Version PDF

COMMISSION de la DÉFENSE NATIONALE et des FORCES ARMÉES

COMPTE RENDU N° 41

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 27 juin 2006
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Michel Voisin, vice-président

SOMMAIRE

 

page

- Examen du rapport d'information sur la reconversion des militaires (MM. Michel Dasseux et Hugues Martin, rapporteurs)


2

Reconversion des militaires (rapport d'information).

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d'information de MM. Michel Dasseux et Hugues Martin sur la reconversion des militaires.

M. Michel Dasseux, rapporteur, a souligné en préambule l'importance de la reconversion des militaires dans une armée professionnelle, observant qu'à l'inverse, dans une armée de conscription, le service militaire n'est qu'une parenthèse dans le parcours des jeunes gens qui reprennent leur itinéraire civil sitôt leur temps accompli, même si une partie d'entre eux en profitent pour acquérir certains savoirs ou passer des examens.

Les engagés volontaires consacrent plusieurs années de leur vie à la défense du pays et retournent à la vie civile plus tard que ne le faisaient les appelés. Assurer leur reconversion apparaît donc indispensable sous peine de les désavantager par rapport à ceux ayant préféré se former plutôt que de servir sous l'uniforme. Par ailleurs, la qualité de la formation professionnelle proposée peut être un argument en faveur du recrutement. Dès lors l'acte d'engagement apparaît à la fois comme un moyen de mener une carrière dans le métier des armes, mais aussi d'assurer un avenir professionnel une fois l'engagement achevé. La reconversion des militaires conditionne donc directement la qualité du recrutement.

M. Michel Dasseux a rappelé que le nouveau statut général des militaires, avait introduit, dans son article premier, la légitimité d'un retour à une activité professionnelle civile à l'issue du service dans les forces armées. Comme tous les militaires ne peuvent bénéficier d'un déroulement de carrière complet, il faut organiser leur retour à la vie civile, notamment sur le plan professionnel.

Précisant que les dispositifs de reconversion proprement dits ne sont ouverts qu'aux personnes comptant plus de quatre années de service, il a indiqué que tout militaire, quelle que soit son ancienneté, pouvait bénéficier d'une aide à l'évaluation et à l'orientation, s'effectuant de manière collective ou individuelle. La construction du projet professionnel peut faire apparaître un besoin d'aide en fonction des connaissances et des qualifications dont l'intéressé dispose. Plusieurs prestations sont proposées aux militaires ayant servi plus de quatre années : la session technique de recherche d'emploi (STRE), la session d'accompagnement vers l'entreprise (SAE), la période d'adaptation en entreprise (PAE), le parcours individualisé du créateur d'entreprise (PIC) ou encore la prestation d'accompagnement auprès de l'association pour l'emploi des cadres (APEC).

Le bilan des reclassements en secteur privé balaie les idées reçues sur les anciens militaires qui seraient surtout aptes à se reconvertir dans les métiers liés à la sécurité. C'est dans la catégorie des « services aux personnes et à la collectivité » que se reconvertissent la majorité des militaires (18 %). Mais les métiers du transport (17 %), les métiers techniques (12 %) ainsi que les services administratifs (9 %) attirent également. La grille des salaires d'embauche des anciens militaires ne se différencie guère de celle de l'ensemble des salariés : la majeure partie des anciens militaires du rang et sous-officiers sont recrutés avec un salaire de départ compris entre 1 000 et 1 500 euros, les officiers percevant plus de 2 500 euros mensuels.

M. Michel Dasseux a ensuite rappelé que les militaires quittant l'institution pouvaient bénéficier de possibilités d'accès direct à la fonction publique. La loi n° 70-2 du 2 janvier 1970, qui a permis pendant 35 ans aux officiers et à certains sous-officiers d'être recrutés directement dans la fonction publique, a été intégrée dans l'article 62 du statut général des militaires. Par dérogation aux règles habituelles de recrutement, les intéressés, après une sélection sur dossier et à l'issue d'un stage probatoire, peuvent occuper des emplois vacants de catégories A et B correspondant à leurs qualifications au sein des administrations de l'Etat, des collectivités territoriales, de la fonction publique hospitalière et des établissements publics à caractère administratif. Au cours des dix dernières années, le nombre de postes disponibles a évolué entre 400 et 550 par an, pour un nombre de candidats compris entre 1 000 et 1 500. Mais les résultats s'avèrent décevants : malgré l'absence de concours d'entrée, une sélection est néanmoins organisée par les fonctions publiques qui se réservent la possibilité de ne pas pourvoir les postes pour lesquels aucun candidat ne présente le profil recherché. C'est la raison pour laquelle environ un tiers des postes proposés ne sont pas pourvus.

