COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 37

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 4 mars 2003
(Séance de 17 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 632)

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- Examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 632)

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- Informations relatives à la Commission

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de M. Gilles de Robien, ministre de l'Équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 632).

M. Gilles de Robien a rappelé que le premier ministre a annoncé en juillet dernier que le recentrage de l'État sur ses missions essentielles conduisait également à redéfinir l'intervention étatique dans le champ économique, au cas par cas, et avec une approche pragmatique, l'État ayant vocation à se retirer du secteur concurrentiel, sauf lorsque des intérêts stratégiques sont en jeu. Dans ce cadre, fin juillet, a été annoncée la décision du Gouvernement de lancer le processus de privatisation d'Air France.

La situation actuelle de la compagnie Air France est bonne, dans un secteur qui peine à sortir d'une crise profonde amorcée au printemps 2001 et dramatiquement aggravée par les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. Air France a été une des rares compagnies en Europe et dans le monde à ne pas subir de pertes pendant cette période. Elle vient d'enregistrer pour les neuf premiers mois de son exercice 2002-2003, clos le 31 décembre 2002, un résultat net avant impôt de 278 millions d'euros, en progression de 68,5 %. Aujourd'hui, Air France a une structure financière saine, avec un endettement raisonnable et stable. La compagnie enregistre les résultats des efforts accomplis au milieu des années 90 par l'État, l'entreprise et ses salariés. La société a mené à bien un très gros chantier de désendettement, d'assainissement et de restructuration de l'appareil de production.

Ce retour à la rentabilité lui a permis de mieux s'intégrer à une alliance de taille mondiale. En juin 2000, elle a créé l'alliance SkyTeam, avec Delta Air Lines, Aeromexico et Korean Air, rejointes ensuite par Alitalia et la compagnie tchèque CSA. Elle a, en outre, contracté des accords étroits avec Alitalia, qui ont amené les deux sociétés à procéder à une prise de participation réciproque de 2 % de leur capital, et à un échange d'administrateurs. Par ailleurs, Air France a entamé début 2002 des discussions, en vue d'un rapprochement avec KLM, qui se sont accélérées en août 2002 à la suite de la conclusion d'un accord de partenariat entre les compagnies Delta, Northwest et Continental Airlines, ces deux dernières étant alliées à KLM.

Ces discussions montrent que la consolidation du transport aérien européen, pronostiquée par tous, est en train de démarrer. Or, les discussions avec Alitalia et, actuellement, avec KLM montrent qu'il n'est pas envisageable que d'autres compagnies européennes acceptent de lier leur destin à celui d'Air France, en allant au-delà d'une alliance commerciale, tant qu'elle sera contrôlée par l'État. La privatisation d'Air France est donc une condition nécessaire pour qu'elle ne soit pas marginalisée dans la restructuration qui s'ébauche en Europe, et pour qu'elle puisse y jouer un rôle majeur à l'instar de Lufthansa ou British Airways.

En outre, le fait que la compagnie échappe au secteur public renforcera son attrait pour les investisseurs et lui donnera plus de facilité pour financer son développement par le recours aux marchés financiers, par augmentation du capital ou émissions obligataires.

Cette analyse conduit le Gouvernement à considérer que l'intérêt d'Air France et ses perspectives d'alliances militent en faveur d'un retrait partiel de l'État. La participation de l'État au capital sera réduite de 54,4 % à un peu moins de 20 %, pour accompagner la mutation de l'entreprise tout en restant un de ses principaux actionnaires. La privatisation d'Air France ne doit pas faire peser de risques sur ses droits de trafic vers les pays extra-communautaires. En effet, si la majorité du capital d'Air France devait être détenue par des intérêts non français, ces droits de trafic, consentis dans le cadre d'accords bilatéraux, pourraient être mis en cause par les pays concernés, en application des clauses de nationalités figurant dans ces accords.

La Cour de justice des Communautés européennes a rendu, le 5 novembre dernier, un arrêt, dans le cadre d'une procédure concernant les accords conclus avec les États-Unis par huit pays membres, déclarant la clause-type de nationalité des accords aériens contraire au Traité de Rome. Une phase de consultation avec les autres États membres et la commission est en cours pour tirer tous les enseignements de cette nouvelle jurisprudence. Sans que l'on puisse encore dire ce qu'elle sera, il semble inéluctable que la France doive dans le futur négocier une nouvelle clause, communautaire et non plus nationale avec les quelque 120 États avec lesquels ont été signés des accords bilatéraux. Il est indispensable de ne pas laisser les droits de trafic d'Air France sans protection pendant la durée, qui va se compter en années, de ce grand chantier. Toutes les grandes concurrentes d'Air France : British Airways, Lufthansa, Iberia, KLM, disposent de systèmes nationaux permettant de concilier la protection des droits de trafic et le statut d'entreprise privée cotée en bourse.

Le choix du mécanisme que propose le Gouvernement a reposé sur plusieurs critères : il ne devait pas receler de risques juridiques ou financiers indus pour l'État, ce qui a en particulier conduit à rejeter le système néerlandais. Il devait donner toutes les garanties nécessaires de sécurité aux investisseurs. Il devait reposer sur la responsabilité et l'autodiscipline des actionnaires, la cession forcée n'étant utilisée qu'en dernier recours. Enfin, il ne devait évidemment contenir aucune disposition en contradiction avec les engagements européens.

