Accueil > Archives de la XIIe législature > Comptes rendus de la commission des affaires étrangères (2006-2007)

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Voir le compte rendu au format PDF

COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mardi 20 février 2007

Séance de 16 h 15
Compte rendu n° 30
SESSION 2006 - 2007

Présidence de M. Edouard Balladur, Président,

 

pages

– Présentation du rapport d’information sur l’utilisation par les ONG françaises des aides publiques et privées destinées aux victimes du tsunami – M. Roland Blum, rapporteur


– Protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel (n° 3564) – M. Jacques Remiller, rapporteur

– Russie : accord relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d’armes chimiques en Fédération de Russie (n° 3620) – M. Jacques Remiller, rapporteur

– Accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens avec le Royaume du Maroc (n° 3731) – M. Jean Roatta, rapporteur



2

9

11

14




   

Présentation du rapport d’information sur l’utilisation par les ONG françaises des aides publiques et privées destinées aux victimes du tsunami

La Commission a examiné le rapport d’information présenté par M. Roland Blum sur l’utilisation par les ONG françaises des aides publiques et privées destinées aux victimes du tsunami.


M. Roland Blum, Rapporteur,
a tout d’abord rappelé que, le 26 décembre 2004, un tsunami avait ravagé l’Asie du Sud-Est et que cette catastrophe avait suscité un élan de générosité sans pareil. Deux ans plus tard, les programmes de reconstruction et de réhabilitation ayant été mis en place, il était apparu opportun de tenter de dresser un bilan le plus précis possible des conditions d’intervention des ONG françaises sur le terrain et de leur utilisation des fonds mobilisés.
Les critères qui ont guidé le choix des ONG visées par cette enquête ont été fort simples. Ce sont, pour la plupart, des ONG dont les représentants avaient été auditionnés en 2004 par la mission d’information sur les ONG françaises, mais aussi les dix ONG françaises ayant collecté les sommes les plus importantes : Action contre la Faim, le Comité catholique contre la faim et pour le développement, la Croix-Rouge française, la Fondation de France, Handicap International, Médecins du Monde, Médecins sans Frontières, le Secours Catholique Caritas France, le Secours Islamique France et enfin le Secours Populaire Français. Il est intéressant de noter que ces dix ONG ont également été contrôlées par la Cour des comptes qui contrôle les comptes d’emploi des organismes faisant appel à la générosité publique au titre des compétences qui lui sont conférées par la loi du 7 août 1991.

La Commission des Affaires étrangères ne disposant pas des mêmes moyens, notamment humains, que la Cour qui a mobilisé vingt-sept personnes pour ce contrôle, il a été décidé d’adresser un questionnaire aux représentants d’ONG. En effet, le Rapporteur a estimé qu’en posant un certain nombre de questions, à charge pour les ONG de répondre ou non, il se rapprochait de la démarche que pourrait adopter le donateur lambda, via Internet par exemple, ou qu’il adopte lorsqu’il cherche à se procurer les rapports narratifs et financiers publiés régulièrement par les associations.

Et un certain nombre de questions se posent en effet. Quelles sommes ont-elles été réellement confiées aux associations ? Quelles suites ont été données à l’élan de générosité des Français, à la fois donateurs et contribuables ? Est-on capable de mesurer les réalisations concrètes que cet élan a permis ? Quelles garanties peuvent-ils avoir sur l’utilisation des sommes collectées non encore dépensées ? Quelles ont été les difficultés rencontrées ? En a-t-on tiré les leçons ? Comment est évalué le travail de coordination de l’Etat ? Enfin et surtout, les ONG françaises sont-elles capables de rendre compte de leurs actions ?

C’est par la réponse à cette question primordiale que le Rapporteur a choisi de commencer en affirmant que les ONG françaises ne savent pas rendre compte. En dépit du fait qu’elles ont intégré l’idée qu’il fallait faire preuve de transparence financière, obligation à laquelle elles se plient en publiant leurs comptes chaque année, leur responsabilité envers leurs donateurs ne doit pas s’arrêter là. Les ONG françaises doivent non seulement rendre compte de leurs dépenses, mais aussi, plus largement, de leurs actions, en un mot de leur conduite.

Or elles ont, tout d’abord, fait preuve d’un certain agacement, pour ne pas dire d’un agacement certain, à l’idée d’un nouveau contrôle. Si seules trois associations sur les dix interrogées ont répondu dans les délais impartis, soit deux mois, toutes les autres ont mis entre trois mois et demi et sept mois pour répondre au questionnaire, après avoir été relancées à plusieurs reprises pour certaines. La plupart d’entre elles ont argué du fait qu’elles étaient déjà sous le coup d’un double contrôle, de la Cour des comptes et du Comité de la Charte, et que tous ces contrôles, en définitive, pénalisaient fortement ce qu’elles appellent leur « mission prioritaire de solidarité internationale ».

En outre, le Rapporteur a jugé que les réponses apportées par les ONG au questionnaire n’étaient pas satisfaisantes. En dépit de règles comptables définies, rares sont les ONG interrogées à répondre clairement aux questions posées. Souvent elles répondent globalement, en fournissant des documents de travail, qui ne sont pas toujours des documents comptables, des tableaux, où les totaux ne sont pas toujours faits, et il appartient au lecteur d’interpréter les informations. Le vocabulaire utilisé notamment dans les comptes emplois et ressources varie d’une association à l’autre, quand il n’est pas trompeur. Les ONG savent faire preuve d’imagination pour baptiser leurs dépenses. Du reste, elles ont tendance à jargonner
– peut-être pour faire professionnel –, et souvent même en anglais.

Finalement, les ONG françaises ne savent pas expliquer avec des mots simples ce qu’elles font. En dépit des efforts de communication qu’elles déploient à longueur d’année à l’intention des donateurs notamment, elles ont encore trop souvent tendance à inonder celui-ci sous une masse de rapports narratifs et financiers souvent très épais et ne savent pas s’adresser à lui dans un langage compréhensible. Il faut être un initié pour décrypter leur littérature, notamment lorsqu’il s’agit du processus de décision qui prévaut pour l’affectation des fonds aux différents projets, alors qu’il aurait fallu faire un effort de pédagogie supplémentaire à l’égard des 30 millions de Français qui ont fait un don pour le tsunami. Un Français sur deux aurait fait un don à cette occasion.

