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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mardi 10 octobre 2006

Séance de 16h30

Compte rendu n° 3

Présidence de M. Edouard Balladur,
Président,
Puis de M. Roland Blum,
Vice-Président

 

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– Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, sur l’actualité internationale et le projet de budget du Ministère des Affaires étrangères pour 2007

– Accord avec le Brésil relatif à la construction d’un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l’Etat de l’Amapá (n° 3080)


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Audition de M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères

Le Président Edouard Balladur a invité M. Philippe Douste-Blazy à s’exprimer sur l’actualité internationale avant de présenter, dans un second temps, le projet de budget 2007 du Ministère des Affaires étrangères.

M. Philippe Douste-Blazy, Ministre des Affaires étrangères, a tout d’abord évoqué le contexte de cette audition, qui intervient au lendemain d’un événement d’une extrême gravité pour la sécurité internationale.

L’essai nucléaire auquel vient de procéder le régime de Pyongyang, a été condamné de manière unanime, y compris par la Chine, mais cet événement prend un relief d’autant plus aigu et particulier que la communauté internationale est confrontée, depuis plusieurs mois, à une autre crise ouverte portant, cette fois, sur le nucléaire iranien.

Face à ces deux crises majeures, il importe avant tout pour la communauté internationale de rester unie et d’agir avec fermeté. C’est ensemble, dans le cadre du Conseil de sécurité, qu’il faut répondre aux défis posés à la sécurité internationale et aux régimes de non-prolifération.

S’agissant de l’Iran, il vient d’être décidé à Londres d’engager des consultations en vue de l’adoption de sanctions, l’objectif restant d’amener ce pays à se conformer aux demandes du Conseil de sécurité. Depuis quatre mois, les efforts n’ont pas été ménagés pour amorcer des négociations avec les autorités iraniennes. Nos partenaires des Six ont en particulier approuvé l’idée, proposée par le Président de la République à New York, d’une « double suspension » : dans le principe, il s’agit de lier la suspension des discussions au Conseil de sécurité à la suspension, par l’Iran, de l’enrichissement de son uranium.

C’est pour examiner en détail cette proposition que Javier Solana, au nom de la communauté internationale, a rencontré le négociateur iranien, M. Laridjani. Mais cela n’a malheureusement pour l’instant débouché sur aucun progrès, comme cela a été indiqué par Javier Solana. Les Six en ont donc tiré les conclusions qui s’imposent : le fait est qu’il n’y a pas d’autre choix que de reprendre, dans le cadre du Conseil de sécurité, la voie tracée par la résolution 1696, qui prévoit l’adoption possible de sanctions contre l’Iran.

Le ministre a souligné qu’il souhaitait que ces mesures soient à la fois progressives et réversibles. Il a considéré que la bonne approche consistait, à ce stade, à proposer des sanctions ciblées sur les programmes nucléaire et balistique iraniens, qui sont ceux qui nous préoccupent le plus. Les Six convergent assez largement vers cet objectif, et c’est dans ce sens que des consultations sur le détail des mesures à prendre vont être engagées.

S’exprimant enfin sur les possibilités de dialogue avec l’Iran, le ministre a indiqué que la position de la France restait claire, à savoir que même dans l’hypothèse de sanctions, la porte devait rester ouverte. Il est de l’intérêt de tous de rester prêts à de nouvelles discussions, si l’Iran devait décider de suspendre comme cela lui est demandé, – et uniquement dans ce cas – ses activités nucléaires sensibles.

En ce qui concerne la Corée du Nord, le ministre a souligné que l’essai nucléaire intervenait dans un contexte tendu, marqué par un blocage des « discussions à six » sur le programme nucléaire nord-coréen. Il n’est pas non plus anodin que cet essai ait eu lieu au moment où le nouveau Premier ministre japonais se trouvait en visite en Chine et en Corée et alors que les Nations unies s’apprêtent à élire un nouveau Secrétaire général, en la personne du ministre Sud-coréen des Affaires étrangères, M. Ban-Ki-Moon.

Il a enfin rappelé que la Corée du Nord avait procédé, le 5 juillet dernier, à des tirs de missiles. Face à cette première provocation, le Conseil de sécurité avait alors adopté dix jours plus tard, à l’unanimité et sous présidence française, la résolution 1695. Cette résolution condamne les tirs balistiques, exige la suspension du programme balistique nord-coréen et demande à tous les Etats d’empêcher les transferts de biens, technologies et ressources financières liés aux programmes balistiques et d’ADM nord-coréens.

Aujourd’hui, il incombe au Conseil de sécurité d’agir avec fermeté, en cohérence avec la déclaration à la presse du 9 octobre 2006 faite par le Président japonais du Conseil de sécurité qui évoquait, s’agissant de la Corée du Nord, une « claire menace à la paix et à la sécurité internationale » et appelait à une réponse ferme, rapide et très claire.

Le Ministre a estimé que des mesures contraignantes allant au delà de la résolution 1695 devront certainement être prises, tout en s’assurant du maintien de l’unité de la communauté internationale. Des consultations sont déjà engagées avec nos partenaires pour évaluer ensemble la signification et la portée du tir nucléaire nord-coréen, ainsi que pour définir les mesures précises qu’il conviendra d’adopter, dans le cadre du Conseil de sécurité.

Le Ministre a ensuite évoqué l’évolution de la situation au Proche-Orient, qui est un autre sujet de préoccupation majeur pour la communauté internationale et en particulier, pour la diplomatie française Chaque jour davantage, la situation sur le terrain se dégrade de manière très inquiétante, comme le montre la violence des heurts inter-palestiniens de ces dernières semaines. Peu à peu, la primauté donnée au politique, qui prévalait depuis les élections de janvier, semble céder le pas devant les radicaux du Hamas et du Fatah.

En réalité, la crise est aujourd’hui telle que le Président Abbas n’exclut plus d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour y mettre un terme. Ceci pourrait passer par une dissolution du gouvernement palestinien et la nomination d’un gouvernement d’urgence, formée éventuellement de techniciens. L’hypothèse d’élections anticipées n’est pas, non plus, à exclure.

Bien sûr, la perspective de former un gouvernement d’union nationale n’est pas officiellement abandonnée à ce stade ; mais les déclarations faites vendredi dernier par le premier ministre palestinien ne sont guère encourageantes.

Du côté israélien, la situation semble évoluer sous l’impact de la crise libanaise. Le gouvernement d’Ehud Olmert a été amené à réévaluer la position de son pays dans son environnement régional. Il paraît aujourd’hui s’orienter de nouveau vers la voie d’un accord négocié avec les pays arabes.

Il n’en reste pas moins, que tant en Israël que dans les Territoires palestiniens, les gouvernements et donc les autorités légitimes se trouvent aujourd’hui affaiblies. Aucun de ces dirigeants ne paraît être en mesure d’assumer les concessions douloureuses qu’impliquerait pourtant, de part et d’autre, un retour à la table des négociations.

Dans ce contexte, le ministre s’est interrogé sur le rôle que peut jouer la communauté internationale, en particulier l’Union européenne et les Etats-Unis.

Il a estimé qu’il importait d’abord de favoriser une sortie du statu quo, car d’expérience, il est connu que cette impasse fait avant tout le jeu des radicaux et des extrémistes des deux camps.

En septembre, à New York, la relance du processus de paix israélo-palestinien a été l’un des thèmes majeurs de l’Assemblée générale des Nations unies. Deux réunions importantes ont permis, comme cela était souhaité, de conforter le Président palestinien en affichant le soutien général de la communauté internationale. Tel est le sens de la réunion du quartet du 20 septembre, qui s’est conclue par un communiqué soutenant les efforts du Président Abbas en vue de former un gouvernement d’union nationale. Cette déclaration rejoint pour l’essentiel la position de la France et de l’Union européenne. Dans le contexte actuel, ce soutien est primordial ; c’est d’ailleurs la raison pour laquelle le ministre a indiqué avoir rencontré Mahmoud Abbas le 14 septembre dernier à Ramallah, juste avant l’Assemblée générale des Nations unies.

