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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES,
FAMILIALES ET SOCIALES

Mardi 20 février 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 31

 

pages

– Examen du rapport d’information sur la mise en œuvre de l’article 86, alinéa 8, du Règlement, relatif à l’application des lois, par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales (M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)




2

– Examen du rapport d’information sur les travaux de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales sous la XIIe législature (M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur)



5

– Examen du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) sur l’action sociale du régime général de sécurité sociale et l’action sociale des collectivités territoriales (Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure)




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– Examen du rapport d’information sur les suites données aux observations communiquées par la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) au gouvernement et aux organismes de sécurité sociale (Mme Paulette Guinchard et M. Pierre Morange, rapporteurs)





15

– Examen du rapport d’information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs (M. Dominique Juillot, rapporteur)



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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information, présenté par M.  Jean-Michel Dubernard, sur la mise en œuvre de l’article 86, alinéa 8, du Règlement, relatif à l’application des lois, par la commission.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a tenu à saluer l’adoption par l’Assemblée nationale, à l’initiative de M. Jean-Luc Warsmann, de la résolution n° 256 du 12 février 2004 qui permet aux commissions permanentes de suivre la publication des textes règlementaires d’application des lois six mois après leur entrée en vigueur. Si la scission de la commission n’a pas pu être obtenue au cours de la XIIe législature, au moins la commission est-elle parvenue à faire évoluer favorablement un aspect négatif des pratiques administratives et politiques : le délaissement de la mise en application effective des lois votées. Le nombre élevé de dispositions législatives demeurées lettre morte, faute de mesures d’application, est pire encore que l’excès de lois. À la fin de 2006, 226 lois étaient ainsi dans l’attente de leurs décrets d’application, contre 169 à la fin de 2001 et de 2002, 193 à la fin de 2003, 207 à la fin de 2004 et 222 à la fin de 2005.

Parce que cette question met en cause la crédibilité du Parlement, il est utile de dresser le bilan des trois premières années d’application de cette nouvelle procédure de contrôle par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

La commission a été saisie au fond de 59 projets ou propositions de loi ayant abouti à la promulgation de 45 lois, auxquelles s’ajoute la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie, examinée par une commission spéciale, mais dont le président Jean-Michel Dubernard a été rapporteur. La procédure de l’article 86, alinéa 8, résultant de la résolution du 12 février 2004, a été mise en œuvre par la commission pour 20 de ces lois et 23 rapports d’information ont, au total, été publiés. La commission a vérifié la mise en application de la plupart des lois dont elle avait été saisie, et notamment des plus importantes, promulguées depuis février 2004. La loi du 11 février 2005 relative aux personnes handicapées est celle qui a nécessité le plus de textes d’application.

L’exercice du contrôle échoit au rapporteur du projet ou de la proposition de loi. S’il ne dispose pas de pouvoir particulier pour exercer cette mission, ses pouvoirs sont néanmoins suffisants, et la collaboration avec les administrations et les cabinets ministériels a été excellente. Il est cependant difficile pour un rapporteur de recenser les textes nécessaires à l’application des lois. Le gouvernement peut en effet regrouper dans un même décret des mesures d’application renvoyées à plusieurs décrets par la loi ou décider de publier un décret d’application alors même que la loi ne prévoit pas son existence. De surcroît, certains textes d’application ne sont pas publiés au Journal Officiel.

Au-delà de la publication des décrets et arrêtés, les rapporteurs de la commission ont également vérifié la publication des circulaires ministérielles, des lettres ministérielles d’application et des conventions auxquelles la loi renvoie pour l’application de certaines dispositions législatives.

Par ailleurs, le contrôle prévu par l’article 86 alinéa 8, ne représente pas une évaluation des dispositions votées ou des actions entreprises en application de la loi votée, qui relève, le cas échéant, d’une mission d’information constituée en application de l’article 145 du Règlement. Les rapporteurs de la commission se sont donc limités à déterminer les textes règlementaires nécessaires à la mise en application d’une loi, dénombrer les textes publiés et ceux qui manquaient, commenter les conditions de mise en application de la loi, analyser les causes éventuelles des retards de publication et examiner la conformité des textes d’application publiés aux intentions du législateur.

En pratique, la commission a retenu deux principes déterminants pour l’intérêt et l’efficacité du contrôle.

D’une part, les rapports sur la mise en application des lois doivent être examinés en présence des ministres responsables de la loi, ce qui accélère la publication des textes et donne une dimension politique au travail de contrôle.

D’autre part, les travaux de contrôle doivent se poursuivre tant que l’état de publication des textes règlementaires n’est pas satisfaisant. A deux reprises, la commission a jugé qu’un deuxième rapport était nécessaire : pour la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique et pour la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. La commission a même considéré que si le deuxième rapport établissait l’insuffisance de la mise en application, il devait être possible de procéder, six mois après, à un troisième examen de la mise en application de la loi : c’est ce qui a été fait pour la loi du 9 août 2004 précitée.

La grande majorité des dispositions législatives examinées par la commission n’a pas bénéficié de ses textes d’application à l’échéance du délai de six mois suivant leur publication. Cela étant, ce délai est très court : le délai habituel laissé par les Parlements allemand et espagnol pour l’entrée effective des grandes réformes législatives est d’un an. Cependant, les délais actuels de publication pourraient être réduits car les causes des retards sont connues : encombrement des administrations centrales ; longueur des procédures de consultation règlementaire ; poursuite après le vote de la loi des négociations avec les partenaires sociaux et économiques sur les mesures d’application règlementaires ; technicité des dispositions à élaborer pour mettre en application des dispositions législatives ; parfois mauvaise volonté à mettre en application des mesures dont le Parlement a eu l’initiative sans l’aval du gouvernement ; plus rarement, impossibilité technique de mettre en œuvre la disposition votée par le Parlement ; plus souvent, en revanche, modification législative intervenant quelques mois après le vote de la disposition qui suspend sa mise en application.

Des lignes de conduite simples permettraient de résorber ces retards.

Premièrement, les textes d’application doivent être rédigés en même temps que le projet de loi. Cette méthode astreint les administrations à reconsidérer en permanence le contenu des dispositifs règlementaires en fonction des votes des assemblées, mais la discussion parlementaire est grandement éclairée par la connaissance des orientations de la mise en application de la loi qui permet de repérer d’éventuelles difficultés.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l’emploi, de la cohésion sociale et du logement, a appliqué cette méthode avec succès, en particulier pour les textes d’application de la loi du 26 juillet 2005 relatifs au développement des services à la personne. Cette méthode permet également d’engager la concertation avec les organismes et partenaires sociaux sur les dispositifs législatifs et le contenu des textes règlementaires, ce qui écourte d’autant les discussions après le vote de la loi et évite de renégocier au stade règlementaire.

Il est par ailleurs regrettable que les administrations n’appliquent pas la circulaire du Premier ministre du 30 janvier 1997 qui leur impose de rédiger des fiches de synthèse sur le contenu des décrets d’application dès la transmission du projet de loi au Conseil d’Etat avec un calendrier prévisionnel d’adoption.

Deuxièmement, il faut éviter l’empilement de nouveaux ordonnancements juridiques sur les textes en vigueur. Une grande réforme n’exige pas de mettre en place une couche supplémentaire de réglementation.

Troisièmement, l’engagement personnel des ministres pour la mise en application des lois est indispensable. M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, a lui-même employé l’expression de « service après-vote » qui appelle l’implication directe du ministre, au même titre que celui-ci est en première ligne lors de l’élaboration et du vote du projet de loi. La commission a ainsi constaté que la nomination du ministre en juin 2005 a permis d’accélérer considérablement la publication des décrets d’application de la loi du 9 août 2004.

Enfin, et quatrièmement, le délai d’entrée en vigueur des lois doit tenir compte du nombre de textes d’application nécessaires. Il est ainsi fréquent en Allemagne ou en Grande-Bretagne, qu’un délai d’un an soit prévu entre la publication d’une grande loi sociale ou économique et son entrée en vigueur. De surcroît, dans le domaine social, les procédures de consultation préalables à la publication des textes règlementaires sont nombreuses, ce qui n’est pas pris en compte dans le calcul des délais d’entrée en vigueur. Ce ne serait pas une cause substantielle de retard si les textes d’application étaient préparés à l’avance et si ces procédures étaient engagées dans les jours suivant la publication de la loi. L’estimation des délais d’entrée en vigueur des lois ne tient pas davantage compte du fait qu’après la publication des décrets d’application, il est parfois nécessaire de modifier des systèmes informatiques, d’élaborer des circulaires et instructions internes, de former ou recruter les personnels, de concevoir, produire et diffuser des plaquettes d’information à destination des usagers, etc. Pourquoi, dans ces conditions, multiplier les déclarations d’urgence pour l’examen des projets de loi ?

En conclusion, M. Jean-Luc Warsmann a permis qu’un travail important soit accompli grâce à sa proposition de résolution. La commission des affaires culturelles, familiales et sociales en a fait une application systématique sous cette législature : il faut souhaiter qu’elle continue à mener une action déterminée en ce sens au cours de la prochaine législature et entraîne dans son sillage les autres commissions permanentes afin que tous les ministères s’imprègnent de la culture du « service après-vote ».

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a salué la détermination du président Jean-Michel Dubernard à faire appliquer la très importante disposition introduite dans le Règlement à l’initiative de M. Jean-Luc Warsmann.

