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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 31 octobre 2006

Séance de 17h

Compte rendu n° 7

Présidence de M. Denis Jacquat

 

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– Audition, ouverte à la presse, de M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche (M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)



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En application de l’article 86, alinéa 8 du Règlement, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales a entendu M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche.

M. Denis Jacquat, président, a souhaité la bienvenue à M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a rappelé que six mois s’étaient écoulés depuis la promulgation de la loi de programme pour la recherche du 18 avril 2006, justifiant que la commission, en application des dispositions de l’article 86, alinéa 8, du Règlement de l’Assemblée, fasse le bilan de la publication des textes d’application de ladite loi.

La loi de programme est la pièce maîtresse d’un vaste plan de modernisation de l’appareil français de recherche, plan qui s’est traduit par un milliard d’euros de crédits supplémentaires par an depuis 2005 – avec une légère décroissance à partir de 2008 – ainsi que par le rééquilibrage des moyens en faveur du financement sur projets, plus efficace quant à l’emploi des deniers publics, et par la création de nouvelles structures destinées à donner plus de visibilité à la recherche française sur la scène internationale : le Haut conseil pour la science et la technologie (HCST), les pôles de recherche et d’enseignement supérieur (PRES), les réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA) et surtout l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). L’extension, décidée au cours de la discussion du projet de loi, des compétences de l’AERES à l’enseignement supérieur a été une belle victoire, obtenue grâce au soutien du ministre délégué, qui doit en être remercié. Un outil efficace d’évaluation est une condition sine qua non de la compétitivité de la recherche française au plan international.

La plupart des dispositions de la loi étant d’application directe, elles ont pu entrer en vigueur sans délai. Seuls dix des 51 articles renvoyaient expressément à un ou plusieurs textes réglementaires – sept décrets en Conseil d’État, trois décrets simples, deux arrêtés – pour la fixation des modalités d’application de tout ou partie de leurs dispositions.

Ont ainsi été publiés, par ordre chronologique :

le 15 juin, soit deux mois seulement après la publication de la loi, le décret en Conseil d’Etat n° 2006-698 précisant les missions, l’organisation et le fonctionnement du Haut conseil de la science et de la technologie (HCST) créé par l’article 3 de la loi ;

– le 29 juin, le décret en Conseil d’État n° 2006-752 autorisant la création de l’agence ITER-France au sein du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), telle que prévue à l’article 39 ;

– le 1er août, le décret n° 2006-963 portant organisation et fonctionnement de l’Agence nationale de la recherche (ANR) ;

– le 7 août, l’arrêté relatif à la formation doctorale ;

– le 21 août, le décret n° 2006-1035 fixant les délais de conclusion des contrats prévus aux articles L. 413-1 et L. 413-8 du code de la recherche relatif aux contrats entre une entreprise privée et une personne publique autorisant un fonctionnaire à participer à la création d’une entreprise qui assure la valorisation des travaux qu’il a réalisés dans l’exercice de ses fonctions ou à lui apporter son concours scientifique. Il est à noter que, pour l’application de cette dernière disposition, la loi prévoyait en son article 17 deux décrets, que le gouvernement a réunis en un seul.

Six textes réglementaires, soit la moitié de ceux prévus par le législateur, restent encore à publier.

– Le décret, visé à l’article 9 de la loi, précisant l’organisation et le fonctionnement de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), vient d’être renvoyé par le Conseil d’État au gouvernement et devrait être examiné lors du conseil des ministres du 2 novembre. La rédaction de ce décret nécessitait en effet la consultation du comité technique paritaire du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche (CTPMESR) et du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

– Le décret, visé à l’article 20, précisant la composition et les règles de fonctionnement de l’Académie des technologies, transformée en établissement public administratif, est actuellement en cours d’examen par le Conseil d’Etat et sa publication devrait donc intervenir sous peu. Comme pour le décret précédent, le retard pris s’explique par l’obligation de consulter le CTPMESR, qui a rendu son avis le 12 juillet 2006.

