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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 25 octobre 2006

Séance de 9h

Compte rendu n° 6

Présidence de M. Edouard Balladur
Président

 

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– Examen pour avis des crédits de l’Action extérieure de l’Etat pour 2007 - M. Hervé de Charette, Rapporteur pour avis

– Examen pour avis des crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission Action extérieure de l’Etat pour 2007 - M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis


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Examen pour avis des crédits de l’Action extérieure de l’Etat pour 2007

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Hervé de Charette, les crédits des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde » et « Français à l’étranger et étrangers en France ».

M. Hervé de Charette, Rapporteur pour avis, a indiqué que le budget du ministère des Affaires étrangères pouvait être résumé en quelques mots : la revalorisation des contributions aux organisations internationales, principalement au bénéfice des opérations de maintien de la paix, la prise en compte partielle du coût de l’intégration de la biométrie dans les visas, une légère baisse des moyens pour le traitement des demandes d’asile, une progression importante des crédits d’aide publique au développement, la stabilité des subventions à l’audiovisuel extérieur et la poursuite des économies sur le fonctionnement, le personnel et l’immobilier.

Il a d’abord souligné les progrès accomplis grâce à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances. L’action du ministère est répartie entre cinq programmes rattachés à trois missions différentes. La mission ministérielle « Action extérieure de l’Etat » est composée des programmes « Action de la France en Europe et dans le monde », « Rayonnement culturel et scientifique » et « Français à l’étranger et étrangers en France ». Le programme « Solidarité à l’égard des pays en développement » relève de la mission interministérielle « Aide publique au développement » et le programme « Audiovisuel extérieur » de la mission interministérielle « Médias ». Les nouveaux « bleus budgétaires » sont nettement plus faciles à lire et intéressants que leurs prédécesseurs. Ils contiennent de nombreuses informations, parfois très détaillées, comme le coût des voyages officiels ou les frais de réception à l’Hôtel du ministre.

Quelques limites peuvent néanmoins être soulignées. La première concerne la répartition des crédits entre programmes et missions. Les crédits destinés au rayonnement culturel et scientifique sont scindés entre deux programmes relevant de deux missions selon qu’ils bénéficient à des pays en développement ou à des pays développés. Ce partage permet certes une plus grande mise en valeur des crédits destinés à l’aide publique au développement mais il traduit aussi le fait que le rayonnement culturel de la France n’est plus une priorité pour l’Etat. Le rattachement du programme « Audiovisuel extérieur » à la mission « Médias » aux côtés d’un programme consacré à la chaîne internationale d’information n’est pas de nature à permettre au ministère des Affaires étrangères de mener une politique cohérente dans ce domaine.

Pour ce qui est des objectifs, ceux formulés pour le programme « Action de la France en Europe et dans le monde » sont très vagues. Il s’agit de « défendre et représenter à l’étranger les intérêts de la France », « construire l’Europe », « renforcer la sécurité internationale », « promouvoir le multilatéralisme » et « assurer un service diplomatique efficient et de qualité ». Leur caractère général et le manque de précision quant à leur traduction concrète font qu’ils ne sont pas spécifiquement adaptés aux enjeux internationaux de l’exercice à venir. Les indicateurs de performance sont également inégaux. Le nombre de discours prononcés en français à l’Assemblée générale des Nations unies ou le nombre de documents initialement rédigés en français par les services de l’Union européenne sont des données intéressantes. L’exercice d’autoévaluation du travail du ministère sur les grands dossiers européennes et internationaux laisse en revanche parfois sceptique. C’est en particulier le cas pour ce qui est résumé sous l’intitulé « Avenir de l’Europe » pour lequel le ministère s’octroie 4,2/5 en 2006 et un objectif de 4,1/5 en 2007. La mise en place de ces indicateurs constitue incontestablement un progrès très appréciable mais ils doivent encore être améliorés.

