COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 32

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 15 janvier 2003
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Communication de M. le Président sur la MEC

- Communication de M. le Président sur le suivi de la loi organique relative aux lois de finances par les rapporteurs spéciaux

- Informations relatives à la Commission

2

4

7

Avant que la Commission procède à la nomination d'un rapporteur d'information sur l'implantation des entreprises françaises en Russie et des entreprises russes en France, le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que le champ de cette mission soit étendu à l'Ukraine et aux industries agroalimentaires, et qu'elle soit axée sur l'attractivité du territoire et le développement d'activités économiques françaises à l'étranger.

M.  Jean-Pierre Brard a fait observer que, comme peut l'illustrer le débat actuellement en cours sur le projet de loi relatif à la sécurité intérieure, les intérêts russes en France metteot en cause des réseaux mafieux sur lesquels la Commission pourrait très!utilement se pencher.

Le Président Pierre Méhaignerie a ensuite présenué une communication sur la mission d'évaluation!et de contrôle (MEC). Le Bureau de la commission des Finances a décidé de reconstituer la MEC en conservant les règles de fonctionnement en vigueur sous la précédente législature : parité et équilibre entre majorité et opposition, co-présidence conférée à l'opposition, publicité des débats, association des commissions!saisies pour avis, participation de la Cour des comptes. En application de ces règles, en dehors des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis qui participent de plein droit aux travaux de la MEC, les groupes doivent désigner des membres selon la répartition suivante : six pour les groupes de l'UMP et socialiste, trois pour les groupes UDF et communiste. Il importe que les membres désignés soient particulièrement motivés.

Le Bureau de la Commission avait décidé de limiter, pour 2003, la MEC à trois thèmes, de manière à ce que les travaux se terminent fin juin et que le Gouvernement puisse en tenir compte lors de la préparation du projet de loi de finances :

- le premier thème retenu porte sur le rôle des architectes des bâtiments de France et la protection du patrimoine. Il pourrait être étendu à l'archéologie préventive et, d'une manière générale, aux moyens d'alléger les procédures pour maîtriser les coûts publics, notamment s'agissant des collectivités locales. La Commission entendra prochainement M. Jean-Jacques Aillagon sur l'ensemble des problèmes budgétaires de son ministère et sur le financement du service public de l'audiovisuel ;

- le deuxième thème porte sur la dispersion des outils de prospective de l'État. Sont notamment inclus dans ce champ la DATAR, le Conseil d'analyse économique, mais aussi toute une nébuleuse d'organismes, généralement rattachés à Matignon, dont l'efficacité n'est peut-être pas indéniable. Il est important d'aboutir à une simplification et de mettre fin à l'empilement des structures. Ce thème touche donc à la fois à la réforme de l'État et à la fonction publique, et M. Georges Tron s'est déclaré prêt à en être le rapporteur ;

- le Bureau de la Commission avait également envisagé une MEC sur le financement de la SNCF et de Réseau ferré de France (RFF). Afin de tenir compte de l'état d'avancement des travaux de la Cour des comptes, ce thème pourrait cependant être mis en réserve, et la Commission pourrait examiner l'opportunité de créer une troisième MEC au mois de mars.

M. Alain Rodet a demandé si la MEC relative aux outils de prospective de l'État inclut le Commissariat général du Plan.

Le Président Pierre Méhaignerie a répondu par l'affirmative.

M. Yves Deniaud a souligné le besoin de mobilisation des rapporteurs spéciaux au sein de la MEC. Il importe notamment que les rapporteurs spéciaux concernés assurent le suivi des travaux de la MEC réalisés au cours de la précédente législature.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait part de son intention de saisir le ministre du Budget des suites à donner aux conclusions de la MEC, afin que celles-ci soient prises en compte dans la préparation du projet de loi de finances, et de prévoir une audition du Gouvernement à ce sujet avant la fin du mois de juin.

M. Augustin Bonrepaux a souhaité, si un thème reste vacant, que la MEC puisse examiner les crédits de la Défense. Pour faire des économies, il faudra en effet s'attaquer aux masses budgétaires les plus importantes, et, en premier lieu, au budget de la Défense.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est rallié à cette position, considérant que le budget de la Défense comporte des possibilités de gains de productivité.

