COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 35

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 30 janvier 2003
(Séance de 11 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Louis Gallois, Président de la SNCF .

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La Commission a procédé à l'audition de M. Louis Gallois, Président de la SNCF.

Le président Louis Gallois a rappelé en premier lieu les difficultés constatées lors de l'exercice 2002, essentiellement liées à la conjoncture qui a été moins favorable qu'initialement prévue, le taux prévisionnel de croissance de l'économie de 2,5 % retenu par le consensus des prévisionnistes s'étant en réalité réduit à moins de 1 %. Néanmoins, si la croissance des trafics s'est avérée moindre que les estimations de l'automne 2001, elle est demeurée positive, contrairement à la situation de la plupart des autres opérateurs européens. Le trafic voyageurs a connu une croissance supérieure à 3 %, et plus de 7 % pour le TGV notamment grâce à l'effet en année pleine du trafic du nouveau TGV-Méditerranée. Le trafic de fret est pour sa part demeuré stable, la décroissance constatée lors du premier semestre étant compensée par la légère croissance lors du second semestre. La part de marché est demeurée de l'ordre de 20 % en tonnage, ce qui constitue une performance élevée au niveau européen. Face à la dégradation de la conjoncture, deux types de mesures complémentaires ont été mises en œuvre, portant, d'une part, sur les dépenses, avec une réduction des dépenses d'achats et le gel de mille emplois, et d'autre part, sur les recettes, avec notamment le resserrement du dispositif de remboursement des billets non utilisés, qui donnait lieu à d'importantes fraudes, ou encore le transfert en seconde classe des cadres de l'entreprise voyageant en service.

Le déficit courant, représentatif de l'exploitation, devrait être sensiblement supérieur aux prévisions d'octobre 2001. Il sera néanmoins contenu, le résultat net étant pour sa part équilibré par les produits exceptionnels de plus-values de cessions. S'agissant du SERNAM, le résultat négatif apparaît en redressement, et devrait atteindre l'équilibre en 2005. Enfin, l'endettement de l'entreprise, stabilisé à un niveau de 7,5 milliards d'euros depuis 1996, demeure maîtrisé et sera même légèrement réduit par un effort sensible sur les besoins en fonds de roulement.

En ce qui concerne l'exercice 2003, le résultat net devrait également demeurer équilibré, et le résultat courant déficitaire de 144 millions d'euros, avec des perspectives d'équilibre en 2004, voire d'excédent en 2005. Les prévisions de chiffre d'affaires reposent sur des hausses de trafic modérées, - à hauteur de + 3 % pour le TGV et + 2 % pour le fret-, mais encore ambitieuses par rapport aux partenaires étrangers. Le projet de budget inclut également des mesures restrictives sur les dépenses, en maintenant une forte pression sur les achats, tant en limitation en volumes qu'en conditions de négociations sur les prix, ainsi qu'en prolongeant les mesures de réductions d'effectifs, à hauteur de 1.275 emplois permanents et contrats à durée déterminée, et de 500 emplois-jeunes environ.

Le président Pierre Méhaignerie a demandé quel serait le bilan net des effectifs, compte tenu des recrutements nécessaires pour remplacer les départs à la retraite.

M. Louis Gallois a répondu que, en dépit des réductions évoquées ci-dessus, 5.500 recrutements doivent être opérés pour remplacer les départs à la retraite. Par ailleurs, le redressement structurel du résultat supposera de trouver des réponses adaptées aux deux sources majeures de difficultés pour la SNCF que sont les trains-corail et le fret. Les trains-corail présentent deux aspects très distincts : les lignes radiales à partir de Paris bénéficient de véritables perspectives commerciales ; en revanche, les lignes transversales, dites d' « aménagement du territoire », se traduisent par une charge correspondant à une mission de service public lourde pour la SNCF qui n'a pas capacité à les assumer. Quant au fret, il constitue une difficulté structurelle pour l'ensemble des opérateurs européens, en raison principalement de la qualité du réseau routier, et notamment des autoroutes et de la qualité et du coût du service rendu par les transporteurs routiers, mais également des contraintes découlant du caractère prioritaire accordé au trafic voyageurs sur le réseau ferré, et de l'insuffisance des investissements réalisés par le passé en raison de la faible rentabilité du fret. Les coûts comparatifs du transport de marchandises par fer sont donc demeurés élevés par rapport à la route, notamment en matière de dépenses liées à la sécurité.

