COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 77

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 24 septembre 2003
(Séance de 15 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président, puis
de M. Michel Bouvard, Vice-Président

SOMMAIRE

 

pages

- Examen d'un rapport d'information sur la fonction publique d'Etat et la fonction publique locale outre-mer (M. Marc Laffineur, rapporteur)


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- Audition de M. François Logerot, Premier Président de la Cour des comptes, sur le projet de loi portant règlement définitif du budget de 2002 (n° 983)


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- Examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2002 (n° 983) (M. Gilles Carrez, rapporteur général)


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- Communication de M. Charles de Courson, membre titulaire représentant l'Assemblée nationale, au Conseil d'administration de l'EPFR (Etablissement public de financement et de restructuration)



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En préalable à l'ordre du jour, M. Augustin Bonrepaux a fait part de ses inquiétudes sur les restructurations en cours à la Banque de France et sur leurs conséquences en terme d'emploi au niveau local. Une audition de M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, sur ce thème serait très opportune.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué qu'il fera part de la préoccupation de M. Bonrepaux au Gouverneur de la Banque de France. L'audition de ce dernier devant la commission des Finances paraissant difficile au vu du calendrier budgétaire, il est souhaitable que M. Jean-Claude Trichet reçoive directement M. Bonrepaux. La commission des Finances ne doit pas s'opposer à la restructuration de la Banque de France dans la mesure où des économies substantielles peuvent être réalisées. Toutefois, il est essentiel d'appréhender cette question avec une vision en termes d'aménagement du territoire, qui ne doit pas être pénalisante pour les villes moyennes. Le maintien des succursales au chef-lieu du département n'est pas toujours justifié.

M. Augustin Bonrepaux a estimé préférable d'organiser une audition de M. Jean-Claude Trichet devant les membres de la Commission, afin de ne pas diffracter cette question en autant de problèmes exclusivement locaux. Il semblerait que la restructuration en cours aboutisse à la suppression de 1.000 emplois en fin d'année.

M. Thierry Carcenac a jugé important d'envisager les problématiques locales en s'assurant d'avoir recueilli au préalable l'avis du député concerné.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué sa crainte que la Banque de France ne tienne pas compte des observations de la commission des Finances. L'ensemble des élus de sa circonscription a signé un courrier pour alerter les pouvoirs publics de l'impact des restructurations de la Banque de France sur un département rural comme le sien. Il faut optimiser la gestion des ressources humaines et des ressources financières à la Banque de France. La commission des Finances peut faire gagner de l'argent à l'établissement.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné l'importance des marges d'économies existantes à la Banque de France, même si d'autres considérations doivent être prises en compte.

La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Marc Laffineur, Rapporteur, à l'examen d'un rapport d'information sur la fonction publique d'État et la fonction publique locale outre-mer.

M. Marc Laffineur a souligné que cette mission s'était révélée assez difficile à conduire dans la mesure où il existe peu de statistiques disponibles sur le sujet. Les majorations agissent sur la rémunération par l'application au traitement d'un coefficient multiplicateur qui est de 1,4 en Guadeloupe, en Martinique et à la Guyane, de 1,53 à la Réunion, de 1,75 à Saint-Pierre-et-Miquelon et d'environ 2 en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna. Les fonctionnaires bénéficient aussi d'une indemnité particulière d'installation et de sujétion en Guyane, dans les îles du nord de la Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon et du versement d'une prime spécifique d'installation pour les fonctionnaires ultramarins en poste en métropole. Est aussi versée une indemnité d'éloignement dans les collectivités d'outre-mer à statut particulier en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte. Les frais de déménagement induits par les mutations et affectations des fonctionnaires sont remboursés. Il convient de signaler aussi la majoration de retraite dont bénéficient les retraités justifiant d'une résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie Française et à Wallis-et-Futuna. En outre, les fonctionnaires originaires d'outre-mer en poste en métropole ainsi que les fonctionnaires métropolitains en poste outre-mer disposent de congés bonifiés, c'est-à-dire qu'ils ont droit, tous les trois ans, à des congés payés d'une durée de 65 jours et à la prise en charge des frais de transport pour eux-mêmes, leurs ayants droit et leurs enfants pour se rendre outre-mer. Le traitement est alors affecté de la majoration de traitement applicable outre-mer. Par ailleurs, la fonction publique outre-mer se caractérise par des effectifs très élevés, surtout dans les petites villes. Cette situation délicate tient pour partie à un contrôle de l'État défaillant. L'État a laissé les communes procéder à des embauches sans qu'un réel contrôle soit effectué et il n'a aujourd'hui qu'une connaissance imparfaite de l'ampleur réelle des effectifs.

Ces spécificités de la fonction publique outre-mer ont des conséquences néfastes. En premier lieu, les compléments de rémunération instaurent une inégalité de traitement entre les fonctionnaires métropolitains et les fonctionnaires en poste outre-mer. Selon une étude de l'INSEE de 1992, le différentiel des prix avec la métropole est de 10 % en Guadeloupe, 17,6 % en Martinique, 10,3 % en Guyane. En 1998, l'INSEE a constaté que le différentiel des prix avec la Réunion était de 9,5 à 11,2 %. La réalité du différentiel du coût de la vie est donc sans rapport avec l'ampleur des surrémunérations. Le système des surrémunérations introduit aussi une inégalité de traitement entre les agents titulaires et les agents non titulaires. De plus, il représente un coût élevé pour l'État qui peut être estimé à 2,2 milliards d'euros. La dépense fiscale résultant de la réduction de l'impôt sur le revenu s'élève à 200 millions d'euros et la dotation indirecte que reçoivent les collectivités au titre du fonds de compensation de la TVA représente 55 millions d'euros. Par ailleurs, ces compléments entraînent un niveau très élevé de dépenses de personnel et constituent l'un des facteurs principaux de la situation financière préoccupante des collectivités d'outre-mer. Ils représentent un facteur de précarité, car ils constituent un frein important à la titularisation des fonctionnaires et un élément de disqualification à l'embauche et à la mobilité en métropole pour les fonctionnaires ultramarins. De plus, les compléments de rémunération pèsent sur les prix, alimentent l'inflation et provoquent une hausse des salaires dans le secteur privé. Ils constituent une cause importante de la faiblesse des investissements des collectivités territoriales. Par exemple, les entrepreneurs de Guadeloupe mettent en moyenne deux ans à être payés par les collectivités territoriales. Ces compléments pourraient avoir des conséquences financières dramatiques en cas de titularisation de l'ensemble des agents non titulaires. Cela représenterait un coût de 153 millions d'euros à La Réunion et de 135 millions d'euros à la Martinique. En Guadeloupe, où des titularisations ont eu lieu, 19 communes sur 34 connaissent une situation financière préoccupante. Enfin, ces compléments de rémunération font l'objet de fraude de la part d'agents publics, qui détournent ces primes de leur objectif initial. C'est notamment le cas des majorations des pensions de retraite comme l'a montré la Cour des comptes dans son rapport sur les pensions civiles de l'État.

L'objectif des réformes proposées est d'encourager le développement économique de l'outre-mer et de lutter contre la précarité et le chômage. Cette démarche s'inscrit dans la lignée de la loi de programme pour l'outre-mer du 21 juillet 2003. Il convient tout d'abord de redonner des marges de manœuvres aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent investir et relancer l'économie. Une réforme prioritaire consiste à créer un contrat spécifique, permettant de titulariser les agents non titulaires de la fonction publique territoriale, sans appliquer cependant les majorations de rémunération. De même, il faut aider les maires par des contrôles étatiques plus stricts. Une réforme du système de surrémunération apparaît essentielle. Elle doit cependant être très progressive, afin de ne pas remettre en cause le niveau des salaires. Une réforme pourrait consister à ne plus revaloriser les salaires, jusqu'à ce que le taux de complément de rémunération corresponde véritablement au différentiel de prix avec la métropole. De même, la suppression des congés bonifiés semble indispensable pour permettre des carrières plus attractives pour les fonctionnaires en poste en métropole. Ces congés pourraient être remplacés par un système de chèque-vacances. Afin d'encourager l'égalité entre l'outre-mer et la métropole, une réforme de la réduction de 30 à 40 % de l'impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables ultramarins apparaît nécessaire. Il conviendra aussi de mener des études plus approfondies pour mieux connaître le coût de la vie outre-mer et le différentiel de prix avec la métropole. Conformément aux recommandations de la Cour des comptes, il est indispensable de mettre fin au système de majoration des retraites pour les nouveaux retraités. L'objectif de ces réformes étant d'aider le développement économique et social de l'outre-mer, les économies réalisées pourront être réinjectées outre-mer, pour financer les investissements et les équipements.

