COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 2

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 9 juillet 2002
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, Président

SOMMAIRE

 

pages

   

- Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

2

- Informations relatives à la Commission

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Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense.

Mme Michèle Alliot-Marie a d'abord indiqué aux membres de la commission de la défense que les forces françaises de la SFOR stationnées en Bosnie-Herzégovine viennent d'arrêter le criminel de guerre Radovan Stankovic, immédiatement transféré à La Haye, ce qui porte à huit le nombre total de criminels de guerre arrêtés par les soldats français en ex-Yougoslavie.

Elle a ensuite souligné que les troupes françaises sont aujourd'hui engagées sur plusieurs théâtres d'opérations : en Afrique, 1 300 militaires participent à des opérations, en particulier au Sahara occidental, en Sierra Leone, en Erythrée, en République Démocratique du Congo et au Cameroun. Au Moyen et au Proche-Orient, 450 militaires sont engagés au Liban, au Sinaï, au Koweït et en Arabie Saoudite.

Au Kosovo, la force de l'OTAN compte 39 000 hommes, dont 5 000 Français. Elle est commandée par un Français, le Général Valentin. La France a la responsabilité du secteur le plus sensible, le secteur nord de Mitrovica, où plus de 3 200 soldats français effectuent des missions difficiles dans un contexte tendu. Si des progrès considérables ont été réalisés depuis l'arrivée de la KFOR, la situation générale est loin d'être stabilisée et les tensions interethniques restent sous-jacentes.

En Bosnie-Herzégovine, 2 200 Français prennent part à l'opération Salamandre. Dans ce pays, la situation présente des signes encourageants de stabilisation. C'est pourquoi il a été décidé lors de la dernière réunion des ministres de la défense de l'OTAN une réduction d'un tiers des effectifs.

La Macédoine accueille actuellement une opération de faible envergure, mais d'une grande signification politique. La présence des 600 hommes, dont 180 Français, qui composent le bataillon multinational basé à Skopje a permis d'éviter un conflit qui aurait eu des conséquences graves pour le continent européen.

Enfin, après les attentats du 11 septembre 2001, la France est intervenue de plusieurs façons en Afghanistan, aux côtés des Américains et des pays coalisés. Le groupe aéronaval est rentré à Toulon le 1er juillet, après sept mois de campagne, alors que durant la même période trois porte-avions américains se sont relayés. Un dispositif naval de deux bâtiments, ainsi que des moyens de surveillance, sont maintenus sur place. Les Mirage 2000 basés à Manas poursuivront également leur mission au profit de la coalition, jusqu'à une relève européenne prévue le 1er octobre prochain. A Kaboul, la France fournit plus de 400 hommes à la force internationale d'assistance et de sécurité. Ces soldats opèrent dans des conditions particulièrement éprouvantes. Deux d'entre eux ont d'ailleurs été gravement blessés il y a quelques jours au cours d'une opération de déminage et ils ont été immédiatement rapatriés. Le comportement des forces françaises est reconnu comme exemplaire.

Sur le territoire national, plus d'un millier de militaires participent, depuis le 11 septembre, au renforcement de la sécurité générale aux côtés des forces de police et de gendarmerie. Le renforcement de la défense aérienne est assuré par quatre terrains de permanence opérationnelle, chacun ayant constamment deux avions prêts à décoller. Il nécessite l'engagement de 215 militaires, dont une centaine pour la protection de La Hague et de l'Ile Longue, tandis que 150 marins et gendarmes maritimes participent au plan Vigimer.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite évoqué le budget de son ministère. Alors qu'en 1997, le budget de la défense représentait 12,3 % du budget de l'Etat, il est passé en 2002 à 10,8 %. En 1997, le budget de la défense représentait 2,3 % du PIB contre 1,9 % cette année. Enfin, en 1997, le budget de la défense s'élevait à 29,11 milliards d'euros contre 28,91 milliards d'euros courants en 2002, soit un pouvoir d'achat en diminution de 6 % sur la période.

Le budget de la défense semble avoir été considéré comme une variable d'ajustement du budget de l'Etat et cette démarche a nui à la modernisation des capacités militaires, puisque les crédits d'équipement ont diminué de 14 % sur la même période. En retardant le remplacement de certains matériels majeurs, en sacrifiant l'entretien des matériels, cette politique a contribué à dégrader la capacité opérationnelle de nos armées et porté atteinte à la crédibilité de notre défense, en aggravant notamment le retard de notre effort de défense par rapport à celui de la Grande-Bretagne, tout en affectant le moral des armées.