– La rédaction du décret, visé à l’article 30, précisant dans quelle mesure les établissements publics à caractère administratif, ayant une mission de service public, peuvent ne pas être soumis à l’application du code des marchés publics pour les achats de fournitures, de services et de travaux destinés à la conduite de leurs activités de recherche, impliquait deux ministères : le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche et le ministère de l’économie et des finances. Les arbitrages viennent d’être rendus et le projet de décret, qui a été soumis à la consultation du CNESER, devrait être transmis pour examen au Conseil d’État dans les prochains jours.

– Les deux décrets, visés à l’article 38, précisant les modalités d’application des dispositions de la loi de programme relatives à l’Institut et aux académies qui le composent, sont actuellement en phase de rédaction avec les parties concernées. Ces décrets n’ont pour objet que d’approuver les statuts de l’Institut et de chaque académie, de valider les règlements fixant les conditions particulières de leur gestion administrative et financière et d’autoriser les dons et legs avec charges dont ils bénéficient. En tout état de cause, leur publication n’interviendra qu’au moment du renouvellement des statuts de l’Institut soit à la fin de l’année 2006 ou au début de l’année 2007.

– Concernant enfin l’arrêté, visé à l’article 7, relatif à la convocation des représentants des docteurs et des employeurs en vue de permettre la discussion des conditions de la reconnaissance, dans le cadre d’une convention de branche ou d’un accord interprofessionnel, du titre de docteur, le gouvernement a entamé des discussions avec les associations représentatives des docteurs. Il faut souligner qu’il ne s’agissait que d’une simple faculté d’agir ouverte par le législateur au pouvoir règlementaire.

Il y a donc lieu d’être globalement satisfait de la célérité dont a fait preuve le gouvernement, d’autant que la plupart des dispositions principales de la loi sont désormais en application.

Il convient néanmoins de s’arrêter plus longuement sur le décret, visé à l’article 9, précisant l’organisation et le fonctionnement de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES), dont la publication devrait intervenir dans les jours à venir. Dans son récent rapport pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », M. Jean-Jacques Gaultier a en effet mis en lumière le risque que le décret ne traduise qu’imparfaitement la volonté du législateur. Celui-ci, pour éviter de créer une gigantesque « usine à gaz » – les missions de l’AERES la conduisant théoriquement à veiller à la qualité du travail d’environ 140 000 personnes, réparties dans des milliers de laboratoires relevant eux-mêmes de plusieurs centaines d’établissements –, avait souhaité définir avec précision les missions de l’agence : évaluation directe des établissements et organismes de recherche ; évaluation directe des formations et des diplômes des établissements d’enseignement supérieur ; validation des procédures d’évaluation des personnels et avis sur les conditions dans lesquelles elles sont mises en œuvre ; enfin, au niveau des unités de recherche, habilitation soit à évaluer directement les laboratoires, soit à les évaluer en s’appuyant sur les établissements et organismes selon des procédures validées par elle-même. Le rapporteur, en sa qualité de rapporteur du projet de loi, s’était lui-même fait l’écho de cette recommandation, puisque c’est à son initiative que le texte avait été modifié afin de respecter ce principe que l’on pourrait appeler de subsidiarité.

Or le projet de décret transmis au Conseil d’État ne traduisait que très imparfaitement l’équilibre du dispositif voulu par la représentation nationale. Sollicité pour donner son avis sur le texte, le Conseil supérieur de la recherche et de la technologie (CSRT) a lui aussi jugé important d’attirer l’attention du gouvernement sur « l’utilisation de la possibilité, prévue par la loi, de délégation par l’Agence, sous certaines conditions, de l’évaluation des entités à des instances existantes, sa mission se limitant dans ce cas à veiller à l’harmonisation et à la qualité des procédures. » Le ministre délégué peut-il donner à la commission l’assurance qu’il en sera bien ainsi et que la volonté du législateur sera respectée ?