M. Hervé de Charette, Rapporteur pour avis, a ensuite présenté les principales données chiffrées du budget qu’il a jugées satisfaisantes. Sur un budget total de l’Etat de 268 milliards d’euros, le budget total du ministère des Affaires étrangères s’établira à 4,5 milliards d’euros en hausse de 3,8 % par rapport à 2006. Hors crédits de personnel et à structure constante, les moyens de la mission « Action extérieure de l’Etat » enregistreront une hausse de 6 %. Toujours hors crédits de personnel, le programme « Action de la France et dans le monde » augmentera de 7,25 %, le programme « Rayonnement culturel et scientifique » de 1,85 % et le programme « Français à l’étranger et étrangers en France » de 15 %.

Sur l’ensemble de la législature, les crédits du ministère des Affaires étrangères ont légèrement diminué en euros constants et hors Fonds européen de développement. Ils représentaient 0,23 % du PIB en 2003 ; ils s’établiront à 0,21 % du PIB en 2007. Cette quasi-stabilité cache néanmoins des évolutions importantes. Les contributions internationales ont presque doublé passant de 22 à 39 % des crédits entre 2002 et 2007, l’effort d’aide publique au développement s’est considérablement renforcé, les dépenses de fonctionnement sont en revanche en net repli (9 % du budget en 2002, 6 % en 2007) et la somme des moyens de fonctionnement et de personnel s’établit désormais au quart des crédits du ministère alors qu’ils en représentaient le tiers en 2002.

Evoquant le contrat triennal de modernisation signé par le ministère des Affaires étrangères le 18 avril 2006, le Rapporteur a insisté sur quatre accords de gestion visant à mettre le ministère à l’abri du risque de change, à remettre progressivement à niveau les crédits destinés aux opérations de maintien de la paix, et à assurer au ministère un taux de retour de 50 % sur les recettes de frais de visa et de 100 % sur les produits de cessions immobilières.

Alors que la plupart des contributions volontaires aux organisations internationales sont inscrites sur la mission « Aide publique au développement », les contributions obligatoires relèvent de la mission « Action extérieure de l’Etat ». Elles représenteront au total près de 600 millions d’euros en 2007, en progression de plus de 10 %. 50 millions d’euros supplémentaires contribueront à combler le décalage qui existe depuis plusieurs années entre les crédits inscrits et les crédits dépensés pour les opérations de maintien de la paix : il était de 115 millions d’euros en 2005, dépassera 140 millions d’euros en 2006 (sans compter le renforcement de la FINUL) ; et dépassera encore 170 millions d’euros en 2007 selon les prévisions les plus optimistes du ministère des Affaires étrangères. L’augmentation de la dotation pour les contributions obligatoires est donc indispensable, et elle doit s’accompagner d’un renforcement des contrôles sur les actions menées grâce à ces crédits.

Abordant la question des visas, le Rapporteur a rappelé que, avec 2 millions de visas accordés sur 2,4 millions de demandes, le taux de refus était désormais très bas grâce au paiement des frais de dossier au moment de la demande et quelle qu’en soit l’issue. Il faut retenir que la France ne délivre que 20 % des visas Schengen mais que les 80 % des étrangers qui ont obtenu un tel visa d’un autre consulat européen peuvent naturellement venir en France. Un effort est accompli en matière de lutte contre la fraude, qu’elle porte sur l’état civil ou sur le mariage. En 2007, les services des visas bénéficieront de 16 millions d’euros supplémentaires afin de poursuivre l’intégration de la biométrie dans les visas, qui nécessite de recevoir tous les demandeurs, ce qui implique l’aménagement des locaux, la formation des personnels et l’augmentation des effectifs. L’objectif de généralisation de la biométrie dès 2008 apparaît néanmoins difficile à atteindre. Le ministère devrait bénéficier en 2008 d’un retour sur le produit des recettes de visas en progression de 20 millions d’euros grâce à l’augmentation des tarifs de 35 à 60 euros à partir de janvier 2007.

La dotation de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) apparaît en baisse de 3,5 millions d’euros entre les deux lois de finances initiales mais elle sera stable en exécution. Le nombre de demandes d’asile a en effet fortement diminué ces dernières années : il est passé de 65 614 en 2004 à 59 221 en 2005 et devrait s’établir à 40 000 ou 45 000 en 2006. Cette baisse est le résultat de la réduction importante de la durée de traitement des demandes qui a découragé les demandes infondées. L’OFPRA et la Commission de recours des réfugiés ont réduit leurs délais de traitement à respectivement 108 jours et 283 jours en 2005, ce qui est très positif mais encore loin des objectifs de 60 et 90 jours affichés par le Gouvernement.

