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COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES FORCES ARMÉES

Mercredi 21 février 2007

Séance de 9 heures 30

Compte rendu n° 21

Présidence de M. Guy Teissier,
président

 

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– Audition de M. Michel Franc, président du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), accompagné de M. Patrick Larhant, secrétaire général, pour la présentation du premier rapport annuel du Haut Comité



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– Examen du rapport d’information sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2006 (M. Guy Teissier, rapporteur)


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Audition de M. Michel Franc, président du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), accompagné de M. Patrick Larhant, secrétaire général, pour la présentation du premier rapport annuel du Haut Comité

La commission de la défense nationale et des forces armées a entendu M. Michel Franc, président du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), accompagné de M. Patrick Larhant, secrétaire général, pour la présentation du premier rapport annuel du Haut Comité.

M. Michel Franc a rappelé que les compétences du HCECM étaient définies par la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et le décret n° 2005-1415 du 17 novembre 2005. Son premier rapport a été remis au Président de la République le 6 février 2007.

Il a souligné l’extrême diversité de la condition militaire qui concerne quelque 350 000 agents, dont une moitié de contractuels et une moitié de militaires à statut de carrière et qui recouvre une très grande variété de métiers, de responsabilités, de conditions d’emploi. Il a par ailleurs relevé la féminisation des armées, avec un taux de 14 % des effectifs et 19 % des recrutements.

Indiquant qu’il avait été impossible dans le cadre de ce premier rapport de traiter toutes les dimensions de la condition militaire, il a précisé que le HCECM avait délibérément placé son travail dans une perspective pluriannuelle et retenu deux thèmes pour cette année : l’attractivité de la condition militaire et les rémunérations.

Le premier sujet lui a permis de cerner les moyens dont l’armée, désormais professionnelle, dispose pour attirer et fidéliser les jeunes femmes et les jeunes hommes désireux de se consacrer au service de leurs concitoyens et de la nation.

Le second l’a conduit, même si toute démarche comparative doit être assortie de réserves méthodologiques, à comparer les rémunérations des militaires avec celles de la fonction publique civile, d’autres armées occidentales et même du secteur privé. Cette analyse était indispensable et pouvait s’articuler avec les travaux de révision des statuts particuliers des militaires. Elle s’imposait également car il s’agissait d’une attente forte de la communauté militaire.

Le HCECM a travaillé dans une logique d’expertise, d’audit, pour tenir compte des orientations fixées par le Président de la République et le Parlement. Il a établi des diagnostics, des constats, sans émettre de jugement de valeur, ce qui explique le caractère austère, voire aride, du rapport, qui contient de multiples données chiffrées, tableaux et graphiques. La méthode a consisté à combiner plusieurs angles d’étude. Le HCECM a analysé des documents spécialisés, notamment des rapports parlementaires, en particulier celui de Mme Bernadette Païx et de M. Damien Meslot sur la condition militaire, de décembre 2005. Le HCECM a également examiné les questions parlementaires posées au Gouvernement ces dernières années, en particulier en 2006. Il a procédé à de nombreuses auditions allant du chef d’état-major des armées à des élèves sous-officiers et élèves officiers, sans oublier des représentants d’associations de conjoints de militaires. Il a visité quatre unités, la base aérienne 112 à Reims, le régiment de marche du Tchad à Noyon, le groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory et le porte-avions Charles-de-Gaulle à Toulon. À chaque fois, il a souhaité entendre les personnels regroupés par catégories : les militaires du rang, les sous-officiers, les officiers et aussi le personnel féminin, tous grades confondus. Enfin, il a mené des travaux statistiques, en liaison étroite avec l’INSEE qui a validé les travaux entrepris et dont le directeur général est membre de droit du HCECM.

Présentant l’institution, il a précisé que le collège est constitué de neuf membres, y compris les deux suppléants, assistés d’un secrétaire général et de trois agents. Les constats et les recommandations qu’il a formulés ont été adoptés de façon consensuelle et sont de portée générale.

