Version PDF

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 23

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 1er février 2006
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

page

- Audition du Général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, sur la situation en Côte d'Ivoire.

2

Audition du Général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, sur la situation en Côte d'Ivoire.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu le Général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, sur la situation en Côte d'Ivoire.

Le président Guy Teissier a jugé la situation actuelle en Côte d'Ivoire particulièrement préoccupante. Évoquant les perspectives de sortie de crise, il s'est demandé si le nouveau premier ministre, M. Charles Konan Banny, dont la sagesse et l'honnêteté ne sont pas à démontrer, parviendrait à ramener la paix et la démocratie. Il a également souhaité savoir comment les forces françaises, sur place, ont vécu les récents événements qui ont secoué le pays.

Le général Henri Bentégeat, chef d'état-major des armées, a tout d'abord souhaité retracer de façon chronologique le déroulement de la crise ivoirienne, afin de resituer les événements intervenus récemment et d'en apprécier les conséquences.

La crise a débuté le 19 septembre 2002 par la rébellion d'une partie de l'armée ivoirienne. Les accords de Marcoussis ont été conclus en janvier 2003, parallèlement au déploiement de la mission de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en Côte d'Ivoire (MICECI). C'est en février 2004 qu'a été décidée l'opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire (ONUCI), étape majeure dans l'engagement des Nations Unies dans la crise. En novembre 2004, ont eu lieu l'offensive des forces armées ivoiriennes contre les rebelles du nord, puis l'attaque des forces françaises à Bouaké ainsi que l'évacuation de quelque 8 000 ressortissants français. La médiation du président de l'Afrique du Sud, M. Thabo Mbeki, a débuté en décembre 2004 et a abouti à l'accord de Prétoria II, en juin 2005. Cet accord prévoyait un calendrier de désarmement ainsi que des élections, initialement envisagées en octobre 2005. Elles n'ont pu se tenir à cette date.

Le 21 octobre 2005, le Conseil de sécurité des Nations Unies a donc adopté la résolution 1633 qui comprend des mesures conditionnant le retour à la paix. Tout d'abord, il a été décidé de maintenir M. Laurent Gbagbo président pendant une année, tandis qu'un premier ministre aux pouvoirs renforcés devait être nommé avec pour mission de préparer le désarmement ainsi que les prochaines élections. Un mécanisme particulier a été mis en place pour assurer le suivi de la situation avec l'instauration d'un groupe de travail international (GTI), qui réunit tous les pays intéressés à cette crise, parmi lesquels les Etats-Unis et le Royaume-Uni, et qui est placé sous une double autorité : celle de la présidence de l'Union africaine et celle du représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, M. Pierre Schori. Dans le même temps, un groupe de médiation quotidienne a été créé. Il est animé par l'Afrique du Sud et par M. Pierre Schori, et inclut des représentants de l'Union africaine et de la CEDEAO.

En décembre 2005, M. Charles Konan Banny, personnalité bien acceptée par toutes les parties, a été nommé premier ministre. Le mandat de l'Assemblée nationale étant arrivé à son terme le 15 décembre 2005, le président Laurent Gbagbo a décidé de le prolonger d'un an en s'appuyant sur l'article 48 de la Constitution de Côte d'Ivoire, qui confère au président du pays les pleins pouvoirs dans les situations exceptionnelles. Cette décision allait à l'encontre du souhait de la communauté internationale.

Le 15 janvier dernier, le GTI a refusé cette prolongation. L'Assemblée nationale n'a pas été dissoute, maintenant ainsi le droit des parlementaires à leurs émoluments, mais il a été décidé qu'elle ne pouvait siéger en tant que telle. Du 16 au 20 janvier ont eu lieu des émeutes insurrectionnelles à Abidjan et dans le sud du pays, conduites notamment par les « jeunes patriotes », dirigés par Charles Blé Goudé. Dans de nombreux cas, les émeutiers ont bénéficié de la complicité des forces de sécurité ivoiriennes. Leur cible principale était les Nations Unies et non la France, bien que celle-ci ait également été visée avec le sitting réalisé devant son ambassade et devant l'enceinte du 43ème BIMa. La radiotélévision ivoirienne a également été investie par les émeutiers, lesquels utilisaient des moyens agressifs, en recourant notamment à des cocktails Molotov et à des caillassages.

