COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 13

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 3 novembre 2004
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800)


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Audition de M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2005.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Pierre Mutz, directeur général de la gendarmerie nationale, sur le projet de loi de finances pour 2005 (n° 1800).

M. Pierre Mutz a estimé que le projet de budget pour 2005 permet à la gendarmerie de poursuivre son effort et de prolonger le bilan positif des résultats obtenus au cours de ces deux dernières années.

La dynamique lancée en 2002 est confortée en 2004. Pour les dix premiers mois de 2004, le recul de la délinquance est de 6,9 % en zone de gendarmerie nationale par rapport à la même période de 2003. Le mois d'octobre 2004 est ainsi le vingt et unième mois consécutif de baisse de la délinquance constatée par les unités de gendarmerie. La délinquance de voie publique, principale responsable du sentiment d'insécurité, est en retrait de 16 %. Par ailleurs, le taux d'élucidation dépasse 36,6 % du total des faits constatés pour les dix premiers mois de 2004. Les mêmes progrès sont constatés pour le nombre de gardes à vue, qui progresse de 12 %, et le nombre de personnes écrouées. C'est le résultat de l'opiniâtreté des magistrats, mais aussi la conséquence de la qualité du travail d'enquête et de la maîtrise croissante des règles procédurales par les gendarmes.

Ces bons résultats sont étroitement liés aux réformes engagées depuis 2002. La zonalisation de l'emploi des forces mobiles et leur orientation prioritaire sur la sécurité publique générale correspondent à une utilisation plus rationnelle des deniers publics et contribuent à ces résultats. L'objectif des vingt escadrons de gendarmerie mobile engagés en permanence pour des missions de sécurité publique est désormais atteint.

Le redéploiement des forces de police et de gendarmerie a fait preuve de son utilité puisque la baisse générale de la délinquance est particulièrement sensible dans les zones concernées. A ce jour, trente-quatre des quarante circonscriptions de sécurité publique prévues ont été reprises.

Le fonctionnement en communautés de brigades permet une rationalisation de l'utilisation des moyens, ouvrant les perspectives d'une meilleure appropriation du terrain. Leur mise en place doit être achevée à la fin de l'année. 2 677 brigades de proximité seront regroupées en 1 062 communautés de brigades. 680 brigades resteront autonomes, compte tenu de leurs caractéristiques.

Au-delà de ces trois réformes majeures, d'autres évolutions importantes sont en cours : l'utilisation croissante des réservistes à l'occasion de grands événements, tels la visite du pape à Lourdes ou l'anniversaire du débarquement, ou l'action des groupes d'intervention régionaux.

Une réorganisation du commandement territorial sera effective à compter du 1er juillet 2005. Elle s'inscrit dans le cadre de la stratégie ministérielle de réforme du ministère de la défense. La suppression d'un échelon hiérarchique permettra de simplifier la chaîne de commandement et de la rendre plus réactive. Les futures régions de gendarmerie, calquées sur les régions administratives, auront la plénitude du commandement.

Le renouveau de la gendarmerie dépend aussi des moyens supplémentaires qui lui sont consentis. La gendarmerie nationale est engagée dans une double programmation prévue par la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI) et la loi de programmation militaire 2003-2008.

Dans un contexte budgétaire marqué par de nombreuses priorités, la ministre de la défense a maintenu l'effort consenti annuellement en matière de dotations. Entre 2003 et 2004, les crédits de fonctionnement ont augmenté de 1,2 %. Par ailleurs, la gendarmerie a bénéficié de la totalité de ces reports de crédits pour un montant de 4 millions d'euros.

Pour ce qui concerne les effectifs, 2 400 emplois de gendarme ont été créés depuis 2002 ; 700 postes budgétaires devraient l'être en 2005. Ainsi, 44 % des objectifs de la LOPSI seront atteints à la fin de l'année 2005.