Le texte du projet soumis à l'Assemblée nationale satisfait l'ensemble de ces contraintes et il convient de souligner qu'il n'aura pas à être modifié lorsque l'ensemble des clauses de nationalité bilatérales françaises auront été changées en clauses communautaires.

Toujours dans le domaine de la protection des intérêts généraux, le Gouvernement a, après mûre réflexion, décidé de proposer l'abrogation de l'article L. 342-2 du Code de l'aviation civile, relatif aux missions d'intérêt général imposées par l'État à Air France, qui trouve son origine dans la loi du 16 juin 1948 portant institution de la compagnie Air France. En effet, le retrait progressif de l'État du capital de la compagnie et les obligations d'égalité de traitement et de mise en concurrence limitent considérablement la portée de ces dispositions. Cependant, son abrogation ne supprimera pas la possibilité pour l'État de faire appel à la réquisition ou de contracter avec Air France, comme avec les autres compagnies pour l'exécution d'une mission d'intérêt général. Il convient de préciser que les dispositions de la réglementation communautaire concernant les obligations de service public continueront à s'appliquer à Air France.

Cette évolution placera Air France sur un pied d'égalité avec les autres compagnies françaises et communautaires, en termes de concurrence. Elle pose toutefois la question d'un nouveau cadre pour l'exercice de missions d'intérêt général spécifiques aux transports aériens permettant de pallier les inconvénients de la contractualisation et de la réquisition. Une réflexion a été lancée sur ce sujet afin de déterminer quelles missions d'intérêt général l'État pourrait confier aux entreprises de transport aérien, et quel cadre juridique, prenant en compte l'ensemble des compagnies françaises, pourrait, dans cette perspective, être mis en place.

S'agissant des aspects sociaux de la privatisation, le projet de loi traduit les engagements pris par le Gouvernement en juillet dernier. L'article 2 fixe un cadre législatif qui permettra à l'entreprise de conserver les modalités actuelles de la participation des salariés à la gestion de l'entreprise, sans toutefois l'y contraindre. De même, l'article 3 prévoit de ménager une durée de deux ans pour que le statut du personnel soit transposé en un accord d'entreprise par la négociation collective. Ce texte prévoit également des dispositions qui permettront de poursuivre dans la voie de l'ouverture du capital de 1999 pour constituer un actionnariat salarié important. Les modalités de l'offre réservée aux salariés prévues par la loi du 2 juillet 1998 sont reconduites : les salariés pourront souscrire jusqu'à 15 % du volume d'actions cédées par l'État, aux conditions préférentielles habituelles dans ce type d'opération. De plus, un nouvel échange salaire-actions sera proposé. Il ne sera pas réservé aux seuls pilotes comme en 1999, mais ouvert à tous les salariés volontaires.

S'agissant des modalités et du calendrier, l'opération de privatisation proprement dite nécessite de franchir, en amont, plusieurs étapes juridiques, parmi lesquelles les plus importantes sont l'adoption par le Parlement du projet de loi, la prise d'un décret d'application en Conseil d'État, et la réunion d'une assemblée générale pour modifier les statuts de la société. En outre, la date de l'opération, qui requiert l'information la plus précise possible vis-à-vis des investisseurs potentiels, doit tenir compte du calendrier de publication des informations financières de la compagnie.

La privatisation d'Air France pourrait donc avoir lieu au milieu ou en fin d'année 2003. Le Gouvernement entendant bien évidemment protéger les intérêts des contribuables, l'opération ne se déroulera que lorsque les conditions du marché le permettront. La valeur boursière d'Air France souffre, à ce jour, des conditions générales du marché boursier et des incertitudes liées à la conjoncture mondiale. Compte tenu de ces incertitudes, il n'est pas possible de se prononcer plus précisément sur les modalités concrètes de l'opération, et notamment sur le prix de mise sur le marché des actions. Ces paramètres seront fixés en temps utile avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Il est nécessaire que le dispositif soit mis en place le plus tôt possible pour ne pas laisser passer le moment où les conditions de l'opération seront réunies.

M. Charles de Courson, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que le projet de loi n'est pas un texte de privatisation d'Air France, sur lequel le Parlement s'est déjà prononcé en adoptant la loi de 1993 . Il s'agit d'un dispositif d'accompagnement de la privatisation, dont le champ et la portée touchent l'évolution du cadre juridique et social applicable aux compagnies aériennes. C'est pourquoi il apparaît nécessaire d'expliquer en quoi la privatisation d'Air France est nécessaire et de démonter les idées reçues qui sont actuellement évoqués à l'encontre de l'opération.

