COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 56

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 21 mai 2003
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Échanges de vues sur la MEC

- Examen des propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle relatives à l'intervention des architectes et des services archéologiques dans les procédures de sauvegarde du patrimoine (M. Laurent HÉNART, rapporteur de la MEC)

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Un échange de vues a tout d'abord eu lieu suite à la réunion du 20 mai 2003, au cours de laquelle ont été examinées les conclusions du rapport de la MEC relatives aux organismes publics d'évaluation et de prospective économiques et sociales (M. Georges Tron, Rapporteur de la MEC).

M. Augustin Bonrepaux a demandé que, suite à cette réunion, il soit noté que les membres du groupe socialiste n'ont pas adhéré aux travaux de la MEC.

Le Président Pierre Méhaignerie, prenant acte de cette demande, a indiqué que le rapport de M. Georges Tron avait été adopté avec toutes les observations des groupes, la Commission étant une enceinte différente de la MEC ; il est apparu que les objectifs sont largement partagés, mais que des divergences existent sur les propositions.

M. Didier Migaud a contesté que ce rapport puisse être considéré comme un rapport de la MEC, un vote formel n'ayant apparemment pas eu lieu au sein de la mission. Ceci ne crédibilise pas le travail de la MEC. Le Rapporteur a fourni, certes, un important travail, mais n'a pas fait preuve d'esprit d'ouverture, à la différence de M. Laurent Hénart, qui a œuvré pour réunir un consensus autour de conclusions.

Pourquoi la MEC se penche-t-elle à nouveau sur le thème de la redevance audiovisuelle ? La MEC prend une mauvaise tournure en ne se saisissant pas des thèmes pertinents et en s'éloignant de l'esprit constructif qui avait été défini par le Président Pierre Méhaignerie. Il faut trouver des sujets permettant une véritable évaluation.

M.  Augustin Bonrepaux a souhaité ne pas apparaître comme co-président de la MEC, s'agissant des organismes d'évaluation.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a fait part de sa déception quant à l'attitude des membres du groupe socialiste. En effet, ces derniers se livrent, dans leur contribution écrite sur les conclusions du rapport, à une remise en cause quasi systématique des points d'accord ; en revanche, les contributions des membres du groupe des députés communistes et républicains et du groupe UDF suivent une démarche cohérente, conforme au cheminement des travaux. Il faut rapprocher les propositions nos 3 et 5 contenues dans le rapport de M. Georges Tron : la politique d'aménagement du territoire peut être élaborée par une structure directement rattachée au Premier ministre. Un désaccord final apparaît cependant sur l'aménagement du territoire, mais chacun a pu faire valoir son point de vue, et la qualité des travaux de la MEC n'est nullement remise en cause.

Quant au thème de la redevance audiovisuelle, décidé après un débat où chacun a pu faire valoir son point de vue, il s'inscrit parfaitement dans le calendrier resserré de la MEC, et il est opportun puisque le Gouvernement lui-même est convenu de la nécessité d'actualiser la réflexion menée, il y a trois ans, sur le sujet.

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Puis, la Commission a examiné, sur le rapport de M.  Laurent Hénart, Rapporteur de la MEC, les conclusions relatives à l'intervention des architectes et des services archéologiques dans les procédures de sauvegarde du patrimoine.

M. Laurent Hénart, Rapporteur, a souligné les liens existant entre les deux volets du travail de la Mission d'évaluation et de contrôle, l'archéologie préventive et la protection du patrimoine monumental. Dans les deux cas, l'État joue imparfaitement son rôle : celui-ci doit être recentré et mieux articulé avec celui d'autres opérateurs, dans un cadre de responsabilités clarifiées. Les délais et les coûts des procédures doivent être maîtrisés.

Le premier axe des propositions concerne le retour de l'État au centre du dispositif d'archéologie préventive : il lui reviendrait de sélectionner et d'agréer les opérateurs potentiels, selon un système différent pour les opérateurs publics et les opérateurs privés, et de choisir entre eux, en concertation avec l'aménageur pour les opérations de fouilles.