M. Michel Franc a souligné que les recommandations du HCECM n’entraient pas dans ce qui relève de la responsabilité des gestionnaires des forces armées mais avaient été conçues comme une procédure d’aide à la décision pour le Gouvernement et le Parlement. Les réactions suscitées par ce premier rapport permettront peut-être de faire évoluer la méthode suivie. Il est notamment envisagé d’approfondir les comparaisons avec des armées étrangères dont les caractéristiques et le format sont similaires à celles des armées françaises, par exemple l’armée britannique.

S’agissant de l’attractivité, même si le bilan global en matière de recrutements et de départs (notamment spontanés) est assez satisfaisant, plusieurs clignotants se sont ou demeurent allumés. Dans certaines spécialités sensibles – aéronautique, nucléaire, soutien médical –, la concurrence avec le marché de l’emploi est très forte. Le nombre de candidatures par poste offert au recrutement de militaires du rang de l’armée de terre a diminué, peut-être à cause de perspectives de reconversion ou de réinsertion ressenties comme incertaines et qui affectent la fidélisation.

La mobilité géographique et les absences de plus ou moins longue durée sont comprises et admises, mais elle ont une incidence non seulement sur la situation personnelle des militaires mais aussi sur leurs conditions de vie familiale. Par conséquent, fidéliser aujourd’hui un militaire nécessite de fidéliser aussi sa famille, ce qui conduit à prendre en compte l’emploi du conjoint, le logement, l’éducation des enfants (notamment des très jeunes enfants), sans oublier la question particulière des femmes militaires. La convergence de vues entre le HCECM et les travaux parlementaires – en particulier le rapport de Mme Bernadette Païx et de M. Damien Meslot déjà cité – est à cet égard frappante. La mobilité géographique est un aspect essentiel du statut militaire mais certaines modalités de sa mise en œuvre requièrent peut-être un réexamen des mesures d’accompagnement ; le HCECM a décidé de retenir ce sujet comme thème de son prochain rapport.

S’agissant des rémunérations, le classement indiciaire des militaires s’est globalement maintenu, si l’on se réfère à la grille indiciaire de 1948 qui demeure la colonne vertébrale de la fonction publique, étant toutefois précisé qu’il a évolué moins favorablement que celui d’autres corps en uniforme, en l’occurrence l’administration pénitentiaire et la police nationale. Par ailleurs, le classement des colonels a décroché par rapport à celui des corps civils d’encadrement supérieur de l’État. Entre 1990 et 2004, les salaires nets moyens, primes incluses, des militaires du rang et des sous-officiers ont dans l’ensemble progressé plutôt mieux que ceux des catégories équivalentes de la fonction publique, à l’exception de la police et de l’administration pénitentiaire. Pour les officiers, l’évolution a plutôt été inférieure à celle dont ont bénéficié les autres cadres de l’État, même si la tendance au rattrapage se poursuit grâce au plan d’amélioration de la condition militaire (PACM) initié en 2002. Le niveau de vie des ménages dont l’un des conjoints est militaire est inférieur à celui des ménages dont l’un des conjoints est fonctionnaire, du fait notamment de la différence du taux d’emploi des conjoints.

Le HCECM estime qu’il serait souhaitable d’améliorer le début de carrière des militaires du rang et d’élargir l’amplitude indiciaire dans les grades d’officiers, afin d’accélérer la carrière des officiers les plus performants et d’élargir l’espace indiciaire ouvert aux officiers qui ne peuvent être promus dans le grade supérieur. Il a également formulé deux observations plus générales. Premièrement, les responsabilités d’encadrement et de commandement devraient être mieux valorisées. Or, dans la fonction militaire par exemple, la nouvelle bonification indiciaire semble avoir été attribuée de façon peut-être trop égalitaire. Deuxièmement, il ne paraît pas judicieux de transposer mécaniquement et automatiquement dans la fonction militaire toutes les mesures mises en œuvre dans la fonction publique civile car la gestion des ressources humaines des forces armées obéit à une logique propre. Il n’en reste pas moins que la question de l’encadrement militaire doit être prise en compte dans les réflexions concernant l’encadrement supérieur de l’État. En outre, les gestionnaires des armées doivent être associés le plus en amont possible aux décisions lorsque des mesures concernant la fonction publique civile doivent être transposées à la fonction militaire. Sinon, une mesure transposée tardivement aux militaires est perçue comme un rattrapage, ce qui n’est psychologiquement pas satisfaisant, et comme la marque d’un manque de considération, considération à laquelle les militaires sont fortement et légitimement attachés.