Mme Paulette Guinchard a également insisté sur la nécessité de renforcer le contrôle du Parlement et de mettre en place un dispositif pour que les parlementaires ne soient plus dépossédés de la loi, une fois celle-ci votée. Le bilan dressé par le rapporteur fait, hélas, écho à celui présenté par M. Jean Le Garrec à la fin de la précédente législature. La volonté des présidents des commissions est déterminante en la matière. Au cours des dix années de mandat, cette question de l’application des lois – la plus importante de toutes pour le législateur – a été celle le plus souvent soulevée par les parlementaires.

M. Pierre Hellier a félicité le président Jean-Michel Dubernard pour le travail qu’il a accompli à la tête de la commission et pour l’attention qu’il a su porter aux demandes de ses membres.

M. Maxime Gremetz a souligné que, trop souvent, décrets et circulaires dévoient l’esprit, voire la lettre de la loi, et que, si les projets de décrets devaient être présentés en même temps que le projet de loi, le gouvernement serait tenu à plus de clarté et de précision. Les recommandations formulées par le président Jean-Michel Dubernard vont dans le bon sens.

M. Georges Colombier, président, a suggéré que le rapport soit transmis au Président Jean-Louis Debré et que son attention soit à nouveau attirée sur la nécessité de scinder en deux la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, conformément au vœu exprimé de longue date par le président Jean-Michel Dubernard.

M. Maxime Gremetz a ajouté qu’il serait nécessaire de transmettre également le rapport au gouvernement.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

*

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information, présenté par M. Jean-Michel Dubernard, sur les travaux de la commission sous la XIIlégislature.

M. Jean-Michel Dubernard, rapporteur, a rappelé que la commission se réunissait pour la 370e fois depuis le 19 juin 2002 et indiqué qu’il se contenterait de tracer les grandes lignes de son bilan d’activité, un document exhaustif, qui sera transmis à tous les commissaires et rendu public, étant en cours de réalisation.

La commission a beaucoup travaillé : près de 600 heures de débats, tous travaux confondus, ce qui la place en tête de toutes les commissions permanentes.

Elle a été saisie à elle seule de 74 textes législatifs et a assuré le secrétariat de la commission spéciale constituée pour l’examen du projet de loi sur l’assurance maladie. D’ores et déjà, 55 des textes qu’elle a discutés et amendés sont devenus des lois de la République, et 7 ne vont pas tarder à le devenir.

Au-delà la rituelle, mais ô combien importante, loi de financement de la sécurité sociale qui mobilise chaque automne la commission – les sommes en jeu sont supérieures à celles du budget de l’État – elle a examiné de nombreux textes parmi les plus importants de la législature : réforme des retraites, réforme de l’assurance maladie, réexamen des lois de bioéthique, loi de santé publique, loi de programmation pour la cohésion sociale, loi d’orientation pour l’avenir de l’école, loi pour l’égalité des chances, loi de programme pour la recherche et – en ce moment-même – projet de loi instituant un droit au logement opposable.

Emploi, formation professionnelle, santé, famille, assurance maladie, assurance vieillesse, personnes handicapées, enseignement, recherche, mais aussi culture et communication – avec le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur –, sport – avec la loi relative à la lutte contre le dopage –, anciens combattants et mémoire – avec la loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés : aucun des nombreux champs de compétence de la commission n’aura échappé à la vigilance du législateur. C’est donc très naturellement que celle-ci aura été la plus représentée sur les bancs des commissions dans l’hémicycle.

La commission a accompli un travail législatif non seulement en aval, mais aussi en amont. Près de la moitié de ses membres ont eu à exercer la fonction de rapporteur, 63 très précisément, et se sont fortement investis dans cette mission. En effet, chaque projet ou proposition de loi a fait l’objet de nombreuses auditions préalables à son examen par la commission – 59 pour le seul texte sur l’audiovisuel –, afin d’associer toutes les parties prenantes à la réflexion législative. Selon le souhait du bureau de la commission, toutes ces auditions ont été ouvertes à l’ensemble des membres de la commission. Il est toutefois regrettable que, bien souvent, l’opposition ait préféré mener les siennes propres alors que des auditions communes auraient favorisé un travail plus riche sans remettre en cause les clivages politiques.

Ce travail en amont est d’autant plus remarquable que les délais d’examen des textes ont été, malheureusement, des plus resserrés. Au-delà du cas extrême du contrat première embauche (CPE), où l’amendement gouvernemental introduisant la disposition dans le projet de loi est parvenu à l’Assemblée nationale la veille seulement de son examen par la commission, les deux semaines ou – le plus souvent – la semaine séparant l’adoption d’un projet en Conseil des ministres de son examen en commission ne permettent pas de mener une réflexion aussi aboutie qu’il serait nécessaire. Le constat n’est pas nouveau, tant les mœurs, de ce point de vue, sont imperméables aux majorités politiques, mais il est de la responsabilité des élus de la Nation de continuer à déplorer cet état de fait, et il faut espérer que ceux d’entre eux qui seront appelés à exercer des fonctions gouvernementales s’efforceront d’y remédier. Des délais trop courts obligent trop souvent à examiner les amendements à la dernière minute, plutôt lors de la réunion tenue en application de l’article 88 du Règlement qu’au cours de celle consacrée à l’examen du rapport.

Sur ce point, le rapporteur a indiqué qu’il avait déjà eu l’occasion, en tant que président de la commission, de dénoncer plusieurs fois le caractère formel de la procédure de l’article 88 qui se transforme souvent en une longue litanie d’« accepté » ou « repoussé », prononcés au seul vu du nom de l’auteur de l’amendement. Examiner, comme la commission a été contrainte de le faire la semaine passée, 240 amendements en 25 minutes sur un texte aussi fondamental que celui instaurant un droit au logement opposable tient plus de la mascarade que de la prise de position réfléchie.

Heureusement, la commission a su aussi se donner le temps de la réflexion, comme en témoignent les 13 rapports pour avis qu’elle consacre chaque année au profit de loi de finances. Le choix fait par son bureau d’attribuer ces rapports à un commissaire différent chaque année, et de les centrer sur un thème variant également d’une année sur l’autre, a fait de ces avis de véritables mini-rapports d’information. Cette procédure constitue une avancée qu’il serait souhaitable de poursuivre sous la prochaine législature. Ainsi, en cinq ans, 65 aspects différents des domaines dans lesquels la commission est compétente auront été abordés, reflétant la sensibilité de 50 rapporteurs différents, soit plus du tiers de l’effectif de la commission. Il faut saluer au passage l’investissement remarquable des rapporteurs pour avis, de la majorité comme de l’opposition, puisque, pour le seul projet de loi de finances pour 2007, pas moins de 229 auditions auront été menées en vue de la rédaction de ces rapports.

Puis le rapporteur a souligné qu’il fallait ajouter à cette importante activité législative une activité de contrôle non moins soutenue. La commission a ainsi constitué 18 missions d’information sur des sujets aussi divers que, pour ne prendre que ces seuls exemples, l’organisation hospitalière, la crise sanitaire et sociale déclenchée par la canicule, la recherche publique et privée face au défi international, l’épidémie à virus chikungunya à la Réunion et à Mayotte ou les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs. La commission aura ainsi fait la preuve qu’elle savait se saisir des outils mis à sa disposition, soit pour apporter son éclairage en réponse à une actualité immédiate, soit pour contribuer, par sa réflexion, à des réformes législatives à venir.

Dans le domaine de l’activité de contrôle, un sort tout particulier doit être réservé à deux initiatives de la commission nées sous cette législature : la création de l’Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé (OPEPS) et la mise en place de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS).

Au cours de la session écoulée, l’OPEPS a ainsi produit trois rapports nécessitant plus de huit heures de débats, quand l’Office parlementaire d’évaluation de la législation n’a publié qu’un seul rapport après s’être réuni 45 minutes. Seul l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) a déployé une activité plus soutenue, mais il bénéficie de l’appui d’un service administratif dédié.

La MECSS a, elle aussi, prouvé pleinement son utilité : sur la même période, elle a produit trois rapports qui ont nécessité 123 auditions étalées sur 25 réunions et plus de 72 heures de débats. Elle a ainsi fait preuve d’une activité légèrement plus soutenue que celle de son homologue de la commission des finances, la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC), dont les rapports ont été aussi nombreux mais ont fait l’objet de travaux préliminaires. Du fait même de son organisation, la MECSS constitue une initiative intéressante. Le fait que sa présidence soit assurée conjointement par un député de la majorité et un député de l’opposition constitue un gage de travail sérieux. Autant les clivages politiques sont nécessaires pour faire vivre la démocratie, autant il est utile, en certaines matières, de s’en abstraire pour éviter des postures stériles nuisibles à l’action publique.

Enfin, dans le domaine du contrôle, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales est celle qui a su le mieux faire vivre la nouvelle procédure des rapports sur la mise en application des lois. Avec 23 rapports, elle se place en effet en tête au nombre des publications. Par ailleurs, la procédure retenue, consistant à inviter le ministre à se présenter devant la commission le jour de la présentation du rapport et à ouvrir la réunion à la presse, offre la meilleure garantie d’une application de la loi dans des délais raisonnables. Il appartient aux représentants de la Nation de voter la loi mais leur devoir est également de veiller à sa bonne application.