Enfin, suite aux appels à projets lancés dans le cadre des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), une douzaine de dossiers d’une très grande qualité ont pu être retenus dès le début du mois d’octobre, ce qui permettra de donner une impulsion décisive à la recherche française sur certains sujets. Où en sont les appels lancés pour les centres thématiques de recherche et de soins (CTRS), qui s’inscrivent dans une démarche complémentaires des RTRA et mériteraient d’ailleurs eux aussi l’appellation de « réseaux » ? L’an dernier, l’appel à projets lancé par l’INSERM, sous la même dénomination, avait donné des résultats très intéressants : plus de soixante équipes avaient déposé des dossiers, d’une qualité également très impressionnante. Cela dit, il faudra prendre garde, étant donné le grand nombre de chercheurs impliqués – quelque 1 100 en infectiologie, par exemple –, à ce que ces structures soient bien coordonnées afin que chacun ne travaille pas de son côté en ignorant les autres.

En conclusion, le rapporteur a félicité une nouvelle fois le ministre délégué pour la célérité et le pragmatisme qui ont présidé à l’élaboration des textes d’application de la loi de programme.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Denis Jacquat, président, a félicité, quant à lui, le ministre délégué d’avoir reçu les compliments du rapporteur, qui n’est pas connu pour en être prodigue…

M. Pierre Cohen a émis un double regret : il est dommage que la commission des affaires économiques, à laquelle il appartient, n’ait pu entendre le ministre délégué et que –sans rouvrir le débat sur son contenu – la loi de programme ne soit pas une vraie loi de programmation et ne soit pas suivie d’effets concrets. Ainsi, le nombre de créations nettes d’emplois sera, en 2007, nettement inférieur aux 4 000 à 4 500 qui seraient nécessaires chaque année, durant toute la période de la programmation, pour faire face aux départs à la retraite prévisibles.

L’évaluation avait fait l’objet d’un débat très approfondi lors de la discussion du projet de loi et un large consensus s’était fait non seulement sur la nécessité d’évaluer les organismes et les universités, mais aussi sur la nécessité de réserver l’intervention de l’AERES aux cas où aucune procédure validée d’évaluation n’existait. Or il semble que cet aspect soit remis en cause dans la rédaction du décret, donnant prise aux soupçons de mainmise de l’agence sur toute la recherche française.

Le ministre s’était par ailleurs engagé à ce qu’à partir du 1er janvier 2007, l’allocation de recherche pour les doctorants soit au moins égale à une fois et demie le SMIC, mais force est de constater – sans mettre du tout en doute sa sincérité personnelle – qu’aucune dotation budgétaire n’est prévue à cet effet.

Enfin, l’essentiel des moyens de pilotage de la recherche est dévolu à l’ANR, tandis que les organismes et les universités devront se contenter des enveloppes strictement nécessaires pour assurer leur fonctionnement, ce qui leur interdira d’accroître leur production de savoirs et de connaissances en dehors des projets retenus par l’Agence.

Toutes les inquiétudes formulées par les membres du groupe socialiste lors de la discussion du projet de loi demeurent donc.

M. Jean-Jacques Gaultier a rappelé que la loi avait créé, afin d’éviter bureaucratie et uniformisation, un dispositif d’évaluation à deux niveaux : validation simple par délégation là où les procédures fonctionnent bien, missions dépêchées par l’AERES dans le cas contraire. Il est en effet des secteurs où de bonnes pratiques existent déjà. Ainsi l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA) ou l’Institut Pasteur sont des références mondiales y compris en matière d’évaluation et n’hésitent pas à arrêter des projets, voire à fermer des unités, lorsque les résultats sont mauvais. Dans d’autres entités, comme le CNRS, l’évaluation existe, mais tire peu à conséquences : lorsque les meilleurs ne reçoivent que 10 % de plus que les moins bons, ce n’est guère stimulant.

