Accueil > Archives de la XIIe législature > Comptes rendus de la commission des affaires étrangères (2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 17 janvier 2007

Séance de 12 h 15

Compte rendu n° 20

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

 

page

– Audition conjointe de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, et de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, sur l’audiovisuel extérieur

  


2

Audition de MM. Douste-Blazy et Donnedieu de Vabres sur l’audiovisuel extérieur

Le Président Edouard Balladur a souligné que la Commission des affaires étrangères, fidèle à sa volonté de publier des rapports utiles, avait, sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur, présenté un certain nombre de propositions, sur lesquelles elle souhaitait avoir l’avis du Ministre des Affaires étrangères et du Ministre de la Culture et de la Communication. Expliquant que ces propositions visaient à accroître l’efficacité du dispositif audiovisuel extérieur, il a demandé aux ministres s’il était possible d’espérer que des améliorations puissent être apportées à un système aujourd’hui caractérisé par la prolifération foisonnante, voire anarchique, des organismes intervenant dans ce secteur.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères, a tout d’abord remercié le Président Edouard Balladur et M. François Rochebloine, président de la Mission d’information sur l’organisation et le financement de l’audiovisuel extérieur, d’avoir pris l’initiative d’une réflexion sur ce sujet.

Il s’est dit convaincu que le rapport de la Mission d’information ne serait pas un rapport de plus sur un sujet déjà abondamment traité, mais qu’il allait être au contraire très utile, arrivant au bon moment. Chacun est en effet convaincu que le dispositif audiovisuel extérieur a aujourd’hui atteint ses limites et qu’il doit par conséquent être profondément amendé, voire refondé.

Soulignant la précision, l’exhaustivité et la lucidité avec lesquelles l’état des lieux du secteur de l’audiovisuel extérieur avait été réalisé dans le rapport, il a déclaré en partager sans hésitation toutes les analyses. Il s’est en outre réjoui que le constat dressé fût dépourvu de tout esprit polémique. Le rôle de chacun y est décortiqué sans qu’il s’agisse à aucun moment de mettre en cause tel opérateur, telle administration, ou d’opposer telle logique à telle autre. Il a salué cette approche qui posait de nouvelles bases susceptibles de faire avancer la situation.

Examinant les recommandations successives du rapport, il a expliqué, concernant les propositions destinées à garantir un financement pluriannuel pérenne et équitable, qu’elles présentaient à juste titre la question budgétaire comme la clé de voûte des propositions. Il s’est félicité que cela ne soit pas dans un esprit de « toujours plus », puisqu’il était clairement indiqué que notre audiovisuel extérieur disposait aujourd’hui de moyens globalement comparables à ceux des autres grands pays européens, et que sa remise en ordre de marche ne pourrait se faire qu’à moyens constants. En revanche, ce qui fait défaut aujourd’hui, c’est la faculté pour chaque opérateur d’organiser et d’accompagner à moyen terme son évolution. Dans ces conditions, M. Philippe Douste-Blazy a reconnu qu’une loi de programmation pluriannuelle sur l’audiovisuel extérieur, accompagnée d’une harmonisation de ses modes de financement, permettrait d’apporter un cadre budgétaire stable aux contrats d’objectifs et de moyens que l’Etat tente de signer – souvent avec difficulté – avec chacun des opérateurs. Elle permettrait aussi d’atténuer le caractère complexe de l’architecture de la LOLF, qui n’a pas vraiment amélioré la lisibilité des crédits dépensés par l’Etat dans ce domaine.

Le Ministre a en outre salué la préconisation sur la réserve légale à taux allégé qui devrait être appliquée aux opérateurs audiovisuels extérieurs, jugeant qu’elle était de bon sens au vu des difficultés que le système actuel engendrait pour la gestion de ces entreprises.

Le Ministre s’est dit en accord avec la proposition visant à renforcer la coordination entre les tutelles, tant au niveau ministériel qu’entre les opérateurs. Il a expliqué avoir lui-même proposé, il y a quelques semaines, de réunir à nouveau le Conseil audiovisuel extérieur de la France (CAEF) autour du Premier ministre. Il a réaffirmé qu’il était temps de réunir ce conseil, ne serait-ce que pour débattre des propositions que la commission des Affaires étrangères venait de formuler.