Tout d'abord, l'activité de la société Air France ne relève pas globalement d'une mission de service public. En effet, le transport aérien est un secteur concurrentiel, et l'activité d'Air France ne contribue que marginalement aux activités de service public. Sur l'exercice 2001-2002, la part du chiffre d'affaires consacrée à celles-ci, rapportée au chiffre d'affaires total est de 6,2 % et la part de la compensation versée par l'État, à ce titre, est de 0,11 %. En outre, la privatisation d'Air France n'empêchera pas l'État de confier à la compagnie des missions d'intérêt général et d'édicter des obligations de service public, tout en procédant à des appels d'offre pour l'exploitation de lignes aériennes non rentables dans le cas d'une contractualisation. L'État conserve, du reste, des prérogatives en matière de réquisition dans le cas d'une situation d'urgence.

Par ailleurs, le caractère public d'Air France est devenu une anomalie dans l'Union européenne, comme dans le monde. Les grandes compagnies aériennes ont toutes été privatisées : British Airways en 1987, Lufthansa en 1997 et Iberia en 2001. Hormis quelques exceptions, comme SAS ou Alitalia, Air France est la dernière entreprise publique de transport aérien.

La disparition du caractère public de la société est nécessaire à son développement et à sa bonne gestion, dans l'intérêt même du personnel d'Air France. L'État actionnaire connaît un essoufflement de ses capacités financières et ne sera plus capable de faire face aux besoins capitalistiques futurs. De plus, le statut actuel d'Air France l'empêche de passer les alliances qui sont nécessaires à sa stratégie de développement, comme à celle de toute compagnie aérienne. En particulier, le rapprochement avec KLM est aujourd'hui lié à l'exigence d'une privatisation. En effet, dans le cadre de discussions exploratoires intervenues entre Air France et KLM, les représentants de KLM ont indiqué qu'une alliance stratégique à long terme, impérativement associée à des opérations capitalistiques, ne pouvait se concevoir sans la privatisation d'Air France. De la même manière, lorsqu'en 1997, la compagnie Alitalia, à propos de laquelle le Gouvernement italien avait déjà fait le choix d'une privatisation à terme, a orienté son choix d'alliance stratégique européenne sur KLM, l'un des arguments avancé était qu'Air France était encore une entreprise publique.

De plus, l'État ne s'est pas conduit comme un bon actionnaire d'Air France : l'ensemble des dotations en capital de l'État versées depuis 1948 et actualisées au 31 décembre 2001 représente 6,1 milliard d'euros constants. Parallèlement, l'ensemble des dividendes versés à l'État, actualisées au 31 décembre 2001, s'élèvent à 329 millions d'euros. L'État est désormais dans l'impossibilité de procéder à une recapitalisation, la Commission européenne ayant autorisé la dernière opération en ce sens à la condition expresse d'enclencher un processus de privatisation.

Il demeure quelques malentendus sur la privatisation d'Air France. Contrairement aux idées reçues, le statut des salariés n'est pas plus protecteur que la convention collective. Le statut actuel constitue en réalité un succédané de convention collective. Les particularités sociales d'Air France sont aujourd'hui très restreintes. En tout état de cause, le statut public d'Air France n'est pas une garantie contre le licenciement : depuis 1991, 14.287 postes ont été supprimés dans le cadre de plans sociaux, principalement sous la forme de préretraites.

Surtout il convient de cesser les comparaisons hâtives et les parallèles douteux. Les difficultés d'Air Liberté ne concernent en rien Air France. Le moment du dépôt du bilan d'Air Liberté ne doit pas modifier le processus relatif à Air France. De plus, il est inacceptable de se servir de l'argument selon lequel l'entreprise est en bonne santé pour soutenir qu'il ne faudrait pas la privatiser. Ces arguments sont ubuesques. Tout semble indiquer que la privatisation d'Air France est aujourd'hui nécessaire et souhaitable.

M. Charles de Courson, rapporteur, a ensuite présenté les principales questions posées par les dispositions du projet de loi, constitué de six articles d'inégale importance. L'article premier met en place un dispositif de protection des intérêts communautaires à la suite de l'arrêt du 5 novembre 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes. Ce dispositif pose des problèmes en matière de protection des droits des actionnaires. Il convient d'améliorer le texte, afin d'éviter des contentieux ou une annulation fondés sur ce motif. Il est prévu un dispositif dérogatoire en matière de composition du conseil d'administration. Le personnel serait toujours représenté par huit administrateurs, six représentant les salariés et deux les salariés actionnaires. Si le droit commun s'appliquait, le nombre de représentants des salariés devrait passer à cinq. Le projet prévoit la possibilité de maintenir à six ce nombre, ce qui ne semble pas indispensable, un conseil d'administration pléthorique n'étant jamais une bonne chose.

L'article 3 prévoit que le statut qui régit actuellement les personnels sera remplacé par une convention collective. Cela implique qu'Air France adhère aux ASSEDIC, ce qui induit un coût d'environ 70 millions d'euros de cotisations annuelles et une baisse effective de 1,4 % du pouvoir d'achat des salariés au titre des cotisations chômage. L'existence de régimes complémentaires est aussi source de difficulté, tout comme la possibilité pour le personnel navigant commercial de prendre sa retraite dès 55 ans, cette possibilité étant exclue dans le droit commun. La création d'un dispositif transitoire sera probablement nécessaire.

