COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 7

(Application de l'article 46 du Règlement)

Jeudi 13 octobre 2005
(Séance de 11 h 45)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur les crédits de l'emploi

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La commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan, a procédé à l'audition de M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, sur les crédits de l'emploi.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé quel jugement le ministre porte sur l'efficacité des allégements de charges sociales. Était-il bien nécessaire de les augmenter encore cette année ? N'aurait-il pas mieux valu consacrer la même somme à la revalorisation de la prime pour l'emploi ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a évoqué deux amendements au projet de loi de finances. Le premier, adopté par la Commission, est motivé par la remise en cause de l'échéancier de mise en place de la surtaxe d'apprentissage, qui devait passer de 0,06 % en 2005 à 0,12 % en 2006 et 0,18 % en 2007. Les employeurs n'avaient accepté ce prélèvement supplémentaire, qui pèse sur la masse salariale et donc sur l'emploi, que parce que son effet devait être progressif, et qu'il a pour contrepartie un crédit d'impôt. Il sera donc proposé de redéployer, ainsi que la LOLF le permet, 205 millions d'euros au sein de la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont de 14 milliards d'euros, afin de compenser le manque à gagner pour les régions.

Le second amendement possible donne lieu à une discussion très approfondie sur la question des allégements de charges patronales. Un certain consensus s'est dégagé sur l'idée qu'il convient, maintenant que l'unification du SMIC est réalisée, de stabiliser un système arrivé à maturation. Surtout, il est temps d'évaluer l'efficacité de l'ensemble du dispositif, comme d'ailleurs la DARES a commencé à le faire. Le montant global de ces allégements est en effet de 19 milliards d'euros ; c'est un poste considérable, et c'est celui qui a le plus progressé au cours des dernières années.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé qu'un amendement serait présenté au sujet de l'affectation des nouveaux allégements proposés par le Gouvernement. La Commission considère que la prime pour l'emploi est trop concentrée sur les salaires compris entre 0,5 fois le SMIC et 1,3 fois le SMIC, alors que les salariés qui se situent légèrement au-dessus de ce niveau de rémunération, et qui ne bénéficieront pas, ou guère, de la baisse de l'impôt sur le revenu, ont tendance à se sentir quelque peu « déclassés » à la suite du fort relèvement du SMIC intervenu ces trois dernières années. Peut-être convient-il de mieux affecter les allègements ou de les limiter et de majorer la prime pour l'emploi ?

M. Didier Migaud a souligné que le président de la Commission et le rapporteur général avaient bien synthétisé les questions que pose le projet de budget. Ces questions sont essentielles. Pour sa part, il souhaite savoir si un premier bilan a été fait des mesures prises en faveur du secteur de la restauration, quelle est la part respective des radiations, du traitement social et des départs à la retraite dans les chiffres du chômage, et si l'on a évalué l'impact en matière de création d'emplois de la nouvelle réduction d'impôt consentie pour l'emploi de salariés à domicile.

M. Jean-Louis Dumont a trouvé intéressant que les organismes HLM aient été sollicités pour la conclusion de contrats d'avenir, mais jugé maladroite et irréaliste la norme d'un contrat pour 200 logements. Il faut instituer un système plus incitatif, par exemple dans le cadre d'une convention avec l'Union sociale de l'habitat.

Le Président Pierre Méhaignerie a souligné qu'avec la baisse du taux de rémunération du livret A et celle du coût d'intermédiation, les charges pesant sur les organismes HLM se trouvent réduites, selon la Caisse des dépôts et consignations, de 700 millions d'euros par an, chiffre à confirmer. Cela devrait avoir quelque conséquence sur l'équilibre du financement des PLU.

M. Augustin Bonrepaux a soulevé le problème des départements qui ne bénéficient pas des crédits de l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU) et doivent néanmoins contribuer à son financement. Quels moyens leur resteront-ils pour réaliser leurs propres logements ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a répondu, s'agissant du secteur de la restauration, que le nombre de salariés déclarés a augmenté, au cours des six derniers mois, de 5300, que la suppression du SMIC hôtelier est désormais effective, sous réserve d'un recours formé par un syndicat devant le Conseil d'État, et que la sixième semaine de congés payés est acquise. Une nouvelle négociation globale doit avoir lieu dans quelques mois, afin d'aboutir à un diagnostic partagé. Le tableau est plus contrasté dans le domaine de l'apprentissage, où le taux de fidélisation reste de loin le plus faible de toutes les branches, mais l'on devrait disposer bientôt de données plus récentes. Le coût des allégements de charges spécifiques au secteur de la restauration est de 550 millions d'euros, alors que le passage au taux réduit de TVA aurait coûté 3 milliards d'euros.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a souligné que l'objectif premier des mesures prises était la suppression du SMIC hôtelier et la revalorisation de la profession, conditions préalables et indispensables à la création d'emplois dans ce secteur. L'effort consenti, à hauteur de 114 euros de subvention par mois pour un SMIC à temps plein, est considérable.

