COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 4

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 12 octobre 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540)

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Audition du général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

Le général Bernard Thorette, chef d'état-major de l'armée de terre, a observé, en préambule, que les événements géopolitiques survenus il y a une quinzaine d'années avaient réaffirmé l'armée de terre comme un outil majeur au service des ambitions et des valeurs de notre pays. De la même manière qu'ont été identifiés par le gouvernement un certain nombre de pôles d'excellence industriels, l'armée de terre peut prétendre à un statut comparable sur la scène internationale.

En effet, trois ans après l'achèvement du processus de professionnalisation, les forces terrestres ont acquis une stature reconnue par nos alliés :

- la totalité des unités a acquis une vraie expérience opérationnelle. Aujourd'hui, ce sont plus de 22 000 hommes et femmes qui sont en posture opérationnelle, en opération ou en alerte. Depuis 2002, plus de 50 000 de nos soldats ont été engagés en Côte d'Ivoire, 15 000 dans les Balkans et 7 000 en Afghanistan ;

- la plupart des opérations auxquelles participe l'armée de terre sont multinationales et nos forces y ont acquis une vraie crédibilité. La lacune identifiée dans le domaine du commandement vient d'être comblée par la création sous enveloppe de crédits et d'effectifs du quartier général du corps de réaction rapide de la France, à Lille ;

- la grande qualité du système de recrutement, de formation et d'entraînement est reconnue par tous.

Instrument performant au service de notre pays, l'armée de terre devra bientôt faire face à trois défis principaux.

Sur fond d'un important engagement opérationnel permanent, elle devra d'abord adapter son organisation à l'image de l'ensemble du ministère de la défense qui a amorcé un processus de modernisation de grande ampleur. L'adoption par le parlement du nouveau statut général des militaires a été particulièrement bien accueillie dans les forces terrestres. La réforme établissant la prééminence du chef d'état-major des armées renforcera la pertinence des arbitrages entre les capacités de nos armées. Elément moteur de la stratégie ministérielle de réforme, l'armée de terre a contribué cette année à la création du service d'infrastructure de la défense et à celle de la direction interarmées des réseaux d'infrastructure et des systèmes d'information. La loi organique relative aux lois de fiances (LOLF) constitue également une opportunité de réforme. Les crédits des forces terrestres seront désormais essentiellement répartis entre trois programmes : « préparation et emploi des forces » à hauteur de 9,3 milliards d'euros, « équipement des forces » et « soutien de la politique de défense » à hauteur de 2,1 milliards d'euros pour ces deux derniers. La gestion de la masse salariale représente une autre opportunité qui doit permettre à l'armée de terre d'adapter au mieux sa pyramide des grades, ce qu'elle commencera à faire en 2006 en transformant 320 postes de sous-officiers en 500 postes de militaires du rang.

A ce défi institutionnel s'ajoute un défi opérationnel dans un contexte nouveau. Face aux situations de guérilla urbaine, la frappe à distance de sécurité à l'aide d'un armement sophistiqué est dépassée par l'action au contact, qu'il s'agisse du contact de l'ennemi ou de celui de populations démunies. Les opérations actuelles demandent des effectifs importants en personnels bien formés. L'armée de terre représente aujourd'hui 80 % des effectifs engagés en opérations. Nos alliés reconnaissent aux forces françaises une réelle efficacité en matière de savoir-faire auprès des populations et d'aptitude à l'engagement. La technologie n'est pas absente pour autant : elle participe à la maîtrise de l'information, à la protection des soldats et à la mobilité.

Le troisième défi concerne la place de l'armée de terre dans la société. Un jeune français sur 12 sollicite chaque année un engagement dans l'armée de terre. Elle en recrute 15 000 annuellement. Ce sont 10 000 jeunes qui rejoignent le marché de l'emploi chaque année en quittant ses rangs, souvent avec une vraie qualification. Depuis 1997, environ 100 000 Français ont quitté les forces terrestres.

