COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 6

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 13 octobre 2005
(Séance de 10 heures)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

pages

- Vote du budget des Affaires européennes (M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial)

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- Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) : vote sur les crédits de la mission Agriculture, pêche, forêt, et affaires rurales, de l'article 74, rattaché, et du compte spécial Développement agricole et rural (M. Alain Marleix, Rapporteur spécial)

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- Information relative à la Commission

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La Commission a examiné, sur le rapport de M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial, le budget des Affaires européennes.

M. Jean-Louis Dumont, Rapporteur spécial, a rappelé que la commission des Finances s'est déjà prononcée deux fois en juin dernier sur le budget de l'Union européenne, en examinant deux propositions de résolution, l'une sur les perspectives financières 2007-2013 et l'autre sur l'avant-projet de budget 2006.

L'entrée en vigueur de la LOLF amène à commencer à réfléchir sur les rôles du rapporteur général et du rapporteur spécial dans le débat sur le prélèvement communautaire, sans parler du rapporteur de la Délégation pour l'Union européenne. Il faut donner une place plus importante au débat politique sur le budget communautaire - et au-delà sur les affaires communautaires - à l'Assemblée nationale. La LOLF aura aussi pour conséquence, au niveau comptable, la création d'un compte de tiers, par lequel transiteront tous les fonds venant de Bruxelles.

M. Jean-Louis Dumont a indiqué qu'il a effectué une mission de contrôle, le 26 mai 2005 à Metz sur la programmation et la consommation des fonds structurels en région Lorraine. On constate à nouveau la dégradation des relations entre le préfet de région et l'exécutif du conseil régional pour la gestion de ces fonds. L'équilibre entre les départements n'est pas respecté et la répartition des crédits par le préfet de région est pour le moins opaque. Cette situation est source d'insatisfaction avec la raréfaction des crédits en fin de cycle. Comme l'a indiqué le rapport de MM. Augustin Bonrepaux et Louis Giscard d'Estaing, on ne compte plus les cas où l'État a substitué des fonds européens à sa propre impécuniosité. Sans demander de quotas départementaux, il faudrait au moins que l'instruction des dossiers soit conditionnée par leur ordre d'arrivée. La sous-consommation chronique du FSE (fonds social européen) entraîne, en Lorraine comme ailleurs, des demandes de réaffectation des crédits vers les autres fonds structurels. Il faut envisager rapidement un protocole entre les services de l'État et des conseils régionaux, afin de préparer le prochain cycle de fonds européens dans le cadre de la loi de décentralisation.

Un deuxième contrôle a eu lieu le 10 mars 2005 auprès des deux commissions interministérielles de coordination des contrôles (CICC). Les contrôles sur les fonds structurels non agricoles sont supervisés en France par la « CICC - fonds structurels », qui est hébergée au Ministère de l'Économie. Les contrôles sur les fonds agricoles, par contre, sont assurés par une émanation des offices agricoles eux-mêmes, et il serait bon qu'ils revêtent une dimension interministérielle plus grande. Par ailleurs, plusieurs propositions techniques permettraient d'en améliorer l'efficacité.

L'article 50 du projet de loi de finances pour 2006 a fixé le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne à 18 milliards d'euros. L'exercice 2005 pourrait se solder avec un prélèvement de 17,3 milliards d'euros, contre 16,6 milliards d'euros votés et 15,5 milliards d'euros exécutés en 2004.

En 2005, cet écart est dû pour plus de la moitié à une consommation des crédits communautaires plus forte que prévue, notamment des fonds structurels de la politique régionale. La consommation des fonds structurels en 2004 a été marquée par une très nette accélération, et le rythme constaté au premier trimestre 2005 confirme cette tendance. Le budget définitivement adopté par le Parlement européen dépasse de 1,2 milliard d'euros le projet de budget adopté en première lecture par le Conseil en juillet 2004 (+ 161 millions d'euros pour la contribution française).

Toujours en 2004, selon le rapport de la Commission européenne de septembre 2005, la France aura reçu 12,9 milliards d'euros au titre des différentes politiques communautaires, dont 9,4 milliards d'euros (72,9 %) dans l'agriculture, 2,4 milliards d'euros (18,6 %) pour la politique régionale et 751 millions d'euros (5,8 %) avec les politiques internes, essentiellement la recherche.

