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COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mardi 23 janvier 2007

Séance de 16 heures

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Edouard Balladur, Président

 

pages

– Convention avec la Suisse pour lutter contre la fraude (n° 3195) - M. Jacques Remiller, rapporteur

– Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière (n° 3156) - M. Jean-Jacques Guillet, rapporteur

  

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Convention avec la Suisse pour lutter contre la fraude

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, pour lutter contre la fraude et toute activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers (n° 3195).

M. Jacques Remiller, Rapporteur, a rappelé que, le 27 juin 2006, le Sénat avait autorisé l’approbation de l’accord de coopération entre la Communauté européenne et ses Etats membres d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, pour lutter contre la fraude et toute autre activité illégale portant atteinte à leurs intérêts financiers. Cet accord, qui porte sur un domaine dont les compétences sont partagées entre la Communauté européenne et les Etats membres, a été signé et doit être approuvé à la fois par la première et par les seconds.

Négocié au sein d’un « paquet » composé d’une dizaine d’accords, il vise à renforcer l’entraide judiciaire et administrative entre la Communauté européenne et ses membres et la Suisse pour lutter contre un certain nombre de fraudes, parmi lesquelles celles qui touchent la fiscalité indirecte. Dans ce cadre, la Confédération a accepté la levée du secret bancaire.

Après avoir renvoyé à un avenir indéterminé toute perspective d’adhésion à l’Union européenne, la Suisse a entrepris de régler les problèmes concrets qu’elle rencontre dans ses relations avec l’Union de manière pragmatique, par la négociation d’accords dits « bilatéraux ». Une première série d’accords a été conclue en 1999 et est entrée en vigueur en juin 2002.

L’accord qui est l’objet du projet de loi fait partie d’un deuxième « paquet », constitué de neuf accords portant sur des sujets divers (fiscalité des revenus de l’épargne, environnement, statistiques, audiovisuel, produits agricoles transformés, par exemple). Au cours de la négociation, il est apparu que deux dossiers posaient problème : l’association de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin d’une part, la lutte contre la fraude d’autre part. Un accord a pu être trouvé grâce à des concessions de part et d’autre : l’Union a accordé à la Suisse une dérogation à l’accord de Schengen qui lui permettra de maintenir le secret bancaire dans les cas d’évasion fiscale pour ce qui est de la fiscalité directe ; en contrepartie, la Suisse a accepté la levée de ce secret dans le cadre de la lutte contre le blanchiment et l’évasion fiscale en ce qui concerne la fiscalité indirecte.

L’accord qui est l’objet du présent projet de loi vise ainsi à rendre plus rapide et plus étroite la coopération entre les autorités suisses et les autorités européennes (celles de la Communauté européenne et celles des Etats membres) pour lutter contre certains délits. Sont concernées la fraude et toute activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers respectifs des parties en matière de législation douanière et agricole, de législation fiscale relative à la taxe sur la valeur ajoutée, aux impôts spéciaux à la consommation et aux droits d’accises, de subventions ou restitutions et de passation de contrats attribués par les parties. Les impôts directs sont explicitement exclus du champ d’application de l’accord.

Hormis les affaires de blanchiment, qui n’entrent dans le champ de l’accord que si elles sont d’une certaine gravité, toutes les autres affaires peuvent déclencher la mise en œuvre des stipulations de l’accord. Néanmoins, la partie à laquelle l’entraide est demandée peut la refuser pour les affaires les moins importantes. Dans les autres cas, l’assistance administrative et l’entraide judiciaire sont une obligation pour la partie requise, qui doit apporter son aide dès que possible et justifier tout retard ou toute impossibilité d’agir.

A la demande d’une autre partie, la partie requise doit utiliser tous les moyens dont elle dispose en droit interne pour l’aider dans son travail de lutte contre la fraude. Par exemple, si la France leur en fait la demande, les autorités suisses devront communiquer des renseignements (y compris financiers ou bancaires), exercer une surveillance, conduire une enquête, éventuellement en présence d’agents français, recouvrer des créances ; elles seront aussi tenues, le cas échéant, d’ordonner le gel et la saisie du produit de l’infraction, et d’effectuer une perquisition si une commission rogatoire le demande et si l’infraction en question est sanctionnée par le droit suisse.

L’entraide sera donc multiforme, même si la souveraineté des Etats est préservée notamment par le fait que les enquêtes sont toujours conduites par les autorités de l’Etat où elles se déroulent et par la possibilité de refuser une coopération jugée « de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels » de l’Etat auquel elle est demandée.

Cet accord est très utile à la Communauté européenne et à ses membres, qui subissent d’importantes pertes financières à cause de la fraude fiscale et des délits liés aux subventions. Mais il est aussi dans l’intérêt de la Suisse. En effet, en raison de sa situation centrale sur le continent, de sa non-appartenance à la Communauté européenne et de sa place financière performante, la Confédération court le risque d’être utilisée comme plate-forme pour des activités illégales, ce qu’elle doit éviter pour préserver son image et sa réputation. Cette entraide administrative et judiciaire renforcée aura un effet dissuasif, les trafiquants et les fraudeurs étant plus susceptibles qu’auparavant d’être arrêtés et éventuellement extradés.

