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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 29 novembre 2006

Séance de 10h15

Compte rendu n° 11

Présidence de M. Edouard Balladur
Président

 

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– Présentation du rapport de la mission d’information « Energie et géopolitique »

  
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Présentation du rapport de la mission d’information « Energie et géopolitique »

La Commission a examiné le rapport d’information sur les travaux de la Mission « Energie et géopolitique » présenté par M. Paul Quilès, Président de la mission d’information et M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur.

Le Président Edouard Balladur a salué la qualité du rapport présenté par la mission d’information, se félicitant de la précision et de la multiplicité des informations qu’il contenait.

Indiquant que la Mission d’information avait approuvé le rapport à l’unanimité, M. Paul Quilès, Président de la Mission d’information, a remercié ses membres, notamment le Rapporteur, M. Jean Jacques Guillet, et ceux qui avaient effectué des déplacements dans quatorze pays – Kazakhstan, Belgique, Finlande, Norvège, Russie, Etats-Unis, Algérie, Japon, Bolivie, Venezuela, Brésil, Gabon, Iran, Inde –, où ils avaient rencontré 232 personnes.

Il a expliqué que la Mission d’information avait tiré trois enseignements principaux de ses travaux. Le premier, dont témoigne le titre du rapport « la guerre de l’énergie n’est pas une fatalité », est que la crise énergétique mondiale, durable et globale dans laquelle nous sommes entrés est susceptible de déboucher sur des tensions, des conflits, voire des guerres, mais qu’il est possible d’éviter une telle évolution en prenant des mesures.

L’autre enseignement majeur qu’a retiré la Mission de ses travaux porte sur le fait que l’humanité ne peut pas continuer à consommer de l’énergie comme elle l’a fait jusqu’alors. Au rythme actuel de consommation, les réserves d’énergie fossile que la nature aura mis 300 millions d’années à constituer auront été consommées en 300 ans, de 1850 à 2150.

Enfin, un troisième enseignement doit être tiré des travaux de la Mission : outre leur épuisement, le rythme de consommation de ces énergies fossiles représente une menace en termes d’émissions de gaz à effet de serre, dont les conséquences climatiques, économiques, sociales et politiques sont dramatiques, notamment au regard du déséquilibre entre le Nord et le Sud.

M. Paul Quilès, Président de la Mission d’information, a expliqué que, contrairement à la thèse qui prévalait lors des chocs pétroliers des années 1970, la sécurité énergétique ne réside pas dans l’indépendance énergétique, qui n’est pas de mise pour des pays qui ne seront jamais indépendants dans ce domaine (Etats-Unis, Etats européens, Japon) mais dans l’organisation de l’interdépendance entre producteurs et consommateurs.

Il a conclu en disant qu’il n’était pas possible de laisser faire simplement les règles économiques du marché et qu’une démarche politique était nécessaire pour répondre à cette situation. Le plan d’action proposé par la Mission poursuit quatre objectifs – renforcer la crédibilité de l’Union Européenne ; mieux répondre à l’impératif climatique ; définir les nouvelles règles internationales du jeu énergétique ; réduire la fracture énergétique nord/sud –, qui font l’objet de neuf propositions, articulées dans un plan d’action destiné à forger la contribution de la France à la paix énergétique.

Il a enfin tenu à remercier le Président Edouard Balladur, sans l’accord et l’impulsion duquel une telle Mission n’aurait pas pu exister.

M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur de la Mission d’information, est revenu sur le constat qui forme le point de départ du rapport de la Mission, celui de la fin d’une période d’insouciance énergétique. Cette prise de conscience salutaire est nécessaire, car la crise de l’énergie que nous connaissons a un caractère planétaire et durable. Il faut, pour la résoudre, une réponse globale au niveau politique, qui vise à définir de nouvelles règles du jeu internationales sur les questions énergétiques.