Concernant le fonctionnement même de la commission, on peut regretter que le travail en commission, coincé entre les deux rouleaux compresseurs médiatiques que sont le Conseil des ministres et la séance publique, reste méconnu. Pour cette raison, le rapporteur a indiqué qu’il s’est efforcé, en tant que président, d’ouvrir les travaux à la presse chaque fois que la confidentialité n’était pas requise. Ce fut le cas de neuf tables rondes, de nombreuses auditions de ministres et de personnalités extérieures telles que le président de la Cour des comptes ou le président-directeur général de France Télévisions. Sur la seule session écoulée, pas moins de 35 réunions ont été ouvertes à la presse, soit 45 % des réunions de la commission. Il est cependant dommage que le bureau de la commission n’ait pas souhaité autoriser, comme le proposait le président Jean-Louis Debré, l’enregistrement audiovisuel de toutes les réunions de la commission.

Participent également de cette politique d’ouverture les déplacements de la commission hors des murs du Palais-Bourbon. Malgré un emploi du temps particulièrement chargé, elle a envoyé à trente reprises une délégation la représentant dans toutes ses sensibilités politiques, soit auprès des acteurs de terrain, soit auprès de ses homologues étrangers. Ces déplacements ont également été l’occasion pour la commission d’appréhender un champ de compétence dans lequel elle intervient trop peu : la culture. Les 21 déplacements effectués sur ce thème auront permis d’aborder la création artistique et la conservation du patrimoine dans ses différents aspects, du plus institutionnel, avec la visite des grands musées parisiens, au plus informel, avec la visite des friches industrielles de Lyon. Ce parcours, qui n’est pas terminé puisqu’un déplacement au Musée national de l’histoire et des cultures de l’immigration, en cours de construction, est programmé pour le 28 février, aura permis aux commissaires de mesurer à quel point les choix de gestion des musées varient d’un établissement à l’autre.

La question du partage des attributions de la commission n’en demeure pas moins posée. Le rapporteur a renouvelé son profond regret que sa proposition de la scinder en deux, à l’image de l’organisation retenue au Sénat, n’ait pu aboutir, malgré le soutien du président Jean-Louis Debré et des présidents des quatre groupes politiques. Les membres de la commission de la défense, qui préfèrent rester entre eux, ont en effet bloqué cette proposition, alors même qu’ils ont pour activité principale la production de rapports pour avis lors de l’examen du budget. On pourrait même s’étonner qu’ils ne réclament pas que leur commission soit scindée en trois commissions compétentes respectivement pour l’armée de terre, la marine et l’armée de l’air, tandis que la commission des lois, celle des affaires économiques et celle des affaires culturelles, familiales et sociales seraient réunies en une seule… !

Avant de conclure son intervention, le rapporteur a souhaité distinguer les députés les plus assidus en commission : pour le groupe UMP, MM. Pierre-Louis Fagniez, Georges Colombier et Maurice Giro, mais aussi, au sein des autres groupes, MM. Henri Nayrou, Maxime Gremetz et Jean-Luc Préel, qui ont représenté le plus activement respectivement le groupe socialiste, le groupe des député-e-s communistes et républicains et le groupe UDF, étant précisé que pour ce dernier M. Pierre-Christophe Baguet était en fait le plus présent mais n’est plus membre de ce groupe aujourd’hui. Il a également souhaité adresser une mention spéciale à Mme Martine Billard dont c’est le premier mandat et qui s’est investie de façon remarquable, déposant des amendements sur de très nombreux textes, alors même qu’elle ne peut s’appuyer sur le secrétariat d’un groupe politique. S’il est regrettable que les conditions de travail auxquelles la commission est soumise ne lui permettent pas de mener des réflexions toujours aussi approfondies que les députés – de la majorité comme de l’opposition – le souhaiteraient, elle aura tout de même su faire entendre sa voix dans le débat public tout au long de la législature.

Concluant son propos, le rapporteur s’est déclaré heureux et fier d’avoir présidé cette commission de l’« humain », comme il l’avait lui-même qualifié lors de son élection à la présidence cinq ans auparavant. Il a remercié ses membres pour le travail qu’ils ont accompli, ainsi que l’ensemble de l’équipe administrative.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a remercié à son tour l’équipe administrative de la commission et salué le travail accompli par la commission, aux réunions de laquelle il a regretté de n’avoir pu participer davantage en fin de législature, ayant été mobilisé par la commission d’enquête sur l’affaire d’Outreau et par la mission d’information sur les urgences médicales.

Regrettant, avec le rapporteur, les conditions dans lesquelles la commission est souvent contrainte de travailler, Mme Paulette Guinchard s’est interrogée sur les méthodes à mettre en œuvre pour que celle-ci puisse travailler de façon apaisée, en prenant son temps. Certes, le gouvernement a trop souvent recouru à la procédure d’urgence, mais même lorsque l’urgence n’est pas déclarée, il est toujours difficile de trouver le bon rythme de travail. Cette question n’est pas spécifique à la commission, mais semble toucher à l’organisation politique générale de la France. Il serait intéressant de mieux connaître la pratique, à cet égard, des autres pays européens, en vue de s’en inspirer lorsqu’elle paraît plus appropriée. S’agissant des auditions particulières auxquelles a procédé l’opposition, ce sont les personnes auditionnées elles-mêmes qui les ont sollicitées, et il eût été mal venu de leur opposer une fin de non-recevoir. Il faut cependant veiller à mener un travail commun, tout en respectant les clivages existants.

Le rapporteur a suggéré qu’après avoir procédé à leurs propres auditions, les députés de l’opposition participent aux auditions communes, pour le bénéfice de tous. S’il y a un regret supplémentaire à exprimer, c’est celui de ne pas avoir pu voyager davantage, et en particulier de ne pas s’être rendu plus souvent en Allemagne, dans la mesure où les Allemands ont mené une réforme de l’assurance maladie portant principalement sur le financement, alors que la France est davantage axée sur les aspects fonctionnels, et qu’ils semblent envisager, au bout de deux ans, de s’orienter davantage dans cette voie. Un dialogue franco-allemand en ce domaine pourrait être à l’origine d’un modèle européen d’assurance maladie.

M. Maxime Gremetz s’est déclaré satisfait de la façon dont la commission avait fonctionné, en particulier de la place faite à l’opposition et du climat que son président a su y faire régner, même s’il y a eu parfois de vifs échanges. Pour autant, la participation aux travaux de cette commission constitue pour ses membres une charge très lourde, surtout s’ils appartiennent à des groupes politiques aux effectifs réduits. Cela pose la question de l’étendue même du champ de la commission qui oblige les députés, faute de temps, à ne pas pouvoir suivre toues les dossiers et à en choisir certains qu’ils suivent en priorité. Il est cependant regrettable qu’aucun rapport n’ait été confié à un membre du groupe communiste, et la même remarque vaut pour d’autres courants politiques, notamment celui représenté par Mme Martine Billard. De façon plus générale, la diversité n’est pas suffisamment prise en compte, ne serait-ce qu’au sein du bureau de la commission dans lequel le groupe communistes et républicains n’est pas représenté. Il y aurait un effort à faire dans ce domaine.

S’agissant des liens entre la commission et la société civile, M. Maxime Gremetz a illustré son propos en évoquant l’accord national interprofessionnel sur la formation. Dans ce cas précis, les syndicats signataires ont considéré que le Parlement devait se contenter d’entériner l’accord sans le modifier, estimant qu’il n’avait pas le droit d’y toucher et qu’il devait se contenter de le voter. Fort de cet exemple, il serait peut-être souhaitable de mettre en place une procédure spécifique conciliant les prérogatives normales du Parlement et le respect du dialogue social. La commission pourrait, par exemple, recueillir officiellement l’avis des organisations syndicales représentatives. Il est de l’intérêt des partenaires sociaux comme du Parlement de travailler ensemble.

Le rapporteur a approuvé cette idée. Il a également regretté qu’en l’état actuel de la représentation des partis politiques à l’Assemblée nationale, il n’ait pas été possible qu’un membre du groupe communiste se voit confier un rapport, hormis dans le cadre de l’ordre du jour réservé à ce groupe, siège au sein du bureau de la commission ou soit désigné membre titulaire d’une commission mixte paritaire. Il a également souligné que, si les auditions préalables à l’examen d’un texte de loi sont ouvertes à tous les députés, ceux-ci, faute de temps, ne peuvent participer à toutes.

M. Bernard Perrut a reconnu l’importance du travail réalisé par la commission et déploré qu’il ne soit pas reconnu à sa juste valeur. S’il est possible de connaître, en consultant le site Internet de l’Assemblée, le nombre de questions écrites posées par un député, il n’est pas possible, en revanche, de connaître de la même façon le nombre et le contenu de ses interventions en commission : donner davantage d’écho au travail en commission, et notamment aux auditions, valoriserait l’activité parlementaire tout entière. Il a remercié le président Jean-Michel Dubernard pour sa façon, à la fois ferme et conviviale, de conduire les travaux, et l’a félicité pour sa connaissance des dossiers.

M. Georges Colombier, président, a jugé ces remarques très pertinentes.

M. Maurice Giro a dit tout le bonheur qu’il a eu à participer aux travaux de la commission et salué les relations de confiance qui se sont nouées entre les commissaires membres de la majorité comme de l’opposition, notamment grâce à son président. Il s’est déclaré très honoré d’avoir eu à rapporter l’important projet de loi sur les services à la personne et a remercié ses collègues ainsi que l’administration, sans lesquels rien n’aurait été possible.