Les efforts accomplis par le ministère pour réduire ses dépenses de fonctionnement sont remarquables. Entre 1994 et 2005, ses effectifs ont diminué de 10 % quand les effectifs civils de l’Etat progressaient de 5,3 %. Le contrat de modernisation du ministère prévoit encore 739 suppressions d’emplois sur la période 2006-2008, mais 320 correspondent à des transferts vers l’Agence française de développement. En 2007, la réduction est de 257 postes. L’ensemble des charges de personnels s’établit à un milliard d’euros et les dépenses de fonctionnement courant sont stables à 272 millions d’euros.

La réorganisation des réseaux a conduit à une augmentation du nombre d’ambassades de 151 à 159 entre 1996 et 2006, et à une réduction du nombre des consulats de 116 à 94 et du nombre des centres culturels de 173 à 144. Pour 2007, il est envisagé de créer de nouveaux consulats généraux à Ekaterinbourg en Russie, à Calcutta, Bangalore, et Chennai, en Inde, ainsi qu’en Chine. La politique immobilière est marquée par le même souci d’économie. Le projet de site unique a été remplacé par un programme prévoyant trois sites pour l’administration centrale : le quai d’Orsay, la Courneuve pour les archives et un immeuble qui n’a pas encore été trouvé pour les autres services. Pour ce qui est du patrimoine immobilier situé à l’étranger, le ministère renonce à tous les grands projets architecturaux après la réalisation du campus diplomatique de Pékin, au profit d’opérations strictement fonctionnelles ; il recourra à des financements innovants, ce qui est déjà prévu à Tokyo ; il a réduit le nombre des opérations programmées. Entre 2006 et 2008, 7,8 millions d’euros seulement seront inscrits dans le budget, le reste des dépenses devant être couvert par les produits de cessions.

Le Rapporteur a rappelé que le Comité interministériel pour les moyens de l’Etat à l’étranger (CIMEE) s’était réuni en juillet 2006 après dix années de silence. Il prévoit notamment le redéploiement de 1 500 postes de travail dépendant du ministère des Affaires étrangères sur trois ans, depuis l’Europe occidentale et l’Afrique vers l’Europe orientale, la Russie et l’Asie.

Le Rapporteur s’est enfin interrogé sur la possibilité d’assister un jour à une véritable unification de la politique extérieure de l’Etat, aujourd’hui conduite en grande partie à l’extérieur du ministère des Affaires étrangères. Le CIMEE vise à renforcer la cohérence de cette action mais le chemin à parcourir est encore long.

Remerciant le Rapporteur pour son exposé intéressant, complet et ouvrant la réflexion, le Président Edouard Balladur a fait part de son scepticisme quant à la possibilité de regrouper l’action extérieure de l’Etat sous l’égide du ministère des Affaires étrangères. Par exemple, il n’est guère envisageable que le ministre des Finances renonce à représenter la France au sein du fonds monétaire international (FMI) ou dans les négociations commerciales internationales. Il a, en revanche, jugé légitime et souhaitable que l’ambassadeur ait un rôle de coordination et considéré que ce rôle devrait utilement être conforté par la réunion régulière, à Paris, de l’ensemble des ministres intervenant dans le domaine de l’action extérieure, éventuellement sous l’égide du Premier ministre – ministre des Affaires étrangères, ministre des Finances, ministre de la Défense, ministre du Commerce extérieur, ministre de la culture et de la communication.

S’agissant des installations immobilières du ministère des Affaires étrangères, le Président Edouard Balladur s’est dit préoccupé de constater la disparité, à l’étranger, entre les représentations françaises, citant à cet égard, le contraste entre l’Ambassade de France à Prague et celle de Kiev, particulièrement inconfortable et insuffisante au regard de l’importance de ce pays de 60 millions d’habitants qu’est l’Ukraine. Il a jugé nécessaire de ne pas se fixer uniquement des objectifs financiers en cette matière mais de garder à l’esprit la nécessité que la France devait être dignement représentée.

