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COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES FORCES ARMÉES

Mercredi 31 janvier 2007

Séance de 10 heures

Compte rendu n° 18

Présidence de M. Guy Teissier,
président

 

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– Examen du rapport d’information sur l’établissement public d’insertion de la défense (EPIDe) (Mme Françoise Branget et M. Gilbert Meyer, rapporteurs)


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– Examen du projet de loi (n° 2277 rectifié) modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal (M. Marc Francina, rapporteur)

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– Examen du projet de loi (n° 3275) ratifiant l’ordonnance n° 2006-637 portant refonte du code de justice militaire (partie législative) et modifiant le code de la défense et le code de justice militaire (M. Dominique Caillaud, rapporteur)



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Etablissement public d’insertion de la défense (EPIDe) (rapport d’information)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport d’information de Mme Françoise Branget et de M. Gilbert Meyer sur l’Établissement public d’insertion de la défense (EPIDe)

Mme Françoise Branget, rapporteur, a rappelé que le dispositif « défense deuxième chance » a été créé en août 2005. Un peu plus d’un an après sa mise en place, une évaluation de son fonctionnement et de ses premiers résultats a semblé nécessaire.

Elle a indiqué avoir été marquée par le soutien unanime à ce projet –  soutien qui dépasse les clivages politiques ou administratifs – et surprise par le volontarisme et la maturité des jeunes. Citant une de leur remarque : « on veut s’en sortir, être bien dans notre tête et trouver du travail », elle a souligné que certains demandaient même un renforcement du caractère militaire de la formation, parce qu’ils manquent de références et qu’ils ont besoin d’autorité. Un consensus semble émerger autour de l’idée directrice de « défense deuxième chance » qui est de donner à de jeunes volontaires en voie de marginalisation des repères comportementaux et une formation pour qu’ils puissent s’insérer durablement.

La mise en place de « défense deuxième chance » part d’un constat alarmant : 60 000 jeunes par an sortent du système scolaire sans qualification ni diplôme et beaucoup ne savent ni lire ni écrire. Les structures existantes, éducation nationale ou missions locales, ne leur proposent que des réponses incomplètes qui ne parviennent pas à enrayer leur marginalisation progressive car elles séparent formation civique, formation scolaire et formation professionnelle. La situation est assez différente dans les territoires d’outre-mer où subsiste le service militaire adapté (SMA), manifestation la plus visible de la capacité des armées à intégrer et à promouvoir des jeunes en difficulté. Dans ce cadre, de jeunes volontaires de 18 à 26 ans, sans qualification ni diplôme, reçoivent une formation militaire, sont remis à niveau scolairement et apprennent un métier adapté aux besoins locaux. Les résultats obtenus – plus de 70 % d’insertion – ont conduit à envisager son introduction en métropole dans le premier plan de cohésion sociale. Une transposition stricte s’est cependant avérée impossible : en métropole, les armées ne disposent plus des casernes ni du personnel suffisants pour les prendre en charge.

Un nouveau dispositif a donc été inventé qui reprend les acquis du SMA mais s’adapte aux impératifs métropolitains. Il participe du même objectif, à savoir insérer durablement ces jeunes, et s’articule autour de trois idées : redonner des repères pour des jeunes en déshérence, les remettre à niveau scolaire et leur proposer une formation professionnelle adaptée aux débouchés locaux. Pour prendre en charge ce projet, l’EPIDe a été créé en août 2005 et placé sous la co-tutelle des ministères de la défense et de l’emploi. Il regroupe aujourd’hui douze centres « défense deuxième chance », essentiellement implantés dans le nord de la France et la vallée du Rhône. La construction de nouveaux centres devrait permettre de couvrir l’ensemble du territoire d’ici 2008. Les implantations ont jusqu’ici été le fruit d’opportunités immobilières, mais elles devraient progressivement être rationalisées.