M. Pierre Morange a rendu hommage au président Jean-Michel Dubernard, qui a pris des initiatives remarquables, que retrace d’ailleurs le rapport d’activité : suivi de l’application des lois, création de la MECSS, choix de rapports pour avis thématiques sur le budget, règle des rapporteurs « tournants » pour le PLFSS et le PLF. Si chacune et chacun, appartenant à la majorité ou à l’opposition, s’est investi fortement dans les travaux de la commission, il est néanmoins regrettable que ces travaux ne puissent se dérouler dans de meilleures conditions. La commission est certes en contact permanent avec les représentants de la société civile, au premier rang desquels les partenaires sociaux, mais il faudrait formaliser davantage cette approche ; il serait pertinent, par exemple, que la commission travailler de façon plus étroite avec le Conseil économique et social. Sur les grands sujets de fond qui sont de sa compétence, la commission a besoin de ne pas rester « le nez dans le guidon », mais d’enrichir sa réflexion en permanence, afin d’éviter que la loi soit pensée et élaborée de façon collégiale.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

*

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), présenté par Mme Martine Carrillon-Couvreur, sur l’action sociale du régime général de sécurité sociale et l’action sociale des collectivités territoriales.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure, a indiqué que le choix d’un sujet aussi large correspond à la volonté constante de la MECSS d’appréhender d’une façon aussi décloisonnée que possible les questions de protection sociale. Cette approche est particulièrement justifiée s’agissant de l’évaluation de la politique d’action sociale, domaine de l’action publique qui a été fortement réformé depuis vingt ans et dans lequel les acteurs sont très nombreux. Chaque jour, l’actualité rappelle l’impérieuse nécessité de l’action sociale, qui est en quelque sorte l’« ancêtre » de la protection sociale.

Les problèmes sociaux sont nombreux et tendent à se multiplier. A côté des besoins permanents, de nouveaux besoins d’action sociale apparaissent, liés à la pauvreté, à la précarité, à l’isolement et à la solitude, à la multiplication des ménages monoparentaux, au développement du travail des femmes, aux difficultés d’éducation et d’autorité, au développement des problèmes psychiques, au vieillissement de la population. Il faut sans cesse adapter la réponse sociale à la demande de personnes en situation de faiblesse. Il s’agit, au fond, de revisiter le devoir de solidarité.

Pour mener ses investigations et son travail de réflexion sur l’action sociale, la MECSS a pu s’appuyer sur des expertises extérieures. Elle a d’abord bénéficié de l’assistance de la Cour des comptes, désormais habituelle mais toujours aussi précieuse. La Cour a effectué, à la demande de la mission, une enquête préalable sur l’action du régime général de sécurité sociale, laquelle a fait l’objet d’une insertion dans son rapport annuel sur la sécurité sociale, publié au mois de septembre 2006.

Grâce à l’autorisation donnée par le ministre de la santé et des solidarités, la MECSS a également bénéficié, pour la première fois, du concours de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) qui s’est concrétisé par la remise à la MECSS de deux contributions écrites. La première, de portée générale, réalisée par deux inspecteurs, vise à établir une « cartographie de l’action sociale » ; la seconde, plus ciblée, concerne l’action sociale locale en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées menée dans quatre départements, représentatifs de la diversité des territoires : Nord, Lot-et-Garonne, Rhône et Val-de-Marne. Quatre inspecteurs se sont rendus sur le terrain, pour rencontrer, pendant un mois et demi, entre début novembre et mi-décembre 2006, les principaux acteurs locaux concernés des collectivités territoriales, de la sécurité sociale, des services de l’État et des associations d’opérateurs ou d’usagers. Ce travail a fait l’objet de la remise d’un rapport d’étape, puis d’un rapport final. Les deux rapports de l’IGAS seront publiés en annexe au rapport.

Ainsi, grâce aux travaux préalables de la Cour des comptes et concomitants de l’IGAS, la MECSS a pu croiser les approches et approfondir ses analyses. Les investigations menées par l’IGAS ont notamment permis d’avoir un « retour » du terrain très utile. La MECSS a, pour sa part, pendant quatre mois, auditionné les principaux acteurs nationaux et locaux de l’action sociale, notamment des quatre départements sélectionnés.

Le rapport examine tout d’abord la complexité de l’action sociale et les conséquences de l’éclatement des compétences. Il formule ensuite une série de propositions visant à améliorer la coordination et à décloisonner le social et le sanitaire mais aussi à donner un nouveau sens à l’action sociale et à améliorer l’effectivité des droits.

L’ancienneté de l’action publique souligne la permanence des besoins à satisfaire. Et ce n’est pas le moindre des paradoxes de le rappeler aujourd’hui, cinquante ans après la création de la sécurité sociale, laquelle aurait dû permettre de réduire, sinon de supprimer, le besoin d’une action sociale complémentaire aux prestations de solidarité nationale alors mises en œuvre. Au contraire, force est de constater que l’action sociale a continué de se développer, en même temps que la sécurité sociale et l’ensemble de la protection sociale. La volonté d’améliorer la réponse sociale aux besoins de la population explique cette évolution.

L’ancienneté de l’action sociale est, à l’évidence, une des causes de la complexité institutionnelle de ce secteur de l’action publique, qui regroupe des interventions sociales très diversifiées et en forte croissance.

La notion même d’action sociale est mal définie et en pleine évolution. On distingue, traditionnellement, trois techniques de protection sociale : les assurances sociales, l’aide sociale et l’action sociale. L’aide sociale vise à apporter des aides complémentaires aux assurances sociales. L’action sociale constitue le troisième niveau de protection qui a vocation à pallier les insuffisances des deux premiers. Avec la création, en particulier dans les années récentes, de prestations hybrides qui mélangent les logiques d’assurance sociale, d’aide sociale et d’action sociale, par exemple, l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et la prestation de compensation du handicap (PCH), les classifications traditionnelles ne sont plus aussi nettes. C’est donc sur la base d’une conception large de l’action sociale – qui englobe l’action sociale et l’aide sociale – que la MECSS a organisé ses investigations. Cette approche permet de procéder à une évaluation plus complète des différents dispositifs, notamment ceux créés ces dernières années, et de leur articulation. Ce choix traduit également la volonté de prendre en compte les conditions concrètes de mise en œuvre de la politique d’action sociale, les deux notions d’aide sociale et d’action sociale étant largement confondues par les acteurs de terrain.

Le cadre juridique de l’action sociale a été renouvelé mais est encore instable. En effet, à la suite de la décentralisation de l’action sociale, commencée en 1982, de nombreuses réformes sont intervenues dans ce domaine. La contribution de l’IGAS à la cartographie de l’action sociale présente une liste des 28 principales lois relatives à l’aide et à l’action sociale promulguées depuis 1982. L’action sociale assure une fonction compensatrice, une fonction réparatrice et, de plus en plus, et c’est une voie d’avenir, une fonction de prévention. L’action sociale des caisses de sécurité sociale et des collectivités territoriales est très diversifiées mais elle s’adresse, principalement, à cinq publics : les familles, les jeunes, les personnes rencontrant des difficultés d’insertion ou de logement, les personnes âgées et les personnes handicapées.

En 2005, dans l’ensemble des dépenses de protection sociale, qui s’élèvent à 483 milliards d’euros, les assurances sociales représentaient 87 % des dépenses et l’action sociale 13 %, soit 61,3 milliards d’euros, c’est-à-dire l’équivalent des dépenses hospitalières, lesquelles représentent près de 40 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM).

L’aide sociale représente 4,7 % des dépenses de protection sociale, soit 22,5 milliards d’euros, l’action sociale 4,6 %, soit 22,2 milliards d’euros, et les minima sociaux 3,4 %, soit 16,6 milliards d’euros.

Les dépenses d’action sociale se répartissent entre l’État pour 25,6 milliards d’euros, les collectivités territoriales (près de 25 milliards d’euros), les associations (9 milliards d’euros) et la sécurité sociale (4,3 milliards d’euros). Les dépenses comptabilisées au titre des associations correspondent, pour l’essentiel, à des dépenses en faveur des personnes handicapées : prestations médico-sociales financées par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), frais d’hébergement et d’aide sociale financés par les départements.

Les collectivités territoriales et la sécurité sociale représentent 45 % du total des dépenses d’action sociale, le reste étant le fait de l’État et des associations.

Cependant, l’information sur l’action sociale des collectivités territoriales est parcellaire. Les dépenses d’aide sociale sont bien recensées mais les dépenses d’action sociale facultative des départements et des communes sont mal connues. Il n’existe pas de données agrégées concernant l’ensemble des communes.

Par ailleurs, les compétences en matière d’action sociale sont éclatées et enchevêtrées. On peut même dire que le principe de « déspécialisation » a été poussé à l’extrême. En effet, alors que les départements se sont vu reconnaître des compétences croissantes, en particulier avec les deux vagues de décentralisation de 1982 et 2004, mais aussi avec les lois récentes relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et à la décentralisation du revenu minimum d’insertion (RMI), les autres acteurs traditionnels de l’action sociale que sont les communes et la sécurité sociale ont maintenu et même développé leurs propres politiques d’action sociale. Il n’est, jusqu’alors, pas paru possible d’appliquer strictement le principe de bloc de compétence. Il y a toujours eu la volonté de maintenir une certaine diversité des initiateurs des actions.