Sur la question du Président Pierre Méhaignerie, le Rapporteur a précisé que 11 % des permis de construire ont été transmis aux services régionaux d'archéologie en 2002.

Après avoir rappelé les difficultés rencontrées par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) depuis sa création, il a insisté sur la nécessité d'élaborer un projet d'établissement lui permettant de remplir ses missions d'analyse scientifique et de mise en valeur des découvertes archéologiques, et son rôle d'opérateur sur les gros chantiers, dans le cadre d'une organisation plus décentralisée et à effectifs permanents constants, le recours à des personnels détachés ou sous contrat à durée déterminée demeurant possible pour répondre aux pics d'activité. La réalisation des diagnostics doit être effectuée en amont des demandes de permis de construire. Cette mesure pourrait être rendue obligatoire dans le cadre de la préparation d'une opération d'aménagement (zone d'aménagement concertée, lotissement, permis de construire groupés) et être facultative lors de la création ou de la révision d'un plan local d'urbanisme, d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, d'un secteur sauvegardé ou d'une carte communale. Les délais de réalisation des différentes étapes de la procédure doivent être fixés par la loi ou par la convention selon leur nature (administrative ou opérationnelle) et les sanctions systématiquement appliquées en cas de dépassement.

La régulation des dépenses passe par une motivation précise de chaque prescription et par l'adoption du principe de la prise en charge des fouilles par l'aménageur, des dérogations étant possibles dans deux cas : l'État accorderait une subvention aux fouilles lorsqu'aucun renseignement archéologique sur le terrain devant être fouillé n'est disponible en amont et mettrait en œuvre un fonds de solidarité archéologique, à gestion déconcentrée, dans les zones qui ne peuvent se développer sans occuper des terrains riches du point de vue archéologique. Un financement public sera donc nécessaire pour couvrir le fonds de péréquation, le coût des diagnostics et l'équilibre financier de l'INRAP. Une mission d'inspection est actuellement chargée d'évaluer les moyens nécessaires, qui seraient de l'ordre de 100 millions d'euros. Il existe certainement des possibilités de redéploiements de crédits au sein du budget général.

Pour boucler ce financement, le système des redevances doit être profondément réformé : la redevance de fouilles serait supprimée et la redevance de diagnostic pourrait devenir une redevance pour étude archéologique, due à raison d'une demande de permis de construire ou d'aménagement transmise aux services régionaux d'archéologie. Son recouvrement devrait être confié au Trésor public, et non à l'INRAP, qui n'en sera plus le seul bénéficiaire. Il pourrait s'inspirer de celui de la taxe locale d'équipement. Le calcul de l'assiette de la redevance pourrait aussi suivre celui de cette taxe, qui présente l'avantage de tenir compte de la valeur forfaitaire du terrain.

M. Alain Rodet, faisant référence à l'audition de M. Alain van der Malière, a insisté sur la nécessité de fixer des priorités scientifiques en matière d'archéologie préventive. Mais l'administration est-elle prête à s'adapter rapidement ?

M. Daniel Garrigue s'est réjoui des excellentes propositions du Rapporteur, qui répondent aux difficultés d'application de la législation en vigueur. Des interrogations demeurent toutefois : quel sera le mode de financement des fouilles proprement dites, indépendamment du diagnostic ? Par quoi entend-on remplacer la formule de calcul actuelle, très complexe ? L'exemple récent d'un propriétaire privé à qui sont réclamés 28.000 euros pour un demi-hectare de terrain illustre le problème. Quant aux aménageurs, notamment ceux de statut privé, comment seront-ils aidés financièrement ?

Rappelant que les travaux de la MEC sur ce sujet avaient pour origine un amendement déposé par M. Daniel Garrigue sur le projet de loi de finances pour 2003, M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a félicité le Rapporteur et souligné le déroulement exemplaire des travaux, dont le calendrier coïncide parfaitement avec les intentions du Gouvernement : celui-ci devrait examiner en juin un projet de loi réformant le financement de l'archéologie préventive.