Quant à la création d’une structure opérationnelle chargée de mettre en œuvre les décisions prises par la CAEF, tout en la jugeant utile, il s’est néanmoins interrogé sur la possibilité juridique d’en confier la direction au Président de France Télévisions, dès lors que RFI était également concernée. Il s’est plutôt déclaré en faveur d’une direction tournante qui aurait plus de chance d’être acceptée. S’agissant de la proposition consistant à confier le Secrétariat du CAEF à France Télévisions, elle ne paraît pas en ligne avec les principes habituels de la vie administrative qui confient le secrétariat des comités interministériels à des services administratifs et non à des opérateurs.

Concernant les deux propositions visant à favoriser les synergies entre les opérateurs de l’audiovisuel extérieur – élaboration d’une étude de faisabilité sur une fusion entre RFI et France 24 et diffusion de France 24 exclusivement en langue étrangère dans les zones de diffusion de TV5 Monde – M. Philippe Douste-Blazy a regretté que ces synergies, bien qu’encouragées depuis des années, restent encore si timides, en dépit des progrès réalisés en la matière entre TV5 et CFI. Il a néanmoins estimé que les deux propositions de la Commission, certes intéressantes en théorie, étaient trop radicales en pratique pour pouvoir être raisonnablement prises en compte. Certes, la BBC est un modèle séduisant, mais il ne faut pas oublier qu’il est le résultat d’une histoire longue de 80 ans et que la France n’a pas du tout la même. Aussi, serait-il aujourd’hui peu opportun d’évoquer la perspective d’une fusion de RFI et de France 24 : ce sont deux entreprises beaucoup trop différentes pour envisager une telle évolution.

Le Ministre des Affaires étrangères s’est cependant refusé à se résigner à la situation actuelle, qui voit RFI perdre progressivement ses journalistes. Il a plaidé en faveur de la solution du partenariat, l’Etat, qui finance intégralement ces deux entreprises, ne devant pas hésiter à l’imposer si elles ne parvenaient pas à le mettre en place d’elles-mêmes. Ce pourrait d’ailleurs être le rôle du CAEF d’organiser, en concertation avec les intéressés, les règles d’un tel partenariat.

S’agissant de la question des langues de diffusion, M. Philippe Douste-Blazy a jugé que, pour n’être pas dépourvue de logique, la proposition de la Commission n’était pas non plus réaliste. Comment imaginer, dans un pays qui entretient un rapport aussi passionnel avec sa langue, que la chaîne d’information internationale voulue par le Président de la République, et reflétant l’actualité du monde vue par les Français, exclue complètement la langue française ? Il n’est par conséquent ni possible, ni souhaitable de mettre en œuvre cette proposition.

Concernant la proposition de création d’une agence de mutualisation des activités de distribution de TV5, CFI, RFI et France 24, le Ministre des Affaires étrangères a effectivement jugé nécessaire une distribution efficace. Mais les opérateurs évoluent dans des environnements bien différents : ni CFI, qui n’a plus vocation à toucher le grand public, ni RFI, dont la problématique est spécifique, n’ont les mêmes besoins à cet égard que France 24 et TV5. Par conséquent, le Ministre a jugé que seuls ces deux opérateurs de télévision avaient intérêt à mutualiser leurs démarches de distribution, ce qu’ils faisaient d’ailleurs déjà de façon informelle. Il s’est dit convaincu qu’ils gagneraient certainement à ce mode d’organisation, qui ne présente que des avantages.

Quant à la proposition visant à créer un portail Internet des opérateurs audiovisuels extérieurs, il a estimé qu’elle représentait assurément une bonne orientation et qu’il fallait même aller plus loin pour augmenter notre visibilité sur ce nouveau média. Notre retard s’explique en partie par le fait que les efforts de nos opérateurs en direction des internautes sont très dispersés et trop souvent redondants. Aucune structure de coordination n’existe, alors qu’Internet permet à l’ensemble de nos opérateurs de s’adresser dans le même temps et par les mêmes voies aux mêmes publics. Le Ministre a donc jugé indispensable, au delà d’un site portail, que le Conseil audiovisuel extérieur de la France étudie les modalités de la mise en oeuvre d’une stratégie Internet coordonnée entre les opérateurs de l’audiovisuel public, extérieur et intérieur.