Ces événements se sont déroulés principalement à Abidjan et dans des villes du sud et de l'ouest, comme San Pedro, Guiglo et Toulépleu. La mobilisation populaire a été très faible ; ces émeutes ont été le fait d'environ 3 000 manifestants très organisés et efficaces. Les dérapages de ces manifestations se sont avérés limités, hormis le saccage du quartier général de l'ONUCI à Abidjan ainsi que celui de résidences de cadres de l'ONU. Le poste avancé du bataillon bangladais, basé à Guiglo, a également été attaqué, et c'est là que sont survenus les seuls décès de ces émeutes. Les soldats bangladais ont ouvert le feu sur les émeutiers et ont tué cinq Ivoiriens. Après 48 heures de pression, le bataillon a fini par abandonner ses emprises dans le grand ouest. A cette exception près, le comportement des troupes de l'ONUCI a été irréprochable.

La force Licorne est intervenue à deux reprises à Abidjan pour dégager le quartier général de l'ONUCI et les résidences des cadres de l'ONU. Elle a également facilité le repli des soldats bangladais dans des conditions satisfaisantes. Les Forces Nouvelles n'ont pas profité de la situation, soit par manque de moyens, soit du fait de leur volonté de laisser la responsabilité des incidents aux forces présidentielles.

Abordant les conséquences de ces événements, le général Henri Bentégeat a estimé, en premier lieu, que le président Laurent Gbagbo en sortait conforté. Le 28 janvier dernier, il a confirmé la prolongation du mandat de l'Assemblée nationale, ne suscitant que peu de réprobations, même si les autorités internationales ont exprimé leur préoccupation. Il a par ailleurs reçu le soutien de certains de ses pairs africains. En second lieu, le premier ministre est certes fragilisé, mais nullement discrédité. Il a fait preuve d'une grande dignité et, dès qu'il l'a pu, il a repris en main la situation sans pouvoir néanmoins contrôler les forces de sécurité ivoiriennes ni la radiotélévision nationale, lesquelles, à l'évidence, ne relèvent pas de son autorité. En troisième lieu, le GTI sort affaibli de cette crise, d'autant que certains désaccords entre ses membres occidentaux et africains sont apparus en son sein. Il semble notamment que le président du Nigéria, M. Olusegun Obasanjo, et son homologue sud-africain, M. Thabo Mbeki, désapprouvaient certaines de ses initiatives. Enfin, le grand ouest se trouve aujourd'hui dépourvu de toute surveillance internationale alors que cette région connaît les difficultés ethniques les plus sévères et pâtit de nombreux trafics.

S'agissant des perspectives de sortie de crise, le général Henri Bentégeat a évoqué le processus « désarmement, démobilisation, réinsertion » (DDR), que la communauté internationale s'efforce de lancer depuis 2003. Parmi les moyens permettant de parvenir au désarmement des Forces nouvelles, figurent la préparation d'élections mais aussi le lancement effectif du processus d'identification des ressortissants ivoiriens, c'est-à-dire l'attribution de cartes d'identité ivoiriennes à des personnes appartenant à des familles implantées en Côte d'Ivoire depuis des générations et qui n'en disposent pas. Ce processus constitue l'une des revendications principales des Forces nouvelles, mais il demeure largement controversé, notamment parce qu'il représente, pour M. Laurent Gbagbo, un enjeu important pour les élections à venir.

La restauration de l'autorité de la communauté internationale en Côte d'Ivoire passe par l'application de sanctions, que le secrétaire général de l'ONU et le Conseil de sécurité estiment justifiées par les événements récents. Un débat est actuellement en cours entre les membres du Conseil de sécurité, ceux du Comité des sanctions et les chefs d'Etat africains. Certains d'entre eux se montrent réservés à l'égard d'une décision qui pourrait, estiment-ils, entraîner des troubles. En tout état de cause, ces sanctions devraient intervenir au cours de la semaine prochaine. Sans doute viseront-elles des responsables de deuxième ordre, et non les principaux.

Pour ce qui est du processus électoral, il faut savoir que la nomination du président de la commission électorale indépendante, désigné par un accord de toutes les parties ivoiriennes, est contestée par le Front populaire ivoirien (FPI). Le représentant du secrétaire général de l'ONU chargé des élections, M. Antonio Monteiro, doit prochainement infirmer ou confirmer cette nomination.

Il apparaît enfin indispensable de procéder au redéploiement de l'ONUCI en Côte d'Ivoire, notamment dans le grand ouest, alors même que les responsables locaux ont annoncé leur opposition au retour des forces de l'ONU dans cette région. Le mandat de la force Licorne est prolongé jusqu'en décembre 2006 et couvre ainsi la période électorale à venir. Sa mission est inchangée, consistant toujours à assurer la protection des ressortissants français et étrangers ainsi que le soutien de l'ONUCI. De plus, elle a vocation à participer aux opérations de désarmement, si celles-ci sont engagées. Les moyens dont elle dispose sont suffisants pour lui permettre de remplir sa mission et pourraient même être réduits au cas où les effectifs de l'ONUCI seraient renforcés.