Or, dans l'effort important consenti pour elle, l'armée de terre peine à préserver les ressources nécessaires à la préparation de l'avenir. En effet, le changement de statut de l'armée de terre, passée d'une armée « tenue en réserve » pendant la guerre froide, à une armée d'emploi a induit plusieurs conséquences :

- l'armée de terre « consomme » davantage de potentiel de ses matériels qu'elle n'en produit par l'entretien, la revalorisation ou l'acquisition de matériels neufs. Parallèlement aux 72 000 militaires déployés en opérations extérieures depuis trois ans, ce sont 40 000 véhicules et engins divers qui ont été engagés ;

- le rythme élevé du nombre des opérations est devenu la motivation principale des hommes et des femmes de l'armée de terre. Cela est dû, bien sûr, à leur attachement pour leur métier, qui trouve tout son sens en opérations. Cela est dû aussi - il ne faut pas le nier - aux compensations financières qui y sont attachées et également aux difficultés quotidiennes de l'exercice du métier en métropole, au premier rang desquelles figure la disponibilité des matériels ;

- le taux d'utilisation de nos unités, bien qu'acceptable, limite par simple manque de temps leurs capacités à s'entraîner.

Conscient de la priorité accordée par le gouvernement à la défense, le général Bernard Thorette a souligné les avancées réelles permises par le projet de budget, parmi lesquelles il a noté le plan de l'amélioration de la condition militaire, le fonds de consolidation de la professionnalisation et la budgétisation prévisionnelle du surcoût occasionné par les opérations extérieures. Pourtant, ce surcoût ne tient compte que du fonctionnement et pas de l'usure du « capital » représenté par les matériels de l'armée de terre.

La masse salariale attribuée à l'armée de terre dans le cadre de l'action 2 « préparation et emploi des forces terrestres » du programme 178 s'élève à 7,5 milliards d'euros, ce qui correspond à un effectif moyen réalisé de 124 000 militaires, puisque environ 12 000 emplois sont transférés vers d'autres actions ou programmes de la défense. A périmètre identique, les effectifs restent relativement stables. Le sous-effectif en personnels civils qui atteint désormais 5,9 % des emplois apparaît plus préoccupant.

Les crédits de fonctionnement inscrits à cette même action s'élèvent à 813 millions d'euros et ne sont pas réactualisés depuis 2003. Cette contrainte apparaît d'autant plus lourde que le coût du maintien en condition opérationnelle des équipements vieillissants tend à augmenter et que les équipements modernes ont un coût d'entretien important.

Les commandes et livraisons d'équipement pour l'armée de terre seront concentrées sur trois priorités : les systèmes de commandement, d'information et de renseignement, les combats de contact (VBL, VAB, chars AMX 10 RC, système Félin) et l'aéromobilité (hélicoptère Tigre).

Les autorisations d'engagement de l'armée de terre inscrits dans le programme « équipement des forces » s'élèvent à 1,9 milliard d'euros et ceux inscrits dans le programme « soutien de la politique de défense » à 320 millions d'euros.

La numérisation complète de deux brigades d'ici l'été 2009 traduira une avancée de notre pays dans ce domaine qui confortera l'armée de terre comme pôle d'excellence français. Mais la prochaine loi de programmation militaire représentera un enjeu capital pour les forces terrestres qui, pour rester au niveau qui est le leur actuellement, niveau obtenu au prix d'un effort important, devront renouveler une grande partie de leurs matériels majeurs, aériens et blindés notamment.

Le président Guy Teissier a souhaité connaître l'appréciation du chef d'état-major de l'armée de terre sur le fonctionnement du système de « collégialité arbitrée » qu'a présenté le chef d'état-major des armées lors de son audition devant la commission. Observant par ailleurs le renchérissement durable des cours du pétrole, il a demandé si l'enveloppe prévue en faveur du carburant ne risquait pas de se révéler insuffisante pour permettre à l'armée de terre de maintenir sa capacité opérationnelle.

Le général Bernard Thorette a précisé que, dans le cadre du décret du 21 mai 2005 et de la mise en ouvre de la LOLF au sein des états majors, le chef d'état-major des armées a choisi d'exercer ses nouvelles fonctions d'arbitre en appliquant les principes de subsidiarité, consistant à laisser aux états-majors le soin de remplir les tâches qu'ils sont les mieux à même d'accomplir, et de collégialité arbitrée. Cette organisation se distingue de celle de bon nombre d'autres pays qui ont décidé d'aller plus loin dans le sens de l'interarmisation. Un conseil des systèmes de forces regroupant l'ensemble des chefs d'état-major et présidé par le chef d'état-major des armées a été par ailleurs mis en place, afin de faciliter le dialogue au plus haut niveau des états-majors.

