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COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 38

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 31 mai 2006
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Guy Teissier, président,
puis de M. Michel Voisin, vice-président

SOMMAIRE

 

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- Audition du général Jacques Pâris de Bollardière, directeur du service national

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Audition du général de division Jacques Pâris de Bollardière, directeur du service national

Après avoir indiqué que le général Jacques Pâris de Bollardière était directeur du service national depuis septembre 2004, le président Guy Teissier a observé que la commission s'était beaucoup préoccupée ces dernier mois du sujet, rappelant les débats sur la journée d'appel de préparation à la défense (JAPD), le service militaire adapté (SMA) ou la mise en place du plan « Défense deuxième chance ».

Le général Jacques Pâris de Bollardière, après avoir présenté ses collaborateurs l'accompagnant - le colonel de gendarmerie Thierry Wawrzyniak, le commissaire colonel Marc Sciré et le colonel André Le Vaillant -, a observé que la notion de service était de retour dans l'esprit de nombre de Français et que le parcours de citoyenneté s'adaptait en permanence pour affermir et prolonger le lien armées-nation, d'une part, et pour participer à la cohésion nationale, d'autre part.

La direction du service national, rattachée au secrétariat général pour l'administration (SGA), remplit essentiellement quatre missions : le recensement, avec l'aide des 36 000 mairies de métropole et d'outre-mer ; la JAPD ; la réactivation de l'appel sous les drapeaux si la France le décidait ; l'entretien et la gestion des dossiers individuels des 34 millions de Français ayant effectué un service national, aussi bref fût-il. Son siège est délocalisé à Compiègne. Il dispose de cinq directions interrégionales déconcentrées, petites cellules sous la responsabilité desquelles sont placés les trente-cinq organismes déployés à raison théorique d'un établissement par région administrative et par département ou territoire d'outre-mer. Son pilotage politique est assuré par le ministre : celui-ci préside autant que de besoin et au moins une fois par an un comité de pilotage interarmées, à l'occasion duquel il se fait rendre des comptes et donne ses orientations. Comme tout chef d'administration centrale, le directeur du service national se voit confier une lettre de mission.

Dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la DSN est identifiée, au sein de l'action 1 « Journée d'appel et de préparation à la défense » du programme 167 « Liens entre la nation et son armée », au travers de l'objectif n° 1 qui consiste à sensibiliser chaque classe d'âge à l'esprit de défense par une JAPD de qualité et pour un coût maîtrisé. Le respect de cet objectif est mesuré par trois indicateurs. Le premier porte sur le pourcentage d'une classe d'âge ayant effectué la JAPD. En 2005, 791 000 jeunes ont été reçus, soit 98 % de leur classe d'âge. Ce taux est en légère diminution (- 3,5  %) par rapport à 2004, ce qui indique que le rattrapage des classes qui n'avaient pu être reçues dans leur totalité auparavant, faute de moyens techniques, est achevé. Le deuxième indicateur concerne le taux de satisfaction des jeunes : d'après le questionnaire rempli à l'issue immédiate de la journée, 87 % d'entre eux sont satisfaits. Le nouveau questionnaire mis en place depuis janvier 2006, plus exigeant, confirme cette tendance. Le dernier indicateur porte sur le coût moyen par participant, soit 139,41 euros tout compris en 2005. Malgré l'augmentation de 13 euros constatée par rapport à 2004, correspondant en partie à la mise en œuvre généralisée du module relatif au secourisme et compensée pour partie par un volume de jeunes légèrement en baisse, ce coût reste très en deçà de la limite haute fixée par l'indicateur de performance, soit 150 euros.

La DSN s'inscrit résolument dans la démarche de modernisation de l'administration : quinze de ses établissements sont désormais certifiés ISO 9001. La loi de finances pour 2006 lui accorde 2 921 équivalents temps plein travaillés, dont 1 126 militaires et 1 795 civils. Les effectifs pouvant être effectivement financés s'élèvent à 2 828 postes, dont 1 123 militaires et 1 705 civils. La DSN a été soumise ces dernières années à plusieurs audits et contrôles de la part du contrôle général des armées, de la cour des comptes et de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.

