COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 34

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 29 janvier 2003
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication, sur les crédits du ministère et le financement du secteur public de l'audiovisuel

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La Commission a procédé à l'audition de M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication, sur les crédits du ministère et le financement du secteur public de l'audiovisuel.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité relever tout d'abord que la Commission des finances n'était pas l'interlocuteur habituel du ministère de la Culture et de la Communication. Mais depuis de nombreuses années, elle n'auditionne que trop rarement les ministres dits dépensiers - terme qui n'a rien de péjoratif -. Pourtant, le contexte budgétaire actuel justifie parfaitement l'audition du ministre de la Culture. Sans doute, les mesures de gel de crédits ne sont-elles pas encore connues - elles le seront prochainement - mais si le Gouvernement respecte ses engagements, il est probable que l'exécution du budget 2003 sera fatalement placée sous le signe d'une meilleure allocation de la dépense publique : comment comprimer les coûts de fonctionnement tout en maintenant certains niveaux d'investissement ? N'y-a-t-il pas des marges de productivité à dégager au sein des services du ministère de la Culture ? A cet égard, les horaires de travail des personnels des musées ne mériteraient-ils pas d'être revus ?

L'archéologie préventive est un autre sujet de préoccupation. Le Parlement a bien été dans son rôle en cherchant à limiter son coût assez exorbitant, notamment pour les collectivités locales. C'est en effet le contribuable qui, in fine, paie. Restent des interrogations : quel est le contrôle qui s'applique aux décisions prises par des archéologues ? L'interruption coûteuse de travaux est-elle suffisamment justifiée dans tous les cas ? Si nul ne doute de l'intérêt de certaines fouilles et de la nécessité de protéger le patrimoine, n'y-a-t-il pas eu des excès sur le terrain ? Des interrogations similaires ont conduit la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) à se pencher, dès cette semaine, sur le rôle des architectes des Bâtiments de France et des inspecteurs. Il ne s'agit nullement de contester l'objectif de préservation du patrimoine, mais de s'interroger sur l'adéquation entre les moyens juridiques et budgétaires et cet objectif.

Une dernière question préoccupe les membres de la Commission et concerne la redevance audiovisuelle. Depuis des années, les problèmes sont bien connus, mais plus ils paraissent évidents, plus les solutions paraissent, elles, complexes ou impraticables. Quel est l'état de la réflexion du ministère sur le financement de l'audiovisuel et le remplacement de la redevance ? Comment le Parlement sera-t-il associé à sa réforme ?

Après avoir remercié la Commission de lui fournir la possibilité de présenter les conditions d'exécution du budget 2003, M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication en a rappelé les principes : sincérité des données, prise en compte des besoins réels des grands instruments de l'action culturelle de l'État, notamment des établissements publics, volonté manifeste de dégager des moyens pour rééquilibrer l'action territoriale de l'État en faveur des régions.

Le budget 2003 peut être qualifié de budget d'action. Il porte la marque de choix clairs et donne réellement au ministère de la Culture les moyens de son ambition.

S'agissant de son exécution, il convient tout d'abord de souligner que le ministère a fait le choix de la discipline budgétaire et de la solidarité gouvernementale, et donc de ne pas succomber à la tentation de la gloriole budgétaire ou des annonces non suivies d'effets.

La rigueur n'exclut pas, loin de là, une forte ambition culturelle. Mais il s'agit de reconquérir une réputation de rigueur budgétaire, quelque peu malmenée ces dernières années. C'est pourquoi le ministère procède à un examen systématique de la pertinence de toute dépense, ce qui implique une triple politique d'arbitrage, de redéploiements des crédits et d'évaluation.

Au titre de la politique d'arbitrage, il faut mentionner les nécessaires choix qui doivent être opérés entre les multiples projets d'investissement. S'il y a, par exemple, une forte pression en faveur de la construction d'un auditorium à Paris, il a été décidé de conditionner le financement de l'État à un engagement clair des collectivités territoriales, à savoir la Ville de Paris et la région Ile-de-France. En effet, l'État a, jusqu'à présent, été anormalement seul responsable du financement des grands équipements culturels parisiens alors que ce n'est pas le même système qui prévaut en province. Dans la même perspective, il a été encore décidé de ne pas céder au romantisme qui aurait conduit l'État à mettre en œuvre une extension du Louvre, au besoin en déplaçant le musée des Arts décoratifs, pour loger le département des Arts islamiques, lequel, conformément au vœu du Président de la République, doit trouver sa place dans le périmètre actuel du musée.