En termes de solde net (retour  sur contribution), la France est un contributeur net à hauteur de - 3,1 milliards d'euros. Elle est le deuxième contributeur net après l'Allemagne (- 7,1 milliards d'euros) et devant l'Italie (- 2,9 milliards d'euros), le Royaume-Uni (- 2,8 milliards d'euros), les Pays-Bas (- 2 milliards d'euros) et la Suède (- 1,1 milliard d'euros).

Si l'on pondère les soldes nets par le RNB, la France est le sixième contributeur net ex æquo avec la Belgique (+ 0,19 %), après les Pays-Bas (- 0,44 %), le Luxembourg (- 0,41 %), la Suède (- 0,38 %), l'Allemagne (- 0,33 %), l'Italie (- 0,22 %) et devant l'Autriche et le Royaume-Uni (tous deux ex aequo à - 0,16 %). Si l'on répartit les dépenses administratives, ce que ne fait pas la Commission européenne dans son rapport, le Luxembourg et la Belgique deviennent bénéficiaires nets, du fait de l'implantation des institutions communautaires sur leurs territoires. Il faut cependant rappeler les limites des calculs comptables en terme de retours financiers, qui ne correspondent pas à la dynamique de la construction européenne et qui sont contraires au principe de solidarité.

La Commission a proposé en avril 2005 un avant-projet de budget qui s'établit à 121,3 milliards d'euros en crédits d'engagement (CE) (+ 4,1 % par rapport à 2005) et 112,6 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) (+ 5,95 % par rapport à 2005), pour un total représentant 1,01 % du RNB de l'Union. Cette évolution s'explique par la hausse des paiements des fonds structurels, essentiellement liée à la montée en puissance des programmes dans les 15 anciens États membres (+ 3,2 milliards d'euros), une augmentation des dépenses de développement durable (+ 1,4 milliard d'euros), une hausse des paiements au titre des politiques internes (+ 913 millions d'euros) et une hausse des dépenses au titre du premier pilier de la PAC (+ 800 millions d'euros).

Comme tous les ans, le Conseil, lors de sa première lecture en juillet 2005, a réduit les prétentions de la Commission européenne en fixant les CE à 120,81 milliards d'euros et les CP à 111,4 milliards d'euros. Ce projet de budget des Communautés européennes représente 1,089 % du RNB communautaire en CE et 1,005 % en CP. Les réductions sont cependant beaucoup moins fortes que les années précédentes ; la plus importante concerne malheureusement la recherche (- 516 millions d'euros), alors qu'il s'agit d'une dépense d'avenir essentielle.

Le projet de budget prévoit des dépenses agricoles de 51,2 milliards d'euros, soit une hausse de 3,2 % par rapport à 2005.

Par rapport aux propositions de la Commission européenne, le Conseil n'a réduit les crédits affectés aux fonds structurels que de 150 millions d'euros dans le projet de budget pour 2006.

Ce projet de budget retient un montant de 9,2 milliards d'euros en CE (+ 1,3 % par rapport à 2005) et 8,3 milliards d'euros en CP (+ 5 %) pour l'ensemble des politiques internes. Il prévoit 5,2 milliards d'euros de crédits d'engagements, hors FED, pour l'action extérieure de l'Union. Comme tous les ans, cette rubrique fera l'objet de discussions avec le Parlement européen, qui souhaitera sans doute pousser à l'augmentation des dépenses.

Le projet de budget 2006 prévoit, pour les crédits de pré-adhésion une enveloppe totale de 2,5 milliards d'euros en CE (inchangée par rapport à la proposition de la Commission) et 3 milliards d'euros en CP ; les fonds attribués à la Turquie passent de 300 à 500 millions d'euros en un an.