M. François Goulard s'est interrogé sur la faiblesse de la vitesse moyenne des trains de marchandises.

M. Louis Gallois a répondu que la vitesse moyenne ne lui paraissait pas constituer un critère discriminant pour la plupart des clients du fret, qui se montrent généralement plus sensibles à la question de la régularité et du respect des horaires, ainsi qu'à la qualité de l'information qui leur est fournie. Par ailleurs, lorsque la rapidité du transport devient un critère impératif, à l'instar du cas des messageries, la SNCF est en mesure d'utiliser des trains à grande vitesse, atteignant 200 km/h alors que la vitesse moyenne des camions est de 60 km/h. En tout état de cause, la notion même de vitesse moyenne, dont le calcul dépend de contraintes fortes liées aux problèmes de stationnement, de stockage et de guidage des trains, n'a pas l'importance que lui accordent certaines campagnes de communication actuelles. L'information des clients doit être améliorée, même si elle est en progrès.

En l'espèce, l'objectif de la direction de l'entreprise dans le domaine du fret consistera à rechercher une amélioration globale de la qualité, sur quatre points principaux : l'acquisition de moyens dédiés, notamment de 600 locomotives ; la réorganisation du service en distinguant les trafics longue distance et les trafics locaux ; le réhaussement de l'autonomie de gestion de la production fret, qui constitue encore aujourd'hui souvent la variable d'ajustement du transport de voyageurs ; enfin, des économies, difficiles mais nécessaires, à opérer notamment sur la traction et la maintenance. Parallèlement, les pouvoirs publics n'échapperont pas à une réflexion sur la saturation actuelle des infrastructures, le réseau étant d'ores et déjà saturé à hauteur de 20 %. Il s'agit là d'un problème lié en partie à l'importance du volume des transports régionaux, avec près de 5.000 trains express régionaux (TER) par jour, mais qui se pose également à l'échelle européenne dans son ensemble. En l'occurrence, il faudra peut-être aller jusqu'à se poser la question de l'opportunité de dédier certains itinéraires au trafic marchandises. La traversée de quelques grandes villes, comme Lyon, pose un problème de saturation du réseau. Il est nécessaire de gagner, en qualité comme en coût.

S'agissant du système de retraite, la solidarité nationale s'exprime sur le déficit démographique et non pas sur l'âge de départ en retraite. La SNCF compte aujourd'hui 1,69 retraité pour un actif, ce qui reflète son passage d'un effectif qui a oscillé entre 250 à 300.000 agents à un effectif de moins de 180.000 agents aujourd'hui. La compensation versée par l'État ou par les autres régimes est calculée sur un montant de retraite reconstitué en appliquant à la population concernée les règles du régime général. Les spécificités du régime de retraite concernent essentiellement l'âge de départ (55 ans en moyenne et 50 ans pour les agents de conduite), le calcul des prestations fondé sur les six derniers mois de salaire et le montant de la retraite minimum plus élevé que pour le régime général. Ces spécificités sont financées par une surcotisation patronale payée par la SNCF, représentant environ 440 millions d'euros pas an.

M. Philippe Auberger s'est interrogé sur l'espérance de vie des retraités : diffère-t-elle de celle des prestataires du régime général ?

Après avoir indiqué qu'une étude était en cours, M. Louis Gallois a souligné que le mode de vie des agents de conduite était particulièrement désorganisé, notamment du fait de l'irrégularité des horaires, rendant leur métier souvent pénible. En outre, le taux de remplacement est faible puisqu'il n'atteint que 67 % contre 77 % dans la fonction publique, même si la prise en compte différenciée des primes limite les possibilités de comparaison.

M. Yves Deniaud a précisé que les primes n'étaient pas incluses dans le calcul des retraites.

M. Louis Gallois a indiqué qu'il convenait d'être très prudent sur ces questions complexes, même si certaines primes sont dites « retraitables ». Il a ajouté que contrairement à la RATP et à EDF, la SNCF dispose déjà d'une caisse de retraite, alimentée par un système de cotisations.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que le maintien des régimes spéciaux est conforme aux vœux du Président de la République.

M. Philippe Auberger s'est interrogé sur le coût de gestion du système de retraite de la SNCF.

Après avoir rappelé que la Cour des comptes avait estimé que ce système était un des mieux gérés de tous les régimes spéciaux, M. Louis Gallois a indiqué que les frais de gestion atteignaient 61 millions d'euros pour un montant de 4,417 milliards d'euros de retraites gérées.