L'article 5 dispose que la privatisation sera accompagnée d'une augmentation de la participation du personnel, laquelle représente actuellement 13 % du capital, dont la moitié est détenue par les personnels navigants. La cession à des conditions préférentielles pourra représenter jusqu'à 6 % du capital. Cet article ne prévoit pas la mise en place d'un accord catégoriel au profit des personnels navigants, contrairement à ce qui s'était passé en 1993. La réduction de 20 % du prix des actions achetées par le personnel est en revanche maintenue. La société Air France remboursera à l'État le coût résultant pour ce dernier de la cession d'une part du capital aux salariés à des conditions préférentielles. Une convention, dont la nature juridique n'apparaît pas clairement, fixera les modalités de ce remboursement. Il semble aussi contestable de qualifier de « remboursement » le versement de cette compensation.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis, a dénoncé l'amalgame entre la situation d'Air France et celle d'Air Lib. Alors que la première est une entreprise publique qui fonctionne selon les règles applicables à une entreprise privée, la seconde était une entreprise privée dont l'activité était entièrement subordonnée au soutien de l'État. Depuis 1993, la possibilité de privatiser Air France est ouverte ; il est plus que temps de la mettre en œuvre, dans la mesure où l'entreprise fonctionne dans un contexte concurrentiel. Il est incontestable que le statut d'entreprise publique a constitué un frein aux évolutions de la compagnie, l'empêchant notamment de nouer de véritables alliances avec Alitalia, KLM ou dans le cadre de Skyteam. L'urgence est d'autant plus grande que la Commission européenne a condamné la situation actuelle. Dans quelle mesure les conditions imposées par la Commission européenne ont-elles été remplies à ce jour ? Quel est le calendrier envisagé pour achever la privatisation ?

M. Jean-Louis Idiart a rappelé que, il y a dix ans, British Airways était le modèle vanté par le gouvernement de l'époque, dans ce secteur. Aujourd'hui cette compagnie se porte bien mal et seule Air France, dont la bonne tenue fait des envieux, domine le marché français. L'évolution a donc été contraire aux prévisions, ce qui ne peut qu'entraîner des doutes quant au projet de loi. Désormais, c'est Air France qui est citée en exemple. Ses bonnes performances ont été réalisées sous son statut d'entreprise publique et un changement ne se justifie nullement et présente des risques évidents. L'annonce de la prochaine privatisation d'Air France et la récente faillite d'Air Lib suscitent de graves inquiétudes outre-mer, la continuité territoriale et l'égalité d'accès au transport aérien risquant de ne plus être assurées. L'aménagement du territoire sera aussi menacé. Le statut du personnel d'Air France est protecteur et la négociation d'une convention collective remplaçant ce statut risque d'aboutir à une dégradation de la situation des personnels. La privatisation ouvre aussi la possibilité de filialisation et d'externalisation de certaines activités, au détriment du maintien de l'emploi.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Christian Blanc s'est félicité de la décision de mettre en œuvre la possibilité de privatisation ouverte depuis 1993 et qu'il avait alors défendue. Il faut en effet donner à Air France toutes les chances de se développer. Si la compagnie n'avait pas été sous statut public, elle aurait pu, en 1997, conclure des accords intégrés avec Alitalia et Iberia, qui lui auraient permis d'atteindre en 2003 le quatrième rang mondial grâce à une zone de chalandise qui représentait alors environ 50 % de la clientèle européenne. De tels accords ne seraient sans doute plus acceptés aujourd'hui par la Commission européenne, mais il est incontestable que le caractère public d'Air France lui a fait prendre du retard face à la concurrence internationale. La situation d'Air Lib n'a rien à voir avec celle d'Air France dans la mesure où ni AOM, ni Air Liberté n'ont jamais disposé des fondamentaux qui leur auraient permis de réellement concurrencer Air France. En fait, cette compagnie n'avait pas les moyens de se développer et il est très regrettable que l'illusion de sa survie ait été si longtemps entretenue aux yeux des salariés.

Le projet est globalement satisfaisant mais pose un problème en ce qui concerne la représentation des salariés. Il existe actuellement plus de quinze syndicats à Air France, nombre trop élevé et préjudiciable aux salariés eux-mêmes, car cette multiplicité alimente les corporatismes et des relations sociales tendues, au sein même de l'entreprise. Cette situation ne doit pas être favorisée. Aussi, ne faut-il pas accorder une importance excessive au personnel navigant technique et au personnel navigant commercial (PNC) par rapport aux « autres salariés » visés par le projet. Le code de l'aviation civile prévoit l'existence de deux collèges, l'un regroupant le personnel navigant, l'autre le personnel au sol. Le texte pourrait disposer que les salariés ne soient représentés que par quatre à six administrateurs : leur nombre pourrait ainsi être progressivement ramené de six à quatre afin de limiter la tendance à l'émiettement du paysage syndical.