Enfin, s’agissant des deux propositions visant à développer la dimension européenne de l’audiovisuel extérieur, le Ministre des Affaires étrangères a rappelé que l’existence d’Arte et d’Euronews démontrait que notre pays avait depuis longtemps cette ambition. TV5 comme RFI remportent d’ailleurs régulièrement des appels d’offres européens et ils concourent ainsi à la création du service public audiovisuel européen que la Commission appelle de ses vœux. Faut-il aller jusqu’à ouvrir une négociation européenne sur la création d’une obligation de diffusion à l’échelle européenne pour les opérateurs audiovisuels investis d’une mission de service public audiovisuel européen ? Le Ministre a déclaré qu’il s’agissait là d’une autre ambition qui n’était pas exempte de nombreuses difficultés techniques. Il a par conséquent proposé, en accord avec le ministre de la Culture et de la Communication, qu’une étude soit menée sur ce point.

En conclusion, le Ministre des Affaires étrangères a regretté que, dans le rapport de la Commission comme d’ailleurs dans ceux qui l’ont précédé, il y ait un grand absent : le public, ou plutôt les publics qui sont visés, ces auditeurs, ces téléspectateurs, ces internautes pour lesquels sont dépensés chaque année près de 300 millions d’euros. Trop souvent, nous avons raisonné comme si l’audiovisuel extérieur était une fin en soi, en sorte que sont surtout prises en compte les priorités de telle administration, les attentes des personnels, les ambitions des dirigeants, les exigences des ayants droit – bref, toutes les contraintes franco-françaises qui s’accumulent sur le dispositif audiovisuel extérieur. Bien rarement, en définitive, nous nous interrogeons sur ceux à qui nous souhaitons nous adresser : qui sont-ils ? Où vivent-ils ? Qu’attendent-ils de nous ?

M. Philippe Douste-Blazy s’est donc dit convaincu qu’il était temps aujourd’hui de passer d’une logique de l’offre, qui a de moins en moins de chances de séduire tant l’offre est pléthorique, à une logique de la demande qui permettra de mieux cibler la programmation que nous proposons. Il a émis le vœu que telle soit la nouvelle ambition inscrite au cœur de notre réflexion sur l’audiovisuel extérieur.

Après s’être associé aux remerciements du ministre des Affaires étrangères, M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, a félicité la Commission pour la création de cette Mission d’information et pour l’idée d’associer les ministres concernés à l’achèvement de ses travaux.

Il a ensuite salué l’état d’esprit qui a animé les travaux de la Mission. Alors que la France entre dans une période de débats publics intenses, les sujets relatifs à la permanence de la voix et du rayonnement de la France doivent rassembler au-delà des clivages partisans. France 24 est devenue aujourd’hui l’outil opérationnel d’une voix française de l’information dans le monde. Son succès est déjà perceptible. Au Japon, par exemple, son audience dépasse celles de CNN et de BBC World, ce qui est très encourageant.

Le Ministre a ensuite rendu hommage au Rapporteur et aux représentants de l’ensemble des groupes politiques au sein de la Mission d’information. Les débats sur l’audiovisuel public sont toujours vifs et passionnés. La création de cette Mission d’information a été l’occasion de réaffirmer le rôle essentiel du Parlement dans la réflexion sur ces outils stratégiques qui participent du rayonnement de la France. La première qualité de ces travaux réside dans la définition de pistes de réforme et la recherche de solutions susceptibles de rassembler toutes les sensibilités par leur force opérationnelle.

Abordant une question importante de méthode, le Ministre a estimé que, si l’on souhaite concilier des avancées significatives avec une capacité de contrôle accru du Parlement, il est nécessaire de généraliser les contrats d’objectifs et de moyens, qui s’appliquent aux opérateurs nationaux, à l’ensemble des opérateurs de l’audiovisuel public extérieur. Les avantages de cette procédure sont évidents. Elle permet une réelle définition des objectifs et des missions de chaque opérateur, suivie d’une allocation des moyens en conséquence, soumise à l’approbation du Parlement. Les commissions compétentes du Parlement peuvent aujourd’hui formuler un avis avant la signature d’un contrat d’objectif et de moyens. Après le contrat d’objectif et de moyens de Radio-France, elles ont été saisies du contrat d’objectif et de moyens d’Arte France et il devrait en être de même prochainement avec le contrat d’objectif et de moyens de France Télévisions.