Après s'être félicité de l'atmosphère détendue qui préside aux relations entre l'Assemblée nationale et la SNCF, M. Hervé Mariton a souligné que les résultats de 2002 étaient « moins pires » que ce que l'on avait pu craindre, mais cependant moins bons qu'espérés. Si la croissance a été plus modeste que prévue, l'évolution du trafic n'a pas pour autant été en récession. Il convient donc de s'interroger sur la capacité de la SNCF à s'adapter à l'évolution de la conjoncture par rapport à des contraintes de marché, qui, par définition ne se décrètent pas. Le projet industriel de la SNCF pour les années 2003 à 2005 est fort intéressant, mais n'est pas, à ce stade, un projet d'entreprise. Peut-il prendre la dimension d'un réel projet d'organisation de l'entreprise ? La SNCF donne-t-elle durablement une inflexion à sa politique en matière d'emplois, afin que les courbes évoluent différemment de ce que l'on a pu observer au cours des dernières années ? Cependant, il faut souligner que la productivité par agent a baissé sur la période 2000-2001. Malgré les achats de locomotives destinées au fret et la prise de mesures indispensables de réorganisation, la SNCF semble mener une stratégie de rétraction, décourageant certains marchés par des hausses de tarifs. Il faut veiller à ce que le niveau de cette amputation permette à l'activité fret de survivre.

Le budget de la SNCF pour 2003 est marqué par une hypothèse de modération quant au niveau des péages fixé par RFF. La SNCF les juge trop élevés alors que RFF tient le discours inverse. S'agissant de la répartition du patrimoine entre les deux entités, il paraît inquiétant que sur 30 millions d'euros de contentieux apparus en 2001, seul un montant de 2 millions d'euros ait pu être résolu. En ce qui concerne les cessions patrimoniales, l'entreprise avait annoncé que si elle demeurait locataire d'un bâtiment, elle n'en occuperait qu'une partie. Il semblerait néanmoins que ce ne soit pas toujours le cas. Il ne faut pas oublier que l'État finance les comptes annexes à hauteur de plus de 2 milliards d'euros. Le service annexe d'amortissement de la dette représente une charge importante. Il convient de se demander s'il répond aux normes comptables internationales et si la charge de la dette doit être intégrée au bilan. La filialisation du SERNAM se déroule dans des conditions difficiles. L'aide autorisée par la Commission européenne sera-t-elle suffisante ? Quelles sont les perspectives d'intervention de GEODIS ? Il semblerait qu'il ait été question de racheter 15 % du SERNAM pour un euro. Quelle est aujourd'hui la stratégie d'ensemble du groupe ?

M. Augustin Bonrepaux a observé qu'il s'agissant d'un montant 6,56 fois supérieur à celui proposé pour Thomson multimédia.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a souhaité obtenir des précisions sur la politique tarifaire que la SNCF entend mettre en œuvre au cours des prochaines années notamment en ce qui concerne le trafic voyageurs.

M. Michel Diefenbacher a fait observer que les prévisions de chiffre d'affaires pouvaient être, selon les points de vue, jugées encourageantes ou exagérément optimistes, notamment au regard des évolutions récentes. En ce qui concerne l'activité voyageurs, la croissance proviendrait plutôt d'un déplacement de l'offre vers les services les plus rémunérateurs (TGV). Quelles peuvent être les conséquences à long terme de cette évolution ? Peut-on en déduire que la SNCF entend se focaliser sur les grandes lignes plutôt que sur le réseau secondaire ? La reprise de l'activité fret attendue pour 2003 résultera pour l'essentiel de l'augmentation des tarifs, qui pourrait pourtant contrarier la progression des volumes transportés.

La gestion du personnel de la SNCF apparaît comme une politique en dent de scie puisqu'après les augmentations constatées en 2001 et 2002 qui ont sensiblement pesé sur les charges, l'entreprise entend faire preuve de rigueur en 2003. Comment l'entreprise peut-elle gérer de tels changements d'orientation et quelles ont été les raisons de ceux-ci ? Quelle est la situation comparée de la SNCF avec ses futurs concurrents européens ?

La SNCF investit de plus en plus dans les transports urbains en France et à l'étranger, alors qu'il ne semble pas que cette activité fasse réellement partie de son cœur de métier. N'y a-t-il pas, à terme, de risques de dispersion ?

