COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 69

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 1er juillet 2003
(Séance de 16 heures 30)

Présidence de M. François Goulard, Vice-Président
puis de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Examen d'un rapport d'information sur l'implantation des entreprises françaises en Russie (M.  Hervé Mariton, rapporteur)

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- Examen des propositions de la Mission d'évaluation et de contrôle sur la redevance audiovisuelle (M. Patrice Martin-Lalande, rapporteur)

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- Examen pour avis du projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n° 950) (M.  François Grosdidier, rapporteur)

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M. Jean-Louis Dumont s'est étonné du caractère restreint de la saisine pour avis de la commission des Finances sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour ville et la rénovation urbaine. En particulier, il a regretté que la Commission ne puisse examiner des amendements portant sur la caisse de garantie du logement social dont le rôle apparaît essentiel au regard des difficultés de certains établissements pour boucler leur plan de financement. De même, il est regrettable que la Commission ne se saisisse pas de l'article 30 du projet de loi relatif à l'actionnariat des sociétés anonymes d'HLM, qui est depuis longtemps un enjeu majeur.

M. Jean-Louis Borloo est peut-être le premier ministre à avoir eu le courage de poser publiquement la question de la stabilité de l'actionnariat des HLM. Cette saisine restreinte n'est pas satisfaisante ; elle est d'autant plus étonnante que la Commission s'est récemment intéressée à des questions relatives à la gouvernance d'entreprises, au droit des sociétés et à la sécurité financière.

M. François Goulard, Président, a pris acte de cette déclaration, mais a rappelé que deux autres Commissions s'étaient déjà saisies de ce texte et que la commission des Finances n'était pas saisie au fond de l'examen du projet de loi. La saisine pour avis doit correspondre au champ général des compétences de la Commission, tel qu'il résulte de l'article 76 du Règlement. Ceci explique que la Commission n'ait pas été saisie de la loi de solidarité et de renouvellement urbain, malgré l'importance du sujet. Lorsque la commission des Finances a examiné la réforme du droit des sociétés à l'occasion du projet de loi de sécurité financière, elle en était saisie au fond.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a indiqué que l'absence de saisine de la Commission sur certains articles n'empêcherait pas de déposer des amendements en séance, comme il compte lui-même le faire s'agissant de l'article 30 du projet de loi.

Puis la Commission a procédé, sur le rapport de M. Hervé Mariton, à l'examen d'un rapport d'information sur l'implantation des entreprises françaises en Russie.

M. Hervé Mariton, Rapporteur, a jugé que l'engagement des entreprises françaises en Russie se caractérise par une certaine tardiveté, aujourd'hui corrigée. Les performances des entreprises françaises sont globalement médiocres. Si les causes en sont difficiles à cerner, et si un certain biais statistique vient parfois déformer les indicateurs disponibles, il n'en reste pas moins que le degré d'investissement des entreprises françaises est inférieur à celui des entreprises allemandes, et que les flux commerciaux entre la Russie et la France sont moins performants que les mêmes flux entre la Russie et l'Italie. Le marché russe demeure un marché difficile qui évolue dans un contexte fluctuant, et parfois même violent, même si la crise de 1998 a été surmontée. L'évolution du contexte politique ne suffit pas à transformer la qualité de la relation économique entre la France et la Russie. Du point de vue français, on a souvent tendance à considérer la Russie comme un pays émergent, dont on attend souvent des conditions d'implantation de nos entreprises comparables aux conditions les plus favorables des pays émergents. Or, les Russes n'ont pas du tout cette appréhension de leur propre marché et n'ont, en tout état de cause, pas fait le choix de conditions particulières d'accueil des entreprises étrangères. Une loi de 1998 a créé des zones franches, mais en pratique, elles n'existent que dans la région de Kaliningrad. Il n'en reste pas moins que certains pays européens obtiennent de meilleures performances que la France en Russie, ce qui s'explique parfois par une plus grande proximité politique, culturelle, géographique, à l'image de l'Allemagne. L'enjeu est essentiel, dans la mesure où, avec une situation politique et économique nouvelle, de nombreuses parts de marché restent à conquérir. Les conditions de la concurrence entre les entreprises étrangères sont souvent perturbées par l'incertitude des systèmes juridiques applicables. D'après un interlocuteur français, toute initiative économique implique ainsi le choix du régime de la loi sous laquelle on se place. Il en résulte, par exemple, que les opérations de partenariat, dites de « joint-ventures » se révèlent souvent particulièrement délicates à mener.

Le rendez-vous majeur pour la Russie est celui de son entrée à l'Organisation mondiale du commerce en 2004 ou 2005. Ce calendrier doit être tenu. Le rapport d'information formule un certain nombre de préconisations, qui soulignent toutes l'intérêt de l'enjeu et la difficulté des opérations d'implantation d'entreprises françaises en Russie. À l'évidence, il est possible d'améliorer le contexte commercial et juridique actuel. Il y a matière à développer, en Russie, les investissements.

M. Marc Le Fur a remercié le Rapporteur pour sa communication. Il a souhaité obtenir des éléments complémentaires pour le secteur agro-alimentaire, où l'importance de la médiation d'un certain nombre de groupes entretient les doutes quant à la présence de « mafias » en Russie. Le relatif désintérêt de l'Europe à l'égard de la Russie est préjudiciable. Il se traduit par la disparition des restitutions dont bénéficiait naguère la France. La concurrence est aujourd'hui difficile à soutenir, à l'image de celle du Brésil ou de la Pologne, qui continue à soutenir financièrement ses exportations vers la Russie. Il y a souvent un lien fort entre exportation et implantation en Russie comme le montre l'exemple des groupes de la grande distribution, qui devraient investir le marché russe.

M. Daniel Garrigue a encouragé la France à entretenir des relations privilégiées avec la Russie. Quels pays sont en position de force en Russie ?

