COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 20 novembre 2002
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382)

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La Commission a procédé à l'audition de M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2002 (n° 382).

Le Ministre a tout d'abord rappelé que le projet de loi de finances rectificative de fin d'année est, habituellement, le support d'ajustements divers portant sur les dépenses. Il contient, tout aussi traditionnellement, des dispositions législatives de caractère technique, fiscales et non fiscales.

Le projet présenté par le Gouvernement cette année comporte toutefois une spécificité : ce collectif révise à la baisse les recettes fiscales de l'exercice 2002, par rapport à la prévision 2002 associée au projet de loi de finances pour 2003. Ceci constitue une innovation majeure, le collectif de fin d'année calant habituellement les évaluations de recettes sur les hypothèses révisées du projet de loi de finances de l'année suivante, même si l'évolution des rentrées constatée dans l'intervalle a rendu certaines de ces hypothèses moins plausibles.

Le Gouvernement a souhaité procéder autrement. Inscrivant le principe de transparence au coeur de sa politique budgétaire, le Gouvernement souhaite l'appliquer et indiquer clairement quelles sont, vues d'aujourd'hui, les perspectives en matière de recettes et de déficits publics et quelles conséquences il convient d'en tirer.

Les dernières évaluations conduisent en effet à constater des pertes de recettes fiscales de 1,55 milliard d'euros sur 2002. Celles-ci seront traduites dans le collectif et le Gouvernement en tirera les conséquences sur 2003. Le montant des recettes fiscales nettes de l'Etat avait été évalué, lors du collectif d'été, à 242,4 milliards d'euros. Ces évaluations pour 2002 ont été révisées pour l'élaboration du projet de loi de finances pour 2003, mais sans modifier ce montant global.

Au sein de ce montant globalement conservé, le Gouvernement avait pris en compte une diminution de 700 millions d'euros de la TVA nette par rapport à la prévision d'été, qui était elle-même déjà en retrait de 2,95 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. A contrario, le Gouvernement avait prévu une révision à la hausse de certains impôts, notamment la TIPP et les droits de succession.

Aujourd'hui, les dernières prévisions conduisent à minorer de 1,550 milliard d'euros le montant des recettes fiscales nettes de 2002, qui s'établirait ainsi à 240,9 milliards. Cette révision est due à deux séries distinctes de causes : des raisons ponctuelles, dont l'incidence restera limitée à la gestion 2002 et qui n'affecteront donc pas l'année 2003, et des raisons dont les effets se prolongeront sur la gestion 2003, par un « effet base » dans les exercices de prévisions de recettes.

Le Gouvernement propose, tout d'abord, de diminuer de 600 millions d'euros la prévision de recettes de TVA nette. Ceci porte à 4,25 milliards d'euros la somme des révisions à la baisse enregistrées sur cet impôt par rapport à la loi de finances pour 2002, soit une diminution de près de 4%.

Cette révision de 600 millions d'euros découle de deux facteurs bien distincts. Le premier facteur concerne les remboursements et dégrèvements, en augmentation de 300 millions d'euros. Ceci est dû au raccourcissement du délai moyen de traitement des demandes des entreprises. Il peut s'assimiler à un allégement d'impôt supplémentaire au profit des entreprises et résulte de la montée en puissance de la direction des grandes entreprises (DGE), au sein de la direction générale des impôts (DGI) ; cette direction a été créée pour cette raison et il convient de se féliciter de son efficacité, même si la première année de son fonctionnement induit une baisse de recettes, qui n'a vocation à se reproduire que si l'accélération de ces traitements se poursuit. Le deuxième facteur a trait à la TVA collectée sur les opérations d'importation, en retrait par rapport aux prévisions. La perte totale par rapport aux prévisions associées au projet de loi de finances pour 2003 est estimée aujourd'hui à 300 millions d'euros. Cette perte doit être considérée comme affectant également les recettes en 2003. Le Ministre a toutefois précisé que les recettes de TVA hors importations restent, à ce jour, en ligne avec les prévisions.

Abordant la révision de l'impôt sur les sociétés, le Ministre a relevé qu'il ne s'agissait pas de l'impôt brut, qui est, à ce stade, en ligne avec les prévisions, même si des incertitudes subsisteront jusqu'à l'encaissement du quatrième acompte, à partir de la mi-décembre. En revanche, l'amélioration des délais et de la performance de la direction des grandes entreprises se traduit, comme en matière de TVA, par une accélération du traitement des demandes de restitutions émanant des entreprises. L'incidence sur l'ensemble de l'année est évaluée à 300 millions d'euros sur l'impôt sur les sociétés net collecté en 2002. Cette perte ne se renouvellera pas en 2003.

S'agissant de l'impôt sur le revenu, il convient de souligner que son évolution occasionnera une moins-value nette de 500 millions d'euros, exclusivement due à l'imposition à taux forfaitaire des plus-values financières. Le reste de l'assiette de l'impôt est, en revanche, légèrement supérieur aux prévisions. Cette moins-value, imputable à la dégradation de la situation des marchés financiers, pourrait affecter de 400 millions d'euros les recettes pour 2003. Ce léger écart s'explique par le fait que le Gouvernement avait, d'ores et déjà, anticipé pour 2003 une première diminution des recettes liées à l'imposition des plus-values financières.

Abordant enfin la question de la TIPP, pour laquelle la prévision révisée pour 2002 était de 24,3 milliards d'euros, le Ministre a indiqué que le collectif constatait une perte de 150 millions d'euros. Cette perte est due aux comportements de déstockage, en relation avec l'augmentation des prix du pétrole. Ces comportements devraient s'inverser avec la baisse des cours, sans que la perte puisse être rattrapée d'ici à la fin de l'année. En revanche, les évaluations pour 2003 ne devraient pas être affectées.

Au total, les pertes fiscales sur 2002 sont donc de 1,55 milliard d'euros, dont 700 millions d'euros consolidables sur 2003.

Le Ministre a souligné la volonté du Gouvernement de faire preuve de transparence et de réviser les prévisions d'exécution budgétaire pour 2002 dans le présent collectif et, en conséquence de cet effet « base », les recettes pour 2003 dans le projet de loi de finances en discussion.