L'irruption d'un nouvel interlocuteur, résultant de la régionalisation, est-il de nature à mieux ancrer la SNCF dans le tissu local et de l'amener ainsi à mieux prendre en compte les attentes de ses clients et du public ?

En réponse aux intervenants, M. Louis Gallois a apporté les précisions suivantes :

- au cours des dernières années, la SNCF a dû faire face à l'augmentation importante de deux postes de charges en raison de décisions extérieures qu'elle n'a pas à contester : il s'agit des péages, qui représentent une augmentation de dépenses de 430 millions d'euros, hors TGV Méditerranée, et de la mise en œuvre de la réduction du temps de travail, qui a entraîné le recrutement de 6 500 à 6 700 personnes, soit un surcoût d'environ 200 millions d'euros. En l'absence de ces deux décisions, les résultats de l'entreprise auraient été améliorés d'environ 500 millions d'euros entre 1998 et 2002. La SNCF a donc fait la preuve qu'elle était capable de générer des résultats d'exploitation et cette capacité est particulièrement encourageante. Certes, des lourdeurs demeurent mais des progrès sont possibles, comme l'atteste le lancement de dix chantiers d'efficacité accompagnés d'objectifs planifiés de résultats ;

- l'appellation de « projet industriel » a été choisie par le précédent président de la SNCF, il n'en demeure pas moins que ce projet est en cours de déclinaison en plans de progrès jusqu'au niveau de chaque unité opérationnelle ;

- les effectifs de la SNCF ont diminué entre 1996 et 1998. A partir de 1999 et pendant les deux années suivantes, les créations d'emplois ont été justifiées par la mise en place des 35 heures. Cependant, il faut observer que les gains de productivité ont permis de ramener les conséquences de la réduction du temps de travail de 14 000 créations de postes, qui auraient été arithmétiquement nécessaires, à seulement la moitié de ce chiffre. Il est clair que ces créations d'emplois ont eu pour effet, mécanique, de dégrader la productivité par agent, plaçant la SNCF légèrement en dessous de la moyenne européenne ;

- la réduction des effectifs ne doit pas constituer un objectif en soi et il faut examiner la situation métier par métier. En ce qui concerne les fonctions administratives, la réduction de la taille des directions nationale et régionales est en cours et 1 000 emplois pourraient y être supprimés. Au contraire, s'agissant des fonctions commerciales ou de sûreté, la présence humaine fait partie intégrante du service et la SNCF créera des emplois en ce domaine. Par exemple, 2 000 postes ont été créés dans les trains et gares d'Ile-de-France depuis 1998, et c'est tout à fait pertinent. S'agissant des fonctions industrielles, l'évolution des effectifs dépendra de l'évolution de la charge de travail et des gains de productivité qui pourront être réalisés. Si dans certains domaines, tel que l'entretien des matériels par exemple, on peut raisonnablement espérer une augmentation de la productivité de 3 à 4 % par an, il faut reconnaître que dans d'autres, comme la gestion des aiguillages, celle-ci sera plus difficile ou nécessiterait d'importants investissements. Plus généralement, il est souhaitable que le Gouvernement fixe à l'entreprise des objectifs de résultats financiers, plutôt que des objectifs en termes d'effectifs, lui laissant ainsi la responsabilité de sa politique de l'emploi. En tout état de cause, il convient de se féliciter du fait que la notion même de gain de productivité n'est plus un sujet tabou auprès des personnels de la SNCF ;

- l'attitude de la SNCF en matière de fret n'est pas une stratégie de rétraction, mais de développement du volume. Elle prévoit d'augmenter cette activité au cours des prochaines années, mais elle n'entend pas développer n'importe quel trafic à n'importe quel prix ;

- l'augmentation des tarifs en matière de fret doit être examinée avec circonspection. En effet, il faut tenir compte du fait que la subvention de l'État pour le transport combiné est désormais versée directement au client opérateur et non plus à la SNCF, comme précédemment. Optiquement, les prix augmentent de ce fait. Cependant, il est vrai que du fait de la vive concurrence du transport routier, la capacité de la SNCF à faire accepter une augmentation tarifaire à ses clients restera assez limitée ;