Le Président Pierre Méhaignerie a remercié le Rapporteur pour la qualité de son travail et l'effort d'analyse dont il a fait preuve. L'information contenue dans le « jaune » budgétaire est très insuffisante, puisqu'elle ne renseigne que sur le coût global. Le jaune devra comporter une analyse fine des différents postes. Le problème de la fonction publique outre-mer est particulièrement handicapant pour le développement de l'activité privée, en raison du fossé exagéré qui existe entre le public et le privé. Les réformes préconisées par le Rapporteur sont de nature à permettre un développement de l'emploi privé outre-mer.

M. Marc Laffineur, Rapporteur, a précisé que, si les collectivités et territoires d'outre-mer disposent de moins de ressources fiscales que la métropole, l'ensemble net de leurs ressources se comparent avec celles de la métropole.

M. Michel Bouvard a rappelé que les problèmes de l'outre-mer constituent un sujet sensible. Il est essentiel de recueillir des éléments statistiques très précis et très fiables. La mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances peut être un facteur déclenchant, puisque c'est la question de la performance de la dépense publique qui est en jeu. Il ne faut remettre en cause ni la mobilité de l'outre-mer vers la métropole, ni les transferts de la métropole vers l'outre-mer, lesquels répondent à une exigence de solidarité. La bonne approche du débat est celle qui concerne la manière d'affecter des ressources en réorganisant le système de l'outre-mer. Il ne s'agit en aucune manière de contester la relation privilégiée qui existe avec l'outre-mer et de s'attaquer à la solidarité. Il faut veiller à ce que l'ambition de ce rapport d'information trouve des réponses concrètes.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que les débats de la commission des Finances ont pour but, non de reprendre de l'argent à l'outre-mer, mais de le redéployer au mieux et de s'attaquer à l'écart entre la fonction publique et le secteur privé.

Usant de la faculté que l'article 38 du Règlement de l'Assemblée nationale confère aux députés d'assister aux réunions des commissions dont ils ne sont pas membres, M. Mansour Kamardine a remercié le Président pour cette précision et a souhaité un approfondissement du travail mené par le Rapporteur. Il est, en particulier, essentiel de mieux connaître le coût de la vie outre-mer. Le besoin d'outils d'information est tout à fait compréhensible, face au manque d'éléments très précis. Après certaines tentatives malheureuses qui ont eu lieu par le passé, il est grand temps d'approfondir les analyses évoquées dans le rapport d'information.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité que l'introduction du rapport d'information mette bien l'accent, non seulement sur l'objectif poursuivi en matière de redéploiement des crédits et non de réduction de ces derniers, mais également sur l'impérieux effort de transparence et sur l'invitation au dialogue.

M. Marc Laffineur, Rapporteur, a souligné la nécessité de réinjecter des crédits dans l'investissement et le développement des départements et territoires d'outre-mer.

M. Michel Bouvard a estimé nécessaire d'approfondir les études sur le coût de la vie outre-mer.

M. Jérôme Chartier a considéré que la partie concernant la défaillance du contrôle de l'État doit être approfondie et enrichie, afin d'apprécier véritablement la part des responsabilités de chacun des acteurs publics.

La Commission a ensuite autorisé la publication du rapport d'information, en application de l'article 145 du Règlement.

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La Commission a ensuite procédé à l'audition de M. François Logerot, Premier président de la Cour des comptes, et de MM. François Delafosse, Président de la première chambre, et Jean-Raphaël Alventosa, Conseiller-maître, sur le rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 2002.

Présentant les travaux de la Cour des comptes sur l'exécution du budget 2002, M. François Logerot, Premier président, a souligné que le rapport définitif confirme en les précisant les constatations déjà présentées à la Commission lors d'une précédente audition préparatoire au débat d'orientation budgétaire. Plutôt que de procéder au simple rappel de ces résultats, le Premier président a préféré insister sur les nouveautés apportées par la loi organique du 1er août 2001 aux travaux de la Cour dans le cadre du contrôle de l'exécution des lois de finances et au titre de sa mission d'assistance au Parlement.

Indépendamment des rapports sur les mouvements de crédits opérés par voie administrative dans le courant de l'année, trois types de rapports sont réalisés en application de l'article 58 de la loi organique : le rapport préliminaire au débat d'orientation budgétaire, destiné à donner des éléments d'analyse financière de la situation de l'Etat ; le rapport sur l'exécution lui-même qui contrôle la régularité de cette exécution, la qualité de la gestion budgétaire dans les ministères et, lorsque l'intégralité de la loi organique aura été mise en vigueur, les caractéristiques des performances atteintes dans la mise en œuvre des programmes ; enfin, un rapport sur les comptes retraçant les contrôles sur la comptabilité de l'Etat et débouchant sur la certification ces comptes de l'État, tâche désormais assignée à la Cour des comptes.

Dans le rapport sur l'exécution budgétaire de l'année 2002, la Cour des comptes s'est efforcée de se mettre dans la perspective de l'application définitive de la loi organique, en rendant compte de sa mise en œuvre progressive dans les administrations. Le deuxième fascicule du rapport 2002, sorte de préfiguration du futur rapport sur les comptes, analyse les comptes de l'Etat, la Cour des comptes s'étant mise en mesure, sur certains points, de remplir, la tâche de certification.

Les dispositions de la loi organique représentent une novation considérable des missions de la Cour des comptes et de la répartition de ses moyens par rapport aux autres missions qui lui sont assignées. Dans la réflexion interne sur ses « orientations stratégiques », la Cour des comptes fait de la mise œuvre de la loi organique un impératif absolu.

Abordant les constatations faites par la Cour des comptes sur la mise en œuvre de la loi organique dans les ministères de la culture et de la communication, de la défense, de l'intérieur et du travail, et plus généralement par les rapporteurs de ses différentes chambres, en particulier quant à la notion de performance qui constituera l'axe autour duquel s'organisera le contrôle exercé par le Parlement, le Premier président a d'abord considéré que si le pilotage de la mise en œuvre de la LOLF a pu apparaître encore incertain dans quelques ministères, en raison des changements politiques, dès décembre 2002, les nouvelles impulsions politiques et le nouveau dispositif de pilotage ont permis de faire progresser les chantiers ouverts.

Une deuxième constatation tient à un certain retard dans la confection des programmes, en raison de la relative lenteur des administrations et des cabinets ministériels à percevoir les enjeux de la réforme et à intégrer véritablement ses objectifs. Par ailleurs, le démarrage de « grands chantiers », comme la décentralisation, les lois de programmation et d'orientation (défense, sécurité intérieure et justice) dont l'effet sur les périmètres et sur le contenu des futurs programmes peut être considérable, a pu rendre plus lentes les réflexions sur les nouvelles structures de programmes.

Enfin, si la Cour des comptes a bien noté l'acquit tenant à la nouvelle présentation des crédits formulée en termes d'agrégats, elle relève que dans la moitié des ministères étudiés, les périmètres budgétaires de ces agrégats ne retracent pas fidèlement les moyens financiers et en personnels correspondant à leur mission et ne peuvent donc pas préfigurer, de manière pertinente, la nouvelle structure de programmes. Les programmes à l'étude apparaissent assez souvent calqués sur la structuration actuelle des services administratifs, de façon compréhensible dans la mesure où à chaque programme sera assortie la responsabilité d'un chef de programme. Lorsque les programmes sont transversaux ou communs à plusieurs services, le problème de la définition des responsabilités se pose. La difficulté de cet exercice est manifeste. Pour la Cour des comptes, il doit relever d'une approche matricielle, dont la nouveauté impose un délai d'acclimatation dans les administrations.