En réponse aux différents intervenants, M. Gilles de Robien a apporté les précisions suivantes :

- le droit commun paraît suffisant pour assurer la protection des droits de la défense. Les actionnaires pouvant, en effet, saisir le tribunal de grande instance, il n'est pas nécessaire d'introduire une disposition spécifique permettant une action concernant la gestion de l'entreprise. Elle pourrait, en outre, constituer une gêne lors d'éventuelles opérations de fusion ;

- il convient de ne pas bouleverser la représentativité des organisations de salariés, garantie de la paix sociale ;

- le personnel navigant commercial peut quitter l'entreprise à 55 ans ou choisir d'y rester jusqu'à 60 ans parfois avec une reconversion, par exemple en activité au sol. Aujourd'hui, il peut percevoir une prime de départ et une retraite complémentaire jusqu'à 60 ans. A l'avenir, il percevra une indemnité de licenciement et la retraite complémentaire ;

- la privatisation de l'entreprise ne pourra pas avoir lieu avant l'adoption de la loi et la publication des comptes. La mise sur le marché de 35 % du capital pourra être effectuée à partir de l'été ou de l'automne 2003, éventuellement par tranches ;

- le statut d'Air France doit impérativement évoluer. Aujourd'hui, les compagnies comparables à Air France sont freinées dans leur volonté de conclure des alliances avec la compagnie à cause de la part prédominante de l'État dans le capital. En outre, le financement des investissements dépend aussi de cette privatisation. La participation de l'État doit être largement minoritaire ;

- s'agissant de la continuité territoriale et des dessertes des départements d'outre-mer, Air France et Corsair, dont l'offre est en augmentation, les assurent. Il n'y a pas de problème de desserte des Antilles et la création d'une autre entreprise est envisageable. De même, des propositions de reprise, au moins partielle, d'Air Lib sont étudiées. La desserte de l'outre-mer ne pose pas de problème en termes d'offre mais il semblerait qu'elle en pose en termes de coût pour les passagers ;

- des opportunités de privatisation ont été gâchées dans le passé. La situation de la compagnie est aujourd'hui handicapante, il convient de lui donner une voilure nouvelle ;

- il faut passer un bon accord avec les salariés en soulignant que leur avenir réside davantage dans une compagnie privatisée. Ils disposent de six postes au conseil d'administration, les salariés actionnaires de deux ou trois et les actionnaires privés de douze ou treize, portant ainsi le nombre total de membres au maximum possible, soit vingt-et-un ;

- s'agissant de la part relative du personnel navigant technique et commercial, il convient de maintenir les collèges actuels, en laissant la possibilité à six salariés de siéger au conseil d'administration, la situation évoluera à l'avenir : la compagnie compte dix-neuf syndicats.

Après avoir rappelé que les comités départementaux de l'habitat allaient se tenir prochainement, M. Jean-Louis Dumont a souligné que les entreprises du bâtiment allaient donc bientôt connaître leur plan de charge. Dans ce contexte, le gel de crédits du ministère va-t-il toucher la ligne fongible du logement locatif social ? N'y a-t-il pas une contradiction entre la démarche de décentralisation entreprise par le Gouvernement et la concentration des moyens destinés au logement social ? S'agissant de l'accession à la propriété, les acheteurs ont besoin de confiance. Il convient donc de clarifier les situations et d'indiquer les moyens qui seront réellement mis en œuvre pour favoriser l'accession à la propriété, qui est plus qu'un rêve pour nombre de nos concitoyens puisqu'elle permet, notamment, la constitution d'un patrimoine en vue de la retraite.

Après avoir indiqué que la deuxième lecture du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction permettrait d'approfondir ces questions, M. Gilles de Robien a confirmé que la ligne fongible devrait être concernée par les mises en réserve budgétaires. Ces mesures ne devraient cependant pas retarder le lancement des opérations. S'agissant de l'aide à la pierre, les moyens, largement fongibles, sont déconcentrés au niveau du préfet de région. Ils sont très souvent délégués aux agglomérations et aux départements et font l'objet de conventionnements avec les bailleurs sociaux. L'encouragement à l'accession à la propriété nécessite deux types de mesures. Un texte récemment adopté au Sénat propose d'assouplir des règles d'urbanisme, trop handicapantes, adoptées ces dernières années. En outre, un projet de loi relatif à l'habitat devrait être présenté à l'automne. Il devrait favoriser l'accession sociale à la propriété et encourager l'offre de logements.

Puis la commission a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Article premier : (Art. L. 330-1 à L. 330-9 et L. 330-10 à L. 330-14 [nouveaux] du code de l'aviation civile) : Dispositions relatives au suivi et à la régulation de la nature de l'actionnariat des sociétés cotées de transport aérien

La commission a tout d'abord examiné deux amendements rédactionnels de M. Charles de Courson, rapporteur, visant à adapter la numérotation des articles aux structures du code de l'aviation civile. Les quatre articles du code de l'aviation civile, devenant les articles L. 360-1 à L. 360-4, devraient s'insérer dans un nouveau titre relatif aux : « entreprises de transport aérien dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ». La commission a adopté ces deux amendements.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement visant à préciser que les pouvoirs d'injonction créés par le présent article sont confiés au président du conseil d'administration ou, s'il s'agit d'une société à conseil de surveillance, au président du directoire de toute société de transport aérien cotée. L'incertitude consistant à savoir si ce pouvoir doit être donné au président du conseil de surveillance plutôt qu'à celui du directoire a été résolue au vu de la plus grande capacité de réaction opérationnelle de ce dernier, dès lors que l'évolution de la nature de l'actionnariat viendrait à menacer l'activité économique de la société. Après que M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ait fait part de son accord, la commission a adopté cet amendement.