L’AERES s’appuiera sur des moyens déjà existants, – ceux du Comité national d’évaluation (CNE), du Comité national d’évaluation de la recherche (CNER) et de la Mission scientifique, technique et pédagogique (MSTP) –, moyens dont le total devrait avoisiner 5 ou 6 millions d’euros, mais quel sera le mode de financement ?

Des précisions supplémentaires seraient nécessaires, enfin, sur l’articulation entre l’AERES et l’ANR. La règle générale, dans les grands pays de recherche – Japon, États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Finlande –, semble en effet la fusion des missions de financement et d’évaluation. D’autre part, étant appelée à sélectionner les dossiers (un quart environ des quelque 6 500 présentés chaque année sont retenus), l’ANR a dans les faits un rôle d’évaluation. Comment se fera le partage des tâches ?

M. Pierre Lasbordes s’est associé aux éloges du rapporteur à l’endroit du ministre, et a estimé que les premiers effets de la loi de programme n’étaient sans doute pas étrangers au calme qui semble régner, après une période de tension, dans les milieux scientifiques. Y contribue aussi, sans doute, le projet de budget de la recherche, qui est bon et devrait être adopté sans grandes contestations par l’Assemblée le vendredi 3 novembre. Pour autant, il conviendra d’être très attentif aux conditions de la mise en place de l’AERES, et en particulier à la transparence de l’évaluation et de son suivi, ainsi qu’à la maîtrise de ses coûts en principe facilitée par le fait qu’elle prend appui sur des entités existantes.

M. Pierre-Louis Fagniez a félicité le ministre délégué d’avoir fait voter non seulement une bonne loi, mais une loi nécessitant, une fois n’est pas coutume, un nombre réduit de textes d’application, de sorte que l’essentiel de ceux-ci ont pu être pris en l’espace de six mois seulement. Sans rouvrir le débat sur le contenu de la loi, M. Pierre-Louis Fagniez a souligné qu’il s’agit bien, n’en déplaise à M. Pierre Cohen, d’une loi d’orientation et de programmation et indiqué que, lorsque le ministre aura annoncé le montant des financements prévus et le nombre d’emplois créés, lui-même et son collègue socialiste ne manqueront pas de s’en faire l’écho dans leurs circonscriptions respectives…

Le Haut conseil de la science et de la technologie (HCST), installé par le Président de la République le 25 septembre dernier, comprend vingt personnalités éminentes, dont le dernier en date des lauréats français de la médaille Fields de mathématiques – qui n’a donc pas eu besoin de l’AERES pour être évalué… On sait bien que la recherche universitaire est déjà évaluée, quant à elle, par le nombre de publications, mais l’enjeu de la création de l’AERES était d’évaluer l’enseignement supérieur dans son ensemble, ce qui est tout autre chose.

Enfin, il semble malheureusement que l’on parle moins des PRES depuis quelque temps, alors qu’ils étaient censés être un élément clé du dispositif. Qu’en est-il ?

M. François Goulard, ministre délégué à l’enseignement supérieur et à la recherche, a apporté les éléments de réponse suivants :

– Le projet de décret relatif à l’AERES est bien inscrit à l’ordre du jour du conseil des ministres du jeudi 2 novembre.

– Le projet de décret relatif à l’Académie des technologies a été transmis au Conseil d’Etat le 3 août. Le retard pris n’est pas imputable au gouvernement.

– La négociation avec le ministère de l’économie et des finances sur l’adaptation de la réforme des marchés publics a été relativement longue, mais elle est maintenant achevée, et le texte sera transmis prochainement au Conseil d’État. Il est loisible, cela dit, d’observer que certaines administrations ont la fâcheuse habitude de freiner la mise en œuvre de réformes qui résultent pourtant de la volonté, clairement exprimée, du législateur.

– Les académies ayant l’éternité devant elles, les deux décrets en attente ne revêtent pas un caractère d’urgence, mais ils devraient néanmoins être pris prochainement.

– S’agissant de la reconnaissance du titre de docteur, il était naturellement indispensable de consulter les organisations représentatives des docteurs avant d’agir.

