COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 27 octobre 2004
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Gilbert Le Bris, vice-président,
puis de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense

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Audition des représentants des syndicats des personnels civils de la défense.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu des représentants des syndicats des personnels civils de la défense.

M. Charles Sistach, secrétaire général de la fédération syndicaliste FO de la défense, des industries de l'armement et des secteurs assimilés, a indiqué que les six fédérations syndicales FO, CFDT, CGT, UNSA, CFTC et CGC avaient décidé de présenter une déclaration commune sur le projet de budget pour 2005 et sur les conditions d'exécution du budget 2004. Elles ont unanimement rejeté les nouvelles mesures de restructurations qui concerneront 2 138 personnels et qui s'ajoutent aux 3 700 suppressions d'emplois de Giat Industries et aux 800 de DCN. L'an dernier, l'ensemble des fédérations syndicales avait souligné la nécessité impérieuse d'embaucher et avait regretté l'absence de mesures catégorielles concernant les personnels civils. Si la ministre de la défense a accepté le recrutement de 300 ouvriers de l'Etat pour l'année 2004, aucun de ces personnels n'a encore été recruté à ce jour. Le cabinet de la ministre fait preuve d'une évidente mauvaise volonté dans l'application de cette décision. Les responsables militaires ont profité du manque de personnels civils pour affecter des soldats sur des postes initialement dévolus à des fonctionnaires ou à des ouvriers, en contradiction avec l'esprit de la professionnalisation des armées. De nombreux militaires affectés à des tâches administratives n'occupent pas, de toute évidence, des fonctions projetables. En 2003, les dispositions catégorielles n'ont permis qu'à trente-trois fonctionnaires, sur 8 000 qui en remplissaient les conditions, de passer de la catégorie C à la catégorie B. Cet exemple illustre l'absence de reconnaissance à l'égard des personnels civils qui se traduit par un manque de promotion sociale.

En 2004, seulement 14,26 millions d'euros ont été prévus pour des mesures catégorielles, montant à comparer aux 25 millions d'euros d'intérêts moratoires versés par le ministère de la défense à ses fournisseurs au cours des neuf premiers mois de l'année 2004.

Les fédérations syndicales émettent les plus grandes réserves sur le développement des financements innovants et la politique d'externalisation, ces deux pratiques induisant des effets directs et négatifs sur les effectifs civils. Les fonctions régaliennes de défense sont incompatibles avec une dépendance vis-à-vis d'organismes financiers, comme cela est prévu pour le financement des frégates multimissions (FREMM) ou de l'avion ravitailleur. L'ouverture du capital de DCN, que les organisations syndicales et les représentants du personnel ont apprise par voie de presse, relève de cette politique d'abandon des missions régaliennes ; dix-huit mois auront suffi à faire évoluer les établissements du statut d'arsenal à celui d'entreprise nationale, puis à celui d'entreprise de droit privé.

En considérant que l'externalisation ne concerne que des fonctions qui ne relèvent pas du cœur du métier militaire, la ministre néglige le rôle de soutien aux armées joué par les personnels civils. Ainsi, l'externalisation de l'entretien de la gamme de véhicules commerciaux concerne directement près de mille civils, dont une majorité ne pourra être reclassée.

La politique de restructurations permanentes a fait baisser en dix ans les effectifs civils du ministère de la défense de 145 000 à 85 000 personnes. Face à ces très fortes contraintes, le projet de budget pour 2005 prévoit 87 millions d'euros de mesures de fidélisation des personnels, dont 43 millions d'euros destinés à l'amélioration de la condition militaire et 13 millions d'euros seulement pour les personnels civils. Ces crédits spécifiques aux personnels civils sont en diminution par rapport à 2004, année pour laquelle 14,26 millions d'euros étaient inscrits. Cette baisse, parfaitement inacceptable, se traduit par des retards dans l'avancement.