Il a d’abord présenté les éléments fondamentaux de la nouvelle donne énergétique : une crise de la demande liée à un rythme très élevé de consommation qui entraîne de profonds désordres climatiques et, à terme, un épuisement des réserves. La réduction progressive des réserves d’énergies fossiles est la conséquence de l’augmentation continue de la demande, qui n’émane pas seulement de la Chine et de l’Inde, mais aussi et surtout des Etats-Unis, même si la hausse de la demande énergétique américaine semble atteindre aujourd’hui un palier. La réalité du changement climatique provoqué par les émissions de gaz à effet de serre n’est plus guère contestée, la prise de conscience américaine ayant été déclenché par les conséquences de l’ouragan Katrina sur les raffineries du Golfe du Mexique, qui ont dû interrompre leur production.

Aux aléas climatiques susceptibles de gêner la production, s’ajoutent les risques géopolitiques, comme l’a illustré le saut de 7 dollars du prix du baril de pétrole au moment de l’offensive israélienne au Liban, et alors même qu’aucune zone de production pétrolière n’était directement touchée.

Le problème de fracture énergétique entre le Nord et le Sud, auquel deux propositions de la Mission sont consacrées, doit aussi être souligné : un quart de la population de la planète, qui vit principalement en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, n’a pas accès à l’électricité. Les pays de l’OCDE consomment sept fois plus d’énergie que l’ensemble des pays en développement. Si les Etats-Unis ont une responsabilité particulière du fait du poids de leur consommation, ils sont loin d’être les seuls à faire preuve d’égoïsme dans ce domaine. Ce sont aussi les pays pauvres qui sont les premières victimes du réchauffement climatique, lequel va bientôt accroître les risques migratoires de ces régions du monde vers les pays développés. Aussi, le recours à un traitement de choc contre le réchauffement climatique est urgent. L’une des propositions de la Mission vise justement à faire évoluer le protocole de Kyoto pour accroître son efficacité.

L’époque où l’énergie était bon marché apparaît définitivement révolue. La crise actuelle est certes moins brutale que celles de 1973 et des années 1979-1980, mais elle est plus profonde, même si, en monnaie constante, les prix n’ont pas retrouvé leur niveau le plus élevé. Surtout, du fait de sa moindre brutalité, elle n’a pas, contrairement aux deux crises précédentes, conduit à une réduction notable de la consommation énergétique. La croissance de celle-ci est simplement freinée.

Evoquant l’interdépendance énergétique des Etats, M. Jean-Jacques Guillet a insisté sur le fait que non seulement les pays consommateurs dépendaient de leurs fournisseurs d’énergie, à l’exemple des Etats européens face à la Russie, mais que les Etats producteurs dépendaient aussi de leurs clients. Il existe une dépendance mutuelle qui peut être utilisée pour améliorer la sécurité économique des uns et des autres. Nous ne pouvons pas négliger les conséquences que peuvent avoir nos décisions sur nos fournisseurs d’énergie. Ainsi, la Russie et d’Algérie ont été déstabilisées par l’ouverture du marché européen du gaz et le choix opéré alors en faveur de la simple application des lois du marchés et des contrats « spots », au détriment des contrats de long terme utilisés auparavant. Ces contrats de long terme étaient en effet précieux pour les fournisseurs de l’Europe, en leur garantissant des recettes sur plusieurs années. Il est indispensable de revenir à cette pratique, qui a fait ses preuves et qui stabilise et sécurise les relations.

Cette interdépendance est aussi évidente en matière d’investissements. L’Agence internationale de l’énergie a estimé que les investissements à réaliser d’ici à 2030 représentaient 16 000 milliards de dollars , dont 10 000 milliards de dollars pour la production d’électricité, 3 000 milliards de dollars dans le secteur gazier, et autant dans le secteur pétrolier. Or la réalisation d’investissements d’un tel niveau et dans des pays producteurs très souvent instables est difficile pour des raisons politiques et financières, mais aussi parfois humaines.