Techniquement, cette dernière traduction ne peut intervenir que devant le Sénat, puisque l'Assemblée nationale a bouclé l'examen de la partie recettes du projet de loi de finances pour 2003 il y a un mois. Le Gouvernement déposera donc, devant le Sénat, un amendement à l'article d'équilibre, prenant en compte 700 millions d'euros de pertes fiscales. Le Gouvernement ne laissera pas, pour autant, le solde se dégrader. Diverses mesures, fiscales et non fiscales, équilibreront ces pertes, de manière à maintenir l'équilibre du budget 2003 à 44,6 milliards d'euros, conformément au vote de l'Assemblée nationale.

Outre ces pertes de recettes fiscales, le collectif contient diverses mesures d'ajustements en dépenses et retrace, en outre, un effort d'économies se montant au total à 2,6 milliards d'euros.

Les ouvertures du projet de loi de finances rectificative portent, pour le budget général, sur 2 milliards d'euros. Elles appellent trois observations :

- ces ouvertures sont, pour l'essentiel, neutres sur le besoin global de financement des administrations publiques en 2002 : une part importante, environ la moitié, concerne les relations de l'Etat avec les administrations de sécurité sociale ou les collectivités territoriales et une autre part est destinée à être dépensée sur l'exercice 2003, comme c'est souvent le cas avec les ouvertures de collectif de fin d'année. Appartiennent à cette deuxième catégorie les ouvertures opérées au profit du ministère de la défense, pour 300 millions d'euros ;

- pour une très grande part, ces ouvertures couvrent des insuffisances liées aux sous-budgétisations de la loi de finances pour 2002 ou à des dispositifs mis en place par le précédent Gouvernement : c'est notamment le cas des ouvertures à caractère social, qui dépassent 800 millions d'euros, dont le fonds national de chômage, pour 200 millions d'euros, et la dernière tranche du protocole hospitalier 2000 relatif au financement du remplacement de personnels hospitaliers, pour 305 millions d'euros ;

- le collectif traduit la priorité que le Gouvernement attache à la sécurité, intérieure et extérieure : s'agissant de la défense, 88 millions d'euros couvrent divers besoins en fonctionnement des forces armées et 191 millions d'euros ajustent des crédits de recherche, conformément aux engagements pris par la Ministre de la défense lors de la présentation de la loi de programmation militaire. En matière de sécurité intérieure, 46 millions d'euros sont ouverts au titre de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure.

Le Ministre a par ailleurs évoqué le dernier grand facteur d'évolution des dépenses du collectif : la charge nette de la dette est réévaluée à la hausse de 290 millions d'euros. Cette évolution s'explique principalement par la baisse du montant des coupons courus. Il s'agit là d'un effet paradoxal de la baisse des taux : dans un premier temps, cette baisse entraîne une diminution des recettes de coupons courus. Mais à plus long terme, les dépenses liées aux intérêts de la dette diminuent. Ceci améliorera l'exécution de la charge de la dette en 2003.

Le collectif retrace, par ailleurs, l'effort d'économie auquel le Gouvernement s'était engagé. Les annulations de crédits s'élèvent en effet, pour le budget général, à près de 2,6 milliards d'euros. La quasi-totalité des ministères sont concernés par cet effort de redéploiement : les annulations se montent à 321 millions sur les crédits de la Défense ; elles sont de 259 millions sur les crédits de l'Emploi, de 237 millions sur ceux du Logement, de 140 millions sur les Anciens combattants, de 115 millions sur le ministère des Finances, de 121 millions sur les Affaires étrangères, de 100 millions sur la Recherche.

Le Ministre a souligné le fait que ces annulations seront, cette année, soumises directement au vote du Parlement. Il existe deux voies pour opérer des annulations de crédits : celle du décret d'annulation et celle de l'annulation législative. La voie réglementaire était traditionnellement empruntée par les précédents gouvernements. Le Gouvernement a choisi de soumettre à un vote les annulations de crédits associées à ce collectif. Il s'agit là de l'une des innovations de ce projet.

Compte tenu de ces différents paramètres, le déficit budgétaire s'établit, dans le collectif, à 46,8 milliards d'euros.

Evoquant les prévisions de déficits publics pour 2002, le Ministre a rappelé que la prévision d'exécution associée au présent collectif implique une dégradation de 0,1 point de PIB par rapport à la prévision de septembre, proche de 45 milliards d'euros. Par ailleurs, le régime d'assurance chômage a annoncé une dégradation de sa situation financière plus marquée que celle prévue au moment de l'élaboration du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2003. Cette dégradation représente elle aussi 0,1 point de PIB. Au total, le besoin de financement des administrations publiques en 2002 passerait de 2,6 à 2,8% du PIB.

Ceci ne conduit toutefois pas à réviser la prévision de déficit public pour 2003, maintenue à 2,6% du PIB. En effet, l'incidence en 2003 des moins-values fiscales enregistrées en 2002, soit 700 millions d'euros, sera compensée par des recettes supplémentaires. S'agissant de 1'UNEDIC, les partenaires sociaux devront discuter de mesures permettant d'assurer un rééquilibrage durable du régime. Ces discussions auront pour base la « clause de sauvegarde » intégrée à la convention d'assurance-chômage, qui a déjà été mise en oeuvre à titre transitoire en juin dernier. Enfin, le Gouvernement entend mettre en oeuvre, dès janvier prochain, une régulation des dépenses de 1'Etat, de manière à respecter l'objectif de déficit que le Parlement aura voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2003.

Le Ministre a insisté sur le sens de cette régulation :

- la régulation a pour but ultime le maintien, en exécution, du déficit budgétaire tel que le Parlement l'a voté. Elle vise à respecter le vote du Parlement, dans ce qu'il a de plus essentiel, et non pas à le dénaturer ; mais pour assurer ce respect, il faut tenir compte des aléas qui affectent nécessairement toute exécution budgétaire ;

- la régulation concerne les dépenses, pour lesquelles le Parlement vote un plafond et en aucun cas une obligation de dépenser ;

- la régulation est, maintenant, expressément reconnue par le droit positif, puisque la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001 en traite.