La réduction des effectifs de personnels civils est constante et ce ne sont pas les 300 embauches d'ouvriers de l'Etat qui permettront de pallier les manques récurrents. Dans le même temps, le ministère de la défense recrute 35 000 militaires par an pour des contrats de courte durée, une partie de ces militaires étant affectée à des postes relevant normalement de personnels civils.

Si le projet de budget pour 2005 s'inscrit bien dans le cadre de la loi de programmation militaire, on note toutefois une continuité dans la politique de restructuration et de déflation d'effectifs. Les quelques très rares et faibles évolutions des régimes indemnitaires et la quasi-absence de promotion interne sont révélateurs du manque de considération à l'égard des personnels civils. Dans la continuité de ce qui a été réalisé jusqu'à présent, seul le facteur technique est retenu, l'amélioration de la condition des personnels civils et leur reconnaissance passant une nouvelle fois au second plan.

M. Gilbert Le Bris, président, a souhaité avoir des précisions sur l'ampleur des affectations de personnels militaires sur des postes normalement dévolus à des civils.

S'exprimant au nom de la fédération FO, M. Charles Sistach a souligné que, depuis dix ans, les personnels civils du ministère de la défense ont fait face aux restructurations, aux fermetures d'établissements et à une absence d'embauches qui ont ramené leur nombre de 145 000 à 85 000. La professionnalisation aurait dû conduire à une augmentation des tâches de soutien aux armées assurées par du personnel civil, afin de permettre aux militaires de se concentrer sur leur fonction de projection. Au contraire, de plus en plus de militaires occupent des postes théoriquement dévolus aux civils, comme jardiniers, maçons, barmen, mécaniciens... Cette pratique, très éloignée de l'esprit initial de la professionnalisation, n'est sans doute pas la meilleure manière d'utiliser les deniers publics.

M. Jean-Yves Placenti, au titre de l'union nationale des syndicats autonomes (UNSA-défense), a indiqué que l'UNSA condamnait ces pratiques depuis longtemps et avait établi une estimation partielle du coût de l'utilisation des militaires pour des postes non opérationnels ou projetables. Pour deux corps clairement identifiés par les documents budgétaires, les officiers du corps technique et administratif de l'armement et ceux du corps technique et administratif de la gendarmerie, le remplacement des militaires par des civils de même niveau représenterait 3,5 millions d'euros d'économie. Or, ces deux corps ne comptent respectivement que 222 et 174 personnes, ce qui donne un aperçu des gisements considérables d'économies potentielles eu égard au nombre élevé d'officiers, sous-officiers et militaires du rang occupant des fonctions qui ne sont pas militaires par essence.

M. Didier Duret, secrétaire général adjoint de la fédération nationale des travailleurs de l'Etat CGT, a souhaité alerter les membres de la commission sur le manque de recrutements, notamment dans les établissements de soutien. Six mille emplois inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 n'ont pas été réalisés. La réforme de la délégation générale pour l'armement (DGA) soulève des interrogations quant à l'avenir du service de maintenance aéronautique. Ce service est géré au jour le jour, sans aucune perspective de charges avant 2008. Les trois ateliers industriels aéronautiques (AIA) risquent de se retrouver au-dessous du seuil d'effectifs de viabilité dès 2005. Cette situation est la conséquence de la volonté de désengager la DGA de son activité industrielle, politique déjà menée depuis une quinzaine d'années et qui a conduit à la création de Giat Industries et à la transformation de DCN. Le pire est donc à craindre, malgré les 19 millions d'euros injectés par l'armée de l'air pour l'atelier industriel aéronautique de Clermont-Ferrand.

L'empressement à vouloir privatiser DCN ne répond pas non plus aux enjeux industriels et sociaux. Dix-huit mois auront suffi pour transformer cette direction en société de droit privé. Or, qu'il s'agisse des frégates multimissions ou du second porte-avions, la maîtrise d'œuvre risque d'échapper à DCN, puisque c'est Armaris qui jouera ce rôle pour le programme des frégates alors qu'une collaboration franco-britannique est mise en place pour la réalisation du second porte-avions. Aucun plan de charge n'est prévu à ce jour pour l'arsenal de Brest et la production sera probablement éparpillée sur plusieurs sites. Par ailleurs, l'utilisation probable d'une loi de finances rectificative pour ouvrir le capital de DCN n'est pas une pratique saine alors que sont en jeu des questions de souveraineté nationale et l'avenir de plusieurs bassins d'emploi.