Le parcours de citoyenneté, créé par la loi et figurant dans le code du service national, a pour ambition de délivrer un message universel, en métropole comme outre-mer, à l'ensemble d'une classe d'âge, garçons et filles confondus. Il comprend trois grandes étapes : l'enseignement civique et de défense, à la charge du monde éducatif ; le recensement obligatoire dans les trois mois suivant le seizième anniversaire, démarche individuelle ; la JAPD, à laquelle les jeunes sont convoqués grâce aux informations communiquées par les mairies.

Le général Jacques Pâris de Bollardière a indiqué que la JAPD était proposée aux jeunes avant leur majorité, à dix-sept ans et demi en moyenne. Ceux-ci sont convoqués au plus près de leur domicile, sur un site militaire, sauf lorsque les forces armées ne sont pas implantées dans la région. Répartis par groupes de quarante, ils remplissent tout d'abord des formulaires administratifs permettant de vérifier et compléter les éléments fournis lors du recensement. Ils suivent ensuite un programme articulé autour de modules. Le premier module est consacré aux droits et devoirs du citoyen. Le deuxième présente la raison d'être de la défense, l'organisation des forces armées et le rôle du citoyen. Le troisième porte sur les métiers des forces armées, qui recrutent plus de 30 000 jeunes par an, à tous les niveaux d'études. Un quatrième module, introduit en 2004, offre une initiation au secourisme. Il est réalisé par la Croix-Rouge, qui a obtenu le marché après appel d'offres, et des discussions sont en cours en vue de sa reconnaissance comme « unité de valeur » du brevet d'attestation de formation aux premiers secours (AFPS). Au cours de la journée, les jeunes rencontrent les forces armées de manière concrète, en fonction des possibilités offertes par le site : présentation de matériel et rencontres avec des personnels militaires.

Entre les deux premiers modules, les jeunes passent des tests de compréhension du français élaborés par l'éducation nationale. Grâce à ces tests et aux renseignements recueillis, il est possible d'identifier les jeunes en difficulté, qui sont alors reçus individuellement pour un bilan de situation. Avec leur accord, ils sont signalés dans les quarante-huit heures au milieu éducatif dont ils dépendent ou, s'ils ne sont plus scolarisés, sont orientés vers des structures de remédiation tels que le dispositif Savoirs pour réussir, l'Agence nationale pour la lutte contre l'illettrisme, les missions locales ou Défense deuxième chance.

La DSN organise la journée et prépare les dossiers, en partenariat avec les armées, chargées de la délivrance du message par le biais d'intervenants, officiers ou sous-officiers d'active ou de réserve. L'aspect visite est fondamental car il est bon que les jeunes appréhendent la réalité des forces armées : 81 % des sites proposent une visite aux jeunes et, l'année dernière, 50 % des métropolitains ont pu en bénéficier (375 000 jeunes en 2005, soit 9,3 % de plus qu'en 2004). Les actions de communication ont triplé en 2005 afin de promouvoir le parcours de citoyenneté et le recensement dans les délais. Dans le cadre de la lutte contre l'illettrisme, 80 000 jeunes en difficulté ont été identifiés, dont 14 500 n'étaient plus scolarisés. L'intérêt pour les questions de défense suscité par la JAPD, mesuré par les fiches contacts renvoyées à l'issue de la journée aux organismes d'information et de recrutement des armées, était en hausse l'an dernier : le taux de jeunes voulant en savoir plus est passé de 25,7 % en 2003 à 24,4 % en 2004 et à 28,6 % en 2005.

Deux grandes évolutions sont en cours.