Le 21 septembre, une réunion du Conseil de sécurité s’est tenue à un niveau ministériel, avec la participation d’Israël, du Président Abbas, de Bahreïn au nom de la Ligue arabe et de l’Union européenne, pour évoquer la situation au Proche-Orient, y compris la question palestinienne. Cette réunion s’est achevée sans déclaration, mais l’atmosphère consensuelle qui y régnait, inhabituelle au Conseil de sécurité depuis de longs mois, a représenté, à elle seule, un succès qui mérite d’être souligné.

Aujourd’hui, il faut poursuivre sur cette lancée pour faire émerger un nouvel espace politique entre Israéliens et Palestiniens.

L’implication des Etats arabes modérés ouvre d’ailleurs, de ce point de vue, une perspective intéressante. Après la crise libanaise, et face aux évolutions dans la région - la montée en puissance de l’Iran, l’instabilité en Irak - les Etats arabes semblent maintenant prêts à s’impliquer davantage. Il faut suivre ce mouvement de près et l’accompagner ; c’est ce que le ministre a indiqué avoir dit à M. Amr Moussa, le Secrétaire général de la Ligue arabe.

Quant au déplacement de la Secrétaire d’Etat américaine dans la région, la semaine dernière, il peut s’avérer positif, à condition naturellement qu’il s’accompagne d’un véritable réinvestissement américain sur la question israélo-palestinienne.

Pour l’heure, certains impératifs s’imposent. Il importe tout d’abord de continuer à soutenir économiquement les Territoires, comme cela se fait actuellement par l’intermédiaire du mécanisme international d’aide aux Palestiniens. La France s’est mobilisée pour sa mise en œuvre et continuera d’y jouer un rôle important.

Il convient aussi de réfléchir à des initiatives de relance, dont le premier objectif doit être de recréer un degré minimal de confiance entre Israël et les autorités palestiniennes. A ce jour, la méfiance réciproque est telle qu’elle rend caduque toute perspective d’ouverture. C’est précisément pour créer les conditions d’un nouveau dialogue que le Président de la République a proposé, à New York, l’organisation d’une Conférence internationale. Cette conférence doit être l’occasion d’offrir des garanties, et donc de faciliter et d’accélérer la reprise de la dynamique de paix qui est aujourd’hui au point mort entre les parties.

Le ministre a enfin souhaité revenir sur le conflit du Darfour, qu’il a considéré comme la crise la plus grave que connaît actuellement le continent africain.

Ce conflit, qui fragilise le plus grand pays du continent, à la charnière du monde arabe et du monde africain, voisin de neuf pays importants, présente un triple risque :

- celui d’une crise humanitaire  avec près de 300 000 morts déjà dénombrés, plus de 2 millions de déplacés à l’intérieur du pays et près de 300 000 réfugiés dans le Tchad voisin, soit plus du tiers de la population du Darfour ;

- celui d’un éclatement du Soudan, et de la remise en cause de l’accord avec le Sud, difficilement conclu en janvier 2004 après 20 ans de guerre.

- celui de la fragilisation d’une région névralgique du continent africain.

Le conflit du Darfour est au cœur de l’agenda diplomatique de principaux partenaires de la France, qu’il s’agisse des Africains, de la Chine, des Etats-Unis, ou des Européens. Il a beaucoup été question du Tchad et du Darfour à New York, en marge de l’Assemblée générale. Le ministre a déclaré s’être longuement entretenu avec son collègue soudanais, bien sûr, mais aussi avec ses homologues chinois et arabes avec lesquels il considère comme essentiel de travailler sur ce dossier. Il a indiqué qu’il rencontrera après cette audition le Conseiller spécial du Président Bechir, Ghazi Salaheldin, qui suit personnellement ce dossier depuis trois ans. Le ministre a également déclaré qu’il comptait se rendre prochainement à Khartoum, après le Ramadan, d’ici la fin du mois prochain.

A ce stade, le Président Bechir a refusé l’arrivée sur le terrain d’une force des Nations unies, prévue par la résolution 1706 du 30 août dernier. Il s’agissait pourtant de répondre à la demande de l’Union africaine qui souhaitait passer la main. Le Gouvernement de Khartoum avait, d’autre part, accepté la mise en place d’une opération de maintien de la paix dans le Sud-Soudan – la MINUS – pour appuyer la mise en œuvre de l’accord de Naïvasha.

Devant cette situation et pour éviter un vide sécuritaire sur le terrain, l’Union africaine, qui souhaitait se retirer, a décidé à New York de prolonger son mandat jusqu’à la fin de l’année. Il s’agit d’une décision courageuse et responsable du Président de l’Union africaine, M. Sassou N’Guesso ; elle mérite d’être saluée.

Le ministre a estimé que la France devait, avec ses partenaires de la communauté internationale, œuvrer à conforter les moyens de l’Union africaine sur le terrain afin qu’elle soit en mesure d’assurer sa mission avec efficacité. Il est également nécessaire de réfléchir à un approfondissement de l’accord politique d’Abuja signé l’été dernier, mais qui en l’état, présente l’inconvénient de ne concerner qu’une petite partie des groupes rebelles. Il faut enfin trouver, avec les autorités soudanaises, la meilleure formule pour assurer un passage de témoin efficace entre l’Union africaine et les Nations unies.

Ce travail collectif est nécessaire pour assurer la sécurité des populations civiles menacées et conforter la mise en œuvre des accords politiques. Il faut donc l’entreprendre, dans le respect bien sûr de la souveraineté des autorités du Soudan – c’est là un principe de base de la diplomatie française – mais en exigeant aussi, et dans le même temps, que celles-ci assument leur devoir et leur responsabilité de protéger leur population.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que si le lien entre les solutions adoptées pour la Corée du Nord et celles adoptées pour l’Iran est évident, néanmoins l’urgence commandait et la Corée du Nord doit impérativement faire l’objet de l’attention prioritaire de l’ONU.

S’agissant des mesures contraignantes nécessaires, la formule retenue par le Ministre des Affaires étrangères visant à maintenir la concertation internationale et l’adhésion de la Chine signifie-t-elle qu’une réaction militaire doit être exclue par principe ou compte tenu de la Chine ?

Concernant l’Iran, le Président Edouard Balladur a demandé au Ministre s’il confirmait bien que la communauté internationale demandait la suspension de l’enrichissement de l’uranium comme préalable à l’ouverture de négociations.

Au Proche-Orient, on constate que les interventions israéliennes dans la bande de Gaza se poursuivent et s’accentuent et que la colonisation reprend. Dans ces conditions, comment peut-on envisager d’arriver à une solution ? Par ailleurs, l’idée d’associer les pays arabes limitrophes à une conférence internationale est-elle celle à laquelle le Président de la République a fait allusion récemment dans son discours tenu à New York et comment est-elle reçue par nos partenaires ?

Enfin, à propos de la Russie, le Président Edouard Balladur a demandé si l’on pouvait se contenter de déplorer les atteintes aux libertés et aux personnes sans en tirer les conséquences, notant qu’il y a peu encore, d’aucuns voyaient dans la Russie l’avant-garde de la démocratie.

Le Ministre des Affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants :

– Le Conseil de sécurité de l’ONU prépare actuellement une résolution imposant des sanctions à la Corée du Nord qui portent notamment sur les activités des programmes de missiles et d’armes de destruction massive. Si, le 15 juillet dernier, la résolution 1695 a empêché les transferts de biens et de technologies liées aux programmes de missiles ou d’armes de destruction massive, aujourd’hui, face à l’essai nucléaire, le Conseil de sécurité pourrait exiger le démantèlement complet et vérifiable du programme nucléaire nord-coréen et rendre explicitement obligatoires les dispositions de la résolution 1695. En tout état de cause, une réponse militaire n’est pas à l’ordre du jour.

– Il a toujours été dit que les négociations avec l’Iran ne pouvaient débuter que s’il y avait suspension préalable des activités nucléaires sensibles, et qu’une suspension pendant les négociations n’était pas acceptable.