Le président Guy Teissier s’est enquis de l’appréciation portée par les sous-officiers des trois armées sur le plan d’adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE), appliqué aux seuls sous-officiers de gendarmerie accédant au corps des officiers.

L’infériorité des salaires de base des militaires français par rapport à ceux pratiqués dans l’armée britannique est compensée par les primes assez élevées obtenues à l’occasion des opérations extérieures (OPEX) ou des déplacements outre-mer ainsi que par les primes de spécialistes ou les bonifications. Comment les militaires apprécient-ils cette situation et son impact sur les pensions de retraite ?

M. Michel Franc a expliqué que le PAGRE tendait, d’une part, à améliorer la situation indiciaire des sous-officiers en fin de carrière, essentiellement dans la gendarmerie, et, d’autre part, à accroître le contingent d’échelons indiciaires hors-échelle lettre B des colonels.

M. Patrick Larhant, secrétaire général du HCECM, a précisé que les rémunérations et les indices moyens repris dans le rapport, faute de données plus récentes, datent de 2004, c’est-à-dire d’avant l’entrée en vigueur du PAGRE. En revanche, les analyses de classement indiciaire intègrent certaines évolutions du PAGRE, plus précisément celles dont les textes d’application ont été publiés avant la fin de l’année 2006.

Le PAGRE comporte deux volets. Le premier est spécifique à la gendarmerie : la transformation de postes de sous-officiers en postes d’officiers et conséquemment le repyramidage des postes de sous-officiers non promus officiers. Le deuxième volet est applicable à toutes les armées : l’augmentation du contingent de hors-échelle lettre B pour les colonels et la hausse des indices terminaux des majors, adjudants-chefs, adjudants, sergents-chefs et caporaux-chefs. L’entrée en vigueur de ces mesures doit s’échelonner de 2005 à 2012. Certaines d’entre elles sont totalement réalisées, comme la hausse de l’indice de l’échelon exceptionnel du grade de major ; d’autres ne le sont pas encore, comme celle prévue pour les adjudants et adjudants-chefs.

M. Michel Franc a ajouté que les comparaisons internationales effectuées s’appuyaient sur données figurant dans des rapports d’audit effectués par les Britanniques eux-mêmes. Les soldes de base sont plus élevés en Grande-Bretagne mais les primes y sont plus faibles, notamment pour les opérations extérieures. Il convient au demeurant de se montrer extrêmement prudent car les comparaisons internationales doivent prendre en compte les contextes nationaux, notamment les régimes fiscaux, les systèmes de protection sociale, les conditions de logement, sans compter l’évolution des salaires pratiqués dans le secteur privé. En outre, l’armée britannique ne compte que 23 % de sous-officiers, contre 48 % dans l’armée française, ce qui rend délicates les comparaisons de grade à grade.

Non seulement les indemnités ne sont pas les mêmes dans les deux pays mais elles sont calculées différemment. En Grande-Bretagne, la durée cumulée des absences au cours de la carrière est prise en compte, en particulier pour les opérations extérieures.