Ce financement ne doit plus être organisé autour du seul INRAP, car cet établissement public n'a pas vocation à collecter et à gérer une taxe. En cohérence avec les principes de la loi organique relative aux finances publiques, le caractère d'imposition de toute nature de la nouvelle taxe à instaurer conduira à la gérer selon le droit commun, ce qu'il faut saluer. La ressource ainsi perçue servira à la fois à abonder le fonds de péréquation et le budget de l'INRAP. Si l'on retient le modèle de la TLE, il faut bien voir que cette taxe n'existe pas dans chaque commune. Par ailleurs, s'agissant d'un impôt local, les maires s'exposeront au mécontentement des contribuables qui seront davantage taxés. Il faudra donc faire preuve de courage sur ce point, de même que dans le cas d'un éventuel conflit avec l'INRAP. La mécanique de la TLE est bien rôdée, et par conséquent la proposition du Rapporteur présente cependant beaucoup d'avantages.

M. Marc Laffineur a félicité le Rapporteur pour son sens du dialogue et pour son important travail, qui correspond tout à fait au rôle de la MEC. Il conviendra d'être attentif aux échanges avec le Gouvernement sur ce sujet, sachant qu'on a pu croire, initialement, à une certaine opposition entre le point de vue de ce dernier et celui de la MEC quant à l'architecture de la réforme à élaborer. Une synthèse harmonieuse est nécessaire.

La transformation proposée des modalités de financement est la meilleure et la moins onéreuse des solutions, mais elle nécessitera un travail d'explication auprès des maires. Il n'est pas sain que l'INRAP assure à la fois la collecte d'une taxe et sa gestion.

Le Président Pierre Méhaignerie a soulevé deux séries d'interrogations, appuyées sur deux exemples concrets : pour un lotissement de 100.000 mètres carrés à 15 euros par mètre carré, pourquoi les redevances sont-elles 20 fois supérieures à celles dues pour un terrain dont la valeur vénale est bien supérieure ? Pourquoi un traitement à ce point différent entre les villes suivantes : l'une ayant payé 10.000 euros pour la mise au jour d'un cimetière du VIIe siècle, l'autre 300.000 euros pour un lotissement de 8 euros par mètre carré, et la troisième, qui n'a jamais eu à connaître de fouilles et ne sait pas quelle contribution elle devra verser demain ?

Après que M. Gilles Carrez, Rapporteur général, eut cité la formule mathématique de calcul des redevances prévue par la loi, le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur l'incompréhension totale de ce texte pour les conseils municipaux.

Suite à ces interventions, M. Laurent Hénart, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- les redevances de fouilles ne sont pas assises sur la valeur vénale du terrain mais correspondent au coût moyen des fouilles pratiquées, multiplié par des facteurs reflétant le caractère simple ou complexe des sites à fouiller. Citant son cas personnel, le Rapporteur a relevé qu'une intervention auprès d'une DRAC, conduisant à la requalification d'une structure complexe en structure simple, avait permis de diviser par huit la somme demandée à une commune ;

- la définition de priorités scientifiques pour les chantiers archéologiques se pratique déjà dans certaines régions, comme la Lorraine ou la Bourgogne : les opérations de fouilles sont décidées en fonction du patrimoine archéologique local existant, et guidées par des motifs éducatifs ou culturels, d'où l'importance d'une appréciation décentralisée des fouilles à effectuer, en plus du débat national ;