– C’est bien l’idée d’une conférence internationale à laquelle doivent être associés les pays arabes modérés qui a été reprise par le Président de la République. Il serait difficile en effet d’y associer les pays arabes qui ont un intérêt à la déstabilisation de la région.

– L’émotion et l’horreur inspirées en France par le meurtre de la journaliste russe ont été fortes. C’est la liberté de la presse qui est remise en cause, or c’est une valeur à laquelle tous les pays doivent adhérer, y compris la Russie. C’est pourquoi le Ministre des Affaires étrangères a demandé que le déroulement de l’enquête russe soit attentivement suivi et en particulier par deux institutions : l’OSCE qui a un mandat spécifique en matière de liberté de la presse et le Conseil de l’Europe dont le mandat est plus large puisqu’il porte sur les droits de l’homme. On observe que le Secrétaire général du Conseil de l’Europe et le Président en titre de l’OSCE, ainsi que l’Union européenne, ont déjà condamné ce meurtre.

M. Hervé de Charette s’est interrogé sur le sort des prisonniers qui ont été à l’origine de la crise israélo-libanaise, en juillet dernier. Il a également souhaité savoir si l’Union européenne envisageait de reprendre rapidement son aide afin de permettre un début de sortie de crise en Palestine. Enfin, regrettant le manque d’information sur ce sujet, il a demandé quelle était la position du Gouvernement sur la proposition de loi relative à la reconnaissance du génocide arménien.

Face à la mauvaise nouvelle que constitue l’essai nucléaire auquel la Corée du Nord vient de procéder, M. Jean-Claude Lefort a souhaité obtenir des précisions sur la proposition, formulée par l’Iran, de réaliser l’enrichissement de son uranium, à des fins civiles, avec l’aide de la France. Le Traité de non-prolifération (TNP) autorise l’enrichissement de l’uranium à de telles fins ; dans ces conditions, comment expliquer que la communauté internationale fasse des observations au sujet des programmes mis en œuvre par certains pays et pas d’autres comme l’Inde, le Pakistan et Israël ?

Concernant la situation en Palestine, il a considéré que le Hamas a, certes, bénéficié des problèmes et désordres intérieurs mais également de l’inertie de la communauté internationale face à une population qui n’a, à l’heure actuelle, aucune perspective d’avenir. Tous les ingrédients semblent donc réunis pour que la situation se détériore gravement dans les territoires palestiniens. M. Jean-Claude Lefort a notamment regretté que les 100 000 fonctionnaires palestiniens ne soient toujours pas rémunérés et qu’Israël gèle toujours environ 50 millions de dollars de produits des droits de douane et de taxes.

Il a, par ailleurs, estimé que la politique de conditionnalité vis-à-vis du Hamas montrait aujourd’hui clairement ses limites et souffrait d’une absence de réciprocité, ce qui contribue à un réel malaise au plan politique. A cet égard, la perspective de nouvelles élections n’est pas particulièrement rassurante dans un contexte de radicalisation et il importe de veiller à ne pas faire le jeu d’intérêts extrémistes à l’issue du processus.

Enfin, M. Jean-Claude Lefort a déclaré que l’idée d’une conférence internationale sur l’avenir du Proche Orient est largement partagée. Toutefois, une telle conférence doit privilégier une approche globale afin de permettre une véritable sortie de crise et s’appuyer sur l’assentiment du peuple palestinien tout entier et non de quelques éléments modérés. Afin que cette démarche puisse réellement porter ses fruits, il a suggéré la désignation, à un haut niveau, d’un représentant du Ministère – un « Monsieur Proche Orient » qui aurait pour mandat de tout mettre en œuvre pour aboutir à un accord global en faveur de la paix dans la région.

Evoquant la situation du Liban, M. François Rochebloine a souhaité obtenir des précisions sur l’état du déploiement des forces de la FINUL, en particulier des forces françaises, la situation des prisonniers libanais et l’avancement des opérations de déminage.

Il a enfin souhaité savoir qui, de la France ou de la Roumanie, avait pris l’initiative de ne pas inviter les plus hautes autorités libanaises au Sommet de la francophonie qui vient de se tenir à Bucarest.

M. Jacques Myard a, pour sa part, demandé des précisions sur la position de la Chine après l’essai nucléaire auquel la Corée du Nord vient de procéder. Il s’est ensuite interrogé sur la position de la France sur le dossier du nucléaire iranien : dans la mesure où le Traité de non prolifération (TNP) n’interdit pas l’enrichissement de l’uranium à des fins civiles, la rigidité des positions, calquée sur l’attitude des Etats-Unis, risque, en effet, de cristalliser les tensions et aviver la crise actuelle. Enfin, il a estimé que les efforts de paix au Proche-Orient pourraient significativement progresser si, avant même d’envisager la tenue d’une conférence internationale, la France reconnaissait l’Etat palestinien en l’état actuel de ses territoires, indépendamment de la fixation de ses frontières.

M. Didier Julia a observé que le Ministre évoquait les sanctions qui pourraient être prises contre la Corée du Nord sans en préciser la nature. On sait que les embargos laissent les pays exsangues et les populations appauvries, ce qui attise tous les extrémismes. Il a souhaité que l’on s’assure que d’éventuelles sanctions contre la Corée du Nord n’aient pas pour effet de réduire le niveau de vie déjà très faible de la population de ce pays.

Il s’est interrogé sur les raisons qui ont conduit la France à repousser de manière violente, par la voix du porte-parole du Quai d’Orsay, l’offre émanant de Téhéran de participer au contrôle de l’utilisation pacifique des installations nucléaires par l’Iran.

La situation dans les territoires palestiniens constitue un véritable abcès qui génère tous les extrémismes. Israël ne peut-il comprendre que sa sécurité est conditionnée par la création d’un Etat palestinien viable ? Interrogé à ce sujet, l’ambassadeur d’Israël, entendu récemment par la Commission des Affaires étrangères, n’a pas apporté de clarifications sur les intentions de son pays. La France ne peut-elle contribuer à débloquer le paiement des 50 millions de dollars mensuels qui devraient permettre à l’administration palestinienne de payer ses agents ?

Abordant la situation en Russie, M. François Loncle a jugé qu’il était très bien de manifester son émotion et que l’intervention du Conseil de l’Europe pourrait être utile car cette institution a démontré son efficacité dans le domaine des droits de l’homme et s’est dit intéressé de voir ce que l’OSCE pourrait faire de son côté. Il a toutefois considéré que, au regard de la situation en Russie où les libertés et singulièrement celle de la presse sont malmenées, la complaisance de la France n’était pas admissible et avait dépassé toute mesure. Il est d’ailleurs choquant que l’on ait remis au Président Poutine les insignes de Grand Croix de la Légion d’honneur. Il serait souhaitable, dans de telles circonstances, que l’on demande, au minimum, à l’ambassadeur de Russie de venir s’expliquer ou qu’on rappelle notre ambassadeur pour consultation.

M. Paul Quilès a observé que, si le dossier du nucléaire nord-coréen n’était pas nouveau, on ne soulignait pas assez que ses derniers développements étaient en grande partie dus à la longue suite de maladresses de la politique étrangère américaine. Sous la présidence Clinton, une politique de coopération avait été entamée pour permettre à la Corée du Nord de se réinsérer dans le jeu international, bien que ce pays soit une dictature caricaturale. On sait qu’une intervention militaire est impossible et que des sanctions économiques risquent de laisser le peuple nord-coréen dans un état de pauvreté extrême. Il faut remettre à plat le traité de non-prolifération. L’inégalité de traitement en la matière n’est plus tenable. Pourquoi l’Inde, le Pakistan et Israël n’ont-ils pas subi les critiques des Etats-Unis et de la communauté internationale lorsqu’ils ont procédé à des essais nucléaires ?

En outre, l’article 6 du Traité de non-prolifération contient un engagement aux termes duquel les puissances nucléaires déclarées à l’époque devaient ouvrir des négociations en vue du désarmement nucléaire. On constate que ces stipulations demeurent lettre morte. Sans vision globale, on ne pourra régler cette question. M. Paul Quilès a ajouté que le drame du Darfour, sur lequel il ne cesse d’alerter l’opinion, ne suscite pas beaucoup d’émotion. 300 000 personnes sont mortes dans cette région du Soudan ; ce sont 300 personnes qui disparaissent chaque jour. Le dossier est complexe mais il devrait susciter une mobilisation bien plus grande en France. Nous ferons repentance dans dix, vingt ou cent ans, comme c’est l’usage aujourd’hui, mais pour les victimes actuelles, il sera trop tard.