En effet, avant les structures, il faut déterminer les objectifs et les missions, et préciser les complémentarités, afin d’éviter les redondances et le gaspillage financier. Le point de départ de la réflexion de la Mission réside dans le lancement effectif de France 24, qui a été la concrétisation d’un projet à la fois ambitieux et nécessaire : la France se trouve enfin dotée d’un instrument essentiel dont elle ne disposait pas jusqu’ici. Le recours à des langues étrangères est déterminant et ne signifie nullement un renoncement à la francophonie. Il permettra la participation démocratique de la France aux débats d’idées qui animent le monde.

En offrant une vision française de l’actualité du monde, qui enrichit les points de vue et renforce les positions françaises, France 24 vient compléter, sans la remettre en cause, l’offre des autres acteurs de l’audiovisuel extérieur. Cette chaîne est fondée sur un concept original qui n’empiète aucunement sur les missions des autres opérateurs de l’audiovisuel extérieur puisque RFI exerce une activité de radio, CFI n’est pas diffuseur, la mission d’Arte est culturelle et ancrée en l’Europe et TV5 Monde est une chaîne généraliste francophone.

Le Gouvernement a même veillé à ce que France 24 se construise de manière à être complémentaire par rapport aux autres opérateurs de l’audiovisuel extérieur. Ainsi, France 24 et TV5 Monde coopèrent étroitement pour l’organisation de leur distribution afin de minimiser les coûts et d’accroître la diffusion des deux chaînes.

De même, France 24 a finalisé un partenariat avec l’Agence France Presse pour l’achat d’images et de dépêches mais aussi pour la mise en place de correspondants audiovisuels dans quelques bureaux de l’agence. Tout le réseau de l’AFP est ainsi mis à la disposition de France 24, ce qui prive de pertinence les comparaisons entre le montant de son financement et celui d’autres chaînes internationales qui ne bénéficient pas de ce type de coopération. Avec RFI, un accord cadre vient d’être conclu. Il définit, d’une part, les modalités de promotions croisées entre les deux chaînes et permettra, d’autre part, à France 24 de faire appel (contre rémunération) au réseau de correspondants et d’experts de RFI. On peut aussi citer le partenariat conclu avec l’Agence d’Images Internationale (AITV), agence de presse de RFO, pour l’achat d’images.

Les coopérations et les synergies entre les différents acteurs de l’audiovisuel extérieur existent donc déjà. Comme l’a souligné le ministre des Affaires étrangères, il faut bien distinguer synergie, coopération et fusion ! A cet égard, il est intéressant de rappeler ce qui a été prévu dans le contrat d’objectifs et de moyens d’Arte, approuvé par le conseil de surveillance de la chaîne le 8 janvier dernier. Arte s’efforcera, sur la période du contrat d’objectifs et de moyens, d’augmenter de 10 % le nombre d’heures de programmes qu’elle apporte à TV5 Monde.

Tout cela va donc dans le sens d’une meilleure cohérence et d’une recherche de synergies entre les différents acteurs de l’audiovisuel extérieur. Cependant, malgré tous ces efforts bilatéraux, le Ministre a dit partager le constat fait par certains députés de la nécessité pour le Gouvernement de disposer d’une structure de pilotage de ces outils de rayonnement et d’influence de la France à l’étranger que sont les radios et télévisions françaises à diffusion internationale. Comme le rapport l’indique, les synergies peuvent avoir un caractère ponctuel, là où l’organisation de l’audiovisuel public nécessite des changements structurels.

C’est pourquoi il s’est dit favorable à ce que le Conseil de l’action audiovisuelle extérieure (CAEF) se réunisse de nouveau, et ce dès que possible. Il ne doit réunir, sous l’autorité du Premier Ministre, que les ministres qui exercent une tutelle dans ce secteur. Il sera probablement utile de redéfinir ses missions et les modalités de son fonctionnement, afin d’éviter la lourdeur et le formalisme qui ont caractérisé cette structure dans la période 1989-1995. Mais elle paraît nécessaire pour que soient définies au plus haut niveau de l’État et de manière coordonnée les modalités d’exécution de la politique audiovisuelle extérieure. Cela permettrait de renforcer la complémentarité des organismes concernés et d’affiner la stratégie de l’État selon les évolutions du paysage médiatique international.

S’agissant du financement de l’audiovisuel extérieur, des efforts doivent également être menés à bien. Une loi de programme est toujours précieuse en ce qu’elle renforce la position d’un ministre « dépensier » dans ses négociations annuelles avec le ministère des Finances.