Le Président Edouard Balladur a souhaité avoir des précisions sur les cas de blanchiment susceptibles d’être concernées par les stipulations de l’accord, alors que celles-ci n’étaient pas applicables aux fraudes à la fiscalité directe.

M. Jacques Remiller, Rapporteur, a précisé que le champ de l’accord était limité aux affaires de blanchiment du produit des fraudes aux impôts indirects, aux subventions ou aux marchés publics, c’est-à-dire des produits des fraudes elles-mêmes couvertes par l’accord. Le blanchiment du produit de fraudes aux impôts directs est exclu du champ de l’accord. La lutte contre ce type de délit ne pourra toujours pas bénéficier de la levée du secret bancaire suisse.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3195).

Convention sur la pollution atmosphérique transfrontalière

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Jacques Guillet, le projet de loi autorisant l’approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontalière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (ensemble neuf annexes) (n° 3156).

M. Jean-Jacques Guillet a, tout d’abord, souhaité préciser la définition de certains termes mentionnés dans le texte examiné :

− l’eutrophisation consiste en un excès de nutriments azotés qui perturbe les communautés végétales et s’infiltre dans les eaux douces, causant, dans les deux cas, une perte de diversité biologique ;

− l’ozone troposphérique est l’ozone dont la création résulte de réactions chimiques entre les composés organiques volatiles et les oxydes d’azote sous l’effet du rayonnement solaire et qui s’accumule à basse altitude ;

− les composés organiques volatiles sont des composés chimiques basés sur le carbone qui sont émis dans l’atmosphère par des sources naturelles ou du fait d’activités humaines (comme l’utilisation de solvants, de peintures et de vernis, le stockage de carburants de transport et leur utilisation dans les stations-service, et des gaz d’échappement des véhicules) ;

− le dioxyde de soufre est issu de la combustion des énergies fossiles. Les sources principales sont les centrales thermiques, les grosses installations de combustion industrielles et les unités de chauffage individuelles et collectives. La suppression progressive du soufre dans les carburants contribue à sa diminution. A l’origine des pluies acides, il est irritant pour les muqueuses, la peau et les voies respiratoires.

Il a ensuite indiqué que le protocole examiné s’inscrivait dans le cadre plus global d’une entente internationale visant à lutter contre la pollution de l’air via l’engagement des Etats signataires à réduire leurs émissions de certains polluants atmosphériques. Ce protocole, dit « protocole de Göteborg », vient, en effet, compléter les dispositions prévues par la convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance, élaborée dans le cadre de la Commission économique pour l’Europe des Nations unies et adoptée à Genève en 1979.

M. Jean-Jacques Guillet a précisé que, par cette convention, les Etats parties s’engageaient à limiter, à prévenir et à réduire progressivement leurs rejets de polluants atmosphériques et, de ce fait, à lutter contre la pollution atmosphérique qui en résulte. Il s’agit du premier accord international à reconnaître à la fois les problèmes environnementaux et de santé causés par le mouvement transfrontalier des polluants atmosphériques et le besoin de solutions régionales. Dans le cadre de la coopération intergouvernementale instituée par cette convention de 1979, huit protocoles spécifiques ont été adoptés, visant notamment à lutter contre les émissions de soufre, d’oxydes d’azote, de composés organiques volatils, etc. Le huitième protocole, qui fait l’objet du présent projet de loi, a été adopté en 1999 et est entré en vigueur le 17 mai 2005. Il prend le relais des protocoles antérieurs en visant la réduction d’au moins 40 % d’ici 2010 des émissions de trois polluants (dioxyde de soufre, oxydes d’azote et composés organiques volatils) et en introduisant la prise en compte de l’ammoniac. Signé par la France le 1er décembre 1999, ce protocole marque donc un nouveau pas dans la stratégie de lutte contre la pollution atmosphérique transfrontière, conduite au niveau du continent européen.

Le Rapporteur a indiqué que, concrètement, le protocole de Göteborg fixe, pour chaque Etat partie, des niveaux d’émission maximaux autorisés ou « plafonds d’émission ». Ces plafonds d’émission, qui doivent être atteints avant 2010, ont été négociés sur la base d’évaluations scientifiques des effets de la pollution, avec un objectif d’optimisation économique entre les différentes parties.

Il a estimé que cette démarche n’était, en réalité, pas éloignée de celle adoptée dans le cadre du protocole de Kyoto, où les pays industrialisés signataires se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, durant la période 2008-2012, en deçà de leurs niveaux de 1990. Toutefois, dans ce dernier cas, l’Etat qui ne respecte pas ses engagements de réduction des émissions de gaz carbonique peut être sanctionné, ce qui distingue, à ce jour, le processus de Kyoto des autres mécanismes internationaux destinés à préserver l’environnement. Le protocole de Göteborg n’en instaure pas moins un cadre contraignant de lutte contre la pollution atmosphérique en associant aux obligations techniques qu’il fixe des mécanismes d’échanges d’information et de contrôle.