Le Rapporteur a ensuite insisté sur la politique de diversification énergétique engagée par de nombreux pays. Si certains pays producteurs entendent utiliser l’arme énergétique pour peser politiquement sur les affaires internationales comme l’ont démontré les initiatives de regroupement de la Russie, du Venezuela ou encore de l’Algérie, cela reste sans réel aboutissement à ce jour. Il a, en revanche, souligné la volonté croissante de diversification énergétique exprimée par la plupart des pays, qu’il s’agisse des pays consommateurs, attentifs à la sécurité de leurs approvisionnements ou des pays producteurs, soucieux de débouchés stables. A titre d’exemple, la Russie productrice souhaite développer son potentiel nucléaire tandis que la Chine et l’Inde, grands consommateurs d’énergie, commencent à développer des politiques d’efficacité énergétique, tout en cherchant à accroître leurs sources d’approvisionnements, notamment en Afrique. Enfin, il a précisé que la période actuelle de transition énergétique est marquée par une résurgence de l’énergie nucléaire.

En effet, le développement du nucléaire civil, qui requiert un combustible dont les réserves représentent 2 à 3 000 ans de consommation au rythme actuel, apparaît incontournable pour associer, partout dans le monde, diversification et lutte contre le réchauffement climatique. C’est pourquoi la Mission préconise la création de consortiums internationaux pour l’enrichissement et le retraitement du combustible nucléaire. L’entrée en fonction des centrales de quatrième génération doit parallèlement être accélérée.

La question du transport des hydrocarbures est également essentielle car elle concerne la sécurisation de nos approvisionnements. Cette phase de transport fait l’objet de risques spécifiques. La moitié du pétrole consommé dans le monde emprunte les détroits ou canaux internationaux. 80 % du pétrole destiné au Japon et à la Corée du Sud passent par le détroit de Malacca, long de 29 kilomètres et large de seulement 10 kilomètres à certains endroits. Au risque de piraterie, s’ajoute aujourd’hui une menace terroriste à laquelle Singapour est le seul Etat de la zone à s’être préparé. Ce passage est particulièrement stratégique pour le Japon et pour la Chine. Si, pour des raisons historiques, le premier n’a pas les moyens militaires d’en assurer la sécurité, la seconde n’a pas hésité à implanter une base militaire en Birmanie, près de l’entrée du détroit, pour ne pas laisser la flotte américaine veiller seule à sa sécurité.

Ces évolutions, rapidement retracées, illustrent la nouvelle donne énergétique mondiale qui doit nous inciter à abandonner une attitude de « donneur de leçons » et ouvrir la voie à une coopération renforcée en matière énergétique.

Abordant les aspects géographiques du rapport, il a insisté sur les évolutions suivantes :

− Au Moyen-Orient, la question centrale est de savoir si des Etats politiquement fragiles peuvent rester les fournisseurs du monde. Si les pays de cette région possèdent près des deux tiers des réserves mondiales prouvées de pétrole et 40 % des réserves de gaz naturel, ils n’assurent, en revanche, que 30 % de la production mondiale de pétrole et 10 % de celle de gaz naturel. Ce déséquilibre révèle la faiblesse des investissements réalisés par les Etats de cette région, pour des raisons qui peuvent varier : instabilité politique en Irak, menace terroriste sur les infrastructures pétrolières en Arabie saoudite, etc. Plus généralement, les pays de la zone se caractérisent par une absence de réelle volonté d’investir dans un contexte de prix élevés du brut.

− La Russie contrôle les plus importantes réserves de gaz naturel de la planète et constitue le premier producteur de gaz au monde. Producteur puissant, principal fournisseur de gaz des pays européens, la Russie représente-t-elle un partenaire fiable ? Les ressources tirées de l’exportation de ses richesses énergétiques représentent près du quart de son PIB, ce qui constitue un facteur de déséquilibre de l’économie russe, menacée du « syndrome hollandais ».

