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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 4 octobre 2006

Séance de 16h30

Compte rendu n° 2

Présidence de M. Edouard Balladur
Président

 

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– Audition de Son Exc. M. Daniel Shek, ambassadeur de l’Etat d’Israël


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Audition de Son Exc. M. Daniel Shek, ambassadeur de l’Etat d’Israël

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Daniel Shek, ambassadeur de l’Etat d’Israël en France, d’avoir bien voulu répondre, quelques semaines seulement après sa prise de fonctions, à l’invitation de la Commission. Il est utile que celle-ci, après les événements de l’été, soit informée aussi précisément que possible des développements d’une situation cruciale pour la paix dans la région et dans le monde. Il est également légitime, compte tenu de l’implication des forces françaises dans la FINUL renforcée, de savoir ce qui attend les soldats français et ce qu’attend Israël de la FINUL.

M. Daniel Shek, ambassadeur de l’Etat d’Israël en France, s’est dit extrêmement heureux de se trouver dans ce haut lieu de la démocratie française, car la démocratie israélienne a beaucoup appris de l’histoire de France, et la vie politique de l’un comme l’autre pays est régie par des notions et des valeurs semblables, même si elle est, lui semble-t-il, plus agitée qu’en France… Venant à l’Assemblée nationale en ambassadeur ami d’un pays ami, il a déclaré espérer contribuer, dans l’exercice de ses nouvelles fonctions, à approfondir la relation franco-israélienne au moins autant qu’il l’avait fait dans les précédentes.

Israël subit trois menaces qui diffèrent par leur ampleur comme par leur caractère. La première vient du Liban, ou plutôt du Hezbollah : elle n’est pas existentielle, et ne sera sans doute pas très durable. La deuxième vient du dossier palestinien ; elle n’est pas existentielle non plus, mais il y a longtemps qu’elle dure, et il serait exagérément optimiste de penser qu’elle n’est pas appelée à durer encore. La troisième, enfin, vient d’Iran ; contrairement aux deux premières, elle est à la fois existentielle et durable.

Concernant la première menace, il convient tout d’abord de rappeler le contexte historique. Israël a évacué en 2000 le territoire libanais selon les principes définis par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. La responsabilité de faire appliquer par la partie libanaise l’autre aspect de cette résolution appartenait à la communauté internationale, et en particulier à l’ONU et à son secrétaire général, qui se sont déclarés satisfaits du comportement israélien, mais n’ont pas manifesté la même satisfaction vis-à-vis de la partie libanaise.

La guerre avec le Hezbollah n’a pas commencé en juillet 2006, contrairement à ce que croient certains. Entre 2000 et 2006, les escarmouches, les harcèlements, les provocations ont été incessantes sur la frontière entre les deux pays. Les raisons en sont aisées à comprendre, et peuvent se formuler comme suit : lorsque tout le monde se réjouissait de voir Israël se retirer du Liban, le Hezbollah était en deuil, et lorsque tout le monde était en deuil après l’éclatement de la guerre de juillet 2006, le Hezbollah était en fête. Pourquoi ? Parce que le Hezbollah n’a de raison d’être que dans un contexte de frictions et de conflit. Une fois disparu le motif de conflit, à savoir la présence israélienne sur le territoire libanais, il lui fallait en créer artificiellement un autre, d’où cette série continue d’incidents de frontière au cours des six années écoulées.

Parallèlement, c’est avec consternation qu’Israël a constaté le flot continu d’armement en provenance d’Iran, transitant par le territoire syrien pour aboutir dans les stocks du Hezbollah, éparpillés un peu partout sur le territoire libanais. Avec consternation, mais non passivité : Israël n’a cessé, en effet, de mettre en garde ses interlocuteurs occidentaux, tant en Europe qu’en Amérique, contre la multiplication des provocations à la frontière du Liban et contre le stockage massif de missiles de plus en plus sophistiqués et à la portée de plus en plus longue. Ces mises en garde n’ont cependant produit aucun résultat.