S'agissant des redéploiements et du recentrage des dépenses, il a été demandé à l'ensemble des directions du ministère, des services déconcentrés et des établissements publics de proposer une politique de redéploiement de 10 % de leurs crédits sur trois ans, de façon à dégager des moyens jusqu'alors affectés à des actions accessoires, voire routinières, pour les orienter vers des actions prioritaires. Ce redéploiement s'accompagnera d'un effort systématique de recentrage des interventions de l'État, dans le souci de définir à quel bon niveau elles doivent se situer. En effet, toute action culturelle n'a pas vocation à être systématiquement financée par le ministère de la Culture. Ainsi, le ministère ne doit pas soutenir automatiquement les quelque mille festivals qui ont lieu chaque année en France. Il ne doit intervenir que lorsqu'il s'agit de manifestations d'intérêt national ou international, ou d'événements qui présentent un caractère structurant pour le tissu régional, toute autre manifestation relevant de la responsabilité des collectivités locales. Il faut mettre fin à l'émiettement de l'action de l'État, le coût de traitement des demandes de subvention ne devant pas dépasser les subventions susceptibles d'être obtenues.

Une active politique d'évaluation doit être conduite parallèlement. Elle implique la rationalisation de la gestion du ministère, de ses directions et de ses établissements, notamment de leurs ressources humaines.

La politique de rééquilibrage territorial est un autre axe central de la nouvelle ambition culturelle.

Un chantier de cartographie nationale des institutions culturelles, en particulier pour le spectacle vivant, mais aussi pour la lecture publique et les enseignements artistiques, a donc été lancé. Cet état des lieux a pour objectif de permettre d'engager une réflexion sur l'aménagement culturel du territoire, la rationalisation de l'offre culturelle et la clarification des labels - aujourd'hui trop nombreux et suscitant une absurde « course » au label supérieur -. Les choix de politique régionale que l'État propose à l'appréciation des collectivités territoriales en seront clarifiés.

Il faut, en effet, veiller à une répartition plus équilibrée des moyens de l'État entre Paris et les régions, tout en tenant compte du phénomène historique de concentration d'un grand nombre d'établissements nationaux à Paris. Ceux-ci sont d'ailleurs invités à engager des actions de coopération avec les collectivités territoriales. Le Centre Pompidou collabore, par exemple, avec la ville de Metz, le musée des Arts et traditions populaires avec la ville de Marseille, et le musée du Louvre pourrait développer ses collections d'antiquités romaines d'Afrique du Nord avec une ville du sud de la France ayant un riche passé gallo-romain.

L'initiative privée dans le domaine culturel doit, elle aussi, être encouragée. À cette fin, le mécénat doit être soutenu, notamment par des mesures d'incitation fiscale et par une refonte du « statut-type » des fondations. Un projet de loi en ce sens devrait être proposé au Parlement en mars prochain. Il convient, en effet, de reconnaître le rôle des fondations et de marquer la gratitude de l'État à l'égard des donateurs.

S'agissant de la mise en réserve de certains crédits - sujet auquel la Commission des finances est naturellement attentive - le Premier ministre a été sensibilisé au fait que les choix à opérer devaient garantir les moyens nécessaires à la mise en œuvre des priorités assignées au ministère.

Deux grands principes doivent guider la gestion des crédits. En premier lieu, la dépense publique doit être examinée scrupuleusement au premier euro. On pourrait même se laisser aller à regretter, dans cette perspective, que les paiements ne soient plus versés en numéraire. De tels paiements permettraient de prendre conscience de la réalité de la dépense publique. En second lieu, toute dépense publique doit faire l'objet d'une évaluation systématique, conformément à la loi organique relative aux lois de finances. Celle-ci conduit, en effet, à raisonner en termes d'objectifs plutôt qu'en termes de moyens, et à réellement mesurer l'efficacité des politiques publiques. Au ministère, son entrée en vigueur a été notamment préparée par la nomination d'un chargé de mission, qui travaillera auprès du directeur de l'administration générale, la création de quatre groupes de travail consacrés respectivement à l'architecture du budget, la définition d'objectifs quantifiables et l'élaboration des indicateurs de performance, la gestion pertinente des ressources humaines et la prise en compte des effets de la déconcentration et, demain, de la décentralisation et, enfin, par la mise en place d'un comité d'orientation stratégique qui rassemblera, sous la présidence du directeur de cabinet, des représentants des administrations centrales, de l'inspection des affaires culturelles, des administrations déconcentrées et des établissements publics.