M. Axel Poniatowski a approuvé le constat de la disparité des installations françaises à l’étranger, relevant l’inadéquation de certaines et le surdimensionnement d’autres, citant à ce propos le magnifique consulat général de Jérusalem Est. Il a souhaité savoir quelle était l’autorité compétente pour la gestion du parc immobilier français à l’étranger.

Le Président Edouard Balladur a fait observer que le consulat général de France à Jérusalem était un héritage historique, renvoyant au mandat britannique sur la Palestine, et ajouté qu’il jouait le rôle d’une ambassade de France auprès de l’Autorité palestinienne.

M. Hervé de Charette a expliqué que, s’il existait une commission internationale chargée d’émettre un avis sur les opérations de l’Etat à l’étranger (CIM), les décisions relatives à la gestion des implantations immobilières à l’étranger relevaient de chaque ministère affectataire et qu’il n’existait pas de gestion unitaire. Il a ajouté que le ministère des Affaires étrangères gérait, pour sa part, 1 700 propriétés immobilières, représentant 2,2 millions de m² et dont la valeur est estimée à 4,5 milliards d’euros, dont 3,75 milliards d’euros hors de France. Il a admis que, dans ce parc, des disparités significatives existaient, notamment au détriment des nouveaux pays et qu’à cet égard, le cas de l’Ukraine était significatif. Il a enfin fait observer que, ponctuellement, existaient des efforts visant le rapprochement d’installations relevant de plusieurs ministères dans des lieux uniques, citant sur ce point le cas de Madrid.

Le Président Edouard Balladur a ajouté que la situation locale du marché de l’immobilier pouvait, dans certain pays, infléchir les décisions de gestion, évoquant l’opération immobilière réalisée par le ministère des Affaires étrangères à Tokyo. Il a, par ailleurs, regretté la vétusté et l’exiguïté de la représentation française à Pékin, plus de 45 ans après la reconnaissance de la Chine : lorsque l’actuel projet immobilier du ministère des Affaires étrangères à Pékin, aura été mené à bien, un demi-siècle aura été nécessaire pour que la France ait une représentation satisfaisante à Pékin.

M. Roland Blum a demandé au Rapporteur un point sur les représentations communes entre Etats membres de l’Union européenne à l’étranger qui avaient été envisagées il y a quelques années.

M. Hervé de Charette a fait valoir que les regroupements de représentations n’avaient guère été couronnées de succès, qu’il s’agisse, sur un plan strictement national, des expériences lancées en 1996 de regroupements entre consulats et missions économiques, aujourd’hui abandonnées, ou de la coopération entre Etats membres, qui relève davantage du discours que de l’action. Il a expliqué qu’existaient néanmoins diverses formes de coopération avec l’Allemagne, telles que l’échange de diplomates par exemple. A ce jour toutefois, les démarches plus ambitieuses se sont heurtées au principe de la souveraineté nationale.

Evoquant les propos du Rapporteur se félicitant de la diminution du nombre de personnels au sein du ministère des Affaires étrangères, M. François Rochebloine s’est demandé s’il fallait s’en réjouir et s’il n’y avait pas là un phénomène inquiétant pour la présence française à l’étranger.

M. Hervé de Charette a jugé qu’on ne pouvait pas vouloir la maîtrise des dépenses en général mais leur augmentation en détail. Tout en admettant que l’action extérieure de l’Etat, action régalienne, coûtait peu à la nation, il a estimé utiles les gains de productivité et le redéploiement interne réalisés par le ministère des Affaires étrangères, à condition toutefois que ces gains de productivité ne soient pas absorbés par d’autres ministères dont la gestion manque notoirement de rigueur.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. François Rochebloine, les crédits du programme « Rayonnement culturel et scientifique ».

M. François Rochebloine, Rapporteur pour avis, a tout d’abord rappelé le montant des crédits du Ministère des Affaires étrangères pour 2007, qui s’élèvent à 4,5 milliards d’euros, soit une augmentation globale de 3,8% par rapport à 2006. Les crédits de la mission ministérielle « Action extérieure de l’Etat », d’un montant de 2,26 milliards d’euros, sont pour leur part en progression de 2,4%.