Les efforts de rationalisation et de simplification réalisés ont permis de créer un programme budgétaire spécifique à l’audiovisuel extérieur et de l’inclure au sein de la Mission « Médias ». Le budget de l’audiovisuel extérieur n’est ainsi plus dispersé au sein de quatre missions, comme c’était le cas auparavant. Il est regroupé au sein de deux programmes dans le projet de loi de finances pour 2007. Mais cet effort doit encore être poursuivi.

Le Ministre s’est déclaré persuadé que la France est aujourd’hui dotée, en matière d’audiovisuel extérieur, d’un panel d’organismes compétents et complémentaires les uns par rapport aux autres. Reste à ce que ces outils soient utilisés de la manière la plus performante possible, grâce à la définition d’une stratégie globale et à un soutien financier plus performant.

Le travail de la Mission d’information et la réflexion de la Commission sont un apport précieux pour permettre à la France d’accomplir les objectifs stratégiques fixés par le Gouvernement dans ce domaine essentiel de l’influence et du rayonnement de notre pays.

Le Président Edouard Balladur a tout d’abord constaté que les deux ministres s’étaient mis d’accord sur les observations à formuler concernant les conclusions de la Mission d’information. Puis il a fait observer qu’il ne fallait pas se faire d’illusions sur les lois de programmation et le socle qu’elles sont censées offrir.

M. Jean Glavany a souhaité souligner que l’histoire avait montré que les lois de programmation, n’étant pas protégées par la Constitution, sont soumises aux règles de l’annualité budgétaire et ne garantissent pas un minimum de crédits mais affichent un plafond qui n’est jamais atteint. S’agissant de la bataille de Bercy, il apparaît que celle-ci n’est pas perdue si l’on regarde le montant des financements accordés à France 24. Eu égard à l’importance des crédits publics accordés à une société de droit privé, l’on peut se demander s’il n’eût pas été préférable d’envisager de confier une mission de service public avec une délégation de service public à cette chaîne. Un contrat entre l’Etat et la chaîne eût sans doute été plus clair. Enfin, des règles de transparence et de contrôle ayant été édictées, peut-on envisager que le parlement soit informé des rémunérations des dirigeants de France 24 ?

Après avoir répondu favorablement à cette dernière demande, M. Renaud Donnedieu de Vabres a tout d’abord estimé que les lois de programmation restaient des socles en dépit de leur exécution annuelle. Elles demeurent un élément d’orientation politique, même si une révision stratégique de certaines orientations est toujours possible. S’agissant de France 24 et des règles de partenariat spécifiques qui ont été élaborées, le Ministre de la Culture et de la Communication a déclaré les assumer totalement. Une partie des forces audiovisuelles publiques et privées ont été réunies, ce qui suppose l’édiction de règles spécifiques et que des solutions juridiques particulières soient retenues en veillant au maintien des équilibres. Si le point d’équilibre n’a pas été facile à obtenir, néanmoins, en dix mois, une nouvelle chaîne a été lancée, le pari est réussi et le système fonctionne.

Si l’intérêt d’une mission de service public en matière de distribution de l’eau par exemple apparaît évident, M. Philippe Douste-Blazy a demandé à M. Jean Glavany de bien vouloir préciser ce qu’apporterait une mission de service public en matière d’information.

M. Jean Glavany a répondu que la transparence, la clarté et la rigueur dans l’information étaient mieux garanties dans le cas d’une chaîne effectuant une mission de service public.

M. Paul Quilès s’est étonné du caractère plutôt étrange de ce débat, faisant observer que depuis un certain nombre d’années déjà il existait une différence dans la conception et le traitement de l’information entre le service public et les chaînes privées. Une délégation de service public correspond à une mission particulière et à une façon différente de gérer l’information. Cela pose un problème politique de fond.

En définitive, le Président Edouard Balladur a souligné que la question posée consistait à savoir si le gouvernement, en créant France 24, l’avait soumise à l’obligation de s’engager à accomplir sa mission d’une façon conforme à l’intérêt national. Il a alors demandé aux Ministres de bien vouloir confirmer qu’un cahier des charges avait été établi pour France 24.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a proposé au Président Edouard Balladur de lui faire parvenir tous les éléments qui avaient présidé à la définition des objectifs de la chaîne.