− En Amérique latine, l’énergie constitue-t-elle la nouvelle arme politico-diplomatique ? Le processus de nationalisation des hydrocarbures, engagé en Bolivie et au Venezuela, a, en effet, créé les conditions d’une instrumentalisation politique des ressources énergétiques. Cette instrumentalisation est, cependant, à double tranchant et est susceptible de se retourner contre ses promoteurs. Ainsi, en 2005, les investissements dans le secteur énergétique ont enregistré un repli de 400 % en Bolivie tandis que la production pétrolière du Venezuela a connu, au cours de ces dernières années, une diminution sensible. Même s’il existe certaines initiatives communes sur le continent, comme le projet de gazoduc du Sud, les risques de déséquilibre ne sont, à terme, pas négligeables.

− Les pays d’Asie se caractérisent par des besoins énergétiques gigantesques, à l’origine de stratégies bien souvent concurrentes. L’Inde et le Japon ont cependant adopté des stratégies relativement proches avec, d’une part, la mise en place de politiques d’efficacité énergétique et, d’autre part, la reconstitution de grands groupes pétroliers et gaziers dont ils manquent actuellement. Ces deux pays ont également des relations proches avec l’Iran, principal fournisseur de pétrole. Afin de réduire la portée de ces relations, le Congrès américain s’est récemment prononcé en faveur de transferts de technologies au bénéfice de l’Inde, dans le domaine du nucléaire civil.

− Le continent africain apparaît, pour sa part, comme un continent stratégique où se manifestent des intérêts « énergétiques » très divergents de pays comme la Chine, l’Inde ou les Etats-Unis. Le récent forum sino-africain a mis en lumière une présence très forte de la Chine sur le continent, notamment au Soudan dont les exportations pétrolières alimentent 8 % de la consommation chinoise. Dans ces conditions, certains observateurs ne sont pas étonnés du manque d’effectivité des décisions internationales relatives à la crise dans la région du Darfour. Pour leur part, les Etats-Unis, très présents dans le Golfe de Guinée, cherchent avant tout à diversifier leurs sources d’approvisionnements en Afrique.

− Les Etats-Unis constituent, à mains égards, le pays de l’insouciance énergétique, consommant 25 % de l’énergie mondiale alors qu’ils n’en produisent que 19 %. Cette insouciance cède cependant le pas à une prise de conscience croissante des limites de ce mode de consommation et, surtout, de la nécessité de réduire leur dépendance énergétique. Pour autant, la stratégie américaine reste relativement vague dans le domaine de l’énergie malgré une priorité accordée à la relance de l’énergie nucléaire. S’il parait difficile de changer les comportements de puissance énergétique « égoïste », de récentes initiatives, prises au niveau des Etats fédérés, témoignent cependant d’une sensibilisation croissante de l’opinion publique américaine. Un autre aspect de la puissance américaine au plan énergétique est, sans aucun doute, le rôle essentiel joué pour assurer la sécurité physique des flux énergétiques, notamment au niveau des détroits : les Etats-Unis consacrent,en effet, près de 50 milliards de dollars à la sécurité maritime.

− L’Union européenne, enfin, se caractérise par de réels efforts en matière d’efficacité énergétique et de lutte contre le réchauffement climatique. Dans le même temps, son approche énergétique manque de cohérence du fait de la variété des choix opérés par ses membres.

S’appuyant sur le constat dressé dans le rapport, le Rapporteur a conclu en présentant ses principales propositions qu’il importe de considérer comme un tout indissociable, reposant sur un souci de réalisme mais également de volontarisme en faveur de la « paix énergétique » mondiale.

Le premier objectif de ce plan d’action pour la contribution de la France à la « paix énergétique » vise à renforcer la crédibilité de l’Union européenne en concluant un pacte européen de convergence énergétique. L’idée est d’encourager une coopération intergouvernementale entre les Etats qui en manifestent la volonté politique, sur le modèle des accords de Schengen. Un pacte européen de convergence énergétique, ouvert à tous les Etats membres, devrait ainsi être conclu autour de trois objectifs : la sécurité d’approvisionnement, la protection de l’environnement et le renforcement de la compétitivité.