Mme Françoise Branget a précisé que « défense deuxième chance » s’adresse à des jeunes âgés de 18 à 21 ans sans qualification ni diplôme. La limite de 21 ans semble trop basse et il serait souhaitable qu’elle soit repoussée à 23 ans. En revanche, une extension aux mineurs doit être écartée car elle remettrait en cause le volontariat et les centres pourraient se voir transformés en centres de redressement pour enfants difficiles. Le recrutement se fait lors de la JAPD ou plus fréquemment passe par les missions locales. Les jeunes sont tous volontaires pour intégrer les centres et sont conscients des contraintes qui leur seront imposées. Ils signent un contrat de six mois au moins qui peut être étendu jusqu’à 24 mois, la majorité des volontaires restant un an dans les centres. Chacun d’entre eux perçoit mensuellement 140 euros et en capitalise 160. À la fin de son séjour, les sommes capitalisées lui sont versées, ce qui l’incite à aller au terme de son contrat.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a souligné que dans les centres, la formation repose sur trois piliers. Un recadrage comportemental permet d’abord aux volontaires d’apprendre ou de réapprendre les règles fondamentales de la vie en commun, qu’il s’agisse de la politesse ou des règles élémentaires d’hygiène. Le sport collectif occupe une place importante et permet de développer l’esprit d’équipe et de fair-play. Il impose aussi une hygiène de vie que beaucoup avaient perdue. Dans un deuxième temps, les volontaires bénéficient d’une remise à niveau scolaire personnalisée et orientée vers la vie pratique. Elle évite de reproduire le schéma scolaire ordinaire, souvent associé à l’échec. La formation pré-professionnelle vise enfin à donner aux volontaires les rudiments techniques indispensables pour intégrer une formation comme un CAP ou pour signer un contrat de professionnalisation. Elle est, pour sa part, externalisée et confiée aux organismes de droit commun (AFPA, GRETA…), en fonction des possibilités locales. Lorsque le centre est trop éloigné d’un centre de formation, les formateurs peuvent intervenir directement dans le centre, comme c’est le cas à Doullens qui compte par exemple des chantiers de maçonnerie ou de voirie. Cette formation est élaborée en association avec les entreprises locales pour s’adapter au plus près à leurs besoins et assurer ainsi de réels débouchés professionnels aux volontaires.

M. Gilbert Meyer s’est félicité du bon taux d’encadrement, avec une moyenne de 40 cadres pour 100 volontaires. Dans les centres, les encadrants sont essentiellement au contact des volontaires, le personnel administratif étant peu nombreux. Les cadres de contact, qui prennent en charge la formation comportementale, sont pour la plupart d’anciens militaires âgés en moyenne de 35 ans. Ils ont souvent connu des difficultés similaires à celles des volontaires et appréhendent d’autant mieux leurs inquiétudes. La remise à niveau scolaire est assurée par des enseignants détachés de l’éducation nationale ou par des formateurs recrutés par l’EPIDe, en association avec les services déconcentrés de l’éducation nationale.

Les cadres sont fortement sollicités : une présence permanente est nécessaire, ne serait-ce qu’en raison de la mixité ou parce que tous les volontaires ne rentrent pas chez eux le week-end. C’est ainsi qu’un volontaire de Velet est originaire de la région de Nîmes. Les cadres de contact accompagnent également les volontaires durant le stage de cohésion d’une semaine qui intervient après les deux premiers mois de formation. D’une manière générale, leur engagement dépasse largement leurs obligations contractuelles.

Le rapporteur a regretté que ces astreintes ne soient pas aujourd’hui convenablement indemnisées. Pour le reste, des progrès sensibles ont été enregistrés. Les salaires des premiers mois ont été versés avec du retard, aujourd’hui rattrapé. Des efforts ont également été faits sur la grille salariale et le cumul d’un salaire avec une partie de la pension militaire est désormais facilité.

Les premiers résultats sont très encourageants même si le manque de recul ne permet pas d’apprécier l’insertion finale des volontaires. Plus de 70 % des premières promotions sont insérés, c'est-à-dire que les volontaires ont signé un CDI, un CDD ou intégré une formation qualifiante ou diplômante. Un suivi de long terme doit encore être développé en partenariat avec les missions locales, pour accompagner ces jeunes dans la recherche d’un logement ou pour assurer leur mobilité avec l’obtention du permis de conduire par exemple.

Un effort doit être également fait au niveau de l’information initiale. Trop de jeunes sont déçus et partent au cours des premiers jours ou du premier mois. Ils croyaient entrer directement à l’armée et découvrent une formation trop civile à leur goût, regrettant par exemple de ne pas porter le treillis au lieu de leur combinaison grise. Ceux qui restent demandent même un renforcement de la discipline qu’ils ne trouvent pas assez stricte.