Les dotations d'équipement connaissent une évolution similaire. En hausse au regard des années précédentes, elles permettent la réalisation progressive des programmes de modernisation, qui se caractérisent par l'acquisition de nouvelles tenues, de pistolets automatiques de nouvelle génération, de gilets pare-balles à port discret et de véhicules de transport pour la gendarmerie mobile. En 2005, ces programmes pluriannuels seront poursuivis avec la commande de 45 000 nouvelles tenues et de 34 000 pistolets automatiques. Par ailleurs, la deuxième tranche de livraison des véhicules de la gendarmerie mobile et le lancement du programme de renouvellement des véhicules blindés à roues de la gendarmerie devraient également intervenir en 2005. Très utilisés dans la gestion des crises, notamment en Nouvelle-Calédonie, ces blindés ont atteint les limites de leur potentiel et doivent être remplacés. Un achat sur étagères de véhicules à six roues est prévu à cet effet.

D'une façon générale, le budget de la gendarmerie passe de 4 338 millions d'euros à 4 485 millions d'euros, soit une progression globale de 3,4 %. Pour les titres III et V, les crédits de paiement augmenteront en 2005 de plus de 3 %. La masse salariale de la gendarmerie progressera de 70 millions d'euros. Hors rémunérations et charges sociales, le budget de fonctionnement augmentera de l'ordre de 4 %.

Au sein du ministère de la défense, la gendarmerie est engagée dans la stratégie ministérielle de réforme par le biais de la mutualisation et de l'externalisation. A titre d'exemple, peuvent être citées l'externalisation du parc domanial de la gendarmerie et celle des véhicules de la gamme commerciale. Les conditions de l'externalisation du parc immobilier restent à définir ; en tout cas, l'objectif reste celui d'un service rendu identique et au moindre coût. La dispersion et la variété du parc exigent une estimation affinée de sa valeur afin de s'assurer de la rentabilité de la réforme. Une fois l'expertise achevée, il restera à régler les questions juridiques soulevées par ce projet avant de passer à sa réalisation.

La gendarmerie participe également à la démarche qualité du ministère par le biais notamment de trois pôles d'application.

Le premier pôle est l'amélioration de l'accueil du public dans les gendarmeries. A cet effet, une charte de l'accueil commune à la police et la gendarmerie a été publiée, l'accueil des victimes d'infraction amélioré.

Le deuxième pôle concerne la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Une des caractéristiques de cette nouvelle approche du budget est la performance. La gendarmerie a été ainsi conduite à améliorer son contrôle de gestion. En 2004, une première expérimentation de globalisation des crédits a été conduite à l'école de Montluçon. Cette expérimentation sera étendue en 2005 à la future région de Franche-Comté qui correspond aujourd'hui à la légion de gendarmerie départementale de Franche-Comté. Dans le même temps, la mise en service du progiciel GESFI permettra la mise en place d'une chaîne de contrôle de gestion capable de suivre la réalisation d'un projet annuel de performance adapté aux exigences d'un service public modernisé.

Le troisième volet des réformes est constitué par le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), pour lequel plus de 20 millions d'euros ont été provisionnés en 2005. Il prévoit un repyramidage étendu, se traduisant par une augmentation jusqu'à 5 000 du nombre des officiers d'ici à 2012 et une progression du nombre de gradés. Bien que la dimension indiciaire ne soit pas oubliée, il s'agit d'abord d'une réforme de nature fonctionnelle destinée à améliorer le taux d'encadrement, à reconnaître les responsabilités exercées notamment par les commandants des brigades importantes ; de fait, cela élargira les passerelles entre le corps des sous-officiers et celui des officiers. Dès la première année d'application de ce plan, 1 000 postes d'officiers seront créés et 1 208 postes de gendarmes transformés en postes de gradés.