Elle a également examiné un amendement du rapporteur tendant à prévoir que le ministre chargé des transports sera tenu informé de l'évolution de l'actionnariat des compagnies aériennes cotées, dans le cas où leur licence d'exploitation ou les droits de trafic dont elles bénéficient seraient menacés. Le rapporteur a indiqué que l'État ayant négocié les traités internationaux sur le fondement desquels la société Air France bénéficie aujourd'hui de droits de trafic avec des pays tiers, conjugué au fait qu'il reste un intérêt général, moins impérieux que l'intérêt socio-économique de la compagnie à voir sa licence et ses droits de trafic protégés, justifient de permettre au ministre d'être tenu informé de l'éventuelle menace portant sur l'intérêt général comme sur la substance des accords qu'il a négociés, sans pour autant faire du ministre un acteur opérationnel de la procédure de cession forcée. Cet amendement est justifié par le souci de parvenir à un équilibre bien proportionné entre la défense de l'intérêt général et celle de l'intérêt socio-économique de la compagnie.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a souhaité savoir si cette disposition relevait du domaine de la loi. M. Charles de Courson, rapporteur, a indiqué que la loi devait aménager pour le ministre cette possibilité d'être tenu informé, alors même que rien ne le permettrait aujourd'hui. Le Président Pierre Méhaignerie, souhaitant que l'on ne rigidifie pas à outrance la législation, a jugé utile de donner l'occasion au ministre de s'exprimer en séance publique sur cet amendement. La commission a adopté cet amendement.

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi visait à insérer dans le code de l'aviation civile des dispositions, de portée générale, donnant aux compagnies aériennes cotées, lorsque leur licence ou leurs droits de trafic sont susceptibles d'être menacés, la possibilité d'enjoindre à certains de leurs actionnaires, par priorité les actionnaires non communautaires ou assimilés, de céder tout ou partie de leurs titres, après information de l'ensemble des actionnaires et du public. Puis, il a présenté un amendement tendant à requalifier la procédure d'injonction. Cette injonction pourrait en effet apparaître comme une prérogative disproportionnée, de nature quasi-juridictionnelle, donnée au président de la société, c'est-à-dire à une personne privée. Or, ce texte ne saurait procéder à une mention d'un terme qui relève des procédures judiciaires. Pour lever toute ambiguïté, le terme « injonction » pourrait être remplacé par le terme « mise en demeure », une procédure courante en droit privé. M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a indiqué qu'il partageait la position du rapporteur. Après que ce dernier a souligné que le Gouvernement lui avait exprimé un avis favorable sur cet amendement, la commission l'a adopté.

M. Charles de Courson, rapporteur, a ensuite présenté un amendement visant à supprimer la dernière phrase de l'article L. 330-12 nouveau du code de l'aviation civile, selon laquelle les titres des actionnaires faisant l'objet d'une injonction par la société sont privés du droit de vote à compter de cette injonction et jusqu'à la date de leur cession. Un risque constitutionnel pèse sur cette formulation, eu égard à la disproportion entre la simple injonction qui est faite aux actionnaires et l'atteinte au droit de propriété que constitue une privation du droit de vote. Cette procédure apparaît donc très disproportionné au regard de l'intérêt général en cause. Il convient d'assurer une protection des actionnaires minoritaires, alors que le mécanisme s'apparente presque à une sanction, prononcée à l'initiative de la société. M. Daniel Garrigue s'est interrogé sur la portée réelle de cet amendement.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que, s'il ne s'agissait pas juridiquement d'une sanction, il était essentiel de poser le problème de la protection du droit de propriété et de la liberté d'entreprendre, qui ont rang de principes constitutionnels.

M. Charles de Courson, rapporteur, a indiqué que cet amendement se justifiait également par le fait qu'il s'inscrit, à côté des autres amendements, au sein de l'économie globale du dispositif du présent article. M. Jean-Pierre Gorges a indiqué qu'il partageait la position du rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

M. Charles de Courson, rapporteur, a présenté un amendement visant à préciser les voies de recours ouvertes aux actionnaires de la compagnie aérienne, qui pourraient subir un préjudice en l'absence de mise en œuvre de la procédure de cession forcée. Quelles voies de recours sont ouvertes aux actionnaires de la compagnie dans le cas où le président n'userait pas des prérogatives qui lui sont confiées par le présent article ? Si le président de la compagnie aérienne n'utilise pas sa prérogative de mise en demeure ou s'il l'utilise sans mettre en œuvre le reste de la procédure de cession forcée, il convient de rendre possible la saisine, par les actionnaires, du président du tribunal de grande instance de Paris. Ce dernier doit pouvoir, dans le même but de protection de la licence d'exploitation ou des droits de trafic de la compagnie, se substituer au président de la société pour mettre en œuvre l'ensemble de la procédure de cession forcée.