Même si cela peut passer pour de la naïveté, le Rapporteur aurait trouvé plus explicite et plus parlant de pouvoir consulter une poignée de courtes fiches présentant chacune un projet différent, par exemple à Matara au Sri Lanka la construction et l’équipement d’une école ou à Aceh la mise en place d’activités génératrices de revenus, et détaillant les différents postes budgétaires qui s’y sont rattachés : moyens humains, logistiques, matériaux, etc. Ce genre de présentation aurait sans doute plus facilement permis au Rapporteur de se représenter les dépenses des ONG, alors qu’il s’est, tout au contraire, retrouvé noyé sous une masse importante de documents.

Par ailleurs, des erreurs portant parfois sur plusieurs millions d’euros ont été relevées parmi les réponses fournies, notamment dans les comptes emplois et ressources. Systématiquement, ces erreurs ont été signalées aux ONG qui ont fait parvenir des documents corrigés. Toutefois, si une faute de frappe dans un document est toujours possible et pardonnable, on est en droit de s’émouvoir du manque de rigueur avec lequel certaines associations ont répondu. Il est également apparu que certaines associations avaient du mal à établir précisément sur le total des « fonds tsunami » dont elles ont disposé l’origine publique ou privée de ces sommes.

Après avoir fait le tri, il apparaît que les dix ONG françaises interrogées ont collecté un peu plus de 220 millions d’euros d’aides françaises, dont environ 211 millions d’euros d’aides privées et environ 15 millions d’euros d’aides publiques. Pour mémoire, le total des aides privées avoisine les 320 millions d’euros, dont 20 millions provenant des entreprises et 300 millions des particuliers français. A cet égard, il est frappant de constater une sorte de parallélisme entre les difficultés rencontrées à établir le nombre réel des victimes du tsunami, qu’il s’agisse de surévaluations des déplacés par exemple pour attirer l’aide internationale ou de sous-estimations, et les difficultés à quantifier exactement le montant de l’aide. Seule une évaluation globale aussi bien des dons privés que des promesses des Etats est disponible.

Devant l’énormité de la manne financière, très vite ont été posées des exigences renforcées de transparence. Très vite, le mot d’ordre a été la « traçabilité » des dons. Très vite aussi, la suspicion sur l’utilisation de l’aide a déclenché une polémique que le Rapporteur a estimée injustifiée dans la mesure où il n’existe pas de critères permettant de dire que les sommes dépensées par les ONG à une date donnée doivent représenter tel pourcentage des sommes collectées. L’aide humanitaire doit pouvoir s’adapter à chaque situation, son affectation et son déploiement varient d’une crise à l’autre.

M. Roland Blum a ensuite évoqué les deux « nouveautés » résultant de la collecte de fonds pour un montant aussi élevé, qui sont la réaffectation des dons et les placements financiers. C’est en effet à l’occasion du tsunami que l’opinion publique a découvert ce que les ONG appellent « les dons affectés », mais surtout « les dons non affectés » et donc réaffectables. Médecins sans Frontières avait littéralement jeté un pavé dans la mare en demandant publiquement l’arrêt de la collecte de fonds pour l’Asie dès le 3 janvier 2005 estimant ne pas pouvoir absorber plus de 40 millions d’euros pour les victimes du tsunami. L’afflux de dons se poursuivant, l’association, après avoir notamment pris conseil auprès de la Cour des comptes, avait, par courrier, demandé à ses donateurs de se manifester uniquement s’ils souhaitaient maintenir l’affectation de leurs dons pour le tsunami. Dans le cas contraire, MSF considérait avoir obtenu leur accord pour une désaffectation et donc une utilisation pour d’autres programmes dans d’autres endroits du monde. Bien évidemment, la plupart des autres associations, qui pour certaines parfois avaient récolté en quelques mois des fonds dix fois supérieurs au volume de leurs capacités opérationnelles annuelles habituelles, ont été obligées de suivre l’exemple de MSF, malheureusement pas toujours avec la même rigueur.

C’est également au détour de la controverse qui s’est installée sur la faible part des sommes dépensées au regard des sommes collectées exceptionnellement élevées que l’opinion publique a découvert que les associations pouvaient faire fructifier les dons. Si cette pratique n’est pas critiquable -elle tendrait même plutôt à témoigner d’une bonne gestion des ressources et d’une anticipation sur l’avenir-, on peut toutefois se demander s’il est acceptable que les produits financiers résultant des placements des fonds dédiés au tsunami soient affectés à d’autres causes.

Certaines des questions posées portaient sur l’intervention sur le terrain des ONG et notamment sur la coordination. Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, on a pu dénombrer sur le terrain environ 400 ONG dont seules 150 étaient réellement opérationnelles selon l’ONU car disposant des capacités logistiques nécessaires à un déploiement rapide permettant une action efficace dans une relative autonomie. Le terme de « pagaille humanitaire » n’est donc pas exagéré. Si l’absence de coordination entre les différents acteurs humanitaires est dénoncée depuis plusieurs années et fait régulièrement l’objet de promesses pour y remédier, il semblerait que le phénomène ait été amplifié du fait de la mobilisation internationale sans précédent que l’on connaît et des opportunités de médiatisation offertes aux intervenants, voire qu’il soit devenu l’une des marques du déploiement de l’aide internationale dans la crise du tsunami. A cet égard, ce ne sont pas seulement les ONG, en l’occurrence les ONG françaises, qui sont visées mais bien l’ensemble des différents acteurs sur le terrain, quelle que soit leur origine.

Cependant, il est intéressant de noter que la Fondation de France et Médecins sans Frontières ont véritablement fait preuve de franchise sur ce point et dénoncé les difficultés de la coordination, qui, selon elles, s’est même parfois révélée contre-productive, les embouteillages d’une aide internationale massive, la difficulté à rechercher et définir un espace de travail, les gabegies, etc. En règle générale, toutes les autres associations interrogées ont indiqué être bien évidemment conscientes de l’importance d’une coordination des acteurs de la solidarité renforcée face à l’immense mobilisation post-tsunami et avoir œuvré en ce sens. Il n’en demeure pas moins que la conjugaison de tous ces facteurs –une manne financière doublée d’une médiatisation sans précédent, au moment des fêtes de Noël, dans des zones à dominante touristique et prisées par les Occidentaux– a provoqué une concurrence entre les différents acteurs et conduit à des dérives.

Par ailleurs, on peut se demander si la réponse exceptionnelle de l’opinion publique internationale à cette catastrophe n’a pas conduit beaucoup d’ONG à modifier singulièrement leur mode de fonctionnement, voire d’intervention. Il est indéniable que, eu égard aux sommes colossales collectées, les ONG avaient besoin de déployer une action rapide et visible qui puisse prouver leur efficacité aux donateurs. Ainsi, se sont-elles quasiment senti obligées d’attribuer les fonds reçus à des opérations qu’elles n’auraient sans doute pas lancé pour une crise de « type ordinaire ». Le mode de fonctionnement qui prévaut habituellement a été inversé : ce ne sont pas les besoins sur le terrain qui ont sollicité la recherche des fonds, mais la manne financière qu’il a fallu attribuer à des projets.