Par ailleurs, une réflexion approfondie sur la présentation du budget de la Culture en grands programmes a été menée et les premières pistes de réforme devraient pouvoir être présentées au printemps prochain. À ce stade, est envisagée une division du budget en quatre grands programmes :

- préservation et promotion des patrimoines, un tel programme devrait garantir une vision globale de cette politique essentielle ;

- développement de la création et de la diffusion des œuvres : il faut, en effet, prendre conscience que les industries culturelles existent, qu'elles peuvent avoir un poids économique plus important que certaines industries qualifiées de « lourdes » et que la culture n'est pas qu'une source de dépenses publiques : c'est une économie à part entière ;

- transmission des savoirs, des connaissances et des aptitudes ;

- fonctions support, comme dans tous les ministères.

Ce chantier de la réforme budgétaire doit être mis en œuvre de façon efficace, dans un esprit de coopération avec le ministère du Budget et le ministère de la Réforme de l'État. C'est la raison pour laquelle il a été demandé aux services du ministère de s'y engager de façon déterminée.

Le ministère est conscient du fait que l'archéologie préventive - à distinguer de l'archéologie systématique, classiquement financée par l'État -  constitue un autre sujet de préoccupation. Il est clair qu'elle est un élément essentiel de la politique en faveur du patrimoine. Elle a permis de nombreuses découvertes importantes, comme celle des tombes des guerriers de Gergovie ou le baptistère gallo-romain à Grenoble. La loi du 17 janvier 2001 vise à donner un cadre juridique stable à ces activités préventives, mais elle pose de sérieux problèmes d'application. Depuis l'installation du Gouvernement, le ministère a même été assailli de protestations, et un signal a été adressé au Gouvernement par le vote, en décembre dernier, d'un amendement réduisant de 25 % la redevance affectée à l'Institut national pour la recherche et l'archéologie préventive (INRAP), établissement placé sous la double tutelle du ministère de la Culture et du ministère de la Recherche puisqu'il contribue - il convient d'y insister - à la recherche, à l'histoire des villes, celle des paysages ou des économies locales. Nous sommes donc aujourd'hui dans une impasse administrative, économique et politique. C'est pourquoi, le ministère prépare une réforme législative.

Il faut, ainsi, assurément mener une véritable politique nationale en matière d'archéologique préventive, conformément à nos traditions et aux engagements que la France a pris, en signant en 1994 la Convention de Malte. Mais il faut aussi définir un dispositif qui, tout en engageant la responsabilité financière des aménageurs, soit supportable financièrement par eux, notamment lorsque ces aménageurs sont de petites collectivités territoriales.

Ce dispositif doit également permettre à l'INRAP de tendre vers un équilibre financier, sans solliciter la dépense budgétaire de l'État. Il convient, par ailleurs, de tenir compte du climat social très lourd dans un établissement déstabilisé, qui a beaucoup recruté au moment de sa création et emploie aujourd'hui 1.428 agents permanents, emplois pourvus d'emblée, et 300 agents sous contrat à durée déterminée. Enfin, il y a lieu de mieux encadrer les délais d'intervention de l'INRAP sur les sites, de façon à ne pas créer de contrainte exorbitante pour la conduite des chantiers.

Une concertation s'est engagée avec les élus, les partenaires sociaux et l'ensemble des ministères concernés. Cette semaine, d'ailleurs, un certain nombre d'élus, dont trois membres de la Commission des finances, ont été reçus au ministère. Le dossier est complexe, mais des solutions devraient pouvoir être présentées dans quelques semaines.

A titre conservatoire, il a d'ores et déjà été demandé aux préfets d'être très attentifs à la régulation des prescriptions faites par l'État, et à l'INRAP d'encadrer ses délais d'intervention et d'interrompre le renouvellement de ses contrats à durée déterminée, les effectifs recrutés sur contrats à durée indéterminée devant naturellement être maintenus. Il a été, par ailleurs, souhaité que soient réduits les coûts d'intervention pour les aménageurs impécunieux, notamment les petites collectivités locales, et que la redevance soit simplifiée.