En réponse à l'ensemble de ces interventions, M. Hervé Mariton, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la question de l'importance des mafias s'est nécessairement posée. Les réponses, un peu contournées qu'il a obtenues, sont toujours prudentes. Les entreprises françaises indiquent qu'elles sont souvent sollicitées et qu'elles ont toujours résisté. Si les cas de « petite corruption », comme le paiement de vacances en France, sont plus aisés à repérer, le recours à des intermédiaires demeure souvent ambigu et flou ;

- certains groupes agro-alimentaires, comme Danone, ont connu de vrais succès en Russie, alors que des interrogations subsistent sur des groupes comme Renault dont la stratégie est peut-être moins efficace et les résultats plus incertains. Auchan illustre par contre la percée de la grande distribution avec plusieurs hypermarchés implantés à la périphérie de Moscou, mais se posent des problèmes très concrets de rations sur les produits ;

- les performances de l'Allemagne sont de toute évidence meilleures, de même que celles du Royaume-Uni. Ainsi, BP a récemment mené des opérations majeures de prise de participation en Russie. La comparaison avec l'Allemagne illustre la faiblesse du lobbying français et l'accompagnement insuffisant des pouvoirs publics. De plus, il faut que les entreprises françaises puissent regarder au-delà des deux seuls marchés que sont Moscou et Saint-Pétersbourg. Le moindre engagement des PME est également problématique.

La commission a ensuite autorisé, en application de l'article 145 du Règlement, la publication du rapport d'information.

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La Commission a ensuite examiné le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur la redevance audiovisuelle.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur, a tout d'abord rappelé que la loi organique relative aux lois de finances impose la suppression de toutes les taxes parafiscales d'ici au 1er janvier 2004, et pose donc à court terme la question de l'évolution de la redevance audiovisuelle, qui appartient à cette catégorie de prélèvements.

La MEC et la commission des Finances avaient jugé, en juillet 2000, « la redevance audiovisuelle, exemple d'impôt archaïque, injuste et coûteux à gérer ». Mais de nombreux éléments nouveaux sont susceptibles de peser dans le choix du nouveau mode de financement du service public de l'audiovisuel : entrée en vigueur de la loi organique, contraintes communautaires clarifiées à l'automne 2001, loi du 1er août 2000 sur l'audiovisuel, projet de développement de la télévision numérique terrestre (TNT). Le travail de la MEC vise à actualiser et à compléter l'information dont l'Assemblée nationale aura besoin pour décider de l'évolution de la redevance.

La question du devenir de la redevance pose directement celle de sa raison d'être : en l'occurrence, elle a pour seul objet de financer le service public de l'audiovisuel, dont elle représente une part élevée de l'ensemble des ressources (76,8 % en moyenne en 2002, dont 2,05 milliards d'euros de produit et 450 millions d'euros de compensations budgétaires des exonérations). De cette situation, et des caractéristiques propres aux organismes de l'audiovisuel public, découlent des contraintes importantes, notamment la croissance du produit nécessaire, de l'ordre de 3 % par an, pour permettre à ces entreprises de soutenir la comparaison avec la croissance des coûts de grille de la concurrence. Ces contraintes sont traduites dans les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés concernées, qui prévoient également, par ailleurs, des efforts de productivité significatifs.

Le périmètre du secteur public audiovisuel, autre paramètre important de la réflexion sur l'évolution de son mode de financement principal, ne devrait pas évoluer à court terme, en dehors du projet d'une chaîne d'information internationale, dont le futur statut,  - public, privé ou mixte -, n'est pas encore arrêté. Aucune privatisation n'est prévue par le Gouvernement, qui, a contrario, n'a pour l'instant confirmé aucun des projets de chaîne publique nouvelle prévus dans le cadre de la TNT.

Dans le contexte budgétaire actuel, et compte tenu des contraintes spécifiques du secteur audiovisuel, la budgétisation du financement public de l'audiovisuel public semble difficile en raison de l'importance du montant à financer, d'environ 2 milliards d'euros, des exigences de croissance annuelle du produit - difficilement compatibles avec les contraintes actuelles de limitation des dépenses budgétaires -, et des risques d'une régulation budgétaire difficile en cas de crise budgétaire, pour des organismes dépourvus de toute réserve financière.

A défaut de la budgétisation, qui demeure sans doute souhaitable dans son principe, une imposition affectée reste donc la meilleure formule pour assurer le financement du service public, du moins à court et, sans doute à moyen terme. Dans cette perspective, et dans le cadre général de la mise en œuvre de la loi organique, il convient de maintenir le cadre comptable du compte d'affectation spéciale, au sein du budget de l'Etat, pour garantir un débat parlementaire annuel. Cette orientation donne naissance à des contraintes juridiques supplémentaires, car la loi organique n'autorise plus le recours au compte d'affectation spéciale, à compter de 2006, que pour des ressources qui présentent une « relation directe » avec les dépenses qu'elles contribuent à financer.

Par ailleurs, la Commission européenne a clarifié, dans une communication d'octobre 2001, les contraintes communautaires pesant sur les aides d'Etat aux entreprises de l'audiovisuel public du secteur concurrentiel, en distinguant les aides antérieures au traité de Rome, qu'elle accepte, et celles qui lui sont postérieures, qu'elle peut remettre en cause. Une réforme profonde de la nature du financement public de l'audiovisuel serait vraisemblablement considérée comme une aide nouvelle, susceptible de donner lieu à un réexamen au titre de son euro-compatibilité.

Pour sa part, le rapport de la MEC de juillet 2000, présenté par M. Didier Migaud, préconisait soit de supprimer complètement la redevance assise sur la détention d'un poste de télévision, au profit d'une budgétisation des crédits, soit de lui substituer l'affectation du prélèvement sur les jeux qui finance actuellement le budget général.