Enfin, M. Roland Blum a souhaité souligner le travail de coordination de l’Etat français qui, dès le 18 janvier 2005, a mis en place un dispositif interministériel ad hoc, M. Jean-Claude Mallet ayant été nommé délégué interministériel à l’aide de la France aux Etats affectés par la catastrophe du 26 décembre 2004. A compter du 1er août 2005, M. Eric Chevallier a pris le relais en tant que coordinateur pour la reconstruction post-tsunami. Il s’agissait d’organiser, au plan interministériel et de façon systématique, l’action des pouvoirs publics, en particulier en vue de la réhabilitation et de la reconstruction des zones sinistrées. Le champ d’intervention comprenait l’assistance humanitaire, la prévention sanitaire, la reconstruction et le développement. Il s’agissait de coordonner les services de l’Etat et de ses établissements publics, de rechercher la cohérence et la concertation avec les ONG, les collectivités territoriales et les entreprises intervenant sur place, d’articuler l’action de la France avec celle des grandes institutions internationales, en premier lieu les Nations unies et l’Union européenne. Ce dispositif a globalement été bien accueilli par les ONG qui en ont salué l’utilité et l’efficacité, à l’exception bien sûr de MSF qui a fait part publiquement de ses critiques et de sa position en janvier 2005.

En définitive, deux ans après la catastrophe naturelle du tsunami, M. Roland Blum a jugé que l’heure était venue de rendre des comptes et au-delà de rendre compte au sens large du terme. Si les ONG françaises ont disposé d’une manne financière sans précédent qu’elles ont su, apparemment, utiliser à bon escient, la question n’est plus seulement celle de la transparence financière. La gageure aujourd’hui pour les ONG françaises est, de façon plus générale, de parvenir à présenter leurs activités et leurs interventions. Le tsunami devait être l’occasion de réussir ce pari, cette opportunité n’a manifestement pas été saisie par les ONG françaises. Qui plus est, les résultats de cette seconde étude sur les ONG françaises viennent confirmer certaines constatations établies, il y a maintenant deux ans, par la mission d’information sur les ONG françaises que le Rapporteur avait conduite avec Michel Destot. Si les ONG françaises ont bien pris conscience de la nécessité de se conformer à certaines obligations légales, notamment s’agissant des procédures comptables et d’évaluation, elles restent néanmoins marquées par une professionnalisation insuffisante dans leur mode de fonctionnement encore trop empreint d’une tradition de bénévolat, toute à leur honneur certes, mais qui montre ses limites lorsqu’il s’agit de manier des sommes considérables.

En conclusion, M. Roland Blum a souligné le souhait constant du Président Edouard Balladur pour que les rapports d’information se concluent sur des propositions concrètes. Mais outre le fait que le présent rapport se présente plus sous la forme d’un bilan, il a souhaité faire deux observations. Tout d’abord, les vingt propositions formulées en avril 2005 par la mission d’information sur les ONG françaises conduite avec Michel Destot sont toujours d’actualité et pourraient presque toutes être annexées à ce rapport. A cet égard, il convient de signaler que les ONG françaises, sous l’égide du Comité de la charte de déontologie, sont en train de réfléchir à la mise en œuvre de la proposition n° 6 sur la rémunération des dirigeants élus d’association. Ensuite, pour le dernier rapport de cette législature, l’innovation consiste à proposer un rapport avec une proposition unique, à savoir la professionnalisation accrue des grandes ONG françaises. Si cette proposition unique était mise en œuvre, ce serait un progrès énorme par rapport à l’exigence de transparence et à l’exercice de contrôle démocratique sur les associations.

Le Président Edouard Balladur a demandé à M. Roland Blum de bien vouloir préciser ce qu’il entendait pas professionnalisation.

M. Roland Blum, Rapporteur, a répondu que les ONG françaises, pour la plupart, travaillaient certes avec des salariés rémunérés mais encore beaucoup avec des bénévoles. Elles ne présentent donc pas le même professionnalisme que leurs homologues anglo-saxonnes par exemple où la gestion et le management sont entre les mains de professionnels du secteur. On ne peut pas dire que les ONG françaises ont à leur tête de grands professionnels, et ce faisant, elles ne sont pas capables de rendre des comptes non seulement du point de vue comptable mais d’expliquer de façon très simple leurs actions. La démarche adoptée et visant à se mettre à la place du donateur qui interroge les ONG françaises sur leurs actions a débouché sur un envoi très important de documents dont il a été très difficile de tirer la quintessence.

Si le rapport publié par la Cour des comptes a estimé que, globalement, l’utilisation des fonds tsunami par les ONG françaises avait été satisfaisante, le Président Edouard Balladur a insisté sur le fait qu’il fallait éviter qu’un nouveau scandale du type de celui de l’ARC ne se reproduise. S’il ne faut pas réglementer le secteur à l’excès, il serait néanmoins souhaitable que le Gouvernement réunisse quelques magistrats de la Cour des comptes pour établir deux documents. Le premier consisterait à énumérer un certain nombre de conditions préalables que les ONG devraient remplir pour pouvoir recueillir des fonds importants auprès du public. Le second pourrait consister en une série de conseils fortement incitatifs pour l’emploi des fonds recueillis auprès du public. Eu égard à l’importance des sommes récoltées et à la faible part qui a été à ce jour dépensée, un certain professionnalisme s’impose.

Tout en rappelant que les associations faisant appel à la générosité du public étaient d’ores et déjà soumises à un certain nombre d’obligations prévues par les textes, M. Roland Blum a estimé que l’on pouvait aller au-delà et demander au gouvernement qu’un contrôle renforcé soit exercé.

Après avoir remercié le Rapporteur, Mme Martine Aurillac a observé que ce rapport mettait en évidence certaines zones d’ombre de la générosité en soulignant les difficultés rencontrées dans une simple recherche de l’information. Certaines des organisations interrogées ont-elles refusé de répondre ?

M. Roland Blum, Rapporteur, a précisé que toutes avaient finalement répondu, mais que certaines ne l’avaient fait qu’après plusieurs relances et des mois de délai. La Croix Rouge, qui a pourtant reçu le tiers des fonds recueillis, a été la dernière à fournir les éléments demandés.

