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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 28

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 21 mars 2006
(Séance de 17 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le bioterrorisme

- Information relative à la commission

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Audition de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le bioterrorisme.

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités, sur le bioterrorisme.

Après avoir observé que l'audition du ministre de la santé constituait une première pour la commission de la défense, le président Guy Teissier a rappelé que M. Pierre Lang avait présenté en octobre 2003 un rapport d'information sur le bioterrorisme, faisant le point sur les menaces pesant sur notre pays ainsi que sur les moyens mis en place par le Gouvernement pour y faire face. Plus de deux années après la publication de ce rapport, il est apparu utile d'étudier à nouveau ce sujet, en actualisant les données recueillies alors.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé, a souligné qu'en matière de santé publique, on ne pouvait établir une hiérarchie des priorités, tous les risques présentant une égale importance et devant être traités. C'est pourquoi il convient d'adopter un même niveau de vigilance pour les risques NRBC (nucléaire, radiologique, biologique et chimique) que pour les risques sanitaires. Alors que longtemps, nos concitoyens ont vécu en ayant à l'esprit les menaces de conflits armés, ils doivent également prendre en compte les risques terroristes, ainsi que, désormais, les risques sanitaires. Ces différents sujets relèvent d'une logique identique, puisqu'il importe, pour chacun, de pouvoir anticiper leurs conséquences, ce principe se trouvant au cœur de l'action du ministère de la santé.

Depuis 2001, les risques de terrorisme NRBC sont effectivement devenus de véritables menaces à l'échelle internationale, et il était légitime de définir une stratégie globale pour y répondre. C'est pourquoi la France s'est dotée d'un certain nombre de plans. L'action du ministère de la santé repose sur la préparation des moyens de secours, sur l'adaptation des établissements de santé, sur le stockage des antidotes, antibiotiques et vaccins, ainsi que sur la formation régulière des professionnels de santé, afin d'assurer la meilleure protection possible à nos concitoyens en cas de menace avérée ou d'attentat. Des exercices réguliers permettent de mettre en œuvre ces dispositifs et, partant, de les améliorer.

Cependant, des efforts importants doivent encore être effectués, notamment dans le domaine de la détection et de la surveillance : la veille sanitaire doit concerner tous les risques, le risque terroriste demeurant une priorité aux côtés de la grippe aviaire ou d'autres maladies émergentes. Le savoir-faire acquis en faisant face à ces maladies s'avère d'ailleurs très utile en matière de lutte contre le terrorisme NRBC.

En ce domaine, le ministère de la santé a mis en place une stratégie globale de protection, en élaborant, dans chaque domaine, des réponses adaptées. S'agissant des risques nucléaires et radiologiques, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)  a établi des plans de réaction face à un accident ou un attentat. Le plan Piratox a été mis en place afin de répondre à un risque chimique, tandis que le plan Biotox permet de faire face aux menaces biologiques ; ce plan étant constamment actualisé, avec par exemple des déclinaisons spécifiques pour la variole et la peste-tularémie-charbon. Ces plans sont mis en œuvre par les différents ministères concernés, sous la responsabilité du Secrétariat général de la défense nationale (SGDN).

Face à ces risques, il est nécessaire de mettre en place un système de surveillance. De fait, l'identification précoce d'une menace est primordiale, puisqu'elle conditionne la mise en œuvre rapide des moyens de protection sanitaire.

S'agissant du risque nucléaire et radiologique, le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'IRSN ont développé de puissants outils de détection. L'IRSN possède ainsi un réseau de détection automatique, décliné pour la surveillance de l'eau, avec le dispositif Hydroray, et pour l'atmosphère, avec Teleray. De plus, les services d'urgence sont dotés de 600 dosimètres qui permettent de tester la radioactivité des personnes et du matériel dans un hôpital après un attentat. Concernant le risque chimique, les pompiers et les industriels ont développé des moyens de détection efficaces et des hôpitaux de référence sont dotés de deux appareils de détection en continu des produits toxiques chimiques. Enfin, en ce qui concerne le risque biologique, depuis 2001, a été mis en place un réseau de laboratoires de référence (laboratoires automates PCR, extracteurs ADN et laboratoires P3), permettant de procéder à des analyses rapides de substances ou de produits biologiques. Parallèlement, un deuxième réseau de laboratoires a vocation à analyser les poudres et les objets suspects et un troisième réseau est spécialisé dans l'analyse de la qualité de l'eau et la recherche des agents de la menace terroriste.