Au-delà du projet de budget pour 2006, et après le rejet par le referendum du 29 mai dernier du projet de constitution européenne, les Français s'interrogent sur le sens de la construction européenne. L'Europe a besoin de croissance et de solidarité, en son sein comme à l'extérieur de ses frontières. Il faudrait également accorder à l'Union européenne des moyens budgétaires accrus et une stratégie industrielle, une politique de recherche ainsi que de grandes infrastructures à l'échelle du continent, sans parler du nécessaire effort de solidarité. Les discussions lors du Conseil européen de juin dernier ont donné l'impression que l'Europe manquait du souffle nécessaire à une véritable politique européenne. La crise institutionnelle du premier semestre montre qu'il aurait fallu que le « politique » l'emporte sur les contraintes et pesanteurs administratives. Il faudrait définir un budget européen ambitieux qui prévoit la possibilité d'emprunt pour les dépenses d'investissement et un financement par la création d'un impôt européen, le même pour tous, et avec des critères préalablement établis. Cet impôt européen serait un moyen de renforcer le lien qui existe entre les citoyens et l'Europe.

Les Français attendent beaucoup des perspectives financières 2007-2013 et leurs craintes sont à la hauteur de ces attentes, sur le montant des enveloppes financières - si elles sont maintenues - sur les zones éligibles et sur les critères de sélection.

La Grande-Bretagne et quatre autres États membres ont rejeté les derniers compromis de la présidence luxembourgeoise. La Grande-Bretagne a ouvert à nouveau, très tardivement dans le cours des négociations, la question du financement de la PAC. Elle a maintenant intérêt à faire traîner les discussions, pour sortir au dernier moment une proposition « à prendre ou à laisser », avec les positions que l'on sait sur l'agriculture et les fonds structurels. Il faut au contraire que les prochaines perspectives financières soient définies le plus rapidement possible.

Mme  Catherine Colonna, ministre déléguée aux Affaires européennes, a confirmé que le dernier compromis de la présidence luxembourgeoise est le meilleur pour la France au vu de la situation du moment. Ce compromis représente 60 milliards d'euros de dépenses de plus que ce que permettrait la règle du 1 % (1,06 % du RNB, à comparer à la proposition initiale de la Commission européenne de 1,27 %). Une attitude réaliste de bon sens incite à repartir des propositions de la présidence luxembourgeoise, plutôt que remettre tout à plat et prendre le risque de tout perdre.

Il reste cependant à s'assurer des avancées du compromis final en terme de garantie du financement de la PAC, de maintien d'une part significative des fonds structurels pour les régions des 15 anciens États membres et d'un accord sur la répartition des contributions au budget.

La PAC s'est considérablement réformée au cours des dernières années et elle mérite une attention particulière. Elle a constitué, historiquement, le cœur de l'Europe, a permis d'organiser l'agriculture européenne et a contribué à la prospérité. Pourtant elle n'est pas exempte de critiques. Elle a bénéficié surtout aux grands exploitants agricoles, s'est peu occupée d'aménagement du territoire en multipliant les friches et en réduisant les populations agricoles, et a développé une bureaucratie excessive.

Certes, il est hors de question de ne pas continuer à aider l'agriculture. Mais on pourrait développer des aides plus favorables aux produits de qualité, favoriser les agriculteurs petits et moyens en privilégiant l'aide aux personnes plus qu'aux produits et en liant davantage les subventions à l'aménagement du territoire. La puissance publique, qu'elle soit européenne ou nationale, pourrait utilement s'intéresser aux circuits de distribution. L'agriculture européenne devra trouver les voies de ses prochaines réformes dans un contexte où les consommateurs demandent une meilleure traçabilité, une meilleure qualité et des méthodes plus respectueuses de l'environnement.

Les fonds structurels ne doivent pas devenir la variable d'ajustement de la négociation en cours. Le ministère de l'Économie a calculé que, dans le dernier compromis, le montant des fonds structurels européens qui seraient affectés aux 15 anciens États membres, dans les nouvelles perspectives budgétaires (2007-2013), s'élèverait à 12,75 milliards d'euros, à comparer aux 15,7 milliards d'euros pour la période précédente (6,25 % en volume). Le Gouvernement estime que ce compromis était acceptable pour la France en ce sens qu'il était au-dessus du « seuil de crédibilité » pour l'objectif 2 et que les crédits affectés aux DOM n'étaient pas réduits par rapport aux propositions de la Commission.