Mme Françoise Branget a indiqué que, pour assurer son fonctionnement, l’EPIDe dispose d’une subvention fixe du plan de cohésion sociale de 50 millions d’euros en 2007 ainsi que d’une dotation prélevée sur les crédits affectés aux contrats d’accompagnement vers l’emploi (CAE) qui est fonction du nombre de volontaires. L’EPIDe reçoit du fonds social européen 10 millions d’euros par an. Les entreprises et les collectivités territoriales participent aujourd’hui indirectement à son fonctionnement, en assurant par exemple une partie de la formation des volontaires ou leur transport, en bus ou en train. En 2007, l’EPIDe disposera, au total, de 100 millions d’euros si toutes les places disponibles sont effectivement occupées. Ces crédits ne seront pas suffisants si plus de 5 000 volontaires sont accueillis en 2007. Pour accueillir 20 000 jeunes, chiffre initialement évoqué, l’EPIDe aurait besoin de près de 600 millions d’euros. Une réflexion de long terme sur les sources de financement semble donc incontournable. L’EPIDe ne peut pas absorber à lui seul 20 % des crédits du plan de cohésion sociale mais pourrait recevoir une partie des crédits obligatoirement consacrés par les entreprises à la formation professionnelle.

L’EPIDe ne dispose pas de budget d’investissement propre. La réhabilitation ou la construction des centres est pourtant évaluée à 750 millions d’euros. Détenue à 51 % par la caisse des dépôts et consignations et à 49 % par l’EPIDe, la société « Immobilier insertion défense emploi » (2IDE) a été créée pour prendre en charge l’ensemble de ses investissements immobiliers. L’État ou les collectivités territoriales apportent les terrains ou les bâtiments et 2IDE prend en charge la construction ou la réhabilitation. Les opérations de transfert de propriété étant très longues et particulièrement complexes, les premières constructions n’ont pu commencer qu’à la fin de l’année 2006 mais devraient s’accélérer en 2007.

En conclusion, M. Gilbert Meyer, rapporteur, a souhaité le maintien du dispositif, soulignant que sa remise en cause enverrait un signal très négatif à ces jeunes et consacrerait le renoncement des pouvoirs publics, mais il a fait valoir que sa pérennisation dépendait d’un financement complémentaire au-delà des 5 000 places prévues pour 2007.

La mission assignée à l’EPIDe doit être précisée et surtout fondée sur un objectif qualitatif, l’insertion durable des jeunes devant constituer le seul critère d’appréciation. L’accueil doit par ailleurs être étendu jusqu’à 23 ans, mais pas aux mineurs. Un effort doit être fait pour fidéliser les cadres en améliorant leur statut et en assurant leur reconversion avec une validation de leur expérience dans les centres. Ils ne signent en effet que des contrats à durée déterminée de trois ans renouvelables une fois. Une réflexion doit également être menée sur l’indemnisation de leurs heures supplémentaires.

Il a prôné le renforcement des partenariats conclus avec les missions locales et avec les acteurs locaux, collectivités et entreprises. Le suivi de long terme des volontaires doit être amélioré : les missions locales sont l’interlocuteur privilégié pour les accompagner et doivent être impliquées dès le départ, au sein même des centres. Toute « civilianisation » excessive doit cependant être évitée : un affaiblissement du nombre d’anciens militaires parmi les cadres, une banalisation de la formation comportementale ou scolaire seraient préjudiciables au dispositif.

Les collectivités locales doivent également s’impliquer davantage dans le financement des centres et dans l’accueil des volontaires à leur sortie du dispositif, sans pour autant remettre en cause la tutelle du ministère de la défense. Elles pourraient par exemple leur proposer une première expérience qualifiante au sein de leurs services. Les chambres consulaires doivent enfin contribuer à définir les besoins locaux et doivent plus largement promouvoir « défense deuxième chance » auprès des entreprises locales.

Le président Guy Teissier s’est félicité de la réussite sur le marché du travail des jeunes sortant des centres « défense deuxième chance ». 70 % d’entre eux sont insérés et obtiennent un contrat à durée déterminée ou indéterminée ou intègrent une formation qualifiante. Il a jugé ce taux remarquable compte tenu de la population concernée qui connaît souvent la désespérance et souffre d’une faible scolarisation.

Constatant l’écart entre le développement des centres et l’activité des missions locales, il a regretté le retard pris pour la contractualisation des partenariats, par ailleurs toujours initiés par les responsables d’établissement.