La première solution a été écartée en 2001, alors que les recettes fiscales connaissaient une forte croissance, au profit de la suppression de la vignette. La seconde se heurte à plusieurs obstacles rédhibitoires : sa fragilité économique provient de ce que l'audiovisuel public peut difficilement dépendre, pour l'essentiel de son financement, du dynamisme d'une seule entreprise, au demeurant quasiment dépourvue de tout lien avec des finalités liées à l'audiovisuel public. Le lien entre la Française des jeux et les chaînes de télévision, tant publiques que privées, qui diffusent ses émissions, serait perturbé par le fait que les enjeux financeraient exclusivement l'audiovisuel public. S'y ajoute une fragilité juridique : il n'y a pas de relation directe évidente entre les jeux et l'audiovisuel public et la substitution de la recette affectée pourrait être interprétée au plan communautaire comme une aide d'État nouvelle, susceptible d'être remise en cause. Enfin, cette solution présente une fragilité budgétaire certaine : dans le cas d'une substitution pure et simple à la redevance de 2 milliards d'euros aujourd'hui prélevés sur les enjeux au profit du budget général, ceux-ci devraient être compensés, sauf à renoncer à certaines dépenses, qu'il faudrait identifier, soit à accroître le déficit budgétaire de l'Etat.

Quant aux solutions d'impositions affectées complémentaires, notamment la perception de redevances sur l'utilisation des fréquences ou sur le chiffre d'affaires des télécommunications, elles ne paraissent pas non plus compatibles avec les différentes contraintes rencontrées (absence de relation directe, contrainte communautaire, importance du produit attendu). En revanche, elles seraient de nature à remettre fondamentalement en cause l'équilibre économique et juridique des secteurs concernés : la gratuité des fréquences s'accompagne aujourd'hui d'obligations de production.

Il convient donc de conserver une recette affectée, proche de l'actuelle redevance, bien que ceci constitue « la plus mauvaise des solutions, à l'exception de toutes les autres ». Mais ses modalités de gestion doivent être améliorées, de façon à répondre aux critiques formulées à son encontre, notamment par le rapport de la MEC de 2000.

En ce qui concerne les modalités de la perception de la redevance, deux voies d'amélioration peuvent être envisagées.

Une amélioration de l'efficacité du recouvrement actuel peut être recherchée avec la mise en œuvre de moyens de contrôle sensiblement renforcés : avis aux tiers détenteurs, alourdissement des sanctions en cas d'absence de déclaration ou de fausse déclaration, taxation d'office en cas d'obstacle mis au contrôle, contrôle plus rigoureux des déclarations par les vendeurs de téléviseurs, ou utilisation intensive du droit de communication, incluant le croisement des données de la redevance avec celles des abonnements aux services du câble, du satellite et des chaînes payantes, dans la mesure où ce croisement sera juridiquement possible, ce qui est loin d'être évident du point de vue constitutionnel. L'amélioration du recouvrement passerait également par une simplification de l'assiette que constitue la détention d'un téléviseur. Cette simplification pourrait aboutir à la suppression du taux noir et blanc et la définition d'un taux réduit pour l'outre-mer, à l'instauration d'un forfait pour les résidences secondaires, avec un montant attractif, par exemple de la moitié du taux prévu pour les résidences principales, valable quel que soit le nombre de résidences secondaires équipées d'un téléviseur, à titre « permanent » ou non, et à la recherche des moyens juridiques et concrets permettant, par souci d'équité, d'imposer de la même manière tous les moyens d'accès à l'image télévisée, utilisés principalement à cet objet.

Par ailleurs, il serait opportun d'étudier les modalités possibles de clarification des procédures de remises gracieuses, notamment en faveur des bénéficiaires du RMI. Cette amélioration d'ensemble de la redevance actuelle doit impérativement s'opérer à moyens humains et à budget décroissants.

Une réforme du mode de recouvrement, consistant en un adossement à la gestion de la taxe d'habitation consisterait, matériellement, pour le contribuable, en un recouvrement simultané à celui de la taxe d'habitation, avec l'envoi d'un avis, éventuellement séparé, mais dans la même enveloppe et en tout cas bien distingué, et sans doute avec un titre de recouvrement unique et du point de vue de la gestion de l'impôt, en l'utilisation directe des fichiers de la taxe d'habitation pour l'établissement de la redevance. Ce rapprochement pourrait être opéré suivant deux options distinctes. La première serait de conserver un lien avec la détention d'un téléviseur, mais avec un renversement de la charge de la preuve, sous la forme d'une taxation systématique des redevables de la taxe d'habitation, sauf déclaration sur l'honneur de non-détention d'un téléviseur. Ce choix pourrait donner naissance à quelques difficultés juridiques, notamment au regard du régime de la preuve de la non-détention, et imposerait de conserver un service de contrôle. La seconde option serait de modifier le fait générateur, au profit d'une harmonisation avec celui de la taxe d'habitation, c'est-à-dire la détention d'un local meublé, ce qui conduirait à transformer la redevance en une taxe forfaitaire d'accès aux moyens audiovisuels en général. Beaucoup plus simple, cette option supprimerait toute possibilité de fraude, et permettrait un gain significatif de produit de l'ordre de 170 millions d'euros, en taxant les deux millions de fraudeurs actuels, ainsi que des économies de gestion importantes en supprimant l'essentiel du Service de la redevance, à l'exception des personnels qui demeureraient chargés du recouvrement de l'impôt sur les comptes collectifs (hôtels, hôpitaux, ...). A ce titre, cette option contribuerait à réduire le déficit budgétaire d'environ 100 millions d'euros, et participerait à la réforme en cours du ministère chargé des finances. En revanche, cette option pourrait présenter une certaine fragilité juridique au regard de l'exigence d'une relation directe entre les dépenses et les recettes qui y sont affectées. Il serait opportun que le Gouvernement vérifie la viabilité juridique de cette solution par la demande d'un avis au Conseil d'État.

Cette solution permettrait une mise en cohérence des conditions d'exonération de la redevance (soit quatre  millions d'invalides ou de personnes non imposables âgées de plus de 65 ans, dont un million ne paient pas de taxe d'habitation), avec celles de la taxe d'habitation (également quatre millions de personnes), pour simplifier la gestion des deux impôts. Il pourrait également être prévu de conserver, pour ceux qui en bénéficiaient déjà - environ un million d'invalides et de personnes âgées modestes - les « droits acquis » d'exonération de redevances, alors qu'elles paient la taxe d'habitation. Cette harmonisation des exonérations entre redevance et taxe d'habitation résoudrait le problème de l'assujettissement des titulaires du RMI à la redevance, et simplifierait les dispositifs complexes et mal articulés d'exonération en faveur des invalides et des personnes âgées à revenu modeste. Enfin, il est nécessaire de parvenir à une amélioration du dispositif relatif aux 1,8 million de résidences secondaires équipées d'un téléviseur, en prévoyant, éventuellement, une imposition sous condition d'un niveau donné de valeur locative, dans l'hypothèse d'un adossement complet à la taxe d'habitation, et peut-être un taux réduit. Une alternative plus drastique consisterait à abandonner toute redevance sur les résidences secondaires, en considérant la nouvelle redevance comme un forfait acquitté par chaque ménage, quel que soit le nombre de ses téléviseurs et de ses résidences.