M. Hervé de Charette a souhaité formuler quatre propositions :

– comme les principaux problèmes concernent le manque de transparence et de fiabilité des comptes, toutes les ONG n’étant pas en mesure de fournir des chiffres précis sur les fonds reçus et leur utilisation, il serait utile de leur imposer des normes comptables obligatoires, dès lors que le montant des dons reçus dépasse un certain niveau ;

– on ne peut laisser chaque organisation faire absolument ce qu’elle veut : il faudrait les soumettre à des bonnes pratiques, non obligatoires, mais dont le respect serait très souhaitable ;

– pour élaborer ces normes et mettre en place ces bonnes pratiques, une proposition de méthode s’impose : l’Etat n’étant pas le mieux placé pour édicter seul ces principes, faute d’une expérience suffisante des problèmes que rencontrent les ONG, il conviendrait de créer une structure de rencontre et de débat qui associerait des représentants des ONG à des fonctionnaires ; cette solution, inhabituelle au sein de l’administration française, permettrait l’élaboration en commun de normes adaptées à des organisations spécifiques, par nature rétives à toute tutelle ;

– dans la mesure où les ONG détiennent encore un volume important de dons inutilisés, il serait pertinent que la Commission adopte le principe d’un nouvel examen de l’utilisation de ces fonds au printemps 2008.

Jugeant ces propositions très élaborées et très concrètes, le Président Edouard Balladur s’y est rallié ; une nouvelle étude au printemps 2008 permettrait un suivi des travaux effectués par la Commission sur le sujet. Il appartiendra à son successeur d’en décider.

M. François Loncle a estimé ce rapport d’un grand intérêt, qui posait avec raison les questions qu’avait soulevées la publication du rapport de la Cour des comptes sur le même sujet. Il s’est dit frappé de ce que les organisations qui avaient récolté les fonds les plus importants aient été aussi celles qui les avaient le moins dépensés, alors même que les organisations en cause n’étaient pas dirigées par des amateurs, mais par des professionnels. Il s’est déclaré choqué que si peu d’explications et d’informations aient été données sur les raisons pour lesquelles ces masses financières n’avaient pas été utilisées et sur leur sort ultérieur. Il s’est rallié à la proposition du Président Edouard Balladur de créer un groupe de réflexion, faisant valoir que la présence de parlementaires y serait souhaitable dans le cadre de la démocratie représentative qui était la nôtre. Saluant le rôle des ONG, notamment leur intervention dans les zones victimes de catastrophes et dans les pays pauvres, il a fait valoir que le bilan de leur action n’échappait pas à certaines critiques, relatives notamment à leur arrogance sur le terrain et au luxe qu’elles déployaient parfois dans les équipements de terrain. Il a jugé que l’adoption d’un code d’éthique serait de nature à apporter les corrections nécessaires.

Le Président Edouard Balladur a souhaité que le Rapporteur rédige une conclusion sur les bases de ces nouvelles propositions. Il s’est demandé, compte tenu de l’ampleur des sommes non utilisées, ce qu’il adviendrait des fonds excédentaires dans les années qui viennent : qu’en est-il des programmes qu’ils pourraient financer, du calendrier d’action ? Les fonds sont-ils placés dans des conditions satisfaisantes ? Il a fait part de sa crainte que ces questions sans réponse puissent alimenter un scandale, qui découragerait la générosité du public, alors même que la solidarité privée est indispensable. Il a rappelé à ce propos le précédent qu’avait représenté le scandale du fonctionnement de l’Association de recherche contre le cancer (ARC), qui avait durablement tari le financement de la recherche dans ce domaine.

M. François Rochebloine a insisté sur le travail remarquable effectué par les ONG et sur la nécessité de ne pas décourager les appels aux dons par une critique trop forte de leur action.

M. Jean-Paul Bacquet a jugé utile de distinguer les fonds disponibles de l’action de terrain des ONG. Le problème vient de ce que beaucoup d’ONG se contentent d’intervenir dans le cadre d’opérations spectaculaires, au détriment d’un travail de long terme. Il a cité à ce sujet l’expérience qu’il avait vécue en Afrique où, médecin, il s’était rendu et avait pu entendre des médecins travaillant pour des ONG lui expliquer que le SIDA en Afrique n’était pas un problème, totalement happés par le court terme de leur action pour évaluer correctement le taux du SIDA en Afrique. Il a rappelé que ces autres intervenants sur des théâtres de crise qu’étaient les militaires n’avaient pas toujours un discours flatteur sur l’action des ONG.

En conclusion du débat, le Président Edouard Balladur a estimé que, devant l’immense mouvement de solidarité internationale suscité par le tsunami, c’était à l’échelon international qu’il fallait réfléchir à l’instauration d’un système de bonnes pratiques.

La Commission, à l’unanimité, a autorisé la publication du rapport d’information.

*

*       *

Le Président Edouard Balladur a fait part de son intention d’établir au terme de la législature un bilan d’activités de la Commission des Affaires étrangères assorti de quelques réflexions.



Après avoir rappelé qu’il avait lui-même pris l’initiative de publier un recueil des comptes rendus des réunions de la commission des Affaires étrangères, au terme de la précédente législature, M. François Loncle s’est déclaré favorable à ce que soit publié un document équivalent pour la période 2002-2007. Estimant pouvoir se faire l’écho des membres de la Commission siégeant dans l’opposition, il a fait savoir à quel point il avait apprécié la manière dont le Président Edouard Balladur avait conduit, avec autorité, intelligence, délicatesse et humour, pendant cinq années, les travaux de la Commission.

Le Président Edouard Balladur l’a vivement remercié pour ses propos, évoquant, à son tour, le plaisir qu’il avait eu à travailler pendant cette législature avec l’ensemble des membres de la Commission.

*

*       *




Protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation du protocole additionnel à la convention pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données (n° 3564).

M. Jacques Remiller, Rapporteur, a tout d’abord fait remarquer qu’en Europe et dans le monde, la protection des données s’était imposée comme un sujet politique et juridique de premier plan, tant en raison de la vitesse des évolutions technologiques que du fait des impératifs liés à la lutte contre le terrorisme international et le crime organisé.

Il a rappelé que la Convention n°108 du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981 relative à la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel était entrée en vigueur le 1er octobre 1985. Ratifiée par la France en mars 1983, elle constitue le premier instrument international contraignant ayant pour objet de protéger les personnes contre l’usage abusif du traitement automatisé des données à caractère personnel et de règlement des flux transfrontaliers de données. Ouvert à la signature le 8 novembre 2001, le Protocole additionnel relatif aux autorités de contrôle et aux flux transfrontières de données – qui fait l’objet du présent projet de loi adopté par le Sénat – vise à conforter la mise en œuvre effective de la Convention.