La première vise à s'adapter pour renforcer le lien armées-nation. Le contenu des modules - essentiellement des deux premiers - sera modifié pour accroître la dimension européenne. Une ébauche de projet a été présentée au ministre et sa mise en œuvre pourrait intervenir début 2007. Par ailleurs, il faut rendre encore plus cohérentes dans la durée les différentes phases du parcours de citoyenneté, en veillant surtout à articuler l'action de la défense avec celle du milieu éducatif. C'est l'un des sujets de la révision du protocole associant les ministères de la défense et de l'éducation nationale, actuellement en cours. Un dialogue est entretenu également avec les rectorats et un outil pédagogique devrait être très prochainement disponible pour les professeurs qui le souhaitent, afin de préparer les jeunes au parcours de citoyenneté et de les sensibiliser à l'importance du recensement. Pour entretenir le lien créé lors de la JAPD, la DSN a proposé au ministre d'aider le jeune à prolonger son parcours à travers le projet « Jeunesse défense plus », qui devrait voir le jour début 2007. Il s'agit de rendre plus lisibles et plus accessibles les possibilités offertes aux jeunes par la défense, afin qu'ils puissent poursuivre cette démarche volontairement suivant quatre directions : découvrir la défense ; apprendre au sein de la défense ; participer à la défense ; intégrer la défense. Cela va des stages, rémunérés ou non, aux engagements, en passant par les réserves et les préparations militaires.

La deuxième grande direction consiste à faire prendre à la JAPD toute sa place dans le dispositif de cohésion nationale, en valorisant l'atout que constitue l'accueil d'une classe d'âge entière. Une campagne sur l'importance du recensement a été conçue, en partenariat notamment avec l'éducation nationale, car la loi pénalise les jeunes qui ne se font pas recenser dans les délais en leur interdisant l'accès à tous les examens, permis de conduire et bac inclus. De plus, ceux qui négligent de se faire recenser sont précisément ceux qui auraient le plus besoin d'être aidés. La DSN coopère activement avec tous les organismes nationaux s'intéressant à l'optimisation des différentes formes existantes ou à la création de nouvelles formules de service. Elle a également été très impliquée dans la réflexion animée par la délégation interministérielle à la ville dans le cadre de la préparation de la mise en place de l'Agence nationale de cohésion sociale. La DSN a mis sur pied un comité national de pilotage avec ses principaux partenaires sur le thème de l'aide aux jeunes en difficulté, afin de mieux connaître et utiliser l'offre existante. Le contrôle de gestion est tout aussi important : une fois les jeunes orientés, il est nécessaire de savoir ce qu'ils sont devenus. Compte tenu de son expertise et de son savoir-faire, la DSN a été intégrée dans le dispositif Défense deuxième chance dès sa création. Cette coopération étroite avec l'établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) au plan national est complétée au plan local, au fur et à mesure de l'installation des établissements. Un effort est accompli en commun avec les missions locales pour entretenir le volontariat des jeunes. Un projet de partenariat plus approfondi avec les missions locales est en cours d'expérimentation dans trois régions avec le ministère délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Enfin, la DSN participe avec le ministère de l'intérieur à la réflexion sur l'inscription des jeunes sur les listes électorales.

La DSN fait donc porter son effort sur trois axes : le souci interne d'efficience, avec notamment la signature de quatre-vingt-quatre conventions régionales et locales avec des sociétés de transport, ce qui a permis de réaliser un million d'euros d'économies ; l'affermissement du lien armées-nation et surtout armées-jeunesse ; la participation à la cohésion nationale dans le cadre du parcours de citoyenneté.

M. Michel Voisin, vice-président, a douté que les interventions du monde éducatif sur les thèmes de la citoyenneté et de la défense soient évaluées, de nombreux jeunes affirmant ne pas en apprendre grand-chose. Lors de la préparation de la loi suspendant la conscription, en 1996, un interlocuteur de l'éducation nationale s'était exclamé : « Pas d'uniformes dans les collèges et lycées ! ».

Que deviennent les 200 000 jeunes remplissant une fiche contact chaque année ? Combien d'entre eux intègrent la réserve, combien accomplissent une préparation militaire et combien s'engagent ?