C'est le chef d'état-major des armées qui a la vision globale de la constitution d'un outil opérationnel, ce qui justifie son pouvoir d'arbitrage.

La question du coût des carburants est un sujet un peu moins prégnant pour l'armée de terre que pour la marine ou l'armée de l'air. Les crédits prévus pour 2006 concernent principalement le carburant destiné à l'entraînement, pour un montant d'environ 80 millions d'euros, et le fioul utilisé pour le chauffage. Si les cours du pétrole augmentent à nouveau, l'objectif en termes de jours d'activité, de l'ordre de 96 jours - dont 4 consacrés à des exercices internationaux -, pourrait être lui aussi réexaminé. En tout état de cause, l'état-major participe activement à toutes les études actuelles de la direction des affaires financières sur les procédures de couverture des risques pétroliers.

M. Joël Hart s'est félicité que les incertitudes portant sur les effectifs en 2005 ne soient plus qu'un mauvais souvenir et que l'entrée en vigueur de la LOLF offre suffisamment de souplesse pour transformer 350 emplois de sous-officiers en 500 postes d'engagés volontaires de l'armée de terre (EVAT). Des inquiétudes subsistent malgré tout sur l'entretien des matériels des régiments, dont la situation sape le moral des troupes et tout particulièrement celui des jeunes engagés. Les industriels semblent en cause mais il n'est pas exclu que le montant des crédits de fonctionnement soit insuffisant. Pour ce qui concerne les livraisons de matériels neufs, l'entrée en service des Tigre tarde et de réelles interrogations portent sur les commandes du NH 90.

Dans ce contexte, la prochaine loi de programmation militaire apparaît cruciale pour l'armée de terre. Or, compte tenu du lancement des programmes tels que le second porte-avions ou les frégates multimissions, entre autres, le risque est grand que ne lui soit affectée qu'une portion congrue des crédits futurs. L'état-major a-t-il procédé à une évaluation prospective des besoins budgétaires de l'armée de terre d'ici 2015 ? Comment l'accroissement prévisible des besoins, c'est-à-dire la fameuse « bosse » de financement, sera-t-il pris en compte au-delà de 2008 ?

Le général Bernard Thorette a souligné que l'armée de terre ne rencontrerait pas de difficultés en matière d'effectifs en 2006, ce dont on ne peut que se féliciter, au regard des contraintes opérationnelles. Pour l'année 2005, les effectifs moyens réalisés se sont établis à 133 700 militaires, alors que les effectifs budgétaires atteignaient 135 900. L'armée de terre se situe donc dans une marge satisfaisante, ses effectifs étant globalement équivalents à ceux de l'année précédente. La loi organique relative aux lois de finances s'appuie sur la notion de plafond autorisé d'emplois, qui atteint pour l'armée de terre, dans le nouveau périmètre, 126 000 militaires, soit, compte tenu de la masse salariale allouée, 124 000 militaires. Ces effectifs permettent de réaliser les engagements opérationnels demandés à l'armée de terre.

La disponibilité technique opérationnelle des équipements constitue un sujet de préoccupation récurrent, qui comporte des conséquences pour l'entraînement du personnel, mais aussi sur leur moral. Le niveau de cette disponibilité, de l'ordre de 73 %, n'est certes pas satisfaisant, mais doit être apprécié à l'aune de l'objectif de 75 % défini comme cible pour 2008.

Il faut toutefois relever que la disponibilité des matériels atteint 92 % sur les théâtres d'opérations extérieures, grâce à un effort important en matière d'approvisionnement des pièces, mais aussi à la mobilisation des personnels. Parallèlement, quatre mois avant le départ en opération d'une unité, les équipements qui seront nécessaires sur le théâtre extérieur affichent un taux de disponibilité de 97 %.

