain, le maire est sans aucun doute à la première place.

– Le récent rapport Girard est effectivement intéressant. Peu de propositions relèvent toutefois du court terme. Si la préconisation d’un regroupement des agences par thème est séduisante à moyen terme, il faut tout d’abord stabiliser leur fonctionnement. En tout état de cause, il faut préalablement revoir complètement le périmètre de compétence et les missions de l’AFFSET. L’ajout d’une compétence en matière de santé au travail était légitime mais a rajouté de la complexité. Le problème de l’AFSSET dépasse d’ailleurs largement le strict cadre financier.

– La problématique du don de sang est lourde à gérer, car le séisme vécu par les donneurs de sang après la découverte du sida n’a pas fini de faire des ravages. Le discours des professionnels à la suite de cette nouvelle pandémie a été très alarmiste et il convient aujourd’hui de mieux expliquer aux donneurs potentiels l’importance de stricts critères de sélection. En effet, lorsqu’ils sont refusés comme donneur, l’incompréhension des citoyens, voire dans certains cas l’impression de vexation, peut être grande. La plupart du temps, les personnes refusées ne seront plus jamais des donneurs et elles font même parfois une publicité délétère pour le don de sang. La formation des professionnels et l’information des donneurs sont donc fondamentales. Sur ce sujet la proposition de M. Georges Colombier relative au rôle des médecins traitants et à celui de l’Education nationale est très opportune.

– La légionellose est une maladie grave, parfois mortelle dans des proportions non négligeables. Il y a aujourd’hui beaucoup de difficultés à connaître les circonstances d’apparition de cette maladie et ses points de fixation car il est très difficile de faire des études épidémiologiques sur le sujet. En outre, il n’est pas sûr que les maires soient les premiers concernés. Sur ce sujet complexe, on ne peut se contenter de faire des procès d’intention aux entreprises à l’origine de cette maladie. Il convient d’obtenir la mobilisation de tous.

– Il est, enfin, essentiel d’insister sur la nécessité de promouvoir la recherche appliquée et de faire reconnaître l’expertise au sein du cursus universitaire.

Contrairement aux conclusions de la rapporteure, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Sécurité sanitaire ».

La rapporteure a précisé que son opposition était avant tout constructive.

Le président Dubernard a confirmé son souhait que le rapport soit largement diffusé.

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Bernard Perrut, les crédits pour 2007 de la mission « Travail et emploi ».

M. Bernard Perrut, rapporteur, a souligné que le thème de l’emploi est au cœur de l’actualité, comme en témoignent les efforts menés par le gouvernement et les décisions prises par le Parlement dans ce domaine récemment. L’amélioration des chiffres du chômage qui viennent d’être publiés témoigne que les mesures prises portent leurs fruits.

Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour l’année 2007 s’élèvent à 12,64 milliards d’euros. Pour prendre en compte l’ensemble de l’effort de la Nation en faveur de la politique pour l’emploi et ne pas faire injustement apparaître des chiffres en baisse, il faut ajouter à ces crédits : 19,84 milliards d’euros pour le financement des allègements généraux de cotisations sociales patronales, contre 18,9 milliards en 2006 ; 8,32 milliards d’euros de dépenses fiscales, qui comprennent notamment 3,7 milliards pour la prime pour l’emploi en faveur des contribuables modestes déclarant des revenus d’activité et 2 milliards pour la réduction d’impôt au titre de l’emploi par les particuliers d’un salarié à domicile.

Au total, les moyens affectés à la mission « Travail et emploi » s’élèvent donc à près de 41,8 milliards d’euros, en progression de presque 6 % par rapport à l’année 2006.

Sans revenir dans le détail sur la ventilation des crédits entre les cinq programmes constituant cette mission, il convient de souligner la poursuite de l’effort engagé en faveur du secteur des hôtels, cafés, restaurants ainsi que du secteur de l’insertion par l’activité économique.

Le présent budget met en œuvre un certain nombre de dispositifs récents.

– Le plan de cohésion sociale, par le développement : des maisons de l’emploi –l’objectif est d’atteindre le chiffre de 300 maisons de l’emploi au 31 décembre 2007 –, des contrats d’avenir (623,46 millions d’euros), des contrats initiative emplois (303,4 millions d’euros) et des contrats d’accompagnement dans l’emploi (962,2 millions d’euros).

– Le développement des services à la personne, qui représente une autre priorité. Ce secteur bénéficie d’allègements de charges spécifiques : abattement de 15 points sur les charges sociales, exonération totale de cotisations sociales patronales pour les entreprises et associations agréées. Une subvention de 26 millions d’euros est prévue pour 2007 au profit de l’Agence nationale des services à la personne.

– Le retour à l’emploi : dans la continuité de la loi du 23 mars 2006 relative au retour à l’emploi, le présent projet de loi de finances porte création d’une prime de cohésion sociale au profit des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de cinquante ans, qui devrait profiter en 2007 à 50 000 bénéficiaires, pour un total de 15 millions d’euros.

– L’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées : dans la continuité de la loi du 11 février 2005, 47,37 millions d’euros sont prévus dans le présent budget de façon à aider les entreprises dites « adaptées » qui contribuent à l’emploi des travailleurs handicapés.

Le rapporteur a ensuite développé la partie thématique de son rapport consacrée au rôle de l’entreprise comme vecteur privilégié de l’insertion professionnelle des jeunes, à partir de deux exemples : le contrat d’apprentissage et le contrat jeunes en entreprise ou soutien à l’emploi des jeunes en entreprise (SEJE).

Il paraît en effet essentiel de pouvoir traiter, de manière apaisée et non polémique, la question du chômage des jeunes. Certes, le taux de chômage des jeunes de moins de vingt-cinq ans, au sens du Bureau international du travail, a diminué d’août 2005 à août 2006 de 11,6 %, mais le taux de chômage de ces jeunes s’élevait encore à 21,6  %, comme on peut le constater régulièrement sur le terrain, ce qui reste beaucoup trop élevé.

Pourquoi avoir choisi l’entreprise comme sujet de réflexion ? Certes, récemment de nombreuses analyses ont convergé pour insister sur la situation des jeunes et en particulier la diversité des différents types de chômage, ce qui est important (diversité selon les niveaux de formation, les diplômes, les disciplines, l’environnement familial, etc.). Mais certaines études du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) ont aussi montré la nécessité de « se référer de façon centrale à l’entreprise » pour mettre en évidence que « les variables explicatives de l’insertion et des différences d’insertion entre les jeunes ne sont pas principalement ou en tout cas pas seulement de nature individuelle ». Plus encore, « la contribution des entreprises est tout à fait essentielle à (…) la mise en forme des trajectoires individuelles d’insertion professionnelle ». Les auteurs concluent : « La question de l’insertion devient alors celle de l’accès à des parcours et des emplois qualifiants (…) ».

Ce postulat étant établi, toute la question reste de savoir si l’entreprise est aujourd’hui à la hauteur de cette tâche et d’analyser précisément le rôle qui lui est dévolu. Il est vrai que certains jeunes peuvent présenter des lacunes en matière de savoirs de base ou comportementaux qui empêchent les employeurs de repérer leurs capacités, même si naturellement chaque jeune a des talents et qu’il convient de les mettre en valeur. De ce point de vue, les efforts accomplis par le gouvernement en faveur de la diversité doivent être salués. Du reste, l’entreprise est déjà le vecteur de l’insertion professionnelle des jeunes dans un certain nombre de cas.

L’étude de deux exemples montre en effet que tout est possible : l’apprentissage, voie traditionnelle par excellence du passage de l’état de jeune débutant à celui de jeune expérimenté ; le contrat jeunes en entreprise, qui remonte à 2002, contrat à durée indéterminée réservé à une classe d’âge et qui atteste aussi qu’il est possible d’inciter les entreprises à embaucher.

Les deux dispositifs ont en commun d’être de « vrais » contrats. Le contrat d’apprentissage est certes un contrat à durée déterminée et spécifique du fait de la place qu’il accorde à la formation mais en aucun cas il ne peut aller en deçà des garanties du droit commun du travail. La place de l’entreprise y est déterminante via le choix d’un maître d’apprentissage, responsable dans l’entreprise de la formation de l’apprenti. Récemment, l’amélioration du statut de l’apprenti par la loi de programmation pour la cohésion sociale est allée de pair avec le renforcement du rôle du maître d’apprentissage.

Le contrat jeunes en entreprise est aussi un vrai contrat de travail, et même un CDI « comme un autre », comme cela a été souligné par le rapporteur dans le rapport qu’il a présenté au nom de la commission sur le projet de loi créant ce contrat en 2002. Au fil des années, ce contrat a été perfectionné et étendu. Désormais, il s’adresse à tout jeune de 16 à 25 ans dont le niveau de formation est inférieur à celui d’un diplôme de fin de second cycle long de l’enseignement général, technologique ou professionnel, ou résidant en zone urbaine sensible, ou encore titulaire d’un contrat d’insertion dans la vie sociale (CIVIS).

À l’évidence, ces deux contrats – contrat d’apprentissage et contrat jeunes en entreprise – montrent que le jeune comme l’entreprise peuvent profiter des avantages du contrat en une logique que l’on peut qualifier de « gagnant-gagnant ».

