COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 9

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 26 octobre 2004
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de Mme Evelyne Ratte, secrétaire générale pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)


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Audition de Mme Evelyne Ratte, secrétaire générale pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu Mme Evelyne Ratte, secrétaire générale pour l'administration du ministère de la défense, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

Mme Evelyne Ratte a souligné que le projet de budget de la défense pour 2005, avec 32,92 milliards d'euros de crédits hors pensions, respectait pour la troisième année consécutive les dispositions de la loi de programmation militaire pour les années 2003-2008. L'enveloppe consacrée aux rémunérations et charges sociales, d'un montant de 14,17 milliards d'euros, sera en progression de 2,5 %. Avec une dotation de 3,55 milliards d'euros, les crédits de fonctionnement augmenteront de 3,12 % tandis que les crédits d'équipement, d'un montant de 15,2 milliards d'euros, seront revalorisés de 2,5 %. Le titre III représentera 54 % des crédits du ministère et le titre V 46 %.

Le secrétariat général pour l'administration (SGA) compte 7 334 emplois, dont 76 % sont civils et 24 % militaires, soit une déflation de 120 postes par rapport à 2003. La grande majorité de ces emplois est localisée dans des services déconcentrés, au sein des directions départementales des anciens combattants notamment, de sorte que 27 % seulement de l'effectif total se trouvent en administration centrale. En 2005, le volume des personnels du SGA va continuer à diminuer, sous l'effet cumulatif du non remplacement de départs à la retraite et de mesures de repyramidage, et ce malgré les transferts dont il sera le bénéficiaire du fait du regroupement sous son contrôle du service historique de la défense.

Les crédits d'investissement du SGA évolueront à la hausse avec des autorisations de programme en augmentation de 21 %, à 155 millions d'euros, et des crédits de paiement en progrès de 29 %, à 182 millions d'euros. Ces crédits permettront, en particulier, d'instituer un fonds interarmées de dépollution et d'approvisionner le fonds pour les restructurations de la défense (FRED) à hauteur de 5 millions d'euros. Ils serviront également au financement du service historique de la défense, à Vincennes, et du service central d'infrastructures, à Versailles. Ils permettront de restaurer et de mettre hors d'eau le centre de planification opérationnel (CPCO) dont une partie sera transférée au Mont Valérien.

Les dotations en faveur des établissements publics sous tutelle de la défense avoisineront 200 millions d'euros. Elles financeront en particulier le fonctionnement des trois musées des armées, des écoles de la délégation générale pour l'armement (DGA), de l'office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA), de l'école polytechnique et de l'établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense (ECPAD). L'office national des anciens combattants (ONAC) et l'institut national des Invalides (INI) bénéficieront respectivement de 49 et 7,2 millions d'euros.

Les objectifs fixés par la journée d'appel et de préparation à la défense (JAPD), dont le coût avoisine 144 millions d'euros, ont été atteints. L'ensemble d'une classe d'âge est désormais reçue, ce qui représente 700 000 jeunes par an. Le contenu des modules a été amélioré ainsi que leur présentation, de manière à rendre le message plus attractif. La détection de l'illettrisme s'améliore : 67 000 cas ont été décelés en 2003 et 32 000 intéressés ont accepté les aides proposées. Depuis février 2003, la JAPD s'est enrichie d'une initiation au secourisme qui connaît un grand succès. Elle représente également un enjeu de recrutement. C'est ainsi que 372 000 fiches individuelles ont été transmises aux différents organismes de recrutement. Certes, le dispositif reste perfectible et les propositions de la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale sont en cours d'examen.

La secrétaire générale pour l'administration a ensuite indiqué que la mise en œuvre de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) allait profondément modifier la gestion des personnels : les armées devront s'adapter à une gestion non plus seulement en termes d'effectifs, mais également en termes de masse salariale. C'est ainsi que, pour respecter les dotations budgétaires prévues en 2004, il s'est avéré nécessaire de stabiliser les recrutements des armées dès la fin du premier semestre.