Le Gouvernement a indiqué clairement qu'il procèderait à une régulation, qu'elle serait mise en oeuvre tôt dans l'année, pour ne pas perturber les gestionnaires, et ce dans une totale transparence vis-à-vis du Parlement. Le Gouvernement agit dans ce domaine comme dans le domaine des évaluations de recettes : dès qu'il dispose d'une information nouvelle, il la communique au Parlement et la traduit en décisions.

Abordant les principales dispositions législatives, fiscales et non fiscales du collectif, le Ministre a d'abord présenté deux mesures proposées à la suite des récentes intempéries.

Le collectif prévoit la suppression du décalage de deux ans pour l'éligibilité au FCTVA des dépenses exposées par les communes sinistrées à la suite des intempéries des 8 et 9 septembre dans six départements du Sud-Est et à la suite des intempéries des 6 et 7 juin dans l'Isère, conformément à l'engagement pris par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003. Par ailleurs, le présent projet prévoit que certaines dépenses de ces communes pourront bénéficier de contributions du fonds de prévention des catastrophes naturelles.

Ensuite, le collectif met en oeuvre un dispositif nouveau pour les pensions des anciens combattants des anciennes colonies françaises, à la suite de l'arrêt Diop du Conseil d'Etat.

Ces pensions sont « cristallisées » en vertu des textes actuels. Mais le Conseil d'Etat a jugé que cette différence de traitement du seul fait de la nationalité n'était pas compatible avec la Convention européenne des droits de l'homme. C'est pourquoi le présent projet prévoit que les pensions seront désormais définies en fonction d'un critère de résidence, permettant la prise en compte du pouvoir d'achat moyen, par le jeu d'un coefficient exprimant la parité moyenne des pouvoirs d'achat. L'instauration de ce dispositif conduira à une augmentation comprise entre 20 et 120% des pensions selon le pays de résidence et le type de pensions. Son coût total, y compris le rappel, est évalué à 120 millions d'euros.

Le Ministre a ensuite évoqué la régularisation des attributions de certains départements au titre de la dotation générale de décentralisation. Cette dernière a fait l'objet d'un prélèvement à l'occasion de la mise en place de la couverture maladie universelle (CMU), destiné à traduire les économies sur les dépenses d'aide sociale résultant de la création de la CMU. Ce prélèvement ayant toutefois été excessif pour certains départements, le projet de loi régularise la situation, pour un coût de 55,7 millions d'euros.

En matière fiscale, plusieurs dispositions méritent d'être mentionnées.

Le collectif budgétaire comporte, en premier lieu, un certain nombre de mesures destinées à adapter la fiscalité au développement des nouvelles technologies. Il est ainsi proposé de procéder à la transposition de la directive du 7 mai 2002 qui fixe les règles de TVA applicables à la fourniture de services par internet. Afin de favoriser l'essor des téléprocédures, des dates de dépôt spécifiques sont d'autre part prévues pour les déclarations de revenus souscrites par voie électronique. Enfin, pour encourager l'équipement des ménages en matériel informatique, il est proposé de proroger le dispositif prévu en faveur des dons d'ordinateurs par les entreprises à leurs salariés.

Ce texte poursuit par ailleurs les efforts de simplification engagés dans le projet de loi de finances pour 2003, qu'il s'agisse des règles de facturation en matière de TVA, des modalités d'attribution des exonérations et dégrèvements de taxe d'habitation pour les bénéficiaires de certaines aides sociales.

Il adapte en outre les modalités de prise en compte des enfants à charge dans les cas de résidence alternée, afin de rendre les règles du code général des impôts compatibles avec les dispositions de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale.

Plusieurs dispositions répondent au souci de préserver l'environnement et de garantir le développement durable. C'est notamment le cas de l'aménagement du régime fiscal des biocarburants, qu'il est proposé de mettre en conformité avec la réglementation communautaire, et de la taxe générale sur les activités polluantes, dont le paramètre est modifié afin d'en exclure les installations dédiées à l'élimination de l'amiante-ciment. D'autre part, dans le cadre de la lutte contre les nuisances sonores, la TGAP applicable aux décollages est revalorisée, notamment pour les vols nocturnes des appareils les plus bruyants.

Le collectif budgétaire comporte, en outre, une disposition destinée à favoriser le développement de la flotte de transport maritime, et les emplois dans ce secteur d'activité exposé à une concurrence internationale très vive. Il est ainsi proposé d'instaurer un régime de taxation au tonnage semblable à celui qui est déjà en vigueur chez un certain nombre de nos partenaires européens. Ce régime optionnel permettrait de déterminer forfaitairement la base d'imposition à l'impôt sur les sociétés des entreprises de transport maritime en fonction de la jauge nette des navires exploités.

Enfin, il est proposé de procéder à la transposition de dispositions issues du droit communautaire : il s'agit de la directive du 15 juin 2001 relative à l'assistance mutuelle au recouvrement, et de la mise en conformité du code des douanes en matière de recouvrement des créances douanières.

En conclusion, le Ministre a souligné que le Gouvernement agit dans ce collectif conformément aux engagements qu'il a pris devant le Parlement. Il compense la baisse de l'impôt sur le revenu par des économies. Par ailleurs, confronté à une baisse des recettes en 2002, il choisit la transparence. Il refuse de différer l'annonce des mauvaises nouvel1es, de jouer le jeu des budgets virtuels. Il fait aussi le pari de la sincérité budgétaire, en compensant les conséquences sur l'exercice 2003 des moins-values de 2002.

Au total, l'exercice 2002 se révèle plus mauvais qu'escompté, la dégradation des comptes de l'Unedic venant ajouter ses effets aux pertes de recettes subies par l'Etat. Le déficit atteint 2,8% du PIB. A l'évidence, ce résultat n'est pas bon. Il ne remet pas en cause pour autant les prévisions pour 2003, car, d'une part, l'impact sur les recettes de 2003 des moins-values de 2002 est neutralisé et, d'autre part, les recettes ont été évaluées prudemment. En les révisant maintenant, afin de prendre en compte les dernières informations disponibles, le Gouvernement conforte ce principe de prudence.