Dans l’apprentissage, le jeune bénéficie d’une formation d’au minimum 400 heures dans l’année, aboutissant à une qualification reconnue par un diplôme. Il dispose depuis la loi de cohésion sociale d’un statut renforcé. Mais l’entreprise n’est pas en reste : elle bénéficie en effet d’exonérations sociales importantes, d’une indemnité compensatrice forfaitaire ainsi que, depuis la loi de programmation pour la cohésion sociale, d’un crédit d’impôt de 1 600 euros, voire de 2 200 euros. Il est vrai que l’entreprise est aussi dans une certaine mesure sollicitée, et c’est le cas avec l’article 61 du présent projet de loi de finances qui affecte à l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), à partir de 2007, la fraction de taxe d’apprentissage due par les entreprises de plus de 250 salariés. Les auditions réalisées par le rapporteur ont montré combien cette mesure soulève d’interrogations, en particulier auprès de ceux qui y voient d’une certaine manière un « détournement » des fonds de l’apprentissage.

Dans le contrat jeunes en entreprise, on retrouve le même double avantage, pour le jeune qui bénéficie d’un CDI, et pour l’entreprise qui bénéficie du soutien de l’Etat.

Au total, les résultats tant quantitatifs que qualitatifs sont plus qu’encourageants, puisqu’on dénombre 364 000 apprentis en 2004 et 381 000 en 2005. Plus encore, les flux d’entrée en apprentissage en 2005 et en 2006 sont en assez forte augmentation : + 9,5 % du premier semestre 2005 au premier semestre 2006. Le projet de loi de finances pour 2007 a établi une dotation budgétaire de 926,02 millions d’euros au profit de l’apprentissage, sur la base d’une hypothèse annuelle de flux d’entrée de 275 000 apprentis.

De même, le contrat jeunes en entreprise est un dispositif qui a eu un réel succès, puisque depuis 2002 on dénombre 293 843 entrées effectives dans le SEJE, les régions d’Ile-de-France, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur étant celles qui ont le plus mis en œuvre cette mesure. Au 30 juin 2006, 117 081 contrat jeunes en entreprise sont recensés.

On constate depuis 2002 que plus de la moitié des salariés qui bénéficient du SEJE (58,7 %) sont employés dans des établissements de moins de dix salariés. La construction, les hôtels et restaurants ainsi que le commerce de détail représentent les trois secteurs les plus dynamiques, puisque plus de la moitié des entrées en SEJE sont intervenues dans ces secteurs. Au total, 80 % des embauches se font à temps plein.

Ces deux contrats montrent qu’il est possible d’assigner à l’entreprise un rôle décisif en matière d’insertion professionnelle des jeunes. Il convient toutefois d’aller au-delà de ces deux exemples pour déterminer, de manière plus générale, dans quelles conditions l’entreprise peut devenir cet acteur privilégié du « droit pour tous d’être accompagnés vers l’emploi » qu’a évoqué récemment le Président de la République devant le Conseil économique et social, tant il est vrai que l’entreprise qui insère c’est une entreprise qui à la fois recrute, forme et accompagne le jeune.

Puis le rapporteur a évoqué un certain nombre de propositions figurant dans le rapport. Les propositions découlent notamment des auditions et de rapports récents sur la question de l’insertion professionnelle des jeunes, en particulier du rapport établi par la commission du débat national Université-Emploi présidée par M.  Patrick Hetzel. L’orientation est à l’évidence à la racine de beaucoup de maux. Pour cette raison, il apparaît souhaitable de réformer véritablement le système d’orientation et en particulier les centres d’information et d’orientation (CIO), en regroupant l’ensemble des structures existantes dans un nouveau service public de l’emploi. Il faut notamment évaluer la mission dévolue aux CIO, particulièrement pour ce qui concerne l’année qui suit la fin du parcours scolaire des élèves. En outre, de manière à assurer une meilleure adéquation entre formation des jeunes et besoins des entreprises, pourquoi ne pas créer un observatoire de l’insertion professionnelle et des débouchés, qui procèderait à un état des lieux de ces besoins filière par filière et région par région ? Il est en effet difficile, sur le terrain, de disposer de chiffres précis concernant l’emploi et l’insertion des jeunes.

Dans le même état d’esprit, il est nécessaire de prévoir que la dernière année effectuée dans l’enseignement supérieur soit systématiquement, ou le plus souvent, réalisée en alternance, avec conclusion d’un contrat de travail, qu’il s’agisse d’un contrat d’apprentissage ou d’un contrat de professionnalisation.

Une nouvelle possibilité existe depuis la loi du 21 avril 2006 sur l’accès à la vie active en entreprise, à savoir la possibilité de cumul d’un contrat de professionnalisation avec le dispositif du SEJE. Il semble qu’un effort de communication devrait être réalisé la concernant, car cette possibilité de cumul correspond à un véritable besoin des entreprises mais est encore trop méconnue. Trop peu nombreux sont en effet les contrats de professionnalisation conclus à durée indéterminée.

Il serait également essentiel de renforcer l’information dans les écoles, la formation et l’accompagnement des repreneurs d’entreprises, notamment en associant étroitement les cédants et les organisations professionnelles et en systématisant l’enseignement d’une véritable « culture de l’entreprenariat » dans les écoles en direction des jeunes.

Par ailleurs, le plan de la validation des acquis de l’expérience (VAE), annoncé cet été par le ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion professionnelle des jeunes, M. Gérard Larcher, doit être poursuivi notamment au bénéfice des personnes qui n’ont ni titre ni qualification, de manière à leur offrir une « seconde chance ». De même, il est important d’évaluer avant le 31 décembre 2006 l’impact des premières mesures, courageuses, en faveur de l’encadrement de la pratique des stages, de manière à déterminer si le comportement des entreprises et des jeunes a changé.

Pour ce qui concerne le développement de la formation en alternance, il pourrait être créé une « école de l’employabilité », par l’institution d’un sas de formation générale complémentaire destiné à permettre aux apprentis qui le souhaitent de poursuivre leurs études tout en restant dans la voie de l’apprentissage. Cette voie pourrait ainsi permettre aux jeunes d’acquérir des qualifications complémentaires. Il serait en outre opportun d’étendre, au moins en partie, le dispositif d’allègements de charges sociales applicable aujourd’hui en matière d’apprentissage au profit des employeurs embauchant un apprenti en contrat à durée indéterminée, dans des conditions restant à déterminer, conformément à une proposition déjà faite il y a quelques années, mais non suivie d’effet.

Pourquoi enfin ne pas élaborer une charte de l’entrepreneur solidaire, qui favoriserait une implication concrète des entreprises, en prônant un certain nombre d’engagements relatifs à la nomination d’un référent spécialisé dans l’insertion, la professionnalisation du tutorat ou encore le développement du parrainage ?

On peut rappeler en conclusion que l’économiste Joseph-Alloïs Schumpeter, dans son ouvrage majeur intitulé « Capitalisme, socialisme et démocratie », publié en 1942, a démontré que l’entreprise est le lieu de « l’exécution de nouvelles combinaisons ». Exécuter de nouvelles combinaisons plutôt que systématiquement créer de nouveaux dispositifs, au profit de la sécurité juridique, c’est là une véritable innovation et peut-être une idée neuve pour lutter contre le chômage des jeunes. Un des thèmes récurrents lors des auditions a en effet été la nécessité d’éviter la prolifération des textes et des statuts législatifs pour privilégier un cadre juridique stable au profit de l’entreprise et d’évaluer les dispositifs existants.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a remercié le rapporteur et souligné la pertinence de ses treize propositions en espérant qu’elles ne resteront pas lettres mortes et qu’elles contribueront à accélérer la baisse du chômage.

M. Jean-Marie Geveaux a félicité à son tour le rapporteur pour son exposé complet, concis et enthousiaste. Il faut tout d’abord saluer les mesures proposées par le gouvernement dans le projet de budget, car l’effort dans ce domaine traduit la volonté de poursuivre activement la politique de lutte contre le chômage, politique qui produit déjà des résultats. Sur l’ensemble de la politique de l’emploi, une réserve s’impose néanmoins face à la multiplication des dispositifs ajoutés par les gouvernements successifs, qui ne prennent pas toujours la précaution d’évaluer l’existant.

Concernant le rôle des entreprises dans la formation des jeunes, il faudrait revenir sur une proposition souvent évoquée, à savoir confier aux salariés proches de la retraite la mission d’accompagner les jeunes, solution qui présenterait l’avantage, dans le même temps, de prolonger la présence des seniors dans l’entreprise.

Une question se pose aussi au sujet des travailleurs handicapés aujourd’hui : quelle est l’évolution de leur intégration professionnelle tant dans le secteur privé que dans les administrations ?

On ne peut que se féliciter du développement de l’apprentissage et il faut persévérer dans cette voie en étendant celui-ci à la préparation à des professions comme celles d’ingénieur et non seulement aux formations préalables à l’obtention du certificat d’aptitudes professionnelles (CAP) ou du brevet d’études professionnelles (BEP). Il faut noter que le passage aux trente-cinq heures a freiné l’embauche des apprentis, le temps à leur consacrer étant réduit dans les entreprises.

Certains exemples étrangers, notamment ceux de l’Espagne et dans une moindre mesure de l’Allemagne, montrent la voie en ce qui concerne l’enseignement supérieur, car dans ces pays les jeunes doivent effectuer un passage d’une année ou deux en entreprise avant de commencer leurs études. Il serait intéressant d’avoir en France une discussion avec le patronat sur ce point.

Les centres d’information et d’orientation (CIO) ne fonctionnent certes pas très bien, mais il ne faut pas oublier que certains relèvent de la gestion des départements et que c’est à ce niveau qu’il convient d’agir également pour améliorer leur fonctionnement et les rendre plus créatifs.

Mme Martine Billard a appuyé les remarques précédentes sur la prolifération législative, soulignant que personne ne peut suivre les changements constants imposés par le législateur ou le gouvernement, pas même les structures concernées. Par ailleurs, la multiplication des statuts particuliers entraîne parallèlement celle des exclus qui ne rentrent dans aucun de ces statuts.