M. Loïc Bouvard a souhaité avoir le point de vue du Ministre sur l’avenir du Kosovo. Peut-on envisager un statut pour ce territoire ? La Russie acceptera-t-elle une solution qui ne recueillerait pas l’aval de la partie serbe ? Quelles sont les perspectives pour la KFOR sans laquelle les tensions entre Serbes et Albanais seraient bien plus fortes encore ?

Au sujet de la prolifération nucléaire, le Président Edouard Balladur a indiqué qu’il entendait engager une réflexion au sein de la Commission des Affaires étrangères pour réfléchir à la définition de nouvelles règles internationales dans un monde où le Traité de non-prolifération ne pourra plus servir de référence. Il a estimé que ce problème particulièrement complexe était, avec celui du terrorisme, le plus important à résoudre dans le siècle qui s’ouvre.

M. Bruno Bourg-Broc s’est interrogé sur l’état de la relation franco-libanaise après les déclarations du Président libanais pendant le sommet de la francophonie. Il a par ailleurs souhaité savoir quels chantiers avaient été lancés par ce sommet et quelles décisions avaient été prises.

M. Jean-Jacques Guillet, revenant sur la question du repli de la Russie sur elle-même, a évoqué la dimension énergétique de ce repli. Ainsi, assurant la présidence du G8, la Russie avait choisi de se placer sous le signe de la sécurité énergétique et toute la politique de l’Union européenne visait à obtenir des Russes l’ouverture de leur marché énergétique, notamment en matière d’exploration-production. Or, la Russie a successivement annoncé l’expulsion de plusieurs compagnies étrangères : à Sakhaline ce sont des compagnies japonaises et Shell qui ont été exclues de l’exploitation du gisement ; de même, la Russie vient d’annoncer que la concession pour l’exploitation du gisement de Shtokman revenait en totalité à Gazprom, au détriment notamment des compagnies norvégiennes et de Total, en contradiction totale avec les propos du Président Poutine lors du sommet tripartite France-Allemagne-Russie de Compiègne les 22 et 23 septembre 2006.

Evoquant ensuite, en écho à la crise coréenne, le voyage du nouveau Premier ministre japonais à Pékin, il s’est demandé si le rapprochement sino-japonais qui s’effectuait « à la faveur » de ces événements n’était pas bénéfique pour l’équilibre de la région.

Le Ministre des Affaires étrangères a apporté les éléments de réponse suivants :

– S’agissant des négociations relatives à la libération des prisonniers israéliens, notamment celle du caporal Shalit, une intense activité diplomatique est en cours, sous médiation égyptienne. Si le bon travail de cette médiation doit être salué, d’un autre côté, il faut noter que ce sujet fait l’objet d’un conflit ouvert entre les différentes branches du Hamas. En tout état de cause, la France demande la libération sans condition de ces prisonniers, dès que possible.

– S’agissant du versement des aides européennes aux territoires palestiniens, le travail remarquable de la Commission européenne a permis la mise sur pied d’un mécanisme international temporaire, afin d’acheminer directement l’aide aux Palestiniens, en contournant les autorités du Hamas. A ce jour, ce sont, grâce à ce mécanisme, 90 000 patients qui ont bénéficié des services de santé, 1,2 million de personnes qui ont eu un accès à l’eau, 100 000 familles palestiniennes qui ont reçu des allocations et, au total, 30 à 40 % des familles palestiniennes qui ont bénéficié de l’aide européenne. De nombreux Etats membres ont accru leur contribution à ce titre pour 2006, dont la France, pour un montant de 15 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 20 millions d’euros destinés à l’aide humanitaire et alimentaire.

– S’agissant de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 12 octobre prochain, relative à la pénalisation des propos visant le génocide arménien, le Ministre a rappelé sa position telle qu’il l’avait déjà exprimée le 18 mai dernier. Dans la mesure où il s’agit d’un sujet important pour l’opinion publique française attachée au respect de la mémoire, il est normal que l’Assemblée nationale s’en saisisse. Il faut rappeler toutefois que, d’ores et déjà, la loi du 29 janvier 2001 reconnaît le génocide arménien et que le droit français réprime toute provocation et incitation à la haine. En outre, le Président de la République a, lors de sa visite en Arménie, invité la Turquie à reconnaître le génocide arménien. Dans ces conditions, c’est désormais à la Turquie qu’il revient de faire son travail de mémoire. Elle a d’ailleurs progressé sur ce point, ainsi que l’atteste la tenue, en septembre 2005, d’une conférence en Turquie, réunissant intellectuels et chercheurs, sur les événements tragiques de 1915 et 1916. Il convient de laisser le débat en Turquie progresser sereinement, ce d’autant plus qu’un processus s’engage actuellement entre la Turquie et l’Arménie, visant à la normalisation des relations entre les deux pays. Une commission conjointe a été mise en place : le vote de la proposition de loi évoquée n’empêcherait-il pas la France de jouer tout son rôle ?

Le Président Edouard Balladur a souhaité savoir s’il fallait conclure de ces propos que le gouvernement ne souhaitait pas se prononcer sur le caractère souhaitable ou non du vote de la proposition de loi en cause.

M. Philippe Douste-Blazy a répondu qu’il n’était pas favorable à cette proposition de loi.

Il a ensuite apporté des éléments de réponse au reste des questions posées.

– S’agissant du dossier du nucléaire iranien, la position de la France consiste à s’opposer, non au principe d’enrichissement de l’uranium par l’Iran, mais à un processus d’enrichissement qui se déroule dans un climat d’incertitude et de doutes sur la nature du programme iranien. Telle est d’ailleurs la position de l’Agence nationale de l’énergie atomique (AIEA), comme de toute la communauté internationale. Il faut préciser qu’en cas de sanction contre l’Iran, le principe de la fourniture de combustible nucléaire à des fins civiles par la Russie pour la centrale de Busher ne serait pas concerné.

– Concernant l’avenir des Territoires palestiniens, il existe, sur le terrain, une évolution réelle, même si elle est encore fragile, de la part des membres du Hamas : de manière générale, le Hamas est confronté à un principe de réalité qui le conduit à évoluer sur la question d’un gouvernement d’union nationale, qui signifierait la reconnaissance implicite d’Israël.

– Sur les dossiers relatifs au Proche-Orient, faut-il un « Monsieur Proche-Orient » dans l’Union ? De fait, les partenaires européens travaillent en bonne coordination, avec la contribution de Javier Solana. Par ailleurs, la tenue d’une conférence internationale serait à l’évidence une bonne solution.

– La situation au Liban continue à concentrer nos efforts et notre attention. La mise en œuvre de la résolution 1701 progresse dans de bonnes conditions grâce à la FINUL. Il faut également saluer le courage du Premier ministre israélien qui a permis le retrait des troupes israéliennes et, de là, le déploiement de l’armée libanaise, cette double démarche s’effectuant dans le calme. Le déploiement de la FINUL s’effectue par ailleurs dans de bonnes conditions, ce à quoi la France prend toute sa part, en assurant le commandement de la force et en envoyant 2 000 hommes sur le terrain. Les progrès ne doivent cependant pas conduire à sous-estimer les difficultés de la mission de l’ONU au Liban : la paix y reste fragile ; nous devons toujours obtenir d’Israël qu’il cesse de violer la souveraineté libanaise par le survol non autorisé du Liban ; le village de Gajar est par ailleurs toujours occupé par l’armée israélienne. Enfin il reste à régler la question des fermes de Chebaa et le problème difficile du désarmement du Hezbollah.

– Aussi longtemps que la question des prisonniers, israéliens d’un côté, palestiniens et libanais de l’autre, ne sera pas réglée, aucune solution globale ne pourra émerger, de manière durable.