La première proposition, qui constitue une évolution a minima, permettrait de corriger les défauts constatés par la MEC quant à l'actuelle redevance audiovisuelle, en même temps que sa transformation en impôt. Cette proposition peut intervenir rapidement sans engager durablement l'avenir. Pour sa part, la seconde proposition exige un délai de mise en œuvre, par exemple de deux ans, de façon à :

- éviter une confusion dans l'esprit des contribuables avec la taxe d'habitation, à un moment important pour la décentralisation, en attachant l'attention nécessaire aux projets d'avis de recouvrement qui pourraient être envoyés aux redevables ;

- attendre une clarification du calendrier et des contraintes qui résulteront, pour les téléspectateurs, de la mise en place de la TNT (télévision numérique terrestre), notamment des coûts associés (achat d'un décodeur, changement d'antenne, abonnement éventuel, ...) ;

- prendre le temps nécessaire à la recherche d'un traitement adapté de la situation des 1.450 personnes du service de la redevance, ainsi qu'à la solution des difficultés techniques d'un changement qui exigera un travail important de préparation et d'organisation technique du nouveau circuit de recouvrement ;

- et, naturellement, trouver les ressources de trésorerie nécessaires au financement des organismes audiovisuels durant la première année de la réforme, compte tenu du fait que le calendrier de perception de la taxe d'habitation est sensiblement plus tardif que celui de la redevance. Dans ces conditions l'État devra, en effet, faire l'avance, par tranches successives, de l'équivalent du produit de la redevance pour les neuf premiers mois de l'année, soit un total de 1,5 milliard d'euros, hors subvention budgétaire de compensation des exonérations.

En conclusion, cette seconde proposition doit constituer l'objectif à atteindre le plus rapidement possible. L'horizon de sa mise en œuvre pourrait coïncider avec la mise en place complète de la loi organique, prévue pour le projet de loi de finances pour 2006. Pour autant, il paraît difficile, dans cet intervalle, de ne prévoir aucune mesure d'amélioration du régime actuel de perception de la redevance. Il conviendrait, en conséquence, de prévoir dès l'an prochain les moyens de contrôle supplémentaires énumérés dans le cadre de la première proposition d'amélioration.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné le caractère très complet du rapport, tout en estimant que les perspectives tracées étaient marquées du sceau d'une saine prudence. À l'évidence, du temps est nécessaire pour expliquer les réformes qui maintenant s'imposent. Le rapport va utilement contribuer à l'évolution des esprits.

M.  Michel Bouvard s'est félicité de la qualité du rapport en indiquant qu'il constituait une utile suite aux travaux de la MEC de 2000 sur le recouvrement de l'impôt.

Depuis ceux-ci, la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances est venue constituer une contrainte supplémentaire : il ne reste que deux ans utiles pour réformer la redevance. Il conviendrait que cette réforme soit opérationnelle dès 2005. Sur le fond, deux possibilités d'adossement existent. Soit la redevance est adossée à l'impôt sur le revenu et donc à une déclaration de possession de postes de télévision, soit la redevance est adossée à la taxe d'habitation. Cette dernière solution est probablement la meilleure, dans la mesure où les services fiscaux au travers de la détermination des bases d'imposition de la taxe disposent d'informations utiles à l'établissement de la redevance. Cette solution est de nature à réduire un taux de fraude colossal. Ils savent différencier les résidences principales des résidences secondaires et connaissent, par exemple, les logements habités par des handicapés. L'important est cependant d'éviter toute confusion entre la redevance et les impôts locaux.

Un système de déclaration de non possession d'appareils de télévision serait peu souhaitable. La taxation d'office permettrait, à l'inverse de celui-ci, d'éviter le maintien d'un service de vérification et d'évacuer tout risque de contestation. Elle permettrait de tenir compte du fait que les équipements informatiques se sont considérablement diffusés dans les foyers et qu'ils constituent désormais de nouveaux moyens d'accès à l'audiovisuel.

M.  Augustin Bonrepaux a salué le travail effectué par le Rapporteur mais ne s'est pas associé à ses conclusions. Il a jugé que le rapport ne constituait nullement une « suite » des travaux antérieurs de la MEC. Le droit de suite consiste à vérifier que ce qui a été préconisé a été suivi d'effets. Or, il faut bien constater qu'aujourd'hui la MEC est détournée de ses objectifs initiaux. Elle est décrédibilisée. Les évaluations , sur ce sujet, sont connues depuis longtemps et le rapport de M.  Patrice Martin-Lalande aurait donc dû être un rapport d'information et non un rapport de la MEC. Plus généralement, les trois sujets retenus cette année par la MEC : l'impact de l'intervention des architectes et des services archéologiques dans les procédures de sauvegarde du patrimoine, les organismes publics d'évaluation de prospective économiques et sociales et la redevance audiovisuelle, ont présenté les mêmes limites. À l'évidence, à l'avenir, il conviendrait de choisir, plus en amont, des thèmes d'évaluation et de contrôle plus larges, comme l'éducation ou la défense, et d'en saisir la Cour des comptes plus en amont, pour que les travaux de la MEC puissent s'appuyer sur ses conclusions. La MEC a, avant tout, pour mission essentielle de contribuer à l'amélioration de la gestion des crédits. Il n'est donc pas possible de s'associer aux conclusions du rapporteur.