Au sein de la mission « Action extérieure de l’Etat », le programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique de la France » concerne la coopération avec les pays développés dans les domaines culturel, scientifique, technique et universitaire. L'animation de cette action est confiée aux services de coopération et d'action culturelle des ambassades et s'appuie sur un réseau de 59 centres et instituts culturels, 73 alliances françaises et 7 centres de recherche.

Pour élaborer son avis budgétaire, le Rapporteur a indiqué avoir procédé à l’audition d’une vingtaine de personnalités, impliquées à un titre ou à un autre, dans la conception ou la mise en œuvre des politiques relevant du rayonnement culturel et scientifique de la France. Le programme 185 représente environ le quart des crédits de la mission « Action extérieure de l’Etat », soit 526 millions d’euros pour 2007. Hors masse salariale, cela équivaut à une augmentation de 1,6% par rapport à 2006, moindre que celle des deux autres programmes de la mission « Action extérieure de l’Etat ».

Le Rapporteur a fait état de deux modifications importantes du périmètre du programme, qui résultent de l’adoption des amendements adoptés l’an dernier. Il s’agit d’une part du rattachement des crédits de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) qui dépendaient jusqu’alors du programme 151 « Français de l’étranger et Etrangers en France » et d’autre part du transfert dans un nouveau programme spécifique des crédits relatifs à l’audiovisuel extérieur, désormais inscrits au sein de la mission interministérielle « Médias ».

En revanche, le programme 185 n’inclut toujours pas les crédits d'action culturelle des pays bénéficiant de l'aide publique au développement, lesquels continuent à dépendre du programme 209 « solidarité à l'égard des pays en développement ». Cette scission est opérée à partir de la liste des pays développés. Le Rapporteur a regretté ce découpage artificiel  qui n’est pas justifié au regard de la politique culturelle.

Puis il a indiqué que le programme 185 constituera en 2007 le cadre budgétaire de la mise en œuvre du Plan de renforcement de l’attractivité internationale de la France, présenté en mai dernier par le ministre des Affaires étrangères. Ce plan prévoit notamment la création de deux agences : Cultures France (issu de la fusion entre l’Association française d’action artistique – AFAA - et l’Association pour la diffusion de la pensée française – ADPF) et Campus France (qui devrait prochainement regrouper Edufrance, Egide et les Centres pour les études en France). La mise en place de ces nouvelles structures vise à simplifier la présentation de l’offre universitaire, culturelle et scientifique française et à attirer les étudiants étrangers prometteurs. Il a précisé que ces deux nouveaux établissements publics devront être créés par voie législative, le moment venu, probablement à l’occasion de l’examen parlementaire du projet de loi de simplification du droit.

Le Rapporteur a ensuite esquissé un bilan des principales actions menées ou soutenues depuis cinq ans par le ministère des Affaires étrangères au bénéfice du rayonnement culturel et scientifique de notre pays. Il a plus particulièrement insisté sur trois éléments.

Le premier a concerné la restructuration du réseau d’établissements culturels sur le territoire européen qui s’est traduit par la fermeture depuis 2002, d’une dizaine d’établissements culturels sur le sol européen. Des structures de substitution prennent alors le relais des centres fermés et le choix peut notamment être fait de transformer un centre culturel en alliance française. 22 des 52 établissements culturels que comportait le réseau en 1994 dans l’Europe des 15 ont été fermés. Le coût de ce réseau en 2003 était de 20,14 millions d’euros. La même année, la subvention versée à l’Opéra de Paris s’est élevée à 95,7 millions d’euros. Le Rapporteur a estimé que la nécessaire évolution de la carte de nos implantations devrait aller de pair avec une unité d’appellation des structures. A l’instar du Goethe Institut ou du British Council, la France devrait en effet disposer d’une marque de fabrique facilement identifiable. Il a proposé de réfléchir au regroupement progressif des structures existantes au sein de « Maisons de la France », ce qui permettrait de renforcer la visibilité de la présence culturelle française à l’étranger, tout en préservant la diversité des formules juridiques.