- le calcul de la taxe à percevoir devrait reposer sur le principe d'une simple facturation du coût supporté pour les fouilles. Dans le cas d'une commune qui lotit ou fait lotir un terrain « archéologiquement purgé », qui n'aurait donc pas à faire l'objet de fouilles, la taxe à acquitter pourrait être calculée sur la même assiette que la TLE, au lieu, comme aujourd'hui, et comme proposé par le Gouvernement, d'une redevance de 32 centimes d'euro par mètre carré construit, ce qui ne tient pas compte de la valeur du terrain. Dans le cas d'un terrain qui ne serait pas « purgé », un droit à subvention serait prévu pour encourager l'archéologie prévisionnelle. Enfin, dans une région où la densité archéologique est connue de l'État, si une commune ne pouvait se développer autrement que sur des terrains riches en vestiges, le fonds de péréquation devrait la soutenir financièrement. Les critères d'intervention du fonds doivent s'apprécier de façon décentralisée.

M. Marc Laffineur a fait observer qu'une gestion décentralisée imposera de tenir compte des différences existant entre départements.

M. Laurent Hénart, Rapporteur, a répondu que pour un terrain étudié par l'État, la redevance d'étude archéologique était due par l'aménageur, aucun redevance n'étant due par les collectivités territoriales procédant elles-mêmes, via leur service d'archéologie, à l'étude du terrain. Tel est déjà le cas dans la loi actuelle. La réforme du calcul est un exercice contraint. Il faut supprimer la redevance de fouilles, beaucoup trop complexe. Quant au mécanisme de remplacement, il doit se concevoir par rapprochement avec l'existant, dans une optique de maîtrise de l'emploi public ; en effet, la collecte de la redevance mobilise actuellement 12 % des effectifs de l'INRAP. Pour l'aménagement du territoire, le fonds de péréquation est utile. Mais le doter suffisamment suppose d'intégrer la taxe ad hoc dans le budget de l'État, et non dans celui de l'établissement public. En croisant tous ces paramètres, le choix de la TLE s'est imposé. Elle n'est, certes, perçue que dans 40 % des communes, mais sur la même assiette sont déjà calculées des taxes départementales, sur les espaces naturels notamment, perçues aussi dans des communes sans TLE. On pourrait donc y ajouter une redevance d'étude archéologique, dont le produit irait au budget de l'État.

M.  Gilles Carrez, Rapporteur général, a souligné l'importance du traitement de la chaîne de collecte de la redevance.

M.  Laurent Hénart, Rapporteur, a rappelé qu'un projet de loi concernant l'archéologie préventive, en cours d'élaboration afin d'être déposé au début du mois prochain, l'abordait. La Mission ne vise pas, en la matière, par principe, à s'opposer au ministère de la Culture, d'autant que le Gouvernement a pris soin de tenir compte de ses préoccupations. Mais il reste un point de friction concernant non les modalités de calcul de la redevance d'étude archéologique mais sa collecte. Le Gouvernement est favorable à une collecte par l'INRAP. La Mission préférerait, quant à elle, une collecte, sur le modèle de la taxe locale d'équipement, par un service de l'État.

M.  Marc Laffineur a souhaité que les parlementaires pèsent sur la décision finale du Gouvernement.

M.  Laurent Hénart, Rapporteur, a noté, en effet, que le Gouvernement avait bien voulu, d'ores et déjà, modifier son projet compte tenu des travaux de la MEC. Par exemple, il a admis que la charge résultant des fouilles soit supportée par les aménageurs.

Il convient de relever qu'une mission commune, constituée de représentants de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'administration des affaires culturelles et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, étudie actuellement le rôle et les modalités de gestion de l'INRAP. Sa récente note d'étape aboutit quasiment aux mêmes conclusions que la MEC et n'envisage pas de collecte de la redevance par l'établissement public.

M.  Augustin Bonrepaux a souligné la qualité du travail mené par la MEC et l'ouverture d'esprit du Rapporteur. Il a indiqué que le groupe socialiste souhaitait adopter les propositions de la MEC relatives à l'archéologie préventive.

La Commission a ensuite adopté, à l'unanimité, ces propositions.