La question de la protection des données a pris une importance croissante depuis l'élaboration de la Convention du Conseil de l’Europe, il y a plus de vingt-cinq ans. Les « autoroutes de l’information » permettent en effet désormais de transférer en temps réel et à l'échelle de la planète une quantité considérable d'informations personnelles. Dans ce contexte, il est nécessaire de s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre pour protéger le droit à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel.
Alors qu’il ne devrait pas être fait de différence selon que les opérations de traitement des données s'effectuent dans un seul ou dans plusieurs pays, le Rapporteur a fait observer que le niveau de protection faiblissait lorsque l'aire géographique s'élargissait. Les utilisateurs de données personnelles pourraient ainsi être tentés d'éviter les contrôles en déplaçant leurs opérations, en totalité ou en partie, vers des « paradis de données », c'est-à-dire dans des pays ayant des lois sur la protection des données moins strictes, voire une absence de législation.

Ce sont ces considérations qui ont motivé la signature du présent Protocole additionnel relatif aux autorités de contrôle et aux flux transfrontières de données, lequel est entré en vigueur le 1er juillet 2004. Constitué d’un préambule et de trois articles, il ne traite pas des principes fondamentaux, déjà garantis par la Convention, mais des moyens de les mettre effectivement en œuvre.

Ce Protocole additionnel impose l’institution d’une autorité de contrôle dans les Etats Parties à la Convention tandis qu’il soumet à conditions le transfert des données à caractère personnel vers les pays non Parties à la Convention.

Or tous les Etats membres de l’Union européenne sont déjà tenus, en vertu de la directive 95/46/CE du 24 octobre 1995, par l’obligation d’instaurer une autorité de contrôle. Ce n’est donc une obligation nouvelle que pour les seuls pays signataires non membres de l’Union européenne. Pour ce qui est de la France, notre pays dispose depuis l’entrée en vigueur, en 1978, de la loi « informatique et libertés », d’une autorité de contrôle à travers la CNIL, dont les pouvoirs ont été sensiblement renforcés par la loi du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel.

En ce qui concerne le transfert de données à caractère personnel vers un destinataire non soumis à la juridiction d’une Partie à la Convention, l’article 2 du Protocole additionnel n’autorise le transfert de données que vers un Etat ou une organisation assurant un niveau de protection adéquat. La possibilité est toutefois prévue de déroger au principe de niveau adéquat de protection lorsque des intérêts légitimes prévalent, en particulier des « intérêts publics importants ».
En soumettant les Parties signataires à des obligations similaires à celles auxquelles elles sont déjà liées du fait de leur appartenance à l’Union européenne, ce Protocole additionnel illustre la duplication qui peut exister entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.

Le Rapporteur a alors souligné l’influence de la Convention du Conseil de l’Europe du 28 janvier 1981 sur la communautarisation du droit à la protection des données personnelles, à travers l’adoption de la directive de 1995 sur l’harmonisation des législations nationales relatives au traitement des données à caractère personnel. Cette directive fixe les lignes directrices encadrant le traitement de données à caractère personnel, et s'applique dès lors que l'activité du responsable du traitement des données relève du champ des compétences communautaires (c’est-à-dire le premier pilier de l’Union européenne).

En revanche, il n’existe pas encore de dispositif général, au sein de l’Union européenne, pour la protection des données dans le champ de ce que l’on appelle le troisième pilier, c’est-à-dire les activités de coopération judiciaire et policière. Les Etats membres négocient actuellement une proposition de décision-cadre de la Commission européenne. En attendant que ces négociations aboutissent – si elles aboutissent – c’est bien la Convention du Conseil de l’Europe (et son protocole additionnel) qui s’appliquent.

En conclusion, le Rapporteur a indiqué que ce Protocole additionnel ne contenant pas d’obligations nouvelles pour les Etats membres de l’Union européenne, son intérêt était finalement d’étendre aux pays non membres de l’Union européenne l’obligation d’instaurer des autorités de contrôle pour veiller au respect de la protection des données personnelles. A cet égard, il s’agit d’un progrès incontestable. Par ailleurs, en l’absence de cadre juridique commun pour la protection des données dans le cadre des activités relevant du troisième pilier de l’Union européenne (justice et affaires intérieures), la Convention du Conseil de l’Europe, d’application générale et à vocation universelle, demeure le point de référence pour l’élaboration, par l’Union européenne, d’un nouvel instrument sur la protection des données personnelles.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3564).

Russie : accord relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d’armes chimiques en Fédération de Russie

La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jacques Remiller, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Fédération de Russie relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d’armes chimiques en Fédération de Russie (n° 3620).


M. Jacques Remiller, Rapporteur,
a fait observer que la réduction de la menace posée par les stocks d’armes de destruction massive en Russie était un objectif de long terme, qui devait être poursuivi sans relâche pour être efficace. Quelques kilogrammes de matières fissiles, une faible quantité de gaz sarin suffisent à un groupe terroriste pour mener à bien ses objectifs. Or c’est comme un véritable « archipel toxique » que peut être décrite la Russie du point de vue chimique, avec les 40 000 tonnes d’armes chimiques que lui a léguées l’Union soviétique. Faut-il insister sur le danger extrême que représentent ces stocks ? Pour que ce danger disparaisse, il ne suffit pas, par exemple, de diminuer ce stock de 40 000 à 10 000 tonnes, mais bien de détruire tout le stock, dans la mesure où la réduction de la menace n’est en rien proportionnelle à la réduction des arsenaux. Pour reprendre les chiffres cités, la réduction des arsenaux chimiques de 75 % réduit au mieux la menace de 10 ou 20 %.

Or le désarmement chimique en Russie, auquel elle s’est engagée en signant la convention d’interdiction des armes chimiques de 1993, qui l’oblige à avoir détruit toutes ses armes chimiques d’ici à 2012, a pris un retard énorme. 3 % seulement de l’arsenal chimique russe avaient été détruits en 2006. Depuis 2002, trois seulement des sept usines de destruction prévues (Gorny, Kambarka et Maradykovo) ont été mises en activité. Notamment :

– l’usine de Gorny a permis la destruction de la totalité des armes entreposées sur le site entre 2002 et 2005, programme auquel ont participé l’Allemagne, l’Union européenne, les Pays-Bas, la Finlande et la Pologne ;

– l’usine de Kambarka est devenue opérationnelle à la fin du mois de décembre 2005, grâce à l’intervention de l’Allemagne, de l’Union européenne, des Pays-Bas, de la Finlande, de la Suisse et de la Suède.