Il était donc fondamental de donner un signal fort qui passe par un effort budgétaire important d'autant plus justifié que le ministère de la défense est la seule administration à avoir effectué une profonde mutation, la professionnalisation, tout en continuant à remplir pleinement ses missions. Les armées constituent de ce point de vue un modèle pour l'ensemble des autres administrations de l'Etat, leur personnel manifestant un sens du service et des responsabilités, ainsi qu'une capacité d'initiative et d'adaptation, remarquables. Il convient en conséquence de leur fournir les moyens matériels à la hauteur des efforts consentis, de façon aussi à leur manifester la reconnaissance de la population et de l'Etat.

La ministre a conclu qu'elle-même comme les membres de la commission avaient un grand rôle à jouer pour valoriser l'action de ces personnels, qui s'engagent souvent très jeunes à protéger et à servir, jusqu'au sacrifice éventuel de leur vie.

Mme Michèle Alliot-Marie a ensuite indiqué que son objectif principal est de restaurer la confiance, aussi bien entre les armées et nos concitoyens, qu'entre les armées et nos partenaires étrangers.

Le premier point passe tout d'abord par la qualité d'écoute et la restauration du dialogue. La ministre a indiqué que c'était la raison de ses nombreux déplacements sur le terrain, notamment sur les théâtres d'opérations extérieures. Ayant par ailleurs présidé par deux fois le conseil supérieur de la fonction militaire, elle a, à travers un dialogue très libre, pu constater à quel point les demandes des personnels portent avant tout sur les équipements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions, plutôt que sur les questions catégorielles. La ministre entend également recevoir l'ensemble des syndicats des personnels civils de la défense.

Redonner confiance aux forces armées passe aussi à l'évidence par des équipements de pointe, comme en témoigne la fierté des militaires français d'avoir pu assurer des missions essentielles en Afghanistan et au Pakistan, en forçant l'admiration de nos partenaires et notamment des États-Unis. Cet impératif implique que la prochaine loi de programmation militaire, en cours de préparation, soit à la hauteur de l'enjeu et permette à nos armées d'aborder dans de bonnes conditions la mise en _uvre du modèle d'armée 2015, récemment actualisé à la lumière des mutations stratégiques, notamment à la suite des attentats du 11 septembre. Le retard de financement d'un an qui a été pris pendant l'exécution de la précédente loi de programmation militaire devra être rattrapé.

En ce début de législature, le Parlement aura à examiner le collectif budgétaire destiné à financer, d'une part, les engagements indemnitaires pris envers la gendarmerie et l'ensemble des militaires en février dernier et, d'autre part, les opérations extérieures dont le financement n'a pas été pris en compte par la loi de finances initiale. Il est regrettable que par le passé le financement des opérations extérieures ait été assuré par des ponctions sur les crédits d'investissement. Il est souhaitable qu'à l'avenir, au moins une partie des financements nécessaires aux opérations extérieures soit prise en compte dès la loi de finances initiale.

L'examen du projet de loi de programmation militaire devrait avoir lieu avant la fin de l'année, au moins en ce qui concerne la première lecture à l'Assemblée nationale.

A propos de la restauration du lien de confiance entre les armées et les Français, la ministre de la défense a considéré que les membres de la commission de la défense pourraient utilement apporter leur contribution en se rendant régulièrement auprès des forces, sur le terrain, afin de leur manifester l'estime de la représentation nationale. Avec la suppression du service national, force est de constater que le lien entre l'armée et la nation a été affecté. Il conviendra de compenser ce manque par des actions de communication et de promotion des armées. De ce point de vue, les réserves, en dehors de leur rôle opérationnel, sont appelées à jouer un rôle important. La loi de professionnalisation n'a d'ailleurs pas permis de régler totalement cette question des réserves, lesquelles restent à ce jour numériquement insuffisantes.

Enfin, la ministre a indiqué qu'il conviendra de restaurer la confiance que ses partenaires étrangers portent à la France, l'insuffisance des crédits d'équipement entraînant une perte de considération et de confiance, qui bénéficie en premier lieu à nos alliés anglo-saxons. Une telle situation est de nature à porter ombrage au grand projet, pourtant indispensable, d'une Europe de la défense. C'est à nous de convaincre nos partenaires européens d'acheter du matériel français plutôt que du matériel américain.