C’est dans ce contexte qu’a été franchie une « ligne rouge », certes plus implicite que concrète, lorsque le Hezbollah a enlevé deux soldats israéliens, en a tué huit autres, et a tiré des roquettes et des missiles sur plusieurs villes israéliennes. On a souvent dit qu’Israël s’était laissé surprendre ; c’est beaucoup dire. C’est excessif. Tsahal, malgré des lacunes certaines dans le dispositif de renseignement, savait plus ou moins ce qui l’attendait, quels armements le Hezbollah allait utiliser, et il ressort clairement des comptes rendus des réunions d’état-major que l’on redoutait des bombardements sur plusieurs villes, dont Haïfa.

La difficulté essentielle rencontré par Tsahal tenait au fait qu’elle ne trouvait pas en face d’elle une armée régulière, mais des milices et des guérillas, incrustées délibérément et sans scrupule, qui plus est, au sein de la population civile. Il reviendra aux polémologues, aux experts en défense et en stratégie, d’analyser ce qu’a été cette guerre, et sa signification dans l’histoire militaire. Sans doute faudrait-il, en vérité, redéfinir la notion de « guerre », celle de « victoire », comme celle de « défaite ». Mais, faute d’un résultat clair, ou facilement mesurable, sur le terrain militaire, force est de comparer, d’un point de vue qui ne soit pas seulement militaire, mais aussi politique, la situation prévalant avant et après les hostilités dans la zone qui comprend le Sud-Liban et le nord d’Israël.

Première constatation : l’armée libanaise, dont tout le monde souhaitait depuis des années le déploiement au Sud-Liban, mais qui avait toujours été trop faible face au Hezbollah pour cela, est aujourd’hui déployée sur le territoire libanais tout entier, jusqu’aux frontières d’Israël.

En outre, il y a désormais une FINUL renforcée en nombre, différente par sa composition et dont les missions ont été redéfinies, et il faut savoir gré à la France de sa contribution décisive, qui n’est pas pour peu dans la confiance que peuvent avoir les Israéliens dans cette FINUL nouvelle.

Un embargo, par ailleurs, a été décidé sur les armements qui seraient destinés, sur le terrain, à d’autres forces que l’armée libanaise régulière.

Enfin, le gouvernement de M. Fouad Siniora se trouve renforcé par la nouvelle situation, conformément à ce que souhaitaient Israël et la communauté internationale.

Un élément important, cela dit, manque : le retour des soldats israéliens kidnappés et retenus en otages –et tout ce que les membres du Parlement français pourront faire pour hâter la solution de ce dossier sera le bienvenu.

Beaucoup d’observateurs ont critiqué le fonctionnement de Tsahal. On a même écrit que le mythe de son invincibilité s’était effondré. C’est oublier qu’il n’y a pas d’armée invincible, et que Tsahal ne s’est d’ailleurs jamais considérée comme telle. Il faudra certes un processus assez long pour tirer les leçons de ce qui s’est passé, mais l’histoire enseigne que Tsahal a toujours trouvé en elle-même les ressources pour corriger ses faiblesses, en particulier après la guerre d’octobre 1973. En tout état de cause, il n’y a pas lieu de considérer l’armée israélienne comme affaiblie : elle reste une armée forte, une armée du peuple, qui a des principes et des convictions, et qui saura surmonter cette difficile période de remise en question.

Concernant le dossier palestinien, M. Daniel Shek a rappelé que le gouvernement israélien actuel avait été élu sur un programme où le règlement de cette question figurait au premier rang. Le plan de retrait unilatéral a cependant été contrecarré par la victoire électorale du Hamas, par les heurts entre factions qui s’en sont suivis, puis par la guerre du Liban ; c’est une option qui n’est donc plus d’actualité. Quant à la négociation, la communauté internationale a compris la difficulté d’y associer le gouvernement issu du Hamas, qui refuse de reconnaître la réalité d’un Etat juif dans la région. L’Union européenne, sur la base d’un texte proposé par la France, a fixé trois conditions : reconnaissance d’Israël, renonciation au terrorisme, acceptation de tous les accords déjà signés entre Israël et les Palestiniens. Il est essentiel que l’on s’en tienne à ces conditions, que l’on maintienne le cap jusqu’à ce que le gouvernement du Hamas accepte ces règles raisonnables, condition sine qua non d’un dialogue véritable en vue d’une paix entre les deux pays, les deux gouvernements, les deux sociétés.