Il ne faut pas confondre la nécessaire poursuite d'un objectif et le caractère contingent des mécanismes.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que, sur le terrain, le sentiment d'arbitraire était parfois très fort.

S'agissant de la redevance audiovisuelle, M. Patrice Martin-Lalande s'est interrogé sur le calendrier de réforme ainsi que sur les projets en matière de financement du service public de l'audiovisuel, notamment suite aux conclusions du rapport présenté par Mme Catherine Clément. Il est nécessaire de trouver des ressources évolutives, non soumises à régulation, ce qui s'avère particulièrement délicat. L'externalisation de la production audiovisuelle représente souvent un coût inférieur à la production interne, même s'il ne faut pas porter atteinte aux missions du service public. Cela pose le problème de la qualité des programmes au regard des moyens disponibles. Quel est le calendrier de la mise en place de la chaîne d'information internationale, le rôle du ministère des affaires étrangères dans son financement et la position du Gouvernement sur un éventuel financement privé ? L'enveloppe est-elle constante ou non ? Une mission d'information de l'Assemblée nationale a été constituée sur ce sujet : elle rendra ses conclusions cet été. Il est souhaitable que le calendrier gouvernemental tienne compte des propositions des parlementaires, afin que ce travail n'ait pas un intérêt posthume.

S'agissant de la télévision numérique terrestre, M. Patrice Martin-Lalande a souligné le manque de préparation du gouvernement précédent. Que va faire le Gouvernement avec les trois canaux qui sont préemptés au profit du service public ? Quand seront lancés les appels d'offres pour la télévision locale ? Quand le régime des secteurs interdits de publicité à la télévision sera-t-il aménagé pour tenir compte, notamment, des contraintes européennes ?

Quel est l'état des projets du Gouvernement sur les droits d'auteur et la protection des données personnelles dans le domaine de l'Internet, afin de compléter les dispositions du projet de loi sur l'économie numérique ?

M. Augustin Bonrepaux a rappelé que, selon les propos du ministre lors du débat budgétaire, le budget de la Culture pour 2003 a tenu compte de réserves accumulées provenant des précédents budgets. Cela pose le problème de la sincérité du budget. De plus, en raison de la régulation budgétaire, les crédits de paiements réellement disponibles risquent de s'avérer insuffisants. Quels secteurs seront concernés par la régulation budgétaire ? Les festivals culturels seront-ils toujours financés par l'État en 2003 ? Qu'a prévu le ministère pour remplacer les emplois jeunes dans les associations culturelles ? Quels sont les projets du Gouvernement pour le financement de l'audiovisuel en 2004 ?

M. Laurent Hénart a rappelé que les 300 millions de réserves budgétaires évoquées par M.Augustin Bonrepaux avaient été constituées tout au long de la précédente législature. L'audit, commandé par le ministère en juin dernier a montré que le budget de la culture souffre d'une « crise des ciseaux » : s'agissant des titres III et IV, les marges de manœuvre s'écartent de plus en plus de la croissance réelle des charges. Si le budget représente aujourd'hui 0,8% du budget de l'État, il devrait s'établir, pour les années 2003-2006, à au moins 1,1% pour faire face à la montée en puissance des charges fixes du ministère. Quelles modalités de contrôle des dépenses ont été retenues afin d'éviter cet effet de ciseaux préjudiciable ? Cette hausse des crédits de fonctionnement est inquiétante. Les préoccupations du ministère en matière d'aménagement du territoire et l'importance accordée aux potentialités culturelles de chaque région doivent être saluées. Quelles sont les méthodes de concertation envisagées entre l'État et les collectivités locales, s'agissant notamment de la simplification des labels ? En ce qui concerne les monuments historiques, quel est le point de vue du Gouvernement sur le monopole de la maîtrise d'œuvre actuellement en vigueur et sur son éventuelle remise en cause, notamment dans le cadre de la décentralisation ?

M. Daniel Garrigue a salué l'importance accordée par le ministre au mécénat. Faire une place à un financement privé de la culture apparaît tout à fait primordial. Quels sont les projets du Gouvernement pour réformer le régime juridique des fondations ? Y aura-t-il une remise en cause du monopole de TDF, qui s'avère particulièrement coûteux pour des sociétés locales ?