Les causes de l'insuffisante disponibilité des matériels sont multiples. Parmi celles-ci, figurent les délais de livraison des pièces : si l'armée de terre a sans doute une part de responsabilité dans ce domaine, les constructeurs lui imposent souvent des délais considérables, de trois mois à une année. Le rythme d'emploi des matériels a également une incidence sur leur disponibilité : globalement, l'armée de terre consomme davantage de potentiel de ses matériels qu'elle n'en produit. Ainsi, l'entraînement des forces mobilise fortement les matériels concernés. A titre d'exemple, en mars et avril 2005, l'armée de terre a réalisé, pour la première fois depuis la mise en place de la professionnalisation, un exercice impliquant 15 000 militaires ainsi que 3 000 véhicules. Après cet exercice, la disponibilité des équipements utilisés a certes chuté, mais cela n'est pas négatif, puisque lié à l'entraînement des personnels.

L'armée de terre déplore les retards des livraisons de chars Leclerc, mais aussi les décalages affectant le calendrier de l'hélicoptère Tigre. Si le Tigre constitue sans nul doute un système d'armes particulièrement complexe à mettre au point, ces retards posent des difficultés, notamment en matière de formation. Le prix de l'entretien des matériels neufs est supérieur à celui de leurs prédécesseurs : l'entretien du Tigre coûtera davantage que celui des Gazelle, tout comme la maintenance du char Leclerc est plus onéreuse que celle des AMX 30. C'est pourquoi les crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels resteront élevés au cours des prochaines années.

La prochaine loi de programmation militaire devra certes être construite en fonction des grands programmes d'équipement, mais aussi en prenant en considération nos capacités financières. L'armée de terre, armée d'emploi, aura des besoins importants, dont la planification prévisionnelle des grands programmes d'équipement devra tenir compte.

S'agissant du NH 90, les retards constatés ne devraient pas toucher l'armée de terre, pour laquelle les premières livraisons doivent intervenir en 2011. Il convient toutefois de rappeler son importance pour les forces terrestres, qui ont dû renoncer à la rénovation de leurs appareils Puma et se limiter à celle de 24 Cougar. L'arrivée dans les forces des 68 exemplaires du NH 90 à partir de 2011 est donc essentielle.

M. Jean-Michel Boucheron s'est enquis des modalités de la participation de l'armée de terre à la Nato Response Force (NRF) et a souhaité obtenir des précisions sur la récente réorganisation des forces françaises en Afrique : quelles en seront les échéances ? Quelle sera la configuration issue de cette réorganisation ?

Le général Bernard Thorette, observant que cette question était plutôt de la responsabilité du CEMA, a indiqué qu'en avril 2003, le Président de la République a approuvé l'implication de la France dans la NRF et la création du quartier général du Corps de réaction rapide (CRR), ou High Readiness Force, à Lille. Cette décision correspond à la volonté de la France d'être présente dans les engagements de l'OTAN, tout en s'impliquant dans les démarches européennes.

Le quartier général du CRR a été officiellement créé le 1er octobre 2005 et se trouve actuellement aux deux-tiers des capacités prévues. Il sera soumis à une première certification de l'OTAN en septembre 2006, afin d'obtenir l'Initial Operational Capability (IOC), tandis que la certification finale, dite Full Operational Capability (FOC), devrait intervenir au début de 2007. Le quartier général du CRR comprend 72 étrangers, sur un effectif total de 400 personnes. Cette démarche apparaissait nécessaire : lors de l'opération menée au Kosovo, la France n'avait pas été en mesure d'envoyer un état-major certifié par l'OTAN.

L'armée de terre doit accepter les contraintes associées à ce processus, notamment les dispositifs d'alertes, prévus par l'OTAN, et qui ont le mérite d'inciter les pays participants à s'engager réellement. L'armée de terre devra ainsi combiner ces contraintes avec ses propres alertes dites « Guépard », correspondant à la possibilité de mobiliser 5 000 hommes dans un délai compris entre douze heures et neuf jours. Cette participation à la NRF implique de participer à des exercices réguliers se calquant sur le système de rotation propre à la NRF, ce qui constituera une contrainte supplémentaire.

La participation de l'armée de terre à la NRF favorisera une certaine émulation, de même que la mise en place des groupements tactiques de 1 500 hommes, lancée par l'Union européenne. Cette dernière se dote ainsi d'un outil opérationnel concret dans le cadre du réservoir de forces de 60 000 hommes prévu par l'objectif d'Helsinki.

Ces dispositifs se traduisent par des obligations supplémentaires pour l'armée de terre mais correspondent à une véritable ambition internationale et permettent incontestablement de valoriser l'outil militaire français.