Il a interrogé les rapporteurs sur le manque de moyens dans les centres, notamment en matière d’ordinateurs, le coût unitaire de la formation d’un jeune, les éventuels comportements de violence et d’usage de drogue, à l’intérieur comme à l’extérieur des centres, la proportion de jeunes qui quittent le dispositif avant la fin de leur engagement. Après avoir souligné l’implication de l’armée dans le développement des centres, il a enfin souhaité savoir si une présentation du monde de la défense était faite aux volontaires, beaucoup d’entre eux espérant l’intégrer.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a expliqué la relative lenteur du rapprochement des centres avec les missions locales par la nouveauté de l’EPIDe et par l’hétérogénéité du fonctionnement des missions, trop administratif pour certaines d’entre elles. Or, les volontaires sont recrutés, soit lors de la journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), soit par les missions locales. Une amélioration de la coordination entre les centres et les missions locales apparaît indispensable, aussi bien en amont, pour la détection des volontaires, qu’en aval, pour leur suivi, pendant un à deux ans. Les missions locales sont en effet les seules structures permettant cet accompagnement, qu’elles doivent exercer en réseau.

Le manque de moyens qui a pu être constaté au départ est maintenant résorbé. Le coût annuel par stagiaire s’élève aujourd’hui à 30 000 euros, avec un objectif tendant à le ramener à environ 28 000 euros.

Les départs de jeunes pendant leur engagement s’expliquent par un problème initial d’information. Certains d’entre eux espèrent accomplir une forme de service militaire, ou souhaitent s’engager dans l’armée alors que la structure est avant tout civile ; 20 à 25 % des volontaires quittent donc les centres au cours des premiers jours ou du premiers mois de formation.

Mme Françoise Branget, rapporteur, a précisé que le taux de 70 % de jeunes trouvant un débouché à la sortie des centres s’appliquait à ceux qui ont suivi l’intégralité de la formation. Il concerne tous les débouchés à la sortie, non seulement les contrats de travail, mais également les formations qualifiantes et diplômantes. Elle a confirmé que certains d’entre eux attendaient de l’EPIDe une formation militaire classique, avec reprise en main, encadrement hiérarchique strict, et parcours du combattant. Par ailleurs, certains volontaires espéraient bénéficier d’une formation professionnelle au sein des établissements, alors qu’elle est externalisée, sauf pour certaines formations proposées en interne au centre de Doullens.

Le taux de 70 % comme le coût unitaire annuel d’environ 30 000 euros sont identiques à ceux que l’on constate pour le SMA.

Il est souhaitable de pérenniser l’expérience, compte tenu de la bonne volonté des encadrants, qui s’impliquent personnellement au-delà de leurs obligations de service, et de la motivation très élevée des jeunes qui veulent acquérir des règles sociales et apprécient le respect qu’on leur porte, qui se marque notamment par le vouvoiement utilisé pour s’adresser à eux.

Les centres entretiennent peu de liens avec les armées et le milieu militaire n’est véritablement connu que par ceux des jeunes qui veulent s’y diriger. Certains centres expriment la volonté de « civilianiser » encore plus leur fonctionnement, ce qui n’est pas souhaitable ; le savoir-faire des militaires donnant une valeur ajoutée au dispositif. Les encadrants, qui sont majoritairement d’anciens militaires, trouvent également dans l’EPIDe un débouché professionnel à l’issue de leur engagement.

La violence est faible dans les centres, les quelques jeunes qui créent des difficultés étant exclus ou partant d’eux-mêmes au début de la formation. L’encadrement, extrêmement vigilant, peut éventuellement avoir recours à la gendarmerie et à des équipes cynophiles pour détecter la présence de stupéfiants.

M. Gilbert Meyer a regretté que, dans un centre, l’EPIDe se substitue à la mission locale qui doit pourtant jouer un rôle spécifique de détection des volontaires et de suivi à l’issue de leur engagement.

M. Michel Voisin a souhaité qu’une réflexion soit menée afin d’agir en amont et de prévenir les difficultés des jeunes avant leur orientation vers les centres « défense deuxième chance ». On considère que les volontaires souhaitent un renforcement de la discipline, le constat repose-t-il sur un échantillonnage suffisant ? Il a également demandé s’il existait des mesures pour inciter les volontaires à intégrer la réserve.

Après avoir considéré que les lacunes du système éducatif étaient avérées depuis plusieurs décennies, M. Gilbert Meyer a souligné que la nouveauté réside dans la réaction des jeunes concernés qui sont conscients, à l’âge de 18 ou 20 ans, de leurs problèmes et souhaitent y remédier. Certains d’entre eux se portent volontaires sur recommandation d’un membre de leur famille qui a déjà connu l’expérience des centres. On constate également que les volontaires sont très majoritairement issus des banlieues et non des zones rurales, tous les jeunes sortis sans qualification ni diplôme du système scolaire ne peuvent cependant intégrer cette structure. Seuls 5 000 jeunes sont appelés à être encadrés d’ici la fin de l’année 2007 alors qu’environ 60 000 sont en rupture sociale et professionnelle. Les 20 000 volontaires qui pourraient à terme passer par un centre ne représenteront, au mieux, qu’un tiers de la population concernée. Par ailleurs, il est possible d’améliorer le fonctionnement des centres, en ce qui concerne la formation professionnelle ; les contenus pédagogiques mériteraient d’être précisés en partenariat avec l’éducation nationale.