Il a ajouté que, comme d’autres accords internationaux dans le domaine de l’environnement, ce protocole reposait sur le principe de précaution énoncé par la Déclaration de Rio de 1992. Il cherche, en effet, à limiter les émissions nocives dans l’atmosphère, dont le triste anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl qui vient d’être célébré rappelle l’impérieuse nécessité ainsi qu’un devoir de vigilance.

M. Jean-Jacques Guillet a, ensuite, précisé que si le protocole de Göteborg fixait des plafonds d’émission, il définissait également les moyens de les atteindre en définissant des valeurs limites pour les industries ayant recours aux solvants organiques, pour les gaz d’échappement des véhicules, ou encore, pour les installations de combustion. Il impose, par ailleurs, l’utilisation des meilleures techniques disponibles pour maintenir les émissions à un faible niveau. Enfin, il précise les mesures spécifiques à prendre pour lutter contre les émissions d’ammoniac des sources agricoles.

Il a considéré que ce protocole pouvait paraître ambitieux. Pour autant, les obligations qu’il impose ne sont pas nouvelles pour notre pays dans la mesure où elles ont été reprises par une directive européenne du 23 octobre 2001, qui fixe des plafonds nationaux d’émission pour certains polluants. Cette directive impose des plafonds plus sévères pour la France en ce qui concerne le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote et les composés volatils organiques et conserve un plafond identique pour les émissions d’ammoniac. Elle prévoit également que les Etats membres sont tenus d’élaborer un programme national de réduction des émissions de ces polluants afin de respecter, en 2010, les plafonds fixés. En outre, les Etats doivent préparer et mettre à jour un inventaire d’émissions et des prévisions d’émissions nationales pour les quatre polluants.

Il a souligné que, conformément à cette directive, la France avait adopté, en juillet 2003, un programme national de réduction des émissions de polluants atmosphériques visant à réduire les émissions de dioxyde de soufre, d’oxydes d’azote, de composés volatils organiques et d’ammoniac afin de respecter, à partir de 2010, les plafonds fixés par la directive. En ce qui concerne les valeurs limites définies par le protocole de Göteborg, elles doivent être respectées par la mise en œuvre d’un certain nombre de directives déjà adoptées – comme la directive de 2001 sur les « grandes installations de combustion » (GIC) – ainsi que par l’actualisation du programme national. Cette révision, qui devrait intervenir prochainement, sera réalisée avant l’échéance des délais d’application des valeurs limites d’émission, spécifiées par le protocole, à savoir le 31 décembre 2007.

M. Jean-Jacques Guillet a considéré que la France avait déjà engagé de réels efforts pour lutter contre la pollution atmosphérique, même si certaines mesures peuvent ne montrer leur plein effet que dans la durée. L’approbation du protocole de Göteborg n’en reste pas moins essentielle pour conforter ces efforts et contribuer à réduire les phénomènes d’acidification, d’eutrophisation et d’ozone troposphérique qui affectent non seulement l’environnement mais également la santé humaine.

A cet égard, il a insisté sur le fait que la mise en œuvre du protocole devrait permettre de réduire l’étendue des zones qui connaissent des niveaux d’acidification ou d’eutrophisation excessifs. En outre, l’exposition de la végétation à des niveaux d’ozone excessifs pourrait diminuer de 44 % par rapport à 1990. Enfin, on estime que le respect des dispositions de ce protocole pourrait conduire à réduire de moitié le nombre de journées marquées par des niveaux d’ozone excessifs et, corollairement, le nombre de cas de décès prématurés chez les personnes souffrant déjà de maladies cardiaques ou pulmonaires.

Compte tenu de ces enjeux pour la santé humaine et la préservation de l’environnement, le Rapporteur a donc recommandé l’adoption du projet de loi.

M. Louis Guédon s’est interrogé sur les moyens susceptibles d’être mis en œuvre pour lutter contre l’eutrophisation qui provient du rayonnement solaire, c’est-à-dire d’un phénomène naturel, par rapport aux émissions d’oxydes de carbone et de soufre qui résultent des industries et sur lesquels l’homme peut agir plus facilement.

M. Jean-Jacques Guillet a déclaré ne pouvoir répondre dans le détail à cette question, précisant toutefois que le protocole couvre un large spectre d’activités, non seulement industrielles mais aussi agricoles, dont les effets peuvent accroître certains phénomènes néfastes pour l’environnement. Il a ajouté que la mise en œuvre concrète du protocole fera l’objet d’une réglementation détaillée par secteur et par type de polluants ce qui devrait permettre les adaptations nécessaires au respect des plafonds d’émission fixés par ce texte.

M. Paul Quilès a fait observer que les opérations issues de la volonté humaine et celles résultant de la nature pouvaient s’ajouter et conduire à un dépassement des plafonds fixés. Dans ce cas, plus la nature agit de façon nocive, plus il faut intervenir pour limiter l’action négative de l’homme.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3156).

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Pollution atmosphérique

Suisse