M. Alain Claeys a considéré qu'au moment où le Gouvernement prépare la décentralisation des universités, le rapporteur spécial des crédits de l'enseignement supérieur devrait procéder à une évaluation des suites données aux travaux que la MEC a consacrés, au cours de la précédente législature, à la modernisation des universités.

M. Gérard Bapt a rappelé que, suite aux travaux réalisés par la commission des Finances, la MEC et la Cour des Comptes, les aides à l'emploi avaient fait l'objet de la création d'une Commission nationale des aides publiques aux entreprises. Il a souhaité connaître les intentions du Gouvernement quant à l'avenir de cette commission.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que, dans le cadre du suivi des travaux de la MEC, le problème de l'avenir des aides à l'emploi sera soumis au ministre du Budget. Par ailleurs, à l'initiative du Sénat, la loi de finances pour 2003 a supprimé la Commission nationale des aides publiques aux entreprises. D'autres structures permettent l'analyse de ces crédits.

M. Hervé Mariton a jugé utile que, sur la base du contrôle que la Cour des Comptes va achever pour le début du printemps, la MEC puisse rapidement se saisir des relations financières entre, d'une part, l'État et, d'autre part, la SNCF et RFF. En tout état de cause, il faudrait signifier au Gouvernement et aux entreprises concernées le souhait de la Commission de saisir la MEC de ce thème.

Le Président Pierre Méhaignerie a attiré l'attention sur la nécessité de coordonner, s'agissant de la SNCF et de RFF, les travaux de la MEC et ceux d'une commission d'enquête qui pourrait être prochainement créée sur le financement des entreprises publiques.

M. Philippe Auberger a considéré que la multiplicité des réseaux de financement des aides à l'emploi justifie une analyse horizontale de tous les crédits en cause qui pourrait être réalisée par chacun des rapporteurs spéciaux concernés.

M. Michel Bouvard s'est déclaré favorable à la tenue d'une MEC sur le financement des transports ferroviaires. Il s'agit en effet d'un réel enjeu financier qui mobilise une part prépondérante du budget des transports terrestres, et qui met en cause la stratégie de l'État en matière d'aménagement du territoire. Les deux établissements, ainsi que le mouvement de régionalisation mis en œuvre, fonctionnent aujourd'hui dans l'opacité. Afin de ne pas réduire le débat à la seule mission d'expertise créée par le ministère des Transports, il importe que le Parlement, sur la base du contrôle récent réalisé par la Cour des Comptes, examine l'avenir du financement des transports ferroviaires. Cet examen est d'autant plus nécessaire que les perspectives d'ouverture à la concurrence imposée par les normes communautaires nécessitent une meilleure connaissance des relations financières entre l'État et les établissements ferroviaires. En tout état de cause, il ne faut pas s'en remettre à la direction des transports terrestres qui, par le passé, a été complice de certaines déviances.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé que les travaux que la MEC a réalisés au cours de la précédente législature ou réalisera pendant les quatre prochains mois, les investigations menées à titre personnel par les rapporteurs spéciaux et les résultats de la mission relative à la mise en œuvre de la loi organique formeront une base amplement suffisante pour que le Gouvernement, dans le courant du mois de juin, réagisse à des propositions concrètes.

Le Président Pierre Méhaignerie a ensuite insisté sur l'importance du suivi de la loi organique relative aux lois de finances. Rappelant que les rapporteurs spéciaux de la Commission des finances allaient prochainement être désignés, il a souligné que chaque rapporteur spécial doit s'intéresser très vite à la mise en place de la nouvelle nomenclature, au moyen des questionnaires budgétaires, mais aussi plus en amont.