Enfin, le Ministre a fait part de sa confiance dans le scénario macroéconomique qui soutient ces prévisions. Les dernières enquêtes, tant de l'INSEE que de la Banque de France, montrent que l'ajustement de l'investissement dans l'industrie touche à sa fin et que les entreprises commencent à juger plus favorablement leurs perspectives de profit. Les dernières informations, sur le chiffre d'affaires du grand commerce, ou sur le moral des patrons de PME, corroborent ce sentiment : les ménages continuent à avoir le moral et leur consommation soutient l'activité.

Le Gouvernement a donc la conviction que la dégradation constatée aujourd'hui n'entraîne pas fatalement la dérive des comptes en 2003. Il faut cependant conjuguer ici optimisme et vigilance. C'est celle dont le Gouvernement fera preuve dans les mois qui viennent, en surveillant étroitement la dépense, grâce à un gel en début d'année. L'Assemblée peut compter sur la détermination du Gouvernement à tenir le cap.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné avec satisfaction que le projet de loi de finances rectificative contenait différentes dispositions qui font écho aux débats au sein de la Commission des finances et de l'Assemblée nationale à l'occasion de la première lecture du projet de loi de finances pour 2003, telles que le régime de la taxation au tonnage pour les entreprises de transport maritime, la révision des pensions des ressortissants des pays anciennement placés sous la souveraineté française, l'ouverture de nouveaux droits à aide sur le fonds de prévention des risques naturels majeurs en faveur des inondations ainsi que la dérogation à la règle de décalage de deux ans relative au versement du FCTVA en réparation des dommages causés par les intempéries.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, s'est félicité de l'effort de transparence et de sincérité que traduit le présent collectif budgétaire. Il convient de rappeler que le collectif de juillet dernier avait retenu l'hypothèse de déficit public la plus pessimiste parmi celles avancées par l'audit des finances publiques, ce qui avait valu au Gouvernement de nombreuses critiques. A cette occasion, celui-ci s'était engagé à ne pas dégrader le déficit à raison de la baisse de l'impôt sur le revenu, mais n'avait pas exclu, d'autre part, au cas où l'évolution de la conjoncture serait moins favorable que prévu, une aggravation du déficit directement liée aux aléas des prévisions initiales de 2002. Le présent collectif s'inscrit dans la ligne de cet engagement. Ainsi, la baisse de l'impôt sur le revenu est gagée par des économies budgétaires, tandis que la dégradation relative de la conjoncture, sans qu'il faille être excessivement pessimiste, dans un environnement avant tout incertain, se traduit par une baisse de recettes fiscales de 1,55 milliard d'euros transcrite dans le collectif.

Le déficit public reste contenu en dessous de 47 milliards d'euros, ce qui ne correspond pas à un dérapage excessif par rapport à l'hypothèse haute de 44,6 milliards d'euros retenue à la suite de l'audit de l'été dernier. Cette approche sincère et réaliste, qui consiste à procéder au « rebasage » des recettes en fonction de l'évolution récente de celles-ci, devrait être adoptée à l'avenir systématiquement. Ainsi, comme vient de le confirmer le Ministre, la baisse des recettes fiscales inscrite dans le présent collectif devra se traduire par le « rebasage » de ces recettes dans la loi de finances pour 2003. Sur le montant total de cette baisse, évaluée à 1,55 milliard d'euros, on peut se demander quelle est la part qui obéit à des phénomènes ponctuels non reconductibles, tels que l'accélération du remboursement aux entreprises de la TVA à l'importation, liée à la création de la direction générale des grandes entreprises, et la part qui peut tenir au changement de comportement des contribuables.

En second lieu, on peut s'interroger sur la procédure de préalerte que la Commission européenne vient de déclencher à l'encontre de la France pour lui demander de réduire d'un demi-point son déficit public structurel, alors que cette notion est absente du pacte de stabilité. Tant que la « barre » des 3% de déficit public n'a pas été franchie, chaque Etat membre est responsable de ses choix économiques. On peut donc se demander si la Commission européenne n'a pas outrepassé son rôle.

S'agissant des dépenses, on observe leur dynamique accrue entre le collectif de l'été dernier, qui enregistrait une augmentation tendancielle de 3,9% sur un an, et le présent collectif qui enregistre un taux de 5,1%. On peut s'interroger en particulier sur la forte hausse de certaines dépenses en capital, à l'instar des crédits du ministère de la défense qui augmenteraient de 11,2%, en raison, sans doute, d'une forte consommation de crédits de report. Enfin, à propos des gels de crédits, on observe que le collectif budgétaire avait décidé du gel de 3,7 milliards d'euros et que le présent projet propose le gel de 2,6 milliards d'euros. Le Rapporteur général a demandé quels ministères seront les plus concernés par ces nouvelles mesures.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a apporté les éléments de réponse suivants :

- une partie des pertes de recettes fiscales est directement imputable au bon fonctionnement de notre administration fiscale, en relation avec la création de la direction des grandes entreprises qui démontre que la simplification et l'amélioration des procédures administratives peuvent conduire à des performances sensibles, notamment en matière de remboursement aux entreprises de la TVA à l'importation. L'objectif est à l'avenir de multiplier par deux le nombre de grandes entreprises qui devraient relever de cette direction. La perte de recettes qui découle de cette efficacité administrative accrue est seulement « faciale » dans la mesure où elle profite à l'économie française, et, au premier rang, aux entreprises. Il est donc souhaitable de poursuivre dans cette voie, même si cela doit, dans un premier temps, se traduire par quelques pertes de recettes ;

- le préavertissement concernant la France, qui sera transmis au Conseil Ecofin par la Commission européenne, s'inscrit dans l'exercice par celle-ci de ses responsabilités propres dans l'application du traité de Maastricht. Elle n'a fait, en l'occurrence, qu'émettre un avis en attirant l'attention des pouvoirs publics français sur tout risque de dérapage du déficit public, comme elle le ferait pour tout autre Etat membre de l'Union européenne quel qu'il soit ;