– L’appel à projets des réseaux thématiques de recherche avancée (RTRA), qui résultait d’une disposition d’application directe de la loi, a pu être lancé avant l’été, et la liste des projets retenus a été arrêtée le 4 octobre. Quant aux centres thématiques de recherche et de soins (CTRS), ils devraient bénéficier de financements du même ordre, leur nombre étant moindre que celui des RTRA. Ils mériteraient d’ailleurs, comme l’a suggéré le rapporteur, de s’appeler « réseaux » thématiques de recherche et de soins (RTRS), car leur intérêt scientifique est comparable à celui des RTRA et leur philosophie semblable, qui consiste non pas à sacrifier certains domaines de la recherche française mais à conforter les pôles d’excellence en leur donnant des moyens accrus. L’appel à projets des CTRS est prêt et sera lancé dans les tout prochains jours, de sorte que le dispositif devrait être opérationnel avant la fin de l’année.

– La création nette de 2 000 emplois, si elle paraît insuffisante à M. Pierre Cohen, est considérable eu égard au contexte budgétaire actuel et permettra, compte tenu des départs prévus, de recruter le même nombre – élevé – de chercheurs en 2007 qu’en 2006. Aller au-delà serait prendre le risque d’une baisse de la qualité du recrutement.

– Il n’est pas exact de dire qu’il n’y aura point de salut, pour les organismes de recherche, hors de l’ANR. Ce dont il s’agit en vérité, c’est d’ajouter aux procédures actuelles de financement des procédures nouvelles, reposant sur un principe d’émulation et de compétition, que l’on a le droit de critiquer, mais qui contribue à rééquilibrer le système. Dans certains pays étrangers, les financements passent exclusivement ou principalement par l’appel à projets ; dans d’autres – comme c’était le cas en France jusqu’à présent –, ils étaient permanents et sujets à une augmentation régulière, mais relativement faible. L’équilibre recherché par le gouvernement paraît sage car un organisme public a besoin à la fois de stabilité, de visibilité à long terme, et de compétition organisée – comme c’est désormais le cas dans le cadre de l’ANR, des RTRA ou des CTRS.

– L’article 11 de la nouvelle rédaction du projet de décret relatif à l’AERES dispose bien que celle-ci « conduit l’évaluation soit directement, soit en s’appuyant sur les établissements et organismes selon les procédures qu’elle a validées ». L’esprit de la loi et la volonté du législateur sont donc parfaitement respectés. Quant aux moyens financiers de l’agence, ils font simplement masse de l’existant, dans une logique d’économie de moyens, afin de parer au risque inflationniste, toujours présent lorsque l’on crée un organisme nouveau, mais aussi de faire bénéficier l’agence de l’expérience acquise tout en évitant les doubles emplois. Il est essentiel que l’Agence ait la possibilité d’aller voir elle-même – non pas systématiquement, mais de temps à autre – ce qui se passe sur le terrain, car un organisme qui évalue ses propres équipes manque parfois de recul et l’intervention d’un œil extérieur apporte à l’évaluation une bonne garantie d’indépendance et de qualité. Il y aurait d’autre part, si l’agence considérait tout du point de vue de Sirius sans jamais se déplacer dans les organismes, un risque de déconnexion par rapport au réel. Il est vrai qu’il y avait une maladresse de rédaction dans la première version du projet de décret, qui omettait de reprendre cette disposition législative, mais elle a été corrigée.