Enfin les crédits en faveur de la compétitivité, de la croissance et de l'emploi constituent une priorité, dans le cadre de la stratégie de Lisbonne rénovée. Cette rubrique couvre des domaines aussi importants que la recherche, avec le 7ème PCRD, et les réseaux transeuropéens de transport, d'énergie et de télécommunication. Ces programmes ont des répercussions directes en France avec le nucléaire (notamment la construction du réacteur ITER à Cadarache) et les liaisons ferroviaires (notamment les TGV Est et Lyon Turin).

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'une parfaite coordination était possible entre les travaux de la Délégation pour l'Union européenne et ceux des commissions permanentes, dont la commission des Finances. Il n'est en revanche pas souhaitable que la Délégation devienne une commission à part entière. S'agissant des fonds structurels, il importe de ne pas renouveler les erreurs observées lors de l'exécution des perspectives financières de l'Union européenne passées et présentes. L'efficacité de ces fonds doit être privilégiée, non leur volume excessif. À cet égard, un budget européen représentant 1,24 % du RNB de l'Union serait trop dépensier ; dans ce domaine, comme dans d'autres, la maîtrise de la dépense publique est nécessaire à la création des emplois et des richesses.

M. Augustin Bonrepaux a indiqué ne pas partager les réticences du Président Pierre Méhaignerie, lesquelles sont un mauvais signal vis-à-vis de nos partenaires. L'an dernier, lors du même débat sur le prélèvement pour l'Union européenne, la discussion avait déjà porté sur de tels sujets. Comme l'a dit le Rapporteur spécial, il faut cesser de raisonner en termes de solde net, à propos des contributions nationales au budget communautaire. C'est l'idée de solidarité qui doit primer sur la volonté de réduire aveuglément le prélèvement communautaire. Localement, en Ariège par exemple, des entreprises ferment ou des opérations sont stoppées à cause de l'État qui ne tient pas ses promesses en matière d'engagement de crédits alors que les financements communautaires sont, eux, disponibles. Il paraît difficile de prétendre assurer un meilleur aménagement du territoire sans augmenter les fonds qui doivent y pourvoir. Au bénéfice de ces observations, le groupe socialiste entend cependant voter l'article 50.

La Commission a ensuite, sur proposition du Rapporteur spécial, adopté, le budget des Affaires européennes.

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La Commission a ensuite commencé l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006.

Elle a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, les crédits de la mission Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ainsi que l'article 74, rattaché à ce budget, et le compte spécial « Développement agricole et rural ».

Mission : Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial, a tout d'abord déploré les conditions du travail parlementaire, la concomitance entre le débat sur le projet de loi d'orientation agricole et la présentation du budget ne permettant pas de consacrer suffisamment de temps à chaque sujet, ni de mener la concertation nécessaire avec les organisations professionnelles agricoles.

Le projet de budget du ministère de l'Agriculture et de la pêche pour 2006 s'élève à 5 milliards d'euros, contre 4,89 milliards en 2005, ce qui représente une hausse de 2,5 %, significativement supérieure à l'inflation prévisionnelle.

Avec le passage à la LOLF, la nomenclature budgétaire est complètement modifiée. Ainsi, la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » ne représente-t-elle plus que 65 % des crédits du ministère. Des efforts significatifs sont réalisés par ailleurs en ce qui concerne l'enseignement technique agricole (+ 5 %), l'enseignement supérieur et la recherche agricoles (+ 10 %) et la sécurité alimentaire (+ 7 %), avec notamment la réforme du financement de l'équarrissage. Le compte d'affectation spéciale Fonds national des courses et de l'élevage est rebudgétisé, conformément aux demandes réitérées de la Commission des finances et de la Cour des comptes.

De même, la suppression de l'Association de développement agricole et rural (ADAR) et son remplacement par le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », créé par l'article 37 du projet de loi de finances, permettent de réduire les coûts de gestion et de mettre 111 millions d'euros à la disposition directe du ministre de l'Agriculture et de la pêche, avec l'objectif de favoriser les actions innovantes et les démarches partenariales, en associant les principaux réseaux de développement agricole et rural, notamment les chambres d'agricultures et les instituts techniques agricoles.