Les exonérations de charges sociales pour les entreprises sont très coûteuses et très peu efficaces car elles ne permettent pas des actions ciblées sur des entreprises particulières ou exerçant des activités spécifiques. Une exonération générale et indifférenciée ne peut produire que des résultats médiocres. Pour ce qui est des chiffres sur la baisse du chômage, il faudrait savoir s’ils ne sont pas associés à une augmentation parallèle du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI).

S’agissant des ruptures anticipées des contrats jeunes en entreprise, il serait intéressant de savoir à l’initiative de qui ces ruptures se produisent et combien de jeunes sont finalement recrutés définitivement. On peut se demander, en effet, si les entreprises n’embauchent pas de nouveaux jeunes dans le seul but de profiter des dispositifs aidés, par un effet d’aubaine.

Le problème de l’échec de nombreux jeunes dans le premier cycle à l’université s’explique en très grande partie par le fait que ceux-ci n’ont pas obtenu de place dans un institut universitaire de technologie (IUT) ou dans une section de technicien supérieur (STS). Ces jeunes s’inscrivent à l’université par défaut et il est hypocrite de s’étonner ensuite de leur échec. Il conviendrait donc d’augmenter le nombre de places dans les filières courtes et professionnalisantes.

À l’inverse, on ne peut pas mettre en œuvre des formations en alternance dans toutes les disciplines, comme semble le préconiser le rapporteur. Par exemple, ce serait inadapté dans la filière des lettres classiques, et il faut donc trouver de meilleures formules.

La question du développement de l’inspection du travail est très préoccupante en raison de la difficulté de la tâche qui consiste aujourd’hui à faire appliquer les lois dans les entreprises ainsi que du manque chronique d’inspecteurs et de contrôleurs du travail. Le rapporteur pourrait-il apporter quelques précisions à ce propos ?

Enfin, l’accès des demandeurs d’emploi aux organismes de placement est devenu très complexe, notamment à Paris, dans la mesure où il est subordonné à un passage par les Assedics avant l’orientation vers l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Cette situation génère des coûts et se révèle peu efficace. De surcroît, la spécialisation par domaine professionnel des agences pour l’emploi est sans doute une bonne chose pour les personnes exerçant un métier bien défini, mais les personnes les moins qualifiées sont renvoyées d’une agence à l’autre, ce qui engendre fatigue et découragement. Un bilan de ces modes de fonctionnement serait nécessaire, en particulier pour savoir s’ils prévalent dans d’autres villes que Paris.

Mme Catherine Génisson a protesté à son tour contre l’inflation législative et a ajouté que l’alternance politique qui conduit, pour des raisons idéologiques, à remettre en cause tout ce qui a été mis en place auparavant finit par se révéler contreproductive : la baisse du chômage, dont on se félicite aujourd’hui, aurait sans doute été plus importante et plus rapide si l’actuelle majorité n’avait pas commencé par supprimer tous les contrats aidés qu’il a fallu réintroduire ensuite.

Les exonérations de charges sociales doivent être utilisées avec précaution, comme le montre l’exemple du secteur de la restauration, dans lequel 40 000 créations d’emplois avaient été annoncées alors qu’on en compte à peine 15 000 finalement. Il faut en outre mettre en regard la baisse du chômage et l’augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI).

On ne peut qu’approuver le rapporteur lorsqu’il insiste sur le rôle des entreprises dans la formation des jeunes, mais ces derniers se plaignent souvent de la difficulté à trouver un contrat de travail adapté et, partant, de l’impossibilité à s’inscrire dans une formation en alternance.

L’avant-dernière proposition du rapporteur, selon laquelle la dernière année d’études devrait être effectuée obligatoirement en alternance, est intéressante mais ne pourra sans doute pas être systématisée. Le problème le plus préoccupant reste l’orientation des jeunes et en particulier des filles. On peut être d’accord avec la proposition de création d’un observatoire de l’insertion, à condition que cette mesure soit associée à la mise en place de passerelles entre les différentes formations, afin d’éviter que les jeunes ne reçoivent une formation trop spécialisée et trop « formatée ». Enfin, la proposition relative au développement de la validation des acquis de l’expérience (VAE) va dans le bon sens, sous réserve que soient introduites des simplifications dans les procédures.

M. Jean Luc Préel a tout d’abord félicité le rapporteur pour l’enthousiasme et la conviction avec lesquels il a présenté son avis. Effectivement, le chômage des jeunes et le contrat d’apprentissage constituent des thèmes majeurs de la politique de l’emploi. Il reste à espérer que les propositions formulées dans le rapport pourront être prises en compte par le gouvernement.

Concernant la question de l’orientation et de la formation, il convient en effet de mettre en adéquation les souhaits des jeunes et les besoins du pays.

Naturellement, on ne peut que se féliciter de la baisse du chômage. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci s’explique en partie par le départ en retraite anticipée de plus de 300 000 salariés, élément qui a un impact très négatif sur la branche vieillesse de la sécurité sociale dont le déficit dépasse cette année 3 milliards d’euros.

Concernant la politique d’exonération de cotisations sociales également mise en œuvre pour lutter contre le chômage, on ne peut oublier qu’elle a un prix très élevé, chiffré aujourd’hui à 25 milliards d’euros, pour des résultats incertains comme a eu l’occasion de le mettre en évidence la Cour des comptes.

En outre, l’impact de cette politique sur la protection sociale est d’autant plus important que 2,6 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales ne sont pas compensés par l’Etat et viennent ainsi alimenter le déficit des caisses de sécurité sociale. Il n’est pas admissible que l’Etat finance sa politique de l’emploi au détriment des régimes de la protection sociale. En principe, la loi impose la compensation de telles mesures ; dans les faits, il en va autrement, comme le montrent par exemple les dispositions de l’article 21 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qui institue de nouveaux cas d’absence de compensation.

Pour éviter de telles dérives, il serait donc souhaitable de revoir le mode de financement de la protection sociale avec la mise en place d’un système alliant cotisation sociale généralisée (CSG) et taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sociale, système qui permettrait une baisse des cotisations et donc une augmentation des salaires nets, favorisant ainsi l’accroissement du pouvoir d’achat.

Enfin, s’agissant de l’objectif de 300 maisons de l’emploi fin 2007, le dispositif va certes dans le bon sens, mais se borne à juxtaposer, dans un même lieu, Assedic et Agence nationale pour l’emploi (ANPE). Or à l’origine, c’est bien un projet de fusion des deux administrations qui était envisagé, en dépit de difficultés statutaires réelles qui peuvent se poser.

En réponse aux intervenants, le rapporteur, après s’être félicité de cet ensemble de réflexions, a apporté les éléments de réponse suivants :

– La diminution du taux de chômage, qui atteint désormais 8,8 %, après la plus forte baisse, en cinq ans, sur une période de vingt mois, démontre que les politiques en faveur de l’emploi mises en place par le gouvernement portent leurs fruits. De plus, on constate, en particulier sur le terrain, que la diminution du nombre des demandeurs d’emplois ne s’est pas traduite par une augmentation du nombre des bénéficiaires du revenu minimum d’insertion (RMI). Globalement, la situation s’améliore. On en voit d’ailleurs les effets sur le régime d’assurance chômage qui passe d’un déficit de 3,2 milliards d’euros en 2005 à un excédent prévu de 300 millions d’euros en 2006, conséquence d’une diminution de 10,1 % du nombre de demandeurs d’emploi indemnisés entre septembre 2005 et septembre 2006. La question de l’insertion n’en demeure pas moins une réalité.

– Concernant l’emploi des personnes handicapées, bien qu’une loi ait été adoptée en 2005, les décrets d’application ont en grande partie été publiés au cours de l’année 2006, et il est un peu tôt pour disposer de chiffres permettant un réel bilan. Force est de constater que les entreprises, comme l’administration, appliquent encore très timidement les mesures adoptées.

– Dans le cadre de la mise en œuvre du plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail, 660 emplois supplémentaires d’inspecteurs et de contrôleurs du travail viendront, entre 2007 et 2010, renforcer cette inspection. Dès 2007, cette administration disposera de 200 emplois supplémentaires (120 contrôleurs du travail, 70 inspecteurs et 10 médecins et ingénieurs).

– S’agissant du bilan que l’on peut faire du contrat jeunes en entreprise, il convient de relever que depuis le début de la mise en œuvre de cette mesure, 175 512 sorties ont été comptabilisées. Au 30 juin 2006, le nombre des bénéficiaires était de 117 081. La majorité des sorties (environ la moitié de l’ensemble des entrées) sont le fait d’une rupture du contrat avant l’échéance des trois ans. Les rupture de contrat s’expliquent essentiellement pour deux motifs : dans 61,5 % des cas, la démission ; dans 13 % des cas, l’existence d’une faute grave ou faute lourde.

– Il existe un réel engouement des étudiants de l’enseignement supérieur pour les stages en entreprise. Il n’y a pas de raison que les étudiants en sciences humaines et sociales ne puissent pas, eux aussi, effectuer des stages en entreprise. L’une des difficultés rencontrées par ces étudiants pour trouver un emploi réside précisément dans l’existence d’une séparation trop importante entre les entreprises et ces filières.

Mme Catherine Génisson a estimé que les propos du rapporteur témoignent d’une vision assez idéaliste et, tout en soulignant qu’une fois n’est pas coutume, a décidé de prendre la défense des entreprises. Le stage en entreprise doit en effet être l’occasion d’un échange entre le jeune et la société privée. Si le jeune concerné ne voit pas l’intérêt de sa présence dans l’entreprise, le stage n’a pas de réelle utilité ; or les stages constituent une charge non négligeable pour les entreprises en termes de formation.