M. Michel Dasseux a, par ailleurs, observé que l'article 63 de la loi portant statut général des militaires pérennisait les dispositions relatives aux emplois réservés qui permettent aux militaires du rang, sous-officiers et officiers sous contrat ayant accompli au moins quatre années de service, d'être intégrés dans les corps de fonctionnaires de catégorie B et C après examen ou essai professionnel. Ce dispositif bénéficie chaque année à plusieurs centaines de militaires. Mais cette reconversion s'avère également décevante car les candidats ne sont manifestement pas préparés à postuler à ce genre d'emplois. Le recrutement est subordonné à la réussite à un examen, ce qui nécessite une motivation et une implication personnelles importantes. 80 % à 90 % des postes ouverts sont rendus à l'administration chaque année faute de candidats sérieux.

M. Hugues Martin, rapporteur, a ensuite présenté la mise en œuvre de la reconversion au sein de l'armée de terre dans laquelle 60 % des militaires n'effectuent pas une carrière complète. La reconversion constitue un élément à part entière du contrat d'engagement.

Chaque année, un peu plus de 10 000 militaires quittent les rangs des forces terrestres. 60 % d'entre eux, ayant servi moins de quatre ans, ne peuvent bénéficier d'une aide à la reconversion. Malgré cela, le dispositif reste lourd et coûteux. Il est donc organisé de manière pragmatique : l'armée de terre tente de tirer parti des connaissances civiles dont disposaient les intéressés avant leur engagement ainsi que des savoirs transposables acquis pendant leur service.

M. Hugues Martin a constaté qu'un hiatus pouvait exister entre les visions croisées des militaires et des entrepreneurs : ces derniers ont parfois tendance à considérer les anciens militaires comme des personnels corvéables à merci alors que les soldats voient l'univers civil comme celui de la société des 35 heures. L'influence du conjoint n'est pas négligeable non plus : ayant accepté les contraintes de la vie militaire pendant plusieurs années, ce dernier souhaite que l'intéressé prenne des habitudes plus paisibles.

Pour faire face à l'énorme défi de la reconversion de ses personnels, l'armée de terre s'est dotée, à Fontenay-le-Comte d'un centre militaire de formation professionnelle (CMFP) particulièrement efficace. S'adressant en priorité aux personnels ne disposant pas d'acquis transposables dans le civil, il a pour objectif non seulement de former ses stagiaires, mais également de leur trouver un emploi.

M. Hugues Martin a précisé que les formations proposées n'étaient pas entièrement gratuites, même si aucune contribution n'est réclamée à la grande majorité des stagiaires. En théorie, la participation varie entre 15 % et 30 % pour les militaires ayant acquis un droit à pension tandis qu'elle est fixée à 3 % pour ceux qui sont radiés des cadres sans droit à pension. Dans tous les cas, elle est plafonnée à 9 000 euros. Lorsque le nombre de militaires n'est pas suffisant pour organiser certaines formations, des places sont proposées aux civils en recherche d'emploi. Leur formation est généralement financée par l'AFPA (association pour la formation professionnelle des adultes). C'est d'ailleurs elle qui définit la pédagogie et les programmes, assure la formation professionnelle et fournit la matière d'œuvre. L'armée de terre encadre et gère les stagiaires, pourvoit à l'infrastructure des ateliers et fournit l'équipement.

Le CMFP, qui a pour souci de s'adapter en permanence au marché du travail, diversifie régulièrement son offre. Ainsi, il propose en 2006 une formation dans 33 métiers différents, contre 31 en 2005. 58 stages différents sont prévus contre 52 un an auparavant. Parallèlement, sa capacité s'améliore avec 619 places offertes en 2006 contre 520 en 2005. Travaillant en partenariat avec de grandes entreprises, le centre propose des formations dans des métiers liés à la réparation des véhicules (carrossier, électricien, mécanicien), au bâtiment (carreleur, maçon, menuisier, peintre...), à l'industrie (fraiseur, monteur, soudeur, opérateur...), aux services de restauration (agent de restauration, serveur, cuisinier), mais aussi dans des domaines très variés : antenniste, magasinier, vendeur spécialisé, secrétaire, comptable, dépanneur frigoriste, technicien en climatisation...