M. Patrick Larhant a confirmé que les Britanniques utilisaient les primes dans une logique très différente, notamment comme outil de fidélisation. En France, la majoration d’embarquement est de 20 % de la solde de base pendant toute la durée des services embarqués. En Grande-Bretagne, la prime perçue après dix années cumulées d’embarquement est presque trois fois plus élevée que celle perçue avant cinq années cumulées d’embarquement. En France, l’indemnité pour service aérien est proportionnelle à la rémunération, sous réserve qu’elle n’excède pas un certain plafond ; en Grande-Bretagne, elle croît avec la durée des services aériens jusqu’au grade de commandant puis décroît. Les indemnités d’éloignement suivent le même système : une sorte de franchise est appliquée en début de carrière pour les cent premiers jours d’absence et le taux journalier quintuple pratiquement pour les militaires qui ont fait beaucoup de missions éloignées.

M. Gilbert Meyer a regretté que le rapport du HCEM néglige le sujet de préoccupation principal de tous les militaires et de leurs familles, comme l’a établi un rapport de la commission de la défense en 2003 : le logement des personnels de la défense. C’est la hantise des militaires et de leurs familles, le logement constitue une difficulté spécifique aux militaires pour leur reconversion et l’accession à la propriété, qui est plus tardive pour les militaires que pour les civils.

M. Michel Franc a signalé que le rapport abordait très clairement la question du logement, notamment dans la partie consacrée à l’attractivité, et que le HCECM l’étudierait particulièrement en 2007, dans le cadre de son travail sur la mobilité géographique.

M. Jean-Claude Viollet a douté que la grille de la fonction publique permette à quiconque d’avoir une connaissance précise de la situation des militaires et des personnels de la défense, compte tenu des rémunérations de base, des primes, des nouvelles bonifications indiciaires, des classements en échelle et en hors-échelle lettre. Des éléments de comparaison avec les fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux seraient nécessaires. La question se pose d’ailleurs aussi en matière de pensions.

Lorsque des militaires de différents pays européens seront engagés dans des dispositifs communs, voire dans le cadre des mêmes unités, ne deviendra-t-il pas indispensable d’harmoniser les carrières, les rémunérations et les systèmes indemnitaires ?

Le service de santé des armées est fortement féminisé mais souffre de départs considérables à cause des difficultés rencontrées par les femmes pour concilier engagement militaire (par exemple avec les OPEX) et vie familiale. Pourquoi ne pas placer les personnels de santé féminins sur la médecine « du socle » plutôt que sur la médecine opérationnelle tant que leurs charges de famille le nécessitent ?

Confirmant la complexité des systèmes de rémunération, M. Michel Franc a insisté sur le fait que les comparaisons entreprises par le HCECM avaient porté sur la fonction publique civile de l’État et la fonction militaire prises globalement. Les militaires connaissent évidemment leur indice de rémunération mais nombre d’entre eux, pour peu qu’ils changent d’affectation ou qu’ils occupent de nouvelles fonctions, ont des incertitudes sur le niveau de rémunération qu’ils percevront à la fin du mois, notamment à cause de la complexité des régimes indemnitaires.

Les femmes représentent 14 % des effectifs et 19 % des recrutements mais, dans le service de santé des armées – qui connaît du reste un sous-effectif important de médecins–, ces taux passent à 48 % et 67 %.

M. Patrick Larhant a jugé que les situations de départ créées par la grille de 1948 et les situations correspondant aux textes actuellement en vigueur étaient claires mais qu’il était plus délicat d’effectuer des recherches sur les situations intermédiaires. Les textes sur les rémunérations et les indemnités sont d’une très grande complexité. C’est pourquoi le HCECM n’a pas cherché à compiler exhaustivement les textes indemnitaires, mais bien à appréhender leur effet quantifié global sur les rémunérations civiles et militaires.

M. Yves Fromion s’est interrogé sur le degré de corrélation entre la faiblesse des rémunérations et les non-renouvellements de contrat des militaires du rang et des sous-officiers. Il a souhaité obtenir une comparaison entre l’indemnité versée par jour de déplacement de CRS et celle versée par jour de projection de militaire en OPEX.