Il a estimé prématuré d’envisager d’alimenter la réserve avec les jeunes des centres, qui n’ont pas de formation militaire. Seuls ceux souhaitant un engagement dans la défense pourraient se porter volontaires pour la réserve.

M. Yves Fromion a salué la réussite d’une action qui, au départ, n’était qu’un pari du gouvernement que beaucoup estimaient risqué du fait que le dispositif repose sur le volontariat des jeunes concernés. La gageure était particulièrement difficile à soutenir au regard d’un taux d’analphabétisme des jeunes français proche de 15 %. Rendre l’espoir à ceux qui n’ont a priori aucune chance est un défi considérable. Il s’est dit fier d’avoir appartenu à une majorité qui a su le relever et a souhaité que le système soit pérennisé.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a abondé dans ce sens en soulignant que la réussite de l’EPIDe est inespérée, d’autant plus que rien n’existait au départ. Au terme d’un an d’expérience et sur le seul fondement d’une proposition, toute une structure a été mise en place.

M. Jean-Claude Viollet a souligné l’intérêt d’un dispositif soutenu par tous, qu’il s’agisse des responsables politiques, des collectivités territoriales ou du milieu économique. Cependant, un décalage existe entre le nombre de places aujourd’hui disponibles dans les centres, 5 000 fin 2006 et 12 000 prévues fin 2007, et les 2 500 jeunes participants. Le financement est pour une large part lié au nombre de volontaires effectivement inscrits, il pourrait donc, compte tenu du nombre de places vacantes, se révéler insuffisant. Doubler le nombre des places disponibles est périlleux si le ratio entre ces places et le nombre de jeunes est trop déséquilibré.

Il a estimé que la participation des missions locales au dispositif avait été retardée par le fait qu’au départ, le recrutement des jeunes ne se faisait que dans le cadre de la JAPD.

S’agissant du financement de l’ensemble, les choses sont claires : 50 millions d’euros ont été inscrits sur les crédits du ministère de l’emploi en loi de finances pour 2007 et non 110 millions comme l’a affirmé la ministre de la défense lors de l’examen du budget. Le reste provient d’ailleurs : le fonds social européen verse, par remboursement, 10 millions d’euros ; une dotation d’un peu plus de 40 millions d’euros doit être prélevée sur les crédits destinés à financer les contrats d’aide à l’emploi (CAE) et le versement au titre de l’aide personnalisée au logement (APL) s’élève à 3 ou 4 millions d’euros. Ce montant total de 107 millions d’euros est à comparer à un besoin estimé à 167 millions d’euros pour 2007, d’autant plus que le montant des sommes susceptibles d’être versées au titre du CAE et de l’APL dépend du nombre de contrats passés ainsi que du nombre de jeunes hébergés. Ainsi le directeur de l’EPIDe ne peut-il aujourd’hui engager que les 50 millions d’euros inscrits au budget. Dans ces conditions, le dispositif ne trouvera salut et pérennité que dans le cadre d’une gestion interministérielle à la hauteur d’un enjeu qui concerne l’ensemble de la nation : l’État, les élus et les collectivités territoriales sont coresponsables du fonctionnement de cette structure.

En ce qui concerne la société 2IDE, la loi de finances rectificative pour 2005 a prévu un transfert d’actifs de 120 millions d’euros auquel devaient s’ajouter 125 millions provenant de la caisse des dépôts et consignations. Ces fonds propres devaient permettre à 2IDE d’emprunter 540 millions d’euros. Aujourd’hui, ce sont seulement 15 millions d’actifs qui ont été libérés par l’EPIDe au profit de 2IDE. Dès lors, l’ensemble du dispositif est affaibli puisque les collectivités concernées peinent également à libérer les actifs nécessaires. Devant cette situation, la Région Poitou-Charentes a créé une société d’économie mixte d’aménagement qui finance l’investissement pendant que l’EPIDe acquitte le montant du loyer.

Il a enfin souhaité que l’action de l’EPIDe soit poursuivie et soutenue. Cependant, deux écueils la guettent : le manque de financement en fonctionnement et le manque de financement en investissement. Par ailleurs, le recrutement des jeunes est insuffisant et devrait être doublé. Il faut donc se poser la question de savoir pourquoi si peu de volontaires ont intégré les centres.