Le général Henri Bentégeat s'est déclaré, en conclusion, peu optimiste compte tenu du contexte actuel. On ne constate pas de véritable volonté des parties concernées de parvenir à des élections libres et transparentes. Seuls la détermination du premier ministre et l'appui de la communauté internationale peuvent permettre de progresser. Néanmoins, il semble peu probable que la situation se dégrade fortement, sauf à envisager une stratégie désespérée de l'un des belligérants. La population ivoirienne est lasse des conflits et des jeux politiques des parties en présence.

Le président Guy Teissier a estimé que le pourrissement de la situation profite au président Gbagbo qui n'a comme seul objectif que de durer.

Il a jugé, quant à lui, tout à fait possible une aggravation de la crise, faisant valoir que, selon des sources diplomatiques, M. Blé Goudé venait de lancer au premier ministre un ultimatum qui exigerait l'élaboration d'un calendrier de désarmement des rebelles dans un délai de deux semaines.

La position du président Gbagbo s'inscrit dans un triptyque désormais assez clair. Tout d'abord, il ne vise qu'un objectif : durer. Il a tenu en échec les intervenants qui se sont succédés, qu'ils soient ou non issus du continent africain, en affichant sa volonté de ne pas négocier. Par ailleurs, il s'efforce d'engager systématiquement les jeunes patriotes tout en demandant le désarmement des Forces nouvelles, afin sans doute de modifier le rapport de force militaire à son avantage. Enfin, il accuse la France et les rebelles de piller les ressources du pays.

Aujourd'hui, si des sanctions sont prises, qui garantira leur application ? Dans l'éventualité où la France se retirerait de la Côte d'Ivoire, l'ONUCI ne paraît pas capable de poursuivre sa mission.

Le général Henri Bentégeat a précisé qu'en matière de sanctions, l'embargo est très difficile à appliquer, les frontières de la Côte d'Ivoire avec le Libéria et le Burkina Faso étant poreuses. L'efficacité de l'embargo repose donc sur les pressions exercées sur les pays fournisseurs. Les sanctions individuelles devraient, quant à elles, porter sur les déplacements internationaux des intéressés, qui ne pourraient alors plus quitter la Côte d'Ivoire, et le gel de leurs avoirs financiers à l'extérieur du pays. Si de telles mesures peuvent paraître limitées, leur impact moral est certain.

Quant au retrait des forces françaises de Côte d'Ivoire, il s'agit d'une décision qui revient au pouvoir politique. Dans un tel cas de figure, l'ONUCI ne pourrait effectivement plus remplir sa mission. Il convient toutefois de signaler que les contingents africains qui composent cette force se sont remarquablement comportés. La solution de la crise en Côte d'Ivoire est politique. Les effectifs actuellement déployés au sein de la force Licorne seraient largement suffisants pour un règlement militaire du problème mais la France n'aurait rien à y gagner. En l'état actuel des choses, la force Licorne assumera son mandat jusqu'en décembre 2006.

Le président Guy Teissier a fait valoir qu'à l'occasion d'un déplacement d'une délégation de la commission en Côte d'Ivoire, en 2003, il avait pu apprécier les qualités des soldats africains de l'ONUCI, dirigée alors par un général sénégalais. Il a souhaité savoir quels pays africains, en dehors du Gabon et du Sénégal, appuient la démarche française.

Le général Henri Bentégeat a signalé qu'outre ces deux pays, le Niger, le Bénin et le Ghana nous apportent leur soutien. Le bon comportement des Sénégalais et des Togolais est à souligner ; les Nigériens sont positionnés à Korhogo, dans le nord, zone sensible. Si des sanctions sont prises, elles le seront vraisemblablement à l'encontre des deux parties qui s'opposent en Côte d'Ivoire. Les réactions qui pourraient en découler toucheront l'ensemble des contingents africains. Il est donc primordial qu'ils possèdent un minimum d'expérience en termes de gestion de crises.

Le président Guy Teissier a demandé quelle était la position du Congo vis-à-vis de l'évolution de la crise ivoirienne.