En 2005, l'effectif budgétaire du ministère de la défense sera stabilisé à 356 632 militaires. Les seules créations de postes concerneront la gendarmerie, avec 700 emplois supplémentaires, le service de santé des armées, avec 58 postes d'internes et d'infirmiers, et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), qui bénéficiera de 20 recrutements.

La gestion du volume des personnels civils est soumise aux mêmes contraintes que celle des personnels militaires. Avec un effectif budgétaire total de 96 678 emplois civils, soit une diminution de 1 043 postes budgétaires, le ministère de la défense participera, comme en 2004, à l'effort général de maîtrise des emplois publics. Cette évolution résulte essentiellement d'aménagements de périmètres qui concernent DCN et le transfert du versement des prestations familiales des commissariats aux caisses d'allocations familiales. De même, le secrétariat général de la défense nationale (SGDN) et l'institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) verront leurs emplois, auparavant mis à disposition par le ministère, intégrés à leurs budgets. Par ailleurs, 192 emplois vacants non financés seront supprimés, 36 emplois transformés et 242 départs à la retraite non remplacés. L'impact de cette diminution nette d'effectifs civils n'obèrera pas les capacités opérationnelles des unités et formations, qui resteront prioritaires. L'accueil au sein du ministère d'agents de DCN et de Giat Industries ne sera pas remis en cause.

Le fonds de consolidation de la professionnalisation, destiné à favoriser le recrutement et à fidéliser le personnel, s'élèvera à près de 57 millions d'euros en 2005. Au titre des mesures d'attractivité, qui atteignent 14 millions d'euros, ce fonds inclut des primes d'engagement, d'un montant de 11 millions d'euros, ainsi que des mesures spécifiques au profit des médecins militaires et des personnels paramédicaux, pour 1,4 million d'euros. Les mesures de fidélisation, qui s'établissent à 43 millions d'euros, comprennent des indemnités de haute technicité reconnaissant les responsabilités exercées par les sous-officiers comptant plus de vingt ans de service ainsi que des primes pour les spécialités critiques. Une indemnité de recrutement pour les trente-six spécialités les plus recherchées a été mise en place le 1er juillet 2003. 11,8 millions d'euros sont consacrés au financement des dispositifs d'orientation et de formation destinés à faciliter la reconversion des militaires.

En 2005, le plan d'amélioration de la condition militaire (PACM) sera doté de 40,1 millions d'euros supplémentaires et permettra de financer la revalorisation des primes de sujétions inhérentes au métier militaire ainsi que des primes de qualification. Aux mesures prévues par le PACM, s'ajoute un volet social de trois millions d'euros, destinés à couvrir certains frais de garde d'enfants et d'aide à l'éducation.

La politique en faveur des réserves a enregistré de substantielles avancées au cours de l'année 2004 : les états-majors des armées ont défini une doctrine d'emploi des réserves dont le format définitif est désormais fixé à 94 000 personnes en 2012, avec pour objectif intermédiaire 68 000 personnes en 2008. 40 000 nouveaux réservistes ont été recrutés en 2004 contre 33 500 en 2003. Le budget consacré aux réserves connaîtra, en 2005, une augmentation de 33 millions d'euros, ce qui permettra une hausse de l'activité des réservistes. Le taux d'activité annuelle moyen, qui s'élève à dix-neuf jours en 2004, devrait atteindre vingt-sept jours en 2008.

Les personnels civils bénéficieront d'un effort financier de 12 millions d'euros, dans la continuité des efforts des deux années précédentes. Ces crédits autoriseront la revalorisation des primes des fonctionnaires ainsi que des mesures de repyramidage, qui améliorent l'attractivité et fidélisent les agents. L'augmentation du nombre de postes proposés au ministère de la défense à la sortie de l'école nationale d'administration constitue un signe positif.

Un dispositif de réservation des emplois au bénéfice des agents touchés par la restructuration des établissements de DCN et de Giat Industries a été mis en place. A ce jour, 133 ouvriers de DCN ont été mutés vers le ministère de la défense, 45 millions d'euros étant prévus dans le projet de loi de finances pour 2005 pour permettre l'accueil de ces personnels. 129 fonctionnaires et 318 ouvriers de la société Giat Industries ont également pu être reclassés au sein du ministère de la défense. 35,1 millions d'euros sont inscrits en 2005 au titre de l'accompagnement du plan social de l'entreprise, dont 12 millions d'euros pour des mesures de repyramidage et 33,1 millions d'euros pour des mesures non reconductibles, telles que les indemnités volontaires de départ.