– Concernant les champs de mines placées par l’armée israélienne sur le territoire libanais, les forces de la FINUL attendent toujours qu’Israël en fournisse les plans.

– Concernant la question de l’invitation de la délégation libanaise lors du sommet de la Francophonie à Bucarest, il convient de rappeler que, selon les statuts de cette organisation, c’est au Président du Sommet qu’il revient de prendre ce type de décisions. C’est donc le Président, roumain, qui, lors du dernier sommet, a pris sa décision. Il convient de rappeler qu’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a été votée, contestant la légitimité du renouvellement du mandat du Président libanais.

– Concernant les conséquences de l’essai nucléaire nord-coréen, nous attendons de la Chine qu’elle suive les autres membres du Conseil de sécurité dans la décision de sanctionner la Corée du Nord sur le fondement du chapitre VII ou des articles pertinents de la Charte des Nations unies.

– Le contrôle des activités nucléaires sensibles iraniennes est effectué par l’AIEA qui, dans le dernier rapport établi par son directeur, M. Mohammed El Baradei, a, une fois encore, conclu au caractère ambigu du programme nucléaire iranien.

– Sur la proposition d’une reconnaissance, par la France, de l’Etat palestinien en l’état comme moyen de constituer un électrochoc susceptible de faire avancer la question du Proche-Orient, le ministre a fait valoir que cette option ne réglerait pas le problème. Il faut rester dans l’esprit des accords d’Oslo et c’est à ce titre que le Premier ministre israélien, M. Olmert, aurait tout intérêt à rencontrer rapidement M. Mahmoud Abbas, seul moyen de sortir par le haut de la crise et de parvenir à la reconnaissance, le plus rapidement possible, des frontières palestiniennes.

– Concernant la proposition faite par l’Iran à la France de coopérer dans l’enrichissement de l’uranium, il faut rappeler que la France respecte le rôle et la place de l’Iran dans la région. C’est dans cet état d’esprit qu’elle l’appelle à revenir au sein de la communauté internationale. Celle-ci, par la voix de la troïka européenne et avec l’appui des Etats-Unis, a fait un certain nombre de propositions qui restent valables touchant au nucléaire civil iranien et, plus largement, qui concernent les domaines économique et politique. Dans ce contexte, il est regrettable que l’Iran n’ait pas saisi la chance qui s’offrait à lui de mettre fin après trente ans d’absence de dialogue avec les Etats-Unis, après la main tendue américaine du 30 mai dernier.

– S’agissant de la Russie, le Ministre a rappelé que, chaque fois qu’il était allé dans ce pays, il avait toujours évoqué la question tchétchène. L’assassinat d’une journaliste pose la question de l’identité de l’auteur de cet acte odieux : on ne saurait présumer du fait que cette journaliste était opposée au pouvoir en place pour en conclure que la responsabilité de ce crime doit être imputée à l’Etat russe, a fortiori alors que Mme Anna Politkovskaia travaillait sur de nombreux sujets, ce qui multiplie d’autant le nombre de commanditaires potentiels de son assassinat. En l’occurrence, notre devoir est donc de s’assurer de la transparence de l’enquête.

– Il y a bien eu dans le passé des maladresses ou des faiblesses de la part des Etats-Unis et des pays européens sur le dossier de la Corée du Nord. Mais la France n’y a jamais versé : elle n’a pas en particulier établi de relations diplomatiques avec la Corée du Nord.

– Il est vrai que le TNP se trouve aujourd’hui confronté à un moment de vérité. Le problème posé est considérable, et n’a pour l’instant pas de solution. Aucun pays ne pouvant aujourd’hui faire l’impasse sur le nucléaire civil, il va falloir organiser cette réflexion.

– L’opinion publique française n’affiche pas suffisamment d’émotion à l’égard de ce qui se passe au Darfour. Cependant, le fait pour le Ministre de s’y rendre pour dénoncer ce qui s’y passe sans se rendre par ailleurs à Khartoum l’empêcherait de mener toute action sur le plan diplomatique susceptible de quelque efficacité. Il faut au contraire essayer via les pays arabes comme l’Egypte ou la Libye, de persuader les autorités soudanaises de laisser l’ONU venir au Soudan.

– Le processus de négociations sur le statut du Kosovo se poursuit. Certes, les positions serbes et kosovares restent difficilement conciliables et l’indépendance conditionnelle se dessine comme la solution la plus probable. L’unité du groupe de contact demeure, même si la Russie conteste simplement l’imposition d’une solution.

– La KFOR, dont le format actuel est de 17 000 soldats, sera maintenue y compris après la définition du statut du Kosovo et il n’est pas envisagé de modifier son format.

– Le rapprochement entre la Chine et le Japon, constaté après l’essai nucléaire nord-coréen, pourrait constituer un pôle de stabilité pour la région.

– La France souhaite maintenir une relation stable avec la Russie tout en lui demandant d’adopter une position plus ouverte sur les investissements énergétiques.

– Le ministre de la culture libanais a assisté au dernier sommet de la Francophonie à Bucarest qui a essentiellement porté sur l’enjeu de l’éducation, le recours accru aux nouvelles technologies de l’information et l’application du protocole de Tokyo. Enfin, il faut noter qu’une très grande vitalité de la francophonie a été ressentie à l’occasion de ce sommet.

***

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a salué l’attention que la commission des affaires étrangères portait à la mission du ministère des Affaires étrangères et aux moyens qui étaient alloués à la diplomatie. Un travail de réflexion considérable a été accompli. Le Ministre a salué M. Hervé de Charette, rapporteur pour avis de la Commission sur les crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat », qui, en sa qualité d’ancien Ministre des Affaires étrangères, connaît particulièrement bien ce ministère.

Pour répondre aux crises qui sollicitent au quotidien notre pays, pour conduire des projets à son service et au service de ses intérêts dans le monde, la France a besoin d’initiatives fortes et d’actions mobilisatrices.

Le projet de budget pour 2007 permettra de conduire cette politique. Il s’établit, pour les cinq programmes répartis entre trois missions, à 4,5 milliards d’euros, soit une hausse globale de 3,8 %. Le Ministre s’est réjoui de cette augmentation qui traduit concrètement, dans les faits, la volonté du gouvernement de faire face à ses engagements internationaux.

Le programme « action de la France en Europe et dans le monde » voit ainsi ses crédits – hors masse salariale – augmenter de plus de 7,5% : 50 millions de crédits supplémentaires sont affectés à la couverture des seize Opérations de Maintien de la Paix des Nations unies et 10 millions supplémentaires aux autres contributions internationales. Cette augmentation est conforme aux dispositions du contrat de modernisation conclu avec le ministère du Budget et qui prévoit le rebasage de ces contributions sur trois ans.

Mais la résolution des crises échappe souvent à un cadre planifié, comme les événements du Liban l’ont montré. Si la FINUL renforcée s’est mise en place, la budgétisation de ces dépenses nouvelles n’est pas achevée. Il est impossible de dire aujourd’hui quel montant sera appelé, ni même si des fonds seront appelés dès 2006, ce qui justifierait une inscription dans la loi de finances rectificative, ou en 2007. Le Gouvernement ne manquera pas de transmettre au Parlement tous les éléments dont il disposera sur les aspects budgétaires de ce dossier qui est en voie de consolidation à New York. Les mêmes remarques valent pour l’opération projetée au Darfour, toujours en phase de négociation.

Les contributions multilatérales mobiliseront donc pour l’année 2007 plus de 40% des crédits de ce ministère, aide au développement incluse. Ces éléments budgétaires témoignent de l’importance des forums internationaux. Ils invitent le ministère à faire preuve de vigilance quant à leur emploi et leur efficacité. Ce souci de vigilance explique que les indicateurs de performance du programme ont été conçus d’une manière plus qualitative que quantitative et en ne pensant pas seulement aux indicateurs utiles aux commissions des Finances, mais également à ceux que la commission des Affaires étrangères est mieux à même d’apprécier ; c’est notamment le cas des indicateurs intitulés « construire l’Europe », « renforcer la sécurité internationale » ou « promouvoir le multilatéralisme ».