Par ailleurs, les rapporteurs spéciaux ont seuls le pouvoir d'enquête sur pièces et sur place. C'est une spécificité de la Commission des Finances. Chacun doit s'astreindre à effectuer de tels contrôles et à en rendre compte, soit dans le cadre d'un rapport d'information particulier, soit dans le cadre de son rapport spécial. Il y a eu beaucoup de demandes pour l'attribution des rapports spéciaux. Il serait incompréhensible que ces demandes ne se traduisent pas par une implication forte de chacun des rapporteurs spéciaux. A ce sujet, il faut souligner que lorsque les rapporteurs spéciaux font un travail approfondi, celui-ci ne peut être ignoré par l'exécutif. Une illustration en a été fournie par le rapporteur spécial des crédits de la Communication, M. Patrice Martin-Lalande, qui a souligné qu'une partie des crédits consacrés à la Chaîne Arte n'était pas soumise au contrôle de la Cour des comptes. A la suite du rapport, le Président d'Arte a demandé au Gouvernement de mettre en place un tel contrôle.

Indépendamment de ces contrôles, certains rapporteurs ont demandé à effectuer des missions d'information spécifiques. De telles missions ne seront acceptées qu'à la double condition qu'elles soient centrées sur l'efficacité de la dépense publique, conformément à la loi organique, et que les rapports d'information soient publiés avant la fin du mois de juin, compte tenu d'éventuelles implications budgétaires. Les missions ne doivent pas être prétexte à des développements théoriques ou irréalistes, mais elles doivent avoir pour objet de mesurer l'efficience de la dépense publique, et les moyens de la limiter.

La loi organique du 1er août 2001 est un grand chantier. Tous les ministères mettent en place, de manière plus ou moins cohérente, des structures de réflexion. Le remplacement des taxes parafiscales doit être achevé au 31 décembre. Le budget annexe des prestations sociales agricoles, pour ne citer que lui, doit disparaître et la nomenclature budgétaire doit progressivement intégrer les missions et les programmes. Face à de telles transformations, la commission des Finances doit jouer tout son rôle en amont et le Bureau a donc prévu de nommer une mission d'information spécifique en la confiant à quatre de ses membres, à raison d'un par groupe, qui pourront ainsi comparer les travaux menés au sein des différents ministères et dialoguer en permanence avec le Rapporteur général et les rapporteurs spéciaux. Cette mission est fondamentale : les députés auront par exemple le pouvoir, à partir de 2005, de modifier le périmètre et le volume des crédits de chaque programme. Il est vital que la loi organique n'appauvrisse pas le contrôle parlementaire. Il serait paradoxal que, à ce pouvoir nouveau, corresponde une moindre clarté de l'information parlementaire. L'effort à entreprendre sur la nomenclature est donc tout à fait essentiel, et cette mission d'information pourra, quand elle le souhaitera, faire part de ses propres réflexions à la Commission.

M. Michel Bouvard a estimé que cette mission devait se fixer deux objectifs importants : d'une part, s'assurer du respect de la lettre et de l'esprit de la loi organique dans sa mise en œuvre par les ministères, en collégialité avec le Rapporteur général et les rapporteurs spéciaux, et en formulant éventuellement des contre-propositions à usage des ministères ; d'autre part, la mission devra examiner, sur un plan pratique, l'élaboration de la nouvelle nomenclature budgétaire, qui apparaît comme une « opération vérité » destinée à sortir de la relative « virtualité budgétaire » actuelle. Elle devra également examiner la pertinence des indicateurs de performance, gages d'un contrôle efficace de l'exécutif qui fait largement défaut aujourd'hui. Quant à la composition de la mission d'information, à savoir un membre par groupe parlementaire, elle se situe dans la suite logique du processus qui a conduit à l'adoption de la loi organique du 1er août 2001, par consensus entre la majorité et l'opposition de l'époque, ainsi qu'entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Cette démarche doit être pérenne, et permettre de dépasser la théâtralisation excessive de la discussion budgétaire annuelle, en la faisant évoluer notamment sur le plan procédural, ce qui suqpose une adaptation des procédures parlementaires. Enfin, il importe de se mettre rapidement au travail, car les ministères ont déjà entamé leur réflexion, certes à des rythmes différents.

La!Commission a ensuite nommé MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Ciarles de Courson et Jean-Pierre Brard membres de la mission d'ioformation sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances, et le Président Pierre Méhaignerie les a encouragés à!s'intéresser en particulier à l'évolution de la pratique de la discussion budgétaire et de l'élaboration du budget.