L'archéologie préventive représente un effort budgétaire important, effort qui n'est pas de la même ampleur dans le domaine des archives. De plus, la concentration de ce coût dans certaines régions en raison de leurs richesses archéologiques pose un problème. Un système pourrait-il être mis en place pour mutualiser ce coût au niveau national ? Le monopole de l'INRAP sera-t-il maintenu ? Il est surtout regrettable que les archéologues interviennent quand le financement des projets est déjà bouclé et que la réalisation de l'opération est prête à débuter. Cela provoque un coût supplémentaire de 10 à 15%, qui n'était pas initialement prévu. Quels sont les projets du Gouvernement pour permettre une meilleure anticipation des projets des archéologues ? Il apparaît nécessaire d'assurer un meilleur équilibre entre l'archéologie préventive et l'archéologie systématique, ainsi que de permettre un meilleur suivi des projets, comme l'a montré le rapport de M. Jean-Claude Papinot. Que deviennent les objets issus des fouilles ?

M. Pierre Bourguignon a rappelé la création à l'Assemblée nationale d'un groupe d'étude consacré aux arts de la rue et du cirque. Il a souhaité connaître les projets du Gouvernement dans ce domaine, et, de façon plus globale, dans le domaine de la politique de la ville.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé son attachement au service public. Cependant, la recherche d'économies budgétaires est aujourd'hui une priorité. Des efforts doivent donc être menés notamment pour remédier à un absentéisme élevé dans les grandes institutions. Quels sont les projets du ministère pour assurer une meilleure performance de l'action publique ? Une réforme de la SACEM ne pourrait-elle pas permettre la simplification d'un système lourd à gérer, surtout pour de petites manifestations ? En outre, le rôle de financeur de la SACEM doit faire l'objet d'une réflexion : l'objectif principal doit être la fourniture du service au public à un moindre coût.

En réponse aux intervenants, le Ministre a indiqué que la SACEM est une société de droit privé, tout comme les autres sociétés chargées des droits patrimoniaux des artistes. Toutes remplissent une mission d'intérêt général. Un prochain projet de loi, destiné à transposer la directive européenne relative aux droits d'auteurs offrira l'occasion de réformer le dispositif : les sociétés chargées de la perception des droits patrimoniaux doivent être mieux contrôlées. Il est, en particulier, nécessaire qu'elles adoptent un plan comptable commun.

Le président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'un rapport sur la SACEM avait été remis au ministre, et a souhaité en avoir communication.

M. Jean-Jacques Aillagon a répondu par l'affirmative. Puis il a poursuivi ses réponses :

- il est indispensable que l'audiovisuel public dispose d'une ressource propre, autonome et stable. Il est d'autant moins question de supprimer une ressource affectée qu'elle rapporte 2 milliards d'euros. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances implique une réforme de l'actuelle redevance. Des propositions en ce sens seront présentées au cours du deuxième trimestre 2003 afin de laisser du temps pour débattre du projet. L'« impopularité » de la redevance, parfois montrée du doigt est, en réalité, commune à tous les impôts mais, en ce qui la concerne, un effort de pédagogie supplémentaire est indispensable. Ainsi, il est faux de dire que ses coûts de perception seraient exorbitants, puisque les premiers atteignent 70 à 80 millions d'euros alors que son produit est de 2,1 milliards d'euros. Il faut aussi expliquer que la redevance ne bénéficie pas seulement à la télévision publique mais aussi aux radios de service public, à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) ainsi qu'aux deux orchestres et au chœur de Radio-France. Des pistes sont à explorer en matière de lutte contre la fraude et d'économies de frais de perception, afin d'améliorer le produit de la redevance sans en augmenter le montant, dont il faut souligner qu'il est de 116,5 euros contre environ 200 euros en Grande-Bretagne ou en Allemagne. La perception de la redevance pourrait être associée à celle de la taxe d'habitation, afin de réduire son coût. Pour autant, les deux impôts ne sauraient être confondus ;