Après l'exposé de la ministre, le président Guy Teissier a souligné l'importance de son message sur le rôle des parlementaires et l'a assurée qu'il avait été entendu : les députés iront sur le terrain, afin de manifester leur reconnaissance du travail accompli par les forces armées.

En ce qui concerne les réserves, il a estimé qu'elles traversaient une crise et a proposé la création d'une préparation militaire pour les jeunes gens, laquelle pourrait être accompagnée d'une rémunération ou de mesures incitatives telles que des bourses d'études.

Il a ensuite salué la capacité de rénovation de l'armée : peu d'entreprises auraient réussi la mutation impliquée par la disparition de la conscription et la réduction du format des armées.

Enfin, après avoir souligné la qualité des hommes et des femmes composant les forces armées, le président Guy Teissier a également rappelé les éléments qui pesaient sur le moral des armées, tels que la multiplication des opérations extérieures, l'éloignement familial qui en résulte, la faible disponibilité des matériels, l'emploi pas toujours justifié des forces armées dans des tâches diverses ou plus généralement les conditions de vie ; il a donc demandé à la ministre quelles mesures elle envisageait pour remédier à ces difficultés, ainsi que ses propositions pour resserrer le lien entre l'armée et la nation.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné que la constitution de réserves était une véritable préoccupation et s'est montrée intéressée par toute suggestion que la commission pourrait lui faire à ce sujet. Les solutions à ce problème sont multiples et il convient de distinguer les mesures à prendre en faveur des réservistes et celles en direction des entreprises qui les emploient et qu'il faut sensibiliser à l'importance du rôle des réserves.

Abordant la question du moral des personnels engagés dans des opérations extérieures, elle a observé que l'éloignement était moins vécu comme une contrainte par ces derniers que par leurs familles. L'intérêt des missions y est pour beaucoup. Il faut non seulement dégager des moyens matériels appropriés, mais aussi desserrer les contraintes pesant sur des personnels qui ont simultanément contribué à la réussite de la professionnalisation, assuré des opérations extérieures plus nombreuses, fait face à des catastrophes naturelles et ont été sollicités de manière accrue sur le territoire national au titre des plans Vigipirate et Statère. Il conviendra à l'avenir de ne plus mobiliser les personnels des armées pour la réalisation de tâches ne relevant plus exclusivement de leur mission.

M. Yves Fromion, soulignant l'importance du lien entre l'armée et la nation, a estimé que le rôle du Parlement était devenu majeur en la matière ; le Parlement est véritablement l'âme du lien entre l'armée et la nation, tout particulièrement depuis la fin de la conscription.

Il a ensuite estimé que le Parlement devrait être mieux informé de l'état des forces armées ; rappelant que le chef d'état-major des armées avait évoqué, lors d'une audition, le risque de ruptures de capacités dans certains domaines, il a insisté sur l'importance de cette information afin que le Parlement puisse se prononcer pleinement sur les orientations à venir. Il a aussi, en conséquence, souhaité une meilleure association du Parlement à la préparation de la loi de programmation militaire.

Enfin, soulignant l'importance d'une industrie d'armement puissante pour le maintien d'une défense autonome et crédible, et donc celle de crédits d'équipement suffisamment importants, M. Yves Fromion a demandé à la ministre de dresser un état des lieux de la situation actuelle ainsi que les perspectives envisagées.

Après avoir rappelé le rôle important des parlementaires dans le renforcement du lien armées-nation, Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'elle présenterait des propositions à ce sujet. Puis, elle a souligné qu'il n'existait pas actuellement de rupture capacitaire, seulement des risques de rupture, compte tenu des retards accumulés à l'occasion de la mise en _uvre de la loi de programmation militaire 1997-2002, obérant à moyenne échéance certains secteurs, notamment dans le domaine du transport de troupes. Si la location d'aéronefs peut constituer une solution dans l'urgence, seul un accroissement des crédits prévus en faveur de certains programmes dans la prochaine loi de programmation militaire apportera une réponse durable à ce problème.

La ministre a ensuite évoqué la situation des industries publiques d'armement. En pleine mutation statutaire dans un secteur de la construction navale en évolution, DCN dispose d'une visibilité de plan de charge qui lui permet d'aborder dans de bonnes conditions une transformation dont le succès est néanmoins conditionné par des alliances au niveau européen. En dépit de compétences indéniables dans le domaine de l'armement terrestre, la situation de Giat-Industries est en revanche plus délicate, en raison notamment de projets industriels mal évalués et d'un réajustement insuffisant du niveau des effectifs. Enfin, la société nationale des poudres et des explosifs (SNPE) pourra rouvrir deux de ses unités de production intéressant le ministère de la défense à Toulouse, mais elle reste confrontée à un problème d'équilibre financier du fait de l'impossibilité de reprendre, pour des raisons légitimes, sa production de phosgène sur ce site.