M. Hugues Martin a noté que les stagiaires semblaient satisfaits par le choix et la qualité des formations. Les examens sont organisés par des organismes extérieurs. Avec des taux de réussite de 92,5 % en 2004 et 89 % en 2005, le CMFP obtient des résultats qui dépassent largement ceux des autres centres AFPA.

Examinant ensuite la problématique de la reconversion des anciens marins, M. Hugues Martin a constaté que les contraintes du métier nécessitaient l'emploi d'un personnel jeune et que pour cette raison, 62 % des marins étaient sous contrat à durée déterminée. Ce sont chaque année environ 3 000 personnes qui quittent la marine nationale et tous ne sollicitent pas une aide à la reconversion. Certains spécialistes, dans le domaine de la restauration ou de l'hôtellerie, par exemple, trouvent assez facilement des débouchés dans le civil ; pour certains techniciens, c'est l'institution qui doit déployer des efforts pour éviter que les ingénieurs et techniciens qu'elle a patiemment formés ne succombent à la tentation du secteur privé. Selon les années, entre le tiers et la moitié des personnels qui quittent la marine le font sans solliciter la moindre aide.

Le service « Marine Mobilité », destiné à faciliter la reconversion des anciens marins a été créé sur le modèle des cabinets de placement civils. Composé de 79 professionnels de la reconversion, il propose une aide et un suivi individualisé. Toutes les démarches restent confidentielles de manière à ce que le marin puisse continuer d'exercer sereinement ses fonctions au sein de l'armée. Un travail essentiel est réalisé sur le plan psychologique : le passage de l'état de militaire à celui de civil s'apparente parfois, pour certains sujets, à un véritable « travail de deuil ».

Rappelant que seuls les marins ayant servi au moins quatre années pouvaient prétendre au bénéfice des stages et formations M. Hugues Martin a précisé que les engagés initiaux de courte durée (EICD), qui signent des contrats de trois ans, sont exclus du dispositif s'ils quittent l'uniforme à l'issue du premier engagement. Fort heureusement, les deux tiers d'entre eux voient leur contrat renouvelé au moins une fois, ce qui leur permet de bénéficier pleinement du processus de reconversion.

Les résultats bruts du reclassement des anciens marins se sont élevés à 64 % de reconversion réussie en 2005, ce qui satisfait aux objectifs fixés par la ministre de la défense. Toutefois, ce résultat ne signifie pas que 36 % des anciens marins se sont retrouvés au chômage : seuls 11 % d'entre eux sont effectivement toujours dans une phase de recherche d'emploi, les 25 % disparus des statistiques étant simplement devenus injoignables.

L'entrée en application de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a permis d'obtenir une meilleure visibilité du coût engendré par le chômage des anciens militaires, ainsi qu'une meilleure responsabilisation des services concernés. Le chômage des anciens marins coûte chaque année entre 15 et 16 millions d'euros à la marine nationale, ce qui aide à comprendre l'intérêt qu'elle peut trouver à faciliter le reclassement des intéressés. Le montant global des indemnités versées semble désormais s'être stabilisé. M. Hugues Martin a souligné que l'entrée en vigueur de la LOLF avait eu un effet direct sur la gestion des crédits, devenue beaucoup plus rigoureuse : l'attribution des congés de reconversion a été diminuée et les dépenses en matière de reconversion, qui s'élevaient à plus de 45 millions d'euros en 2001 ont été réduits de plus de 20 % par an entre 2001 et 2003. Entre 2003 et 2004, ils ont été réduits des deux tiers.