Le ministère de la santé a également adapté l'organisation des soins à ces risques. Les services d'urgences (SAMU et SMUR) ont été spécifiquement équipés et des forces de projection, constituées de postes sanitaires mobiles (PSM), ont été créées. Enfin, une plateforme nationale sanitaire et logistique projetable a été installée à Créteil.

L'organisation du système de soins repose sur treize hôpitaux de référence, lesquels jouent un rôle central dans la chaîne de réaction : tout d'abord, dans la détection, grâce aux laboratoires de référence, puis dans le traitement, avec leurs stocks, et dans les soins, avec des équipements spécifiques, tels que les chambres ou les services à pression négative destinés à héberger les victimes très contagieuses ou contaminées. Enfin, le décret du 30 décembre 2005 relatif à l'organisation du système de santé en cas de menace sanitaire grave organise la mise en œuvre des plans blancs.

Pour assurer la protection de nos concitoyens, ont été constitués des stocks de traitements dans les hôpitaux de référence, notamment 65 millions de jours de traitement antibiotique préventif et 1 million de jours de traitement curatif contre la peste, la tularémie et le charbon, 72 millions de vaccins contre la variole, 60 millions de pastilles d'iode - afin de faire face au risque nucléaire - et 2 100 respirateurs mobiles pour les victimes d'attentats chimiques. Quant à la protection des professionnels de santé, 10 000 tenues d'intervention et d'entraînement sont disponibles dans tous les services d'urgence, et 50 unités de décontamination fixes ou mobiles sont réparties sur l'ensemble du territoire, tandis que 47 sont en cours d'acquisition et d'installation.

Pour lutter contre ces risques terroristes, il est essentiel d'informer et de former les professionnels de santé. Les praticiens hospitaliers reçoivent ainsi des formations spécifiques ; au total, depuis 2002, 16 000 professionnels exerçant dans les établissements de santé publics ont bénéficié d'une telle formation. Celle-ci est constamment renouvelée, notamment à l'occasion des livraisons de matériels, et en 2006, elle sera étendue au secteur privé. Les médecins libéraux sont également sensibilisés, par la diffusion d'un livre sur les risques NRBC, décliné en CD-Rom à hauteur de 100 000 exemplaires, tandis qu'est mis en place un réseau de correspondants sur le modèle des GROG (groupes régionaux d'observation de la grippe). Ces efforts doivent être réalisés dans la durée, tout en s'accompagnant d'une information plus générale vers l'ensemble de la population.

Cette stratégie est en permanence expérimentée, améliorée et actualisée, par l'organisation régulière d'exercices. Les différents exercices Biotox, Piratox ou Piratome sont coordonnés par le SGDN à l'échelle nationale, par le ministère de l'intérieur au niveau local, et par le ministère de la santé s'agissant des établissements de santé. S'y ajoutent des exercices européens et internationaux, comme, en 2002, l'exercice Euratox, puis en 2003, Global Mercury, concernant la variole et réunissant les pays du G8 et le Mexique. Parmi les exercices nationaux, figure l'exercice Piratox en 2003, tandis que trois exercices nucléaires, radiologiques et biologiques ont été réalisés en 2004 et qu'en 2005, un exercice relatif à la grippe aviaire a été conduit. Si la grippe aviaire n'est évidemment pas une menace terroriste, cet exercice a été riche en enseignements pour la prévention des risques NRBC, car ce sont les mêmes mécanismes, protocoles et services qui sont en jeu. Plus de 120 exercices zonaux ont été mis en œuvre depuis 2002, tandis que les deux tiers des établissements publics ont organisé ou participé à un exercice au moins.

A l'issue des exercices, les plans peuvent être actualisés de façon très concrète. Ainsi, les exercices concernant la variole en 2004 et 2005 ont permis de concevoir de nouvelles annexes techniques au plan variole. Les exercices Piratox ont conduit à privilégier les unités mobiles légères, au détriment des unités mobiles lourdes, peu pratiques. Les exercices Piratome  ont permis de constater que les portiques de l'IRSN étaient inadaptés, tandis que la protection des ambulances s'avérait inefficace, et les procédures de mesure de la radioactivité dans l'environnement insuffisantes. Ces différents exercices ont également montré que les tenues de protection NRBC n'étaient pas adaptées à la communication entre sauveteurs, et qu'elles n'étaient pas assez ventilées et climatisées. Des expérimentations sont en cours pour les améliorer.