En ce qui concerne la reconnaissance de l'engagement des gendarmes, deux autres avancées ont été acquises. D'une part, la médaille de la gendarmerie a été réformée et correspondra à l'avenir à un titre de guerre, permettant un accès plus rapide aux ordres nationaux. D'autre part, la prime de résultats exceptionnels s'inscrit dans la culture de la performance et vise à une valorisation réelle des résultats. Son montant est significatif : il s'élève à 400 euros pour la prime collective et 100 euros pour la prime individuelle ou exceptionnelle, qui sera modulable selon un coefficient de un à cinq. De l'ordre de 7 500 militaires en bénéficieront chaque année.

La situation de la gendarmerie, notamment sur le plan financier, est en voie d'être assainie. La nécessaire impulsion lancée en 2002 demeure et porte ses fruits.

Sur le plan européen, il faut également mettre en avant l'adoption le 17 septembre 2004 d'une déclaration d'intention sur la constitution d'une force de gendarmerie européenne (FGE), à Noordwijk. Il s'agit d'un outil supplémentaire de gestion des crises, constitué de forces de police à statut militaire, lesquelles ont démontré toute leur pertinence dans le contexte international actuel. Trois escadrons de gendarmes mobiles sont déployés aujourd'hui en Côte d'Ivoire, deux au Kosovo et en Bosnie-Herzégovine. La gendarmerie assure également la protection d'ambassades sensibles, comme à Badgad ou Alger, et est présente sous l'égide de l'ONU à Haïti. Ce type de forces permet d'accompagner le passage d'une phase militaire à une phase civile de gestion des crises. La FGE sera composée au total de 800 militaires, avec une capacité de déploiement rapide dans un délai de trente jours. La France apportera une contribution de 300 personnes. Un état-major permanent sera implanté en Italie. Son premier chef sera certainement un Français ; quatre officiers et deux sous-officiers de gendarmerie y seront affectés. D'autres pays ne disposant pas de forces de police à statuts militaires semblent également intéressés par ce projet et examinent les moyens de s'y rattacher.

Acteur convaincu de la réforme de l'Etat, la gendarmerie connaît un véritable renouveau depuis deux ans et les bons résultats enregistrés sont la conséquence des moyens accordés par le Gouvernement et le Parlement. La mise en oeuvre des communautés de brigades sera menée à bien, mais elle suppose l'achèvement du déploiement des nouveaux moyens de communication intranet et un effort d'explication en direction des élus. Il convient de maintenir la dynamique de confiance.

Le président Guy Teissier a demandé quelle est la perception de la réforme du statut général des militaires au sein de la gendarmerie.

M. Pierre Mutz a indiqué qu'il n'avait pas eu connaissance de réactions négatives ou de propositions nouvelles par rapport au projet de loi déposé au Parlement.

Après avoir félicité la gendarmerie pour la sécurisation des transports de combustibles nucléaires dans la Manche, M. Jean Lemière a souhaité connaître l'appréciation portée par le directeur général de la gendarmerie nationale sur la qualité des logements fournis aux gendarmes et à leurs familles et l'évolution de cette situation.

M. Pierre Mutz a répondu que la question du logement revêtait une importance cruciale. Trop de gendarmes sont encore logés dans des conditions qui ne sont pas dignes de la qualité de leur travail. Grâce aux crédits votés par la représentation nationale, les logements les plus dégradés ont pu être rénovés en priorité. Il convient de ne pas relâcher l'effort entrepris. Le moral et la disponibilité des gendarmes dépendent largement des conditions d'hébergement de leurs familles.

Le président Guy Teissier s'est félicité de la construction récente de trois cents logements de gendarmes à Marseille.

M. Yves Fromion a souligné l'intérêt des réserves au sein de la gendarmerie. Les commandements de brigades apprécient beaucoup ce renfort pour faire face aux manifestations ponctuelles. Les réservistes se révèlent aussi très utiles pour les contrôles de zones et leur bonne connaissance des populations. Il a également souhaité connaître les incidences de la nomination annoncée d'un militaire à la tête de la gendarmerie, situation qui ne s'est jamais produite jusqu'ici.