Rappelant que le gouvernement a fait le pari de répondre concrètement à un problème grave, Mme Françoise Branget, rapporteur, a admis que la mise en place du dispositif s’était accompagnée de quelques tâtonnements. Il a fallu trouver des emplacements immédiatement utilisables pour implanter les centres ; ce sont donc plutôt des opportunités dans le domaine immobilier qui ont été saisies que des choix raisonnés de localisation des premiers centres. Des arbitrages seront rendus dans ce domaine afin de mieux répondre aux besoins des régions. L’objectif initial de former 20 000 jeunes constituait une belle ambition ; celui de 5 000 pour 2007 semble possible mais il serait plus raisonnable de le fixer à 3 500, compte tenu du rythme d’ouverture des centres. On peut certes le déplorer mais mieux vaut solidifier le dispositif en l’asseyant sur des bases saines. La participation des collectivités territoriales est inégale et indépendante de toute considération politique ; certaines collectivités refusant d’accueillir les centres sur leur territoire car l’amalgame est souvent fait avec les centres de redressement.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a estimé que le chiffre de 20 000 jeunes était un objectif de long terme fixé lors de la conception du projet. C’est en réalité 3 500 volontaires qu’il sera possible d’accueillir et de former avant la fin de l’année 2007. En effet, 25 centres sont nécessaires pour 3 500 jeunes et, au 31 décembre 2006, seule une dizaine étaient opérationnels. Cette lenteur s’explique par la difficulté à trouver des terrains disponibles puisque la surface requise pour l’implantation d’un centre est d’au moins trois hectares. Le nombre des friches militaires s’épuise et l’EPIDe recherche des terrains nus, la construction étant moins coûteuse que la réhabilitation. Par ailleurs, il faudra à l’avenir être plus vigilant sur la localisation géographique des centres. Certaines régions ont besoin de 100 places là où d’autres en demandent 250 ou 300.

Il est impérieux de progresser dans le développement du dispositif en faisant primer la qualité. Les centres doivent avoir toutes les chances de réussite souhaitables. Les responsables politiques doivent assurer le financement des centres, aujourd’hui le problème ne se pose pas.

M. René Galy-Dejean s’est félicité de la traduction positive d’une décision forte et généreuse à laquelle les élus de la nation peuvent être fiers d’avoir participé. Il s’est interrogé sur le fait de savoir si, en dehors des préoccupations financières, l’EPIDe était guetté par d’autres menaces : des voix se sont-elles élevées contre son principe ou sa réalisation ? Par ailleurs, dans la mesure où le rapport présenté fournit des informations enthousiasmantes sur la mise en œuvre du dispositif, ne serait-il pas possible de lui faire une publicité plus large que celle que connaissent en général les rapports parlementaires d’information ? Enfin, il a estimé qu’il n’est pas souhaitable d’augmenter à l’excès le côté militaire des centres. Que d’anciens soldats aguerris assument les tâches d’encadrement est, sans conteste, une bonne chose mais il n’est pas nécessaire d’aller plus loin tant il importe de conserver le maximum d’ouverture sur le monde civil.

Le président Guy Teissier a souhaité à son tour conserver le caractère civil des établissements « défense deuxième chance ». S’agissant de la publicité qui peut être donnée au travail des rapporteurs, il a précisé que le rapport sera diffusé sur le site Internet de l’Assemblée nationale et qu’une conférence de presse aurait lieu à l’issue de la réunion.

Après avoir souligné le soutien unanime dont bénéficie le dispositif, Mme Françoise Branget, rapporteur, a rappelé que l’expérience n’avait qu’un an alors que le SMA existe depuis 45 ans. Elle a considéré que le processus « défense deuxième chance » est bien engagé et qu’il faut pérenniser la confiance des jeunes dans le dispositif et augmenter le nombre de volontaires pris en charge.

Elle a fait valoir que les jeunes attendent également un plus grand brassage de population qui peut passer par une intégration dans un centre éloigné de leur domicile.

Corroborant ces propos, le président Guy Teissier a jugé discutable l’ouverture d’un centre « défense deuxième chance » dans sa circonscription, au cœur d’un quartier difficile, les jeunes qui le fréquenteront n’étant pas coupés de leur environnement habituel.

M. Gilbert Meyer, rapporteur, a souligné que le degré d’adhésion au dispositif des différents partenaires est très élevé et que l’enseignement, dispensé par l’éducation nationale, n’a pas de caractère militaire.