Le général Jacques Pâris de Bollardière a témoigné de la volonté commune des deux ministères de réviser efficacement le protocole liant la défense et l'éducation nationale et de la détermination des uns et des autres, constatée localement comme nationalement, à en faire davantage dans ce domaine. Les procès d'intention et la méfiance mutuelle ont disparu, à tel point qu'un grand nombre d'enseignants sont demandeurs d'outils pédagogiques sur la défense et que la DSN est très souvent sollicitée par les principaux de collège et les proviseurs de lycée pour prononcer des conférences. Il n'en reste pas moins que l'enseignement civique et de défense semble parfois considéré comme une variable d'ajustement, par manque de moyens. Pour que le protocole vive, il importera de vérifier qu'il est bien mis en œuvre, en s'assurant des retours par une sorte de contrôle de gestion. En outre, les deux ministres cherchent à promouvoir le rôle de passerelle que peuvent jouer les très nombreux officiers et sous-officiers de réserve travaillant dans l'éducation nationale. Quant aux trinômes académiques, ils sont très actifs et prennent de l'ampleur.

Le colonel André Le Vaillant a ajouté que l'enseignement de défense venait d'être intégré dans le cursus des instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM), aussi bien dans la formation initiale que dans la formation continue.

Le général Jacques Pâris de Bollardière a précisé que les fiches contacts étaient adressées aux centres d'information des armées, qui faisaient ensuite remonter les données à la DSN, et que les questions posées par les jeunes étaient très diverses. Les armées offrent énormément d'informations mais de façon dispersée. L'initiative Jeunesse défense plus a précisément pour but de donner au jeune une meilleure visibilité sur les moyens de poursuivre la démarche entamée lors de la JAPD, via Internet et les maisons du service national.

M. Christian Ménard a estimé que la JAPD, même si elle permettait d'établir un premier contact entre le jeune et l'armée, ne servait strictement à rien et constituait un immense gâchis humain et financier. La nouvelle initiation au secourisme prête à sourire car on ne peut enseigner sérieusement la matière en un temps aussi court. La JAPD semble se chercher des raisons pour exister. Ne serait-il pas plus sérieux d'instaurer un service civil obligatoire, avec une option militaire ?

Il a en revanche apporté son soutien à Défense deuxième chance, qui s'appuie sur l'expérience positive du SMA, mais s'est inquiété des problèmes financiers que ce projet semble rencontrer.

Le général Jacques Pâris de Bollardière a répondu que les armées trouvaient manifestement leur intérêt dans la JAPD, même si personne n'est dupe de ce qu'il est possible de faire en si peu de temps. Disposer de l'ensemble de sa jeunesse au cours d'une journée constitue un potentiel extraordinaire pour la nation. L'intérêt suscité par la JAPD aide les armées à continuer à embaucher suffisamment de jeunes dans l'active ou la réserve. Ce dispositif permet de surcroît d'identifier 10 % de jeunes en difficulté. En matière de secourisme, les jeunes Français sont nettement moins informés que les jeunes européens et leur inculquer les gestes élémentaires de survie n'est pas superflu. Quant à un choix aussi déterminant que celui d'un service civique ou civil, il est du ressort de la nation.

Le directeur du service national siège au conseil d'administration de Défense deuxième chance, projet magnifique qui mobilise bien des forces. Le général Jacques Pâris de Bollardière a toutefois indiqué que les questions d'ordre budgétaire n'étaient pas de son ressort mais qu'il n'était pas étonnant que des difficultés se manifestent au regard de l'ampleur de la tâche et du calendrier retenu.

M. Jérôme Rivière a regretté que la JAPD mette l'accent sur la fonction sociale des armées davantage que sur leur fonction de défense et n'optimise pas le lien armées-nation, 50 % des jeunes n'ayant pas de contact concret avec la chose militaire à cette occasion. À la fin de la journée, la majorité des jeunes ne se sentent visiblement pas concernés par les problèmes qui ont été évoqués car ils ne font pas partie des 10 % identifiés comme étant en difficulté. N'est-ce pas finalement jouer un mauvais tour à l'esprit de défense ?