La stratégie ministérielle de réforme (SMR), mise en œuvre dans tous les ministères, a pour objet d'améliorer les conditions d'exécution des missions du ministère de la défense. Elle tend à clarifier et renforcer les pouvoirs d'arbitrage du chef d'état-major des armées, aussi bien dans le domaine financier que dans la programmation capacitaire. La SMR conduit également à une mutualisation des fonctions de soutien, afin de les inscrire davantage dans une approche interarmées : une direction centrale compétente pour les infrastructures doit être constituée, le réseau des acheteurs sera rationalisé et un schéma directeur des applications informatiques d'administration et de gestion sera élaboré par le secrétariat général pour l'administration.

L'externalisation se poursuivra de façon pragmatique et sans dogmatisme. Un appel d'offres relatif aux véhicules légers de la gamme commerciale est sur le point d'être lancé dans le cadre de la nouvelle procédure de « dialogue compétitif » prévue par le code des marchés publics. La décision sera prise sur la base d'une analyse comparative des différentes offres, mais prendra aussi en compte les conséquences sociales d'une telle externalisation. La gestion de ce parc de véhicules emploie en effet 800 militaires et 200 civils, dont le reclassement devra être conduit avec soin. Des projets d'externalisation portent également sur l'ouverture à la concurrence de la gestion des 12 000 logements domaniaux, actuellement confiée à la société nationale immobilière (SNI), afin d'améliorer la qualité du service rendu, ainsi que des 31 000 logements de la gendarmerie. Sur ces deux projets, il est envisagé de transférer à l'opérateur la gestion et l'entretien des parcs existants ainsi que la gestion des constructions nouvelles.

D'importantes réformes du commandement interviendront également, qu'il s'agisse de la suppression d'un échelon hiérarchique dans l'organisation de la gendarmerie ou du renforcement des attributions du commandement supérieur outre-mer. L'externalisation sera poursuivie avec l'examen de nouveaux projets concernant l'école interarmées des sports de Fontainebleau, la gestion des véhicules de travaux publics non opérationnels et la formation initiale des pilotes de l'armée de l'air à Cognac. Après les frégates multimissions (FREMM), de nouveaux projets de financements non classiques sont à l'étude ; il s'agit des avions ravitailleurs, des bâtiments de soutien et d'assistance hauturière, du centre d'entraînement en zone urbaine et des véhicules porteurs polyvalents de l'armée de terre. La mise en place d'une formation commune pour les élèves commissaires des trois armées est également envisagée à compter de septembre 2006.

La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a conduit à la définition des missions, programmes et actions autour de trois objectifs : clarification et renforcement des responsabilités, accroissement de la coordination interarmées et rationalisation des fonctions de soutien. La définition d'indicateurs de performance et la détermination du niveau des budgets opérationnels de programme seront affinées en fonction des résultats obtenus par les différentes expérimentations de globalisation déjà engagées par les armées. Ces expérimentations, qui seront étendues en 2005, concerneront au total près de 26 000 civils et militaires, pour un montant de 870 millions d'euros. La nouvelle nomenclature budgétaire rénove en profondeur les règles de classement des dépenses de l'Etat. Les dépenses de rémunérations et charges sociales étaient jusqu'ici exprimées hors charges de pensions. Dans un souci de sincérité budgétaire justifiant de regrouper les dépenses de même nature, les pensions seront désormais incluses dans le périmètre des dépenses de personnel. Cette modification explique le gonflement apparent des dépenses de personnel en 2005, à 23,5 milliards d'euros, dont 9,5 milliards d'euros de pensions. En matière d'investissement, les nouvelles règles conduisent à classer dans les dépenses de fonctionnement (titre III au sens de la LOLF) ou les dépenses d'intervention (titre VI) une part importante des crédits jusqu'alors classés en investissement, comme ceux inhérents au maintien en condition opérationnelle des matériels, aux acquisitions des munitions courantes ou encore aux études amont.