Au-delà de l’action diplomatique stricto sensu, le Ministre a évoqué l’action consulaire décrite dans le programme « Français à l’étranger et étrangers en France ». Dans le cadre de l’action du Gouvernement en faveur de la maîtrise des flux migratoires, ce programme voit également ses crédits augmenter.

L’expérimentation de la biométrisation des visas se poursuit avec, en perspective, la mise en œuvre d’une base européenne de données. Lancée en 2005 dans cinq consulats, la biométrisation sera étendue à 16 postes avant la fin de cette année, soit un total de 21 postes équipés, et généralisée dès 2008 à l’ensemble du réseau consulaire. En 2007, ce sont donc 16 millions d’euros supplémentaires qui seront affectés à ce dispositif, conformément aux dispositions du contrat de modernisation qui prévoit un retour de 50% de la recette des visas au profit des Affaires étrangères.

Au chapitre des recettes, le ministère a conduit avec succès la négociation sur le tarif du visa Schengen, qui passera de 35 à 60 euros au 1er janvier 2007.

La maîtrise de l’immigration, c’est aussi la lutte contre la fraude documentaire et la reconduite des étrangers en situation irrégulière, qui appellent de la part de la France un dialogue courtois mais sans complaisance avec les pays d’origine. Dans le même esprit, a été engagée la mise en œuvre d’une politique de l’asile cohérente, conforme aux traditions d’accueil de la France, mais qui ne doit pas être détournée de ses objectifs. La réduction des délais de traitement des demandes d’asile par l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) se trouve aujourd’hui bien engagée. Elle a pour effet d’entraîner non seulement une diminution des demandes en instance, mais aussi, sur le plan budgétaire, une légère décrue des moyens consacrés à cette action.

Enfin, si le budget organise le déploiement de moyens destinés à la sécurité des Français, avec l’organisation d’une veille sécuritaire et la mise en place de réseaux de communication et de stocks de sécurité, des opérations exceptionnelles ou imprévisibles, comme l’évacuation du Liban cet été, rendent nécessaire l’ouverture de crédits nouveaux, en l’occurrence un décret pour dépenses accidentelles de 9,3 millions d’euros sur le budget 2006.

Les crédits du programme « rayonnement culturel et scientifique » sont en hausse de 9 millions d’euros, dont 8 sont consacrés à notre réseau scolaire à l’étranger. L’objectif est de donner à l’Agence pour l’Enseignement Français à l’Etranger les moyens d’améliorer son offre de bourses scolaires au profit des Français les plus défavorisés. Par ailleurs, l’Agence poursuit un important programme de travaux de rénovation et de construction de lycées français, avec plusieurs projets en partenariat public-privé.

Enfin, si les crédits consacrés à la coopération avec les pays développés sont stables, le Ministre a procédé à des redéploiements favorables à la promotion de la langue française en Europe et particulièrement dans les nouveaux Etats membres. La francophonie est à ses yeux un enjeu essentiel, et il souhaite que la France se donne les moyens de la faire vivre au sein des instances communautaires.

Le Ministre a aussi attiré l’attention de la Commission sur la modernisation du réseau d’établissements culturels en Europe qu’il continue de mener, avec un recentrage des activités autour de quatre missions : l’attractivité de la France, le débat d’idées, l’ingénierie culturelle et l’enseignement. Les doublons avec le réseau des Alliances françaises sont supprimés, ce qui rend possibles des redéploiements vers la Russie et la Chine. C’est dans ce cadre que la réflexion lancée autour des opérateurs trouve son aboutissement, avec la fusion, dans « CulturesFrance », des anciennes associations françaises d’action artistique (AFAA) et de diffusion culturelle (ADPF).

Dans le même esprit, la réflexion se poursuit avec les différents acteurs universitaires et en liaison étroite avec le ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche pour donner naissance au futur opérateur « CampusFrance ».

Le programme audiovisuel extérieur, dont la Commission a demandé la création l’an dernier, a été intégré au sein de la « mission Médias » placée sous l’autorité du Premier Ministre, afin de faciliter le pilotage de ces aides spécifiques, sachant que cette mission regroupe par ailleurs un programme « Presse » et un programme « Chaîne d’information internationale ».

Les crédits du programme audiovisuel extérieur restent stables en 2007, mais un rééquilibrage est opéré en faveur de TV5, qui voit ses moyens s’accroître de 2,5 millions d’euros pour financer la politique de sous-titrage de la chaîne. Enfin, les réformes de structure conduites par Radio France International, qui bascule progressivement sur l’Internet, autorisent une légère diminution des moyens pour 2007.

Le programme « solidarité avec les pays en développement » regroupe les moyens budgétaires gérés par le Département au sein de la mission aide publique au développement. Globalement, l’objectif de 0,5 % du produit intérieur brut consacré à l’aide publique au développement, assigné par le Président de la République pour 2007, sera respecté. Le programme « solidarité » y contribuera grâce à une augmentation de 72 millions d’euros, auxquels s’ajouteront les 122 millions de ressources extra-budgétaires en provenance de l’Agence française de développement.

Cet effort budgétaire porte d’abord sur la lutte contre les grandes pandémies. Le fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme bénéficiera ainsi en 2007 d’une contribution française de 300 millions d’euros. C’est là une orientation fondamentale de l’aide publique au développement française, qui a été complétée cette année par un mécanisme de financement innovant, avec la contribution de solidarité sur les billets d’avion. Cette action bénéficie d’une forte visibilité, que la nomination d’un Français au poste de directeur du Fonds pourrait encore renforcer.

Le ministère des Affaires étrangères se mobilise par ailleurs pour le co-développement en offrant aux populations des pays du Sud, en liaison avec les collectivités territoriales et les ONG, un nombre croissant de projets, notamment dans les pays à forte pression démographique.

Enfin, l’aide-projet bilatérale, qui reste pour les partenaires de la France la preuve tangible de sa présence à leurs côtés, augmentera globalement de 50 millions d’euros en 2007, grâce à la mobilisation des ressources propres de l’Agence française de développement.

Ce tableau resterait incomplet sans l’évocation de l’action menée, avec constance, en faveur de la modernisation du ministère. Quand on regarde les moyens dont dispose le British Council, on mesure le chemin que le Département doit encore parcourir.

Le 25 juillet dernier, le Premier ministre a réuni le Comité interministériel sur les moyens de l’Etat à l’étranger (CIMEE). C’était une « première » depuis la dernière réunion de ce comité en 1996, il y a donc dix ans. Une directive nationale d’orientation des ambassades a été approuvée et des orientations données, pour favoriser le redéploiement progressif du réseau vers les pays émergents, en Asie ou en Europe orientale notamment. Des principes de mutualisation interministérielle ont également été fixés, notamment pour mieux adapter notre gestion à l’étranger aux contraintes de la LOLF.

Les efforts consentis et négociés dans le contrat de modernisation reposent donc aujourd’hui sur un cadrage politique clair. D’un côté, le ministère bénéficie d’une hausse de ses moyens d’intervention ; de l’autre, il contribue légitimement à la baisse des effectifs de la fonction publique de l’Etat – sa masse salariale diminuant de 1,4 % avec 141 postes supprimés et 129 autres postes transférés à l’Agence française de développement.

Le Ministre a demandé à la Commission de l’aider à faire en sorte que les moyens de tous les services extérieurs de l’Etat soient mobilisés autour de l’ambassadeur, qui a la mission de coordonner leur travail.

Il a enfin souligné que le Département était aujourd’hui assuré de conserver l’intégralité du fruit de ses efforts de productivité : c’est évidemment un élément fondamental si la France veut poursuivre dans de bonnes conditions la modernisation que le ministère a engagée, courageusement et avec une grande lucidité. La Nation a consenti beaucoup d’efforts financiers pour sa défense. Elle doit prendre conscience du caractère essentiel de l’action de sa diplomatie, qui ne doit plus être caricaturée. Pour travailler, celle-ci a besoin de moyens, ce qui suppose que ses crédits soient maintenus à un niveau suffisant.