En attendant, deux initiatives sont à prendre d’urgence : la première consiste à trouver les moyens d’acheminer l’aide humanitaire aux Palestiniens sans passer par le canal du gouvernement du Hamas ; la seconde est d’ouvrir une brèche, même petite, entre le gouvernement du Hamas et le Président Mahmoud Abbas, dont la marge de manœuvre est actuellement limitée. Il y a en Israël une véritable volonté d’avancer sur cette question.

S’agissant enfin de la menace iranienne, il faut un effort surhumain pour en parler sur un ton aussi mesuré que des deux premières. Aucune raison valable, en effet, ne peut être invoquée pour ne pas prendre au sérieux les propos du Président Mahmoud Ahmadinejad, qui fait preuve d’une grande suite dans les idées. Lorsqu’il annonce que l’Iran va atteindre la capacité nucléaire et se doter de l’arme nucléaire, lorsqu’il déclare que son rêve le plus cher est de se réveiller un matin et de constater qu’Israël a disparu de la carte du monde, lorsqu’il tient des propos négationnistes sur la Shoah, ce ne sont pas des déclarations à prendre à la légère. C’est un moment-test pour les outils de la communauté internationale. Il est inadmissible qu’un pays membre des Nations unies, et signataire de sa Charte, se permette de menacer de destruction un autre Etat membre. Au-delà même de la menace existentielle que ce comportement fait peser sur Israël, il représente un péril plus large, car un Iran qui posséderait l’arme nucléaire ferait basculer le monde entier dans une réalité radicalement différente de celle qui prévalait jusqu’à présent. Tel est le sens du propos de Mme Tzipi Livni, ministre des affaires étrangères d’Israël, lorsqu’elle déclare à l’ONU que le « moment de vérité » est venu.

Derrière chacune des trois menaces auxquelles est confronté Israël se trouve, d’une façon ou d’une autre, l’Iran, qu’il s’agisse de la menace nucléaire qu’il fait peser directement sur Israël, du soutien politique, financier, militaire qu’il apporte au Hezbollah, ou du rôle dangereusement grandissant qu’il joue dans les affaires palestiniennes. Chacun doit se pénétrer de l’ampleur de cette menace, et il faudra, si l’on souhaite voir résolu le dossier palestinien, prendre garde aussi à sa composante iranienne.

Le Président Edouard Balladur a remercié l’ambassadeur pour son exposé et ouvert la discussion.

M. Hervé de Charette, après avoir félicité l’ambassadeur pour sa maîtrise parfaite de la langue française, a convenu avec lui que le mot « guerre » n’avait plus le même sens qu’autrefois, lorsqu’une guerre avait un début et une fin, un vainqueur et un vaincu. En l’espèce, chacun peut voir midi à sa porte, et c’est avec talent que l’hôte de la Commission a défendu la thèse du verre à moitié plein contre celle du verre à moitié vide. Cela dit, nombreux étaient, dans le monde entier, ceux qui espéraient qu’Israël réussirait à détruire le Hezbollah, mais force est de constater que tel n’a pas été le cas…

Bien qu’il soit délicat, pour un ambassadeur, de commenter les débats de politique intérieure de son pays, il serait utile aux parlementaires français de savoir comment les différents secteurs de l’opinion, en Israël, analysent la situation qui résulte de la guerre, notamment dans le « camp de la paix » et, inversement, chez les partisans de l’extension des colonies.

La question cruciale est celle des perspectives de négociation avec les Palestiniens. On a en effet le sentiment que le chaos qui s’est installé à Gaza est en train de gagner la Cisjordanie, et la responsabilité de cette évolution est assez largement partagée : en imposant aux populations des conditions de vie inacceptables, on a pris le risque d’une guerre civile aux effets déstabilisants – et en premier chef pour le Président Mahmoud Abbas. Si l’option du retrait unilatéral « n’est plus d’actualité », il ne reste que la voie de la négociation, mais celle-ci semble suspendue. A quoi l’est-elle ? A l’issue du débat de politique intérieure israélien ? A l’évolution de la situation sur le terrain ?