La réorganisation du dispositif militaire français en Afrique est de la compétence des autorités politiques et du chef d'état-major des armées. La presse a diffusé des informations qui ne correspondent pas entièrement à la réalité. Il existe actuellement un projet, défini dans le cadre de l'Union africaine, visant à donner aux différentes organisations politiques régionales de ce continent les moyens de régler les crises dans leurs zones d'influence respectives. Chaque zone géographique disposera d'une brigade adossée au dispositif RECAMP (Renforcement des capacités africaines de maintien de la paix). Par cohérence géographique, le chef d'état-major des armées a proposé que les capacités françaises, elles-mêmes associées à RECAMP, soient principalement réorganisées autour de Dakar, Libreville, et Djibouti.

Le général Bernard Thorette a précisé, qu'à sa connaissance, le fait que le Tchad ne soit pas cité parmi les principaux points de stationnement des forces françaises ne signifie pas que celles-ci vont quitter le pays. Il appartient au chef d'état-major des armées, au ministre de la défense et au Président de la République, de se prononcer sur l'organisation des forces françaises prépositionnées sur le continent africain.

Le président Guy Teissier a précisé que cette question avait été évoquée avec le général Lamine Cissé ; les journalistes sont allés au-delà des propos tenus.

Reprenant les remarques du chef d'état-major de l'armée de terre sur l'état du matériel militaire, M. Gilbert Meyer a observé qu'un rapport d'information sur l'entretien des matériels des armées, publié en octobre 2002, faisait état d'une disponibilité technique opérationnelle du matériel de l'armée de terre se situant entre 35 et 55 %. Quelle est aujourd'hui la disponibilité des matériels par rapport à ce constat ?

Le général Bernard Thorette a souligné la difficulté d'établir des comparaisons pertinentes. Certains matériels connaissent des variations de disponibilité importantes. A titre d'exemple, la disponibilité technique opérationnelle du char Leclerc est passée de 58 %, il y a six mois, à 35 à 40 % aujourd'hui ; cet écart résulte d'un défaut de patin de chenille d'une part, et de soucis causés par le récupérateur de tir d'autre part. Cette situation n'empêche cependant pas l'utilisation des matériels, dotés des patins existants, ni l'entraînement des personnels même si dans ces circonstances, il leur est impossible d'utiliser les fonctions de tir.

Actuellement, le suivi de la disponibilité technique opérationnelle est effectué à partir d'un tableau de bord élaboré par le contrôle général des armées pour le ministre. Les calculs sont pondérés et ne prennent pas en compte les matériels qui, faisant l'objet d'une rénovation complète, sont de fait retirés des régiments. Le chiffre de 73 % ainsi obtenu ne peut donc être comparé aux chiffres du rapport publié en 2002. Il souligne plutôt une stagnation du taux global de disponibilité technique opérationnelle dans le périmètre qui a été défini, puisque ce chiffre s'élevait à 70 % il y a un an et à 73 % il y a six mois.

Par ailleurs, il est bien évident que l'agrégation statistique des matériels du génie et des véhicules de l'avant blindé, par exemple, n'a pas une grande signification quant au caractère opérationnel global des forces terrestres.

Certains matériels, tels que les hélicoptères Puma, les Sagaie et AMX-10RC bénéficient d'une disponibilité technique opérationnelle constante évaluée entre 50 % et 60 %. Le taux de disponibilité technique des AMX-10 P s'élève à 65 %, ce qui est satisfaisant au regard de la vétusté de ces matériels. Certains matériels sont retirés à tour de rôle des unités en vue d'une rénovation complète : ce sera le cas des AMX-10 RC jusqu'en 2010, et des Sagaie qui vont être équipées d'un moteur diesel, nécessitant une immobilisation de sept mois.

M. Gilbert Meyer a noté que le général Thorette était non seulement un militaire mais également un diplomate.

Le général Bernard Thorette a reconnu que certains régiments avaient dû se contenter de 10 à 12 AMX10-RC opérationnels sur les 48 en dotation.

Le président Guy Teissier a précisé que ces blindés avaient parfois été remplacés par de simples camions lors des entraînements.