Après avoir approuvé l'initiative de la ministre de se rendre auprès des militaires engagés dans certaines opérations extérieures, M. Jean-Michel Boucheron a indiqué que le groupe socialiste observera toujours une attitude constructive, même s'il sera amené parfois à adopter des positions critiques, car le débat sur la défense nationale doit se situer en dehors des enjeux partisans.

Après s'être réjoui de l'arrestation, à l'initiative du contingent français de la SFOR, d'un criminel de guerre en Bosnie-Herzégovine, il a souhaité formuler quelques commentaires sur l'intervention de la ministre. Ainsi, si les budgets sont trop souvent en deçà des niveaux souhaitables, il a estimé qu'on pouvait savoir gré au Gouvernement en fonction entre 1997 et 2002 d'avoir mis en _uvre le difficile défi de la professionnalisation des armées et de la restructuration de l'outil de défense, tout en améliorant la transparence de la gestion du ministère. M. Jean-Michel Boucheron a espéré que la ministre parviendra à obtenir et dépenser les crédits qu'elle estime nécessaires.

Il a ensuite souligné que les enjeux portent certes sur le niveau du titre V, mais également sur la fidélisation des recrutements, pour laquelle des financements supplémentaires seront nécessaires, et sur l'affirmation d'une Europe de la défense en contrepoids de la défense américaine. Sur ce dernier point, après avoir évoqué les difficultés rencontrées par les forces spéciales françaises à dialoguer en opération avec les forces spéciales américaines en raison du caractère spécifique, au-delà des normes de l'OTAN, des équipements de celles-ci, il a demandé à la ministre si elle avait eu l'occasion de constater de telles situations sur le terrain et si elle avait conduit des discussions avec ses homologues américains à ce sujet et sur l'approche qu'ils avaient désormais de l'OTAN.

Mme Michèle Alliot-Marie a justifié sa perception d'un budget insuffisant par son constat d'une situation avérée. Elle a admis le défi que représente la fidélisation des personnels et a insisté sur la nécessité de réfléchir aux moyens à leur accorder pour garantir l'intérêt de leurs missions.

Evoquant les relations entre les armées française et américaine, elle a jugé que, s'il est vrai que certaines critiques émanent du Pentagone, sur place l'interopérabilité des forces est effective. Les équipements français et américains sont de même niveau et si en Afghanistan seuls les moyens français ont été associés aux frappes, c'est parce qu'ils étaient les seuls aptes techniquement.

Elle a néanmoins ajouté que, si aucun infléchissement n'était donné aux financements des équipements des armées, un problème pourrait apparaître dans les années qui viennent, les Etats-Unis ayant engagé un effort financier et technologique très important dans des domaines cruciaux et souhaitant en même temps choisir leurs terrains d'intervention. La ministre a insisté sur l'importance de la réflexion menée par l'Union européenne sur ses capacités militaires, alors que l'OTAN connaît par ailleurs un certain vieillissement de ses structures, de ses processus de décision et de réaction par rapport aux crises, ce qui l'oblige aussi à une réflexion sur elle-même et ses capacités.

Elle a conclu à la nécessité d'approfondir l'analyse des problèmes capacitaires européens de manière que l'Europe ait une démarche propre et distincte de celle des Etats-Unis.

M. Jérôme Rivière a interrogé la ministre sur les objectifs et le calendrier de la future loi de programmation militaire.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que des groupes de travail étaient en place ; elle a indiqué que l'objectif de la loi de programmation militaire était de remplir les engagements annoncés par le Président de la République, notamment quant au rétablissement des moyens opérationnels, à la réalisation du modèle d'armée 2015 et à la continuité des capacités. Quant au calendrier, la loi de programmation militaire devrait être déposée, et si possible examinée en première lecture, à l'Assemblée nationale avant la fin de l'année.