M. Didier Julia a demandé si l’Etat d’Israël envisageait de respecter les résolutions – qui ne datent pas d’hier – du Conseil de sécurité lui enjoignant de se retirer du Golan et des fermes de Chebaa, et si le retrait de ces territoires posait vraiment un problème de sécurité aux Israéliens. De même, la capture de deux soldats israéliens par le Hezbollah ne doit pas occulter le fait que quelque 335 personnalités libanaises ou palestiniennes, parmi lesquelles plusieurs députés, se trouvent dans des prisons israéliennes. La franchise l’oblige à dire qu’une partie au moins des difficultés actuelles vient de la partie israélienne.

On a laissé se créer en Palestine un ghetto, au sens véritable du terme, où les gens souffrent de malnutrition et vivent dans des conditions sanitaires désastreuses. Le gouvernement israélien envisage-t-il de débloquer les quelque 550 millions de dollars d’impôts et de droits de douane qui reviennent à l’Autorité palestinienne, et dont la confiscation contribue à la désorganisation du pays ? Le droit d’Israël à la sécurité est entier, mais celle-ci est justement mise en danger par la situation en Palestine. Le gouvernement israélien refuse de parler à celui du Hamas, mais chacun sait bien que les électeurs qui ont voté pour le Hamas ont voté contre la corruption qu’incarnait le gouvernement du Fatah, et non pas pour la destruction d’Israël. Faut-il vraiment poser un préalable à l’ouverture de toute discussion avec le Hamas, ou plutôt se rappeler que l’ancien chef des Palestiniens avait fini par reconnaître Israël à la faveur d’un voyage à Paris ?

L’indispensable règlement global du conflit devra inclure la Syrie et toutes les parties libanaises. Quant à l’Iran, il faut rappeler qu’Israël est lui-même une puissance nucléaire et avait, voici quelques années, bombardé l’Irak, qu’il soupçonnait de vouloir se doter de la bombe atomique. Il ne faut pas entraver le développement économique de l’Iran ni lui instruire un procès en sorcellerie, quoi que l’on puisse penser des déclarations dangereuses et repoussantes de son président.

M. Jacques Myard a dit avoir apprécié l’exposé clair et argumenté de l’ambassadeur, mais a objecté que, depuis quelque trente ou quarante ans que les violences succèdent aux violences au Proche-Orient, on y est toujours le terroriste de quelqu’un. Il ne s’agit donc pas de savoir qui a tort et qui a raison, mais que faire pour en sortir.

Certains accusent Israël de vouloir, pour des raisons de politique intérieure, entretenir « un conflit permanent de basse intensité », concept que l’on entend d’ailleurs défendre par certains experts et même par certains hommes politiques israéliens. Si c’était vrai, ce serait inquiétant, car le conflit récent a eu pour conséquence géostratégique de fusionner en un seul les conflits du Proche-Orient et du Moyen-Orient, et en l’absence de tout début de règlement, Israël risque fort de se trouver face à un front unique, en ayant perdu de surcroît la bataille de la communication. C’est une situation qui est intenable à long terme, pour Israël comme pour les Occidentaux. Mais pour en sortir, par où commencer ?

M. François Loncle, après avoir assuré les Israéliens de sa solidarité face aux propos odieux et condamnables du président iranien, a évoqué la catastrophe écologique qui a frappé le littoral libanais à la suite des bombardements, et demandé si l’Etat d’Israël était disposé à participer à la réparation des dégâts provoqués par la marée noire.

M. Patrick Balkany, s’exprimant en tant que membre de la diaspora et fils de déportés à Auschwitz, a déclaré que le peuple juif avait toujours été un peuple de paix, mais que, pour faire la paix, il fallait être deux. La question est donc simple : Israël est-il en mesure d’obtenir du Hezbollah, du Liban, de la Syrie par la même occasion, et des Palestiniens – sans parler de l’Iran qu’ils acceptent de négocier, et la communauté internationale est-elle capable de garantir la sécurité d’Israël à l’intérieur de frontières internationalement reconnues et, au-delà, cette paix globale et durable que le monde entier attend ?

M. Daniel Shek a apporté les éléments de réponse suivants :

On peut comprendre que certains aient appelé de leurs vœux la destruction du Hezbollah, mais si Israël avait eu le choix, il aurait préféré ne pas entrer dans cet engrenage. La seule guerre que l’on gagne, a-t-on coutume de dire, est celle que l’on a su éviter. Tel n’a pas été le cas, mais ce que souhaite Israël, au terme de cette guerre qu’il n’a pas voulue, c’est voir se dégager une perspective de stabilité plus grande que celle qui existait à l’époque où le nord d’Israël vivait sous la menace des katiouchas de l’OLP, puis du Hezbollah. Une telle stabilité, en outre, est de nature à se renforcer d’elle-même, au fur et à mesure que se consolidera la présence de l’Etat libanais dans le sud du Liban.