M. Michel Franc a répondu que les 93 000 militaires du rang, dont 68 000 dans l’armée de terre, étaient tous des contractuels, que leur salaire de départ était relativement attractif mais que leur rémunération était bloquée pendant quelques années en début de carrière. Ils sont en effet recrutés à des indices inférieurs à l’indice majoré 280. Mais pour tenir compte du niveau minimum de rémunération de la fonction publique (« SMIC » de la fonction publique), ils perçoivent une rémunération calculée sur la base de l’indice 280. Leur rémunération reste ensuite bloquée pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’ils dépassent l’indice 280, ce qui est assez difficile à comprendre pour les intéressés qui ont pu entre-temps progresser en expérience, en qualification et en grade. Le taux de renouvellement des premiers contrats est de l’ordre de 50 %. Beaucoup de militaires du rang éprouvent des difficultés de réinsertion et de reconversion alors que des ressources humaines et budgétaires considérables sont consacrées à cette politique : 48 % d’entre eux se retrouvent, pour des durées variables, dans les dispositifs d’indemnisation du chômage. Une étude s’impose pour vérifier la réalité de cette situation, déterminer ses causes et envisager des solutions.

Il existe un « jeu de miroir » entre les militaires notamment de l’armée de terre, les gendarmes et les policiers, les gendarmes estimant que les policiers ont moins de contraintes de disponibilité.

M. Patrick Larhant a indiqué que les régimes indemnitaires des gendarmes mobiles et des CRS étaient très proches. Leurs principales primes de spécialité sont l’indemnité de sujétion spéciale de police (ISSP) et l’indemnité journalière d’absence temporaire (IJAT). Les gendarmes perçoivent de surcroît l’indemnité pour charge militaire (ICM) et jouissent d’une concession de logement par nécessité absolue de service. Ce mode de logement présente des avantages, et tout d’abord pour la bonne marche du service, mais n’est pas forcément synonyme de qualité de la vie familiale. Par ailleurs, le classement indiciaire de la police, qui a évolué récemment, est plus avantageux que celui de la gendarmerie.

M. Yves Fromion a demandé si un gendarme en opération en Bosnie percevait une compensation de cette sujétion supérieure à celle d’un militaire de même rang de l’armée de terre.

M. Patrick Larhant a déclaré que les gendarmes comme les autres militaires perçoivent l’indemnité de sujétion pour service à l’étranger (ISSE), dont le taux est d’une fois et demie la solde de base. Des différences peuvent ensuite apparaître en fonction des primes touchées par le militaire au titre de sa spécialité et de son emploi. Le gendarme bénéficiera de son indemnité pour sujétion spéciale de police (ISSP), comme en métropole. Le militaire non-gendarme percevra, le cas échéant, la majoration d’embarquement s’il est déployé sur un bâtiment, l’indemnité des militaires parachutistes s’il est parachutiste, l’indemnité pour service aérien s’il est pilote, ou encore aucune prime si son emploi n’ouvre pas droit à prime particulière.

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Contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2006 (rapport d’information)

La commission de la défense nationale et des forces armées a examiné le rapport de la mission d’information présidée par M. Guy Teissier sur le contrôle de l’exécution des crédits de la défense pour l’exercice 2006.

En préambule, M. Guy Teissier, rapporteur, s’est félicité de l’exécution budgétaire de ces dernières années qui a permis à l’ensemble des forces armées de se moderniser et de se professionnaliser et qui, contrairement aux pratiques antérieures, n’a pas remis en cause les choix faits en loi de finances initiale. L’année 2006 s’inscrit dans cette logique avec un bilan plus que positif.

Le budget 2006 attribue 43,4 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) à la mission défense et au programme gendarmerie dont près de 11 milliards pour le seul programme 146 (équipement des forces). Un effort a été fait pour les autorisations d’engagement (AE) qui atteignent en loi de finances initiale (LFI) 44,4 milliards d’euros. La LFI a également augmenté significativement la dotation OPEX qui est de 175 millions d’euros. Ce budget ambitieux a toutefois dû être complété au cours de l’année pour faire face à des dépenses imprévues comme l’intervention française au Liban ou pour autoriser la consommation des reports de crédits. Le budget global a ainsi été augmenté en cours d’exécution de plus d’1,7 milliard d’euros que ce soit au travers du décret d’avance pour les OPEX d’octobre 2006, ou de la loi de finances rectificative.