- les recommandations figurant dans le rapport de Mme Catherine Clément sont prises en compte dans les travaux de révision du contrat d'objectifs et de moyens qui lie France-Télévision et l'État. A cet égard, il convient de dissiper des rumeurs trop fréquemment véhiculées par la presse. Cette opération n'est pas l'occasion d'une quelconque vindicte à l'encontre du Président de France-Télévision. La valse des dirigeants des sociétés du secteur public, trop souvent constatée par le passé, les a fragilisées. Le rôle de l'État tuteur est de soutenir la qualité du service public. Cette négociation est l'occasion de revoir en ce sens les missions de France-Télévision et d'ajuster ses moyens aux missions. Le succès de l'émission l'« Odyssée de l'espèce » sur France 3 montre que l'audiovisuel public peut atteindre un excellent niveau d'audience avec des programmes de qualité. L'important est que les chaînes publiques disposent de programmes originaux, même s'ils peuvent parfois être produits hors du secteur public ;

- la chaîne d'information internationale, actuellement à l'étude, est un projet très intéressant. Elle doit permettre de présenter un point de vue français sur les questions internationales, son indépendance éditoriale devant néanmoins être assurée. Une telle ambition nécessite des moyens suffisants. D'une manière générale, il faut clarifier le financement de l'audiovisuel extérieur : le maintien de subventions du ministère des Affaires étrangères n'est guère justifié ; mieux vaudrait que les médias publics français à vocation internationale profitent de financements similaires à ceux des télévisions et des radios nationales. Aucune décision définitive sur la création de cette chaîne d'information ne sera prise avant la conclusion des travaux de la mission d'information commune qui étudie actuellement ces questions à l'Assemblée nationale ;

- le nouveau contrat d'objectifs et de moyens prendra notamment en compte les bouleversements induits par la télévision numérique terrestre. Mieux vaut saisir cette occasion pour approfondir la spécificité des chaînes publiques que pour augmenter leur nombre. En revanche, il serait naturel qu'un canal y soit réservé pour la chaîne d'information internationale ;

- la question des télévisions locales relève de la responsabilité du Conseil supérieur de l'audiovisuel mais il est vrai que leur fragilité est liée à l'interdiction de la publicité à la télévision qui pèse sur les secteurs du cinéma, de la presse, de l'édition et de la grande distribution. Alors que la presse régionale est favorable au maintien du statu quo, les télévisions locales sont très favorables à la levée de l'interdiction, et la Commission européenne fait valoir que le contingentement n'est pas conforme au droit communautaire. Malgré l'extrême division des positions sur ce sujet, une solution devra rapidement être élaborée ;

- un article de la presse a indiqué à tort que les subventions du ministère de la Culture au secteur artistique allaient diminuer de 6% en 2003. Ceci est inexact : au contraire la hausse de 5% des crédits du titre IV et les redéploiements opérés permettent le maintien total des subventions à leur niveau antérieur. Seules les subventions qui apparaissaient injustifiées au regard de l'intérêt artistique des activités peuvent être l'objet de réduction ou de suppression.

M. Augustin Bonrepaux a signalé que le ministre reconnaît ainsi la diminution de certaines aides. Qu'en est-il pour le département de l'Ariège ?

M. Jean-Jacques Aillagon a indiqué qu'il n'en était rien : la subvention de l'État aux « Folles journées de Nantes » a été quasiment décuplée et la subvention au festival de la bande dessinée d'Angoulême a triplé. Il est naturel que le ministère de la Culture évalue la qualité des manifestations qu'il subventionne et opère des choix. Il convient d'attendre l'annonce des mesures de gel de crédits avant de les commenter.

M. Didier Migaud a rappelé que les mesures de régulation doivent être présentées par le ministre chargé du budget dans moins d'une semaine, il est impossible que le ministre de la Culture n'ait pas déjà une idée précise de la nature et de la hauteur de ces mesures. La régulation doit-elle épargner les subventions, comme le ministre vient de l'indiquer ?

M. Jean-Jacques Aillagon a répondu qu'il incombe au ministre des Finances d'annoncer les mesures de régulation budgétaire. Néanmoins, on peut avoir grand espoir que la régulation n'aura pas d'effet insurmontable sur l'exécution du budget de la Culture en 2003, ce dernier ayant été élaboré de manière rigoureuse.