Le général Henri Bentégeat a rappelé que le président du Congo, M. Denis Sassou Nguesso, vient d'être élu à la tête de l'Union africaine, ce qui le place en première ligne dans la gestion du dossier. Ses relations militaires ayant toujours été très confiantes avec notre pays, le Congo approuve la politique actuellement menée en Côte d'Ivoire par la communauté internationale ainsi que son action.

M. Gilbert Le Bris a partagé le point de vue du président Guy Teissier sur le triptyque en résumant les objectifs poursuivis par le président Gbagbo, par les termes « durer », « détériorer » et « détourner ». Il a souhaité savoir, dans le contexte géostratégique local, comment la France pourrait se démarquer des tensions apparues entre l'ONUCI et les jeunes patriotes. Observant par ailleurs que les militaires français, longtemps bien acceptés dans le pays, ont vu leur image se ternir depuis le bombardement de Bouaké et les émeutes plus récentes, il s'est enquis du moral de nos troupes en l'absence de perspective de solution définitive à la crise. Il a enfin demandé des précisions sur l'état des forces aériennes ivoiriennes.

Le général Henri Bentégeat a mis en exergue l'excellence des relations de la force Licorne avec l'ONUCI. Si, à l'occasion des derniers événements, le dispositif français ne s'est pas porté au secours des soldats bangladais en difficulté à Guiglo, c'est que ces derniers ne l'avaient pas sollicité. S'agissant du moral des troupes, il est certain qu'il faiblit quand la solution politique n'avance pas. Plus de 50 000 hommes se sont relayés sur le territoire ivoirien depuis 2002, certains militaires effectuant maintenant leur troisième rotation. Si leur état d'esprit varie en fonction des perspectives de résolution de la crise, nos militaires gardent le sentiment que la Côte d'Ivoire est un pays accueillant où l'hostilité ne se manifeste que de manière ponctuelle et temporaire. Les troupes sont rarement arrêtées aux « check points » et ne subissent qu'exceptionnellement des mouvements d'hostilité. Le moral serait meilleur si les progrès étaient réels mais il reste plutôt bon. Les militaires de la force Licorne sont cependant touchés par les conséquences de l'affaire Mahé, dont les conséquences compliquent parfois l'exercice de leur mission.

L'aviation ivoirienne dispose d'un seul hélicoptère d'attaque MI 24, endommagé en 2004 mais réparé, ainsi que d'avions de transport. L'hélicoptère ne vole qu'avec accord de l'ONUCI et de la force Licorne, dans le cadre de son maintien en condition opérationnelle.

Le président Guy Teissier a souhaité savoir si des mercenaires étrangers, notamment ukrainiens, étaient toujours présents en Côte d'Ivoire.

Le général Henri Bentégeat a répondu que les événements de novembre 2004 les avaient rendus plus discrets et qu'il était difficile d'en tenir un décompte précis. Cependant, les mercenaires venus d'Europe sont certainement moins nombreux qu'en 2004.

Observant que, lorsque l'affaire Mahé a éclaté, les autorités ivoiriennes avaient semblé en faire peu de cas, M. Antoine Carré a demandé si la récente annonce, par la justice ivoirienne, du lancement d'un mandat d'arrêt à l'encontre de deux officiers supérieurs français ne traduisait pas un soudain revirement visant, une fois encore, à ternir l'image de nos forces armées.

Le général Henri Bentégeat a indiqué que les forces françaises avaient craint une plus grande exploitation de l'affaire Mahé mais que les tractations relatives au prolongement du mandat du président Gbagbo avaient alors sans doute contribué à apaiser la situation. La délivrance d'un mandat d'arrêt contre le général Poncet et le colonel Destremau a certes été annoncée mais elle n'a pas été lancée à ce jour. Il ne saurait être exclu qu'il s'agisse, aux yeux des autorités ivoiriennes, d'un moyen de pression potentiel.

M. Marc Joulaud s'est demandé si l'ensemble des acteurs souhaitait réellement faire aboutir le processus électoral ou si certains d'entre eux n'avaient pas la volonté de faire échouer l'organisation des élections. Il s'est enquis du rôle que la force Licorne et l'ONUCI pourraient être appelées à jouer dans les préparatifs électoraux.

Il a enfin voulu savoir si les détournements de fonds constatés dans plusieurs secteurs de l'économie ivoirienne n'avaient pas pour but de permettre le réarmement des parties en présence et s'il n'était pas possible de procéder à un encadrement plus strict de l'activité économique du pays.