Le général Jacques Pâris de Bollardière a déclaré que la prise en considération des problèmes sociaux ne constituait ni le fond ni l'objet de la JAPD, qui devait conserver son caractère de rencontre entre le jeune et la défense. La dimension sociale est d'ailleurs presque imperceptible puisqu'elle intervient parallèlement au déroulement des différents modules. Il est néanmoins toujours possible de faire mieux et la JAPD, depuis sa création, n'a cessé d'évoluer. Qu'en retiennent vraiment les jeunes ? Les adolescents d'aujourd'hui ont de toutes façons du mal à s'enthousiasmer pour quoi que ce soit et gagner leur neutralité est déjà d'une certaine manière un succès.

M. Jean-Claude Viollet a considéré qu'il fallait apprécier le parcours de citoyenneté dans sa globalité et le faire progresser dans cette même globalité.

En ce qui concerne le secourisme, il n'est pas possible, en un peu plus d'une heure, de délivrer un diplôme ; il s'agit seulement d'inculquer ce qu'il ne faut pas faire et de donner, le cas échéant, le goût d'apprendre ce qu'il faut faire. Ne serait-il pas préférable de confier cette formation aux sapeurs-pompiers ou aux militaires eux-mêmes ? Cela coûterait moins cher, tout en permettant de faire passer simultanément un deuxième message sur l'engagement volontaire.

Quel est le pourcentage exact des jeunes qui se font recenser et comment l'améliorer ? Derrière le recensement perdure la finalité d'une éventuelle mobilisation. Or, depuis la suspension du service national, on ne peut que déplorer l'insuffisance de la réflexion sur les modalités de mobilisation et la doctrine d'emploi des mobilisés. Les ressources potentielles en spécialistes, utilisables notamment lors des catastrophes naturelles, devraient être mieux suivies, dans l'intérêt de la défense globale de la nation.

Le général Jacques Pâris de Bollardière a précisé que le module de secourisme durait 75 minutes et que les discussions en cours avaient pour objet de faire reconnaître réglementairement un acquis, afin de faciliter la poursuite ultérieure de la formation par les jeunes.

Le commissaire colonel Marc Sciré a expliqué que le marché de la formation au secourisme, passé pour quatre ans, s'élevait à 6,5 millions d'euros par an, soit entre 8 et 9 euros par jeune, pour un volume horaire de soixante-quinze minutes, c'est-à-dire un montant comparable à celui généralement pratiqué par les sociétés agréées. La DSN a essayé de faire en sorte que la Croix-Rouge ne soit pas en situation de monopole mais les autres prestataires de services, qui avaient écrit au ministre pour se proposer, n'ont finalement pas soumissionné. Les lots avaient pourtant été multipliés, afin de mieux correspondre aux marchés régionaux, et la DSN a fait jouer la transparence au maximum. Seule la Croix-Rouge semble disposer du maillage territorial et de la taille nécessaires pour assurer la prestation. La DSN a cependant optimisé le coût en rationalisant le format des groupes de jeunes, cette mesure devant permettre d'économiser 400 000 euros.

Le général Jacques Pâris de Bollardière a assuré que les armées ne disposaient ni des hommes ni des compétences pour se charger de cette formation.

La loi dispose que les jeunes doivent se faire recenser dans les trois mois suivant leur seizième anniversaire mais seuls 60 % d'entre eux respectent ces délais. En revanche, 98 % des jeunes effectuent leur JAPD avant de fêter leurs dix-huit ans, ce qui suppose qu'ils ont été préalablement recensés. Les grandes zones urbaines sont plus difficiles à sensibiliser à la nécessité d'un recensement dans les délais. Tout ce qui pourra être fait dans le domaine de l'information sera appréciable.

La question de la mise en œuvre du rappel éventuel sous les drapeaux devrait être posée au Parlement et aux forces armées plutôt qu'à la DSN, qui applique une politique qu'il ne lui appartient pas de définir.

M. Michel Voisin, vice-président, s'étant interrogé sur les raisons pour lesquelles 2 % des jeunes échappaient à la JAPD, le général Jacques Pâris de Bollardière a répondu qu'il était difficile d'en analyser les causes, précisément en raison de l'absence de connaissance de cette population. Une petite partie de ces jeunes est rattrapée avant vingt-cinq ans, par exemple lorsqu'il apparaît nécessaire d'effectuer la JAPD pour pouvoir passer son permis de conduire.