Le président Guy Teissier a relevé que le SMA représente un exemple d’équilibre entre activités professionnelles et militaires qui peut correspondre aux attentes des jeunes.

M. Marc Francina a indiqué qu’une mauvaise information initiale peut conduire une collectivité locale à rejeter l’implantation d’un centre, encore trop souvent confondu avec un établissement fermé.

Le fonctionnement des missions locales est perfectible. Peut-être serait-ce plutôt à l’ANPE d’intervenir dans les départements où le taux de chômage n’est pas trop élevé.

Il a souligné que les jeunes attendent de leur intégration dans un centre une forme de dépaysement, certains préférant rester sur place le week-end plutôt que de rentrer chez eux. Le centre d’Annemasse, en Haute-Savoie, illustre bien l’excellente intégration locale du dispositif.

Il a souligné que l’aspect militaire rassure tant les habitants que les jeunes qui fréquentent ces centres.

Quelques modalités restent toutefois à préciser concernant notamment la prise en charge des frais de transport par les collectivités territoriales.

Enfin, la région étant l’échelon compétent en matière de formation professionnelle, il a souhaité que celles-ci s’impliquent davantage en la matière.

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La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.

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Modification des articles 414-8 et 414-9 du code pénal (rapport)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, sur le rapport de M. Marc Francina, le projet de loi (n° 2277 rectifié) modifiant les articles 414-8 et 414-9 du code pénal.

M. Marc Francina, rapporteur, a souligné que même s’il s’agissait d’un texte technique éminemment bref, le sujet n’était pas anodin, puisqu’il s’agit d’assurer une meilleure protection pénale aux informations secrètes transmises à la France par des Etats étrangers ou des organisations internationales.

Il a souligné que le partage des informations entre services de différents Etats tend à prendre une importance déterminante dans le domaine du renseignement. La confiance entre services a toujours été un élément clé de la qualité des échanges en la matière. Si une telle relation ne se décrète pas, elle suppose toutefois au minimum l’appui de dispositions garantissant aux Etats que les informations qu’ils transmettent bénéficieront du même degré de protection pénale que les secrets nationaux. De ce point de vue, la rédaction actuelle du code pénal est insuffisante.

Le rapporteur a précisé que l’article premier a ainsi pour objet d’étendre à l’OTAN en tant que personne morale la protection dont bénéficient déjà les puissances signataires du traité de l’Atlantique Nord contre les actes de trahison et d’espionnage ainsi que les atteintes au secret de la défense nationale. Il s’agit de tenir compte de l’évolution du rôle de l’Alliance, notamment en matière de lutte contre le terrorisme, qui la conduit à mettre davantage l’accent sur le renseignement et son analyse.

L’article 2 du projet vise à modifier l’article 414-9 du code pénal qui, dans sa rédaction actuelle, a un objet des plus limités, puisqu’il se borne à assurer la protection pénale des informations échangées en vertu d’un accord de sécurité du 22 octobre 1973 entre le France et la Suède. Il est donc proposé d’étendre sa portée, tout en visant de manière générale les accords de sécurité conclus avec un ou des Etats étrangers ou une organisation internationale, tels les accords avec l’agence spatiale européenne ou l’organisation conjointe de coopération en matière d’armement.

Une protection accrue sera par ailleurs assurée pour les informations classifiées échangées entre la France et une institution ou un organe de l’Union européenne, sous réserve qu’elles aient été classifiées en vertu des règlements de sécurité de ces derniers publiés au Journal officiel de l’Union européenne.

Le rapporteur a noté que l’adoption de cette disposition est importante pour les entreprises françaises souhaitant répondre aux appels d’offres, et donc accéder aux données protégées, concernant les projets Galileo et le programme européen de recherche pour la sécurité.

Après avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable, présentées par M. Alain Bocquet et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, la commission est passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier : Protection contre les actes commis au préjudice de l’organisation du traité de l’Atlantique Nord

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Poursuites des atteintes aux secrets commises à l’égard d’information échangées en vertu d’accords de sécurité ou dans le cadre de l’Union européenne

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi sans modification.

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Ratification de l’ordonnance n° 2006-637 portant refonte du code de justice militaire (partie législative) et modifiant le code de la défense et le code de justice militaire (rapport)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné, sur le rapport de M. Dominique Caillaud, le projet de loi (n° 3275) ratifiant l’ordonnance n° 2006-637 portant refonte du code de justice militaire (partie législative) et modifiant le code de la défense et le code de justice militaire.