Il faut aussi rappeler l'importance du financement public en matière de protection sociale agricole : 11,2 milliards d'euros permettent de financer l'assurance maladie et l'assurance vieillesse des exploitants agricoles, en plus de cotisations professionnelles qui représentent moins de 20 % des recettes du Fonds de financement des prestations sociales agricoles (FFIPSA). La situation financière de ce fonds, qui a succédé au BAPSA, est assez préoccupante, avec un déficit courant de 1,8 milliard d'euros et une dette de 4,9 milliards d'euros, mais il ne relève plus de la loi de finances : la solution doit être trouvée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. La MSA a proposé un certain nombre de pistes de financement qui méritent d'être prises en compte. La protection sociale agricole ne saurait être la variable d'ajustement de la sécurité sociale.

La politique agricole est la seule véritable politique publique intégrée au niveau communautaire. L'effort de la Nation en faveur de l'agriculture ne peut donc pas se mesurer réellement sans tenir compte des financements de l'Union européenne, lesquels représentaient 9,5 milliards d'euros en 2004 et devraient s'élever à 10,5 milliards d'euros en 2006. Contrairement aux idées reçues, les aides européennes augmentent, et ces montants sont garantis au moins jusqu'en 2013. Le budget national contribue à ces financements, au travers du prélèvement sur recettes au profit du budget communautaire.

Enfin, les collectivités territoriales, régions et départements, apportent au monde agricole des aides financières qui s'élèvent à près d'un milliard d'euros . Les dépenses en faveur du secteur agricole représentent ainsi 20 % des dépenses d'intervention économique de ces collectivités.

L'évolution des crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » doit donc être replacée dans le cadre global des soutiens financiers aux secteurs de l'agriculture, de la pêche et du monde rural. La plupart des mesures financées par le ministère de l'Agriculture et de la pêche bénéficient ainsi de cofinancements communautaires, qui accroissent d'autant l'effet de levier des aides nationales.

Le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole (PMPOA) est doté de 81 millions d'euros en autorisations d'engagement et 39 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits permettent de tenir les engagements et de poursuivre la mise aux normes des élevages situés dans les régions les plus exposées au risque de pollution des eaux par les effluents d'élevage. On peut cependant s'interroger, avec certaines organisations professionnelles agricoles, sur la nécessité de garantir un tel niveau de protection, notamment contre les nitrates, alors que les risques ne sont pas toujours scientifiquement avérés. Des études complémentaires, notamment sur la santé humaine, devraient donc être menées.

Le « plan bâtiment » se poursuit en 2006, avec une dotation de 45 millions d'euros en autorisations d'engagement et 30 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 8,8 %. De plus, des dégels significatifs de crédits sont intervenus récemment. Le cofinancement communautaire de cette mesure, très attendue par les éleveurs qui doivent en permanence adapter leur outil de production, double la capacité d'intervention du ministère.

La prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes (PMTVA) voit sa dotation progresser de 3 millions d'euros ; ce dispositif contribue au maintien de productions de qualité, pour l'exportation de jeunes animaux ou l'engraissement d'animaux de qualité, dans de vastes zones herbagères qui sont menacées de déprise agricole.

Une nouvelle mesure est proposée aux agriculteurs qui souhaitent s'engager dans une démarche de développement durable. Elle sera dotée de 2 millions d'euros en 2006. Elle vient compléter les dispositifs préexistants tels que les contrats d'agriculture durable (CAD), qui bénéficient d'une dotation de 65 millions d'euros pour des engagements nouveaux, auxquels s'ajouteront un montant équivalent de crédits communautaires.

Les crédits destinés aux agriculteurs en difficulté sont fortement majorés : la ligne AGRIDIFF, qui tendait vers zéro dans les budgets précédents, est dotée de 10 millions d'euros. Ces crédits seront mobilisés en faveur des exploitants les plus fragiles, au fur et à mesure des crises sectorielles. De même, le Fonds d'allégement des charges financières (FAC) est doublé : sa dotation passera à 5 millions d'euros en 2006. Il permettra lui aussi de venir en aide aux agriculteurs endettés. Il faut aussi rappeler, en matière d'allègement des charges pesant sur les agriculteurs, la diminution de 20 %, par l'article 9 du projet de loi de finances, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties payée par les exploitants agricoles, pour un coût de 140 millions d'euros, dans la perspective de la suppression totale de cette taxe.