Après avoir approuvé vivement la conclusion de l’exposé du Ministre, M. Hervé de Charette, Rapporteur pour avis des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat », a estimé que le ministère des Affaires étrangères devait mieux défendre ses crédits. Si une baisse des dépenses publiques est nécessaire, elle doit s’opérer prioritairement sur les gros volumes financiers, que sont la dette publique ainsi que les budgets de la Défense, de l’Education nationale et de l’Economie. Une meilleure gestion de la dette permettrait d’économiser des sommes plus élevées que le total du budget du ministère des Affaires étrangères ! Il est indispensable que les ministères régaliens (Affaires étrangères, Intérieur, Justice) disposent de moyens à la hauteur des ambitions de la France ; il n’est pas possible de mener une politique extérieure dynamique et ambitieuse sans moyens adaptés. La diplomatie française fait partie des trois meilleures au monde ; c’est un potentiel qui doit être valorisé. La hausse des crédits proposée pour 2007, de 3,8 %, est heureusement plus élevée que celle du budget général pris globalement.

M. Hervé de Charette a estimé que le CIMEE, dont il avait assisté à la difficile naissance, avait constitué pour lui une grande déception. Après près de dix ans de disparition, il réapparaît, mais cette renaissance sera sans lendemain, en l’absence de la volonté politique, émanant des plus hautes autorités de l’Etat, de s’assurer que la présence internationale de la France, qu’elle soit culturelle, technique ou économique, est conduite par le ministère des Affaires étrangères. Une telle volonté existe-t-elle ? Peut-on espérer que le CIMEE aura une action durable ?

Malgré la hausse annoncée, les crédits destinés aux opérations de maintien de la paix ne pourront pas couvrir les opérations dont le coût n’est pas encore déterminé. Or ce coût sera certainement considérable : comment les besoins qui apparaîtront en cours d’année seront-ils couverts ? Le ministère des Affaires étrangères devra-t-il opérer des redéploiements ? La présence militaire française à l’étranger est sans rapport avec les moyens du ministère, et exerce une pression excessive sur ceux-ci.

Le Rapporteur pour avis a ensuite demandé au Ministre en quoi la fusion de l’Association française d’action artistique (AFAA) et de l’Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) en une nouvelle agence nommée CulturesFrance était de nature à faciliter la valorisation de la culture française et dans quelle mesure le ministère des Affaires étrangères bénéficierait de l’augmentation des recettes provenant du passage de 35 à 60 euros du tarif des visas Schengen.

Répondant aux interrogations de M. Hervé de Charette, M. Philippe Douste Blazy, Ministre des affaires étrangères, a précisé que le dernier Comité interministériel pour les moyens de l’Etat à l’étranger (CIMEE) a défini un mandat clair autour de trois axes prioritaires :

- des regroupements immobiliers destinés à permettre une meilleure représentation de l’Etat à l’étranger ;

- des services administratifs et financiers uniques (SAFU) au nombre de 48 d’ici fin 2007 afin de disposer de guichets uniques ;

- un redéploiement des effectifs, notamment vers les pays émergents.

Le Ministre a reconnu qu’une volonté politique fermement exprimée est effectivement nécessaire afin de renforcer l’efficacité du dispositif. A cet égard, il s’est interrogé sur les disparités qui existent entre les primes versées aux fonctionnaires d’autres ministères et celles perçues par les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères, estimant qu’un large débat devra s’ouvrir sur la cohérence des services extérieurs de l’Etat.

S’agissant de la contribution de la France au fonctionnement de l’Organisation des Nations unies, il a indiqué qu’elle représente 6,3 % du budget de l’Organisation. La France contribue aux opérations de maintien de la paix (OMP) à hauteur de 7,3 % de leur budget, ce qui la place au 5ème rang parmi les grands contributeurs. Le Ministre a précisé que, sous le régime de l’ordonnance organique du 2 janvier 1959, les crédits destinés au paiement des contributions obligatoires étaient provisionnels, ce qui permettait de les compléter, en cas de besoin, par loi de finances rectificative. La loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) a modifié ce dispositif en plafonnant ces crédits, ce qui introduit une rigidité regrettable.

Dans le domaine culturel, le Ministre s’est déclaré en complet accord avec la nécessité de mettre en place une agence unique : la fusion de l’Association française d’action artistique (AFAA) et de l’Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF) ne constitue qu’une première étape dans cette direction. Il a précisé qu’un texte portant statut de cette agence destinée à valoriser la culture française est prêt mais doit trouver sa place dans le calendrier des travaux parlementaires.

Enfin, M. Philippe Douste-Blazy a précisé que le ministère des Affaires étrangères doit bénéficier de l’équivalent de 50 % du produit de la recette perçue pour frais de dossier de demandes de visas au lieu de 30 % précédemment. Dans le même temps, ces frais de dossier ont été augmentés de 35 à 60 euros, ce qui devrait permettre de couvrir une partie des coûts induits par l’introduction de la biométrie dans les visas.

Evoquant le rayonnement culturel et scientifique de la France, M. François Rochebloine a déploré la chute de 14 % du nombre de personnes qui apprennent le français sur notre continent, entre 1994 et 2004. Certes, un plan de relance a été lancé en mai dernier mais les crédits alloués à cette action risquent d’être insuffisants. Il a notamment regretté que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) qui réalise un travail remarquable, soit confrontée à une situation financière extrêmement tendue avec un fonds de roulement de moins de quinze jours.

Abordant la question de l’audiovisuel extérieur, M. François Rochebloine s’est ensuite interrogé sur les modalités de la coexistence entre la chaîne TV5 Monde et la future France 24 qui doit être lancée d’ici la fin du mois de novembre. Il a souhaité savoir si cette future chaîne ne devait pas être rattachée au ministère des Affaires étrangères plutôt qu’au Premier ministre et si TV5 Monde pouvait bénéficier de la redevance audiovisuelle.

M. Jacques Myard a regretté la baisse des effectifs au sein du Ministère des affaires étrangères au moment où, d’une part, son budget est en augmentation et, d’autre part, la situation internationale est particulièrement tendue. Cette évolution se traduira par une diminution des ressources humaines – notamment de personnels de catégorie A – au sein d’un Ministère dont l’action diplomatique est rendue plus que jamais nécessaire par les récents événements internationaux.

Il a, par ailleurs, estimé que la coordination des services extérieurs de l’Etat relève des ambassadeurs qui doivent user de l’autorité hiérarchique dont ils disposent pour l’assurer pleinement. En termes de moyens, une meilleure visibilité serait donnée aux actions de la France si l’aide bilatérale était privilégiée plutôt que l’abondement du budget européen en faveur d’actions qui profitent, bien souvent, à des intérêts différents des nôtres, notamment en Europe centrale et orientale.

M. François Loncle a rappelé que la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale a toujours soutenu l’affectation d’un budget conséquent au Ministère des affaires étrangères afin de lui permettre de promouvoir l’action française à l’extérieur. Il a estimé que, dans un environnement international instable et dangereux, l’action extérieure de la France doit faire l’objet d’une plus grande attention du Gouvernement. Il a ensuite indiqué que les dirigeants du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) se sont inquiétés d’un déclin de la ligne budgétaire de l’agence onusienne et souhaité obtenir des précisions à ce sujet. Enfin, il a demandé quelles initiatives étaient envisagées ou mises en œuvre pour s’assurer de l’efficacité et la pertinence de l’aide bilatérale française ainsi que de l’absence de détournement de ses objectifs au profit de systèmes étatiques corrompus.

Le Ministre des Affaires étrangères a apporté les réponses suivantes.

– Le rattachement des crédits affectés à la chaîne de télévision France 24 à ceux relevant du ministère des Affaires étrangères est souhaitable pour peu qu’une telle mesure ne soit pas prise au détriment de TV 5, chaîne qui devrait d’ailleurs pouvoir bénéficier de la redevance audiovisuelle.

– Le plan de relance du français à l’étranger passe par cinq initiatives : la constitution d’un pôle de référence pédagogique au Maghreb ; un plan triennal de formation de 10 000 professeurs dans le monde ; un programme relatif à l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication en lien avec la formation ; la promotion du plurilinguisme dans le système éducatif européen ; des pôles de coopération intégrés régionaux. 46,4 millions d’euros seront mis en œuvre dont 34 millions issus de redéploiements et 12 millions constitués par des mesures nouvelles.