Ces exercices permettent aussi d'améliorer le déploiement local des plans. C'est pourquoi un effort particulier a été demandé cette année aux préfets de zones de défense afin que, d'ici fin 2006, tous les plans soient déclinés localement.

Ces exercices ont aussi conduit à mettre en place des centres de crise plus performants, notamment au ministère, où des aménagements ont été réalisés dans les sous-sols de manière à lui permettre d'être opérationnel immédiatement et sur place. De nouveaux postes de commandement opérationnels ont été installés dans les régions, de même qu'une salle de crise au sein de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.

Le cabinet du Premier ministre a mis en place un programme interministériel de lutte contre le risque NRBC pour la période 2006-2009 ainsi qu'en novembre dernier, un comité de programmation et d'engagement (CIPE), qui visent à améliorer le dispositif actuel, par de multiples actions. Il s'agit tout d'abord d'équiper progressivement tous les services d'urgence d'unités de décontamination. On doit à cet égard observer que les personnels concernés se sont pleinement approprié les matériels et les missions de ces unités. Le programme interministériel a également pour objectif de mettre en place un dispositif de réponse face à une « bombe sale » à éléments radioactifs, d'acquérir des moyens de protection et d'évacuation du public sous atmosphère contaminée, d'améliorer les capacités de détection d'une attaque NRBC par des agents à effets non immédiats, de modifier les portiques de détection, de renouveler les stocks et équipements de protection et d'accroître la protection physique des réseaux d'eau potable.

Le CIPE, piloté par le SGDN, est chargé de valider les objectifs prioritaires, de veiller à la cohérence des actions menées et d'assurer le suivi de leur préparation et de leur exécution, notamment en termes financiers. Les crédits sont effectivement disponibles et la prise en compte des autres risques sanitaires n'a pas conduit à baisser la garde. En 2006, les crédits de l'Etat et de l'assurance maladie s'élèvent à 21,71 millions d'euros, afin de financer le renouvellement des stocks préventifs, le renforcement des capacités de production et de recherche, l'amélioration de la logistique suite aux retours d'exercices, le travail sur les combinaisons NRBC, le renforcement des réseaux de surveillance et d'alerte, l'actualisation du matériel d'intervention et de décontamination et le développement des PSM. La première vague d'acquisition est achevée et même si désormais, il s'agit pour l'essentiel de renouveler et d'entretenir les équipements, les crédits progressent, puisqu'ils représentaient 20,5 millions d'euros en moyenne sur 2002-2005, contre 21,71 millions d'euros pour 2006.

Sur les 126 postes ouverts par la loi de finances pour 2002, 111 ont été pour l'instant pourvus, du fait des profils très spécifiques recherchés. L'effort devra donc être poursuivi dans ce domaine, tout en cherchant à développer les relations et la coordination entre les services déconcentrés.

Afin d'améliorer la stratégie actuelle du ministère, il convient de développer les capacités de veille sanitaire, sur le modèle retenu pour les maladies émergentes. Le risque biologique est multiforme et difficilement identifiable. Plus le dépistage est tardif, plus les conséquences peuvent s'avérer lourdes. Il est donc nécessaire d'affiner nos connaissances, au travers du travail du réseau national de surveillance épidémiologique et de veille sanitaire, animé par l'InVS (Institut de veille sanitaire). Ce réseau dispose de deux instruments principaux : les procédures de déclaration obligatoire de certaines maladies, d'une part, et les médecins sentinelles, d'autre part. Sur ces questions, certains enseignements de la mission confiée au professeur Flahault par les ministères de la santé et de la recherche au sujet du chikungunya seront d'ailleurs largement applicables à la lutte contre le terrorisme biologique. Il est impératif de disposer d'un outil capable de détecter les signaux de crise très en amont, afin de pouvoir agir sans délai.

Le ministre a alors précisé qu'une mission indépendante d'évaluation et d'expertise du système de veille sanitaire allait être confiée dans les prochains jours au professeur Jean-François Girard, président de l'Institut de recherche et de développement. A titre d'exemple, aux Etats-Unis, le Center for Disease Control and Prevention (CDC) d'Atlanta recoupe les informations provenant des médecins avec d'autres informations, telles que les variations de la consommation de certains médicaments.