La quatrième, située à Shchuch’ye en Sibérie occidentale et sur laquelle porte la coopération avec la France, devrait entrer en service en 2008. Les trois dernières (Kizner, Potchep et Leonidovka) seront mises en œuvre ultérieurement.

Ce retard intervient malgré l’engagement politique que représente le partenariat global en faveur de la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive, mis en place dans le cadre du G 8 en 2002, qui représente un cadre d’action essentiel à la mise en œuvre de la convention d’interdiction des armes chimiques conclue en 1993.

Au-delà de cet accord politique et de cette convention globale, il importe que chaque pays puisse mener à bien sa participation aux programmes de réduction de la menace posée par les stocks d’armes de destruction massive en Russie. Traditionnellement beaucoup plus présente dans le champ nucléaire, la France s’implique également de manière croissante en faveur du désarmement chimique de la Russie, domaine d’intervention privilégié de l’Allemagne. L’efficacité de son intervention sur le terrain est liée à l’entrée en vigueur de l’accord signé à Moscou, le 14 février 2006, entre la France et la Russie et relatif à une coopération en matière de destruction des stocks d’armes chimiques en Fédération de Russie, dont l’Assemblée est aujourd’hui saisie, après que le Sénat en a autorisé l’approbation le 25 janvier 2007.

La mise en place de ce cadre juridique, nécessaire à la coopération franco-russe, forme un préalable indispensable à notre participation aux projets de désarmement chimique en Russie. Il fournit en effet toutes les garanties indispensables, notamment quant à l’utilisation des fonds mobilisés, et à la protection des intervenants français (responsabilité civile, exemptions fiscales, délivrance des visas, etc.). L’accord identifie les organismes « habilités » à fournir l’assistance requise et à en bénéficier. Il s’agit, pour la partie française du Commissariat à l’Énergie atomique et, pour la partie russe, de l’Agence fédérale de l’industrie.

Cet accord comporte deux points essentiels :

– il prévoit plusieurs dispositifs permettant de faire échec aux multiples tracasseries administratives que les experts internationaux rencontrent si souvent en Russie, et que la France connaît par exemple dans son assistance au désarmement nucléaire et au retraitement du plutonium.

– il comporte des dispositions importantes en matière de transparence de l’affectation et de l’utilisation des fonds versés par la France. Au sein de 20 milliards de dollars promis par tous les participants au partenariat mondial, la France avait pris l’engagement en 2002 de consacrer, sur 10 ans, 750 millions d’euros aux actions du partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive. A l’heure actuelle, les projets identifiés portent sur environ 200 millions d’euros, mais seule une petite partie des fonds a été engagée, compte tenu du temps nécessaire à la réalisation des études de faisabilité et à la finalisation des arrangements pratiques avec la partie russe. Pour une large part, la coopération française s’est, pour l’instant, concrétisée par des actions d’expertise qui ne se traduisent pas nécessairement en dotations financières conséquentes.

C’est notamment l’article 7 qui vise à assurer une utilisation transparente des fonds publics français. Afin de garantir la bonne utilisation des moyens mis à disposition au titre de la coopération franco-russe, il prévoit que l’emploi des moyens financiers, des équipements et des moyens fournis à titre gracieux par la France pourra être vérifié par la Partie française, avec la collaboration de la Partie russe. Qui plus est, l’article 11 vise à empêcher un détournement des matériels mis à disposition de la Partie russe par la Partie française pour la mise en œuvre de l’accord.

Depuis la disparition de l’Union soviétique, c’est une course contre la montre qui se joue pour éviter que les fantastiques stocks d’armes de destruction massive accumulés par l’Union soviétique pendant la guerre froide ne tombent entre les mains d’États ou de groupes terroristes qui voudraient les utiliser en violation des règles internationales. Devant le retard pris en matière de désarmement chimique, il est temps d’accroître notre action de terrain. Le rapporteur a donc vivement recommandé l’adoption du projet de loi, au motif qu’il permettait à la France d’accroître considérablement sa participation aux programmes de désarmement chimique en Russie.

M. Hervé de Charette a déclaré qu’il était très inquiétant de constater qu’il y existait encore, sur le territoire de la Fédération de Russie et probablement dans quelques anciens Etats de l’Union soviétique, des stocks d’armes de destruction massive, hors de tout contrôle. Or le présent accord, pour aussi souhaitable qu’il soit, ne suffira pas à lui seul à changer la situation. Il a alors suggéré que la Commission des Affaires étrangères demande au ministère des Affaires étrangères ou au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de lui fournir de plus amples informations sur la situation actuelle, lui permettant ainsi d’apprécier l’action de la Communauté internationale et la priorité accordée à ce dossier dans l’agenda international.
Le Président Edouard Balladur
a proposé d’assortir l’approbation du présent accord d’une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères, qui reprendrait l’énuméré des problèmes soulevés et des solutions qui pourraient être envisagées d’y apporter. L’approbation de cet accord ne suffira certainement pas à régler tous les problèmes, mais il faut, avec lucidité, faire un pari sur l’avenir.

M. Guy Lengagne a dit partager l’analyse de M. Hervé de Charette, faisant remarquer que le problème ne concernait d’ailleurs pas seulement les armes de destruction massive puisqu’il serait actuellement possible de se procurer une kalachnikov pour à peine cinquante euros ; ceci révèle l’existence incontestable d’un trafic très inquiétant. Évoquant ensuite une préoccupation d’ordre écologique, il s’est demandé ce qu’il allait advenir des sous-marins nucléaires qui s’accumulent dans le port de Mourmansk ; il s’agit d’une source de pollution très importante qui représente, potentiellement, plusieurs bombes atomiques. Il a également indiqué qu’un certain nombre d’armes chimiques étaient déversées par les Russes dans la Mer Baltique dans une zone où, entre Kaliningrad et la Finlande, des armes allemandes datant de la deuxième guerre mondiale se trouvent également au fond de la mer.

M. Jacques Remiller s’est associé aux remarques formulées par ses collègues et a déploré que la Russie multiplie les tracasseries administratives pour ralentir le processus de destruction des stocks d’armes chimiques ; or il est indispensable d’agir vite. De nombreux Etats ont déjà conclu des accords similaires, et il est urgent que celui-ci entre en vigueur le plus rapidement possible. Il a alors rappelé que le présent accord s’inscrivait dans le cadre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, lancé en juin 2002 lors du sommet du G8 de Kananaskis. Les pays du G8 s’étaient alors engagés à appuyer des projets de coopération, en premier lieu avec la Russie, pour promouvoir la non-prolifération, le désarmement, la lutte contre le terrorisme et la sûreté nucléaire. Quatre priorités avaient alors été identifiées à cet effet : la destruction des armes chimiques, le démantèlement des sous-marins nucléaires, l’élimination des matières fissiles et le recrutement d’anciens chercheurs du secteur de l’armement.