– Concernant l’AEFE, il faut souligner la qualité de son action. De 324 millions d’euros en dépenses de fonctionnement en 2006, on passera à 332 millions d’euros en 2007, ce qui permettra d’augmenter les bourses et de tenir compte de la hausse du point d’indice de la fonction publique. L’enseignement du français à l’étranger constituera l’une des grandes questions de notre action de coopération. L’accent devra être porté sur les établissements situés dans les pays du Sud où l’enseignement du français aux élites locales peut avoir un impact important en terme d’influence de notre pays.

– Si l’augmentation des effectifs n’est pas toujours le gage d’une amélioration de l’efficacité, on doit cependant se réjouir de voir le nombre de fonctionnaires expatriés à l’étranger augmenter.

– Les ambassadeurs doivent évidemment jouer un rôle de coordination fort dans les pays étrangers.

– La France s’est engagée à augmenter ses contributions aux organisations internationales ; le PNUD ne sera pas oublié de ce point de vue.

– La France entend aujourd’hui concentrer son aide publique au développement autour de priorités concrètes telles que la santé, l’éducation, l’agriculture ou la gouvernance. Des documents cadres de partenariat (DCP) sont adoptés pays par pays afin de mieux déterminer concrètement les conditions de mise en œuvre de ces priorités et donner plus de visibilité à notre action en faveur des pays du Sud. Il est clair qu’une évaluation des projets d’aide et de coopération est nécessaire pour vérifier de manière régulière l’efficacité et la pertinence de notre aide.

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Accord avec le Brésil relatif à la construction d’un pont sur le fleuve Oyapock

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, suppléant M. Jacques Remiller, empêché, le projet de loi (n° 3080) autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la construction d’un pont routier sur le fleuve Oyapock reliant la Guyane française et l’Etat de l’Amapá.

M. Jean-Jacques Guillet, suppléant M. Jacques Remiller, Rapporteur, a rappelé que la France et le Brésil avaient une frontière commune puisque la Guyane est voisine de ce pays, et plus particulièrement de l’Etat de l’Amapá. Le projet ce loi n° 3080 qui est soumis à la Commission entend autoriser l’approbation de l’accord signé le 15 juillet 2005 entre la France et le Brésil pour la construction d’un pont sur l’Oyapock, fleuve qui trace la frontière entre les deux pays.

Ce projet de pont est emblématique du dynamisme de la coopération franco-brésilienne et plus particulièrement de la coopération transfrontalière. Il témoigne de la proximité politique entre Paris et Brasilia et de l’existence de grandes convergences de vues entre la France et le Brésil au plan international.

Ce pays s’affirme de plus en plus comme un acteur de poids au plan régional mais aussi mondial. Il entend s’imposer comme garant de la stabilité en Amérique du Sud et comme contrepoids aux Etats-Unis. Le Brésil agit pour l’intégration régionale dans des ensembles comme le Mercosul (Mercosur en espagnol). Il prend ses responsabilités comme en Haïti où il dirige la Minustah (Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti). Il a également la volonté d’établir des liens de solidarité avec les autres pays du Sud, notamment en Afrique, là où sont « les racines » du Brésil selon le Président Lula da Silva. Avec l’Afrique du Sud et l’Inde, le Brésil constitue un forum de dialogue baptisé IBSA dont on commence à parler.

On sait les convergences qui existent entre la France et le Brésil : la volonté de trouver de financements pérennes à l’aide au développement qui a été marquée par la déclaration commune avec le Président Lagos du Chili et M. Kofi Annan, à Genève en janvier 2004 ; cela a abouti, sous l’impulsion du Président Chirac à la création d’une contribution assise sur les billets d’avion qui alimente le fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ; la France et le Brésil partagent aussi une certaine idée de l’organisation mondiale fondée sur le dialogue et le multilatéralisme.

Cette proximité se matérialise par une coopération active entre les deux pays dans de nombreux domaines : recherche, innovation technologique, accompagnement des priorités des autorités brésiliennes comme la politique sociale, l’agriculture familiale durable, la réforme de l’Etat. Notre coopération porte aussi l’accent sur l’enseignement du français et les échanges culturels. Les trois lycées de Sao Paulo, Rio et Brasilia comptent plus de 2000 élèves dont plus de la moitié ne sont pas français et les 74 Alliances françaises accueillent 28 000 élèves. La coopération entre la France et le Brésil est également transfrontalière. Elle est engagée soit par l’Etat français soit par les collectivités locales.

L’Etat d’Amapá qui jouxte la Guyane sur l’autre rive de l’Oyapock compte 370 000 habitants – la Guyane en compte pour sa part 200 000 – et son territoire est grand comme un quart de celui de la France métropolitaine. L’Amapá est en grande partie recouvert de la forêt amazonienne ; sa principale richesse provient des minerais, notamment le manganèse. Le voisinage du Brésil pour la Guyane pose évidemment des difficultés. Sans jeter l’opprobre sur les migrants venant du Brésil, on doit constater que la pression migratoire est forte et qu’elle entraîne une augmentation de la délinquance. C’est le cas notamment sur les sites d’orpaillage sauvage qui attirent beaucoup les migrants brésiliens et ce dans des conditions difficiles. Ces sites causent de graves dommages à l’environnement, génèrent de la violence et sont combattus activement par la gendarmerie. On doit observer que les collectivités locales se lancent aussi dans la coopération transfrontalière ; c’est le cas du conseil régional de Guyane dans le domaine de l’agriculture, de l’éducation ou de l’environnement.

Le projet de relier les deux rives de l’Oyapock peut être de nature à favoriser cette coopération transfrontalière. C’est un projet soutenu à haut niveau. Les Présidents Chirac et Lula da Silva l’ont eux même signé et y attachent une grande importance comme le montre leur déclaration commune lors de leur rencontre à Brasilia en mai 2006. Le Gouvernement estime que ce pont permettra de mieux insérer la Guyane dans son environnement géographique mais aussi d’afficher clairement la dimension américaine de la France. Il est certain que cela contribuera à désenclaver Saint-Georges d’Oyapock, la commune de 2 000 habitants qui se trouvent en face de la ville brésilienne d’Oiapoque qui compte 16 000 habitants.

L’accord signé en 2005 fixe les conditions dans lesquelles le pont sera construit. La maîtrise d’ouvrage du pont reviendra à la Partie brésilienne mais chaque pays assurera la maîtrise d’ouvrage de la route d’accès et des postes de contrôle situés sur son territoire. Les deux pays appliqueront leurs propres règles ; côté français, une enquête d’utilité publique sera lancée. Une étude d’impact globale sera réalisée sous la direction de la Commission intergouvernementale paritaire qui va suivre le projet. L’accord fixe les conditions de consultation des entreprises qui, pour le pont, seront celles applicables au Brésil globalement, équivalentes à celles en vigueur en France selon le Gouvernement. Les frais seront partagés équitablement sous contrôle de la Commission intergouvernementale. La France financera le projet pris au sens large (pont, voie d’accès, équipements de surveillance transfrontalière) à hauteur de 15 millions d’euros soit la moitié du budget total. Les travaux devraient débuter fin 2007 – début 2008 pour un achèvement au milieu de 2009.

C’est un beau projet que ce pont sur l’Oyapock, à la fois concret et symbolique. On peut penser que les habitants des deux rives en tireront profit mais il faudra aussi que les autorités françaises soient vigilantes sur les conséquences de la construction de ce pont pour les habitants de Saint-Georges et faire en sorte que cette commune puisse faire face au changement qu’entraînera la création de cette liaison directe avec le Brésil.

Au vu de ces éléments, M. Jean-Jacques Guillet a invité les membres de la Commission à adopter le projet de loi autorisant l’approbation de cet accord, sur lequel le Congrès brésilien s’est déjà prononcé favorablement.

Conformément aux conclusions du Rapporteur suppléant, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3080).

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