- conformément à l'engagement du Gouvernement, la perte de recettes fiscales de 700 millions d'euros sera compensée par des recettes supplémentaires d'un même montant ;

- en ce qui concerne le rythme des dépenses, un important report à consommer en ce qui concerne les crédits de la Défense a sa part d'explication.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a ensuite détaillé l'origine des moins-values de recettes fiscales intégrées dans l'équilibre du collectif. La perte de 600 millions d'euros sur le produit de la TVA résulte, à hauteur de 300 millions d'euros, d'une accélération des remboursements de crédits non imputables qui est directement liée à l'efficacité de la nouvelle direction des grandes entreprises. Par ailleurs, la diminution des importations engendre une moindre recette évaluée à 300 millions d'euros, reconductible sur 2003. Les moins-values attendues sur le produit de l'impôt sur le revenu proviennent de la fraction de l'impôt assise sur les plus-values financières imposées au taux proportionnel, dont quatre cinquièmes environ ont été jugés reconductibles en 2003, soit 400 millions d'euros. L'évolution de l'impôt sur les sociétés en 2002 ne devrait pas avoir d'effet sur les recettes 2003. 150 millions d'euros de moins-values sont attendues sur le produit de la TIPP, qui résultent d'un déstockage des compagnies pétrolières lié à l'augmentation des prix du pétrole observée au début de l'automne. Compte tenu de l'inversion récente de l'évolution du prix du pétrole, il n'a pas été jugé que cette moins-value serait reconductible en 2003.

S'agissant des dépenses, il est clair que le montant des reports de crédits dont bénéficie le budget de la Défense est la source principale du décalage des dépenses avec la loi de finances initiale. Les résultats d'exécution au 31 octobre confirment cette analyse. De façon générale, l'accumulation des reports est problématique et il conviendrait que le Gouvernement et la Commission des finances engagent un travail commun, dans la perspective de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le gel des crédits effectué au mois d'août ne se retrouve pas intégralement dans les annulations proposées dans le projet de loi de finances rectificative. Un certain nombre de « dégels techniques » ont dû être opérés. Pour autant, tous les ministères sont concernés par les annulations. Le Gouvernement comme le Parlement doivent veiller à ce que les crédits, autorisations de dépense, ne conduisent pas à des dépenses inutiles.

M. Augustin Bonrepaux s'est dit surpris que les ministres n'aient découvert qu'entre hier après-midi, date du vote solennel du projet de loi de finances pour 2003, et ce matin, date de présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2002 en Conseil des ministres, que les pertes de recettes supplémentaires pour 2002 pouvaient avoir un « effet base » sur les prévisions de recettes de 2003, qu'il conviendra d'intégrer ultérieurement par voie d'amendement.

Par ailleurs, le débat de la veille a été particulièrement « innovant » : l'Assemblée nationale a adopté un budget pour 2003 dont les ministres chargés de l'économie et des finances ont dit immédiatement qu'il allait subir un gel dès le mois de janvier. Autre « innovation » préoccupante : l'équilibre financier de 2003 sera corrigé au Sénat. La prépondérance accordée au Sénat est décidément une tendance de fond de ce Gouvernement, qui n'a de cesse de dévaloriser l'Assemblée nationale. Il faut relire avec beaucoup d'attention ce qu'a écrit le Président Pierre Méhaignerie dans son avis sur le projet de loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République : la capacité d'initiative de l'Assemblée nationale risque d'être sérieusement amoindrie, alors même qu'elle est l'émanation du suffrage universel direct.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 montre que le Gouvernement est réellement au pied du mur : il doit payer pour les erreurs de l'été. Le haut de la fourchette de déficit annoncée par l'audit sur la situation des finances publiques ressortait à 44,6 milliards d'euros, alors que le projet de collectif de fin d'année fait apparaître un déficit de 46,8 milliards d'euros. C'est bien au Gouvernement qui est en fonction depuis le mois de mai qu'est imputable la dégradation de 2,2 milliards d'euros. C'est le même Gouvernement qui s'est trompé dans son estimation révisée de croissance pour 2002, prévoyant 2,1% à l'été et finissant l'année avec 1,2%. C'est le même Gouvernement qui a réduit l'impôt sur le revenu de 2,5 milliards d'euros, creusant à due concurrence le déficit budgétaire comme on peut le constater dans le projet de loi de finances rectificative qui est soumis aujourd'hui à l'Assemblée nationale. De plus, la baisse de l'impôt sur le revenu n'a vraisemblablement eu aucun impact sur l'emploi, puisque le supplément de revenu disponible a été plutôt épargné que dépensé. Les plus modestes n'ont eu aucune part des largesses que le Gouvernement a consenties aux plus favorisés. Au contraire, le groupe socialiste a milité pour que le Gouvernement augmente la prime pour l'emploi, ce qui aurait eu des répercussions immédiates sur la consommation, la croissance et les recettes de TVA.

Le Gouvernement doit désormais assumer les conséquences - graves - des choix politiques qu'il a effectués. Cela se traduit par les annulations de crédits associées au collectif. S'agissant des crédits de l'Emploi, M. Augustin Bonrepaux a pris l'exemple de la direction départementale de l'Ariège qui ne dispose pas des moyens de payer les dépenses à la charge de l'Etat dans les dispositifs d'insertion, alors qu'il s'agit de dispositifs - et de rémunérations - contractuels. Il a demandé si l'Etat avait les moyens de respecter ses engagements et quand les crédits seraient délégués aux services déconcentrés. Selon lui, le cas de l'Ariège n'est pas isolé : beaucoup de collectivités locales ne voient pas arriver les crédits délégués, ce qui reflète la contrainte financière dans laquelle le Gouvernement actuel s'est enfermé de son propre chef.