Reste que l’évaluation est chose relativement complexe : on sait grosso modo ce qui est bon et ce qui l’est moins, mais un travail plus approfondi, comportant notamment des comparaisons dans le temps, requiert de grandes compétences. C’est pourquoi une grande attention sera portée à la qualité des hommes et des femmes à qui sera confiée la charge de cet organisme nouveau, dont le travail servira de base aux politiques publiques de recherche. Aussi importante, en effet, que l’évaluation, est l’utilisation que l’on en fait : évaluer pour évaluer ne sert à rien, et une évaluation non suivie de conséquences perd sa densité et sa raison d’être. Lorsque, par contre, les évaluateurs savent que les dirigeants des organismes de recherche, que les pouvoirs publics prennent leurs décisions ou fixent leurs orientations en tenant compte de leurs évaluations, cela donne du sens à leur tâche et accroît leur sens des responsabilités. Il ne s’agit évidemment pas d’instaurer un quelconque automatisme, de supprimer ou de diminuer les crédits dès lors que les évaluations seront mauvaises ou en baisse, mais d’améliorer le pilotage de l’appareil de recherche, car on pilote mieux les yeux ouverts que fermés.

– Le gouvernement a choisi de faire de l’ANR et de l’AERES deux instances séparées. On peut naturellement contester ce choix, invoquer les exemples étrangers contraires, mais le gouvernement tient beaucoup à ce que l’ANR conserve sa place, qui au demeurant n’est pas excessive, dans le financement de la recherche française. L’AERES ne se confond pas avec l’ANR, car elle est au service de l’ensemble de l’appareil de recherche, et ses travaux serviront notamment aux arbitrages budgétaires annuels. L’ANR a pour mission, quant à elle, de suivre les projets qu’elle a financés, et elle entre par ailleurs dans le champ de compétences de l’AERES. Cela dit, l’architecture du système n’est pas encore définitive et donnera lieu à quelques concertations entre les responsables des deux entités, en vue des ultimes réglages. Pour l’heure, la direction générale de la recherche et de l’innovation a commencé d’examiner avec l’ANR les choix thématiques, en liaison avec les organismes, les universités, les ministères concernés, éventuellement les milieux professionnels s’agissant de la recherche finalisée. Le bilan de ces premiers contacts est plutôt positif, et tend à confirmer qu’il est bon qu’une administration soit chargée d’organiser les échanges et de les synthétiser avant que soient faits les choix.

– S’il a été possible d’aller vite pour les RTRA et pour les CTRS, il y a eu, s’agissant des PRES, par rapport à la floraison de projets constatée en début d’année, sinon un ralentissement, du moins des discussions plus longues que prévu pour délimiter les contours des pôles, ce qui n’a rien d’anormal. Plusieurs pôles, parmi lesquels ceux de Lyon et de Marseille, seront prêts avant la fin de l’année : la préfiguration sera en place, le choix des périmètres et des modes de fonctionnement arrêté. Pour d’autres, cela prendra un peu plus de temps. Le gouvernement s’est donné pour ligne d’attendre qu’il y ait des propositions, plutôt que d’imposer des modalités de coopération.

– Les responsables d’organismes, comme les chercheurs eux-mêmes, semblent avoir admis les choix du gouvernement. Certaines universités se réjouissent ouvertement de l’existence de l’ANR, car c’est la reconnaissance par l’ANR qui permet à de nouvelles équipes d’émerger. Même les responsables d’organismes qui étaient réticents au départ s’aperçoivent que la nouvelle organisation bénéficie à la recherche dans son ensemble, qui reçoit des crédits supplémentaires dans le cadre de l’ANR ou des RTRA. Les modes d’attribution sont respectés dans l’ensemble, le Gouvernement s’étant bien gardé d’imposer des diktats : s’agissant des RTRA, par exemple, il n’a en rien modifié la liste des projets établie par une commission composée de scientifiques. Le monde de la recherche a ainsi pu constater que la loi était mise en œuvre avec clarté, honnêteté et transparence.

En conclusion, le ministre a remercié les membres de la commission de s’être investis, au-delà de la discussion du projet de loi, dans le suivi de son application et s’est dit sensible à l’appréciation positive qu’ils ont, pour la plupart, portée.

M. Denis Jacquat, président, a remercié le ministre pour ses réponses.

La commission a autorisé le dépôt du rapport sur la mise en application de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche.

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Information relative à la commission

La commission a désigné M. François Liberti membre de la mission d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.