S'agissant des objectifs, les objectifs stratégiques à moyen terme poursuivis par les administrations n'apparaissent pas encore réellement explicités, dans de nombreux cas. Les objectifs opérationnels à plus court terme sont trop peu sélectifs ou mal hiérarchisés.

Si de grands efforts conceptuels sont encore à réaliser sur le plan interministériel, il est essentiel de tout mettre en œuvre pour que le point d'arrivée fixé par la loi organique soit tenu.

La Cour des comptes a engagé la réflexion sur la certification des comptes de l'État dès la fin de l'année 2001, qu'il s'agisse des conditions de sa réalisation ou du rôle tenu par la Cour qui consiste à donner aux parlementaires et aux citoyens une opinion sur la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes de l'Etat. Un double effort doit être développé, au sein des administrations, notamment financières, pour faire en sorte que les comptes de l'Etat soient certifiables, ce qui suppose un travail sur les normes, sur les systèmes d'information, sur les contrôles internes et sur les relations entre les différents acteurs de la dépense publique. Le deuxième effort incombe à la Cour des comptes. Elle doit pouvoir suivre ce mouvement au fur et à mesure de l'amélioration de la présentation des comptes de l'Etat pour être prête à rendre sa première certification sur les comptes de 2006, dans toute la mesure possible, dans le périmètre complet des comptes de l'Etat.

Sur le fond, la loi organique a retenu une notion de certification proche de celle qui s'applique habituellement aux comptes des entreprises, cette référence étant retenue comme cadre de sa mission par la Cour. La spécificité des comptes de l'Etat devra être prise en compte dans la mesure du nécessaire. Dans ce cadre, l'opinion que la Cour aura chaque année à exprimer sur les états financiers - c'est-à-dire sur le bilan, sur le compte de résultats, sur l'annexe, sur les flux de trésorerie, sur les flux budgétaires - pourra prendre plusieurs formes : une certification sans réserve, une certification assortie d'une ou plusieurs réserves ou observations, un refus de certifier qui, sans pouvoir être général, indiquerait, par exemple, qu'une partie des comptes de l'Etat ne peut pas être certifiée, et, dans le cas le plus grave, l'impossibilité d'exprimer une opinion parce que les comptes ne seraient pas en l'état, par exemple.

Dans l'optique de la certification pour les comptes de 2006, le dispositif de la Cour des comptes doit progressivement monter en charge, et comme il est de règle dans les opérations de certification, le type de relations entretenues par la Cour avec les administrations financières, ainsi que le calendrier de ces relations seront considérablement modifiés. Très en amont de l'opération de certification, la Cour devra pouvoir procéder auprès des services chargés de la tenue de la comptabilité et de la production des états à des opérations de vérification l'amenant à proposer des ajustements ou des clarifications dans les états financiers définitifs avant qu'elle rende elle-même sa certification.

La Cour des comptes a progressivement constitué des guides d'audit appliqués à chacun des types d'opérations à certifier. Dès 2002, une première série d'audits comptables utilisant la méthodologie de la certification a porté sur quatre types de sujets : la dette de l'Etat et les opérations actives de gestion de la dette et de la trésorerie, soit environ 750 milliards d'euros au passif de l'État ; les relations de l'Etat avec les correspondants du Trésor, soit 68 milliards d'euros au passif ; les comptes financiers retraçant la trésorerie de l'Etat, soit 7 milliards d'euros à l'actif et l'ensemble des opérations de fin d'exercice (écritures de correction, opérations d'inventaire, de centralisation et construction des états financiers).

Ces contrôles seront prochainement renouvelés sur les lignes qui ont déjà été vérifiées dans l'optique de la certification, mais en y incorporant, à mesure de la mise en place des guides d'audits, des travaux nouveaux, notamment sur les immobilisations et sur les dépenses budgétaires. À ce titre, la Cour des comptes fournira un important investissement intellectuel et d'organisation, mais il faudra aussi accorder à la Cour des moyens nouveaux.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a posé la question de l'évaluation a priori, l'exécution 2002 montrant combien les évaluations prévisionnelles de dépenses en loi de finances initiale étaient erronées dans de nombreux domaines. Tant que des prévisions seront aussi éloignées de la réalité, alors que la maîtrise de la dépense devient prioritaire pour maîtriser les déficits, la question de la qualité de l'évaluation se pose d'une manière fondamentale, par exemple dans le domaine social. Les dépenses d'aide médicale d'Etat font apparaître une multiplication par un facteur huit entre 2001 et 2002. Quant aux dépenses d'assistance, revenu minimum d'insertion (RMI), allocation aux adultes handicapés (AAH), couverture maladie universelle (CMU), l'augmentation globale par rapport à 2001 est de l'ordre de 10%. Lors du collectif d'été, près de 5 milliards d'euros ont été nécessaires pour remettre à niveau les dotations.

La question est donc de pouvoir, pour certains projets de loi, mettre en place un système d'évaluation préalable des études d'impact, qui permettrait d'éclairer la portée des décisions à prendre. Que ce soient la CMU, l'AME, ou l'APA, les évaluations n'ont pas été faites correctement, d'où les plus grands dérapages dans le budget de l'Etat.

Pour leur part, les dépenses fiscales nécessitent une autre forme d'évaluation préalable qui n'a pas été suffisamment réalisée, dont plusieurs exemples récents témoignent. La question se pose donc, au titre l'article 58 de la loi organique, des conditions dans lesquelles la Cour des comptes pourrait aider le Parlement à la matérialisation de ce travail d'évaluation préalable.

M. François Logerot a observé que, juridiquement, la mission d'assistance de la Cour, telle que définie par la Constitution, porte sur le contrôle de l'exécution des lois de finances et non sur leur préparation. En cette matière, le Parlement est l'unique interlocuteur du Gouvernement, lequel est aidé comme en toute matière législative par l'avis préalable que lui donne le Conseil d'Etat, et qui porte prioritairement et principalement sur les mesures de nature fiscale sans compter, sauf exception, d'évaluations de montants inscrits dans les lois de finances.

Pour autant, la Cour des comptes met, dans certains cas au moins, des éléments d'information utiles à la disposition des parlementaires, par les observations faites sur l'exécution des budgets précédents, éventuellement par des constatations faites en cours d'exercice - les besoins de la certification amenant nécessairement la Cour à suivre en cours d'exercice, plus qu'auparavant, l'exécution du budget. La difficulté tient à ce que la Cour des comptes, comme le Parlement, ne connaît le détail du projet de loi de finances qu'après son adoption par le Conseil des ministres et son dépôt sur le bureau de l'Assemblée nationale. Le délai dans lequel la Cour des comptes pourrait répondre à une demande d'évaluation a priori apparaît donc particulièrement réduit. D'autant que la Cour suit un certain nombre de règles de fonctionnement qui constituent une garantie pour ceux qui s'appuient sur ses travaux : des travaux écrits, contredits avec les administrations intéressées et délibérés collégialement. En outre, il faut rappeler que pour toutes les dépenses récurrentes, des éléments d'appréciation sont disponibles dans les précédents rapports de la Cour. Quant aux mesures entièrement nouvelles, les administrations, soit spontanément, soit à la demande des rapporteurs, sont tenues d'indiquer les éléments de calculs sur lesquels elles se fondent. La mission d'évaluation demandée à la Cour serait alors une forme de contre-expertise.