S'il est nécessaire d'avoir le meilleur instrument de mesure possible, il est déterminant de s'inscrire dans une logique d'anticipation. Cela passe par un réseau de détection des agents chimiques et biologiques aussi performant que celui d'ores et déjà en place pour les risques nucléaires et radiologiques. Cet objectif figure d'ailleurs dans le PERS (programme européen de recherche et santé), inclus dans le 7ème PCRD (Programme cadre de recherche et développement). Le renforcement des efforts de recherche doit permettre de progresser également en matière de traitements ; ainsi, la mise au point de sérums antibotuliniques est actuellement en cours, en coopération avec le Royaume-Uni. C'est dans un cadre européen que doit s'inscrire la recherche, conformément à l'initiative du sommet de Barcelone en 2002 en matière de terrorisme et à la politique de coopération adoptée pour la grippe aviaire. Il convient aussi de progresser au niveau international vers la mise en place d'un système de veille global, en s'inscrivant dans la logique des exercices communs tels que Global Mercury, tandis que les laboratoires pharmaceutiques doivent également être mobilisés.

Les risques et les menaces ne cesseront d'augmenter à l'avenir. En vertu du principe de précaution, il est impératif d'inscrire l'action publique dans une logique d'anticipation, afin de protéger efficacement nos concitoyens.

Le président Guy Teissier a relevé le rôle joué par le SGDN dans la coordination des actions de défense globale et a souligné que la sécurité sanitaire faisait pleinement partie de cette dernière. Existe-t-il une veille stratégique permanente commune associant le SGDN et le ministère de la santé ?

M. Xavier Bertrand a indiqué que le ministère de la santé entretenait des liens quotidiens avec le SGDN. Par-delà cet aspect institutionnel, il a souligné l'importance qu'il accordait aux contacts directs avec M. Francis Delon ou entre les membres de son cabinet et leurs correspondants au SGDN.

M. René Galy-Dejean a estimé que si la capacité française de réponse immédiate à une agression apparaissait satisfaisante dans l'ensemble, les informations semblaient moins abondantes sur la possibilité de faire face à une attaque NRBC s'inscrivant dans la durée. Dans cette perspective, la coordination interministérielle est-elle parfaitement assurée ? Relèverait-elle du ministère de la santé ou bien du SGDN ?

M. Jean-Michel Boucheron a considéré que le bioterrorisme constituait désormais la menace la plus probable, mais également celle à laquelle nous sommes les moins préparés, alors que s'éloigne la perspective de conflits entre Etats. Dans l'hypothèse où le réseau d'eau potable d'une ville de province serait contaminé, combien de temps faudrait-il pour détecter le phénomène ? En cas d'attaque terroriste de ce type, les médias joueront un rôle très important et les interventions d'experts autoproclamés pourraient conduire à l'affolement des populations. Le ministère de la santé a-t-il d'ores et déjà recensé des spécialistes capables d'intervenir dans les médias et de prodiguer des informations et des conseils sérieux à nos concitoyens ?

M. Alain Moyne-Bressand a félicité le ministre pour la clarté et l'intérêt de son exposé. Ces informations sont importantes pour la commission, mais aussi pour nos concitoyens et il serait souhaitable de leur faire davantage part des efforts réalisés par le gouvernement dans ce domaine. Il a ensuite souhaité savoir si des exercices étaient menés à l'échelle européenne et obtenir des précisions sur le type d'organisation retenu par nos principaux partenaires au regard du dispositif français.

M. Michel Voisin a fait part de sa propre expérience s'agissant de la grippe aviaire et a souligné les conséquences désastreuses que pouvait entraîner un certain type de traitement médiatique sur l'économie d'une région toute entière. Quels moyens peuvent être mis en œuvre pour réagir aux propos tenus par de prétendus experts dans les médias ?

M. Xavier Bertrand a apporté les éléments de réponse suivants.

Au-delà de l'éventualité d'une crise de grande intensité, qui a toujours été envisagée, les services de santé ont désormais entièrement pris en compte dans leurs réflexions le risque d'une crise de longue durée impliquant la mise en place d'une logistique différente ainsi qu'un plan de renouvellement des personnels et des matériels, nécessitant la mobilisation de moyens venus d'autres zones géographiques.

La coordination des moyens relève de la compétence du ministère de la santé, lequel assure la gestion du système de santé, avec, le cas échéant, le concours du SGDN, du ministère de l'intérieur et d'autres départements ministériels, selon l'ampleur de la crise.