Afin de s’adapter à la nouvelle donne, qui fait du département le chef de file de l’action sociale, la sécurité sociale a, avec la tutelle, entamé – avec difficultés – la réorientation de son action sociale. Celle-ci s’est notamment traduite par des dépassements de dépenses importants des fonds d’action sociale des branches famille et vieillesse en 2005. Les récents rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS dressent des constats sévères. De fait, en raison de la pluralité des réseaux, le pilotage de l’action sociale est difficile et la mise en cohérence des actions aussi.

Le rapport présente 59 propositions correspondant à dix orientations.

Tout d’abord, il propose d’élargir la maîtrise d’œuvre du département sur la politique d’action sociale en faveur des personnes âgées. A cet effet, il prévoit le transfert au département de l’action sociale de la branche vieillesse du régime général de sécurité sociale. Dans cet esprit, il suggère d’expérimenter le transfert au département des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

En outre, il préconise de décloisonner le social, le médico-social et le sanitaire afin d’assurer la continuité de l’accompagnement des personnes dans leur projet de vie, d’améliorer la qualité du service rendu et l’efficience. A cet effet, il propose d’élargir la maîtrise d’œuvre du département sur l’action sociale et de la coordonner avec le sanitaire.

Les propositions sont les suivantes :

– instaurer un schéma régional d’organisation sanitaire, sociale et médico-sociale (SROSSMS) et créer le réseau santé-social et médico-social régional (RSS) à partir des centres locaux d’information et de coordination (CLIC), dont les compétences seraient élargies à l’ensemble des champs social, médico-social et sanitaire, et qui pourraient être dénommés « maisons de la protection sociale » ou « maisons de la solidarité » ;

– prévoir une obligation de coordination et d’intégration dans un réseau santé-social régional pour tous les organismes concourant à l’action sociale et sanitaire bénéficiant d’un financement public ;

– prévoir une obligation de contractualisation entre les caisses de sécurité sociale du régime général et les départements ;

– articuler les schémas départementaux avec le schéma régional (calendrier commun, respect des objectifs régionaux et contractualisation) ;

– développer les outils du diagnostic social local en généralisant la création d’observatoires régionaux et départementaux des besoins sociaux et l’analyse des besoins sociaux (ABS) au niveau communal.

Le rapport suggère également d’inciter au développement de l’action sociale communautaire.

En matière de financement des dépenses croissantes d’action sociale, la mission demande que soit assurée la juste compensation des transferts de charges en matière d’action sociale et, comme l’a suggéré le récent rapport de la commission des finances sur les transferts de compétences présenté par MM. Marc Laffineur et Augustin Bonrepaux (n° 3523), de renforcer la péréquation entre les départements.

Afin de satisfaire les besoins croissants en professionnels de l’action sociale, le rapport appelle à un important effort de formation des intervenants sociaux et de valorisation des acquis de l’expérience (VAE) ainsi qu’au développement de la formation aux nouvelles dimensions de l’action sociale : le « prendre-soin » – c’est-à-dire le care que les Anglo-Saxons distinguent du cure, qui correspond aux soins proprement dits –, l’approche individualisée et globale des besoins, la prévention et l’ingénierie sociale. La MECSS a toujours eu le souci constant de prendre en compte les préoccupations des acteurs de terrain qui participent au « mieux vivre ensemble » et font vivre, au quotidien, l’action sociale.

Par ailleurs, le rapport propose d’adapter les prestations d’action sociale aux nouvelles demandes et d’améliorer l’effectivité des droits.

Il recommande l’instauration d’un schéma départemental d’organisation de la petite enfance.

En qui concerne les personnes âgées et les personnes handicapées, le rapport propose d’harmoniser l’accompagnement de la perte d’autonomie, en accélérant la convergence des dispositifs d’accompagnement concernant les personnes âgées et les personnes handicapées, en supprimant la barrière d’âge et en établissant une grille commune d’évaluation.

Il préconise aussi le développement d’une offre de services permettant l’exercice effectif du libre choix du mode d’hébergement pour les personnes âgées et de l’effort de créations de places médicalisées en établissements d’hébergement des personnes âgées dépendantes dans le cadre d’une programmation pluriannuelle.

Toujours dans l’objectif d’assurer la continuité de l’accompagnement des personnes, le rapport suggère de prévoir des incitations tarifaires au développement d’établissements multiservices d’hébergement, d’accueil de jour et d’hébergement temporaire ainsi que d’élargir l’offre des services à domicile et de les rendre plus accessibles, notamment en développant l’hospitalisation à domicile et les équipes mobiles gérontologiques et de soins palliatifs. Cela rejoint l’une des conclusions de la mission d’information, créée par la commission, sur la prise en charge des urgences médicales, dont M. Georges Colombier était le rapporteur.

Ce rapport demande aussi que soit accéléré le déploiement de l’aide au retour à domicile après hospitalisation et le renforcement des aides aux « aidants » en instaurant un droit à la formation professionnelle, à la valorisation des acquis de l’expérience, à l’accompagnement psychologique, à l’indemnisation du congé de soutien familial et en élargissant le crédit d’impôt famille.

La mission propose, enfin, d’accélérer la mise en oeuvre du droit à compensation des personnes handicapées, d’assurer un suivi précis du coût de la prestation de compensation du handicap (PCH), d’étudier les effets du « reste à charge » sur les personnes âgées et les personnes handicapées et de développer les équipes mobiles d’intervention en faveur des personnes handicapées.

Pour conclure, il convient d’insister sur le nouveau sens qui doit être donné à l’action sociale. Celle-ci doit être un moyen de renforcer la cohésion sociale sur les territoires et doit s’inscrire dans un projet de développement social ancré dans les territoires. La décentralisation a initié cette démarche de territorialisation de l’action sociale pour des territoires plus solidaires. C’est dans ce sens qu’il convient d’aller aujourd’hui pour améliorer le bien-être de nos concitoyens, car tel est bien l’objectif ultime de l’action sociale. La mission aurait pu reprendre l’excellent titre du rapport de M. Martin Hirsch : « Au possible, nous sommes tenus – La nouvelle équation sociale ». Le rapport de la mission constitue aujourd’hui la base d’un travail à poursuivre dans le cadre de la MECSS, au cours de la prochaine législature.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

M. Georges Colombier, président, a remercié la rapporteure et souligné que certaines orientations recoupaient certaines de celles proposées par la mission d’information sur les urgences médicales.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente de la MECSS, a relevé que les montants dépensés au titre de l’action sociale sont équivalents à ceux des dépenses hospitalières. Il faut aussi souligner l’importance de la proposition visant à transférer l’ensemble de l’action sociale de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) au département et de celle concernant la nouvelle organisation d’un réseau décloisonné, regroupant les compétences sociale, médico-sociale et sanitaire, à partir des centres locaux d’information et de coordination (CLIC). Par ailleurs, il faut souligner l’intérêt des collaborations de l’IGAS et de la Cour des comptes aux travaux de la MECSS et remercier également les départements concernés pour leur accueil et leur participation.

M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS, a remercié la rapporteure pour son travail et insisté sur le fait que la MECSS avait osé aborder un domaine, peu étudié jusqu’à présent, complexe et où les compétences sont éclatées. Il est pourtant tout à fait légitime de s’assurer de la bonne utilisation de l’argent public, notamment dans le domaine social. Afin de relever les défis démographiques auxquels la France est confrontée, tant en ce qui concerne l’accompagnement des personnes âgées dépendantes que la prise en charge des personnes handicapées, les préconisations du rapport s’inscrivent dans une logique de décloisonnement des secteurs sanitaire, social et médico-social, au niveau régional et départemental. Elles visent aussi à améliorer le partage d’information et à développer un important effort de formation de professionnels pour répondre aux besoins de recrutement dans ce secteur. Les besoins d’action sociale sont nombreux puisqu’ils concernent aussi d’autres populations, comme les personnes en situation de précarité, les familles et les jeunes. Sur le terrain, il convient donc que l’ensemble des acteurs se coordonne. Les citoyens ont souvent l’impression de devoir suivre un parcours difficile à comprendre. L’action sociale doit être organisée de manière plus claire et plus lisible pour être plus réactive et plus efficace.

M. Frédéric Reiss a remarqué que l’intercommunalité pouvait entraîner des difficultés de mise en œuvre de l’action sociale. Les compétences des centres communaux d’action sociale (CCAS) sont souvent reprises par les centres intercommunaux d’action sociale (CIAS) et, sur le terrain, il se peut que les personnes ne soient pas motivées. Entre communes, intercommunalités et départements, il faudrait savoir qui fait quoi, ce qui est obligatoire et ce qui est facultatif. Dans sa commune, l’adjointe au maire en charge de ces questions se plaint d’être isolée au sein de l’intercommunalité, parmi des élus qui ne se donnent pas vraiment les moyens d’agir. Il faut donc féliciter la rapporteure pour les idées très intéressantes contenues dans le rapport.

M. Maxime Gremetz a insisté sur l’importance des questions de financement ainsi que sur la nécessité de mettre en place un autre mode de financement de la protection sociale et déploré que ces questions n’aient pas été abordées, ou fort peu, à la différence de ce qui se passe au Conseil d’orientation des retraites (COR). Comment doter la sécurité sociale d’une vraie gouvernance ? Comment la financer ?

On parle beaucoup, en ce moment, de démocratie participative ; parmi les nombreux sujets qu’il faudrait remettre à l’ordre du jour, figure celui de l’élection des administrateurs des caisses de sécurité sociale. Estimant que sur tous ces sujets, les propositions contenues dans le rapport sont insuffisantes, M. Maxime Gremetz a indiqué qu’il s’abstiendrait.