M. Marc Laffineur s'est réjoui de la transparence manifestée par le Gouvernement à l'égard de la représentation nationale à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances rectificative. Geler les crédits dès le début de l'année 2003 est une bonne décision, s'il fallait gager des pertes de recettes supplémentaires que le Gouvernement devrait intégrer dans l'équilibre du budget 2003. Elle démontre la volonté de bien gérer les finances de l'Etat, comme doit le faire tout bon père de famille qui est confronté à une chute de ses revenus. Il faudra pourtant associer la Commission des finances à ces décisions et veiller à ce qu'elles portent plus sur des dépenses de fonctionnement que sur des dépenses d'investissement, afin de ne pas compromettre l'avenir. Le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pourrait, à cet égard, apporter des précisions utiles sur la nature exacte de l'annulation de 237 millions d'euros annoncée sur le budget du Logement.

M. Charles de Courson s'est félicité des très nets progrès dans la sincérité et la précision des documents budgétaires soumis au Parlement. Le présent Gouvernement est le premier à réajuster ses prévisions au regard des dernières informations disponibles en matière d'exécution et à proposer de traduire ces ajustements dans le projet de loi de finances de l'année suivante.

S'agissant du déficit budgétaire, il est étonnant que la dégradation de 800 millions d'euros depuis le collectif du mois d'août se traduise par une dégradation de 0,1 point de PIB du besoin de financement de l'Etat, au sens de Maastricht. Peut-être faudrait-il revoir cette évaluation. Par ailleurs, le Gouvernement n'a pas révisé le déficit des organismes de sécurité sociale, hors UNEDIC, alors qu'il faudrait prendre en compte le freinage des recettes de sécurité sociale que l'on peut dresser au travers des encaissements de l'ACOSS.

S'agissant des dépenses, il conviendrait de connaître, parmi les 2,5 milliards d'euros d'ouvertures de crédits qui complètent l'évaluation du dérapage des dépenses effectuée par l'audit sur la situation des finances publiques, celles d'entre ces ouvertures qui sont susceptibles d'être reconduites en 2003.

M. Charles de Courson s'est également interrogé sur le lien entre les 2,6 milliards d'euros d'annulations de crédits proposées dans le projet de collectif et les 3,7 milliards d'euros de crédits gelés cet été.

S'agissant de l'évaluation des recettes, M. Charles de Courson a demandé si les incertitudes demeurant en matière de recouvrement d'impôt sur les sociétés jusqu'au versement du quatrième acompte n'imposaient pas de prendre acte d'une moins-value probable de son produit et si le Gouvernement pouvait également préciser la nature exacte de la plus-value de 130 millions d'euros résultant des dividendes des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.

S'agissant des mesures fiscales du projet de loi, il serait bon d'avoir des précisions sur l'augmentation de la TGAP au titre des nuisances sonores, ainsi que sur les mesures envisagées par le Gouvernement pour rapprocher la fiscalité des tabacs en Corse du régime applicable en métropole. Il convient de rappeler que la charge fiscale pesant sur les tabacs en Corse est inférieure de 50% à la fiscalité applicable sur le continent, ce qui amène de nombreux résidents continentaux à acheter leur tabac sur l'île. De ce fait, la consommation apparente de tabac par habitant en Corse est le double de ce qu'elle est sur le continent. La lutte contre la contrebande impose de réduire ce différentiel à 20%, ce qui rapprocherait le prix de vente du paquet de cigarettes de celui appliqué sur le continent et éviterait de déplacer la contrebande vers la Sardaigne.

M. Charles de Courson a enfin demandé si, en ce qui concerne l'aménagement du régime fiscal des biocarburants, l'extension du régime d'exonération partielle de la TIPP aux produits incorporés aux essences avait reçu l'aval de la Commission européenne et si les débats au sein du Conseil de l'Union étaient susceptibles de permettre, à court terme, l'adoption des supports législatifs communautaires nécessaires.

M. Jean-Pierre Brard a estimé que le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie faisait preuve d'une pédagogie atypique en estimant que le système fiscal fonctionne mieux dès lors que l'on constate une importante perte de recettes. La sincérité du projet de loi de finances rectificative est douteuse, nonobstant le fait que la sincérité est une qualité qui se juge a posteriori plutôt qu'a priori. D'ailleurs, le projet de loi de finances pour 2003 voté par l'Assemblée nationale n'est plus sincère dans la mesure où le Ministre a annoncé des mesures de régulation budgétaire dès le début de l'exercice et où le présent collectif impose un ajustement des recettes prévues pour 2003 en raison de la fluctuation des bases retenues pour 2002. Il serait étonnant que le Ministre n'ait pas déjà été en possession de ces informations lors du rappel de l'article d'équilibre, en deuxième délibération, le vendredi 15 novembre.

Les avertissements de la Commission européenne sont particulièrement inopportuns et il est regrettable que le Ministre ne s'élève pas contre ce qui constitue une véritable ingérence. Le Ministre pourrait également détailler les réductions de crédits affectant les budgets du Travail, du Logement et des Anciens combattants.

Enfin, M. Jean-Pierre Brard, affichant sa volonté de coopérer avec le Gouvernement, a tenu à dénoncer les importantes pertes de recettes occasionnées par la fraude fiscale et s'est interrogé sur la mise en œuvre du numéro d'identification au répertoire national des personnes physiques et sur l'abrogation du « moratoire Sarkozy », dont l'existence lui a été révélée lors des auditions conduites dans les Alpes-Maritines et les Bouches-du-Rhône à l'occasion d'une mission d'information sur la fraude et l'évasion fiscale. Ce « moratoire » a été instauré par le biais d'une lettre du ministre du budget, indiquant à ses services, en totale contradiction avec la loi fiscale, qu'il convenait de ne pas assujettir à la TVA le produit des avitaillements maritimes dans les ports d'attache en Méditerranée. Le Gouvernement pourrait commencer la lutte contre l'évasion fiscale en supprimant cette mesure illégale et inique.