M.  Marc Le Fur a partagé les analyses du Rapporteur mais pas du tout ses conclusions. La redevance audiovisuelle est l'un des impôts les plus chers à percevoir (7  % de son produit), les plus fraudés (65  % des résidences secondaires ne comporteraient pas de télévision), les plus incompris, au point que la redevance fait penser à un nouvel impôt sur les portes et fenêtres. Son produit n'augmente pas en raison de nouvelles exonérations. Le rapport fait état, par ailleurs, d'écarts importants de productivité entre les régions, voire les départements, des taux d'admission en non valeur des impayés allant de 4,8  % à Lille à 9,4  % à Toulouse et plus de 60  % aux Antilles. De même, les taux de remise gracieuse ne représentent que 19  % des comptes d'assujettis à Rennes mais 34  % à Toulouse. Une conclusion s'impose maintenant clairement. C'est l'existence même de la redevance qui doit être remise en cause. Lorsqu'un mur est lézardé, il doit être abattu. Un adossement de la redevance sur la taxe d'habitation paraît douteux, dans la mesure où cette dernière taxe fait déjà l'objet de multiples critiques et que les exonérations de taxe d'habitation ne sont pas les mêmes que celles que le législateur a prévu pour la redevance. La taxation d'office de chaque foyer, nouvelle capitation, serait, quant à elle, fort mal comprise.

Chacun sait que la loi organique impose une réforme dans la mesure où la relation directe entre la redevance et la dépense est inexistante. C'est pourquoi une budgétisation d'abord partielle des ressources du secteur public audiovisuel doit être envisagée. C'est dire que des conclusions plus ambitieuses que celles proposées par le Rapporteur auraient été souhaitables. Si la conjoncture rend cette solution difficile, il faut cependant fixer un objectif de budgétisation et un calendrier.

M.  Jean-Louis Dumont n'a pas remis en cause la qualité des analyses du Rapporteur, mais a regretté, à son tour, que la suppression pure et simple de la redevance n'ait pas été envisagée. Sous la précédente législature, elle avait été vivement critiquée mais il avait été décidé de supprimer, en premier lieu, la vignette automobile due par les particuliers au profit des départements. La redevance avait été maintenue sous la pression des milieux parisiens du spectacle. Les critiques émises par l'opposition d'alors se sont aujourd'hui, à l'évidence, dissoutes dans des conclusions manquant singulièrement d'audace. Pourtant, une clarification des taxes et des redevances s'impose. Il n'est pas normal que ce soit toujours les mêmes, dans les mêmes régions, notamment à l'Est, la Lorraine, qui soient les plus vertueux. Ces inégalités sont au demeurant préoccupantes, au début du mouvement de décentralisation enclenché par le Gouvernement de M.  Jean-Pierre Raffarin.

La suppression de la redevance était la solution qu'il convenait de préconiser. La budgétisation des ressources du secteur public audiovisuel qui en résulterait placerait le Parlement en position de force pour le contrôle dudit secteur et l'autoriserait à être plus exigeant en matière de qualité de programmes. La situation actuelle dans laquelle des parlementaires sont membres des conseils d'administration des sociétés de radio et de télévision n'est pas satisfaisante dans la mesure où la présence des parlementaires n'a aucun effet et ne se traduit par aucune information supplémentaire au profit des assemblées.

En réponse aux différents intervenants, M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur, a apporté les précisions suivantes :

- la mise en œuvre de la réforme de la redevance dès l'exercice 2005, préconisée par M. Michel Bouvard, est techniquement possible, même si l'application de l'intégralité de la loi organique relative aux lois de finances ne sera effective qu'à compter du 1er janvier 2006 ;

- il faut veiller à ce que l'adossement de la redevance à la taxe d'habitation ne prête pas à confusion ; l'avis d'imposition devra comporter deux parties distinctes précisant l'utilisation du produit de la redevance d'une part, de la taxe d'habitation d'autre part, et indiquant les compétences respectives du Parlement et des collectivités territoriales dans la fixation de leurs taux. Un tel effort de présentation est nécessaire ; il est possible et se traduira par un gain non négligeable pour les finances publiques.

M. Michel Bouvard a insisté sur le fait que le gain ainsi obtenu devra profiter au contribuable.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur, a indiqué qu'il avait consacré une partie de son rapport à la question de l'affectation de ce gain. On peut notamment envisager qu'il permette une baisse du montant de la redevance au moment où les foyers devront acquérir de nouveaux équipements pour recevoir la télévision numérique terrestre ; l'économie réalisée sur la perception de la redevance pourrait ainsi contribuer au succès de la télévision numérique terrestre. Il faut rappeler que 95 % des foyers possèdent une télévision mais que 100 % d'entre eux disposent d'au moins un poste de radio et que 25 % du produit de la redevance est attribué à Radio France et Radio France Internationale. Tous sont donc utilisateurs du service public de l'audiovisuel et doivent contribuer à son financement.

Le thème de la redevance audiovisuelle a, certes, été étudié par la MEC il y a trois ans, mais il aurait été paradoxal que celle-ci ne l'aborde pas à nouveau au moment où une réforme va être entreprise. Les données du problème ont fortement évolué ces dernières années sous l'effet de la loi organique relative aux lois de finances, des lois dites « Trautmann » et « Tasca », de la réduction d'un tiers du temps de publicité dans le service public télévisuel et de la définition par l'Union européenne de nouvelles règles en matière de financement public d'entreprises du secteur concurrentiel. Le rapport élaboré par la MEC avait donc besoin d'être actualisé.

Le coût de perception de la redevance est, certes, très élevé au regard de son faible montant mais il ne l'est pas dans l'absolu ; il est donc difficile de le réduire. L'adossement à la taxe d'habitation devrait à la fois limiter les fraudes et réduire les inégalités de recouvrement selon les régions, inégalités constatées pour tous les impôts mais particulièrement marquées pour la redevance. Si celle-ci était purement et simplement supprimée, il faudrait la remplacer afin de compenser la perte de recettes de 2 milliards d'euros.

M. François Grosdidier a fait observer que ce montant représentait un sixième de la réduction de l'impôt sur le revenu, prévue pour l'ensemble de la législature.