M. Jean-Paul Bacquet a repris à son compte les inquiétudes formulées par M. Hervé de Charette. On ne peut pas voter contre un accord de coopération de ce type, tout en restant lucide sur son utilité dès lors que l’on connaît l’existence d’une économie parallèle et que l’on sait que toutes les armes ne sont pas recensées. Il a distingué la non prolifération, la destruction et la non utilisation des armes de destruction massive puis a rappelé l’utilisation « à bon escient » d’armes chimiques par le gouvernement russe lors de la prise d’otage, par des terroristes Tchétchènes, dans un théâtre de Moscou. Dans tous les endroits du monde où sévit le terrorisme, on retrouve des armes russes qui ne sont pas arrivées là par hasard. Il semble même qu’il y ait eu, au Liban, des sous-officiers français impliqués dans un trafic d’armes russes.




Conformément aux conclusions du Rapporteur suppléant, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3620).

Accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens avec le Royaume du Maroc
La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean Roatta, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part (n° 3731).

M. Jean Roatta, Rapporteur, a rappelé que le projet de loi autorisant la ratification de l’accord euro–méditerranéen relatif aux services de transport aérien, signé à Bruxelles, le 12 décembre 2006, entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le royaume du Maroc d’autre part, avait été adopté par le Sénat lors de sa séance du 15 février 2007.

L’accord en question a été négocié par la Communauté européenne en vertu d’un mandat que lui avait conféré le Conseil des ministres des transports en décembre 2004. L’objectif de ce texte est l’intégration totale du Maroc, à terme, dans l’espace aérien commun européen. Cette intégration se manifestera par l’application aux relations aériennes entre les Etats membres de la Communauté européenne et le Maroc de l’ensemble des principes en vigueur au sein de la Communauté, tant au plan économique et commercial que réglementaire.

Cet accord qui peut paraître technique s’inscrit dans la volonté européenne d’élargir l’espace aérien commun à l’ensemble des pays voisins de la Communauté européenne. Il ne faut pas s’y tromper ; il s’agit là d’un texte important dans le projet plus global des Européens qui est de construire dans leur proche voisinage, et singulièrement au Sud de la Méditerranée, un espace intégré qui permette de stabiliser les abords de la Communauté en offrant à ces pays voisins de meilleures conditions de coopération avec l’Europe et de développement économique.

Ainsi, la Communauté européenne a déjà conclu un accord de ce type avec les pays des Balkans occidentaux en juin 2006. Une négociation va être ouverte prochainement avec l’Ukraine. Quant au Maroc, il est le premier pays non européen à avoir signé un tel accord. Gageons que ce texte fera figure de référence dans les relations aéronautiques entre l’Union et les autres pays de la rive méditerranéenne.

Si la Communauté a tout intérêt à signer de tels accords, il en est de même également pour le Maroc. Ce texte ouvre la perspective d’un renforcement de la desserte aérienne du Royaume, qui s’est d’ailleurs déjà considérablement améliorée depuis la politique de libéralisation engagée en 2004. Cela est évidemment de nature à renforcer l’industrie du tourisme dans ce pays ainsi que ses échanges avec la France.

M. Jean Roatta a rappelé que l’on observait depuis quelques années le développement d’accords dits de « ciel ouvert » dans le domaine du transport aérien international. L’Europe s’inscrit dans ce mouvement et l’accord signé à Bruxelles, à la fin de 2006, avec le Maroc, l’illustre. Par cet accord, non seulement « l’espace aérien européen commun » va se trouver renforcé, mais, de plus, l’économie marocaine va pouvoir bénéficier d’un nouveau facteur de développement.

C’est en 1987, qu’a été lancé le mouvement d’intégration européenne dans le domaine des services aériens. Peu à peu, on a procédé à un remplacement progressif du système fondé sur un réseau d’accords bilatéraux par l’application uniforme de principes communautaires conformes à l’objectif du marché unique : la suppression des restrictions imposées en matière de propriété des compagnies aériennes, d’accès aux marchés, de volume de trafic ou de tarifs. Depuis 1997, les marchés domestiques des différents membres de la Communauté européenne sont ouverts à la libre concurrence pour tous les transporteurs aériens immatriculés au sein de la Communauté. Dans le même temps, les procédures administratives et la réglementation technique du transport aérien ont été harmonisées.

Plusieurs décisions importantes de la Cour de justice des Communautés européenne du 5 novembre 2002 ont clarifié les compétences respectives de la Communauté et des Etats membres. La Cour a notamment déclaré que la Communauté européenne dispose d’une compétence externe en droit du transport aérien du fait de l’exercice de sa compétence interne, « lorsque les engagements internationaux relèvent du domaine d’application des règles communes » ou, en tout cas, « d’un domaine déjà couvert en grande partie par de telles règles ». La Cour observe ainsi que « lorsque la Communauté a inclus dans ces actes législatifs internes des clauses relatives au traitement à réserver aux ressortissants des pays tiers, elle acquiert une compétence externe exclusive dans la mesure couverte par ces actes ». 

Au-delà de la création de ce marché intérieur, les autorités européennes entendent aussi développer, à l’extérieur des frontières de la Communauté, un espace aérien européen commun (EAEC) où s’appliqueraient des règles uniformes, tant sur le plan économique et commercial que sur le plan des normes de sécurité et de contrôle. Cette harmonisation destinée à garantir les conditions de sécurité les plus élevées et une concurrence loyale doit toucher, en premier lieu, les pays voisins de l’Europe.

C’est dans cette perspective que le Conseil a adopté une « feuille de route » en juin 2005 et s’est fixé pour objectif la création d’un espace aérien commun élargi avec les pays voisins d’ici 2010.

Un premier accord a été signé, en juin 2006, avec huit pays ou territoires des Balkans occidentaux : l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, la Macédoine, la Roumanie, la Serbie-et-Monténégro et la mission des Nations unies au Kosovo. Cet accord a également été conclu avec l’Islande et la Norvège.