La rapporteure, a indiqué que le rapport met en évidence l’importance des dépenses d’action sociale, présente la répartition de celles-ci et, surtout, souligne certaines inégalités territoriales dans les capacités de financement des départements. Quand aux considérations sur la gouvernance et la démocratie participative, ils sont hors sujet : ce n’était pas l’objet du rapport.

M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS, a rappelé que l’objectif de la MECSS était de dresser un état des lieux et de formuler des propositions afin d’optimiser et de rationaliser l’utilisation des deniers publics. Des pistes ont été dégagées concernant les financements, mais l’objectif premier était de faire un bilan et de dégager des marges de manœuvre. La question de la gouvernance a déjà été traitée dans le premier rapport de la MECSS, dont certaines préconisations visaient d’ailleurs à rétablir les élections aux conseils d’administration des caisses des différentes branches du régime général de sécurité sociale, en prenant pour modèle le système en vigueur à la Mutualité sociale agricole (MSA).

Mme Paulette Guinchard, coprésidente de la MECSS, a estimé que le rapport est très clair, bien que bref, sur la question du financement et souligné que le thème de la gouvernance avait en effet été abordé dans un précédent rapport. Reste que les questions de démocratie sociale sont appelées à devenir de plus en plus brûlantes, à commencer par celle du lien entre la sécurité sociale et les collectivités locales.

M. Georges Colombier, président, a souhaité qu’une suite soit donnée à ce rapport lors de la prochaine législature.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), présenté par Mme Paulette Guinchard, sur les suites données aux observations communiquées par la MECSS au gouvernement et aux organismes de sécurité sociale.

Mme Paulette Guinchard, coprésidente de la MECSS, rapporteure, a rappelé que la création de la MECSS avait pour origine un amendement du président Jean-Michel Dubernard à la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie. La mission a successivement travaillé sur quatre thèmes : l’organisation et le coût de gestion des branches de la sécurité sociale (rapport présenté par M. Jean-Pierre Door) ; le financement des établissements d’hébergement des personnes âgées (rapport présenté par Mme Paulette Guinchard) ; la tarification à l’activité dans les établissements de santé (rapport de M. Jean-Marie Rolland) ; l’action sociale du régime général de sécurité sociale et l’action sociale des collectivités territoriales objet du rapport que Mme Martine Carrillon-Couvreur vient de présenter à la commission. Celle-ci a également autorisé, le 17 novembre 2005, la publication d’une communication sur le plan Biotox, présentée par M. Jacques Domergue à la suite d’une série d’auditions à huis clos pour des raisons liées à la protection du secret de la défense nationale.

Le rapport dresse le bilan du suivi des observations que la MECSS a notifiées au gouvernement et aux organismes de sécurité sociale à l’occasion de ses trois premiers rapports. Il est à noter que les caisses de sécurité sociale ont globalement mieux répondu que les autres intervenants aux questions posées.

On ne peut que se réjouir d’une part que le plan « Solidarité-grand âge » du gouvernement ait repris plusieurs des préconisations du rapport sur le financement des établissements d’hébergement des personnes âgées, d’autre part que certaines préconisations de la MECSS aient été prises en compte dans la loi du financement de la sécurité sociale pour 2007. La concordance entre les décisions du gouvernement et les préconisations de la MECSS prouve, s’il en est besoin, l’intérêt d’un travail en commun. Les tableaux figurant dans le rapport écrit retracent dans le détail les propositions formulées et les suites qui leur ont été données, dans des domaines parfois insoupçonnés, et qui ont abouti à des avancées non négligeables.

La participation, aux côtés de la MECSS, de la Cour des comptes et de l’IGAS, est également facteur d’efficacité. Ces compétences communes ou à tout le moins les partenariats ainsi créés autour de la problématique du contrôle des comptes de la sécurité sociale sont une vraie chance pour l’Assemblée nationale en lui permettant de développer un réel savoir-faire et d’améliorer considérablement le travail parlementaire. Il faut également relever, sur le plan méthodologique, l’importance du lien avec les collectivités locales.

Sur le fond, les quatre rapports ont mis en évidence l’absence d’une vraie culture d’évaluation dans le champ de l’action sanitaire et sociale et le manque de lieux d’information et d’échanges dans ce domaine. Cette lacune impressionnante en matière de connaissance s’explique certainement par des raisons historiques concernant les modes de gestion de la sécurité sociale et de nos politiques sociales. Le travail réalisé dans le cadre de ces quatre rapports montre qu’il y a là un véritable enjeu et à quel point il est nécessaire de se doter de véritables outils de mesure et d’évaluation non seulement des dépenses, mais aussi du service rendu aux populations. Les membres de la mission se sont par ailleurs appliqués à progresser dans une recherche de consensus sur les questions essentielles sans pour autant nier leurs divergences politiques. C’est incontestablement une des forces de la MECSS et il faut souhaiter que la mobilisation de ses membres se poursuive durant les prochaines législatures – c’est là une condition de la réussite de ses travaux – alors même que cette approche des questions sanitaires et sociales traduit une réelle évolution du travail parlementaire.

Enfin, la MECSS pourrait utiliser dans l’avenir ses pouvoirs de contrôle sur pièces et sur place.

Un débat a suivi l’exposé de la rapporteure.

M. Georges Colombier, président, a remercié Mme Paulette Guinchard, coprésidente de la MECSS, pour ce rapport réalisé en commun avec M. Pierre Morange, coprésident de la MECSS, et plus généralement, pour tout le travail qu’elle a accompli avec compétence et passion, en particulier en faveur des personnes âgées, dans le cadre de ses fonctions ministérielles puis tout au long de la présente législature.

Mme Martine Carrillon-Couvreur a indiqué partager les observations de la rapporteure, particulièrement sur la nécessité de travailler en relation plus étroite avec les territoires dont le rôle devient de plus en plus déterminant. La collaboration de l’IGAS, très utile, devra se poursuivre. Le travail accompli par Mme Guinchard en faveur des personnes âgées et, au-delà, dans le domaine de l’action sociale doit être salué, ainsi que la qualité de sa réflexion qui aura indéniablement contribué à faire évoluer l’approche des uns et des autres. Il est souhaitable que le travail engagé dans le cadre de la MECSS continue au cours de la prochaine législature en suivant des pistes déjà largement ouvertes.

La rapporteure a assuré n’avoir fait que son travail de parlementaire en mettant sa passion au service de questions de société beaucoup plus importantes qu’on ne le croit. L’allongement de la vie impactera de plus en plus lourdement tant l’organisation sociale que la sécurité sociale, la vie des familles ou l’évolution des métiers. Il aura fallu un siècle pour construire – sans en avoir terminé – une politique de la petite enfance ; l’allongement de la vie est très probablement appelé à devenir la question la plus importante sur laquelle aura à travailler la commission des affaires sociales. Il faut enfin saluer le grand investissement de M. Pierre Morange dans la mise en place de la MECSS dont M. Jean-Marie Le Guen a également été coprésident lors de sa mise en place. La MECSS est devenue un outil essentiel de contrôle et d’amélioration du travail parlementaire. Tout porte à croire que c’est dans le domaine du contrôle que le Parlement gagnera de nouveaux galons, lorsque toutes les structures auront compris que son rôle n’est pas seulement de voter les lois, mais également de veiller à leur application et au fonctionnement global de l’État au sens large, collectivités territoriales comprises. On pourra alors parler d’un véritable progrès pour la démocratie.

La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

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La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné le rapport d’information, présenté par M. Dominique Juillot, sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football et le rôle des agents sportifs.

M. Dominique Juillot, rapporteur, a présenté les grandes lignes du rapport de la mission d’information, en soulignant que son titre même – « Transferts des joueurs professionnels de football et activité des agents sportifs : une exigence de transparence » – montrait l’orientation du travail réalisé par la mission.

Argent et dopage constituent les principales menaces pour l’éthique sportive et que, parmi les dérives liées à l’argent, les opérations de transferts de joueurs sont sans doute les plus porteuses de risques. Le problème n’est certes pas nouveau, la lutte contre les transferts irréguliers figurant déjà parmi les quatre missions que s’était fixées la FIFA dès sa création en 1904. Mais les transferts ont pris, depuis quelques années, une ampleur particulière.

En effet, le sport mobilise aujourd’hui des sommes considérables, tirées notamment de l’exploitation des droits de retransmission télévisée. Le budget total des clubs de ligue est ainsi passé de 330 millions d’euros, pour la saison précédant la Coupe du monde 1998, à 990 millions d’euros pour la saison 2004-2005. Ces enjeux financiers sont à l’origine de pratiques frauduleuses favorisées par le flou juridique et les difficultés de la régulation internationale. En France, de nombreux litiges mettant en cause dirigeants de clubs, agents sportifs et même joueurs, montrent que le football avoisine souvent l’affairisme, ce qui entraîne corruption, évasion fiscale et blanchiment d’argent.