M. Augustin Bonrepaux a approuvé l'idée de compenser la suppression de la redevance par une moindre diminution de l'impôt sur le revenu. Il serait prêt à attendre 2005 pour que cette substitution soit réalisée, et à se rallier à des conclusions en ce sens.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné que le rapport n'excluait pas une telle possibilité, mais que la suppression de la redevance dès 2004 n'est pas envisageable.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur, a rappelé que le gouvernement précédent n'avait pas procédé à la budgétisation du financement de l'audiovisuel public lorsque les rentrées fiscales étaient en hausse ; il est encore plus difficile de le faire dans la situation actuelle. Affecter à ce financement le prélèvement sur les jeux reviendrait à priver le budget général de 2 milliards d'euros, ce qui n'est pas plus envisageable.

Les injustices liées à la taxe d'habitation, évoquées par M. Marc Le Fur, ont en fait leur origine dans la caducité des valeurs locatives. Le système des exonérations n'est en revanche pas contesté. Le fait générateur de cet impôt, qui est l'occupation d'un logement, n'est pas sans lien avec l'objet de la redevance, ce qui est une condition nécessaire à l'affectation de la ressource en application de la loi organique aux lois de finances et des règles communautaires.

Il est injuste de reprocher aux propositions du rapport leur manque d'ambition alors que celles formulées à l'issue de la précédente MEC n'ont pas été mises en œuvre malgré un contexte plus favorable. Depuis, les recettes du service public issues de la publicité ont diminué de 60 millions d'euros et les recettes fiscales sont devenues plus incertaines. L'adossement à la taxe d'habitation est la solution la plus réformatrice : elle permet à la fois de réduire les coûts de perception et de simplifier le système. Les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'affectation du produit de la redevance n'en seront nullement diminués.

M. Marc Le Fur a souhaité que l'Association des Maires de Frances soit consultée sur la proposition relative à l'adossement de la redevance sur la taxe d'habitation. Alors que les contribuables attribuent déjà aux maires toute la responsabilité du montant de la taxe d'habitation, le risque de confusion sur l'objet de la redevance risque encore d'aggraver cette tendance.

M. Michel Bouvard a estimé que la réforme de la redevance devait être l'occasion de supprimer le système des comptes collectifs actuellement en vigueur pour les hôtels et les hôpitaux, qui ne se justifient plus.

Réduire le problème du service public de l'audiovisuel à la question de la redevance est apparu contestable à M. Alain Joyandet. Le financement du service public passe déjà par une subvention budgétaire et par les recettes de publicité, qui s'ajoutent au produit de la redevance. Il faudrait conduire une réflexion globale sur le périmètre du service public de l'audiovisuel dont le rapporteur a estimé, dans sa présentation, qu'il ne pouvait que croître. La réduction de ce périmètre permettrait de diminuer la redevance et de mieux distinguer le périmètre et le service commercial, lequel vit de la publicité.

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur, a indiqué qu'il avait pris des contacts avec le président du Comité des finances locales et avec celui de la commission des finances de l'Association des Maires de France. Ces deux organismes devront être étroitement associés à l'élaboration des documents présentant la distinction entre la taxe d'habitation et la redevance. L'envoi conjoint des avis d'imposition est parfaitement justifié par les économies qu'il génère.

Le système des comptes collectifs doit être simplifié, mais il est difficile d'imaginer sa suppression pure et simple, qui serait source d'injustices.

78 % des recettes publicitaires bénéficient déjà à TF1 et à M6. Toute réduction de la publicité sur le service public implique une hausse de la redevance, à moins que son périmètre soit réduit ou que ses coûts de fonctionnement soient limités. Le rapport aborde la question d'une amélioration de la qualité du service public dans le cadre d'un périmètre réduit.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé aux commissaires qui désiraient transmettre des observations complémentaires de le faire rapidement afin que la Commission puisse se prononcer sur les propositions de la MEC après en avoir pris connaissance. Il a souhaité que ces contributions parviennent à la Commission pour le 9 juillet.

M. Augustin Bonrepaux s'est étonné de ce que les conclusions du Rapporteur soient très inspirées par les intentions du Gouvernement alors qu'une approche plus large et plus ouverte aurait permis d'aboutir à des conclusions que l'opposition aurait pu approuver, à l'exemple d'une évolution vers la suppression de la redevance. Le débat confirme la nécessité d'une telle approche.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il serait incohérent de la part de la MEC de demander la suppression de la redevance dans la conjoncture actuelle. L'envisager comme une hypothèse de moyen terme est plus raisonnable. Il faut aussi s'interroger sur la responsabilisation induite par le paiement d'une redevance. Les usagers ne doivent pas avoir l'impression que les services publics sont gratuits.

M. Marc Le Fur a contesté cet effet de responsabilisation dans la mesure où il est proposé par le rapporteur que la redevance soit due par tous les contribuables qui paient la taxe d'habitation, et non par les véritables usagers du service public en cause.

M. Jean-Louis Dumont a estimé que la responsabilisation du citoyen devait aller au-delà du champ de la seule redevance de l'audiovisuel : l'impôt sur le revenu contribue au financement de l'ensemble des services publics.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que le vote sur les conclusions aurait lieu ultérieurement, au vu des observations complémentaires qu'il a demandées.

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Puis la commission des Finances a examiné, pour avis, le projet de loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine (n° 950).

M.  François Grosdidier, Rapporteur pour avis, a rappelé que le Président de la République a dégagé, dans son discours prononcé à Troyes le 14 octobre 2002, les trois priorités de l'action gouvernementale : la sécurité et le droit dans les cités, la politique de la ville et l'intégration.

La lutte contre l'insécurité doit en effet s'accompagner d'une mobilisation forte de la cohésion sociale dont les outils sont la politique de la ville, la rénovation urbaine et le développement économique des quartiers en difficulté. C'est l'objectif du projet de loi d'orientation et de programmation, texte riche et complexe, qui comporte un titre consacré au surendettement et au rétablissement personnel. La Commission des finances s'est saisie pour avis des dispositions relatives à l'évaluation, à la rénovation urbaine et aux zones franches urbaines.