Le Maroc est le premier Etat non européen à bénéficier de cette politique. Ce n’est pas un hasard si ce pays a été l’objet de cette première attention. En effet, la France a milité avec force pour qu’une priorité soit donnée au Maroc, sur le fondement de sa participation active au processus euro–méditerranéen de Barcelone. La référence au processus euro–méditerranéen apparaît dans le titre même de l’accord qui est aujourd’hui soumis à l’Assemblée nationale. Son préambule ouvre la voie à un processus plus large pour lequel cet accord constituera « une référence dans les relations aéronautiques euro–méditerranéennes afin d’exploiter pleinement les avantages de la libéralisation dans ce secteur économique essentiel ».

Il faut observer enfin que la politique de constitution d’un « espace aérien européen commun » est accompagnée d’un processus de négociation de nouveaux accords aériens globaux avec des partenaires extérieurs à l’Europe. Il s’agit d’améliorer l’ouverture des marchés et la convergence réglementaire avec ces pays tiers. Un accord a été finalisé en ce sens avec les Etats-Unis. Des négociations doivent se poursuivre avec la Chine, l’Inde, l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou le Chili.

Si cet accord est important dans le projet européen de constituer un espace aérien cohérent, il est également essentiel pour le Maroc.

L’amélioration de la desserte aérienne du Maroc est l’une des conditions du développement touristique de ce pays qui mène, en ce domaine, une politique volontariste. Le Maroc a adopté, en 2001, un plan ambitieux baptisé « vision 2010 » ; il se fixe des objectifs chiffrés très précis. En matière d’arrivées touristiques, le Maroc entend atteindre les 10 millions de touristes contre 6,5 millions en 2006 (dont 1,6 million de Français). La capacité hôtelière passerait à 230 000 lits contre 110 000 lits en 2003. Il s’agirait également de créer 600 000 emplois nouveaux soit un quasi-doublement par rapport à 2003. Enfin, les autorités marocaines entendent renforcer la contribution du tourisme au PIB national pour la porter à près de 20 % en 2010.

Pour atteindre cet objectif, les autorités marocaines ont déjà entamé, en 2004, une libéralisation de leur trafic aérien afin d’inciter de nouveaux opérateurs, étrangers, à desservir le Maroc. En effet, en dépit de la création récente de deux compagnies marocaines à bas prix (« low cost »), seule la venue de ces opérateurs extérieurs peut permettre un tel développement du trafic, en particulier grâce à des vols sans escale desservant directement les principales destinations touristiques que sont Marrakech, Agadir ou Fès. Depuis 2004, le nombre de compagnies étrangères assurant des vols réguliers vers le Maroc a d’ailleurs doublé en passant de 22 à 44. Le trafic aérien s’est ainsi accru de manière spectaculaire ; le nombre de passagers internationaux, qui s’était stabilisé à 5 millions de passagers par an de 2000 à 2003, a atteint plus de 7 millions de passagers en 2005 ; il devait dépasser les 8 millions de passagers en 2006.

L’accord euro–méditerranéen sur les services aériens qui est soumis aujourd’hui à l’Assemblée nationale doit permettre de renforcer cette tendance en facilitant la desserte. Le Maroc espère pouvoir créer, chaque année, environ une centaine de nouvelles fréquences hebdomadaires pour atteindre son objectif de 15 millions de passagers internationaux d’ici 2010.

On ne peut que se satisfaire de cette perspective qui devrait renforcer le processus de modernisation et de développement économique de ce pays important sur la rive sud de la Méditerranée. On n’insistera pas ici sur les relations d’amitié qui unissent profondément le Maroc à la France dans tous les domaines, économiques, politiques, culturels, tout simplement humains. L’Europe a tout à gagner à soutenir l’essor de ce pays exemplaire à plus d’un titre, qui essaie de trouver une voie médiane, empreinte d’une grande sagesse, entre ouverture au monde et respect de son identité. On peut être assuré qu’en encourageant le progrès dans ce pays, on pourra conforter le Maroc dans son rôle de pôle de stabilité en Afrique du Nord, pour le bénéfice à la fois des Marocains, des Africains en général et des Européens.

A n’en point douter la mise en application de cet accord constituera une avancée notable dans les relations entre la Communauté européenne et le Maroc. Il s’agira là d’un signal très positif à destination également des autres pays de la rive sud de la Méditerranée dont la stabilité et le développement économique constituent un objectif stratégique pour les Etats européens.

Lorsque la France et le Maroc auront ratifié cet accord, il s’appliquera immédiatement aux relations aériennes entre les deux pays comme le prévoit l’article 30 de l’accord, et ce sans attendre que l’ensemble des pays de la Communauté aient procédé à la ratification. La France a donc tout intérêt à ce que ce texte entre en vigueur dans les meilleurs délais conformément à l’excellence de ses relations avec le Royaume du Maroc.

M. Hervé de Charette a observé qu’on avait rarement mis tant de célérité à ratifier un accord : celui dont l’Assemblée est ici saisie a été signé en décembre 2006 et le Sénat a adopté, le 15 février 2007, le projet de loi qui en autorise la ratification. Cela illustre la qualité des relations entre la France et le Maroc, ce dont il faut se réjouir. Cependant, il faudrait prendre garde à ce que les relations que la France entretient avec les pays d’Afrique du Nord n’apparaissent pas déséquilibrées, l’Algérie et la Tunisie pouvant en prendre ombrage.

M. François Loncle a déclaré partager en grande partie les préoccupations exprimées par M. Hervé de Charette, s’interrogeant sur le fait que la Tunisie n’ait pas bénéficié, à ce jour, d’un tel accord.

M. Jean Roatta, Rapporteur, a rappelé que de tels accords étaient signés avec la Communauté européenne et ses membres, la France ne maîtrisant, dès lors, pas le calendrier des négociations. De plus, contrairement à la Tunisie et à l’Algérie, le Maroc est très peu desservi par voie maritime en attendant que soit mis en service le nouveau port de Tanger qui s’annonce comme l’un des plus beaux de la Méditerranée. 80 % des 1,6 million de Français qui se rendent chaque année au Maroc prennent l’avion, 17 % la voiture et 70 000 seulement partent de Sète par voie maritime. Il s’est déclaré favorable à ce qu’un accord aérien semblable soit signé dans les meilleurs délais avec la Tunisie et d’autres pays, celui signé avec le Maroc ayant de ce point de vue une valeur exemplaire.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3731).


*
* *
???

Information relative à la commission

Le mardi 13 février 2007, M. Jean Roatta a été nommé rapporteur du projet de loi, déposé sur le bureau du Sénat, autorisant la ratification de l'accord euro-méditerranéen relatif aux services aériens entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et le Royaume du Maroc, d’autre part.
_____