S'agissant de l'armée de l'air, il a indiqué que le flux de départ s'était, pour elle, stabilisé aux environs de 3 500 personnes par an depuis 2003. Un tiers de ces militaires ne recherchent pas de nouvel emploi mais souhaitent simplement jouir de leur pension de retraite. En 2005, 1 049 d'entre eux ont bénéficié d'un congé de reconversion, parmi lesquels 817 ont trouvé un emploi dans les six mois. Mais il est difficile de dire ce que sont devenus les autres, beaucoup d'entre eux ne rendant pas compte lorsqu'ils trouvent un emploi

L'objectif de 60 % de reclassement fixé par le ministre de la défense pour l'ensemble des armées n'est malheureusement pas atteint, l'armée de l'air ne parvenant à reclasser qu'un seul de ses anciens militaires sur deux. Aux difficultés classiques rencontrées par les personnels des autres armées pour se reconvertir (âge, faible mobilité) s'ajoutent des difficultés spécifiques à l'armée de l'air : la répartition des bases aériennes notamment, autour desquelles peuvent pourtant exister des réseaux d'entreprises, ne correspond pas toujours aux aspirations géographiques des personnels quittant l'institution.

M. Hugues Martin a souligné que le coût des allocations de chômage, inférieur à quatre millions d'euros avant la professionnalisation, n'avait cessé de croître pour dépasser désormais 11 millions d'euros. Le nombre d'allocataires, resté longtemps inférieur à 1 000, a atteint un maximum de 2 067 en 2004 avant de diminuer à 1 773 en 2005. Pour lutter plus efficacement contre la hausse du chômage dont l'indemnisation est désormais imputée directement sur son budget, l'armée de l'air a adopté un nouveau dispositif qui accentue l'effort en faveur des militaires quittant le service avant quatre ans d'ancienneté. Elle réfléchit aussi à l'amélioration de la communication interne destinée à renseigner les militaires désireux de quitter l'institution. Mais à trop diffuser d'informations sur la reconversion, il ne faudrait pas susciter des vocations auprès de personnels qualifiés parfois difficiles à conserver...

M. Hugues Martin a ensuite évoqué le cas de la gendarmerie qui a mis en place un dispositif de reconversion en 1997, lorsque la professionnalisation des forces a été décidée. En effet, jusqu'en 1996, les postes de militaires du rang étaient essentiellement occupés par des appelés. Avec la suspension du service national, la gendarmerie a dû embaucher des engagés volontaires recrutés sur la base d'un contrat d'un an renouvelable quatre fois, portant l'engagement maximum à cinq années.

Les cadres qui quittent l'uniforme avant la fin de leur carrière militaire le font généralement parce qu'une opportunité s'offre à eux ou parce qu'ils ont été sollicités par une entreprise. Bien peu réclament alors l'aide à la reconversion. En revanche, les militaires du rang qui ne parviennent pas à intégrer le corps des sous-officiers quittent rapidement l'institution. Trop jeunes pour bénéficier d'une pension à jouissance immédiate, nombre d'entre eux doivent être aidés. Or, contrairement aux prévisions, les trois quarts des gendarmes adjoints volontaires (GAV) quittent la gendarmerie avant quatre ans de service, seuil qui permet de bénéficier de l'aide à la reconversion.

M. Hugues Martin a constaté que cette catégorie apparaissait relativement instable : en 2005, la gendarmerie a recruté 6 135 GAV tandis que 6 036 autres la quittaient, ce qui représente, sur une seule année, un renouvellement d'environ 40 % sur un effectif d'environ 15 300 personnes. La reconversion s'avère donc en grande partie inopérante. La majorité quittent l'institution militaire sans perspective et connaissent des périodes de chômage plus ou moins longues. Actuellement, environ 3 500 anciens gendarmes sont demandeurs d'emploi. 90 % d'entre eux, n'ayant pas atteint les quatre années d'ancienneté, n'ont pu, de ce fait, bénéficier d'un parcours de reconversion complet. Alors que le taux de chômage des autres armées semble stabilisé, celui de la gendarmerie continue à augmenter. Par voie de conséquence, les indemnités versées, imputées au budget global de la gendarmerie, connaissent une croissance inquiétante.

Le rapporteur s'est félicité qu'une politique spécifique ait été mise en place pour les gendarmes adjoints volontaires : un passeport didactique leur est remis dans le but de les inciter à développer un projet professionnel civil le plus tôt possible. Il leur est expliqué comment intégrer le corps des sous-officiers et des efforts sont faits pour tenter de détecter, parmi cette catégorie de personnel, les militaires les plus « fragiles », généralement âgés de moins de 25 ans, peu diplômés et issus de milieux défavorisés.