Soulignant que 3 000 personnes du bureau du service national concouraient à la mise en œuvre de la journée d'appel et de préparation à la défense, le président Guy Teissier a souhaité connaître le coût financier et humain de ce dispositif ainsi que son impact sur le développement d'un intérêt pour la défense. Rappelant l'accord de principe intervenu entre la ministre de la défense et son homologue italien sur le lancement du programme des frégates multimissions, il a souhaité avoir des précisions sur le financement de ces bâtiments.

Mme Evelyne Ratte a indiqué que la JAPD coûte en moyenne 150 euros par personne convoquée. Elle présente un intérêt pour le ministère de la défense dans la mesure où les questionnaires remplis par les intéressés, avec l'indication de leur intérêt pour la défense, sont exploités par les bureaux de recrutement. La JAPD constitue souvent l'unique occasion pour ce public d'entrer en contact avec les armées et les visites d'installations militaires connaissent un grand succès. Les questionnaires remplis à l'issue de ces journées révèlent un taux de satisfaction très important. Les jeunes ont comme leurs aînés une bonne opinion de la défense, comme le révèlent les sondages. On peut penser que cette situation n'est pas étrangère à des effets induits grâce à la JAPD.

Le président Guy Teissier a demandé si les modules mis en œuvre à l'occasion de la JAPD permettaient de solliciter les jeunes pour un éventuel engagement dans les réserves.

Mme Evelyne Ratte a confirmé qu'une partie des modules de la JAPD traitait des réserves.

L'accord intervenu entre les ministres de la défense français et italien sur les frégates multimissions porte sur l'expression commune d'un besoin et la définition d'un montage industriel. Le prix évoqué pour les navires français s'élève à 280 millions d'euros. L'arbitrage sur le recours à un financement non classique, obtenu au plus haut niveau, n'est intervenu qu'en juin dernier. Plusieurs pistes sont encore envisagées, la plus intéressante semblant celle d'un paiement différé porté par un consortium bancaire. L'Etat ne doit pas être perdant : le surcoût lié au paiement des intérêts doit avoir une contrepartie, qu'il s'agisse de la rapidité de livraison, d'un engagement sur la maintenance ou de la perspective d'un gain financier.

Le président Guy Teissier a demandé si, dans ces conditions, la commande d'une série complète permettrait de revoir à la baisse le prix évoqué de 280 millions d'euros.

Mme Evelyne Ratte a confirmé que le projet actuel porte sur une livraison de huit bâtiments.

M. René Galy-Dejean a noté que la journée d'appel et de préparation à la défense avait, à l'origine, pour objet principal de maintenir une forme de lien entre la Nation et ses armées. Depuis lors, d'autres objectifs ont été ajoutés à cette journée, tels que la constitution d'un vivier de recrues potentielles ou l'initiation au secourisme. Compte tenu du contexte budgétaire contraint et des difficultés de l'armée de terre en matière d'effectifs, il est sans doute nécessaire de s'interroger sur la pertinence du maintien de la JAPD au regard des redéploiements d'effectifs que sa suppression pourrait permettre.

Jusqu'à présent, la gestion des logements des militaires dépendait indirectement du ministère de la défense par l'intermédiaire de la société nationale immobilière (SNI), ce qui était de nature à rassurer les personnels. Il existe désormais un risque que se développe un sentiment d'abandon si l'ensemble des tâches de gestion, d'entretien, voire d'affectation des logements était confié à des prestataires extérieurs.

Mme Evelyne Ratte a souligné que l'externalisation de la gestion des logements militaires devait être gérée avec prudence, car, même si la SNI était parfois critiquée sur certains points, l'utilité de son action était reconnue par la communauté militaire. L'appel d'offres comprendra un cahier des charges adapté aux besoins, notamment en matière de loyers. La mise en concurrence présentera des avantages, notamment au regard de la qualité de certaines prestations actuelles. Il conviendra de maintenir une proximité réelle dans la gestion en prévoyant un pilotage régional. Il ne s'agit aucunement de remettre en question l'un des éléments constitutifs de la condition militaire.

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