Mme Martine Billard a ajouté que les propos du rapporteur révèlent une vision presque « maoïste » de la société…

Le rapporteur a ensuite poursuivi ses réponses aux différentes interventions en indiquant que d’ici la fin de l’année 2007, 300 maisons de l’emploi seront en place. Leur vocation est de regrouper sous un même toit des organismes qui ne travaillaient pas en collaboration jusqu’ici. Cette nouvelle dynamique commune doit apporter des améliorations concrètes dans trois domaines essentiels : l’observation, l’anticipation et l’adaptation aux territoires ; l’accès et le retour à l’emploi ; le développement de l’emploi et la création d’entreprise. Dans les territoires où les maisons de l’emploi sont déjà opérationnelles, on constate d’ores et déjà une nette amélioration du taux de retour à l’emploi, qui démontre la réussite du dispositif. L’exemple de la maison de l’emploi du Grand-Nancy, inaugurée par le ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement le 20 octobre dernier, maison dans laquelle 103 personnes travaillent désormais ensemble, est significatif de l’évolution de l’administration du travail vers un accueil plus personnalisé des demandeurs d’emploi, grâce à un travail commun des services de l’ANPE, des Assedic, de la mission locale et des collectivités locales.

Conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2007 de la mission « Travail et emploi ».

*

La commission a ensuite examiné pour avis, sur le rapport de M. Patrick Beaudouin, les crédits pour 2007 de la mission « Solidarité et intégration », à l’exception du programme « handicap et dépendance » qui fait l’objet d’un rapport spécifique.

M. Patrick Beaudouin, rapporteur, a indiqué que les crédits de cette mission correspondent à sept programmes de poids très inégal. Le programme le plus doté sera le programme « Handicap et dépendance » qui représente 8 milliards d’euros, soit les deux tiers de la mission « Solidarité et intégration », programme qui fait l’objet d’un avis présenté par M. Gérard Cherpion. Le nombre de membres de gouvernement impliqués dans les actions de cette mission rend compte de l’importance de la coordination interministérielle que cela implique.

Puis le rapporteur a précisé qu’il ferait un tour d’horizon des crédits avant d’aborder en seconde partie du rapport du rapport le thème particulier de l’hébergement d’urgence, à travers l’analyse de l’action n° 2 du programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des plus vulnérables ».

Au sein du programme « Accueil des étrangers et intégration », les crédits affectés aux rapatriés resteront à un niveau élevé en 2007, afin de poursuivre la mise en œuvre de la loi du 23 février 2005. L’effort, depuis deux ans, est considérable : 22 millions d’euros en 2005, mais 176 millions en 2006 et 168 millions en 2007.

Concernant l’accueil des étrangers, l’évolution des crédits est le fruit de plusieurs années de réformes. La diminution des crédits d’accueil pour les demandeurs d’asile était attendue : en effet, elle traduit la réussite de la réforme engagée depuis 2003, qui visait notamment à faire de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le « guichet unique » d’examen des demandes en remplaçant l’« asile territorial » par la « protection subsidiaire » et à introduire la notion de « pays d’origine sûr » pour rejeter en amont les demandes abusives. La rationalisation du dispositif vise à rendre les procédures d’accueil plus digne mais aussi plus efficaces. C’est pourquoi les moyens de l’OFPRA et de la commission des recours des réfugiés ont été renforcés. Il faut également signaler un effort important sur les places en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA) : 5 000 seront créées sur la période 2005-2007.

Le remplacement de l’allocation d’insertion par l’allocation temporaire d’attente (ATA) s’est effectué quant à lui dans le strict respect des critères européens. L’ATA est plus strictement conditionnée : les bénéficiaires ne doivent pas être hébergés au moment où ils la touchent et ils ne doivent pas avoir refusé un hébergement en CADA. Les baisses de crédits s’expliquent par la très forte baisse de demandeurs d’asile depuis 2005 (baisse de 25 % de dépôt de dossiers au premier semestre 2005) et par l’augmentation des places d’hébergement en CADA.

S’agissant de l’intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement, l’année 2006 est celle de la généralisation du contrat d'accueil et d'intégration, dont la signature a été rendue obligatoire par la loi relative à l’immigration et à l’intégration (90 % des migrants y souscrivaient déjà). Les structures administratives concernant l'intégration des étrangers autorisés à séjourner durablement sur notre territoire ont été clarifiées et leurs compétences mieux réparties. L’Agence nationale de l’accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) s’oriente vers l’accueil, tandis que l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances (ANCSEC) assure l’égalité des chances. L’ANCSEC, qui reprend les compétences et les moyens du Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) ainsi que la plupart de ses personnels, aura quatre missions : soutenir les actions en faveur des quartiers prioritaires, participer à la lutte contre les discriminations, contribuer à la lutte contre l’illettrisme, mettre en œuvre le service civil volontaire.

Les moyens de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (HALDE) seront en augmentation de 8,4 % en 2007 afin de permettre un renforcement de ses personnels ; 45 % des dossiers déposés concernent des cas de discriminations dans l’emploi.

La plus grande part des crédits du programme « Actions en faveur des familles vulnérables » est consacrée au financement de l'allocation de parent isolé (API). Le présent projet de loi de finances modifie, par ses articles 55 et 56, le régime légal de l’API. Il s’agit de mesures techniques d’alignement, qui s’insèrent dans l’option générale de rapprochement des différents minima sociaux, à l’instar des rapports récents de plusieurs sénateurs : Mme Valérie Létard, MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt.

L’article 56 met en œuvre un principe de subsidiarité de l’API par rapport à l’allocation de soutien familial : l’API ne pourra être versée qu’après que le bénéficiaire aura fait valoir ses droits à toute autre prestation sociale (sauf le RMI). En réalité, il s’agit de rendre obligatoire une démarche de clarification qui existait déjà et qui ne change rien pour le bénéficiaire en termes de montant. L’article 55 aligne le forfait logement imputé sur l’API sur celui pris en compte pour la détermination du RMI. On notera que, sur le dispositif de l’API, un audit de modernisation, mené par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l’Inspection générale des finances (IGF), est en cours.

S’agissant de la protection maladie, la couverture maladie universelle et l’aide médicale d’Etat voient leurs dépenses maîtrisées.

Il est enfin proposé de reconduire en 2006 les moyens regroupés dans le programme « Egalité des hommes et des femmes » à hauteur de 28 millions d’euros, ces moyens correspondant en grande partie au financement du fonctionnement des services des droits des femmes et de l’égalité. L’identification de ce programme répond à la recommandation de « gender budgeting » faite par l’Union européenne. Les deux chantiers législatifs importants que sont la loi relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes et la loi sur la lutte contre les violences au sein du couple ont peu d’incidence budgétaire.

Concernant l’hébergement d’urgence et d’insertion, il faut souligner que la distribution de tentes par Médecins du Monde, durant l’été 2006, a inscrit la question de l’urgence à l’agenda médiatique de façon spectaculaire. Cet épisode ne doit cependant pas masquer, sous la rhétorique de la nouveauté, l’émergence d’une véritable politique publique articulée autour du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI). Dans ce domaine, l’Etat, pour des raisons d’ordre public et social élémentaires, est un acteur essentiel en tant que financeur des nombreux intervenants, mais aussi comme coordinateur du secteur de l’urgence sociale. Il faut également souligner l’action des associations, qui, avec l’aide de nombreux bénévoles et des travailleurs sociaux, font un travail remarquable.

Les crédits consacrés à l’hébergement d’urgence permettent d’offrir environ 100 000 places d'accueil aux personnes les plus démunies, dont :

– environ 10 000 places de nuitées d’hôtel à l’année,

– 12 000 places en centre d’hébergement d’urgence (CHU),

– 31 000 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS),

– 4 400 places en maisons-relais,

– 19 000 places conventionnées allocation de logement temporaire (ALT),

– 20 000 en centre d’accueil des demandeurs d’asile (CADA),

– 948 places en centre provisoire d’hébergement (CPH) pour les personnes ayant obtenu le statut de réfugié.

Le gouvernement s’est engagé, en proposant un renforcement et une diversification du dispositif, vers une prise en charge dynamique.

Cette politique volontariste repose aujourd’hui sur quatre piliers : le plan de cohésion sociale, le plan triennal 2007-2009 de renforcement et d’amélioration des dispositifs d’hébergement d’urgence, le plan hiver – dispositif à trois niveaux – et le rapport remis en août 2006 par Mme Agnès de Fleurieu et M. Laurent Chambaud. Suite à ce rapport, les dispositifs d’hébergement d’urgence ont été renforcés avec l’expérimentation, depuis le mois de septembre, de nouvelles structures d’hébergement de « stabilisation » ouvertes en continu ; 1 100 places devraient être créées d’ici la fin de l’année 2007 afin de conforter la démarche, engagée en 2006, en faveur d'une réinsertion durable.

Fruit de la réunion du comité interministériel de lutte contre l’exclusion (CILE) du 12 mai 2006, le plan triennal 2007-2009 de renforcement et d'amélioration des dispositifs d'hébergement d'urgence prévoit :

– l’ouverture de 5 000 places d'hébergement à l'année, et non plus pour la seule période hivernale (il s’agit donc de l’annualisation de places de niveau 1 du Plan Hiver) ; sur ce point, le projet de loi de finances pour 2007 financera la création de 2 000 places qui s'ajouteront aux 500 places déjà créées en 2006 ;

– la transformation de 3 000 places d’hébergement d’urgence en places de centres d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), dont 1 000 seront créées dès 2007 ;

– la création de 3 000 places financées au titre de l’ALT ;

– le renforcement de la veille sociale et des équipes mobiles avec la création de 80 postes dès 2007.