- le dossier du transport combiné est difficile car, s'il assure de manière optimale la liaison entre le rail et la route, il souffre néanmoins de coûts élevés, et notamment de l'existence de deux ruptures de charges. Il représente 25 % du trafic en tonnage, mais seulement 12 % des recettes. Il s'agit d'un problème national que la SNCF ne pourra pas résoudre seule, sauf si elle décidait de se consacrer aux segments les plus rentables, par exemple au départ des ports ;

- pour 2003, la question des tarifs de RFF a été tranchée et ceux-ci n'augmenteront qu'au rythme de l'inflation et de l'évolution des trafics. Pour les années ultérieures, les approches différentes de la SNCF et de RFF entrent tout à fait dans le cadre, classique, des relations entre un client et ses fournisseurs. De toute façon, ce sera à l'État de trancher. La SNCF ne peut que constater que les tarifs ont beaucoup augmenté au cours de la période récente. Elle souhaite une pause, d'autant que les tarifs ont atteint un niveau satisfaisant par rapport à la moyenne européenne, pratiquement au même niveau que l'Allemagne. Il ne faut pas perdre de vue que les péages représentent 30 % de la recette TGV et même 40 % pour le TGV Méditerranée. Les péages français sont plus élevés que la moyenne européenne en ce qui concerne l'Ile-de-France et la grande vitesse. En revanche, ils sont inférieurs pour le fret et le trafic régional ;

- le contentieux patrimonial entre la SNCF et RFF ne sera sans doute pas résolu sans une modification des textes applicables. La situation est difficilement gérable, notamment vis-à-vis des élus ;

- la SNCF a entamé une politique active de cession de son patrimoine. La cession suivie d'un relogement est utilisée lorsqu'il apparaît que d'importants investissements devraient être réalisés dans les locaux concernés. Cette solution permet de rénover le patrimoine vétuste de la SNCF, sans peser pour autant sur son programme d'investissements ;

- quelles que soient les réformes qui seront entreprises en matière de retraites, le besoin de soutien de l'État et des autres régimes, qui atteint au total 2,8 milliards d'euros en 2003, ne disparaîtra pas puisque ce versement résulte du déséquilibre démographique du régime ;

- la question de l'intégration du service de la dette dans le bilan de la SNCF, en vertu des nouvelles normes comptables internationales est posée. Cependant il est clair que, dans le cas d'une intégration, il conviendra de mettre en regard la recette correspondante, la charge du service incombant aujourd'hui à l'État ;

- la filialisation du SERNAM a, à l'évidence, été trop tardive. Elle s'est révélée difficile à mettre en œuvre sur le plan social mais elle est aujourd'hui acceptée par les personnels. Le plan de redressement en cours est appliqué conformément aux prévisions. Géodis n'a pris que 15 % du capital, certes, au lieu des 60 % prévus. Cela a conduit la SNCF à rechercher d'autres partenaires. B.M. Virolle est prête à acquérir 15 % du capital et a pris une option sur l'achat de 34 % supplémentaires du capital qui seront payés à leur valeur si la situation de l'entreprise s'améliore ;

- depuis 1997, la SNCF fait face à deux demandes : celle d'une simplification de la gamme, celle de la diversité des réductions de tarifs. Elle s'est engagée dans une politique de simplification de sa grille tarifaire voyageurs et d'une réduction des prix. Cette politique sera poursuivie, notamment par la mise en place d'une carte 26-59 ans et d'offres, ciblées et conditionnelles, à très bas prix, car la SNCF doit réfléchir à un élargissement de sa gamme tarifaire notamment pour mieux faire face à la concurrence grandissante des compagnies aériennes à bas coût ;

- les prévisions d'évolution du chiffre d'affaires en matière de TGV résultent à parts égales d'une prévision d'augmentation des prix moyens (3 %) et des volumes (3 %), et la SNCF entend poursuivre sa politique d'accroissement du nombre de voyageurs transportés. En ce qui concerne le fret, les prévisions sont réalistes, notamment au vu des pertes de trafic qui ont résulté des difficultés du tunnel sous la Manche, liées aux problèmes d'immigration (un milliard de tonnes-kilomètre perdus en 2002). Les annonces de fermetures de sites d'industries lourdes constituent une préoccupation ;

- la SNCF et son personnel se sont montrés réticents à l'égard de l'ouverture à la concurrence, face à la suppression d'un monopole. Maintenant que la décision est prise et que le marché de fret international sera ouvert à la concurrence le 15 mars prochain, c'est à l'entreprise de faire face à ce changement et d'en tirer le meilleur ;