M. Dominique Caillaud, rapporteur, a indiqué que le projet de loi avait un triple objet. Son article premier ratifie l’ordonnance du 1er juin 2006 portant refonte de la partie législative du code de justice militaire, devenue peu claire après une suite de réformes. La refonte opérée par l’ordonnance respecte la structure du code de justice militaire. Plus substantiellement, l’article deux transpose à la justice militaire, dans le domaine de la procédure d’appel en matière criminelle, les dispositions du droit commun. En effet, un certain nombre de mesures législatives n’ont pu être modifiées par voie d’ordonnance. La loi du 15 juin 2000 qui introduit l’appel en matière criminelle n’a pas étendu cette possibilité à la justice militaire. Le projet de loi précise les règles applicables pour l’appel que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre. La complète harmonisation des dispositions militaires avec le droit commun nécessite par ailleurs un certain nombre d’ajustements procéduraux qui concernent aussi bien la composition de la chambre de l’instruction, que la qualité d’officier de police judiciaire, les modalités de certaines perquisitions ou interceptions de communication ou la représentation d’un défenseur défaillant. Enfin, un certain nombre d’erreurs matérielles de renvoi appelle correction.

Le troisième et dernier article du projet de loi modifie des dispositions du code de la défense relatives aux matières nucléaires. Jusqu’à présent, les matières nucléaires étaient distinguées selon qu’elles étaient affectées à la défense ou à l’usage civil. Désormais, le critère de distinction est celui de l’affectation à la dissuasion. Les matières nucléaires affectées à la défense et ne relevant pas de la dissuasion seront désormais protégées comme les matières nucléaires à usage civil.

M. Jean Michel a rappelé que la réforme intervenue en 2000 avait mis fin à certains particularismes et anomalies de la justice militaire et avait rapproché le code de justice militaire du code de procédure pénale. L’image de la justice militaire n’a pas pendant longtemps été conforme à celle qu’elle doit être dans une démocratie moderne. Le projet de loi tient compte de l’instauration récente de l’appel en matière criminelle et opère d’autres mises en conformité de la procédure pénale applicable aux infractions militaires avec la procédure pénale de droit commun. Souhaitant un examen attentif du texte, il a notamment relevé la compétence donnée au procureur général, alors que normalement le procureur près le Tribunal aux Armées devrait être concerné. Cette disposition n’est pas anodine en termes de hiérarchie judiciaire et de réalité du contrôle réalisé. Il a fait part des difficultés qu’il avait pu connaître en tant que rapporteur du projet de réforme du code de justice militaire en raison des réticences du ministère de la défense, et même du ministère de la justice. En deuxième lecture en séance publique, le ministre de la défense avait tenté en vain de faire revenir sur certaines avancées, pourtant acceptées à l’unanimité par la commission de la défense. Ce type de réticences vis-à-vis des procédures de droit commun n’a semble-t-il pas disparu si l’on se réfère aux critiques formulées à l’encontre de l’activité de magistrats du parquet et même du siège lors de l’instruction d’affaires récemment intervenues en Afrique.

Le rapporteur a souligné que le texte proposé va dans le sens d’un parallélisme des formes accru entre justices civile et militaire et simplifie par ailleurs le dispositif existant, en limitant la compétence de la justice militaire en temps de paix aux cas les plus spécifiques.

Après avoir rejeté l’exception d’irrecevabilité et la question préalable, présentées par M. Alain Bocquet et les membres du groupe des député-e-s communistes et républicains, la commission est passée à l’examen des articles du projet de loi.

Article premier : Ratification de l’ordonnance n° 2006-637 du 1er juin 2006 portant refonte du code de justice militaire (partie législative)

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 : Introduction dans le code de justice militaire de la procédure d’appel en matière criminelle et modification de dispositions législatives annexes

La commission a adopté trois amendements présentés par le rapporteur :

– le premier tendant à préciser le mode de désignation des magistrats de la chambre d’instruction en reprenant les dispositions du code de procédure pénale applicables en droit commun ;

– le deuxième détaillant la composition du tribunal, selon qu’il statue en premier ressort ou en appel ;

– le troisième, de précision.

Elle a ensuite adopté l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Modification de certaines dispositions du code de la défense concernant la protection et le contrôle des matières nucléaires

La commission a adopté cet article sans modification.

Le rapporteur a présenté un amendement de portée rédactionnelle sur le titre du projet de loi.

Après que M. Jean Michel a regretté la suppression de la référence au code de justice militaire, la commission a adopté cet amendement.

La commission a ensuite adopté l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.