La crise urbaine et sociale est loin d'être résolue. Trop de quartiers concentrent des familles fragilisées économiquement et socialement, dans des conditions d'habitat et de cadre de vie médiocres. Le taux de vacance constaté dans l'ensemble des ZUS est de près de 9 %, alors que le taux moyen enregistré sur l'ensemble du parc du logement social est de 3 %. Il peut atteindre jusqu'à 20 % dans les cités de quartiers en difficulté, à l'image très dégradée. Il est donc nécessaire de mener une action d'envergure afin d'enrayer le déclin des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Pour cela, des objectifs ambitieux sont fixés. D'ici à 2008, au sein des ZUS, une offre nouvelle de 200.000 logements doit être constituée, la réhabilitation de 200.000 logements engagée et, en fonction des besoins constatés, 200.000 logements ou copropriétés dégradées devront être démolis. Parallèlement devront être menés des travaux d'aménagement urbain comme l'aménagement des espaces publics, la création d'équipements publics ou encore la réorganisation des réseaux de voiries. Le coût global des travaux qui seront ainsi engagés devrait être de l'ordre de 30 milliards d'euros.

Afin d'atteindre ces objectifs, un dispositif innovant, qui constitue un démenti au mouvement de déconcentration, est proposé dans le projet de loi. Il s'agit de la création d'une Agence nationale de rénovation urbaine, EPIC, qui constituera un guichet unique regroupant l'ensemble des crédits nécessaires. Seront en effet mobilisés les crédits du ministère en charge du logement (250 millions d'euros actuellement), ceux du ministère en charge de la ville (155 millions d'euros), ceux du 1 % logement (550 millions d'euros à partir de 2004), la contribution de solidarité entre les organismes d'HLM (35 millions d'euros) et celle de la Caisse des dépôts et consignations, qui peut être évaluée à une dizaine de millions d'euros. Les crédits consacrés à l'agence devraient ainsi s'élever à 5,5 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. Les moyens consacrés au programme de rénovation urbaine comprendront également la participation de la Caisse des dépôts et consignations par l'intermédiaire des prêts qu'elle accorde et du fonds de renouvellement urbain qui sera doté de 457 millions d'euros et les subventions des collectivités territoriales et de l'Union européenne.

Le montant de la participation financière de l'État qui sera ouverte en lois de finances de 2004 à 2008 est fixé à 2,5 milliards d'euros, avec un minimum annuel de 465 millions d'euros. La contribution de l'État sera donc augmentée puisqu'elle s'élève en 2003 à 405 millions d'euros. La programmation proposée constitue un engagement politique fort du Gouvernement vis-à-vis du pays et de la représentation nationale.

La collégialité des décisions d'attribution de financement et la mutualisation des moyens apportés par les partenaires permettront de garantir aux porteurs locaux la sécurité nécessaire à la mise en œuvre de projets complexes, dont la réalisation les engage sur plusieurs années. Le regroupement sur un même lieu de décision et de gestion des financeurs nationaux du programme de rénovation urbaine devrait donc en permettre la réalisation rapide. Sécurisation et fongibilité permettront d'améliorer le taux d'exécution des crédits de la politique de la ville qui est, comme cela avait été notamment souligné lors de l'examen de la loi de finances pour 2003, l'un des plus mauvais.

Le projet de loi propose la création de 41 nouvelles zones franches urbaines (ZFU), appelées à bénéficier, à compter du 1er janvier 2004 et pour une période de 5 ans, d'un régime dérogatoire d'exonérations fiscales et sociales, favorable à l'emploi, calé sur le dispositif, en vigueur depuis 1997, dans 44 ZFU. Il s'agit d'un programme ambitieux de revitalisation économique et d'accès à l'emploi, destiné à lutter contre la « fracture territoriale ».

Les objectifs poursuivis sont de permettre le maintien et le développement d'activités dans ces zones, afin d'y doubler en cinq ans le parc d'activités économiques, de créer 60.000 emplois, d'étendre l'effet de résorption du chômage aux habitants des ZUS, grâce à l'élargissement de la clause d'embauche locale, le nombre de chômeurs dans l'ensemble des ZUS devant être réduit d'un tiers en cinq ans, et de favoriser la rénovation durable des quartiers relevant des ZFU.

Le coût du dispositif d'exonérations fiscales et sociales dans les 41  ZFU est évalué à 79 millions d'euros en 2004 et devrait monter en puissance pour atteindre 257 millions d'euros en 2008.

M.  Jean-Louis Dumont a jugé très positive la démarche innovante que le ministre délégué à la ville a adopté pour l'élaboration de ce projet de loi. En effet, il témoigne d'une véritable volonté politique et présente des propositions qui reprennent les idées formulées par les acteurs de terrain. Ainsi, la création de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, et la programmation sur cinq ans, constituent des mesures bienvenues. De même, il convient de saluer les efforts du ministre pour étendre, dans toute la France, la procédure du rétablissement personnel, inspirée de la faillite civile en vigueur en Alsace et en Moselle. Néanmoins, il convient de noter, au-delà du discours volontariste, que le projet de loi laisse apparaître un manque de moyens en provenance de l'État. Ainsi, on peut craindre que la mise à contribution du 1 % logement au profit de l'Agence nationale ne conduise à assécher le financement de ses missions traditionnelles. Comment donc ne pas remarquer l'incohérence entre les ambitions du projet de loi et les crédits inscrits dans les lois de finances, notamment en ce qui concerne le logement social ?

Plus généralement, il est à craindre que les efforts annoncés envers certains quartiers urbains ne limitent les actions, pourtant nécessaires, menées dans les petites villes et dans les zones rurales, lesquelles souffrent également d'une pénurie de logements. A cet égard, il est indispensable que le ministre prenne, au cours du débat, un certain nombre d'engagements.

L'article 30 du projet de loi pose la question de l'avenir des sociétés anonymes d'HLM et définit les exigences d'une bonne gouvernance. Mais les mesures proposées ne suffiront pas à permettre la mise en place d'un actionnariat de référence clairement identifié. A cet égard, on doit s'étonner de ce que les collectivités territoriales et les locataires soient considérés comme une même catégorie d'actionnaires, alors que leurs responsabilités, notamment financière, sont différentes.