Parallèlement, il est nécessaire d’engager un partenariat énergétique entre l’Union européenne et la Russie qui prenne acte de leur interdépendance mutuelle. L’objectif n’est pas de promouvoir un dialogue complaisant mais, selon le Rapporteur, d’intégrer à terme la Russie à l’espace économique européen.

Le second objectif est de répondre à l’impératif climatique. Il s’agit, tout d’abord, d’élargir le protocole de Kyoto à l’ensemble des pays, notamment les Etats-Unis, la Chine et les pays en développement, à partir de 2012. La nécessité d’une mobilisation plus forte doit d’accompagner de la prise en compte, dans les mécanismes du protocole, de toutes les formes d’énergie, en particulier, de l’énergie nucléaire. Ensuite, il importe de faire de la France un exemple de transition réussie, en s’appuyant sur les propositions récemment formulées par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le troisième objectif de ce plan d’action est de modifier les règles du jeu énergétique au niveau international. Une première proposition en ce sens vise à faire précéder chaque réunion du G8 d’une conférence internationale sur l’énergie. Il importe aussi de répondre à la question de la conciliation entre développement de l’énergie nucléaire civile et lutte contre la prolifération nucléaire. La création de consortiums internationaux pour l’enrichissement et le retraitement du nucléaire civil a été envisagée par les Etats-Unis ou la Russie. La France devrait elle aussi présenter une initiative du même type. Enfin, il est nécessaire de renforcer la sécurité des « détroits d’intérêt mondial » en mettant en place des structures de coopération associant les Etats riverains et les pays utilisateurs de ces détroits.

Le quatrième et dernier objectif vise à réduire la fracture énergétique Nord / Sud en créant un fonds de stabilisation contre les chocs énergétiques, financé notamment par les producteurs et les compagnies pétrolières, ainsi qu’une contribution de solidarité pour l’accès à l’énergie. L’objectif de cette contribution de solidarité sur les carburants permettrait d’alimenter un deuxième fonds pour l’accès à l’énergie et la diversification énergétique par les transferts de technologies pour développer les réseaux dans les pays les plus pauvres et encourager l’utilisation des énergies renouvelables.

Le Président Edouard Balladur a salué l’ampleur du travail accompli par les membres de la mission d’information ainsi que la richesse du rapport qui contient des propositions d’un grand intérêt.

Après avoir rappelé qu’au début de l’année 2006, il avait remis un rapport à la Délégation pour l’Union européenne sur l’efficacité énergétique dans l’Union, M. André Schneider a déclaré partager les appréciations déjà portées sur la qualité du rapport proposé par la mission d’information ainsi que sur ses conclusions. Il a constaté que la production d’énergie nucléaire était un atout pour la France, observant que l’Allemagne qui démantèle ses centrales nucléaires s’approvisionne pourtant en électricité française produite notamment dans la centrale de Fessenheim. Le partenariat avec la Russie est évidemment indispensable. Il faut également s’engager en faveur des nouvelles sources d’énergie. La France a consenti des efforts importants pour réduire sa consommation énergétique depuis 1973. Or si, dans un Livre vert, la Commission recommande aux Européens de réduire encore leur consommation de 20 % d’ici 2020, il est clair que de telles mesures de réduction seront plus faciles à engager dans les pays qui n’ont pas déjà fourni, contrairement à la France, un effort substantiel en ce domaine. Pour réussir, de simples recommandations ne suffiront pas. L’heure est aux décisions avec l’adoption de directives européennes ouvertes et cohérentes sans quoi nous courrons à la catastrophe.

M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur de la mission d’information, a constaté que la consommation allemande en électricité française avait pour effet d’augmenter les prix de cette énergie en France alors qu’elle est produite dans notre pays à moindre coût.