L’objet de la mission était de s’interroger sur les problèmes de corruption dûs notamment aux transferts et à un certain flou dans l’exercice de la profession d’agent sportif. Si ses travaux se sont particulièrement focalisés sur le football professionnel, son constat et ses propositions ont toutefois vocation à s’appliquer à toutes les disciplines sportives car le football n’est pas le seul à être touché par les dérives. La mission a procédé à vingt-sept auditions de personnalités représentant l’ensemble de du secteur : divers représentants des instances du football et du mouvement sportif, de niveau national et international, dirigeants de clubs, représentants des agents sportifs, juristes spécialisés, journalistes. Elle a notamment auditionné M. Michel Platini dont on sait le rôle qu’il sera amené à tenir en ce domaine pendant les prochaines années en tant que président de l’Union des associations européennes de football (UEFA).

Les transferts sont une pratique ancienne du football, dont l’apparition remonte aux premières compétitions à caractère professionnel organisées en Angleterre à la fin du XIXe siècle. Ils ont connu un développement considérable depuis une dizaine d’années, après que la Cour européenne de justice a supprimé, par l’arrêt « Bosman », les entraves à la libre circulation des sportifs professionnels sur le territoire européen.

Les enjeux financiers représentés par les transferts de joueurs dans le football sont considérables. La somme des indemnités de transferts payées par les clubs de Ligue 1 s’élève en moyenne à 150 millions d’euros par an, mais elles ont atteint 300 millions d’euros au cours de la saison 2000-2001. Du point de vue juridique, les transferts sont des opérations délicates à appréhender, faute de réglementation spécifique. Comme a pu le constater la mission, les clubs employeurs ne sont plus les seuls acteurs impliqués dans ces opérations. Ainsi, les clubs français se heurtent au problème du paiement de droits dits « fédératifs » à des sociétés de joueurs – interdites en France – lors des transferts internationaux. D’une manière générale, les transferts peuvent être considérés comme un mode particulier et, parfois utile, de régulation de la mobilité des joueurs professionnels entre les clubs. Les méthodes ne sont pas toujours régulières, mais le système permet d’assurer un compromis entre la nécessité pour les clubs de préserver leur investissement sportif et les droits des joueurs qui gardent la liberté de changer de club à la fin de leur contrat de travail.

Les fraudes constatées à l’occasion de transfert existent bien et elles portent atteinte à l’éthique du sport. Les travaux de la mission ont mis en relief la complexité des mécanismes en jeu. On est en présence de montages utilisant des circuits variés pour dissimuler l’identité des acteurs. Les supports sont également divers : achat d’un contrat de joueur, évasion ou dissimulation fiscale, détournement de fonds… Force est de constater que la fascination des résultats sportifs l’emporte encore sur l’orthodoxie financière, ce qui montre, au demeurant, l’utilité des sanctions sportives aux infractions financières.

Face à cette situation, les moyens de contrôle sont insuffisants. Plus durement touché que les autres sports par des faillites retentissantes, le monde du football s’est pourtant doté, bien avant les autres disciplines sportives, d’un service de contrôle interne pour préserver la pérennité financière des clubs professionnels. La Direction nationale du contrôle de gestion (DNCG), créée par la Fédération française de football, a montré son efficacité en prévenant ou en limitant les effets des faillites de clubs de football en Ligue 1, en Ligue 2 et dans le football amateur. C’est pourquoi la loi du 6 juillet 2000, modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à la promotion des activités physiques et sportives, a consacré ce dispositif en étendant à l’ensemble du sport professionnel la mission d’organiser, en interne, un contrôle financier à finalité sportive.

Pourtant, la DNCG du football exerce encore un contrôle incomplet sur les comptes des clubs professionnels. Alors que les autorités sportives sont compétentes pour autoriser les mutations des joueurs évoluant en championnat, la DNCG ne dispose pas de toutes les pièces des contrats qu’elle doit viser et ne connaît parfois ni le montant des transferts, ni la rémunération des intermédiaires. La dispersion des informations et la logique même du contrôle de la DNCG, qui ne couvre pas la totalité du périmètre des opérations de transfert, ne permettent donc pas de lutter efficacement contre les fraudes. Cette situation est d’autant plus regrettable que la moitié des transferts de joueurs de clubs français sont réalisés avec des clubs étrangers et les transferts internationaux sont ceux qui posent le plus de problèmes. Il est donc indispensable que la question du contrôle des transferts soit abordée au niveau européen et international.

Sur ce point, la mission a constaté – et elle s’en félicite – que les instances internationales ont engagé des réflexions approfondies, qu’il s’agisse des instances sportives européenne et internationale – UEFA et FIFA (Fédération internationale de football association), en liaison avec les instances sportives françaises –, ou des institutions européennes : le Parlement européen prépare actuellement un projet de résolution sur l’avenir du football professionnel et la Commission européenne rendra bientôt public un Livre blanc sur le rôle de l’Union en matière de sport. Il faut y voir le signe d’une réelle mobilisation des instances internationales sur ce dossier, que l’audition de M. Michel Platini, quelques semaines avant son élection à la présidence de l’UEFA, a d’ailleurs confirmée. Dans ce contexte favorable, mais sans attendre des décisions internationales qui pourraient tarder, il a semblé important à la mission que les autorités françaises n’hésitent pas à perfectionner le dispositif national en vigueur pour en démontrer la pertinence et encourager le mouvement international.

Dans les opérations de transferts, les agents sportifs, en tant qu’intermédiaires, se situent au point de rencontre de différents intérêts, de sorte que la réglementation de leur activité est rapidement apparue indispensable. À titre d’exemple, les sommes perçues par cette profession ont atteint 30 millions d’euros pour la seule année 2004. La FIFA est intervenue en 1995 pour encadrer l’activité d’agents de joueurs, suivant la France qui avait déjà officialisé et encadré la profession par la loi du 13 juillet 1992 modifiant la loi du 16 juillet 1984 relative à l’organisation des activités physiques et sportives. Le dispositif français a été renforcé en 2000 pour introduire un examen préalable à la délivrance d’une licence et l’obligation de dépôt du mandat et du montant de la rémunération. Malgré ce renforcement, la multiplication des scandales impliquant des agents sportifs tend à démontrer que les objectifs d’encadrement et de moralisation de la profession sont encore loin d’être atteints.

La loi du 6 juillet 2000 a été appliquée de manière globalement satisfaisante en ce qui concerne l’accès à la profession d’agent sportif. Mais de trop nombreux agents exercent encore leur activité dans des conditions irrégulières et le contrôle exercé par les fédérations demeure trop limité. Pourtant les pratiques auraient justifié une plus grande vigilance : des agents non licenciés continuent d’intervenir, d’autres sont placés dans des situations porteuses de risques en termes de conflits d’intérêt (encadrement d’un club, actionnaire…), des agents étrangers opèrent dans des conditions juridiques incertaines… Mais, surtout, la règle du dépôt des contrats de mandat et l’obligation faite au mandant de rémunérer l’agent ne sont pas respectées. La mission a constaté que la loi fait l’objet de contournements systématiques et que l’agent est le plus souvent rémunéré par les clubs, pour des raisons de sécurité de paiement notamment.

Aussi les propositions de la mission répondent-elles à un double objectif de transparence :

– renforcer le statut des agents sportifs, parce qu’ils sont au cœur des dérives observées bien qu’ils ne soient pas, et de loin, les seuls responsables et parce qu’il faut moraliser l’exercice de cette profession en faisant en sorte que l’accès et l’exercice de la profession soient mieux organisés et que les liens juridiques entre le joueur, son agent et le club soient clarifiés ;

– favoriser la transparence des opérations de transfert, en assurant la traçabilité des flux financiers et en renforçant le rôle de la DNCG en tant qu’organe de contrôle interne à l’organisation sportive.

À travers plusieurs recommandations, la mission exprime également son souci que les instances compétentes profitent de la volonté qui semble se dégager à tous les niveaux, comme ce fut le cas sur la question du dopage, pour prendre l’entière mesure de l’internationalisation du football professionnel et du sport en général et pour permettre à la France de montrer le chemin en se mobilisant au niveau national.

S’agissant du renforcement du statut des agents sportifs, deux préalables doivent être posés :

– La mission estime que le contrôle de l’activité des agents sportifs doit demeurer de la responsabilité des fédérations, dans le respect de leur délégation de service public. Cependant, si, à terme, les défaillances se poursuivaient, il faudrait s’interroger sur l’opportunité d’adopter un système inspiré de celui prévalant en matière de dopage, à travers la création de l’agence française de lutte contre le dopage qui a le droit d’intervenir quand le contrôle des fédérations lui paraît défaillant.

– Devant des pratiques systématiques de détournement de la loi, il est permis de se demander si la loi n’est pas passée à côté de la réalité et si elle ne devrait pas être modifiée pour s’adapter aux pratiques. Sur ce point, la mission affirme qu’il n’est pas acceptable qu’une zone de non-droit se constitue autour d’une activité qui devrait être exemplaire et elle se prononce pour une clarification et une totale transparence des liens juridiques entre l’agent, le joueur et le club.

Le renforcement du statut des agents sportifs passe d’abord par leur adhésion à un code de déontologie.

Les modalités d’accès et d’exercice de la profession doivent également être révisées, notamment afin de supprimer la possibilité pour des personnes morales de détenir une licence d’agent sportif, d’encadrer la fonction de collaborateurs d’agent et de clarifier le statut des agents étrangers exerçant en France. Le dispositif relatif au régime des incompatibilités et des incapacités doit être durci afin d’éviter, autant que possible, les collusions d’intérêt, ce qui suppose en particulier d’interdire à un agent sportif de devenir membre de l’encadrement d’un club avant le délai d’un an et d’être actionnaire d’un club, d’interdire l’accès à la profession aux personnes ayant commis des délits financiers et d’obliger à présenter un extrait de casier judiciaire pour obtenir la licence d’agent. Enfin, la procédure de renouvellement triennal de la licence gagnerait à être allégée et les fédérations devraient être incitées à organiser des sessions de formation continue pour les agents sportifs.