Le général Henri Bentégeat a reconnu que la tentation pouvait exister, dans le parti du président Gbagbo, d'organiser les élections sans que le désarmement ait abouti, ce qui reviendrait à n'organiser le scrutin que dans le sud du pays, région la plus peuplée et la plus développée. Un tel scénario consacrerait la scission du pays, qui apparaît d'ailleurs inévitable à certains observateurs. Il n'est cependant pas le plus vraisemblable.

Le chef d'état-major des armées a ensuite rappelé que les élections ne pourraient se tenir que lorsque les listes électorales auront été révisées, que les électeurs auront reçu des documents d'identité et que le processus de désarmement sera engagé. Techniquement, c'est le désarmement qui est le plus facile à réaliser ; la force Licorne est prête à y participer. Dans le cas où ce processus ne pourrait être mené à son terme, le cantonnement des Forces nouvelles dans leurs casernements, pendant les élections, constituerait une solution intermédiaire. Le problème majeur porte en fait sur l'identification du corps électoral.

Tant la force Licorne que l'ONUCI apporteront leur soutien à la préparation et au bon déroulement des élections, si nécessaire.

Le général Henri Bentégeat a ensuite précisé qu'il n'avait pas observé de réarmement des forces en présence, sauf en armes de petit calibre. L'embargo en vigueur semble donc plutôt efficace. Les détournements de fonds observés ont probablement existé de longue date et ils sont aussi utilisés à d'autres fins.

M. René Galy-Dejean a souligné que le grand nombre de militaires ayant servi en Côte d'Ivoire, à savoir 50 000 hommes, faisait sans doute de cette opération extérieure la plus importante de ces dernières années. Il a souhaité connaître, à l'aune de ce cas concret, le jugement du chef d'état-major des armées sur l'outil militaire de la France et a demandé s'il restait des réserves pour répondre aux besoins d'une éventuelle autre intervention.

Le général Henri Bentégeat a observé que les forces armées répondent à toutes les missions qui leur sont confiées et que le comportement des militaires est exemplaire, à de très rares exceptions près. L'affaire Mahé reste la seule dérive sérieuse survenue en Côte d'Ivoire, alors que 50 000 soldats français ont servi sur ce théâtre d'opérations dans des conditions souvent difficiles.

Les faiblesses de nos armées sont connues, principalement dans le domaine des transports aériens tactique et stratégique. La protection doit également être améliorée, notamment face aux menaces telles que les mines. Le blindage des véhicules a été renforcé en Afghanistan et les forces ont acquis des appareils qui brouillent les signaux permettant le déclenchement à distance de ce type de pièges.

Le chef d'état-major des armées a également affirmé que la crédibilité de nos forces en Côte d'Ivoire restait intacte et que les jeunes patriotes évitaient de s'y attaquer. Le chef d'état-major interarmes américain a d'ailleurs récemment déclaré que l'armée française était l'une des plus fiables parmi les partenaires des Etats-Unis. Il n'en demeure pas moins que de nombreux équipements devront être renouvelés dans les années qui viennent ; la prochaine loi de programmation militaire sera, à cet égard, capitale.

Les armées comptent actuellement 11 000 hommes en opérations extérieures, chiffre sensiblement inférieur à celui d'il y a dix-huit mois, lorsque 15 000 de nos militaires étaient stationnés hors métropole. Elles sont tenues de pouvoir engager jusqu'à 20 000 hommes sur une année ou 50 000 sur une période plus brève. Elles sont en mesure de le faire, même si, dans un tel scénario, se poseraient des problèmes de relève.

Le président Guy Teissier a fait état de la récente publication par le ministère de la défense d'une instruction qui précise que « le subordonné ne doit pas exécuter un ordre prescrivant d'accomplir un acte manifestement illégal » et s'est demandé si elle ne risquait pas de rendre plus complexe l'application de la discipline.

Le général Henri Bentégeat a précisé que le ministère de la défense tirait là les conclusions des difficultés éprouvées pour appliquer une prescription inscrite dès 1966 dans le règlement de discipline générale. Depuis cette époque, un militaire est tenu de ne pas appliquer un ordre manifestement illégal. L'instruction parue en décembre 2005 explicite la conduite à tenir dans ces circonstances, heureusement particulièrement rares. Le devoir du supérieur est de ne pas placer ses subordonnés dans une situation où ceux-ci risqueraient d'avoir à s'expliquer devant la justice. C'est notamment la raison pour laquelle les marins français participant à la Task Force 150, au large de la Corne d'Afrique, ne peuvent s'exonérer de recueillir le consentement de l'Etat du pavillon de tout navire suspect avant de procéder à une inspection, et ce même si cette règle est parfois transgressée par d'autres.

--____--


© Assemblée nationale