S’agissant du débat politique interne à Israël, c’est davantage le citoyen que l’ambassadeur qui répondra aux membres de la Commission. Il est plutôt sain qu’après le traumatisme de la guerre, la société israélienne veuille se regarder dans la glace et tirer les leçons de ce qui s’est passé, et la capacité qu’elle a montrée à plusieurs reprises, dans le passé, d’adopter un tel comportement, mérite le respect. Reste qu’il faut aussi élaborer un projet de règlement politique, et il y a dans le pays une véritable volonté de trouver une ouverture. Avec la Syrie d’abord ? Avec les Palestiniens ? Tout est ouvert. La marge de manœuvre entre le Hamas et le Président Mahmoud Abbas n’est pas énorme, mais il faut s’employer à trouver la brèche.

La résolution du Conseil de sécurité des Nations unies sur les fermes de Chebaa donne en fait raison à Israël, et M. Kofi Annan a déclaré, en 2000, qu’Israël avait répondu pleinement à ses exigences, car les fermes ne sont pas en territoire libanais mais syrien, or il n’y a pas d’accord conclu avec la Syrie, et Israël n’est donc pas dans son tort en refusant de les restituer au Liban. Pour le Hezbollah, ce dossier, rouvert dans des conditions tragiques, n’est qu’un prétexte, mais il y a fort à craindre qu’il en trouve d’autres si celui-ci disparaît. M. Hassan Nasrallah n’en a-t-il pas cité un certain nombre ? Ce qu’il faut, c’est que l’état d’esprit du Hezbollah change.

La situation des Palestiniens de Gaza est tragique, et l’est encore plus quand on songe que, le jour du mois d’août 2005 où le dernier soldat et le dernier civil israéliens ont quitté Gaza, chacun espérait qu’allait commencer un grand mouvement de réhabilitation et de développement de ce territoire, de prise en charge par les Palestiniens de leurs propres affaires. Hélas, les villages israéliens abandonnés n’ont jamais servi à loger les Palestiniens, mais à accueillir des roquettes Kasam destinées à être tirées sur les localités israéliennes voisines. Puis le Hamas a été élu, et au lieu que soit saisie la chance qui s’offrait, s’est à nouveau mis en marche l’engrenage du conflit, de la violence et de la misère. Israël n’a aucun intérêt à ce que les Palestiniens vivent dans la misère. Il faut absolument trouver des canaux afin que l’aide arrive aux Palestiniens pour acheter des vivres et des médicaments, et non des roquettes Kasam. L’argent qui revient aux Palestiniens est bloqué sur un compte auquel Israël ne touche pas, mais on ne peut tout de même pas demander à ce dernier de laisser ces fonds financer des armements qui seront braqués sur lui !

Faut-il parler avec le Hamas ? Ce n’est pas à Israël de répondre à cette question, car le fond du problème, c’est que le Hamas refuse de parler avec Israël. Chacun se réjouissait de la perspective d’un gouvernement palestinien d’union nationale, et voulait y voir le signe que le Hamas devenait enfin raisonnable. Mais le Hamas a finalement refusé de participer à un gouvernement qui reconnaîtrait Israël. Si le Hamas change, il n’y a de la part d’Israël aucune objection de principe à discuter avec lui : comme l’a dit la Ministre des Affaires étrangères, Mme Tzipi Livni, si le Hamas accepte de discuter de paix et de reconnaître Israël, il deviendra un interlocuteur valable.

Prétendre que les Palestiniens n’ont pas voté pour la destruction d’Israël en votant pour le Hamas, c’est un peu, toutes proportions gardées, comme affirmer que les Allemands n’ont élu Hitler que pour son programme social. Une élection, c’est un package deal : on vote pour un ensemble, en toute connaissance de cause.