Les réseaux d'eau des seize plus grandes agglomérations du pays bénéficient d'une surveillance permanente. La réactivité face à de telles menaces est testée de façon continue, ainsi que le prévoit une circulaire d'octobre 2001. L'objectif principal demeure de détecter toute attaque avant que l'eau ne parvienne jusqu'au robinet du consommateur.

En matière de communication, l'épidémie de grippe aviaire a montré qu'en cas de crise, les chaînes d'information en continu interrompent leurs programmes habituels et accordent alors la parole à de nombreuses personnes, présentées comme des experts. Au-delà de la parole officielle apportée par le ministère, il est envisagé d'établir, à l'attention des médias, une liste d'experts reconnus, susceptibles d'apporter des conseils judicieux et des informations avisées. Un recensement de quelques spécialistes reconnus pour leurs compétences et leur sérieux est en cours d'élaboration.

Le risque terroriste comporte nécessairement des aspects anxiogènes, ce qui impose au gouvernement d'apporter des informations. La dimension médiatique du bioterrorisme est entièrement prise en compte par le ministère, le plus en amont possible, et la mise en place d'un porte-parole est d'ailleurs envisagée. Conscient d'être entré dans une ère de transparence, le ministère de la santé ne dissimule rien sur ces sujets. D'ailleurs, il médiatise volontiers les exercices de simulation, qui présentent une vraie vertu pédagogique. Renoncer à informer serait la pire des solutions.

Enfin, le ministre de la santé a confirmé qu'il abordait régulièrement les sujets de lutte contre le terrorisme avec ses homologues européens, par exemple lors des sommets du G8 Santé ; le prochain exercice international qui sera organisé dans ce cadre portera sur le risque nucléaire.

M. Joël Hart a rappelé que son département avait été touché par d'importantes inondations en 2001 et qu'à cette occasion, il avait dû gérer la présence de 84 chaînes de télévision, dont beaucoup n'étaient guidées que par la recherche du sensationnel et de la polémique.

Il a demandé s'il ne serait pas possible d'accoutumer les populations à adopter un comportement particulier lorsqu'est émis un signal d'alerte spécifique.

Il a également évoqué la sécurité toute relative des réseaux de distribution de l'eau et a regretté que les élus ne soient pas davantage formés sur la conduite à tenir en cas de menace bioterroriste.

M. Jacques Myard a souhaité obtenir des précisions sur le rôle du ministère de la santé en matière de recherche et de prévention des attaques bioterroristes. En effet, développer les virus susceptibles de nuire à grande échelle suppose des moyens matériels et financiers qui ne sont pas à la portée de tous. Des régions sensibles, des personnes ciblées sont-elles identifiées ? Quel est l'état de la coopération internationale sur ce sujet ?

M. Pierre Lang a rappelé qu'au cours de la mission d'information qui lui avait été confiée en 2003 sur le bioterrorisme, l'éventualité d'une attaque par un virus du type de celui de la variole avait été envisagée. Dans cette hypothèse, compte tenu du grand nombre de victimes potentielles, les forces de sécurité avaient conclu que l'information devait être strictement contrôlée, afin d'éviter notamment le risque de fuite du personnel médical.

Il a ensuite demandé si les stocks de vaccins et de traitements étaient régulièrement renouvelés et si le vaccin contre la variole était toujours celui de première génération. Il a souhaité connaître l'état d'avancement des travaux relatifs aux détecteurs atmosphériques de germes ainsi que ceux concernant la mise au point de puces biologiques identifiant la présence de germes dans les réseaux d'eau. Il a également demandé si des études avaient été menées sur l'efficacité de la chloration de l'eau en cas d'attaque bioterroriste, en particulier à l'égard de la toxine botulique.

M. Pierre Lang a ensuite rappelé la nécessité d'approfondir la formation des personnels médicaux, notamment en matière de maladies disparues mais susceptibles de ressurgir, comme le charbon. Enfin, il a rappelé qu'il avait mis en évidence, dans son rapport, les risques d'une forte désorganisation de l'économie, par exemple par l'atteinte des animaux. Il a souhaité savoir si ce paramètre fondamental était pris en compte.