Puis il a fourni les éléments de réponse suivants :

- l'organisation culturelle du territoire ne doit pas être imposée par le haut, mais au contraire résulter d'une définition d'objectifs partagés entre les régions et le ministère, comme cela s'est récemment produit en Lorraine. C'est de ces consultations que doit naître une cartographie nationale ;

- la maîtrise d'ouvrage relative aux monuments historiques est au cœur du rapport intitulé « Pour une politique nationale du patrimoine » rédigé par la commission « Patrimoine et décentralisation » présidée M. Jean-Pierre Bady. Un projet de loi sera d'ailleurs présenté au Parlement avant la fin de l'année, qui abordera les questions de la protection des monuments historiques, de la maîtrise d'œuvre avec un assouplissement des conditions dans lesquelles les propriétaires pourront faire appel à un maître d'œuvre de leur choix, de la propriété privée des monuments historiques et de l'investissement dans les grands monuments historiques. À ce titre, un récent rapport montre qu'une centaine de grands monuments nationaux sont en situation de péril. Or, il apparaît que la culture est également un enjeu économique : le bilan touristique positif de la France doit beaucoup à la qualité de ses musées et grands monuments historiques. Par conséquent, il convient d'accorder une attention particulière à la valorisation de notre patrimoine dans nos régions, et en particulier aux monuments historiques ;

- la comparaison entre la situation de l'archéologie et celle des archives faite par M. Daniel Garrigue est très pertinente et ses propos témoignent, en réalité, non pas d'une défiance à l'égard de l'archéologie, mais au contraire d'un intérêt pour l'ensemble de cette activité. Les archives se trouvent actuellement dans une situation très préoccupante. Pour juger des conditions, indignes d'un pays civilisé, dans lesquelles sont conservées les archives, il suffit de se rendre au dépôt de Fontainebleau. Il est donc nécessaire de mettre en œuvre un plan de sauvetage des archives. À ce titre, de nombreux départements, dont celui de la Sarthe, ont déjà fait des efforts considérables, qui doivent être salués ;

- dans le domaine de l'archéologie, il est souhaitable de rétablir certaines règles de concurrence. Il s'agit également de mieux anticiper, et de décourager les investisseurs d'aller sur certains sites. Ainsi, dans l'Yonne, le ministère de la Culture a convaincu les investisseurs de ne pas s'engager dans un projet situé à l'emplacement du « champ de César », le long d'une voie romaine ;

- TDF représente une charge financière importante pour France Télévision. Cette situation va cesser dans la mesure où les activités de diffusion sont en cours de libéralisation. Dans l'avenir, France Télévision pourra donc mettre en œuvre un dispositif de libre concurrence ;

- s'agissant des fondations, il est nécessaire d'alléger la fiscalité et d'accélérer la reconnaissance d'utilité publique. Un projet de loi allant dans ce sens sera présenté en conseil des ministres au mois de février.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé s'il était possible d'envisager une déconcentration de la prise de décision s'agissant de la reconnaissance d'utilité publique, au niveau des préfets.

M. Jean-Jacques Aillagon a répondu qu'il s'agissait d'un très réel sujet de débat. À propos des arts de la rue et du cirque, M. Jean-Jacques Aillagon a précisé que, notamment lors des festivals de Châlon-en-Champagne et de Morlaix, il avait réaffirmé aux compagnies de spectacle et organisateurs de festivals d'arts de la rue, que le soutien de l'État serait reconduit et amplifié. En outre, le cirque traditionnel, qui a traversé une crise importante, doit faire l'objet d'une attention toute particulière. S'agissant des classes à projets artistiques et culturels, dont l'existence résulte d'une collaboration entre le ministère de l'Éducation nationale et celui de la Culture, la dotation accordée a augmenté de 1,5 million d'euros en 2003, par rapport à 2002. Cet effort est d'autant plus nécessaire qu'il n'existe pas de véritable politique culturelle sans mobilisation de la société, et en particulier des plus jeunes.

M. Jean-Louis Dumont a souligné qu'en matière d'archéologie, il est parfois plus coûteux d'avoir recours à des services publics locaux. Il a regretté que le Ministre n'utilise pas le nom qui a été donné à la Bibliothèque nationale de France pour la désigner, alors qu'il parle du musée national d'art moderne « Georges Pompidou ».

M. Jean-Jacques Aillagon a répondu qu'aucun nom d'homme célèbre n'est attaché à la bibliothèque nationale de France. En revanche, il emploie habituellement les noms de Richelieu et de François Mitterrand pour désigner les sites abritant la Bibliothèque nationale de France.

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