L’exécution des crédits a été en 2006 particulièrement satisfaisante puisque les crédits consommés ont dépassé les crédits ouverts en LFI qui respectait, pour la quatrième année consécutive, la loi de programmation militaire (LPM) pour 2003-2008. Les crédits disponibles ont quant à eux été consommés à hauteur de 96,1 %. Les crédits d’équipement semblent à première vue avoir été moins consommés, mais au cours du mois de janvier dernier, près de 500 millions d’euros ont été engagés, corrigeant ainsi cette faible consommation.

M. Guy Teissier a souligné que du fait de la LOLF, les produits des cessions immobilières sont désormais affectés à un compte d’affectation spéciale (CAS). Les sommes versées sur ce compte restent au bénéfice exclusif de la défense et serviront à financer les investissements immobiliers de 2007. Aucune opération n’a pu être montée en 2006 puisque le compte était en cours de création. Dans le seul département des Bouches-du-Rhône, 24 cessions ont été effectuées dans le courant de l’année 2006.

Il a ensuite insisté sur la consommation des crédits de personnel et sur celle des crédits d’équipement. Les crédits de personnel ont été consommés à hauteur de 99,68 % des crédits disponibles, c’est-à-dire que les crédits supplémentaires ouverts en cours d’exécution ont tous été utilisés.

Malgré la bonne consommation des crédits d’équipement, le rapporteur a déploré la permanence de reports de crédits. L’inquiétude que les membres de la mission d’information avaient exprimée en 2005 devant l’accroissement de ces reports semble toutefois avoir été entendue puisqu’ils ont diminué de plus de 600 millions en 2006. Avec les commandes intervenues en janvier 2007, ils ne sont désormais plus que de 1,3 milliard d’euros au lieu des 2 milliards de 2005. Cette réduction est très positive mais doit être poursuivie pour qu’en 2007 tous les reports soient résorbés, conformément aux objectifs fixés par le Président de la République.

S’agissant des intérêts moratoires, leur montant a dépassé celui de 2005. Plus préoccupant encore est le profil d’évolution de ces intérêts qui, au lieu de se stabiliser en cours d’année, une fois les dernières factures honorées, ont continué à augmenter.

Le rapporteur a appelé les membres de la commission à être particulièrement attentifs à leur évolution ces prochaines années car ils révèlent des retards de paiement préoccupants.

Après cette présentation générale, M. Guy Teissier a mis en avant quatre éléments ayant fait l’objet d’un examen plus détaillé lors des différentes réunions.

— En décembre 2006, une importante commande de sous-marins d’attaque Barracuda a été passée. Pour cela, 1,1 milliard d’euros ont été engagés, c'est-à-dire six fois plus que les crédits ouverts en LFI, et ce à partir des AE affectées au deuxième porte-avions (PA2). Le programme du PA2 a en effet été modifié : le renforcement de la coopération avec les Britanniques a nécessité plus de crédits de paiement alors que le report à 2007 du contrat de réalisation ne demandait plus autant d’AE que prévu. Les AE excédentaires ont donc été déplacées vers le programme Barracuda et les CP augmentés de 73 millions d’euros.

— La situation de l’aéromobilité s’avère préoccupante. Bien qu’elle conditionne la capacité opérationnelle de nos armées sur des théâtres étrangers notamment, elle ne semble pas avoir été suffisamment prise en compte en 2006. Les retards du programme NH90 sont d’autant plus regrettables que parallèlement, le Tigre connaît lui aussi des difficultés.