M. Jérôme Rivière a estimé avoir décelé dans les propos du chef d'état-major l'expression d'une crainte relative au coût du maintien en condition opérationnelle de l'équipement des forces et notamment des hélicoptères. La mise en œuvre d'un système d'arme volant est-il véritablement au cœur de la mission des forces terrestres ? Ne conviendrait-il pas de recentrer l'effort sur les personnels au sol et le matériel blindé ?

Le général Thorette a précisé que les futurs matériels volants seront coûteux pour toutes les armées. Deux aspects sont à prendre en considération : l'élément financier et l'élément capacitaire. L'action de l'armée de terre se caractérise par un mode de combat aéroterrestre au sol et près du sol. Les trois missions accomplies par les hélicoptères sont la reconnaissance, l'appui et la manœuvre, qu'il convient de distinguer du transport. Ces matériels appartiennent, de façon consubstantielle, à la force aéroterrestre. Ce modèle est celui de toutes les armées du monde. L'armée de terre perdrait beaucoup à sortir les voilures tournantes de cet ensemble. Les crédits d'entretien des aéronefs de l'armée de terre représentent un tiers de ses crédits de maintien en condition opérationnelle du matériel. Le coût de maintenance du Tigre et du NH-90 sera, en tout état de cause, élevé. La simulation constituera, à coup sûr, une source d'économie.

M. Jean-Claude Viollet a demandé s'il était possible, dans le domaine des crédits de fonctionnement, de définir, comme pour la disponibilité des matériels, des seuils critiques. Pour ce qui concerne les effectifs civils, quels sont les éléments, en termes de fonction et de qualification qui sont problématiques ? En matière d'équipement, il est courant d'entendre que la loi de programmation militaire est tenue. La vérification se fera à l'aune de la réalisation du modèle armée 2015. A cet égard, des révisions en volumes sont-elles à prévoir ?

Le général Thorette a rappelé que le coût des services, mesuré par l'INSEE, augmente chaque année de 5 % à 10 %. Or, pour l'année 2006, une économie de 3,5 % est demandée. Dans le domaine du fonctionnement, des économies peuvent certes être réalisées dans certains domaines comme le chauffage, mais le coût de nombreux contrats de sous-traitance apparaît plus élevé d'une année sur l'autre. C'est ce qui rend le fonctionnement contraint.

Les personnels civils mis à la disposition de l'armée de terre par le secrétariat général pour l'administration sont moins nombreux chaque année, en raison, notamment, du non-remplacement d'une partie des départs à la retraite et de la restructuration de GIAT. Il n'est donc pas exclu que doivent être affectés sur des postes civils des personnels militaires. Les effectifs budgétaires de personnels civils au sein des forces terrestres sont suffisants, mais il conviendrait que ces postes soient pourvus.

Les questions relatives à la prochaine loi de programmation militaire relèvent de la compétence du chef d'état-major des armées, qui conduira les travaux sous l'égide du ministre. Le modèle d'armée 2015 est sur la bonne voie. L'abandon de quelques programmes comme le missile à fibre optique ou le châssis blindé du missile Mistral, qui n'étaient pas explicitement inscrits en PLM, ne signifie pas que ce modèle n'est plus pertinent.

M. Francis Hillmeyer a demandé si les effectifs de l'armée de terre s'avéraient suffisants compte tenu du nombre de militaires mobilisés par des tâches de sécurité intérieure.

Le général Thorette a estimé que les effectifs opérationnels mis en évidence par la LOLF, soit 124 000 militaires, étaient suffisants. L'armée de terre peut fonctionner durablement avec 10 000 hommes en opération extérieure ou en mission intérieure. Ce chiffre pourrait être dépassé, s'il le fallait, en acceptant certaines conséquences en matière de disponibilité des matériels, d'entraînement et de déploiement.

Les opérations intérieures mobilisent en moyenne plus de 1 000 hommes, dont 600 à 700 pour Vigipirate, 300 pour la lutte contre les incendies de forêt et divers autres événements. En situation de crise d'une exceptionnelle gravité, l'armée de terre serait à même de mobiliser 15 000 hommes en 48 heures. C'est là son troisième défi : l'armée de terre est une armée de proximité.

Le Président Guy Teissier a souligné que l'armée de terre intervenait également en cas de catastrophe naturelle.

Le général Thorette a rappelé, qu'effectivement l'armée de terre française est aujourd'hui présente au Pakistan.

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