A ce plan exceptionnel s’ajoute la poursuite de la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale, qui prévoit en 2007 la création de 1 500 places nouvelles dans les maisons-relais et de 600 places en CHRS, dont 100 au titre du « plan de rattrapage » pour les départements d’outre-mer.

On doit rappeler aussi, en termes de possibilité de sortie vers le logement de droit commun, l’action issue de l’Engagement national pour le logement qui programme, en plus des efforts considérables menés depuis 2002, une offre nouvelle de 250 000 logements sociaux et la réhabilitation de 400 000 autres.

Malgré cette politique très volontariste et exemplaire de la part du gouvernement, le constat est celui d’un dispositif d’hébergement qui reste embolisé, en particulier au niveau des CHRS. Pourtant, comme l’a souligné l’INSEE, le nombre de sans-domicile est évalué à environ 86 000 personnes. Avec une capacité approchant les 100 000 places, le dispositif financé par l’Etat paraît répondre aux besoins en termes strictement quantitatifs. Plus qu’en terme d’offre quantitative, la question se pose donc très largement en terme de flux au sein du dispositif d’urgence.

De ce point de vue, il y a tout d’abord un problème de public. Selon l’IGAS, les personnes en situation de « rupture récente » ne représenteraient que 15 à 20 % des personnes qui sont accueillies ; 20 % de personnes hébergées le sont depuis six mois et un tiers depuis un à six mois. On remarque, parmi ces personnes, une abondance de « travailleurs pauvres », qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un rapport conjoint de M. Xavier Emmanuelli, président fondateur du Samu social de Paris, et de M. Bertrand Landrieu, préfet d’Ile-de-France. A la sortie, un tiers des personnes hébergées se retrouvent à la rue et seules 24 % accèdent à un logement de droit commun.

La hausse du nombre de déboutés du droit d’asile est un autre facteur d’embolie signalé par les associations, cette hausse étant due à l’amélioration des procédures de l’OFPRA et de la commission des recours des réfugiés. Ces personnes sont en particulier les principales bénéficiaires de la dizaine de milliers de lits d’hôtel financés à Paris

Le problème des personnes souffrant d’une pathologie psychiatrique qui se retrouvent dans les centres d’hébergement, faute de pouvoir être hébergées dans les structures ad hoc, ne doit pas être occulté. Deux autres évolutions se révèlent problématique : la présence accrue des jeunes errants et le vieillissement d’une frange des SDF (pour qui 300 places spécifiques vont d’ailleurs être ouvertes).

Ces chiffres signalent que l’urgence revêt, paradoxalement, un caractère permanent. Le système tourne en circuit fermé : les personnes sont réorientées vers la rue et le 115 (numéro vert du Samu social de Paris), et se maintiennent ainsi dans l’urgence en circulant de centre en centre, sans pouvoir entreprendre de démarche de réinsertion et s’inscrire dans une dynamique de flux. Il faut donc mettre en place une offre dynamique, plus diversifiée et plus orientée vers l’insertion dans la durée et vers la sortie par le haut, en un mot, la personnalisation du parcours.

L’intervention de l’Etat dans le domaine de l’urgence sociale doit faire face à plusieurs paradoxes :

– une situation de principal financeur mais avec un budget en décalage offrant peu de visibilité, tant pour les services de l’Etat que pour les acteurs associatifs ;

– une nécessité d’agir à la carte, tout en promouvant un travail de mise en cohérence et en réseau des différents acteurs ;

– enfin, la nécessité, au-delà des indicateurs budgétaires, de mettre en œuvre des indicateurs de résultats « plus humains » et susceptibles de tenter de mesurer la réinsertion des personnes les plus vulnérables.

Pour résoudre ces paradoxes, malgré l’engagement fort de l’Etat et des associations depuis des années, et permettre à cette politique publique naissante d’avoir une cohérence forte, il est nécessaire de mettre en place un pilotage du système, dans le respect de ses acteurs.

Tout d’abord, l’Etat doit trouver une solution au sous-calibrage initial chronique des lignes budgétaires « hébergement d’urgence » qui lèse tant les services de l’Etat que les associations. Ainsi, en 2005, un décret d’avances de 64 millions d’euros a abondé les moyens en cours de gestion. Il serait souhaitable que le projet de loi de finances pour 2007 soit le point de départ d’un rebasage budgétaire et que le recours aux décrets d’avance ne soit plus nécessaire dans les années qui viennent. Il s’agit ensuite de parler le même langage. Dans cette optique, le gouvernement a mis en place le référentiel national des prestations du dispositif d’accueil, d’hébergement et d’insertion (AHI), publié en mars 2005, qui a permis de donner un cadrage et une sémantique commune à l’ensemble des acteurs du secteur de l’urgence sociale.

Mme Catherine Vautrin a souhaité, dans le cadre du plan d’action pour les CHRS du 10 mars 2005, que soit encouragée la passation de contrats d’objectifs et de moyens. Une circulaire du 20 juillet 2006 de la direction générale de l’action sociale a précisé les règles applicables. Le secteur gagnerait à adopter plus largement cette culture d’objectifs.

Une réflexion sur les indicateurs doit également être menée. Actuellement, cette démarche en est à ses débuts. Trois familles d’indicateurs budgétaires concernent particulièrement les personnes en grande difficulté : il s’agit de ceux liés aux objectifs n°s 7, 8 et 9. Ces indicateurs concernent majoritairement la gestion des politiques. Mais il faudrait aller vers des indicateurs plus nombreux concernant le public accueilli. Il ne faut cependant pas ignorer la difficulté d’un tel exercice. En effet, dans l’urgence, il y a une part de réponse à l’imprévu, difficilement mesurable. Par ailleurs, le degré à partir duquel on peut parler d’insertion est variable. Elle ne peut se mesurer uniquement en termes d’accès au droit commun (logement et emploi), les enjeux de réinsertion pour les personnes en grande difficulté sont tout autres : il s’agit du retour à un état de santé acceptable et du rétablissement d’une capacité à vivre en communauté.

Un cadre conventionnel existe désormais sur la coordination des interventions : les établissements médicaux sociaux sont invités, à l’article L. 312-7 du code de l’action sociale et des familles à s’engager dans des démarches coopératives. On pourrait imaginer les plateformes de l’insertion, sur le modèle des maisons du handicap et les maisons de l’emploi, et en lien avec ces dernières.

Il convient d’aller vers une coordination et une coopération plus étroites, mais en veillant à laisser à chaque association la possibilité de garder sa propre culture, souvent fruit de l’histoire. Car l’urgence ce sont autant de réponses qu’il y a d’individus, tant les trajectoires d’exclusion sont diverses. A ce titre, la limitation stricte de la durée des séjours dans les places d’urgence est l’une des règles la plus unanimement critiquée et d’ailleurs peu appliquée. Or, diversifier l’offre, c’est pouvoir prendre en charge « à la carte », et donc dans la durée quand cela s’avère nécessaire afin de ne pas relancer en permanence les personnes accueillies dans le cycle de l’urgence « fermée ».

Deux vecteurs doivent faire l’objet d’une attention particulière en vue de l’accès au droit commun. Le premier est la domiciliation. Il conviendrait d’accorder un financement aux associations qui s’occupent de la domiciliation et qui épaulent, en cela, les centres communaux d’action sociale (CCAS) ; la proposition d’un agrément unique, faite par l’Union nationale des CCAS (UNCCAS) doit aussi être saluée. En outre, le recours aux baux glissants devrait être encouragé. Cette procédure offre la possibilité à une personne en difficulté d’accéder à un logement ordinaire (dans le parc public ou dans le parc privé) par le biais d'une sous-location avec accompagnement social pendant une durée déterminée avant de faire passer (« glisser ») le bail à son nom. De ce point de vue, le bail glissant permet d’accompagner les plus vulnérables vers leur autonomie dans le logement.

En conclusion, le rapporteur a souhaité que la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a salué la qualité du rapport et l’intérêt du choix du thème. Il convient de se féliciter de ce dispositif encore renforcé et diversifié, tout en insistant sur la nécessité d’une prise en charge dans la durée.

Mme Martine Billard a félicité le rapporteur pour la qualité de ses propositions. Les réflexions dans ce domaine avancent et l’idée absurde selon laquelle il suffirait de prendre en charge les personnes pendant l’hiver et pas l’été s’efface peu à peu.

Les personnes qui vivent en camping mériteraient une réflexion particulière car aujourd’hui elles ne sont pas dans le périmètre du dispositif d’insertion. Or il ne s’agit pas d’une solution de logement viable sur le long terme. En particulier, ces personnes ont des problèmes de domiciliation, donc d’accès aux droits.

M. Georges Colombier, président, a évoqué le problème des personnes qui vivent dans des campings qui ne sont ouverts que de manière saisonnière. Au mois d’octobre, ces personnes se retrouvent elles aussi à la rue.

Mme Martine Billard a indiqué qu’il conviendrait de disposer d’une étude exhaustive sur ce sujet, afin d’envisager des solutions de relogement. La proposition d’agrément unique de domiciliation, émise par le rapporteur, est une bonne proposition. Dans ce domaine, les personnes hébergées à titre gracieux constituent une autre catégorie de public concernée puisqu’elles ne peuvent pas toujours être domiciliées à leur adresse d’hébergement. Enfin, il convient également de souligner que, dans certaines régions, la domiciliation est problématique lorsque la seule association agréée est de nature religieuse, ce qui peut heurter certaines personnes.