Après s’est associé aux félicitations adressées au Président et au Rapporteur de la mission d’information pour la qualité de leur rapport M. Michel Destot a estimé que le plus difficile, dans ce type de travail, était les conclusions politiques qui pouvaient en être tirées. Il a souhaité savoir quelles étaient les priorités politiques qui constituaient le soubassement des propositions qui concluent ce rapport. S’agit-il de préserver avant tout la sécurité énergétique ou de poursuivre des objectifs environnementaux ? Ces deux problématiques ne sont pas sans lien car si l’on consomme moins d’énergie on réduit sa dépendance et accroît sa sécurité énergétique. Mais ces deux objectifs ne sont pas totalement congruents. Par exemple, si l’on entend donner la priorité aux questions d’environnement, il importe de s’interroger sur le développement de la pile à hydrogène, de pousser les feux dans le domaine de la recherche en faveur des piles photovoltaïques ou des véhicules électriques, mais aussi de s’interroger sur notre système fiscal, sur nos modes de transports, sur l’habitat… Il ne suffit pas ainsi de dire que l’on va taxer les hydrocarbures ; il faut également savoir vers quoi l’on va orienter les recettes tirer de telles taxes. Il convient aussi de s’interroger sur la manière dont la société internationale peut s’organiser autour de ces questions. Faut-il créer une agence consacrée non seulement à l’environnement, comme il en est question, mais aussi à l’énergie ?

Adressant ses compliments au Président et au Rapporteur de la mission d’information, M. François Loncle a jugé que ce rapport serait très utile pour l’avenir. Il a insisté sur la nécessité de porter une attention toute particulière à la question de la sécurité nucléaire à l’heure où il apparaît que cette énergie pourrait se développer plus encore qu’elle ne l’est aujourd’hui. Il faut garantir la sûreté de toute la filière nucléaire.

M. Paul Quilès, Président de la mission d’information, a convenu que le développement de l’énergie nucléaire, notamment dans les pays émergents, devait aller de pair avec une plus grande sécurité. La proposition de création des consortiums internationaux pour l’enrichissement et le traitement va clairement dans ce sens.

Il a observé que la mission d’information avait souhaité se concentrer sur des objectifs comme l’impératif climatique, l’Europe, les modes de débats et de décisions au plan international, les rapports Nord / Sud. Ainsi le règlement des problèmes énergétiques ne peut être seulement français, même si notre pays peut agir de son côté comme le rapport le propose. Il est possible de réunir des pays européens autour d’objectifs communs pour progresser en ce domaine. Au plan international, il existe nombre de lieux d’expression ou de discussion. Mais il faut aussi que des décisions soient prises ; c’est pourquoi la mission propose que le G8 soit l’enceinte où seront évoquées principalement les questions énergétiques qui auront été préalablement évoquées dans une enceinte plus large. Enfin, l’accès à l’énergie conditionne, pour beaucoup, le développement des pays du Sud et leur capacité à atteindre les Objectifs du Millénaire fixés par l’ONU en 2000. Mais les pays riches ont également intérêt à soutenir ces efforts en faveur de l’accès à l’énergie pour réduire la pauvreté et éviter des phénomènes migratoires difficiles à gérer. Les propositions de la mission d’information ne constituent pas une solution miracle mais un plan d’action réaliste.

M. Jean-Jacques Guillet, Rapporteur de la mission d’information, a ajouté que l’objet de ce rapport était d’identifier les sources de tensions dans le monde autour de la question énergétique et de proposer les moyens d’y remédier par une plus grande coopération internationale.

Après avoir rappelé qu’il appartenait aux membres de la Commission des Affaires étrangères d’autoriser la publication du rapport de la mission d’information, le Président Edouard Balladur a déclaré que ce travail honorait la Commission et a suggéré qu’il puisse être actualisé dans les années à venir.

La Commission a autorisé la publication du rapport d’information.

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