M. Gilles Carrez, Rapporteus général, s'exprimant à propos des travaux de la MEC, a souhaité que celle-ci puisse s'interroger sur l"utilisation des crédits de la défense. En effet, l'idée, légitime, d'une « sanctuarisation » de ces crédits ne dispense pas le ministère de ses obligations de bonne gestion. Le décalage que ciacun a pu observer entre les tentatives de la Commission des finances pour trouver des économies, d'ailleurs marginales, de 300 millions d'euros sur les crédits de fonctionnement à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, et les annulations contenues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2002 est édifiant à cet égard. Un passage au crible des crédits de la défense est par conséquent souhaitable.

Répondant à la question du Président Pierre Méhaignerie sur l'utilité d'une saisine de la MEC, M. François d'Aubert, rapporteur spécial des crédits de la défense, a estimé que la MEC présentait ses avantages propres, distincts des prérogatives du rapporteur spécial. La sanctuarisation des crédits de la défense est un fait, tout comme la nécessité d'une remise à niveau de certains de ces crédits, en particulier en termes d'investissements. À titre d'exemple, le budget américain de la seule recherche militaire est équivalent à l'ensemble du budget français de la défense. Plusieurs pistes de travail sont envisageables : le suivi financier de la programmation militaire - laquelle connaît déjà quelques retards -, qui pose le problème de l'éventuelle opposition du secret défense, le contrôle de la bonne gestion des crédits de fonctionnement, et le contrôle d'entités comme Giat ou la Direction des constructions navales, dont la situation est préoccupante.

M. Didier Migaud a fait valoir que l'habilitation au secret défense devrait être, par principe, accordée au Rapporteur spécial compétent, faute de quoi il ne pourrait pas remplir sa mission. Une telle automaticité fait actuellement défaut, ce qui est regrettable.

M. Philippe Auberger a établi une distinction entre personnes habilitées au secret défense et documents couverts par le secret défense. L'accès de ces personnes à ces documents est garanti, mais toute prise de position publique sur les documents en question doit respecter certains principes déontologiques, dont la portée demanderait un examen juridique approfondi. Il existe d'ailleurs une Commission du secret de la défense nationale, qui a émis, dans l'affaire des frégates, un avis négatif à une demande de levée du secret formulée par l'autorité judiciaire.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'une décision sur l'opportunité d'une saisine de la MEC concernant les crédits de la défense serait prise en fonction du calendrier des travaux de celle-ci et de la commission d'enquête dont la création est envisagée.

M. Jean-Pierre Brard a jugé que l'esprit de responsabilité des parlementaires établissait, mieux qu'une consultation juridique, la conduite à tenir en matière de prise de position sur des documents secrets. Se référant à son expérience personnelle, il a estimé qu'une volonté affirmée de faire valoir ses prérogatives de rapporteur spécial suffisait à garantir à un parlementaire l'accès aux documents qu'il souhaitait consulter. Il a par ailleurs déploré que le Président Pierre Méhaignerie semble restreindre le champ d'activité des rapporteurs spéciaux au seul thème de la maîtrise de la dépense publique. En effet, d'autres préoccupations sont tout aussi légitimes, voire davantage, en ce qu'elles représentent un coût très important pour la collectivité et touchent de près les citoyens : il s'agit de la lutte contre la fraude, celle que constitue par exemple l'importation illégale de véhicules, ou encore contre certaines activités de blanchiment sur notre territoire.

Le Président Pierre Méhaignerie a reconnu la légitimité de telles préoccupations, qui ne sont nullement incompatibles avec un examen attentif de la performance de la dépense publique.

M. Hervé Novelli a informé la commission des Finances que la Commission spéciale chargée du projet pour le développement de l'initiative économique, dont il est président, débutera très prochainement ses travaux par l'audition de M. Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux PME, au commerce, à l'artisanat et aux professions libérales et à la consommation.

*

* *

Informations relatives à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé M. Hervé Mariton comme rapporteur d'information sur l'implantation des entreprises françaises en Russie et des entreprises russes en France.

Elle a également nommé MM. Michel Bouvard, Didier Migaud, Charles de Courson et Jean-Pierre Brard membres d'une mission d'information sur la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances.

--____--


© Assemblée nationale