Le Gouvernement a indiqué que les voies de recours de droit commun devaient permettre de garantir la constitutionnalité du dispositif, dans la mesure où la responsabilité civile des administrateurs pourrait toujours être mise en cause, en cas d'inaction, au moyen d'une action sociale par un ou plusieurs actionnaires. Selon lui, dans l'hypothèse d'un défaut de mise en œuvre de la procédure de cession forcée par les dirigeants de la société, chaque actionnaire pourrait intenter une action en responsabilité à leur encontre pour faute de gestion. L'efficacité pratique des voies de recours de droit commun apparaît insuffisante au regard du caractère inédit des dispositions introduites par le présent article. L'amendement présenté permet d'offrir aux actionnaires des voies de recours claires, propres à permettre à la justice d'intervenir au moment même où la menace sur les droits de trafic et la licence d'exploitation se produit, et non pas postérieurement à celle-ci. Dans le cas où le président du tribunal de grande instance de Paris estime que la procédure de cession forcée devrait être mise en œuvre, les titres en cause sont privés du droit de vote, à compter de la date de la saisine du président du tribunal de grande instance de Paris et jusqu'à la date de leur cession. A contrario, si le tribunal de grande instance de Paris estime qu'il n'y a pas lieu de mettre en œuvre ces dispositions, le titulaire des titres en cause recouvre les droits de vote qui y sont attachés. M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a indiqué qu'il était effectivement nécessaire d'apporter des éclaircissements sur les voies de recours, dans le cas d'une attitude ambiguë du président de la société.

M. Louis Giscard d'Estaing s'est demandé si un tel contentieux relatif à des actions ne devait pas relever de la compétence du tribunal de commerce. Une mesure de séquestre des actions n'est-elle pas préférable ?

M. Charles de Courson, rapporteur, a précisé que la question de la compétence juridictionnelle adéquate avait fait l'objet d'un large débat, mais que le projet de loi faisait le choix d'une spécialisation de ce contentieux auprès du tribunal de grande instance de Paris, juridiction déjà spécialisée de facto dans le droit boursier. La suspension des droits de vote est une solution plus rapide et plus efficace, dans la mesure notamment où il ne s'agit pas de priver les actionnaires de la libre disposition de leurs titres, lesquels doivent en toute hypothèse pouvoir être cédés. La commission a adopté cet amendement.

Le rapporteur a ensuite présenté un amendement de conséquence, faisant mention explicite du président du conseil d'administration ou du directoire de la société dans la procédure. La commission a adopté cet amendement.

Le rapporteur a présenté le dispositif de l'article L. 330-13 nouveau du code de l'aviation civile, selon lequel, dans le cas où les actionnaires visés n'obéissent pas à l'injonction du président de la société, celle-ci peut saisir le président du tribunal de grande instance de Paris, qui désigne un prestataire de services d'investissement chargé de faire procéder à la cession des titres sur le marché où la compagnie est cotée, si la liquidité de l'action est suffisante au regard de conditions fixées par décret en Conseil d'État. Or, il est prévu que le président du tribunal de grande instance de Paris statue par ordonnance en référé et sans recours possible. L'exclusion des voies de recours s'applique, par sa généralité, au pourvoir en cassation comme à toute autre voie de recours.

Le rapporteur a présenté un amendement visant à supprimer l'exclusion de toute voie de recours, afin de garantir les exigences minimales du droit au recours dans le cadre de la procédure de saisine du président du tribunal de grande instance de Paris. Même si le Gouvernement risque de s'accrocher à la rédaction initiale du texte, en justifiant celle-ci par la nécessité d'une procédure rapide, il est nécessaire de garantir le droit au recours.

M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a indiqué qu'il partageait la position du rapporteur. La commission a adopté cet amendement.

Le rapporteur a présenté un amendement de conséquence visant à supprimer le deuxième alinéa de l'article L. 330-13 nouveau du code de l'aviation civile. Puis la commission a adopté un amendement du rapporteur, de conséquence, tendant à supprimer le deuxième alinéa de ce même article.

La commission a ensuite adopté l'article premier, ainsi modifié.

Article 2 : (Art. L. 342-3 du code de l'aviation civile) : Composition du conseil d'administration de la société Air France

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3 : Dispositions relatives au passage des salariés d'Air France du statut public au droit privé

Le rapporteur a présenté un amendement visant à offrir plus de souplesse à la société Air France, afin de lui permettre, si elle le souhaite, d'engager les négociations avec les organisations syndicales représentatives des salariés dès la promulgation du projet de loi et, au plus tard, à compter de la date de transfert au secteur privé de la majorité du capital. M. Daniel Garrigue a souhaité savoir si cet amendement n'aurait pas pour effet de différer la négociation après le transfert de la majorité du capital au secteur privé.

M. Charles de Courson, rapporteur, a précisé que cet amendement visait, au contraire, à donner à la société la possibilité d'engager, avant la privatisation, les négociations sur la convention ou les accords d'entreprise devant se substituer au statut du personnel, ce que la rédaction de cet article paraît exclure. La commission a adopté cet amendement ainsi que l'article 3 ainsi modifié.