S'agissant des dépenses fiscales, le récent rapport du Conseil des impôts montre que dans certains cas l'évaluation du coût d'une dépense fiscale est extrêmement difficile par sa nature même. Ce problème est d'autant plus sensible que notre pays fait une très fréquente utilisation de ces techniques, non en termes de montant global, environ 50 milliards d'euros, mais en nombre. Certains de ces dispositifs sont source d'instructions, de vérifications mais ne bénéficient, chaque année, qu'à quelques contribuables seulement. Dans ses recommandations, le Conseil des impôts a suggéré de procéder à une remise en ordre de toutes ces dispositions, au terme d'un examen au cas par cas, même s'il est indéniable que certaines d'entre elles sont l'expression très volontaire d'une politique.

M. Michel Bouvard a souligné que la comptabilisation des personnels de l'Etat constitue l'un des enjeux les plus importants de la nouvelle loi organique. À plusieurs reprises, la Cour des comptes a exprimé sa préoccupation devant l'accroissement du poids de la fonction publique d'Etat qui ampute progressivement les marges de manœuvre du budget, encore plus en y ajoutant les pensions. Si le compte des pensions permettra une réelle amélioration, des difficultés existent pour connaître de façon fiable le nombre des personnels de l'Etat préalablement à la mise en œuvre du plafonnement des autorisations d'emplois prévu dans la loi organique. La consolidation des emplois publics, intégrant ceux situés dans des établissements publics qui agissent directement pour le compte de l'Etat ou dans quelques grandes associations, par exemple l'AFPA, qui fonctionnent principalement sur des crédits publics, est également essentielle.

M. Didier Migaud a demandé si la Cour des comptes serait aujourd'hui en mesure de certifier les comptes 2002 de l'Etat et où en est le travail de préparation à cet égard ; et quelle connaissance l'Etat peut avoir aujourd'hui de son patrimoine.

Si un membre de la Commission a proposé, de façon très contestable, la suppression du Conseil des impôts, le très intéressant rapport du Conseil des impôts sur la fiscalité dérogatoire, montre bien que cet organisme peut être utile pour stimuler la réflexion du Gouvernement comme des parlementaires. Un débat avec le Conseil des impôts sur certaines propositions qu'il formule pourrait être utilement organisé, en vue de les reprendre dans la prochaine loi de finances.

Le ministre s'est engagé à présenter la nouvelle architecture des missions et programmes avant la fin de l'année, la Cour des comptes y travaille de son côté. Il serait intéressant de pouvoir disposer également des propositions de la Cour à cet égard.

M. Daniel Garrigue a demandé si les guides d'audit en matière de dette demeurent encore au stade de la définition de la méthodologie ou si la Cour a déjà commencé à utiliser ces guides et quelles conclusions elle en a retirées ?

M. François Logerot a observé que la Cour n'a pas la responsabilité de la définition de l'architecture des missions et des programmes. C'est à l'occasion des travaux sur l'exécution des lois de finances dans les différents ministères que les rapporteurs de la Cour s'enquièrent de l'état d'avancement des travaux. Il serait question de donner au Parlement, très rapidement, une photographie d'ensemble, peut-être encore provisoire, des structures de programmes - entre 120 et 140 programmes - et de désigner également quelques programmes tests ou expérimentaux dont la déclinaison en actions serait plus avancée et permettrait de tester la validité de la construction décidée par la loi organique. À l'occasion de la préparation du prochain rapport sur l'exécution des lois de finances, la Cour des comptes confiera à ses rapporteurs la mission de faire à nouveau le point à cet égard et il en sera rendu compte dans le rapport.

En ce qui concerne la certification, il n'est certes pas possible actuellement de certifier les comptes de l'Etat dans leur globalité. Si la Cour des comptes a pu se livrer, sur la dette, à un travail qui s'apparente beaucoup à la certification, c'est en raison du fait que ce compte étant tenu en termes de charges à payer et de produits à recevoir, il est déjà certifiable et s'accompagne d'une structure particulière - l'agence France Trésor - qui facilite également son identification. Plus généralement, les comptes de l'Etat deviendront certifiables au fur et à mesure des progrès qui seront réalisés. Un certain nombre de conditions préalables doivent être respectées. En premier lieu, les normes comptables doivent être définies. Le Comité des normes, auquel participe un magistrat de la Cour des comptes, y travaille avec l'objectif d'aboutir à la fin de cette année, en s'inspirant des normes du plan comptable général et de normes définies à l'échelle internationale par le comité du secteur public de l'International Federation of Accountance. Ces dernières normes ne s'imposent pas formellement aux Etats, mais avec l'examen sur un plan international, et en particulier européen, des comptes des Etats, la France aura tout intérêt à les appliquer.

En deuxième lieu, il faut disposer des systèmes d'information intégrés budgétaires et comptables dont l'utilisation est systématique pour les travaux de certification, eux seuls permettant de sélectionner les opérations qui sont analysées à titre d'échantillon. Pour l'Etat, il s'agit de l'opération ACCORD. Elle est en chantier, mais donne lieu à une expérimentation en vraie grandeur et doit être généralisée à partir de 2004. La Cour a eu l'occasion de faire plusieurs observations à cet égard et de faire valoir quels étaient ses besoins propres quant à sa liaison permanente avec le système ACCORD.

En troisième lieu, il faut redéfinir les rôles et les responsabilités respectifs des différents acteurs en matière de dépense publique : l'ordonnateur, le contrôleur financier, le comptable public. Les nouvelles techniques informatiques comptables - la mise en place du système ACCORD - montrent bien que les zones de recouvrement de l'action des uns et des autres sont à revoir entièrement. Des réflexions sont en cours au ministère de l'économie et des finances et à la Cour des comptes. Le ministre des finances a d'ores et déjà mis en œuvre un certain nombre de réformes allant dans le sens de l'allégement de contrôles a priori. Sur le principe, la Cour ne peut pas être défavorable à des suppressions de contrôles redondants ou devenus automatisables grâce aux nouvelles techniques. Néanmoins, elle souhaite conserver la maîtrise du contrôle externe final et voir maintenus les principes de responsabilité, tout particulièrement la responsabilité du comptable public.

La certification progressera donc pas à pas, en fonction de ce qui pourra être fait en amont. C'est la raison pour laquelle la Cour des comptes a engagé sa démarche de façon précoce, à la fois pour inciter le ministère de l'économie et des finances à progresser de son côté et pour être en état d'accomplir cette mission, le plus complètement possible, à l'échéance de 2006.

S'agissant des guides d'audit, la Cour des comptes les expérimente effectivement. Ils devront être perfectionnés et adaptés au cours des années, parce qu'ils assurent la fiabilité du travail de la Cour qui engagera sa responsabilité en certifiant les comptes ou en faisant des réserves. Il a été rendu compte de cette démarche, en ce qui concerne la dette, aux pages 310 et suivantes du rapport sur l'exécution budgétaire 2002.

En ce qui concerne le Conseil des impôts, le Premier président de la Cour des comptes est par fonction président du Conseil des impôts, organe associé à la Cour. Le Conseil est composé de magistrats et hauts fonctionnaires qui apportent bénévolement une contribution en dehors même de leur tâche normale, ce qui explique que le Conseil ne puisse se saisir que d'une seule grande question chaque année : en 2002, les contribuables et l'administration, en 2003, la fiscalité dérogatoire. L'année prochaine, le Conseil des impôts s'intéressera à la compétitivité fiscale concernant essentiellement les entreprises. Si la commission des finances souhaite organiser un débat avec le Conseil des impôts, il conviendrait d'y associer la direction générale des impôts, en particulier la direction de la législation fiscale, qui a été auditionnée par le Conseil, car certaines positions affirmées par le Conseil des impôts ne recueillaient pas son assentiment complet.