M. Xavier Bertrand a jugé qu'en situation de crise, il ne fallait pas s'en tenir seulement à l'intervention des services centraux et déconcentrés de l'Etat ou des professions de santé, mais qu'il était nécessaire d'associer également les élus locaux. Une plus grande prise de conscience des populations dépend de l'action de ces derniers et il serait sans doute possible de s'inspirer en la matière du maillage civique réalisé au Royaume-Uni dans chaque commune, voire dans chaque quartier. Il importe de valoriser le réseau constitué par les 36 000 communes françaises, en informant régulièrement les maires et en les associant aux exercices ainsi qu'aux retours d'expériences. Il faut éviter que la seule actualité guide une telle prise de conscience.

En ce qui concerne la prévention des attaques en amont, la tâche revient au premier chef aux ministères de l'intérieur et de la défense et aux services de renseignement. Cependant, les chercheurs peuvent également jouer un rôle précieux en raison de la connaissance qu'ils ont des travaux réalisés ou qui pourraient techniquement l'être dans d'autres pays. C'est notamment le cas s'agissant des menaces résultant des virus et arbovirus, qui pourraient être utilisés à des fins terroristes. Enfin, il est nécessaire de recenser le système de santé lui-même parmi les cibles potentielles des terroristes, compte tenu de l'effet de désorganisation que des attaques sur des hôpitaux pourraient entraîner.

Les stocks de vaccins et de traitements ont vocation à être renouvelés en permanence. En matière de vaccin contre la variole, les stocks actuels sont constitués par des produits de première génération. Des tests sont en cours sur la deuxième génération, tandis que la troisième génération, permettant de limiter fortement les effets secondaires, demandera encore deux à trois années d'essais cliniques.

S'agissant de la détection rapide des risques, il importe d'aligner le niveau des capacités en matière d'attaques biologiques sur celui existant déjà pour le risque nucléaire. Un programme de recherche de quatre ans a été confié à cet effet par le ministère de la défense au Centre d'études du Bouchet, et à la demande de la France, le 7eme PCRD pourra contribuer à la recherche dans ce domaine. Enfin, le CEA s'est vu confier par le SGDN la maîtrise d'ouvrage d'un programme de recherche et de développement sur le risque NRBC. Parallèlement, les Etats-Unis se sont engagés dans un processus visant à obtenir une couverture complète de leur territoire par des capteurs d'alerte. Si l'Europe veut disposer d'un système équivalent et maintenir son autonomie, elle doit consentir un effort financier important. La recherche en matière sanitaire doit être davantage coordonnée et ne pas répondre aux seules inquiétudes de l'actualité, les risques s'ajoutant les uns aux autres au fil du temps et devant tous être pris en compte.

La formation continue des médecins doit particulièrement être prise en considération et ne doit pas reposer seulement sur la fourniture de documents, mais aussi comprendre des réunions de sensibilisation. La prise en compte de l'impact d'une crise sanitaire durable sur l'économie implique de considérer les entreprises assurant l'alimentation des populations comme des entreprises stratégiques.

Rappelant que 800 militaires se trouvaient sur l'île de la Réunion, le président Guy Teissier a souhaité savoir s'il existait entre le ministère de la santé et celui de la défense une cellule permanente chargée de veiller à l'adéquation entre les besoins en matière de santé publique et les moyens que peuvent fournir les armées.

M. Xavier Bertrand a répondu qu'un partenariat permanent existait entre son ministère et le service de santé des armées. Le décret du 20 juillet 2005 a créé une commission de coordination des équipements sanitaires civils et militaires qui s'est réunie le 17 mars dernier pour examiner les actions à mener en coopération entre les deux ministères, qu'il s'agisse de la rédaction des plans, de la formation des praticiens hospitaliers au risque NRBC, de la recherche ou du stockage de vaccins.

Le ministre a par ailleurs indiqué qu'il avait travaillé personnellement en étroite collaboration avec les Forces armées de la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) et qu'il avait visité la pharmacie centrale des armées. Outre les bonnes relations personnelles existant avec les autres membres du Gouvernement, il est indispensable d'être informé sur le travail des autres départements ministériels en la matière.

Le président Guy Teissier a demandé si, au-delà du plan Biotox, de nouveaux projets de coopération existaient avec le ministère de la défense.

M. Xavier Bertrand a indiqué que la formation des personnels hospitaliers en matière de bioterrorisme était élaborée en collaboration avec le ministère de la défense.

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Information relative à la commission

La commission a nommé M. Daniel Mach rapporteur sur la proposition de résolution de M. Daniel Paul tendant à créer une commission d'enquête sur le déroulement depuis décembre 2002 des opérations concernant l'ex-porte-avions Clemenceau (n° 2871).

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