- la SNCF prévoit une augmentation très forte des investissements en matière ferroviaire, si l'on tient compte de ceux réalisés par ses autres partenaires, comme les régions. Ainsi les investissements globaux des trois prochaines années seront supérieurs de 50 % à ceux constatés au cours des trois années qui viennent de s'écouler ;

- Keolis est le premier transporteur urbain de France et la SNCF ne peut que se féliciter de son acquisition, qui lui a permis de remporter des succès significatifs, par exemple à Lille. Le rapprochement avec la SNCF permet, en effet, de proposer des solutions intégrant transport urbain et transport ferroviaire, particulièrement intéressantes pour les collectivités territoriales. A l'étranger, Keolis est surtout présent dans le transport inter-urbain et développe sa présence dans l'activité ferroviaire ;

- il est incontestable que la régionalisation a représenté pour la SNCF un changement, fondamental et positif. Elle a contribué à modifier radicalement l'état d'esprit du personnel qui n'a plus comme seul interlocuteur la direction, mais sait que l'entreprise doit rendre des comptes à des élus investis de la légitimité du suffrage universel ;

M. Michel Bouvard a souhaité savoir, à l'heure où se conclut l'audit sur les projets d'infrastructures ferroviaires et routières, et puisqu'il existe des saturations du réseau de la SNCF, quels sont les projets prioritaires aux yeux de l'entreprise, et quel en est le coût financier. Par ailleurs, où en est-on du développement des activités commerciales dans les gares, une pratique qui, à l'étranger, a généré d'importantes recettes ? S'agissant de l'ouverture à la concurrence pour les activités de fret, sans revenir sur les difficultés passées qui résultaient de décisions politiques imposées à la SNCF, peut-on connaître l'état d'avancement des partenariats entre réseaux français et étrangers, certes parfois sources de nuisances, mais financièrement rentables ? Enfin, il semble que la SNCF se montre réticente à accueillir dans ses trains des groupes de jeunes, selon certains organisateurs de classes de découverte.

M. François Goulard a fait part de son étonnement devant la déclaration du Président Louis Gallois relative à la réduction des effectifs, qui ne serait pas un objectif. Les embauches de 1999, 2000 et 2001 sont moins dues à la réduction du temps de travail qu'à des engagements purement politiques : un ministre précédent avait promis l'embauche de 8.000 jeunes par an à la SNCF. Bien des industries de main-d'œuvre ont su gérer la RTT sans hausse d'effectifs, se contentant de réaliser des gains de productivité. Quant au discours tenu sur le fret, il mérite d'être relativisé : compter en tonnes par kilomètre n'est pas sans rappeler les pratiques de la planification soviétique. C'est en valeur qu'il faut compter : en termes de chiffre d'affaires, la SNCF est davantage, pour le fret, un transporteur routier qu'un transporteur ferroviaire. Le marché sur lequel opère la SNCF est on ne peut plus stable. Dès lors, le manque de réactivité observé face à l'évolution des conditions d'exploitations ne laisse pas d'étonner : l'entreprise devrait pouvoir absorber sans difficulté les variations de chiffre d'affaires qu'elle a connues. La scission comptable opérée entre RFF et la SNCF a aidé celle-ci, dans la présentation optique de ses charges, mais il n'en demeure pas moins vrai que le secteur ferroviaire coûte très cher à la collectivité, et constitue à ce titre un important sujet d'examen pour la Commission des finances.

M. Augustin Bonrepaux a estimé que la commission d'enquête sur la gestion des entreprises publiques pourrait utilement comparer la gestion des effectifs à la SNCF entre 1993 et 1997 d'une part, et depuis 1997 d'autre part. Les réductions d'emploi durant la première période n'ont pas rendu service à l'entreprise, ni au service public. Car si l'on souhaite disposer d'un service public ferroviaire de qualité, sûr et non polluant, il faut accepter d'en payer le prix en moyens de personnel. La comparaison entre la France et le Royaume-Uni est éloquente à cet égard. Tout le monde partage l'objectif d'une réduction des déficits, mais les solutions proposées diffèrent. L'une d'elles consiste à instituer un péage sur le transport par la route - d'ailleurs beaucoup plus polluant -, pour rétablir l'équilibre avec le rail. L'autre solution, inquiétante, que l'on pourrait déduire des propos du Président Gallois, revient à supprimer quelques lignes « Corail » transversales. Or ces lignes, comme celle de Toulouse-La Tour de Carol, par exemple, sont très utiles. Par ailleurs, le fret pose notamment le problème du passage dans les gares, qui nécessite la construction de voies de contournement. Où en est-on pour la gare de Matabiau ? Les navettes, telle celle reliant Pamiers à Toulouse, enregistrent de bons taux de fréquentation ; il faut poursuivre en ce sens. Enfin, un point sur les retards dans le volet ferroviaire des contrats de plan État-régions est souhaitable.