M. François Lamy a demandé si la ministre envisageait de faire évoluer les instances de concertation des personnels pour favoriser le dialogue au sein des armées et, dans ce cas, jusqu'où ? Il l'a ensuite interrogée sur la possibilité d'inscrire une partie du surcoût des opérations extérieures en loi de finances initiale, rappelant qu'il s'agissait là d'une demande récurrente de la commission de la défense. Il a enfin formulé le voeu qu'il puisse être tiré profit de l'abondant travail réalisé par la commission de la défense de 1997 à 2002.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'il n'était pas dans son intention d'autoriser la création de syndicats au sein des armées. En revanche, la communication doit être améliorée. Les officiers ont un rôle et un devoir en la matière puisqu'il leur revient de prendre en considération les problèmes à l'échelon des unités et d'en faciliter la solution au niveau des conseils de la fonction militaire propres à chaque armée ou service, la ministre de la défense présidant seulement le Conseil supérieur de la fonction militaire, au niveau interarmées.

En ce qui concerne les opérations extérieures, elle a indiqué qu'elle souhaitait en effet provisionner une partie de leur coût dès le vote de la loi de finances initiale, le cas échéant en remplacement de crédits qui n'ont pas leur place au sein du budget de la défense.

Enfin, elle a convenu qu'il était tout à fait normal d'utiliser le travail déjà effectué et de profiter des idées émises à cette occasion.

M. Hervé Morin s'est déclaré satisfait des propos tenus par la ministre de la défense concernant notamment l'amélioration des conditions de fonctionnement et de l'entretien du matériel. Toutefois, il a observé que des faiblesses relevées dès le début des années 1990 semblaient persister une décennie plus tard : transport aérien, renseignement, frégates anti-aériennes...

Il a présenté plusieurs pistes de réflexion : devant les difficultés à augmenter le budget de la défense, il est certainement possible de réaliser des économies, notamment en matière de productivité des industries de défense. Par ailleurs, trop peu d'équipements sont communs aux différentes armées européennes. Il n'était certainement pas nécessaire de produire en même temps deux chasseurs européens différents, le Rafale et l'Eurofighter.

Il est indispensable de réformer profondément les industries de défense, sous peine de voir un certain nombre de sociétés connaître les mêmes difficultés que Giat-Industries. Il est sans doute également nécessaire de réactualiser les priorités de notre défense, en développant par exemple une réserve destinée à la défense du territoire.

Enfin, dans certaines régions dont la Haute-Normandie, de nombreux postes de gendarmes ne sont pas pourvus, ce qui peut avoir un effet de démobilisation au sein de cette arme. M. Hervé Morin a demandé quelles mesures étaient envisagées pour les pourvoir.

Mme Michèle Alliot-Marie a répondu que certaines faiblesses françaises apparues au cours de la guerre du Golfe avaient été corrigées, notamment en matière de renseignement satellitaire. De leur côté, les industriels de défense devront réaliser de substantiels efforts sur leurs coûts de production et sur leurs prix, non seulement pour réduire les coûts d'achat de nos armées, mais également dans une perspective d'exportation.

Elle a fait valoir que si des réserves sont évidemment nécessaires, la défense du territoire passe aussi par la nécessité d'anticiper sur les conflits qui peuvent avoir des répercussions notamment par le biais du terrorisme, et que c'était ce que fait la France en Afghanistan.

Enfin, elle a indiqué qu'un effort particulier est consenti à l'égard de la gendarmerie dans la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure ainsi que dans la loi de programmation militaire. Plusieurs milliers de postes sont créés ; en revanche, les délais de recrutement et de formation ne permettront pas de les pourvoir immédiatement. L'amélioration de l'équipement des gendarmes ainsi que la réhabilitation de certains logements de fonction feront également l'objet d'une attention particulière.

M. Gérard Charasse a attiré l'attention de la ministre de la défense sur les difficultés de Giat-Industries et de sa filiale Manurhin, actuellement en sous-activité malgré des tentatives pour développer des activités civiles. Les commandes pluriannuelles annoncées par le précédent gouvernement seront-elles confirmées pour 2002, et dans quel volume ? La privatisation de Giat-Industries a été évoquée. Qu'en est-il exactement ?

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'elle rendrait publique sa position sur Giat-Industries après avoir reçu la totalité des parties concernées. Se déclarant favorable aux commandes pluriannuelles, la ministre de la défense a déclaré que si certaines d'entre elles avaient déjà été passées, elles seraient honorées.