— Concernant les carburants, les armées ont dû faire face à la hausse du prix du pétrole en 2006. Le système de recours aux marchés financiers assure à la défense un prix maximal d’approvisionnement contre le versement d’une prime de risque. Ce système est aujourd’hui pleinement opérationnel et lisse les évolutions du cours pour les armées. Par ailleurs, les acheteurs du ministère profitent de toute baisse pour reconstituer les stocks. Les stocks de la marine, fortement mis à contribution en 2006, devraient ainsi être reconstitués à la fin du premier trimestre 2007.

— L’activité et le recrutement ont également bénéficié en 2006 d’un régime particulièrement favorable. Les indicateurs d’activité restent souvent en deçà des objectifs de la LPM mais chacun s’accorde à reconnaître qu’ils avaient été fixés de manière trop ambitieuse. Un réajustement a donc été opéré et toutes les armées, à une exception près, ont atteint les objectifs qui leur avaient fixés pour 2006 ; ce qui est satisfaisant, l’inaction étant la pire des choses pour une armée professionnelle. Le nombre de jours de formation des gendarmes mobiles reste faible mais il résulte de leur forte activité : plus ils sont mobilisés par les préfets, moins ils disposent de temps pour suivre une formation.

Les sous-effectifs qui existaient encore en 2005 diminuent nettement. Près de 350 000 militaires sont actuellement employés sur les 355 000 emplois ouverts par le plafond ministériel d’emplois autorisés (PMEA) 2006, qui était pourtant considéré comme très ambitieux. Le taux de sous-effectif pour les militaires ne dépasse donc pas 1,8 %. Les chefs d’état-major semblent d’ailleurs plus inquiets d’un éventuel dépassement des plafonds autorisés que d’une incapacité à recruter suffisamment de personnels.

En conclusion, M. Guy Teissier a rappelé que pendant cette législature, la commission a toujours veillé à ce que la défense reçoive les moyens nécessaires à l’accomplissement de ses missions. Contrairement à la précédente législature, les crédits de la défense n’ont pas servi de variable d’ajustement et la LPM a été respectée. Les commandes enregistrées en 2006 prolongent l’excellente exécution budgétaire de ces dernières années et permettent d’envisager avec sérénité, mais sans confiance excessive, l’avenir des armées. Il a considéré que le maintien de la place de la France dans le monde dépend d’un budget à la hauteur de ses ambitions et qu’il appartient aux parlementaires d’y veiller.

M. Jean-Claude Viollet a salué le travail réalisé par la mission, aussi bien pour ce qui concerne l’équipement des forces que les rémunérations et charges sociales (RCS). Toutefois, il apparaît que le maintien en condition opérationnelle des matériels (MCO) est de plus en plus coûteux. Cette inflation s’explique par l’entretien d’équipements anciens, très onéreux à réaliser compte tenu de leur vétusté, comme par celui des matériels nouvellement entrés en service.

La réaffectation d’autorisations d’engagement du programme PA2 vers celui des SNA Barracuda laisse augurer de fortes tensions budgétaires dans les prochaines années qui concerneront aussi bien les grands programmes que les RCS, le MCO ou les moyens de fonctionnement courant des armées. On ne peut se satisfaire d’économies ponctuelles sur tel ou tel programme, une réflexion stratégique d’ensemble doit être menée afin de dégager les priorités ; l’inflation des coûts de maintien en condition opérationnelle risquant d’obérer les autres postes du budget.

Le rapporteur a estimé à son tour que le MCO constituait une préoccupation très importante pour la défense nationale. Sauf en ce qui concerne les forces engagées en OPEX, la situation n’est pas satisfaisante. Pourtant, les ateliers régimentaires et les arsenaux ne ménagent pas leurs efforts mais les personnels connaissent des difficultés à assurer le maintien en condition opérationnelle de matériels divers et anciens, particulièrement dans l’armée de terre où un meilleur effort d’organisation pourrait être développé à l’instar de ce que l’on observe pour la marine et l’armée de l’air.