En matière de patrimoine monumental, M. Laurent Hénart, Rapporteur, a indiqué qu'il était nécessaire de remettre de l'ordre dans les missions et responsabilités de chacun. Le rôle de l'État doit être recentré sur ses compétences régaliennes et sur la protection du patrimoine dont il est propriétaire et dont l'état est particulièrement dégradé. Les architectes des bâtiments de France (ABF) verraient ainsi leur mission de maîtrise d'œuvre limitée aux travaux sur le patrimoine de l'État. La Mission propose de faire étudier la décentralisation de l'ensemble des compétences de l'État relatives aux monuments inscrits au profit des régions. Les propriétaires redeviendraient maîtres d'ouvrage des travaux sur leurs monuments, responsabilité qu'ils pourraient déléguer, contre rémunération, à la conservation régionale des monuments historiques, voire à un service de collectivité territoriale.

La Mission propose d'ouvrir le choix du maître d'œuvre : les architectes du Patrimoine, dont la formation serait déconcentrée, pourraient être chargés de l'entretien des monuments, à la place de l'ABF du département, et les architectes en chef des monuments historiques (ACMH) seraient mis en concurrence sur chaque chantier, sous réserve du maintien d'une obligation d'intervention en l'absence de candidats.

La création d'une inspection générale du patrimoine, compétente pour les ABF, les ACMH et les architectes du Patrimoine intervenant sur monuments historiques, assurerait un meilleur contrôle de leur travail, leurs membres ne pouvant poursuivre leurs activités d'architectes, pour éviter la collusion. Le corps des vérificateurs des monuments historiques semble pouvoir être supprimé.

Le Rapporteur a enfin présenté les propositions visant une maîtrise réelle des coûts par une meilleure connaissance de l'état des monuments, dès leur classement ou leur inscription, une réduction du niveau des honoraires des ACMH et l'application effective des sanctions pécuniaires en cas de dépassement des coûts prévus ou du délai de réalisation d'une étude. Le développement de la concurrence parmi les entreprises serait favorisé par un recours plus fréquent à l'allotissement des marchés publics et par le soutien à la formation des ouvriers et à la labellisation des entreprises, en collaboration avec les associations professionnelles et les chambres consulaires.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que la plupart des élus locaux ne maîtrisent pas les problèmes de responsabilité en matière de protection du patrimoine, de classement des monuments historiques et d'inventaire. Il serait donc souhaitable de présenter, dans une sorte de tableau comparatif, les mesures de clarification qui sont proposées par la MEC.

M.  Philippe Rouault a relevé l'importance des propositions tendant à dynamiser la politique patrimoniale et à la décentralisation. Mais, il a demandé des précisions sur les enjeux financiers des réformes proposées. Le patrimoine architectural national est, en effet, souvent délabré et le budget de la Culture ne permet guère de faire face aux travaux qu'il convient de réaliser. S'agissant des propositions relatives aux ACMH, on peut craindre que leur mise en concurrence soit illusoire compte tenu de leur nombre et de leur répartition sur le territoire.

M.  Alain Rodet a jugé que les propositions de la MEC sont de bon sens et cependant ambitieuses. Il s'est néanmoins interrogé sur leur faisabilité, leur mise en œuvre simultanée risquant de susciter de fortes résistances et d'aboutir finalement à un échec. Des priorités mériteraient d'être hiérarchisées : il faut déterminer un degré d'urgence de réalisation des propositions.

Le Président Pierre Méhaignerie l'a admis. Il a estimé, par ailleurs, que l'interdiction faite aux architectes des bâtiments de France d'opérer, à titre libéral, dans leur département, constituait une mesure acquise essentielle. Il s'agit maintenant de savoir s'il convient de leur interdire toute exercice libéral. Si tel devait être le cas, il faudrait s'assurer qu'il ne serait pas fait appel à l'État pour compenser leurs pertes de revenus. La réflexion doit, enfin, se poursuivre, sur les modalités de fonctionnement des sections de la commission régionale du patrimoine et des sites, qui fournissent un avis à la suite des recours formés contre les décisions des ABF. En effet, elles sont largement dominées par les architectes du patrimoine et les élus locaux sont souvent désemparés devant des arguments très techniques. Il serait souhaitable qu'ils puissent être accompagnés, lors de leurs réunions, par leurs propres architectes.