Après avoir salué la réfutation par la ministre des critiques injustes portées sur la qualité du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle, M. Jean-Yves Le Drian a rappelé que le Président de la République, évoquant le projet de loi de programmation militaire, avait fait part de son souci d'assurer la permanence à la mer d'un groupe aéronaval. Il a interrogé la ministre sur l'opportunité, pour en réduire le coût, d'une coopération avec les Britanniques, qui envisagent d'en faire construire deux, au moins pour la phase de conception et de développement, la construction restant de compétence nationale.

La ministre a indiqué que la volonté du Président de la République d'assurer une permanence de la présence à la mer impliquait effectivement à terme la construction d'un deuxième porte-avions, eu égard aux immobilisations techniques à prévoir du Charles-de-Gaulle dans le futur. En tout état de cause, le coût d'un deuxième exemplaire est toujours inférieur à celui d'un prototype. Une coopération avec les Britanniques est effectivement envisagée, mais elle reste pour l'instant suspendue à leur arbitrage entre un porte-aéronefs pour appareils à décollage vertical et un porte-avions classique à catapulte.

M. Axel Poniatowski a considéré que la mobilisation en faveur d'une amélioration du budget de la défense était une réelle nécessité, mais qu'elle ne devait pas occulter celle de la réalisation d'économies là où cela est possible. Il a signalé le déséquilibre entre le budget de fonctionnement et d'investissement, notant que la Grande-Bretagne disposait d'un budget supérieur d'environ 30 % au budget de la défense français alors que les effectifs y sont moins nombreux. Enfin, il a formulé plusieurs interrogations : un audit ou une réflexion sur la gestion de la maintenance est-il en cours ? S'agissant de la France, faut-il considérer que la priorité est de maîtriser seul tous les éléments techniques ou bien de coopérer avec d'autres Etats à la réalisation de plates-formes d'équipements communes ? En matière de dissuasion nucléaire, une réflexion est-elle en cours sur l'opportunité du maintien d'une double composante ? Enfin, en ce qui concerne le plan Vigipirate, ne serait-il pas possible d'alléger certaines mesures de sécurité qui affectent la vie quotidienne de nos concitoyens ?

La ministre a noté que le ministère de la défense reste l'un des ministères qui réalisent le plus d'investissements par rapport à ses dépenses de fonctionnement. Elle a précisé que son rôle consiste à obtenir les financements nécessaires, mais aussi à veiller à ce qu'il n'y ait pas de gaspillages. En la matière, des progrès et des économies peuvent encore être réalisés, notamment dans les rapports avec les industriels et tout particulièrement en matière de maintenance.

La différence de taille des budgets respectifs de la défense en France et en Grande-Bretagne est moins grande que ce qui est souvent avancé. Pour les effectifs, il convient de bien prendre en considération le fait que si la Grande-Bretagne dispose de forces terrestres plus réduites, c'est surtout parce qu'elle n'assure pas le même déploiement territorial outre-mer que la France et que de nombreux services, dont celui de santé, ont été externalisés. Il convient donc de raisonner à missions comparables.

Une large partie des programmes d'équipement des armées est d'ores et déjà réalisée dans le cadre d'une coopération internationale et cette tendance est appelée à se poursuivre. En ce qui concerne la politique de dissuasion nucléaire, la double composante sera maintenue. Enfin, les modalités de mise en _uvre du plan Vigipirate relèvent de la compétence du ministère de l'intérieur.

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Informations relatives à la commission

· La commission a procédé à la nomination de ses rapporteurs pour avis pour le projet de loi de finances pour 2003.

Ont été nommés :

- pour les crédits de la défense :

· Dissuasion nucléaire : M. Antoine CARRÉ

· Espace, communications et renseignement : M. Yves FROMION

· Marine : M. Charles COVA

· Air : M. Jean-Louis BERNARD

· Services communs (délégation générale pour l'armement, service de santé, service des essences) : M. Jean-Yves LE DRIAN

· Crédits d'équipement : M. François CORNUT-GENTILLE

· Forces terrestres : M. Joël HART

· Titre III et personnels civils et militaires d'active et de réserve : M. Pierre LANG

- pour les crédits des affaires étrangères : M. François LAMY

La commission a reporté à une séance ultérieure la désignation du rapporteur pour les crédits de la gendarmerie.

· Ont été nommés :

- M. Alain MOYNE-BRESSAND, rapporteur pour avis pour le projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure,

- M. Gérard CHARASSE, rapporteur pour avis pour le projet de loi de finances rectificative pour 2002.

· La commission a nommé Mme Marguerite LAMOUR en qualité de membre de droit de l'office parlementaire d'évaluation de la législation.

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