Il a souligné que tous les crédits de MCO ouverts ont été engagés ces dernières années et mieux employés que précédemment. Le MCO est d’ailleurs aujourd’hui de mieux en mieux intégré aux prévisions budgétaires. La modification de nomenclature envisagée pour la prochaine loi de finances devrait permettre une meilleure lisibilité en regroupant dans le même programme les dépenses d’équipement et les dépenses d’entretien.

La réaffectation d’autorisations d’engagement du programme PA2 vers celui des SNA Barracuda est un signe de vitalité et non un indice de tension budgétaire. Il s’agit d’une gestion intelligente des moyens qui succède à une gestion figée, alors que le programme PA2 est encore en attente. C’est comptablement intelligent, économiquement habile et militairement efficace.

En réponse à M. Marc Francina, M. Guy Teissier a indiqué que les intérêts moratoires étaient payés sur le budget de la défense.

M. Philippe Vitel a estimé qu’une amélioration de la gestion du MCO passait par la restructuration des outils industriels. Ainsi, le changement de statut de DCN a-t-il eu pour conséquence de baisser les coûts de MCO et d’augmenter la disponibilité des navires de la marine nationale. C’est un exemple à suivre pour restructurer l’outil industriel de l’armée de terre. Des efforts considérables sont par ailleurs fournis pour maintenir le potentiel des hélicoptères pourtant âgés et il convient de saluer la réactivité très forte des ateliers industriels aéronautiques (AIA), notamment celui de Cuers. Cependant, aucun miracle n’est à attendre de l’entretien d’appareils trop vétustes : il faut de toute urgence les remplacer par le Tigre et le NH90, le retard de production de ces hélicoptères étant inacceptable.

M. Guy Teissier a salué les bons résultats enregistrés par la marine nationale pour le MCO de ses navires qui sont liés à la suppression du monopole des arsenaux, au changement de statut de DCN et à la mise en concurrence des contrats d’entretien. En tout état de cause, la délégation générale de l’armement (DGA) doit renforcer ses efforts pour un meilleur contrôle des coûts des contrats de MCO. Elle exerce déjà un rôle important de « commissaire économique » qui a pesé et pèse ainsi fortement sur les contrats FREMM et PA2 en exigeant que les prix proposés par les industriels soient aussi justes que possible.

M. Philippe Vitel s’est félicité des bons résultats engrangés par DCN, avec un plan de charges assuré à 70 % jusqu’en 2025. Il a toutefois souligné que tous les MCO ne pouvaient pas faire l’objet d’une mise en concurrence, certains concernant le domaine de la dissuasion nucléaire. Le futur contrat d’entreprise de DCN devra donc intégrer ce caractère stratégique et plus globalement apporter des précisions sur les conditions de réalisation et les objectifs des différents MCO.

En réponse à M. Gérard Charasse, le rapporteur a précisé que le coût des OPEX a représenté 611,5 millions d’euros en 2006.

Rappelant qu’il avait siégé au comité des prix de revient des fabrications d’armement pendant neuf ans, M. Michel Voisin a estimé que la spécificité des programmes de défense rend malaisé le contrôle de leur coût. Ils s’étalent ainsi parfois sur plusieurs décennies et les améliorations technologiques dont ils peuvent bénéficier augmentent inéluctablement le prix initial. Par ailleurs, le programme Rafale a montré qu’il est difficile de signer des contrats à l’exportation avant la mise en service d’un équipement au sein des forces françaises. Enfin, le coût unitaire d’un aéronef est d’autant plus élevé que le nombre d’appareils prévu a diminué. Cette logique a par exemple eu pour effet d’augmenter le coût marginal du Rafale.

M. Guy Teissier a souhaité préciser que le surcoût par homme des opérations extérieures hors transport était très inégal d’un théâtre d’opérations à l’autre. Il est de 3 400 euros pour un militaire engagé au Kosovo, de 4 751euros en Afghanistan et de 5 400 euros au Tchad.

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La commission a décidé, en application de l’article 145 du Règlement, le dépôt du rapport d’information en vue de sa publication.