M. Antoine Carré a rappelé que l'examen médical du SIGYCOP (supérieur, inférieur, général, yeux, chromatique, oreilles, psychisme) avait été remplacé, en 1996, par la présentation d'un certificat médical. Celui-ci est-il réellement exigé de chaque jeune se présentant à la JAPD ? Présente-t-il la même qualité que l'ex-SIGYCOP, qui était un examen complet ? La connaissance de l'état sanitaire de chaque tranche d'âge n'en pâtit-elle pas ?

Par ailleurs, où convient-il de localiser les établissements de Défense deuxième chance ? En rase campagne, dans des établissements militaires fermés, ou dans les banlieues difficiles ?

Le général Jacques Pâris de Bollardière a concédé que la mesure prévoyant une visite médicale n'était pas appliquée, pour un motif de coût, car le coût d'une visite médicale est estimé à 20 euros au moins pour chacun des 800 000 jeunes. La DSN, à la demande du ministère de la santé, mène des études ponctuelles sur des échantillons limités de la population, mais le contrôle sanitaire général n'est plus assuré, pour des raisons financières et d'organisation.

La DSN n'étant qu'un partenaire de Défense deuxième chance, il serait préférable que les responsables du dispositif répondent eux-mêmes. L'important est que les jeunes concernés ne sont pas des « malgré-nous » mais des volontaires, et cette démarche fait partie de la pédagogie au sein des établissements publics d'insertion de la défense. Ces jeunes ont envie de s'en sortir et s'en donnent les moyens en acceptant notamment de surmonter les difficultés liées à la vie en collectivité. La localisation optimale des établissements doit répondre à de très nombreux critères dont par exemple la proximité avec la région d'origine du jeune et les possibilités locales d'accompagnement professionnel et de retour ou d'intégration dans l'emploi. Il arrive que les habitants des communes concernées appréhendent l'installation d'un tel établissement, mais l'expérience tend à montrer que les jeunes ont eux-mêmes à cœur de défendre leur image. Des incidents surviennent parfois, mais pas plus que dans les anciens régiments d'appelés. Le général Jacques Pâris de Bollardière a rendu hommage à ces jeunes, qui, de cœur et de raison, sont réellement transformés au bout de quelques mois, même s'il reste à savoir dans quelle mesure ce changement sera durable.

M. Philippe Folliot a rappelé que le public en difficulté visé par l'EPIDe avait été au départ estimé à 80 000 jeunes. Compte tenu du rythme réel de mise en place des établissements du dispositif Défense deuxième chance, il est probable qu'il faudra plus de temps que prévu pour atteindre les objectifs initiaux ambitieux. Quel peut être actuellement l'objectif réaliste et raisonnable compte tenu des difficultés rencontrées et quelles sont les éventuelles conséquences sur les critères de sélection ?

Le général Jacques Pâris de Bollardière a souligné que le système montait en puissance progressivement, avec pour objectif final d'accueillir 20 000 jeunes et que le seul fait d'éprouver des difficultés en français ne justifiait pas nécessairement de passer par un EPID. Il s'agit de parer au plus urgent en retenant les jeunes volontaires qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire ceux qui sont dépourvus de connaissances culturelles, de formation professionnelle, de travail, et donc d'avenir. La formation peut durer de six mois à deux ans et l'atteinte des objectifs fixés dépendra directement de l'évolution des capacités d'accueil.

Les statistiques des premiers mois d'expérience sont à considérer avec une extrême prudence. Compte tenu de la rareté de l'offre sur le territoire métropolitain, avec quatre établissements ouverts seulement à l'heure actuelle, mais une vingtaine prévue en fin d'année, la DSN ne cherche pas pour l'instant à recruter partout. Elle dispense une information nationale lors de la JAPD et met un numéro vert à disposition, mais elle ne procède véritablement à une orientation vers un recrutement dans les régions qu'au fur et à mesure de l'installation des centres.

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