Le service de reconversion de la gendarmerie indique que 1 075 anciens gendarmes ont été reclassés en 2005, correspondant à un taux de reconversion global de 65 %, conforme aux objectifs fixés par le ministère. Le coût moyen de reclassement d'un militaire de la gendarmerie ayant plus de quatre années de service, tous grades confondus, s'élevait en 2003 à 13 700 euros. Grâce aux efforts de rationalisation réalisés, ce chiffre a été réduit à 9 900 euros en 2004 et ne s'élevait plus qu'à 8 400 euros en 2005. Le montant annuel de l'indemnisation chômage en revanche ne cesse d'augmenter, compte tenu de l'augmentation de l'effectif moyen indemnisé.

M. Michel Dasseux, rapporteur, a ensuite constaté que le service de santé des armées se situait dans une autre problématique : compte tenu de la longueur et du coût des études de médecine, l'objectif de ce service n'est pas de renouveler ses effectifs de manière régulière, mais au contraire, de les conserver le plus longtemps possible.

Les médecins militaires désireux de se reconvertir dans le civil peuvent bénéficier de l'aide du syndicat professionnel des anciens médecins des armées, le SAMA, seule structure syndicale dont l'objet est de regrouper d'anciens militaires. Le SAMA, qui a mis en place récemment un observatoire à la reconversion, fournit une aide technique à ses adhérents confrontés à de nombreuses démarches administratives auxquelles ils ne sont pas habitués. Ce syndicat est également à l'origine d'une brochure destinée à aider les médecins militaires en phase de reconversion. Publiée et distribuée par le ministère de la défense par la direction de la fonction militaire et du personnel civil (DFP), elle est devenue le guide officiel de la reconversion des médecins militaires.

M. Michel Dasseux a indiqué que les médecins militaires qui quittent le service pour se reconvertir dans le civil s'estiment chanceux car très bien formés à la fois sur le plan technique et sur le plan éthique. La reconversion dans une seconde carrière présente néanmoins quelques difficultés. En effet, l'instauration du médecin traitant et de la filière des spécialistes favorise la circulation des patients entre un généraliste et ses correspondants habituels, ce qui peut être défavorable à l'ancien médecin militaire, souvent peu connu lorsqu'il ouvre son cabinet à un âge plus avancé que ses confrères. Même si l'évolution démographique constatée au cours de ces dernières années est un élément favorable, la reconversion peut être rendue plus difficile par le montant des charges sociales ainsi que de l'augmentation des primes d'assurance, ces difficultés étant, il est vrai, communes à l'ensemble des praticiens. Par ailleurs, malgré les assurances apportées par le ministère de la défense, il semblerait que la reconnaissance de certains titres acquis pendant la carrière militaire continue de poser quelques problèmes.

Il a fait valoir que les liens que les jeunes générations de médecins militaires entretiennent avec les armées semblent plus ténus que ceux noués par leurs aînés. Les carrières militaires sont plus courtes et les périodes de réserves moins nombreuses. La disparition des appelés et l'augmentation du nombre d'opérations extérieures, conjuguée à la féminisation du service de santé, ont alourdi la charge de travail des médecins militaires de sexe masculin. En effet, les dispositions restreignant l'emploi de personnel féminin à bord des unités de la marine nationale ont conduit à une plus grande rotation des hommes. Ils partent plus souvent en opération extérieure, des tensions apparaissent et des départs anticipés ont été enregistrés. Certains ont également reconnu avoir quitté l'armée car ils n'avaient pas pu accéder aux postes à responsabilité auxquels ils aspiraient.

En conclusion, M. Michel Dasseux s'est félicité de l'effort consenti par le ministère de la défense : l'institution militaire s'est dotée des moyens de reclasser ceux qui la quittent d'une manière plutôt efficace. Le taux de chômage des anciens militaires est inférieur à celui de la moyenne nationale, la durée de la recherche d'emploi est plus brève et les employeurs apprécient cette main-d'œuvre disciplinée. Après avoir déployé d'importants efforts en matière d'organisation et de fonctionnement, les armées se sont attachées avec détermination à résoudre la question de la reconversion de leurs personnels.