Indépendamment des structures, le Rapporteur a considéré que l’évolution de la carte des implantations devrait également s’accompagner d’une européanisation des missions du réseau culturel. Au moment où la construction européenne semble marquer le pas, la valorisation des cultures nationales devrait aller de pair avec la contribution à la formation d’une identité culturelle européenne. Ainsi, ce qui existe déjà à travers les centres culturels franco-allemands pourrait progressivement être ouvert à d’autres pays de l’Union.

Le Rapporteur a ensuite évoqué la situation de la langue française, qui continue de décliner dans les pays développés. Il a précisé que depuis 2002, les crédits alloués à la coopération linguistique avaient subi une érosion continue, en baisse de 23% en euros constants. Si la tendance depuis dix ans fait apparaître une augmentation d’environ 30% du nombre de personnes dans le monde qui apprennent le français, les statistiques se révèlent très contrastées d’un continent à l’autre. En Europe, la situation du français demeure très préoccupante puisqu’on observe en dix ans un recul sensible de près de 15% du nombre de personnes apprenant notre langue.

Malgré les initiatives prises par le gouvernement, auxquelles le Rapporteur a apporté son plein soutien, le français continue à être de moins en moins utilisé au sein des institutions de l’Union européenne. Les derniers chiffres publiés par la Commission européenne sont sans appel sur le décrochage brutal et manifestement durable de l’usage du français à Bruxelles. En 2005, seulement 16,4% des documents de la Commission ont fait l’objet d’une rédaction d’origine en français contre 29% en 2002 et… 38% il y a dix ans. Le Rapporteur s’est félicité du plan triennal de relance de la langue française dans le monde, annoncé au printemps dernier par le ministre des Affaires étrangères, et qui prévoit notamment la formation de 10 000 professeurs de français. Pour 2007, la mise en œuvre de ce plan coûtera 46,4 millions d’euros, dont 9,2 sont rattachés au programme 185.

Le Rapporteur a rappelé que la situation du français dans le monde faisait actuellement l’objet d’une mission d’information créée au sein de la Commission des Affaires étrangères, dont il assure la présidence et dont son collègue André Schneider est le rapporteur. Cette mission formulera prochainement un certain nombre de propositions concrètes visant à renforcer l’efficacité de notre dispositif de promotion du français.

Il a ensuite apporté des précisions sur la situation budgétaire de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), qui représente 63% des crédits du programme 185. Les établissements scolaires français à l’étranger attirent de plus en plus d’élèves : 163 500 lors de la dernière rentrée. En quinze ans, l’effectif a augmenté de 10%. La densité du réseau de l’AEFE, présent sur les cinq continents, représente un atout dont aucun autre pays au monde ne peut se prévaloir. Il s’agit d’un outil essentiel du rayonnement culturel et linguistique de la France si l’on considère que c’est au sein des lycées français que se joue le rayonnement durable de la France dans le monde. En 2006, l’Etat a versé une subvention de 324,3 millions d’euros à l’AEFE, ce qui représente un peu plus de la moitié du budget de l’établissement public qui dépend donc pour une large partie – et ce, de façon de plus en plus importante – des droits de scolarité acquittés par les familles.

Le projet de loi de finances pour 2007 affiche une augmentation de 8 millions d’euros – à 332 millions d’euros – de la subvention du ministère des affaires étrangères. Le Rapporteur a toutefois jugé cette présentation quelque peu trompeuse car l’AEFE a subi de plein fouet la régulation budgétaire. Il a en effet indiqué qu’à ce jour, 16 millions d’euros étaient toujours gelés par le ministère du budget sur la subvention 2006. En conséquence, l’AEFE ne pourra atteindre cette année l’équilibre budgétaire qu’au prix d’un prélèvement de 44,7 millions d’euros sur son fonds de roulement. Il a ajouté que depuis 2005, l’AEFE s’était vu attribuer des compétences immobilières pour l’entretien de son réseau et la construction de nouveaux établissements ; or ce transfert de compétences ne s’est pas traduit par une augmentation correspondante des ressources publiques. Ce sont donc les parents d’élèves qui font les frais de la régulation budgétaire.