A propos de l'article 29, M. Jean-Louis Dumont a réitéré son opposition à l'existence de la Caisse de garantie du logement locatif social, dont une partie des ressources sera reversée à l'Agence nationale. Sans nier l'intérêt de mutualiser les moyens des différents organismes d'HLM, il est nécessaire de permettre aux sociétés coopératives d'HLM d'adopter la forme de société coopérative d'intérêt collectif. Un amendement sera déposé en ce sens.

Le Président Pierre Méhaignerie a mesuré l'ambition que représente le programme de 200.000 réhabilitations. Cet objectif est souhaitable, mais son exécution n'est pas acquise en raison de la situation des finances publiques. Dès lors, cette programmation ne doit pas aboutir à détourner le 1 % logement de ses missions actuelles.

Il a également annoncé qu'il déposerait, conjointement avec le Rapporteur général Gilles Carrez et M.  François Scellier, un amendement de suppression de l'article 30, estimant que cette modification du fonctionnement des sociétés anonymes d'HLM n'était pas mûre et que les dispositions proposées pourraient conduire à des tractations entre actionnaires non-conformes à l'intérêt général.

En réponse aux différents intervenant, M.  François Grosdidier, Rapporteur, a fait observer qu'il ne faut pas s'arrêter au montant des crédits inscrits dans les lois de finances antérieures : il convient surtout de prendre en compte leur taux de consommation effective. En fait, la recentralisation proposée au sein de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine constitue, en quelque sorte, un désaveu de la déconcentration mise en place dans les dernières années, qui est à l'origine de ce faible taux de consommation des crédits. Les craintes exprimées par les différents intervenants sur les conséquences d'une éventuelle concentration des crédits au profit des quartiers relevant de la cartographie de la politique de la ville ne sont pas infondées. À cet égard, le rapporteur de la commission saisie au fond, ou le Gouvernement déposera un amendement élargissant les missions de l'Agence nationale, pour permettre à celle-ci d'intervenir dans d'autres quartiers présentant des caractéristiques analogues à ceux entrant dans le cadre de la politique de la ville.

Puis, la Commission a examiné les amendements aux articles dont elle est saisie.

Article 5 : Rapport au Parlement sur l'évolution des inégalités dans les ZUS

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur prévoyant que le rapport annuel sur l'évolution des facteurs d'inégalité constatés entre les zones urbaines sensibles et le reste du territoire devra être déposé devant le Parlement au plus tard avant le premier jour ouvrable d'octobre.

Article 22 (article 1883 B et 1383 C [nouveau] du code général des impôts) : Exonération temporaire de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties.

La Commission a examiné un amendement du Rapporteur prévoyant que les exonérations de taxe professionnelle, dans les 41 nouvelles zones franches urbaines, seront intégralement compensées par l'État, alors que le projet de loi ne prévoit qu'une compensation partielle, en raison de la prise en compte des taux existants au moment de la mise en œuvre du pacte de relance pour la ville en 1996. Son auteur a, en effet, fait observer que sur la dizaine de communes concernées, deux seulement avaient diminué leur taux de taxe professionnelle depuis 1996 : Béziers et Alençon, tandis que d'autres, comme Stains ou La Courneuve, l'on augmenté. La compensation doit être intégrale, ce que la base 1996 ne permet pas de réaliser.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué, en accord avec le Rapporteur général Gilles Carrez, qu'il s'opposait à cet amendement. En effet, il a considéré que la décision du Gouvernement précédent de bloquer les dégrèvements de taxe professionnelle à leur niveau de 1996 était parfaitement justifiée, jugeant que ces dégrèvements n'étaient pas vertueux, mais dangereux pour les finances publiques et pour la responsabilisation des élus locaux. En effet, une collectivité peut trop facilement augmenter ces taux d'imposition, sachant que les exonérations lui seront intégralement reversées. Dès lors, il a demandé au Rapporteur de retirer son amendement, jugeant qu'il en allait de la crédibilité de la commission des Finances, qui s'est toujours opposée à de tels mécanismes.

Le Rapporteur a répondu qu'il en allait également de la crédibilité de la politique menée par le Gouvernement et qu'il était difficile d'imaginer que l'État impose une exonération fiscale qui ne serait pas intégralement compensée, d'autant plus que les communes concernées traversent des difficultés financières importantes.

Le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur la nécessité de rompre avec une spirale dangereuse qui aboutit à une situation très inégalitaire, où l'on voit le département des Alpes-maritimes bénéficier d'environ 68 euros de dégrèvement, alors que celui de la Lozère ne bénéficie que de 14 euros.

Rappelant le précédent des exonérations de taxe foncière, M.  François Scellier s'est déclaré favorable à la position exprimée par le Président Pierre Méhaignerie.

Le Rapporteur a alors retiré son amendement, tout en se réservant le droit d'en déposer un autre ne prévoyant plus qu'une exonération partielle de taxe professionnelle limitée au taux en vigueur en 1996, de manière à ce que la compensation soit égale à l'exonération.

Article 24 (article 12 de la loi du 14 novembre 1996) : Exonération des cotisations sociales patronales

La Commission a adopté deux amendements du Rapporteur, le premier visant à étendre le régime d'exonération de charges sociales patronales aux entreprises qui créent un établissement dans l'une des nouvelles zones foncières urbaines, comme c'est le cas pour les zones actuelles, le second précisant que l'exonération n'est ouverte qu'au titre des salariés dont l'activité s'exerce à titre principal dans un ou plusieurs établissements implantés dans une zone franche urbaine, afin de mettre un terme à des jurisprudences discordantes des URSSAF s'agissant des salariés à temps partiel.

Article 25 (article 13 de la loi du 14 novembre 1996) : Conditions d'embauche dans les zones franches urbaines

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur relevant du cinquième au tiers des emplois créés par les entreprises de la zone, la clause d'embauche locale, afin d'harmoniser les règles entre anciennes et nouvelles zones franches urbaines.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption de ce projet, ainsi modifié.

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