M. Pierre Mutz a indiqué que la gendarmerie n'éprouvait aucune difficulté à recruter des réservistes grâce à son maillage géographique. Au 31 juillet 2004, elle comptait 15 421 réservistes contre 9 617 en 2001, ce qui témoigne d'une bonne progression. Les crédits consacrés aux réserves sont aussi en constante augmentation. D'un montant de 12,1 millions d'euros en 2001, ils devraient être de l'ordre de 40 millions d'euros en 2005. Il ne faudrait pas néanmoins que les difficultés matérielles parfois rencontrées pour équiper les réservistes donnent à ces derniers le sentiment d'être des gendarmes « de seconde zone ». Pour l'instant, l'effort a porté en priorité sur les gilets pare-balles, dont chaque réserviste en activité doit être équipé.

Le général Guy Parayre, actuel major général de la gendarmerie et qui prendra très prochainement le commandement de la gendarmerie nationale, est un homme d'une grande qualité qui réussira dans ses fonctions. Artisan du nécessaire rapprochement entre la police et la gendarmerie, il a contribué à la réussite de cette réforme, tout en s'attachant à conserver à la gendarmerie une identité militaire forte.

Le président Guy Teissier a souligné que le choix d'un général pour diriger la gendarmerie n'était pas neutre. Le Gouvernement a voulu mettre l'accent sur le caractère militaire de cette institution.

M. Charles Cova a rappelé que la médaille militaire, créée par Napoléon III en 1852, était attribuée au mérite. Il a demandé si la transformation de la médaille de la gendarmerie en un titre de guerre n'allait pas susciter des jalousies dans les autres armées et dévaloriser la médaille militaire.

M. Pierre Mutz a indiqué que trop de gendarmes méritants arrivaient à la fin de leur carrière sans avoir accumulé les points nécessaires à l'obtention de la médaille militaire. La transformation de la médaille de la gendarmerie en titre de guerre permettra de remédier à cette iniquité en favorisant l'accès aux ordres nationaux.

M. Jean-Claude Viollet a demandé au directeur général de la gendarmerie nationale quelle était son appréciation sur la prochaine mutualisation des systèmes d'information des armées, au regard notamment des spécificités de la gendarmerie.

M. Pierre Mutz a répondu que, si l'externalisation de la gestion des véhicules civils ou des logements n'appelait aucune objection, il restait prudent sur les projets de mutualisation des systèmes d'information. La gendarmerie doit pouvoir rester maîtresse d'un système qui lui soit propre, compte tenu du caractère confidentiel et judiciaire de ses données.

M. Philippe Folliot a rappelé que le directeur général de la gendarmerie nationale avait pris ses fonctions dans un contexte particulier, marqué par le malaise exprimé lors des événements de décembre 2001 et le rattachement pour emploi auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales. Il a demandé ce qui manque encore à la gendarmerie pour trouver le point d'équilibre entre son statut militaire et le rapprochement de ses missions avec celles de la police nationale.

M. Pierre Mutz a fait valoir que le directeur général de la gendarmerie nationale ne maîtrise pas totalement les dépenses de la gendarmerie. En effet, il met au service des magistrats, des préfets et de nos concitoyens, des moyens adaptés aux demandes et aux événements. Parce qu'elle est au service des Français, la gendarmerie ne peut pas se soustraire à leurs demandes. C'est là toute la difficulté du rôle du directeur général de la gendarmerie nationale.

Depuis 2002, la mise pour emploi de la gendarmerie auprès du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales n'a pas posé de problème. Sur le terrain, l'entente est bonne ; au niveau central, des gendarmes occupent des postes de responsabilités dans des structures de la police nationale (attachés de sécurité intérieure, offices centraux notamment) et réciproquement, des policiers sont affectés dans les offices dirigés par la gendarmerie. L'affirmation du statut militaire de la gendarmerie et les différentes mesures visant à rendre plus cohérente la structuration de la gendarmerie, mais aussi à mieux reconnaître les responsabilités exercées, comme le plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées, donnent toute satisfaction à l'ensemble des gendarmes.

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