Le Rapporteur a signalé à la Commission qu’il avait écrit au ministre délégué au budget pour lui demander le dégel des 16 millions d’euros mis en réserve légale.

En conclusion de son exposé, le Rapporteur a formulé trois observations. La première a concerné la démarche dans laquelle se déploie l’action culturelle et linguistique de la France, laquelle doit cesser d’être défensive pour se placer sur un terrain résolument offensif. Il a estimé que la culture française n’avait rien à craindre de la mondialisation mais au contraire tout à gagner de la circulation des idées et des produits. La culture française c’est, à travers le monde, l’image de marque de notre pays.

Il a ensuite plaidé en faveur d’une plus grande cohérence entre les discours et les actes, insistant sur l’urgence à bâtir une stratégie à long terme qui n’ait pas à souffrir d’une insécurité budgétaire permanente.

Enfin, le Rapporteur souligné la nécessaire capacité d’adaptation aux nouveaux supports de la culture. C’est sur la toile mondiale et à travers les nouvelles technologies que se joue désormais l’avenir de la culture française ; il faut savoir en tirer les conséquences et contribuer aussi à faire de l’Europe un acteur incontournable du monde des idées.

Evoquant une affiche en langue anglaise qui, à Singapour, promeut la culture française, M. André Schneider a estimé que cet exemple est révélateur de la situation actuelle où l’usage de la langue française dans le monde est en perte de vitesse. Sensible à la présentation effectuée par le Rapporteur, il s’est félicité de la démarche que ce dernier a engagée pour faire annuler le gel de 16 millions d’euros de crédits, qui affecte aujourd’hui, l’Agence de l’enseignement du français à l’étranger (AEFE). Il a considéré que cette démarche devait être appuyée, dès à présent, dans le cadre de la discussion budgétaire, même si ces aspects seront largement abordés ultérieurement dans le rapport de la Mission d’information sur le rayonnement culturel et scientifique de la France.

M. Jean-Paul Bacquet a, pour sa part, indiqué qu’au cours d’une mission récente en Espagne, il a rencontré des chefs d’entreprises français qui ont regretté l’abandon d’une deuxième langue obligatoire en Espagne. Cette mesure a, en effet, pour conséquence une perte d’influence du français dans le pays au moment même où ses entreprises sont appelées à se développer sur les marchés d’Amérique latine où la présence française reste modeste.

M. Edouard Balladur a vivement déploré la diminution des crédits consacrés à la promotion de la langue française et regretté que ces crédits englobés dans la mission « Action extérieure de l’Etat » ne puissent faire l’objet d’un vote séparé. Il a ajouté que, si la langue française est désormais moins utilisée au sein des institutions européennes, c’est sans doute en raison du dernier élargissement dans la mesure où l’usage du français est peu répandu dans les dix pays membres qui viennent d’adhérer à l’Union européenne. Il a, par ailleurs, indiqué que, comme en Espagne, la connaissance du français est également en baisse en Italie où, par exemple, l’accès aux postes diplomatiques n’est plus subordonné à la maîtrise de notre langue. Il a considéré que la tendance naturelle, défavorable à l’usage de la langue française, doit précisément nous inciter à redoubler d’efforts pour promouvoir notre langue plutôt qu’à diminuer les crédits consacrés à ces actions.

M. François Rochebloine a précisé qu’au cours des cinq dernières années, la gestion de l’AEFE a été exemplaire puisque, malgré la stabilité de ses moyens sur la période, l’agence a enregistré une augmentation du nombre des élèves scolarisés dans son réseau. Si le gel des crédits qui l’affecte devait se transformer en une annulation de crédits, l’agence devrait alors terminer l’année avec un fonds de roulement réduit à onze jours de fonctionnement. Il en résulte une situation de gestion tendue à laquelle il doit être remédié dans les meilleurs délais.

M. François Loncle s’est déclaré en accord avec ces préoccupations qui l’inciteront toutefois à des conclusions différentes et, notamment, à s’abstenir lors du vote sur les crédits de l’Action extérieure de l’Etat.

Conformément aux conclusions des deux rapporteurs pour avis, la Commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de l’Action extérieure de l’Etat pour 2007.

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• Budget

• Action extérieure de l’Etat