Le Président Pierre Méhaignerie a posé la question des retraites : face à certains agents de la SNCF, qui disent avoir choisi l'entreprise il y a 30 ans au vu d'un engagement ferme sur leur pension, l'argument de l'allongement, enregistré pendant la durée de leur activité, de leur espérance de vie ne suffit pas à convaincre. Comment leur faire prendre conscience que le financement de leur retraite et la comparaison public/privé pose un réel problème ?

À ces interventions, M. Louis Gallois a répondu :

- les conclusions de l'audit sur les projets d'infrastructures ne sont pas encore publiques. Il est néanmoins évident que le fret représente un enjeu essentiel, en particulier la « magistrale Nord-Sud » qui doit relier la Grande-Bretagne et l'Allemagne à l'Italie et à l'Espagne, via l'axe central Dijon-Lyon ;

- la SNCF a déjà été récompensée par un prix pour sa galerie commerciale de la gare du Nord à Paris, et ce type d'aménagement doit être développé là où cela est pertinent, à la fois pour l'intérêt financier en jeu et pour renforcer les services rendus, l'animation et la sécurité dans les gares ;

- la construction de partenariats entre réseaux de fret aux frontières est nécessaire. Une coordination existe déjà entre Woippy et Mannheim, avec la Deutsch Bahn, un projet est en cours entre Anvers, Bettembourg, Strasbourg et Bâle, avec notamment la Société nationale des chemins de fer belges et les Chemins de fer luxembourgeois, ainsi que vers Modane avec les Ferroviere dello Stato. La dimension européenne est fondamentale pour la SNCF. Après les voyageurs, elle doit concerner aussi le fret ferroviaire, dernier mode de transport à demeurer freiné par le passage des frontières ;

- les difficultés rapportées par des groupes de jeunes nécessiteront un règlement particulier. Le nombre de places mises à leur disposition par la SNCF augmente, mais la demande croît très fortement. En outre, on observe de la part de ces groupes beaucoup de désistements de dernière minute ;

- la question des effectifs est délicate. La SNCF ne se fixe pas a priori pour objectif la réduction d'emplois ; elle évalue la situation année par année et prend les décisions de gestion nécessaires en fonction des besoins de son équilibre et de son développement. Quant à la gestion de la RTT, elle ne pouvait, mécaniquement, que conduire à des embauches dans une entreprise de main-d'œuvre comme la SNCF. Elle n'est pas isolée dans ce cas. En outre, d'importants gains de productivité ont été réalisés à cette occasion ;

- on peut ouvrir le débat sur le chiffre d'affaires du fret, et c'est un fait que la SNCF transporte des matières pondéreuses à valeur unitaire faible, produits chimiques, cailloux, produits sidérurgiques... Mais sans cette activité, 7 millions de camions supplémentaires, soit 20 % du trafic actuel, devraient circuler sur les routes  ;

- le marché du transport ferroviaire est sensible à la conjoncture, les évolutions récentes le prouvent. L'entreprise a sans doute des progrès à accomplir dans sa capacité d'absorption des variations de chiffre d'affaires, et elle y travaille, notamment en cherchant à abaisser son point mort ;

- les aménagements comptables existent, mais ils sont à mettre en regard de l'effort que l'État a fait porter à la SNCF pour la construction du réseau TGV, pour un coût total de 20 milliards d'euros, qu'elle ne pouvait supporter. À titre d'exemple, la construction du TGV Méditerranée a été financée à 95 % par l'emprunt ;

- il arrive que les embauches à la SNCF résultent de demandes de l'autorité politique, et soient assumées pleinement par l'entreprise, comme la récente création nette de 200 emplois de sûreté, parallèle à la mise à disposition de 400 policiers par le Ministre de l'Intérieur pour la police des transports ;

- l'application des contrats de plan connaît un retard de 6 mois pour les infrastructures. Dans le cas des gares, la majorité des études est engagée, et la phase de réalisation débute.

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