M. Daniel Garrigue s'est indigné de la procédure d'avertissement mise en œuvre par la Commission européenne à l'encontre de la France. Le respect des obligations européennes implique, certes, la sincérité et le rétablissement des comptes publics. Mais le changement de cap demande du temps. Par ailleurs, il n'appartient pas à la Commission européenne de prescrire les mesures qu'elle estime nécessaires au redressement des finances publiques françaises. L'appréciation des modalités de cet effort, ainsi que les risques pesant sur la conjoncture économique, imposent de laisser au Gouvernement français sa pleine marge de manœuvre. Il existe, en effet, deux types de vertus : celle qui consiste à tenir les comptes comme un « boutiquier », attentif aux seuls chiffres, ou celle qui consiste à faire face aux réalités et aux incertitudes économiques en gardant le cap du redressement budgétaire. Enfin, il faut garder à l'esprit le fait que la France est le seul Etat membre de l'Union européenne, avec le Royaume-Uni, qui assume un important effort militaire afin de garantir la sécurité commune. Il faudrait tenir compte de cet effort dans l'appréciation portée sur l'équilibre des finances publiques françaises.

M. Pierre Hériaud s'est félicité de la présentation claire et simple du projet de loi de finances rectificative par le Gouvernement. Il a souligné que l'augmentation des dépenses pour le budget général et pour les comptes spéciaux du Trésor aboutissait, compte tenu de moins-values de recettes, à une augmentation d'environ 16 milliards d'euros du déficit budgétaire par rapport à la loi de finances initiale. Le besoin de financement des administrations publiques par rapport au PIB serait doublé, pour s'élever à 2,8% du PIB. Toutefois, cette proportion aurait dû être de 3,1% du PIB sans la prise en compte d'une marge de 0,3% du PIB intéressant l'ensemble des administrations publiques. Il souhaiterait donc des précisions sur les situations concrètes qui expliquent cette marge de 0,3% pour les administrations publiques concernées.

M. Jean-Yves Chamard a estimé que la croissance du déficit ne s'expliquait pas, contrairement à l'affirmation de l'opposition, par la diminution du barème de l'impôt sur le revenu décidée dans le collectif budgétaire de l'été 2002. Il a souhaité des précisions sur la prise en compte des dépenses opérées par les départements au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Il a demandé également quelle était la portée d'une diminution d'un demi-point de la croissance sur les comptes publics. Il a jugé que le volontarisme du Gouvernement et du Parlement en matière de réduction de dépenses avait été insuffisant pour les effectifs de fonctionnaires et que les autorisations de recrutement de 2003 ne devraient pas donner lieu, en totalité, à des recrutements effectifs.

M. Xavier Bertrand s'est réjoui du fait que les annulations envisagées par le Gouvernement soient dorénavant soumises au vote du Parlement. Il a considéré, par ailleurs, que « la décristallisation » des pensions des anciens combattants ressortissants des pays anciennement placés sous la souveraineté française constituait la traduction d'une promesse ancienne.

M. Didier Migaud a réfuté l'idée selon laquelle ce serait la première fois qu'un collectif budgétaire comporte des annulations de crédits soumises au vote du Parlement. Il existe une marge de progression réelle en matière de transparence budgétaire dans la mesure où, le vote de l'Assemblée nationale sur le projet de loi de finances pour 2003 ayant à peine eu lieu, le Gouvernement annonce des moins-values de recettes fiscales à hauteur de 700 millions d'euros sur 2003 dont on n'avait pas été informé antérieurement. La procédure d'avertissement lancée par la Commission européenne s'interprète comme la manifestation d'un doute très grand sur la sincérité du Gouvernement français en matière de gestion des finances publiques. Enfin, des informations mettent en évidence le fait que certaines entreprises supportent des retards de paiement sur des engagements de travaux, faute de crédits de paiement suffisants, ce qui est une situation déplorable et contraire à la bonne gestion des finances publiques.

M. Hervé Mariton a souhaité obtenir des précisions sur l'avenir du remboursement partiel de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable au gazole dont bénéficient les transporteurs routiers.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, a estimé qu'une gestion adéquate du calendrier budgétaire imposait la prise en compte des moins-values fiscales au fur et à mesure de leur révélation au Gouvernement. Ainsi, la partie recettes du projet de loi de finances pour 2003 a été adoptée par l'Assemblée nationale le 22 octobre 2002, sur la base des données disponibles en juillet, lors de la préparation du projet de loi de finances. La transparence est une nécessité admise par tous depuis 1999 et une meilleure synchronisation est effectivement souhaitable entre le projet de loi de finances de l'année à venir et le collectif de fin d'année.

S'agissant des crédits de l'Emploi, 100 millions d'euros de crédits supplémentaires ont été ouverts. Par ailleurs, les annulations opérées en collectif budgétaire de fin d'année sont classiques : ainsi, en 2001, des crédits ont été supprimés, 235 millions d'euros sur les aides personnelles au logement, 157 millions d'euros sur la lutte contre l'encéphalopathie spongiforme bovine, 135 millions d'euros sur les nouveaux emplois de l'ANPE, 114 millions d'euros au titre de l'Education nationale.

Le Gouvernement a souhaité opérer des économies plutôt sur les moyens de fonctionnement des administrations, ce qui justifie la pratique de la mise en réserve d'une fraction de ces crédits.

Les ouvertures proposées par le projet de loi de finances rectificative pour 2002 sont pour la plupart non reconductibles. C'est le cas pour 300 millions d'euros environ pour la défense, 305 millions d'euros environ pour les hôpitaux, 92 millions d'euros au titre de la compensation démographique, 130 millions d'euros au titre des emplois jeunes et de l'exo-jeunes, 57 millions d'euros au titre de la compensation de la suppression de la taxe sur les véhicules à moteur et 290 millions d'euros au titre des charges de la dette.

Les dividendes versés par les sociétés d'autoroutes, traditionnellement constatés en collectif de fin d'année, seront inscrits en projet de loi de finances à partir de 2003.

Une mesure proposée, qui porte sur le régime fiscal des tabacs en Corse, vise à proroger au-delà du 31 décembre 2002 le dispositif dérogatoire en vigueur, tout en améliorant son harmonisation avec les normes communautaires. Une autre mesure, qui augmente les effets de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), a pour objet d'améliorer le rendement de la taxe pesant sur les avions bruyants et les vols nocturnes.