M. François Delafosse, Président de la première chambre, a souligné combien la question de la comptabilisation des emplois de fonctionnaires est cruciale. Quant aux progrès réalisés depuis la parution du premier rapport particulier de la Cour des comptes, en janvier 2000, ils sont difficiles à mesurer. La Cour a relevé qu'il n'existait pas de système normalisé de comptabilisation des emplois à l'intérieur de l'appareil d'Etat, le ministère du budget, les contrôleurs financiers, les divers ministères gestionnaires, ayant chacun son propre système de comptabilisation et de suivi, lorsqu'il existe ou, dans certains cas, plusieurs systèmes à l'intérieur d'un même ministère. La Cour avait insisté sur la nécessité de construire un tel système dans un souci de gestion sérieuse. Le Gouvernement avait alors fait part de son souci d'améliorer la connaissance de l'emploi public. L'Observatoire de l'emploi public institué en 2000, aboutit en pratique à la création d'une troisième série de données chiffrées, après celles figurant dans les lois de finances et après les évaluations de l'INSEE. Ainsi, le nombre des fonctionnaires titulaires à la fin 2001 atteignait 1.614.000 d'après les lois de finances, 1.696.000 d'après l'Observatoire de l'emploi public et 2.016.000 d'après l'INSEE. Ces divergences trouvent sans doute leur origine dans les modalités de prise en compte, d'une part, des agents à temps partiel et, d'autre part, du taux d'occupation effectif des emplois. La mise en œuvre d'un système de suivi des effectifs réels de l'Etat reste à faire.

La nouvelle loi organique doit en être l'occasion, le législateur étant amené à autoriser des plafonds d'emplois par ministère. Il conviendra donc d'évaluer, programme par programme, la qualité des prévisions et leur réalisation, ce qui rejoint la question des nouveaux systèmes d'information intégrés sur l'exécution de la dépense publique. Ces systèmes devront évidemment prendre en compte le suivi des emplois, puisqu'une masse de l'ordre de 40% de la dépense totale est en jeu. Dans ses contrôles et dans ses travaux préparatoires au contrôle de la performance et à la certification, la Cour devra tester, sur le plan technique, en particulier de la technique informatique, la qualité du nouveau système devant intégrer ces prévisions d'emplois.

S'agissant de la préoccupation exprimée quant aux emplois indirects, c'est-à-dire hors budget de l'Etat, mais financés de facto sur ce budget aux travers des subventions aux établissements publics ou aux associations, il conviendra de retracer, dans les programmes, ce qui, dans les subventions, correspond en fait à des autorisations d'emplois.

M. Jean-Raphaël Alventosa, Conseiller Maître, a relevé que la loi organique prévoit l'existence d'un plafond d'emplois au niveau du ministère et, au niveau des programmes, des plafonds de crédits. Il conviendra donc de rendre cohérents le plafond d'emplois par ministère et les plafonds de crédits. Il conviendra, dans un premier temps, de viser l'exhaustivité et non l'universalité de l'information. Dans un second temps, dans une nomenclature des emplois à rebâtir entièrement, il conviendra de s'attacher aux moyens de suivre le statut, le nombre, les crédits, les programmes, les missions, les métiers, les fonctionnalités.

En ce qui concerne le patrimoine de l'Etat, la Cour des comptes s'attache à présenter, l'année prochaine, les premiers travaux de certification. À ce titre, elle développera ses recommandations, puisqu'elle intervient alors comme conseil et non comme juge, ses observations devenant de plus en plus sévères dans le cas où les observations précédentes ne seraient pas suffisamment prises en compte au fur et à mesure que l'on se rapprochera de la date du 1er janvier 2006, date à laquelle les comptes de l'Etat devront être certifiés. Sur le total du bilan de l'Etat, 340 milliards d'euros, les immobilisations représentent 100 milliards d'euros. Il faudra s'assurer, d'un point de vue sémantique, de la cohérence des notions employées et des crédits, ce qui n'est pas le cas actuellement. Il faudra s'assurer aussi que le tableau général des propriétés de l'Etat recense bien toutes les propriétés publiques, que la valeur attachée à chaque propriété est exacte. À cet égard, la norme n'est pas encore édictée. Il pourra s'agir d'une valeur historique ou d'une valeur marchande. Il faudra enfin déterminer le champ du recensement. À partir de là, la Cour s'attachera à vérifier que les consolidations sont faites entre les chiffres dont disposent les ministères, la direction générale des impôts et les comptables.

M. François Delafosse a souligné que la Cour a engagé sa démarche en vue de la certification en commençant par les lignes de bilan pour lesquelles elle pouvait le plus facilement expérimenter les guides d'audit. C'est le cas de la dette. Même si ses recommandations peuvent apparaître très techniques, elles révèlent a contrario que, pour l'essentiel, les résultats des premiers audits sont positifs. Les comptes de l'Etat pourraient être certifiés si l'on se limitait à la gestion du compte de la dette. S'agissant de la comptabilisation des immobilisations corporelles, en revanche, la recommandation aurait été : tout est à faire.

M. Charles de Courson a posé plusieurs questions sur le rapport de la Cour des comptes :

- page 27, à propos de la cotisation minimale de taxe professionnelle, sur l'existence d'un éventuel bilan des réductions y compris les cas de majorations de prélèvements ;

- page 30, la Cour des comptes s'étonne de l'absence de formalisation du processus de prévision des recettes fiscales et de ses résultats, le ministre du budget ayant refusé de communiquer les éléments permettant d'apprécier l'écart entre les prévisions et les réalisations. Le Parlement devrait appuyer la demande de la Cour des comptes auprès du Gouvernement ;

- page 33, la Cour critique l'absence d'émission de titres de recettes pour le versement de la CADES et sur le versement de NATEXIS-ex BFCE ;

- page 49, la Cour relève la poursuite de la résorption des emplois en surnombre, la Cour pourrait-elle donner le nombre actuel d'emplois en surnombre ?

- page 74, la Cour soulève la question du statut budgétaire de la présidence de la république, la Cour des comptes souhaite-t-elle qu'un règlement fixe expressément ce statut ?

- page 79, la Cour relève que les versements de dotations en capital à Charbonnages de France, pour 454 millions d'euros et à l'EPFR, pour 950 millions d'euros, ont été effectués le 23 janvier 2003. Ceci est-il irrégulier ? Ces dotations en capital étant en réalité des subventions, la Cour souhaite-t-elle que ces dotations soient traitées comme des subventions ?

- page 110, à propos d'Air Lib, la Cour relève que les annulations de crédits de 12,3 millions d'euros, pour couvrir la deuxième tranche de prêts du FDES, sont intervenues sur des chapitres n'ayant pas de disponibilités.

La Cour estime-t-elle cette opération conforme à la loi organique en matière de décrets d'avances et d'annulations ?

Sur la question relative aux éléments de prévision de recettes, M. François Logerot a rappelé que les problèmes techniques de prévision varient suivant le type d'impôt, la préoccupation de la Cour des comptes étant de disposer des éléments indispensables pour pouvoir expliquer au Parlement les différences entre prévisions et réalisations, connaître les bases sur lesquelles les prévisions ont été faites, vérifier qu'elles tenaient compte de tous les éléments pertinents dont on pouvait disposer alors. L'accès aux documents de travail interne de l'administration des finances a été refusé par le ministre. Cette réponse ne peut pas satisfaire la Cour. Il est irréaliste que de tels dossiers puissent ne pas exister, puisqu'il est question d'un processus d'arbitrage, au cours duquel sont confrontés les éléments d'information dont disposent les différentes directions du ministère de l'économie et des finances. Des positions différentes s'expriment donc entre lesquelles le ministre arbitre pour fixer un chiffre de prévision dans le projet de loi de finances. La Cour réitère donc sa demande. Les rapporteurs du Parlement comme les magistrats de la Cour des comptes doivent avoir accès à ces éléments, l'article 57 de la loi organique définissant d'ailleurs de façon précise les pouvoirs de vérification. Même si les pouvoirs d'investigation de la Cour ne sont pas prévus dans les mêmes termes, puisqu'ils relèvent de textes plus anciens, la Cour estime nécessaire de disposer de pouvoirs identiques.