M. Jacques Lepinard, secrétaire général de la fédération établissements et arsenaux de l'Etat - CFDT, a indiqué que les effectifs budgétaires civils avaient chuté de 145 000 à 100 000 emplois en quelques années. Les effectifs réalisés sont encore inférieurs de 6 000 à ce dernier chiffre. La ministre a indiqué aux syndicats que le besoin était désormais stabilisé à hauteur de 100 000 emplois civils. Cependant, il existe sur ce point une différence d'approche entre le ministère de la défense et celui de l'économie, des finances et de l'industrie et il n'est pas sûr que la ministre de la défense ait les moyens de réaliser les emplois annoncés. La stratégie ministérielle de réforme et la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) vont également affecter le personnel civil. Le regroupement des services d'infrastructure va faire perdre des emplois à la direction centrale du génie. L'externalisation du parc domanial de la gendarmerie fera chuter de 30 % le plan de charge du génie. La fongibilité asymétrique des crédits prévue par la LOLF permettra des transferts des crédits de personnel vers les crédits d'équipements. Une perte importante d'emplois civils est donc à prévoir. Si le Parlement est persuadé que les emplois civils constituent une composante nécessaire du ministère de la défense, il devra se doter d'indicateurs pour pouvoir contrôler ces transferts.

M. Denis Lefebvre, président de la fédération CFTC des personnels civils du ministère de la défense, s'est interrogé sur l'indépendance de la France en matière de défense. L'évolution des politiques d'acquisitions, notamment dans un cadre transatlantique, conduit à se demander si, à l'avenir, la France n'achètera pas du matériel américain. Les restructurations, qui prennent place dans un contexte de crise de la fonction publique, augmentent le désarroi des personnels civils.

M. Vincent Hacquin, au nom de la fédération CGC de l'encadrement civil de la défense-FECD, a souligné les différences de statut entre les personnels civils et militaires, relevant qu'un militaire revient largement plus cher qu'un employé civil. Les dépenses en rémunérations et charges sociales, très élevées en 2004, ont conduit le Gouvernement à puiser dans les crédits d'équipement. Avec autant de généraux en France que de colonels au Royaume-Uni, les armées sont-elles encore opérationnelles ? Alors que de nombreux postes civils sont menacés dans le domaine du soutien, le seul remplacement des militaires non-opérationnels par des fonctionnaires permettrait un quasi-doublement des effectifs civils au sein du ministère.

Le président Guy Teissier a fait part de sa surprise devant le décalage entre les déclarations des syndicats et les réalités constatées sur le terrain. Reconnaissant qu'un emploi militaire coûtait plus cher qu'un emploi civil, il a rappelé que cette différence statutaire était fondée sur les sujétions plus importantes imposées aux militaires, notamment en matière de disponibilité. Lorsque des économies sont possibles, il faut essayer de les réaliser, mais pas au détriment du caractère opérationnel des forces.

Il est faux d'affirmer que la construction des frégates multimissions (FREMM) échappera à DCN puisque le contrat d'entreprise signé par l'Etat stipule le contraire. Même si la maîtrise d'œuvre est confiée à Armaris, ce sont les employés de DCN à Lorient qui travailleront. L'ouverture du capital de DCN ne constitue pas une privatisation puisque l'Etat demeurera actionnaire majoritaire. La société Thales, pressentie pour entrer dans le capital de DCN, est elle-même détenue à 32 % par l'Etat.