M. Jean-Louis Bernard s'est étonné de voir évoquer par les rapporteurs des problèmes de reconversion pour les médecins du service de santé des armées. Dans certains départements ruraux, notamment dans le Loiret, une réflexion est menée pour attirer de jeunes médecins vers les zones déficitaires. Qu'il s'agisse de généralistes ou de spécialistes, les médecins militaires ne peuvent sérieusement prétendre rencontrer de problèmes de reconversion dans le civil. Certains syndicats s'émeuvent de problèmes d'équivalence de titres, mais ces difficultés s'expliquent sans doute par le fait que les médecins militaires n'ont pas passé tous les concours réussis par leurs confrères civils.

M. Michel Dasseux, rapporteur, a reconnu que le déficit de médecins dans certains secteurs favorise l'insertion dans le civil. D'anciens médecins militaires font toutefois état de relations tendues avec leurs confrères civils.

M. Antoine Carré a considéré que cet « antagonisme » entre médecins civils et médecins issus du monde militaire était aujourd'hui révolu. De fait, les travaux sont identiques des deux côtés et les qualifications aujourd'hui équivalentes.

M. Hugues Martin, rapporteur, a observé que l'école de santé navale de Bordeaux déployait d'importants efforts pour conserver ses médecins.

M. Charles Cova a mesuré les évolutions intervenues depuis le rapport qu'il avait présenté, il y a une douzaine d'années, sur le même sujet. Il a toutefois regretté que la reconversion des militaires dans l'administration soit toujours aussi mal perçue. Il est souvent reproché aux anciens militaires leur manque de diplôme alors qu'après quinze années de service dans les armées, leur expérience les rend aptes aux emplois auxquels ils postulent.

M. Michel Dasseux, rapporteur, a rappelé que la fonction publique recrutait aussi, dans les catégories B et C, des personnels qui ne sont pas toujours bardés de diplômes. M. Hugues Martin, rapporteur, a indiqué que la mission d'information avait eu avant tout pour vocation de dresser un constat de la situation actuelle et non de proposer des solutions mais estimé qu'il serait sans doute souhaitable de regrouper les services de reconversion des différentes armées.

M. Michel Voisin, Président, a relevé que le projet de loi de modernisation de la fonction publique qui devrait être discuté prochainement à l'Assemblée nationale pourrait utilement aborder ce sujet.

M. Michel Dasseux, rapporteur, a souligné que le travail des instructeurs au sein du centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte était remarquable. De son côté, M. Hugues Martin, rapporteur, a indiqué que les instructeurs assuraient aussi un encadrement d'internat durant les week-ends, nombre de stagiaires étant logés sur place.

M. Joël Hart a considéré que la reconversion des militaires ne relevait pas du seul aspect professionnel mais aussi du domaine social, puisqu'il s'agit pour le militaire de trouver un logement avec une solde souvent faible et, qu'il a souvent à sa charge après quinze ou vingt ans de service, des enfants scolarisés qui coûtent cher. Il a par ailleurs rappelé qu'il y a encore quelques années, la population, souvent relayée par ses représentants, contestait le dispositif des emplois réservés.

La commission a décidé, en application de l'article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

M. Jean-Michel Boucheron a souhaité qu'une plus grande attention soit portée au rang de la commission de la défense. Déplorant que les réunions se déroulent désormais dans un immeuble annexe et non plus au Palais Bourbon, il a regretté que la commission ne se soit pas davantage intéressée à la crise majeure qui secoue EADS depuis un mois. Il a jugé anormal que l'initiative de la convocation de M. Noël Forgeard ait été prise conjointement par la commission des finances et celle des affaires économiques alors qu'il s'agit d'un sujet d'une importance stratégique, notamment en raison de la rivalité existant entre l'Allemagne et la France quant à la direction de l'entreprise. La commission de la défense doit veiller étroitement à ne pas être progressivement assimilée à la commission des affaires étrangères et c'est à son président d'assumer cette mission. Des sujets d'importance sont parfois apportés par l'actualité. Celle-ci gouverne et il faut savoir s'y adapter.

M. Michel Voisin a indiqué qu'il ferait part de ces remarques au président Guy Teissier, observant cependant que l'audition de M. Noël Forgeard était ouverte à l'ensemble des députés. En raison des multiples activités d'EADS, ses difficultés concernent de fait la quasi-totalité des commissions permanentes. Les questions relatives aux retards rencontrés par certains programmes pourraient effectivement être abordées par la commission de la défense.

--____--


© Assemblée nationale