M. François Delafosse a observé qu'il n'est pas possible de disposer d'une évaluation sûre des surnombres budgétaires en l'absence de chiffres sûrs sur les effectifs réels. La Cour essaye, budget par budget, de faire des sondages, en particulier en ce qui concerne le budget de l'éducation nationale. Dans son rapport public particulier sur le système éducatif, la Cour des comptes a montré que le mode de gestion, avec le décalage entre l'année budgétaire et l'année scolaire, génère inévitablement des écarts et des surnombres. En outre, le maintien d'un système de gestion totalement centralisé ne peut que rendre plus difficile la gestion de plus de deux millions de personnes.

Si l'on souhaite que la Cour puisse aller au-delà du simple constat de l'évolution annuelle des dépenses et des crédits de la présidence de la République, il faut un référentiel qu'il n'appartient pas à la Cour de définir. Aucun texte n'a pu être trouvé, ni sous le régime de l'actuelle Constitution, ni sous ceux des deux précédentes, qui fonderait un contrôle.

M. Jean-Raphaël Alventosa a relevé qu'en page 350 de son rapport, la Cour des comptes fait état de la réponse du ministre en ce qui concerne les prélèvements qui relèvent du pouvoir réglementaire. S'il est compréhensible de ne pas pouvoir enfermer le pouvoir exécutif dans une réglementation tatillonne s'agissant des recettes non fiscales, avoir la possibilité pour ce dernier de créer quelquefois de véritables « recettes parking » sur certaines lignes de recettes, interdit à la Cour des comptes d'apprécier l'écart entre la prévision de recettes et la réalisation. La Cour des comptes poursuivra ses démarches auprès des représentants du ministère des finances pour qu'ils réfléchissent à la possibilité de fournir de plus amples éléments d'information aux assemblées et à la Cour.

En ce qui concerne Air Lib. la Cour avait rendu, l'année dernière, un rapport au Parlement à l'occasion du décret d'avance, sans qu'y soit décelée de contradiction avec la loi organique en tant que telle.

M. François d'Aubert a souhaité pouvoir disposer, ministère par ministère, d'éléments sur les recettes issues de cessions par l'Etat de terrains ou d'immeubles. Le ministère des armées conserve par exemple le produit des cessions, ce qui n'est pas le cas dans d'autres ministères. Les règles en ce domaine sont-elles du domaine législatif ou réglementaire et dispose-t-on d'éléments sur la répartition des produits en cause par ministère ?

M. Jean-Raphaël Alventosa a répondu qu'il n'existe aucune affectation des recettes par ministère, une exception ayant été faite pour le ministère de la défense, compte tenu de l'importance de son patrimoine immobilier au moment de la professionnalisation des armées, l'idée étant de dégager des moyens supplémentaires pour faciliter la mise en œuvre de celle-ci. En réalité, les crédits reversés au ministère de la défense au titre de l'immobilier sont extrêmement faibles, les caractéristiques ou l'état de ces terrains conduisant parfois à les céder libres de recettes. A l'occasion de la réforme de la comptabilité de l'Etat au regard de la loi organique, la mise en place, à terme, de comptes ministériels permettrait de connaître, au titre des immobilisations mais aussi des autres recettes afférentes à un domaine donné, ce qu'il en est des recettes et des dépenses mise en relation dans un compte et un bilan d'exécution du ministère.

M. François Logerot a considéré qu'il serait tout à fait possible de demander au service des domaines, par service affectataire, une liste des produits de cession.

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La Commission a ensuite procédé, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, à l'examen du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2002 (n° 983).

Le Rapporteur général a rappelé que la loi de règlement tend à approuver les comptes résultant de la gestion budgétaire, en particulier à constater le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses ; à ratifier les ouvertures de crédits pour circonstances de force majeure ; à prendre en compte les annulations de crédits non consommés ; à établir le compte de résultats et, enfin, à autoriser le transfert du résultat de l'année au compte permanent des découverts du Trésor.

Le Rapporteur général a indiqué que les ouvertures demandées pour le budget général, soit 979 millions d'euros, sont d'un montant plus faible que pour les exercices antérieurs. Tous les dépassements de crédits concernent des chapitres dotés de crédits évaluatifs et sont concentrés sur les dépenses civiles. Comme les années précédentes, la part la plus importante des dépassements provient du budget des Charges communes avec 87% des dépassements au titre de la dette publique.

Les annulations proposées atteignent 2,23 milliards d'euros et sont en augmentation par rapport à l'année précédente. Pour un peu plus du tiers, ces ajustements affectent les dépenses au titre de remboursements de TVA et de TIPP et pour un peu moins d'un tiers, les crédits de fonctionnement, et parmi eux, en particulier, les crédits de rémunération inscrits au budget des Charges communes.

Le Rapporteur général a souligné que le projet de loi de règlement ne comporte, cette année, aucune disposition tendant à reconnaître d'utilité publique des dépenses comprises dans une gestion de fait.

Abordant les caractéristiques générales de l'exécution du budget en 2002, le Rapporteur général a vu dans un véritable dérapage des dépenses (+4,5% par rapport aux résultats de 2001) le trait essentiel de cette exécution. Il a rappelé que la loi de finances rectificative d'été a ouvert 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires. Sur ces 5 milliards, à peu près la moitié a tendu à apurer un certain nombre de dettes antérieures à la gestion 2002, par exemple des remboursements de primes de Noël, l'autre moitié a consisté à réévaluer les crédits insuffisants de l'année 2002 proprement dite. Il ne faut donc pas perdre de vue que la loi de finances pour 2003 a été construite sur la base d'une augmentation des crédits de +0,2% en volume par rapport à une dépense 2002 elle-même « rebasée » par rapport à 2001. Lorsque l'on insiste sur la nécessité absolue de respecter l'enveloppe des dépenses votée en loi de finances initiale 2003, il s'agit bien d'une enveloppe sensiblement réévaluée par rapport aux années antérieures. Il faut donc témoigner de la plus extrême vigilance sur la maîtrise des enveloppes de dépenses très importantes. À 49 milliards d'euros, le déficit en exécution augmente en 2002 de plus de 60% par rapport à la prévision en loi de finances initiale (30 milliards d'euros)

S'agissant des recettes, une part du creusement du déficit par rapport à la prévision trouve son origine dans les décisions de baisses d'impôt. L'essentiel provient pourtant de la baisse des rentrées fiscales liée à l'évolution de la conjoncture. S'agissant du seul impôt sur le revenu, la perte de recettes liée à la baisse de 5%, qui représente 2,5 milliards d'euros, est inférieure à l'effet sur 2002 des baisses d'impôt décidées par le Gouvernement précédent, qui elles, n'étaient pas corrélées à un effort de maîtrise de la dépense.

Quant à l'évolution de l'endettement, malgré des taux d'intérêt très bas, le coût de la dette en termes de frais financiers progresse de 3,5% en 2002. En stock, on passe de 56,8 % du PIB à fin 2001, à 59% à fin 2002, alors que la loi de finances initiale avait prévu de revenir à 56% du PIB. L'asphyxie liée à un endettement qui s'accroît trop vite peut être d'une rapidité extrême et annihiler toute marge de manoeuvre.

M. Alain Madelin a dit sa tentation de voter contre l'adoption du projet de loi, dont l'analyse économique est extrêmement superficielle et a demandé quelles seraient les conséquences concrètes d'un rejet du projet de loi de règlement.

M. Charles de Courson a expliqué que la seule conséquence tiendrait à l'impossibilité de passer l'écriture intégrant le déficit constaté dans le report déficitaire.

M. Didier Migaud a indiqué que le groupe socialiste votera contre l'adoption du projet de loi de règlement, à partir du moment où le budget initial n'est plus reconnaissable, la situation ayant été particulièrement aggravée par la gestion postérieure à juin 2002. Et l'on ne peut qu'être impatient d'entendre l'analyse du Rapporteur général sur l'exécution du budget 2003, lorsqu'il faudra rendre compte des différences entre les prévisions et l'exécution. Le Rapporteur général aura l'occasion d'être extrêmement sévère en ce qui concerne le dérapage des déficits publics.