Les restructurations industrielles, parfois douloureuses, ne visent qu'à sauver l'emploi national. Il est impérieux de constituer des groupes européens capables de faire face à la concurrence asiatique et américaine. Sans la constitution d'EADS, aucune entreprise aéronautique européenne n'aurait pu défier Boeing. La transposition de cet exemple au domaine naval ou terrestre doit être méditée. L'Etat soutient activement Giat Industries en achetant le char Leclerc payé par avance, mais rarement livré dans les délais, ou en commandant le véhicule blindé de combat d'infanterie. L'achat du canon Caesar, non prévu par la loi de programmation militaire, procède de la même volonté d'aider Giat Industries, mais tous les partenaires doivent coopérer et les matériels confiés à l'entrepreneur pour rénovation, comme l'AMX 10 RC, doivent être traités dans les délais prévus.

La représentation nationale prend en considération les personnels civils indispensables à la défense du pays et demeure attachée à l'indépendance de la France. D'ailleurs, les commandes de matériels majeurs, tels que les chars Leclerc, le VBCI, le Rafale, les navires sont réalisés par les entreprises nationales. Le Mistral, deuxième plus gros bateau de la flotte française, construit certes dans les chantiers privés de Saint-Nazaire, a été livré un mois à l'avance et a coûté à l'Etat 30 % de moins que prévu.

M. Jean-Michel Boucheron a salué la présentation d'un texte commun aux organisations syndicales, garant d'une bonne efficacité. Deux idéologies sont à rejeter dans le domaine de la défense, le tout externalisation et le tout étatique, qui constituent chacune une impasse. Les projets doivent être examinés de façon pragmatique et il serait bon que les organisations syndicales puissent alerter la représentation nationale lorsqu'une externalisation paraît compromettre le caractère opérationnel des forces. Certaines restructurations ont conduit à de grandes réussites, telle celle qui a abouti à la création du groupe EADS. Conserver une DCN franco-française, détenue par l'Etat, serait le meilleur moyen de courir à l'échec, ce que souhaitent d'ailleurs certains de ses concurrents. En dehors du respect du statut des personnels et du maintien de chaque employé sur son lieu de travail géographique, l'avenir de DCN ne doit pas faire l'objet de tabou. Une externalisation réussie sous-entend un dialogue social permanent avec les représentants syndicaux. La concertation est-elle de bonne qualité au sein du ministère de la défense ?

M. Jean-Louis Bernard a contesté les critiques concernant un supposé manque de considération envers les personnels civils, en rappelant que la ministre s'était, à de nombreuses reprises, montrée attachée à l'écoute de tous les personnels du ministère de la défense.

La création de la structure intégrée de maintien des matériels aéronautiques de défense (SIMMAD) a permis de redresser le taux de disponibilité des différentes flottes aériennes qui est passé d'un peu plus de 50 % en 2000 à 63,5 % en 2004. Il semble que le recours à des opérateurs privés soit parfois nécessaire et les résultats obtenus ne contredisent pas, en tout cas, cette option.

S'agissant des « financements innovants », terminologie qui semble faire peur, le recours du Royaume-Uni, pourtant très soucieux de son indépendance, à ce moyen pour financer sa future flotte d'avions ravitailleurs ouvre des perspectives intéressantes pour l'armée de l'air française, qui connaîtra le même besoin à brève échéance, en raison du vieillissement et de l'obsolescence de plusieurs de ses appareils actuellement en service. Deux offres ont été soumises au ministère de la défense, qui les étudie en prenant soin de veiller à la meilleure satisfaction du besoin opérationnel.

M. Charles Sistach a rappelé que de nombreux personnels civils à statut public se trouvaient remplacés par des personnels militaires. Il a recensé, à titre d'illustration, 501 postes de secrétariat, de gestion et même d'ouvriers, qui pourraient être occupés par des civils, mais qui sont pourvus par des militaires, dans la seule région de Lille. Il a aussi cité le remplacement de 22 mécaniciens civils par 22 militaires au Mans et a évalué à 51 emplois le nombre de postes de personnels civils supprimés à Muret, en sus de la suppression de quelque 300 emplois par Giat Industries dans l'agglomération toulousaine et alors que, concomitamment, 241 militaires seront redéployés dans la région.