S’agissant des jeunes à la rue, des mesures spécifiques devraient être mises en place. En effet, on sait que ce type de public est plus facilement « réinsérable », tout comme d’ailleurs les femmes qui se retrouvent à la rue après un divorce. Pour ces deux types de publics, qui rechignent à être hébergés dans des structures énormes d’hébergement, il conviendrait d’inventer des solutions novatrices.

Les places d’hôtel constituent un gâchis financier incroyable et ne sont d’ailleurs pas uniquement occupées par des personnes déboutées du droit d’asile. Des étrangers en situation régulière et des Français y vivent, dans des conditions souvent indignes. L’expérience anglaise des baux glissants mérite d’être étudiée et les éventuels blocages législatifs levés. Une expérience intéressante est en cours à Paris : la mise à disposition de bagageries pour les sans domicile fixe. Ce dispositif leur permet de poser leurs affaires avant d’aller effectuer des démarches administratives ou chercher du travail et leur évite ainsi une trop grande stigmatisation.

En réponse, le rapporteur a souligné que la difficulté pour le dispositif en place, c’est de gérer la contradiction d’une urgence devenue permanente. Cependant, il est incontestable que l’on assiste à la structuration et la coordination progressives d’une véritable politique publique. Dans ce cadre, les acteurs se découvrent mutuellement.

L’hébergement en hôtel constitue une réponse que tous critiquent, mais dont le seul mérite est d’être la plus rapide par rapport à des besoins massifs. L’objectif est certainement de trouver le moyen de transférer les crédits consommés en nuitées d’hôtel vers le financement de structures de prise en charge à moyen et long terme.

Le fait est que le public des sans domicile fixe est extrêmement divers. Il faut effectivement prendre en compte les personnes hébergées en camping, les jeunes, les femmes isolées… Cette diversité justifie que l’on procède par expérimentation, et c’est ce qui se fait, par exemple avec la mise en place de bagageries ou d’accueils pour les animaux de compagnie.

Il serait également intéressant de s’inspirer des expériences étrangères. A Londres, par exemple, des résultats intéressants sont obtenus grâce à une coopération importante avec les pays étrangers pour favoriser la réinstallation des personnes qui en sont originaires.

En conclusion, on ne saluera jamais assez le dévouement des associations. Mais il faut savoir sortir de l’urgence ; tout ce qui va vers « la sortie par le haut », vers l’accès au droit commun, doit être favorisé.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur sur les crédits des programmes « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », « Accueil des étrangers et intégration », « Actions en faveur des familles vulnérables », « Protection maladie », « Egalité entre les hommes et les femmes » et « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » et a donné un avis favorable à l’adoption des crédits pour 2007 de la mission « Solidarité et intégration ».

*

Enfin, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné pour avis, sur le rapport de M. Gilles Artigues, les crédits pour 2007 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative. »

M. Gilles Artigues, rapporteur, a indiqué en premier lieu que les crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative inscrits dans le projet de loi de finances pour 2007 correspondent à ceux de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Ils s’élèvent à 780,30 millions d’euros pour les crédits de paiement et 759,41  millions d’euros pour les autorisations d’engagement. Au total, les moyens consolidés qui seront mis au service des politiques conduites par le ministère dans ses trois secteurs d’intervention en 2007 s’élèvent donc à 1 016 millions d’euros, soit une hausse de 4,87 % par rapport à 2006. La part du budget consolidé du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative dans le budget de l’État s’élèvera donc à 0,38  %. On peut se féliciter de cette augmentation des crédits tout en soulignant que leur part au sein du budget de l’État demeure très éloigné du taux de 1 % pour lequel militait, notamment, le regretté Edouard Landrain.

Le rapporteur a précisé qu’il présentait tout d’abord les principales actions que le ministère entend conduire en 2007 au travers des trois programmes dont il a la charge, et porterait ensuite une attention particulière aux différentes filières d’accès aux métiers du sport qui coexistent au sein du système de formation français, afin d’en évaluer l’éventuelle complémentarité et de déterminer leur degré d’adéquation au marché du travail.

La première ligne de force à souligner dans ce budget, c’est l’augmentation des crédits qui permet d’atteindre le niveau symbolique du milliard d’euros. Le dernier exercice budgétaire de la XIIè législature est marqué par le franchissement de la barrière symbolique du milliard d’euros consacré à la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et au Centre national pour le développement du sport (CNDS). Cette augmentation concerne l’ensemble des actions menées par le ministère, aussi bien en faveur du sport de masse que du sport de haut niveau, mais également en direction de la jeunesse et de la vie associative. Les programmes « Sport », « Jeunesse et vie associative » et « Conduite et pilotage de la politique du sport, de la jeunesse et de la vie associative » augmentent respectivement de 2,3 %, 1 % et 4,1 %.

Le programme national de développement du sport (PNDS), qui vise à donner un nouvel élan à la pratique sportive en perpétuant l’espoir né du projet « Paris 2012 », mérite un développement particulier. Annoncé par le Président de la République et le Premier ministre, il sera mis en œuvre en partenariat avec le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Il comporte trois objectifs : développer la pratique sportive pour le plus grand nombre ; préparer les élites sportives aux grandes compétitions internationales ; réaliser les infrastructures sportives prévues dans le projet « Paris 2012 ».

Ce budget permet également la poursuite d’objectifs ciblés : rendre plus efficace la lutte contre le dopage ; promouvoir le bénévolat et le volontariat ; faciliter l’accès à l’emploi des jeunes en difficulté. Ce dernier objectif mérite d’être détaillé. Depuis le 1er février 2006, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative a initié un nouveau dispositif d’accompagnement des jeunes souhaitant se professionnaliser dans les métiers du sport et de l’animation – le parcours animation sport (PAS) – qui a pour objectif de permettre aux jeunes rencontrant des difficultés d’insertion sociale ou professionnelle d’acquérir une formation pour accéder à un emploi d’animateur eu d’éducateur, tout en bénéficiant d’un contrat aidé prévu par le plan de cohésion sociale. Il s’agit plus précisément de personnes âgées de 16 à 30 ans, résidant ou intervenant dans les zones urbaines sensibles (ZUS) et ayant d’ores et déjà une expérience dans les secteurs de l’animation sportive ou socio-culturelle. Les crédits prévus pour 2007 s’élèvent à 2,2 millions d’euros dans le programme « Sport » et à 1,75 million d’euros dans le programme « Jeunesse et vie associative » destinés à financer les heures de formations délivrées aux stagiaires.

Le rapporteur a ensuite évoqué les filières d’accès aux métiers du sport. Fruit de l’histoire et spécificité française, l’existence de deux filières d’accès aux métiers du sport, et plus spécifiquement aux fonctions d’encadrement des activités physiques et sportives suscite un certains nombre d’interrogations quant à leur articulation et leur lisibilité, aussi bien pour les jeunes se destinant à ces métiers que pour les employeurs intervenant dans les secteurs du sport et de l’animation sportive.

Cette étude conduit certes à sortir du seul champ d’intervention du ministère des sports pour s’intéresser également à la filière universitaire des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) qui dépend du ministère de l’éducation nationale, mais il est fondamental d’avoir une vue d’ensemble des cursus préparant à ces métiers d’autant que le cloisonnement a longtemps prévalu entre les formations des deux ministères.

La situation française se caractérise par l’intervention ancienne et forte de l’État dans le domaine du sport en collaboration avec le mouvement sportif, qui regroupe les fédérations et l’ensemble des associations intervenant dans ce champ d’activité. Parallèlement, et pour des raisons de sécurité des pratiques sportives, a été élaborée une réglementation de l’exercice rémunéré de l’encadrement des activités physiques et sportives instituant un monopole en faveur du ministère des sports.

Le transfert à compter du 1er janvier 1982 des professeurs d’éducation physique et sportive du giron du ministère des sports vers celui de l’éducation nationale et la montée en puissance, puis l’explosion, des effectifs de la filière universitaire des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) ont contribué à la sanctuarisation des périmètres d’intervention des deux ministères et à la constitution d’un fossé quelque peu artificiel entre les deux cursus de formation.

De 1963 à 2003, le système a été caractérisé par un monopole de la délivrance des brevets d’État au bénéfice du ministère des sports : depuis la loi du 6 août 1963 relative à la réglementation de la profession d’éducateur sportif, dite loi « Herzog », la détention d’un diplôme d’État est le sésame nécessaire pour l’exercice rémunéré de la profession d’éducateur sportif. Il a fallu attendre la loi n° 2003-708 du 1er août 2003 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives pour voir disparaître ce monopole. L’apport principal de cette réforme est d’élargir les possibilités de certifications : peuvent désormais être reconnus les diplômes, titres à finalités professionnelles et certificats de qualification garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers, à la condition d’être enregistré au répertoire national des certifications professionnelles. Le ministère des sports conserve toutefois la haute main sur les activités se déroulant dans un environnement spécifique impliquant le respect de mesures de sécurité particulières, comme la plongée sous marine, la voile, le canyonisme, le parachutisme, le ski, l’alpinisme, ou la spéléologie.

Autre élément important du constat, la crise de croissance de la filière universitaire des sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS) depuis 1995. Le DEUG-STAPS a été mis en place en 1975, suivi de la licence en 1977. Le cursus a été ensuite complété par la création de la maîtrise en 1982 et des DEA en 1984. Mais l’événement le plus déterminant pour l’évolution de ce cursus est sans conteste l’annulation par le Conseil d’État en 1995 de toute sélection basée sur l’aptitude physique des étudiants. La suppression de la sélection a suscité un appel d’air impressionnant, qui s’est concrétisé par une augmentation des effectifs supérieurs à 100 % : 19 116 étudiants en 1995 mais 41 244 inscrits pour l’année universitaire 1998-99, dont 24 584 pour le seul premier cycle.