La réforme des mécanismes de protection contre les calamités agricoles, qui est souhaitée par la profession, se poursuit : le nouveau dispositif d'incitation à l'assurance récoltes, expérimenté avec succès en 2005 (plus de 55.000 contrats ont été souscrits), voit sa dotation budgétaire progresser de 100 %, avec une dotation de 20 millions d'euros en 2006. Le développement progressif de l'assurance récolte est organisé en cohérence avec le dispositif traditionnel du Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA) : celui-ci est en particulier mobilisé pour indemniser les conséquences de la sécheresse de 2005, en particulier en faveur des éleveurs qui ont subi une diminution de leurs ressources fourragères.

Enfin, des mesures innovantes sont programmées en faveur des industries agroalimentaires, et tout particulièrement des petites et moyennes entreprises (PME) : 5,5 millions d'euros de crédits nouveaux sont consacrés à des aides aux entreprises, pour conforter leurs initiatives dans les domaines technologique et commercial, particulièrement à l'exportation.

Ces moyens nouveaux ont pu être dégagés grâce à des efforts d'économie de gestion significatifs. Ainsi le ministère de l'Agriculture et de la pêche met-il justement à profit le nombre élevé de départs en retraite de fonctionnaires pour ne pas renouveler un certain nombre de postes. À ce titre, le ministère contribue à la réduction des effectifs de l'État à hauteur de 479 équivalents temps plein travaillés (ETPT) compris dans son plafond d'emplois, et 676 en tenant compte des opérateurs.

De même, la réforme des offices agricoles constituera en 2006 un des chantiers prioritaires, conformément au projet de loi d'orientation agricole. Le regroupement des sièges nationaux des offices est programmé pour 2007 à Montreuil, et une réflexion est lancée sur les modifications de l'organisation régionale des établissements. L'objectif est de rationaliser l'organisation et de maîtriser les charges de structure. Ainsi une baisse de 2 % de leurs dépenses de fonctionnement peut-elle être envisagée dès 2006, soit 3 millions d'euros. Mais il faut encore aller au-delà, car les frais de structure représentent parfois jusqu'à 50 % du budget de certains établissements.

La Commission a examiné un amendement du Rapporteur spécial tendant à redéployer les crédits de la mission afin d'augmenter les indemnités compensatrices de handicap naturel (ICHN) et à réduire, corrélativement, les crédits du programme support. Son auteur a précisé que le ministre de l'Agriculture s'était engagé, en 2003, à porter à 50  % sur trois ans le différentiel d'indemnisation des vingt-cinq premiers hectares par rapport aux hectares suivants, afin d'aider les exploitations de taille modeste à se maintenir sur l'ensemble du territoire. Après une augmentation de 10  % à 20  % en 2004, puis de 20  % à 30  % en 2005, le projet de budget pour 2006 ne prévoit aucune mesure nouvelle. Il est indispensable de poursuivre cette évolution, en inscrivant une nouvelle tranche de 10  % en 2006, pour atteindre, en 2007, l'engagement annoncé. S'agissant de crédits du « deuxième pilier » de la Politique agricole commune, l'effet de levier serait d'autant plus grand. Sans cet apport qui constitue un complément indispensable de revenus pour les agriculteurs en zones défavorisées et spécialement en montagne, les conséquences en matière d'aménagement du territoire et de vie dans les vallées seraient très néfastes. L'amendement propose, pour un solde nul, sur l'ensemble de la mission :

- en autorisations d'engagement, une augmentation de 16 millions d'euros pour le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », une diminution de 3 millions d'euros des crédits de personnel de ce même programme, une diminution de 6 millions d'euros pour le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » et une diminution de 7 millions d'euros pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », dont 6 millions d'euros sur le titre 2 ;

- en crédits de paiement, une augmentation de 15,424 millions d'euros pour le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », une diminution de 6 millions d'euros pour le programme « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés » et une diminution de 6,424 millions d'euros pour le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » dont 6 millions d'euros sur le titre 2 et une diminution des crédits de personnel des directions départementales de l'agriculture pour 3 millions d'euros.