S'agissant de la baisse d'impôt sur le revenu, le Rapporteur général a souligné que la réduction de 5% décidée au mois d'août représentait un montant moindre que la réduction d'impôt décidée sous la législature précédente. Cela montre que les impôts ont été baissés sous la législature précédente et qu'il était inutile d'aller plus avant, surtout en considération de l'absence d'effet sur la consommation de cette baisse supplémentaire d'impôt sur le revenu. 2,5 milliards d'euros manquent aujourd'hui cruellement à la situation budgétaire. Et paradoxalement, le Gouvernement propose, avec une obstination quelque peu incompréhensible, de poursuivre une stratégie budgétaire qui ne donne pas de résultats.

En outre, il faut bien constater avec regret qu'au moment où les taux d'intérêt sont les plus bas, l'État stoppe totalement ses investissements.

M. Didier Migaud a enfin réitéré sa demande relative à la communication du décret d'annulations dont la parution est annoncée depuis quinze jours.

Le Rapporteur général a souligné que la caractéristique de l'exécution 2002 est bien l'irréalisme total des prévisions de dépenses. Si la réalisation des prévisions de recettes est liée à l'évolution de la conjoncture, il est impardonnable d'avoir sous-doter à un degré tel, de façon parfaitement lucide, les crédits initiaux.

La Commission a ensuite successivement adopté sans modification les articles premier à 11 :

Article premier : Résultats généraux de l'exécution des lois de finances pour 2002 ;

Article 2 : Recettes du budget général ;

Article 3 : Dépenses ordinaires civiles du budget général ;

Article 4 : Dépenses civiles en capital du budget général ;

Article 5 : Dépenses ordinaires militaires du budget général ;

Article 6 : Dépenses militaires en capital du budget général ;

Article 7 : Résultats du budget général de 2002 ;

Article 8 : Résultats des budgets annexes ;

Article 9 : Compte spéciaux dont les opérations se poursuivent en 2003 ;

Article 10 : Pertes et profits sur emprunts et engagements de l'État ;

Article 11 : Transports aux découverts du Trésor des résultats définitifs de 2002.

La Commission a adopté l'ensemble du projet de loi portant règlement définitif du budget de 2002 (n° 983).

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La Commission a ensuite entendu une communication de M. Charles de Courson, membre titulaire représentant l'Assemblée nationale, au Conseil d'administration de l'EPFR (Etablissement public de financement et de restructuration).

M. Charles de Courson, rappelant que l'Établissement public de financement et de restructuration (EPFR) est l'organisme de surveillance du Consortium de réalisation (CDR), société anonyme chargée de céder les 28,356 milliards d'euros d'actifs transférés par le Crédit Lyonnais, a estimé que la mission du CDR et de l'EPFR est presque achevée. En effet, à la fin de 2002, en valeur brute comptable, il ne restait plus au CDR que 3,3 milliards d'euros d'actifs à céder, soit environ 11 % du montant total. Ces actifs ayant été provisionnés à 74 % dans les comptes du CDR, l'actif net résiduel s'établit à 866 millions d'euros, et ne devrait plus représenter que 400 millions d'euros à la fin de 2003. Le temps est donc venu de dissoudre le CDR et l'EPFR. Mais le Gouvernement souhaiterait maintenir le CDR pendant encore deux à trois ans, le temps de liquider les actifs, et conserver l'EPFR jusqu'en 2014, date de la fin du remboursement du prêt du Crédit Lyonnais, soit 10 à 11 milliards d'euros. La dissolution présenterait pourtant l'intérêt de réduire comptablement le déficit de l'État.

Par ailleurs, près de 40 % du coût, non actualisé pour l'EPFR, du cantonnement des actifs du Crédit Lyonnais, soit un peu plus de 7 milliards d'euros, ne sont toujours pas financés. Au 31 décembre 2002, l'EPFR connaissait un report à nouveau négatif de 14,6 milliards d'euros, dont 7,82 milliards financés pour l'essentiel par des dotations en capital. Il reste donc 6,46 milliards d'actifs nets à financer pour rembourser les 8,1 milliards de dettes à l'égard du Crédit Lyonnais dont 1,7 milliard peut être financé par les disponibilités de l'EPFR. Si les actifs résiduels non transférés sont correctement, voire excessivement provisionnés, tel n'est pas le cas des 42 risques transférés à l'EPFR par le CDR, dont il convient d'estimer le montant. Le premier de ces risques est relatif à l'affaire Executive Life, dont le coût au pénal - celui du plaider coupable - est de 485 millions de dollars, et le coût au civil pourrait atteindre jusqu'à 3 milliards de dollars, en vertu de la loi américaine dite « RICO » (Racketeer Influenced and Corrupt Organisation Act). Et si le cas de la société MAAF a été réglé, cette dernière ayant accepté de payer 25 millions d'euros et de ne pas se retourner contre l'État français, l'attitude de la société Artémis suscite plus d'inquiétudes : pourrait-elle ne pas plaider coupable et se retourner, en cas de condamnation, contre le CDR, et contre certains plaignants américains ? Les avocats mandatés par le CDR estiment qu'une telle attitude se solderait par un échec d'Artémis.

Le deuxième risque non provisionné concerne le groupe Tapie. Le CDR a provisionné à 100 % les créances détenues sur ce groupe à hauteur de 116,1 millions d'euros, et a passé une provision de 56,8 millions d'euros pour couvrir les actions en soutien abusif. Il est cependant probable que le coût final sera nul, car les arguments juridiques du CDR sont solides. Il faut par ailleurs noter le scandale que constitue l'occupation par M. Bernard Tapie d'un hôtel particulier à Paris, dont la valeur est estimée à 16 millions d'euros, et ce alors que l'intéressé est en situation de faillite personnelle depuis 8 ans. Au total, le coût non actualisé des pertes supportées par l'EPFR serait de l'ordre de 15,8 milliards d'euros, dont 7,56 milliards non financés.

Enfin, le coût économique global pour les contribuables de l'affaire du Crédit Lyonnais peut être évalué à 20 milliards d'euros. Bien que cette estimation soit délicate, elle peut se décomposer en 12,6 milliards d'euros pour la structure de cantonnement en 2003, auxquels s'ajoutent les risques liés à l'affaire Executive Life, mais aussi la valeur du Crédit Lyonnais en 1990 : 3,4 milliards d'euros de l'époque, soit 6,8 milliards d'euros aujourd'hui.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné que ce montant équivalait à environ une année et demie d'investissements civils de l'État.

M. Alain Madelin a exprimé sa convergence de vue avec M. Charles de Courson sur la question de la dissolution du CDR et de l'EPFR. À propos de l'affaire relative à M. Bernard Tapie, l'existence d'une provision démontre a contrario que celui-ci a eu raison de se dire lésé par le Crédit Lyonnais, or ce n'est pas ce qui ressort des déclarations que les dirigeants de la banque ont faites devant la commission d'enquête parlementaire de 1994. Quant à la question de l'hôtel particulier, si on ne se situe pas dans des considérations morales, il faut admettre qu'elle est légale, car conforme à une décision de justice. Le contentieux relatif à Executive Life a d'ores et déjà eu un coût considérable pour le contribuable : il s'agit de la plus importante transaction de ce type aux États-Unis dans la période contemporaine, et encore ne s'agit-il que d'un acompte. Pendant des années, le Crédit Lyonnais a affirmé son innocence, le CDR aurait dépensé 500 millions d'euros en honoraires d'avocats, et ce pour finir - notamment en raison des risques contentieux pesant sur des personnes physiques - par plaider coupable aux frais du contribuable, avec de graves conséquences pour le volet civil de l'affaire. On a pu entendre l'humiliante leçon d'un avocat américain se posant en défenseur du contribuable français et expliquant qu'un accord sur le volet civil devait toujours précéder une transaction au pénal. La représentation nationale a le devoir de faire la vérité sur cette affaire.