La filière STAPS s’est donc vue confrontée au défi de la professionnalisation. L’idée communément admise selon laquelle elle se réduit à la seule préparation au métier de « prof de gym » apparaît à cet égard en total décalage avec la réalité : d’une part, la filière a fait preuve d’initiative et d’inventivité pour s’adapter au système LMD (licence-master-doctorat) et proposer une grande variété de diplômes en prise directe avec le marché de l’emploi ; d’autre part, elle subit contrainte et forcée la réduction drastique du nombre de postes ouverts chaque année au certificat d’aptitude au professorat de l’éducation physique (CAPEPS).

Il est clair tout d’abord que le CAPEPS ne fait plus figure de débouché royal. Ce constat découle tout naturellement de l’évolution récente qui affecte le recrutement des professeurs d’éducation physique et sportive : de 1 330 en 2003, le nombre de postes est en effet tombé à 800 en 2005 et 400 en 2006, ce qui a eu pour effet de susciter un vaste mouvement de grève de la part des étudiants.

À côté des formations générales dans le cadre du système LMD, la filière STAPS propose des diplômes à vocation plus professionnelle – les diplômes d’études universitaires scientifiques et techniques (DEUST) et les licences professionnelles – dans des domaines aussi divers que la remise en forme et le loisir sportif, les activités physiques de pleine nature, les métiers du nautisme, l’animation et la politique de la ville ou encore les métiers du golf. En ce qui concerne les licences « sciences du sport », quatre options sont désormais disponibles au sein des UFR, avec les mentions « éducation et motricité », « activités physiques adaptées » (APA), « management du sport » et « entraînement sportif ». Contrairement à une idée reçue, la filière STAPS professionnalise bien ses étudiants. Une étude conjointe du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) et de l’Observatoire national des métiers de l’animation et du sport (ONMAS) sur l’insertion professionnelle des sortants de la filière STAPS a été publiée en avril 2005 : réalisée en 2004, cette étude porte sur la « génération 2001 » et permet d’analyser les trois premières années de vie active des jeunes issus de la filière STAPS. Il apparaît que :

– le taux de chômage moyen de ces diplômés est de 8 %, plus élevé pour les diplômés du troisième cycle (13 %), que pour ceux titulaires d’un diplôme de deuxième cycle (6 %) ;

– trois ans après leur sortie de l’université, 84 % d’entre eux travaillent, que ce soit dans le domaine du sport ou dans un autre domaine, et 64  % ont des emplois à durée indéterminée, ce qui représente un très fort taux de professionnalisation plaçant cette filière en tête des disciplines universitaires ;

– après trois ans sur le marché du travail, leur salaire médian mensuel s’élève à 1 200 euros.

Ces résultats sont encourageants mais ils révèlent néanmoins que les jeunes issus de la filière STAPS n’exercent pas tous dans le domaine du sport ou de la santé. Sans doute existe-t-il des gisements de débouchés insuffisamment balisés, comme l’a indiqué, lors de son audition par le rapporteur, le responsable national des relations humaines de la société Décathlon, numéro 1 en France de la conception et de la distribution d’articles de sport. À l’exception de la région Rhône-Alpes où un partenariat a été mis en place sous l’égide de M. Philippe Freychat, à la fois directeur recherche et développement chez Décathlon et diplômé STAPS, on constate que les titulaires de ce diplôme arrivent souvent dans ce type d’entreprise un peu par hasard alors que leur profil est parfaitement adapté à celui recherché.

En parallèle, le ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative a procédé à la rénovation de ses diplômes. Engagée dès 1999, cette rénovation a pour triple objectif d’accompagner le développement de l’emploi par une meilleure adéquation des qualifications aux métiers futurs en prenant en compte l’évolution de la demande (sécurité, activités ludiques, nouveaux publics), de mieux insérer les diplômes et formations du ministère dans l’évolution du système français de la formation professionnelle et d’associer fortement les partenaires sociaux ainsi que les fédérations sportives dans la définition des qualifications.

La réalisation de ces réformes s’est accompagnée de la mise en place de nouvelles instances pour aboutir à une offre de formation plus professionnelle et bénéficiant d’une meilleure lisibilité : la commission professionnelle consultative des métiers du sport et de l’animation et l’Observatoire national des métiers de l’animation et du sport.

Enfin, il convient d’indiquer que les 68 spécialités des BEES doivent être remplacées à terme par une vingtaine de brevets professionnels de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport (BE-JEPS) de nature pluridisciplinaire.

En conclusion, le rapporteur a estimé que la situation de splendide isolement, qui caractérisait les deux ministères des sports et de l’éducation nationale jusqu’à la fin des années 1990 au moins, a cédé la place à une concertation qui permet de faire prévaloir l’intérêt commun. Le champ des métiers du sport s’est ouvert au dialogue social et à la négociation collective avec les professionnels. L’inscription systématique des formations STAPS et des brevets du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative au répertoire national des certifications professionnelles donne une meilleure lisibilité aux employeurs comme aux étudiants. Il apparaît que les deux filières sont davantage complémentaires que concurrentes, même s’il existe quelques zones d’intersection et quelques inquiétudes de part et d’autre. S’il fallait un symbole de la collaboration plus fructueuse entre les deux secteurs, l’initiative de Jean-François Lamour de proposer 1 000 emplois destinés aux étudiants STAPS dans le cadre du programme national de développement du sport (PNDS) en fournit la parfaite illustration.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Alain Néri a indiqué qu’il ne partage pas la vision idyllique du rapporteur sur ce budget. En effet, l’affichage fait apparaître un budget de 780,3 millions d’euros contre 739,49 millions d’euros en 2006, auquel il faut ajouter 236 millions d’euros pour le CNDS (contre 180 millions d’euros en 2006) provenant des recettes affectées sur le chiffre d’affaires de la Française des Jeux, du PMU ainsi que sur les droits de retransmission télévisuelles des manifestations sportives, soit un budget total 1 016 millions d’euros contre 920 millions d’euros en 2006. Toutefois cette présentation, qui permet certes au ministre de se glorifier d’un budget global supérieur à un milliard d’euros, ne résiste pas à un examen attentif des crédits. Ce budget mériterait même un refus d’homologation s’il s’agissait de résultats sportifs. L’effort provient en effet essentiellement de contributions extrabudgétaires qui ne sont par définition pas pérennes. Le budget des sports repose ainsi plus sur l’enthousiasme des parieurs que sur les résultats des joueurs. Le ministre évoque 24,2 millions d’euros supplémentaires alors qu’on constate au contraire une baisse de 5 millions d’euros à périmètre constant si l’on veut bien prendre en compte les 193 agents exerçant déjà au ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative – parmi lesquels 192 étaient précédemment rémunérés par le ministère de l’éducation nationale – et un par l’INSEE et qui relèvent désormais du budget de la jeunesse, des sports et de la vie associative.

Il faut ajouter la compensation de 15 millions d’euros remboursée à la sécurité sociale du fait de la mesure honteuse – adoptée dans le cadre de la loi du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relative au sport professionnel – relative à la rémunération du droit à l’image des sportifs et footballeurs professionnels. Cette mesure vient s’ajouter à l’exonération du versement la taxe de 1 % sur les contrats à durée déterminée dont relève pourtant l’essentiel des sportifs professionnels. Cet assouplissement des règles budgétaires n’est pas sérieux.

De plus, la création de l’établissement public dénommé « Centre national du développement du sport » (CNDS) est présenté à tort comme une avancée en matière de gestion, alors qu’il engendre en fait une dépense supplémentaire de 2 millions d’euros puisque le Fonds national pour le développement du sport était géré directement par le ministère. C’est donc avec un budget insuffisant qu’il faut faire face aux problèmes de société relatifs à la pratique du sport et à la vie associative.

Sur les 96 millions d’euros supplémentaires – 40 millions d’euros de crédits budgétaires et 56 millions d’euros de recettes extra budgétaires – 64 millions d’euros, soit deux tiers de l’augmentation, bénéficient au sport de haut niveau alors que la promotion du sport pour le plus grand nombre n’obtient qu’un million d’euros supplémentaires.

L’action « Promotion du sport pour le plus grand nombre » connaît une diminution de 28 % en euros constants. Comme elle est en outre financée à hauteur de 84 % par les crédits du CNDS, il convient de s’interroger sur sa pérennité dans un contexte européen marqué par la remise en cause du monopole de la Française des jeux et du PMU.

Pour le développement des pratiques sportives pour tous, les crédits concernant l’accueil de jeunes dans les écoles de sport en dehors du temps scolaire sont divisés par deux et passent ainsi de 7,58 millions d’euros à 3,76 millions d’euros.

En matière de soutien au mouvement sportif local, le coût prévisionnel du plan « sport-emploi », qui consiste en des subventions dégressives sur cinq ans et en des embauches de cadres qualifiés, est de 267 000 euros contre 462 500 euros en 2005. Il n’y a donc pas de raison de se réjouir de cette diminution de 42 %.

S’agissant du sport de haut niveau, les crédits augmentent certes de 18,87 % mais sont consacrés pour l’essentiel à des dépenses d’investissement et en particulier à la rénovation de l’Institut national du sport et de l’éducation physique (INSEP) dont il convient d’ailleurs de se féliciter.

Le président Jean-Michel Dubernard a fait remarquer que ce type de félicitations était plutôt rare.