Il apparaît également indispensable, afin d’éviter un mélange des genres peu favorable à la transparence, de dissocier l’activité de conseil au joueur de l’activité d’intermédiaire de transfert. Il faut par ailleurs garantir la transparence et la régularité des situations juridiques liant le joueur, son agent et son club et assurer la stabilité des relations contractuelles entre l’agent et le joueur. Dans ce but, il est proposé que le joueur ait l’obligation, en début de saison sportive, de déclarer le nom de son agent ou l’absence d’agent et qu’il ne puisse pas signer un nouveau contrat avec un club par l’intermédiaire d’un agent avec lequel il est lié depuis moins de six mois ; cette double sécurité permettra d’éviter les changements intempestifs d’agents, sources de dérives. Il est également proposé que les fédérations fixent une grille de rémunération pour encadrer et clarifier le montant des commissions versées aux agents.

Le rapporteur a indiqué qu’à titre personnel il estimait que, si ces deux conditions étaient réunies, une convention tripartite entre le joueur, l’agent et le club pouvait être signée, indiquant que la rémunération de l’agent est payée par le club. Selon lui, cette convention garantirait à l’agent le paiement de sa commission et permettrait en outre au joueur – ce qui n’est pas le cas actuellement – d’avoir connaissance du coût de son agent et ainsi de le responsabiliser. Toutefois, plusieurs membres de la mission ayant considéré que cette proposition exigeait une expertise plus approfondie, elle n’a pas été adoptée.

L’efficacité du contrôle de la profession dépendra aussi du régime des sanctions disciplinaires et pénales, qui devrait être durci par l’extension de la gamme des sanctions disciplinaires – y compris financières – et par l’aggravation des sanctions pénales, amendes comme peines d’emprisonnement.

Des mesures doivent également être prises pour améliorer le contrôle financier des opérations de transfert. Sur ce point, la mission a choisi de faire confiance aux fédérations pour prendre les mesures nécessaires à un renforcement du contrôle interne à la discipline de la discipline sportive. Elle a cependant jugé utile de présenter les pistes d’améliorations que son travail a permis de dégager.

Tout ce qui peut contribuer à la transparence des opérations de transferts revêt, bien entendu, un caractère préventif essentiel en matière de fraude. C’est pourquoi la mission recommande l’instauration de nouvelles règles renforçant la traçabilité des flux financiers. Elle préconise notamment l’utilisation, par les clubs et par les agents, de comptes bancaires spécifiques pour les opérations de transfert, ainsi qu’un suivi comptable plus précis, tant au niveau des clubs qu’au niveau national, grâce à des documents comptables spécialisés.

Cette orientation rejoint la recommandation du ministre des sports aux fédérations sportives de mobiliser les DNCG pour qu’elles assurent un suivi particulier de la ligne « indemnités de mutation » dans les comptes des clubs professionnels. Dans le même sens, la Ligue de football professionnel propose un dispositif de centralisation des fonds par la Ligue elle-même. La mission suggère, pour sa part, que cette centralisation soit faite auprès de la DNCG, organe autonome qui serait doté de nouvelles missions de contrôle. Ainsi, il est proposé que la DNCG concentre toutes les informations financières et les documents contractuels concernant les opérations de transfert. Parallèlement, son rôle de lutte contre les fraudes doit être clairement indiqué dans les statuts. Ses prérogatives, et surtout ses moyens, doivent bien entendu être renforcés en conséquence.

Enfin les autorités françaises doivent être attentives aux efforts des instances internationales du football pour instaurer un dispositif supranational permettant de centraliser et de sécuriser les flux financiers liés aux opérations de transferts internationaux. Un tel dispositif est indispensable pour prolonger les dispositifs nationaux et placer les contrôles au niveau pertinent. Compte tenu de la mondialisation du sport, il est en effet évident que rien ne se fera de façon vraiment efficace sans une action concertée des instances internationales. L’exemple récent de la création de l’Agence mondiale antidopage (AMA) en est la meilleure illustration et doit rester une référence pour le cas où le renforcement des contrôles, tel qu’il est proposé à ce stade de la réflexion, se révélerait insuffisant.

Un débat a suivi l’exposé du rapporteur.

M. Georges Colombier, président, a remercié M. Dominique Juillot et ses collègues pour le travail accompli, qui montre à quel point la création de cette mission était justifiée. Il appartiendra à la prochaine majorité, quelle qu’elle soit, de faire en sorte que les propositions qui viennent d’être faites ne demeurent pas lettre morte.

M. Henry Nayrou a rappelé que le groupe socialiste avait demandé la création d’une commission d’enquête – qui est à l’origine de cette mission d’information – au motif que la loi était détournée et que les journaux titraient sur les problèmes rencontrés par le monde du sport, non pas sur les terrains mais dans les prétoires, en raison de transferts frauduleux. Il lui avait semblé en outre, que le ministère de la jeunesse et des sports faisait preuve d’une étonnante passivité, sans doute parce qu’il acceptait l’idée sous-tendant une proposition de loi déposée par le regretté Édouard Landrain et par M. François Rochebloine, selon laquelle quand une pratique est illégale, il faut légaliser la pratique. Peut-être croyait-on protéger ainsi les intérêts du sport français par rapport à ses concurrents européens ? Mais, ce faisant, les dirigeants sportifs et parfois les dirigeants politiques allaient davantage dans le sens de leurs intérêts que dans celui de l’histoire, comme le montre l’exemple du dopage.

À travers cette mission, dont la nécessité vient d’être clairement rappelée, l’Assemblée nationale a valorisé son rôle de contrôle. On peut toutefois regretter l’absence massive des membres du groupe UMP aux réunions de la mission, ce qui met en lumière, par contraste, le rôle majeur de son président et rapporteur M. Dominique Juillot, parfait connaisseur du sport professionnel et de l’action de ses dirigeants, dont il faut louer l’honnêteté intellectuelle, personnelle et politique.

Les membres de la mission n’étaient ni juge, ni policier, ni gendarme, mais simplement des députés s’efforçant d’y voir clair dans un maquis où à peu près tout est permis. En ce qui concerne les transferts, ils ont constaté que des sommes énormes naviguent sans contrôle, grâce à une entente tacite entre les clubs, les agents et les joueurs. Tout cela n’était d’ailleurs pas contraire à la lettre de la loi, le paiement de l’agent par le club étant autorisé dans la mesure où l’agent du joueur devenait agent du club la veille de la transaction… L’hypocrisie était ainsi institutionnalisée, l’esprit de la loi bafoué et l’éthique ridiculisée.

Les auditions ont fait apparaître clairement deux camps. D’un côté, les institutionnels du football ont affirmé leur souhait de voir légaliser une pratique illégale, afin que les clubs continuent à payer les agents ; il faut d’ailleurs regretter qu’ils aient tous boycotté la deuxième table ronde. De l’autre côté, les sportifs – avec comme figure de proue M. Michel Platini, avant même qu’il ne devienne président de l’UEFA – qui ont clairement affirmé qu’ils n’étaient pas favorables au paiement de l’agent par les clubs, les représentants des joueurs ayant en outre fait part de leur souhait de responsabiliser leurs mandants plutôt que de les infantiliser.

Parmi les 19 propositions de la mission, trois seulement posent problème au groupe socialiste :

– l’idée de confier la centralisation des flux financiers, des contrôles et des sanctions à la DNCG, organe interne à la fédération sportive ;

– la proposition du rapporteur d’instituer une convention tripartite entre le club, l’agent et le joueur pour le paiement de la rémunération de l’agent, ce qui reviendrait à conserver la situation antérieure, qui a précisément motivé la création de cette mission ;

– le fait que l’on n’aille pas assez loin dans la remise à plat de la profession d’agent sportif et, au-delà, de toute l’organisation du sport professionnel qui vit un peu trop en marge des lois, comme si le fait de procurer de la joie et des émotions à un grand nombre de Français l’y autorisait.

Cependant, le bilan de la mission est très largement positif. Ses propositions, première étape sur la voie de la normalisation, émanent de députés qui, connaissant le sport et ses valeurs, ne souhaitent pas qu’elles soient galvaudées.

M. Georges Colombier, président, a salué en M. Henri Nayrou un passionné du sport et l’a remercié d’avoir évoqué la mémoire d’Édouard Landrain, trop tôt disparu, qui avait beaucoup œuvré dans ce domaine. Peut-être convient-il, enfin, d’atténuer la critique relative à l’absentéisme de certains membres de la mission, en rappelant combien la charge de travail de chacun est importante en cette fin de législature.

Le rapporteur a souligné à quel point la mission s’était déroulée dans des conditions de transparence, d’écoute et de respect mutuel. Elle a fait un bon travail et ses membres sont globalement d’accord sur ses conclusions, les points de divergence apparaissant marginaux. Ses propositions n’ont rien de définitif, elles ne sont que des outils mis à la disposition des dirigeants du sport professionnel afin d’aller vers une plus grande transparence dans l’exercice de leur fonction de contrôle, comme ils paraissent le souhaiter, à charge pour eux de mettre ces outils en place. Les parlementaires resteront attentifs à cette mise en œuvre.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

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