M. Philippe Douste-Blazy a déclaré que l’objectif n’était pas de faire de France 24 la chaîne du gouvernement français, mais une chaîne exprimant le point de vue français sur l’actualité internationale.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a insisté sur le fait que le pluralisme et la déontologie reposaient avant tout sur les journalistes eux-mêmes, et non pas sur la structure du capital. C’est pourquoi des équipes nouvelles ont été recrutées. La liberté et l’indépendance dont bénéficieront ces journalistes font l’objet d’une attente importante.

M. François Rochebloine a rappelé que la Mission d’information, créée au sein de la Commission des affaires étrangères, avait pour objectif d’examiner les modalités d’organisation et de financement de l’audiovisuel extérieur, ce qui impliquait, naturellement, de prendre en compte l’existence de France 24. Pour autant, il ne s’agit pas de « refaire » la genèse de France 24. Cela étant précisé, il s’est étonné de l’opposition, manifestée par les ministres, à l’égard de la fusion entre Radio France International (RFI) et France 24, qui constitue une proposition centrale du rapport élaboré par la Mission d’information. Certes, cette fusion, si elle devait être réalisée, n’irait pas sans poser un certain nombre de difficultés mais ce risque ne doit pas empêcher que l’on procède à une étude de sa faisabilité, comme cela est recommandé dans le rapport.

Le Président Edouard Balladur a souhaité obtenir des précisions sur les raisons justifiant le refus non pas de la fusion en elle-même mais sur la réalisation d’une étude de faisabilité à ce sujet.

M. Philippe Douste-Blazy, ministre des Affaires étrangères a précisé qu’il n’était pas opposé à l’idée de cette étude. Il a rappelé que le partenariat entre France 24 et RFI s’était imposé en raison du savoir faire de la radio internationale qui est apparue la plus à même de participer à une telle entreprise. Pour autant, la réalisation d’une fusion entre ces deux entités pourrait s’avérer très compliquée.

Le Président Edouard Balladur a, ensuite, souhaité connaître la position du ministre de la Culture et de la communication sur la possibilité de réaliser une étude de faisabilité d’une telle fusion.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la communication, s’y est déclaré opposé, rappelant que toutes les compétences ont été prises en compte afin d’assurer la qualité et la crédibilité du réseau de France 24. Cette démarche a été à l’origine de la mise en place d’un partenariat, plutôt que d’une fusion qui est apparue inappropriée et de nature à soulever plus de problèmes qu’elle ne présentait d’avantages pour le réseau. Dans ce contexte, la réalisation d’une étude de faisabilité pourrait être interprétée comme l’annonce d’une décision ou, à tout le moins, le signe d’un possible changement d’orientations, ce qui n’est pas souhaitable. Des situations similaires se sont déjà produites à la suite du rapport de M. Lévy sur la propriété intellectuelle ou sur la création d’une antenne du Louvre à Abou Dhabi ;.

Le Président Edouard Balladur a conclu de ces propos que le ministre de la Culture était ainsi opposé non seulement à l’idée même de la fusion mais aussi à celle d’une étude de faisabilité sur ce thème.

M. François Loncle a demandé au Ministre de la Culture et de la Communication d’apporter des arguments plus précis pour justifier son opposition à l’encontre d’une fusion entre France 24 et RFI.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la communication, a insisté sur le fait que ne pas utiliser les compétences réunies au sein de RFI aurait représenté un réel gâchis, ce qui explique que des relations contractuelles se sont naturellement nouées. Pour autant, les responsabilités, les modes de gestion et les conditions sociales au sein de chacune des deux structures sont très différents, ce qui pose le problème du statut commun à ces deux entités. Dans ces conditions, un choix opérationnel a été réalisé en privilégiant des relations contractuelles entre RFI et France 24.

M. François Rochebloine a estimé que le Ministre de la Culture et de la Communication aavait répondu sur la forme mais pas sur le fond quant à la pertinence d’une fusion entre France 24 et RFI. La Mission d’information s’est prononcée sur cette option afin de marquer son refus au statu quo qui prévaut.

M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture et de la Communication, a répondu qu’il n’était pas opportun de créer une situation de crise dans un domaine aussi sensible et stratégique.

Le Président Edouard Balladur a remercié les ministres ainsi que les membres de la Mission d’information dont il a estimé que les conclusions devaient recevoir un large écho.

____

Audiovisuel extérieur