M. Alain Néri a indiqué qu’il ne fallait pas hésiter à saluer les points positifs lorsqu’ils existaient mais que l’on ne peut que constater l’accent porté par le projet de budget sur le sport spectacle au détriment du sport de masse. Il faut en revanche se réjouir que 4,5 millions d’euros soient affectés au suivi médical longitudinal, contre 3 millions l’an dernier.

Pour ce qui concerne la lutte contre le dopage et la protection de la santé des sportifs, on ne peut que regretter la stagnation des crédits en 2007 – 15,52 millions d’euros en 2007 contre 15,4 millions d’euros en 2006 – qui masque en réalité une diminution de 1 % en euro constant. L’Agence française de lutte contre le dopage, qui se substitue au Laboratoire national de dépistage du dopage et au Conseil de prévention de lutte contre le dopage, bénéficie de 7,18 millions d’euros. Il est souhaitable que cette agence continue la lutte active contre le dopage en dépit de l’absence de crédits supplémentaires.

Pour la médecine et la prévention du dopage, on note une diminution de 19,8 % des crédits en euros constants, même s’il faut saluer l’effort important réalisé pour les antennes médicales de prévention ainsi que le maintien du numéro vert « Allo écoute dopage ». Les crédits pourraient toutefois être mieux utilisés. On continue en effet à faire des contrôles anti-dopage à l’issue des manifestations alors qu’on sait que leur efficacité est quasiment nulle, sauf à l’encontre des « amateurs » en pratique de dopage. Les athlètes qui disposent de moyens financiers, et partant scientifiques, échappent à ce type de contrôle. La seule façon de faire face à la sophistication du dopage est de multiplier les contrôles inopinés. Des efforts ont certes déjà été faits, puisque les sportifs doivent désormais déclarer leur lieu d’entraînement et de résidence pendant les périodes d’entraînement, mais beaucoup continuent à passer à travers les mailles du filet. Des économies substantielles pourraient pourtant être réalisées en supprimant ce type de contrôle au bénéfice des contrôles inopinés.

Des économies pourraient surtout être faites si on mettait fin au système hypocrite des autorisations d’usage thérapeutique (AUT) de médicaments, qui est une source considérable de tricheries puisqu’il aboutit à ne pas sanctionner des athlètes contrôlés positifs. Lors des Jeux olympiques d’Atlanta, on a constaté que la plupart des athlètes souffraient d’asthme puisqu’ils utilisaient de la ventoline ! On pourrait, en outre, économiser 1,15 million d’euros actuellement consacré au défraiement des personnels chargés des contrôles si l’on supprimait ces AUT.

Beaucoup d’efforts restent à faire, en particulier en matière de lutte contre les incivilités et la violence dans le sport, pour laquelle les crédits sont en baisse d’1,8 % en euro constant.

Pour ce qui est de la promotion des métiers du sport, il faut appeler l’attention des jeunes qui se destinent aux métiers du sport sur les risques qu’ils encourent en raison de l’insuffisance des postes à pourvoir

Quant à la jeunesse et à la vie associative, le budget est réduit à la portion congrue. Il est particulièrement inquiétant de voir que les crédits de fonctionnement des associations sont diminués, alors même que le monde associatif fait pourtant des efforts considérables pour l’emploi.

Pour terminer, il faut regretter que le rapport ne parle pas des postes FONJEP – Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire – qui sont pourtant à la base du fonctionnement des associations. On constate une diminution constante de ces fonds. En 2007, un montant de 7 380 euros par poste est prévu, identique à 2006 mais en diminution par rapport à 2005 où il s’élevait à 7 400 euros. Les postes FONJEP sont pourtant importants pour le fonctionnement des associations et pour l’éducation populaire. En 2003, 60 postes avaient été créés mais dans le même temps 100 avaient été gelés dans le courant de l’année tandis que la prise en charge de l’État diminuait de 150 euros par poste. En 2004, 40 nouveaux postes ont été créés mais des gels budgétaires successifs ont entraîné une nouvelle chute de ces postes FONJEP. En 2005, le ministre s’était engagé à restaurer les postes FONJEP : 50 postes départementaux avaient alors été créés sur des crédits déconcentrés. En 2006, 80 postes ont été fermés. En 2007, il est prévu de rétablir 94 postes pour 700 000 euros mais la diminution reste inquiétante car elle a des conséquences désastreuses sur le monde associatif.

En conclusion, M. Alain Néri a précisé que les commissaires socialistes ne donneraient pas un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

M. Henri Nayrou a indiqué que, si le rapporteur a souligné les points forts du budget, quant à lui il se concentrera sur les points faibles. Le montant du budget passe certes de 969 millions d’euros à 1,16 milliard d’euros mais, à périmètre constant, il ne s’agit pas d’une augmentation de 4,87 % mais bien d’une diminution de 0,75 %. Il convient en effet de relever deux transferts de charge. Le premier transfert, de 11 millions d’euros, de l’Éducation nationale vers le ministère des sports se situe dans la logique de la LOLF. En revanche, le second transfert de charges, de 15 millions d’euros, correspondant à l’exonération des charges sportives prévue par la loi n° 2004-1366 du 15 décembre 2004 portant diverses dispositions relatives au sport professionnel est à proprement parler inadmissible. Il s’agit d’un cadeau fait aux sportifs professionnels, et plus particulièrement aux footballeurs professionnels, puisque le ministère estime à 900 le nombre de sportifs concernés. Ces 15 millions d’euros seront supportés par le budget du ministère de la jeunesse et des sports. Cela représente 1,5 % du budget total et 7,3 % des crédits d’investissement. Quand on connaît l’état de déshérence de l’appareil sportif français mis à disposition du plus grand nombre, on ne peut qu’être indigné. Sans remettre en cause le vote de la loi sur le sport professionnel, il n’est pas normal de confondre, dans l’exercice budgétaire, le « sport business » et le sport à destination du plus grand nombre.

L’augmentation du nombre d’éducateurs après la crise des banlieues et la coupe du monde de rugby a été évoqué par le rapporteur. Cette mesure ne fait que reprendre le principe des emplois jeunes avec toutefois plus de précarité. On peut d’ailleurs se demander pourquoi les emplois jeunes ont été tant vilipendés s’il s’agit d’en reprendre l’esprit. Il faut surtout regretter qu’il ait fallu attendre la crise des banlieues pour obtenir 100 millions d’euros supplémentaires et se rendre compte que la prévention fait partie d’une bonne gouvernance en matière de vie sociale.

On peut également s’interroger sur la réalisation des installations sportives liées au projet olympique « Paris 2012 ».

Enfin, l’avenir des services déconcentrés est totalement absent du rapport. Les directions départementales de la jeunesse et des sports (DDJS) sont pourtant à la croisée des chemins et voient leurs moyens diminuer. L’État se défausse sur les collectivités territoriales et le regroupement de ces entités sous l’égide des préfets de région est même envisagé, ce qui donne bien la mesure de l’intérêt de l’État pour ce dossier.

Le président Jean-Michel Dubernard a rappelé que l’examen des crédits par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est par nature moins détaillé que celui auquel se livre la commission des finances et qu’il se traduit par l’émission d’un avis. L’apport essentiel de la commission est de développer un thème particulier, comme l’a fait le rapporteur. C’est sur ce thème qu’il aurait été souhaitable d’entendre la contribution du groupe socialiste.

M. Jean-Marie Geveaux a souligné la qualité du budget et du rapport présenté. Avec un budget en augmentation de 4,8 % et qui dépasse le milliard d’euros, il parait excessif de parler de « bidouillage ». La rénovation de l’INSEP est importante car elle était attendue pour mieux préparer les athlètes de haut niveau en vue des compétitions internationales. En matière de lutte contre le dopage, il faut se féliciter des moyens supplémentaires. Les contrôles inopinés doivent effectivement être privilégiés même s’ils coûtent plus cher que les prélèvements classiques.

Il est important que l’AFLD puisse continuer à initier des recherches car la recherche s’avère plus que jamais nécessaire face à la sophistication des moyens de dopage. L’analyse sur les filières des métiers du sport est un vrai sujet d’actualité et il convient de rapprocher la filière universitaire des autres filières du sport en optimisant la valeur des diplômes.

En ce qui concerne la lutte contre les incivilités, l’Etat n’est pas le seul à avoir un rôle à jouer, les collectivités locales remplissent également un rôle important.

Bien entendu, ce budget appelle un vote positif de la part du groupe UMP.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les réponses suivantes :

– Concernant l’apport de ressources extérieures dans le budget, il s’agit d’une pratique courante. Il faut rappeler que c’est Mme Marie-Georges Buffet qui est à l’origine de la taxe de 5 % sur les droits de retransmission télévisée destinée à abonder le FNDS.

– La loi de 2004 a simplement pour objectif d’aligner la situation des joueurs professionnels français sur celle des joueurs européens dans un souci d’équité.

– Il ne faut pas opposer sport de haut niveau et sport de masse. Le budget prévoit des mesures en faveur d’équipements structurants : la réhabilitation de l’INSEP et la construction d’installations initialement prévues dans le cadre de l’éventuelle organisation des Jeux olympiques à Paris, en 2012. Dans le même temps, le sport de masse reste très dynamique puisqu’on compte pas moins de 7 millions d’euros destinés aux associations sportives.

– Le dispositif « sport-emploi » est maintenu et d’autres programmes comme le parcours animation sport sont créés.

– La baisse des crédits de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en matière de prévention s’explique par le transfert de cette compétence au ministère. Le président de l’agence s’est prononcé en faveur du développement des contrôles inopinés.

Puis, conformément aux conclusions du rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».