Quant à l’Iran, il n’a pas besoin, pour son développement économique, de nouvelles sources d’énergie, et il produit du pétrole en abondance. Il ne cache pas ses ambitions, et s’il y a une différence avec les autres pays qui veulent se doter de l’arme nucléaire, c’est parce qu’il a fait connaître son objectif, qui est la destruction de l’Etat d’Israël. Il serait illégitime de donner l’arme nucléaire à un Etat qui déclare clairement avoir un tel objectif.

Les conflits du Proche et du Moyen-Orient sont-ils en voie de « fusionner » ? Mme Condoleezza Rice, secrétaire d’Etat des Etats-Unis, a réuni aujourd’hui au Caire les ministres des affaires étrangères de huit pays arabes modérés, pour discuter avec eux d’autres options que le conflit. La guerre du Liban et le rôle joué par l’Iran suscitent en effet une inquiétude grandissante dans un certain nombre de pays de la région, inquiétude qui peut les amener à faire preuve d’une plus grande ouverture vis-à-vis d’Israël. Mme Tzipi Livni a d’ailleurs eu, aux Nations unies, avec plusieurs de ses homologues des pays voisins, des contacts qu’elle a trouvés encourageants.

Où se produira l’ouverture ? On ne peut le dire avec certitude, mais il semble probable que le dossier palestinien primera, ne serait-ce que parce qu’il est le plus urgent, qu’il se trouve au cœur du conflit israélo-arabe, et que sa résolution serait susceptible de créer un effet d’entraînement sur le règlement des autres dossiers. Mme Tzipi Livni a rencontré M. Mahmoud Abbas à New York, et ce dernier devrait rencontrer bientôt M. Ehoud Olmert. Ces entretiens mettront sans doute en évidence le caractère limité des marges de manœuvre du président de l’Autorité palestinienne, mais Israël est disposé à aller aussi loin que celui-ci sera capable d’aller. Quelles conséquences cela aura-t-il sur la scène politique palestinienne ? Le Hamas s’en trouvera-t-il contraint à un plus grand réalisme ? Le rapport des forces entre le Hamas et le Fatah en sera-t-il modifié ? Il est encore trop tôt pour le dire.

Israël partage la consternation de M. François Loncle devant la catastrophe écologique qui a frappé les côtes libanaises, et qu’il n’avait nullement l’intention de provoquer. Peut-il contribuer à leur réparation ? Les Libanais eux-mêmes n’ont montré aucun empressement à accepter ses offres de participer à la reconstruction de leur pays, et il est peu probable que l’aspect écologique du dossier fasse exception. Il reste donc à espérer que l’aide internationale sera aussi diligente et intense que nécessaire.

Il faut, c’est une vérité historique d’évidence, être deux pour faire la paix. Mais, chaque fois qu’un partenaire s’est manifesté dans le monde arabe, Israël a répondu présent. Et il le fera de nouveau s’il se présente un partenaire crédible.

Le Président Edouard Balladur a remercié l’ambassadeur pour ses réponses à la fois directes, ouvertes et sincères. Cela fait quelque soixante ans, hélas, que dure ce conflit dont le monde entier subit les conséquences, et dont on recherche toujours la solution. Il ne peut y avoir de paix durable hors le respect des droits légitimes de chaque peuple. Tout le malheur vient de ce que les différentes parties n’ont jamais pu s’accorder sur le contenu de ces droits légitimes, ni sur celui des garanties à leur apporter.

Sans doute tout passe-t-il par la résolution du problème palestinien, car c’est lui qui cristallise la solidarité du monde arabe, et même musulman. Parce que les voies d’un accord paraissaient bouchées, Israël a emprunté celle d’un retrait unilatéral, mais elle semble à son tour être une impasse, tout comme la politique du fait accompli. Force est donc d’en revenir au dialogue bilatéral avec les Palestiniens. La communauté internationale est tout à fait disposée à y aider, mais il faut que chacun fasse des concessions, Palestiniens comme Israéliens – notamment sur le tracé des frontières, ce que la politique de colonisation rend, il est vrai, chaque jour plus difficile. La France fera tout ce qu’elle peut faire, même si elle est parfois soupçonnée, en Israël, de partialité en faveur des Palestiniens et des Arabes en général. Chacune des parties peut compter sur la compréhension par la France de ses légitimes aspirations.

Le Président Edouard Balladur a remercié M. Daniel Shek pour la qualité de son intervention.

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