Si la productivité de Giat Industries a diminué, 75 % des retards constatés sont dus à des problèmes purement techniques. Le dialogue social au sein du ministère de la défense était jusqu'à présent inexistant, les organisations syndicales se trouvant le plus souvent mises devant le fait accompli et ne pouvant, par conséquent, saisir la représentation nationale des problèmes soulevés par certains projets d'externalisation. La ministre de la défense a certes proposé d'élaborer une charte du dialogue social au sein du ministère, mais les structures de concertation existent déjà et il suffirait seulement de les saisir.

Le manque de considération envers les personnels civils est surtout ressenti au sein des établissements où les responsabilités ont trop souvent tendance à échapper aux civils au profit des militaires ; il existe manifestement un décalage entre ce que le ministère de la défense présente aux parlementaires et la situation sur le terrain. En outre, les perspectives de promotion sociale sont totalement absentes : ainsi, cette année, aucun concours n'est prévu pour permettre à des agents de catégorie B ou C d'être promus dans les catégories supérieures.

M. Jacques Lepinard a souligné que, si le programme des frégates multimissions figurait dans le contrat d'entreprise conclu entre l'Etat et DCN, sa maîtrise d'œuvre avait été confiée à Armaris. Or, à ce jour, les crédits nécessaires n'ont pas été débloqués pour permettre au chantier de Lorient de préparer la phase de construction et la société Thales envisage de faire réaliser tout ou partie des coques dans un chantier naval étranger afin de diminuer les coûts.

Le président Guy Teissier a fait remarquer que DCN et Thales détiennent chacun 50 % du capital d'Armaris, ce qui permet à DCN de défendre ses intérêts.

M. Jacques Lepinard a insisté sur les inquiétudes que susciterait le choix d'un chantier naval étranger pour la réalisation de la coque des frégates. Si la logique de recherche de profit maximum de Thales prévalait, le site de Lorient paierait sans doute lourdement un tel choix. Giat Industries connaît certes des problèmes dans la livraison des chars Leclerc, mais il convient de rappeler également que le contrat d'entreprise prévu pour cette société mentionne pour 2004 une commande de 72 canons Caesar qui n'a pas encore été passée à ce jour, ainsi qu'une rénovation des canons de 105 millimètres, qui elle non plus n'a pas été notifiée.

Le président Guy Teissier a rappelé que la commande de canons Caesar, matériels de grande qualité, n'était pas inscrite dans la loi de programmation militaire et avait récemment été décidée autant pour des besoins opérationnels que pour aider au redressement de Giat Industries. Il a confirmé que cette commande serait notifiée avant la fin de l'année.

M. Jacques Lepinard a ensuite fait valoir que la viabilité d'une entreprise d'armement dépendait des crédits de recherche-amont dont elle dispose pour préparer son avenir et que Giat Industries n'avait perçu que 25 % de l'enveloppe prévue à cet effet pour 2004. En matière de maintien en condition opérationnelle des matériels de l'armée de l'air, le fait que le directeur de la SIMMAD n'affecte pas les crédits nécessaires à l'atelier industriel aéronautique de Clermont-Ferrand se traduira par une perte de 250 000 heures de travail pour cet établissement et aura des conséquences sur la disponibilité des matériels, puisque quatre Mirage 2000 et trois Transall ne pourront pas être révisés en 2005.

M. Jean-Louis Bernard a jugé hasardeux de faire, aujourd'hui, des pronostics sur ce que sera la disponibilité des appareils de l'armée de l'air en 2005.