La société offshore City Star ayant été citée à la fois dans le contentieux impliquant M. Bernard Tapie et dans l'affaire Executive Life, la loi RICO, conçue pour lutter contre des pratiques mafieuses, pourrait s'appliquer automatiquement. Comment l'EPFR apprécie-t-il ce risque contentieux ? La suggestion de création d'une commission d'enquête évoquée par M. Gilbert Gantier est tout à fait fondée, et la Commission des finances a le devoir de s'y associer.

M. Gilbert Gantier s'est enquis de la réalité du paiement par le Gouvernement français de la somme considérable annoncée dans la presse, et a souligné que cette reconnaissance d'une faute au pénal comportait aussi un risque beaucoup plus considérable au civil. Rappelant son appartenance passée à la Commission des finances pendant 28 ans, il a estimé qu'en tant qu'instance d'examen de sa proposition de résolution, elle se devait de s'intéresser aux sommes faramineuses qui sont en jeu, puisque ses rapporteurs spéciaux se penchent sur des crédits d'ampleur bien plus modeste. Il est incompréhensible que l'opinion publique ne soit pas informée.

M. Michel Bouvard, Président, a rappelé qu'une commission d'enquête ne pouvait être immédiatement créée, le Parlement n'étant pas en session.

M. François d'Aubert s'est interrogé sur la sincérité des déclarations des dirigeants du Crédit Lyonnais devant la commission d'enquête de 1994 selon lesquelles la banque aurait dégagé un bénéfice de 500 millions de dollars dans l'opération réalisée avec la société Artémis, alors qu'il apparaît aujourd'hui que le bénéfice aurait été d'1 milliard d'euros. Sur le coût global de l'affaire impliquant le Crédit Lyonnais, il a souhaité savoir si celui-ci englobait les opérations de cession effectuées par la banque, celle de la Metro Goldwyn Mayer notamment. Par ailleurs, s'agissant de la décision de plaider coupable, le Conseil d'administration de l'EPFR en a-t-il délibéré ? Le juge américain a-t-il accepté la transaction ? Comment son montant a-t-il été réparti entre les parties prenantes, au détriment des contribuables ? Le ministère des Finances a indiqué que cette dépense était provisionnée dans les comptes du CDR ; est-ce bien le cas ?

M. Louis Giscard d'Estaing a déploré les conséquences désastreuses de cette affaire pour les finances publiques. Il a souhaité connaître le montant des frais de fonctionnement actuels de l'EPFR et du CDR, s'enquérant d'éventuelles économies à réaliser sur ces dépenses.

M. Michel Bouvard, Président, a souligné qu'il importe effectivement de vérifier la véracité des déclarations effectuées devant la commission d'enquête de 1994. Il a émis le souhait qu'une note de synthèse de l'ensemble de cette affaire puisse être mise à la disposition des commissaires. Il a également demandé si la future Agence des participations de l'État était prémunie contre ce type de risques.

À ces interventions, M. Charles de Courson a apporté les réponses suivantes :

- si de fausses déclarations ont été faites devant la commission d'enquête, il incombe au Président de l'Assemblée nationale, sous réserve des délais légaux de prescription, de porter plainte. Il ne faut toutefois pas sous-estimer la possibilité que le plaider coupable, pour des raisons tactiques, ne repose pas entièrement sur des faits réels ;

- le coût du fonctionnement de l'EPFR est nul, à la différence du CDR. Celui-ci a pu compter jusqu'à 1.000 agents pour gérer 28 milliards d'actifs, il n'en emploie plus qu'une centaine aujourd'hui, et n'en emploiera plus aucun à la fin de 2004. Il convient de mentionner aussi les centaines de millions d'euros dépensés en honoraires d'avocats ;

- le coût de la cession de la Metro Goldwyn Mayer est bien inclus dans l'estimation globale susmentionnée. Et cette estimation doit bien tenir compte de la valeur initiale du Crédit Lyonnais, en 1990, que l'État aurait perçue s'il avait alors privatisé l'entreprise ;

- s'agissant de la transaction au pénal, l'accord est bouclé, mais pas encore définitivement signé. La somme en jeu n'a donc pas été versée. M. Charles de Courson, plutôt partisan à l'origine d'une transaction englobant les contentieux civil et pénal, a précisé qu'il avait exigé en Conseil d'administration un accord écrit du ministre des Finances, le Premier ministre lui-même ayant, non sans réserves, donné son aval à cette transaction qui a fait l'objet de trois à quatre mois de discussions au sein du Conseil. Quant au partage du coût de la transaction entre l'État, le Crédit Lyonnais et la société MAAF, il a été compliqué par le fait que la banque était alors propriété de l'État. Le Crédit agricole, repreneur du Crédit Lyonnais, aurait été dûment informé, selon les déclarations des représentants de la direction du Trésor en Conseil d'administration. L'État prendra à sa charge la moitié de l'amende de 200 millions d'euros infligée spécifiquement au Crédit Lyonnais ;

- aucune provision n'a été passée à propos du volet civil de l'affaire.

Concernant le sort de la société Artémis, alors que M. Alain Madelin se demandait si elle n'était pas fondée à s'estimer lésée dans le transfert opéré au profit du Crédit Lyonnais, M. Charles de Courson a fait valoir que cette question était rendue difficile par l'appréciation de la date du transfert liée à son déroulement en plusieurs phases.

S'agissant du contentieux impliquant M. Bernard Tapie via la société Adidas, M. Charles de Courson a estimé que toute provision était devenue inutile, car, s'il y a trois ans, les avocats du CDR craignaient de perdre leur procès, ils pensent aujourd'hui le gagner. Il a également rejeté l'idée selon laquelle M. Tapie occuperait légalement l'Hôtel de Savoye, ce contentieux devant aboutir prochainement après avoir été bloqué pour des problèmes d'expertise judiciaire.

M. Alain Madelin a maintenu que cette occupation était, au jour d'aujourd'hui, licite.

M. Charles de Courson a en outre indiqué que M. Bernard Tapie avait été entendu par un juge américain qui souhaitait « piéger » l'État français. Or, l'intérêt de M. Tapie n'était pas forcément de souscrire à cette stratégie, de sorte que sa déposition n'apparaît pas excessivement dangereuse. Bien plus grave est l'attitude du banquier français qui aurait dénoncé toute l'affaire aux États-Unis.

Quant à la demande de création d'une commission d'enquête, elle pose un problème juridique dans la mesure où une procédure judiciaire est en cours, certes à l'étranger, sur les faits en cause. Du point de vue des intérêts français, il serait préférable qu'une telle commission ne soit créée qu'après le règlement du litige civil.

M. Gilbert Gantier a observé qu'aucune procédure n'était pendante en France. Il ne saurait être question d'attendre encore plusieurs années avant que les contribuables, dont les députés sont les mandants, ne soient informés des conditions dans lesquelles une somme plus importante que celle que représente la prochaine baisse de l'impôt sur le revenu est sur le point de quitter les caisses de l'État, sans compter les développements futurs de l'affaire.

M. Michel Bouvard, Président, sans méconnaître le point de droit soulevé, a estimé à titre personnel que l'interférence avec le travail d'un juge américain importait peu. En revanche, le risque d'une fragilisation de la position française n'est pas à négliger, et d'ores et déjà, la publication du compte rendu de la présente réunion pourrait se révéler préjudiciable. Une note de synthèse à destination exclusive des commissaires s'y substituerait avantageusement.

M. Charles de Courson a déclaré qu'il avait exigé devant le Conseil d'administration de l'EPFR de ne pas être tenu au secret de ses délibérations, en faisant part de son intention de rendre compte chaque année, devant la Commission des finances, de son action en tant que représentant de l'Assemblée nationale. Le risque existe, certes, d'aggraver par cette publicité le coût total de l'affaire pour le contribuable français, mais celui-ci a le droit de savoir.

Après que M. Alain Madelin eut insisté pour que le compte rendu fidèle des échanges intervenus soit bien publié, M. Michel Bouvard, Président, est convenu que ce compte rendu ne devrait être ni édulcoré ni imprudent, et a maintenu la nécessité d'une note de synthèse à destination des commissaires.

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