Le Ministre a enfin annoncé qu'il s'informerait de la préoccupation exprimée par M. Jean-Pierre Brard, qui concerne la TVA en matière d'avitaillement des bateaux sur le littoral méditerranéen.

M. Francis Mer, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a expliqué que le dispositif de remboursement partiel existant sur le gazole utilisé par les propriétaires de véhicules de transports routiers expirerait dans le courant du mois de janvier 2003, et que la France mettait tout en œuvre pour obtenir sa prorogation, si possible à l'occasion du Conseil Ecofin de décembre. Le Ministre a insisté sur la nécessité de déterminer une stratégie européenne en matière de transports routiers. La taxation du carburant pour les poids lourds varie fortement d'un Etat à l'autre au sein de l'Union. Elle est très faible en Espagne où une politique délibérée a pour but de faciliter l'intégration de ce pays au cœur du marché communautaire, en faisant en sorte que le transport routier y soit réalisé au moindre coût. La taxation est également favorable aux transporteurs au Luxembourg. Sur ce dossier, la France et l'Allemagne ont des intérêts communs, ce dernier pays pratiquant une taxation plus élevée que la nôtre. Il ne faut pas méconnaître ici que la règle de l'unanimité sur les questions fiscales intéressant le marché unique européen ne favorise pas l'émergence rapide d'une stratégie européenne.

S'agissant du numéro d'identification au répertoire national des personnes physiques, le Ministre a rappelé que sa mise en œuvre restait conditionnée à une autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. De toute manière, l'introduction d'un identifiant fiscal unique reste un objectif légitime, car c'est la condition sine qua non pour améliorer les performances et la productivité de notre système de perception de l'impôt. Si elle permet, de plus, d'octroyer aux entreprises des remboursements plus rapides qu'auparavant, l'introduction d'un identifiant fiscal unique sera bénéfique pour le tissu économique de la France.

S'agissant des prévisions d'exécution budgétaire pour 2002, le Ministre a rappelé que les prévisions de septembre tablaient sur un déficit budgétaire de 45,4 milliards d'euros. Le projet de collectif chiffre désormais le déficit à 46,8 milliards d'euros et le besoin de financement des administrations publiques à 2,8% du PIB.

En effet, le déficit de l'Etat s'établit à - 3,3% du PIB et celui des administrations sociales à - 0,3%, alors que l'excédent des organismes divers d'administration centrale s'établit à + 0,6% et celui des collectivités locales à + 0,2%. En revanche, en 2003, le déficit des administrations publiques reviendrait à 2,6% du PIB.

La détérioration du déficit public français s'explique en grande partie par la difficulté de maîtriser les dépenses de sécurité sociale, notamment dans le domaine de la santé. À cet égard, il convient de rappeler que le traité de Maastricht impose une limite globale au déficit public, afin de maîtriser la dette publique, mais ne s'intéresse pas à la nature des dépenses et des sous-secteurs d'administration publique concernés. Or, le Gouvernement ne dispose pas des moyens permettant de peser directement sur l'évolution des dépenses de santé. C'est pourquoi il est urgent de définir une politique de santé qui permette de mieux contrôler la dynamique des dépenses. C'est dans cette voie que devrait s'engager au printemps prochain le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées.

L'impact sur l'équilibre budgétaire d'une variation du taux de croissance de 0,5 point dépend du contenu de la croissance : une baisse des exportations n'a que peu d'impact sur les recettes de TVA ; en revanche, une baisse de la consommation intérieure entraîne inévitablement une chute des recettes de TVA. Compte tenu de la pondération moyenne des composantes du PIB, il est estimé qu'une baisse de 0,5 point de la croissance se traduit la première année par une diminution de 0,15 point des recettes fiscales. Conscient de cet impact, le Gouvernement a cherché à s'en prémunir en retenant, dans l'élaboration du projet de loi de finances pour 2003, une hypothèse prudente pour l'élasticité des recettes fiscales, fixée à 0,8.

Au-delà des controverses récentes sur le pacte de stabilité et de croissance, personne ne peut contester la nécessité de réduire la dette publique. Personne ne peut non plus contester à un pays de retenir, à certains moments, des priorités complémentaires de celles du pacte, comme le renforcement de ses capacités de défense. Mais, l'objectif fondamental du Gouvernement français en matière de finances publiques reste bien de réduire le déficit et de contenir la dette.

Il est vrai que la France, l'Allemagne et l'Italie, qui représentent à elles trois 70% du PIB de la zone euro, rencontrent des difficultés pour atteindre une situation budgétaire équilibrée. La situation de ces trois pays contraste avec la « vertu » dont font preuve plusieurs autres pays de l'Union européenne, qui ont su créer les conditions adéquates pour placer leurs finances publiques dans une situation proche de l'équilibre, voire à l'équilibre structurel. L'Espagne, par exemple, a su profiter de son entrée dans le marché commun pour créer les conditions d'une croissance rapide lui permettant de rattraper peu à peu le niveau de vie européen, notamment en créant autour de cet objectif ambitieux un consensus politique national. Mais ces pays, qui défendent l'exemplarité de leur politique économique et budgétaire, sont bien conscients que cette exemplarité reste largement tributaire du résultat des politiques économiques conduites en France, en Allemagne et en Italie.

La Commission européenne ne fait qu'exercer pleinement ses responsabilités lorsqu'elle décide d'adresser un avertissement aux Etats membres quand leur déficit budgétaire atteint un niveau proche de 3% du PIB. Pour sa part, la France avait initialement présenté un programme de stabilité prévoyant, pour 2002, un besoin de financement public égal à 1,4% du PIB, alors que celui-ci devrait avoisiner 2,6%. La Commission européenne est dans son rôle lorsqu'elle demande à la France de contenir son déficit public au-dessous de 2,6%, afin de limiter le risque de franchir le seuil de 3%. Elle est également dans son rôle lorsqu'elle rappelle à la France que celle-ci se doit de diminuer ses déficits publics, afin d'atteindre le plus rapidement possible une situation proche de l'équilibre et d'être ainsi en mesure de réduire sa dette publique. D'ailleurs, tout responsable politique doit partager cet objectif, quelle que soit son appartenance politique.


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