Les économies proposées concernent, à hauteur de 6 millions d'euros, la subvention pour charges de service public versée aux offices agricoles dont les frais de structure sont toujours trop importants et dont la rationalisation doit être accélérée. Cela permettra une diminution plus importante des effectifs de ces offices. Pour le surplus, la réduction de crédits portant sur le programme support doit se traduire par des efforts supplémentaires en termes de non-remplacement de départs à la retraite et de réduction des frais de fonctionnement en administration centrale comme dans les services déconcentrés (directions régionales et départementales).

Constatant qu'il s'agit pour la première fois de l'examen d'un amendement de transfert de crédits, rendu possible par la LOLF, le Président Pierre Méhaignerie a insisté sur l'obligation de motivation suffisante de ces amendements, en application de l'article 47 de la LOLF, respectée en l'espèce. Cependant, il convient de se méfier des amendements proposant des réductions de frais de gestion administrative, qui seront toujours populaires si l'on omet d'en tirer les conséquences précises, par exemple en termes de réduction d'emplois. Il faut, à tout prix, éviter des réductions de crédits insincères qui induiraient une augmentation de la dépense publique. C'est pourquoi les rapporteurs spéciaux devront s'assurer, en cas d'adoption d'amendements tels que celui proposé, du caractère effectif de la réduction des crédits, en particulier lorsqu'elle porte sur le titre 2.

M. Augustin Bonrepaux a indiqué qu'il s'abstiendrait sur le vote de l'amendement en raison de l'incertitude pesant sur les conséquences de la réduction de crédits proposée.

M. Hervé Novelli a souligné à son tour le risque d'une augmentation réelle des indemnités compensatrices de handicap naturel sans que soit, en exécution, mise en œuvre la compensation proposée en termes de réduction des dépenses de personnel.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé qu'en exécution les gestionnaires sont toujours libres de redéployer les crédits ouverts, sans toutefois que les plafonds de dépenses, s'agissant en particulier des dépenses de personnel ou des crédits de la mission, puissent être dépassés, mais que le respect des votes parlementaires sera analysé dans les rapports annuels de performances (RAP).

La Commission a adopté cet amendement.

M. Alain Marleix, Rapporteur spécial a ensuite présenté une observation relative à la dégradation de la situation des producteurs de lait, notamment dans les secteurs où aucune alternative à l'élevage n'est possible, et suggérant la reprise de l'aide publique à la collecte du lait en zone de montagne, cofinancée par l'Union européenne.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'une telle observation pouvait encourager d'autres demandes d'aides publiques. En l'occurrence, on peut estimer que dans certaines zones, la production laitière n'est pas économiquement viable, par exemple pour des raisons de coût du transport et qu'une aide à la production de viande serait plutôt nécessaire dans certains cas.

M. Hervé Novelli a jugé dangereux ce type d'observations, qui pourrait en entraîner beaucoup d'autres, par exemple, dans le Val de Loire, sur le problème ponctuel existant dans l'arboriculture.

La Commission a adopté cette observation.

M. Augustin Bonrepaux a relevé que le Rapporteur spécial n'a pas parlé des problèmes auxquels sont aujourd'hui confrontés certains agriculteurs. Se féliciter de l'augmentation des crédits destinés aux exploitants en difficulté est aisé quand le soutien préexistant est très faible, comme dans le département de l'Ariège. Par ailleurs, ce budget traduit des tendances inquiétantes en termes d'augmentation de charges pour les collectivités territoriales, insuffisamment compensées, et de surcroît par des mécanismes venant réduire l'autonomie fiscale desdites collectivités, tout spécialement dans les zones rurales. Il n'est pas acceptable que le Parlement vote régulièrement des transferts de compétences aux départements sans que ceux-ci aient les moyens de les assumer.

Puis la commission des Finances, suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, a adopté les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

Article 74 « Détermination du produit de la taxe pour frais de chambres d'agriculture ».

Le Rapporteur spécial a indiqué qu'il était favorable à l'adoption de cet article, rattaché à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ».

La Commission a adopté cet article sans modification.

Compte d'affectation spéciale :

Puis, la Commission a adopté, sur proposition du Rapporteur spécial, le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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Information relative à la Commission

La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a nommé :

- M. Yves Bur, Rapporteur pour avis sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

--fpfp--


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