M.  Georges Ginesta a estimé que l'exercice libéral de leur profession par des ABF avait conduit à des abus, certains avançant ou retardant des projets selon leur bon plaisir, le versement d'honoraires privés se révélant parfois utile pour débloquer certains chantiers.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que l'activité libérale des ABF n'était aujourd'hui limitée que dans le département où ils exercent leurs fonctions régaliennes.

M.  Laurent Hénart, Rapporteur, a indiqué que cette limite n'empêchait pas certains réseaux de fonctionner.

Le Président Pierre Méhaignerie a admis leur existence et estimé que l'application d'un principe de mobilité permettrait de réduire les tentations.

M.  Georges Ginesta a jugé que les honoraires demandés par les architectes en chef des monuments historiques ne correspondaient pas toujours à leurs compétences.

M.  Laurent Hénart, Rapporteur, a indiqué avoir voulu présenter des propositions réalistes. Il convient notamment de tenir compte de l'état médiocre du patrimoine classé appartenant à l'État. Ses monuments en péril sont particulièrement coûteux à restaurer. C'est pourquoi seul l'inventaire des monuments historiques devrait être décentralisé, les architectes des bâtiments de France ayant des fonctions recentrées sur les chantiers d'État.

La Mission a souhaité que le nombre actuel des architectes en chef des monuments historiques (51) soit doublé à moyen terme afin de permettre leur mise en concurrence - ils y sont prêts - et afin de ne pas souffrir, à l'avenir, d'un manque de restaurateurs.

S'agissant des 231 architectes des Bâtiments de France, le gouvernement précédent a adopté deux bonnes mesures : la limitation de leur activité libérale et la revalorisation de leur traitement. Il convient maintenant d'aller plus loin pour tenir compte, notamment, des observations critiques de la Cour des comptes, et de l'existence de pratiques contestables.

Deux propositions concrètes de la MEC devraient satisfaire les préoccupations des élus. D'une part, le regroupement en un service départemental unique des services de l'équipement, d'un côté, et de l'architecture et du patrimoine, de l'autre, irait dans le sens d'une simplification des structures et des procédures. D'autre part, le recours contre les décisions des ABF devrait être ouvert à toute personne ayant un intérêt à agir, de la même façon que la composition de la commission compétente pourrait être rééquilibrée par une représentation des élus locaux en son sein.

Le Président Pierre Méhaignerie a suggéré de classer les propositions du Rapporteur, selon qu'elles devaient être mises en œuvre à court ou à long terme.

M. Laurent Hénart, Rapporteur, a précisé qu'un tableau synthétique retient une telle présentation des propositions. Ainsi, s'agissant du patrimoine, il est souhaitable, à court terme, de restituer la maîtrise d'ouvrage au propriétaire, de réformer le système d'appel des ABF et de revoir le statut de ces derniers. De même, il est important de prévoir rapidement un système de sanctions financières dans les conventions avec les ACMH, dans le sens d'une meilleure implication et d'une plus grande responsabilisation. À Nancy, par exemple, le fait de faire jouer les mécanismes de sanctions, dans le cadre du programme de rénovation du patrimoine du XVIIIe, n'a pas manqué de susciter une certaine surprise.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que l'expression « rémunérations opaques » employée dans le projet de rapport pourrait être mal interprétée et qu'il serait opportun de lui préférer, dans le texte final, une formule moins sévère et moins ambiguë. Par ailleurs, l'introduction du rapport devrait davantage insister sur la qualité des monuments historiques et rendre hommage, à cet égard, à la qualité professionnelle des ABF.

La Commission a ensuite adopté, à l'unanimité, les propositions de la MEC et autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport.

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