M. Erick Archat, secrétaire général adjoint de la fédération CTFC des personnels civils du ministère de la défense, a rappelé que la suspension de la conscription, en 1997, avait pour objectif affiché de recentrer les militaires sur des fonctions opérationnelles, mais que le rôle et la place des personnels civils n'avaient pas été clairement définis. Or, désormais, les personnels civils de la défense voient leurs secteurs d'activité engagés dans une lourde phase de restructuration. C'est notamment le cas des infrastructures, confiées pour 70 % à des civils, qui pâtiront inévitablement des décisions d'externalisation. Parallèlement, de plus en plus d'emplois de personnels civils sont occupés par des militaires. De nombreux personnels civils expriment des inquiétudes quant à la pérennité de leur emploi, alors même que le ministère de la défense n'a pas été au bout de la logique de recentrage des militaires sur leurs fonctions opérationnelles. Le dialogue social est largement insuffisant, les syndicats n'étant pas informés en amont des décisions. C'est notamment le cas pour la mise en place de la stratégie ministérielle de réforme qui aura pourtant des incidences sur l'emploi des personnels civils. La ministre de la défense, qui a reconnu cet état de fait, a proposé d'élaborer une charte du dialogue social, alors qu'il suffirait d'utiliser les institutions représentatives qui existent déjà.

M. Jean-Yves Placenti a relevé le manque de considération apportée aux représentations syndicales. Aucune réponse n'a été apportée à une demande d'information sur les travaux accompagnant l'entrée en vigueur de la LOLF, qui aura pourtant des conséquences lourdes sur l'organisation du ministère et de ses personnels. Les différences de traitement importantes qui subsistent entre les personnels militaires et les personnels civils sont mal vécues par ces derniers.

M. Didier Duret a souligné que la situation difficile dans laquelle se trouve aujourd'hui Giat Industries résulte des politiques successives mises en œuvre par les pouvoirs publics. Le plan Giat 2006 conduira à ramener les effectifs à 2 600 personnes, ce qui transformera la société en une PME incapable d'honorer des commandes importantes. La représentation nationale porte aussi une part de responsabilité dans la situation actuelle de l'entreprise.

Dans le domaine naval, les Chantiers de l'Atlantique ont vocation à réaliser des navires pour la marine marchande, et non à réduire la charge de travail de DCN en produisant des bâtiments militaires. La CGT est favorable à la mise en œuvre de coopérations européennes, mais cette orientation doit s'accompagner du maintien du statut de DCN. L'annonce par la ministre de la défense de l'ouverture du capital de DCN à un moment où l'entreprise commence à se défaire des activités relevant de son cœur de métier semble traduire une volonté politique de détruire l'industrie d'armement nationale. La CGT est disposée à discuter de l'évolution des capacités et des technologies de l'industrie de défense française et propose la tenue d'une conférence ministérielle sur ce sujet, réunissant les acteurs syndicaux, industriels et politiques.

Le président Guy Teissier a indiqué que le discours de la CGT n'évolue pas et s'avère finalement très conservateur, alors même que le monde a changé et que les entreprises doivent répondre à un impératif de compétitivité. Des efforts considérables sont réalisés en faveur de Giat Industries, le coût total de ses recapitalisations s'élevant à plus de 3,2 milliards d'euros depuis sa création.

M. Michel Voisin a souligné à son tour le conservatisme du discours de la CGT. Ainsi, à la suite de la chute du mur de Berlin, les commandes de chars Leclerc sont passées, par paliers successifs, de 1 400 à 406 unités, ce qui a entraîné inéluctablement une diminution de la charge de travail de Giat Industries. Cet état de fait devait être pris en compte, en conduisant à une évolution des structures. De surcroît, Giat Industries pourrait être davantage compétitif s'il avait conservé son esprit d'entreprise, qui s'est malheureusement étiolé.

M. Erick Archat a indiqué qu'il n'était pas cohérent de procéder au regroupement des fonctions d'infrastructures au sein d'une même direction juridique centrale, alors même que les organismes régionaux qui lui sont directement liés sont gérés par les différentes armées. Dans le même temps, la mise en concurrence de la société nationale immobilière (SNI) et l'externalisation de la gestion des logements des gendarmes conduiront à la suppression de postes de personnels civils, ce que le ministère de la défense refuse de reconnaître.

Le président Guy Teissier a répondu que l'externalisation de la gestion du patrimoine immobilier des gendarmeries permettra d'affecter 1 200 gendarmes à des missions opérationnelles. Il est toutefois souhaitable que ce processus d'externalisation reste pragmatique, la gendarmerie devant conserver un certain regard sur la gestion de ses logements.

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