Article 4 : Dispositions transitoires relatives à la prolongation du conseil d'administration de la société Air France après la privatisation

La commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur et l'article 4, ainsi modifié.

Article 5 : (Art. 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998) : Dispositions relatives à l'actionnariat salarié de la société Air France

M. Charles de Courson, rapporteur, a précisé que cet article autorisait l'État, dans le cadre d'une opération de cession d'une participation qu'il possède dans la société Air France, à céder, gratuitement ou à des conditions préférentielles, des actions du capital d'Air France dans la limite de 6 % de son capital, aux salariés ayant consenti à des réductions de salaire. Après avoir renoncé, eu égard aux impératifs d'équilibre entre cet échange salaire-actions et l'offre réservée aux salariés, à augmenter la limite autorisée à 9 % du capital, le rapporteur a présenté un amendement permettant de répondre à une imprécision du texte. Il convient de donner au ministre de l'économie la faculté de réguler le dispositif d'échange salaire-actions, dans le cas où la demande des salariés serait plus forte que prévue. Si cette demande excédait la limite de 6 % du capital de la société, le ministre de l'économie doit pouvoir fixer par arrêté les conditions de la réduction de cette demande. M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, a exprimé son entière approbation sur cet amendement, qui répond à un oubli. La commission a adopté cet amendement.

Puis, M. Charles de Courson, rapporteur, a présenté quatre amendements rédactionnels, que la commission a adoptés.

M. Charles de Courson, rapporteur, a précisé qu'il est prévu que la société rembourse l'État du coût qui résultera pour lui de la cession d'actions, en tenant compte, notamment de l'augmentation de la valeur de sa participation au capital d'Air France résultant des réductions de salaire. Un décret en Conseil d'État doit préciser les critères permettant d'apprécier ce coût et une convention conclue entre l'État et la société doit définir les modalités d'indemnisation de celui-ci. Le rapporteur a présenté un amendement visant à permettre au Gouvernement d'apporter des précisions quant à la nature et aux modalités de la déductibilité fiscale du coût remboursé par la société Air France à l'État dans le cadre de la mise en œuvre de l'opération d'attribution d'actions gratuites en échange de réductions de salaires par les salariés. En effet, il convient d'assurer en toute hypothèse la neutralité du dispositif pour que à l'occasion de l'opération de réduction de salaire, compte tenu de la part d'actions déjà détenue par le personnel et de la part qu'il pourra acquérir, et eu égard au mécanisme d'actualisation, l'État ne paye indûment davantage que le montant induit en propre par la compensation de la baisse des salaires. M. Gilles Carrez, rapporteur général, et M. Jean-Pierre Gorges, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, ont demandé des éclaircissements sur ce remboursement.

Le rapporteur a indiqué que la déductibilité fiscale ne devait être possible que dans le cas où le remboursement donnerait lieu, au plan comptable, à la constatation d'une charge. M. Louis Giscard d'Estaing s'est interrogé sur la nécessité de gager cet amendement. Le rapporteur a précisé qu'il s'agissait d'un gage de précaution dans le cas où la neutralité financière du dispositif serait mise en doute. En toute hypothèse, l'amendement tend à préciser sur quel exercice la déduction fiscale s'impute. A ce titre, on doit considérer, scrupuleusement, qu'il implique une perte de recettes. La commission a adopté cet amendement.

Enfin, le rapporteur a présenté un amendement visant à préciser les voies de recours ouvertes aux actionnaires qui jugeraient que le remboursement de la société à l'État leur porte préjudice. En effet, on ne peut exclure l'hypothèse d'une convention léonine, laquelle induirait un excès de remboursement. En outre, il convient de préciser quel est le tribunal compétent, en cas de contentieux, car la nature même de la convention peut se prêter à des interprétations diverses. L'examen des recours contre cette convention devrait donc relever de la compétence du tribunal de grande instance de Paris, que le projet de loi spécialise déjà dans le contentieux de la procédure de cession forcée des titres.

M. Gilles Carrez, rapporteur général a souhaité savoir si cette disposition relevait du domaine de la loi. M. Charles de Courson, rapporteur, a indiqué qu'une disposition législative était effectivement indispensable pour déroger à l'interdiction de principe de rémunérer les salariés sous forme d'actions. Il en va de même s'agissant de la juridiction compétente. Le Gouvernement, en dépit de l'imprécision des réponses qu'il a fournies quant à cette compétence, est opposé, en l'état, à cet amendement. La commission a adopté cet amendement.

La commission a adopté l'article 5 ainsi modifié.

Article 6 : (Art. L. 341-1, L. 342-1, L. 342-2 et L. 342-4 du code de l'aviation civile) : Mise à jour du code de l'aviation civile

La commission a adopté cet article sans modification.

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi modifié.

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Informations relatives à la Commission

La commission des Finances a nommé :

M. François Goulard rapporteur sur le projet de loi de sécurité financière.

M. Charles de Courson rapporteur sur le projet, adopté par le Sénat, relatif aux entreprises de transport aérien et notamment à la société Air France (n° 632).


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