Le Président Pierre Méhaignerie s'est interrogé sur l'impact qu'aurait la réduction du taux de TVA dans la restauration, dont le coût serait très élevé.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a répondu, s'agissant de la baisse du chômage, que le nombre des radiations est de l'ordre de 30.000 à 35.000 par mois. Le terme «absence à contrôle» ne correspond pas en fait à ce qu'il semble signifier : actuellement, en effet, l'UNEDIC fonctionne par auto-télédéclaration, et l'expression « absence à contrôle» veut dire tout simplement, dans l'immense majorité des cas, qu'une personne a retrouvé une activité et ne l'a déclaré qu'un mois après, lorsqu'on lui a posé la question. Dans plus de 90 % des cas, les radiations ne sont pas l'aboutissement d'une procédure diligentée délibérément, mais le constat administratif d'une reprise d'activité.

M. Didier Migaud a indiqué que chaque député ou presque pourrait citer plusieurs cas de personnes qui ont été indûment radiées pour le seul fait de ne pas s'être rendues à une convocation.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a répondu que les intéressés étaient à nouveau inscrits sans délai, et que l'erreur ne porte donc pas à conséquence.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, s'est dit convaincu que le système de l'auto-télédéclaration, combiné à la dispersion des forces et des moyens, constitue la principale faiblesse du système français d'indemnisation et d'aide à la recherche d'emploi. Il est crucial d'opérer, comme ont su le faire les Britanniques et les Danois, un rapprochement opérationnel, non seulement entre l'ANPE et l'UNEDIC, mais aussi avec les organismes consulaires, l'AFPA, les collectivités locales, de façon à pouvoir proposer aux chômeurs des entretiens réguliers, si possible mensuels, reposant sur des bilans de compétences, et réellement orientés vers l'aide personnalisée à la reprise d'emploi. Contrairement à ce que l'on entend trop souvent dire, la France est peuplée de gens qui sont prêts à faire une heure de trajet pour se rendre à leur travail, et que l'inertie actuelle du service public de l'emploi tend à décourager.

Contrairement à une idée reçue, la population active continue d'augmenter en France, et ce serait une erreur que de compter sur le déclin démographique, source de stagnation économique, pour faire baisser le chômage. Un certain nombre de départs à la retraite ont été différés à cause de la loi Fillon, de sorte que l'on dispose de dix-huit mois ou deux ans pour anticiper les besoins en apprentissage, en contrats d'avenir, en emploi des seniors - et l'accord intervenu entre les partenaires sociaux, sur cette question, est à cet égard une excellente nouvelle.

Il serait vain de nier que le dispositif de l'article 18 déroge à l'accord qui avait été conclu avec les entreprises en vue du développement de l'apprentissage. Les entreprises ont joué le jeu. On peut donc comprendre qu'il ait été médiocrement accueilli par la Commission, même si cette disposition est en cohérence avec une logique budgétaire d'ensemble.

S'agissant des allégements de charge en général, les services de Bercy et du ministère de l'Emploi ont fait une étude conjointe, dont il ressort que cette politique a eu une utilité indéniable, mais qu'elle a atteint ses limites.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé au ministre s'il ne pensait pas qu'une augmentation plus forte de la PPE, bénéficiant directement aux salariés ne serait pas plus efficace, économiquement et socialement parlant, que de nouveaux allégements de charges patronales.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a indiqué que l'on pouvait, par exemple, également envisager, dans cette optique, une augmentation de l'indemnité de transport.

Le Président Pierre Méhaignerie a objecté qu'il ne s'agirait pas à proprement parler d'une mesure de revalorisation du travail.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a estimé que la question essentielle, dont s'est d'ailleurs saisi le Conseil d'orientation pour l'emploi, était plutôt celle du financement des « sécurités », qu'il s'agisse de la sécurité sociale ou de ce qu'il est convenu d'appeler la « sécurité professionnelle ». C'est dans ce cadre qu'il faudra poser celle des exonérations de charges. Il faut souligner l'amélioration du système de la prime pour l'emploi du fait de sa mensualisation et de l'augmentation de son montant.

M. Louis Giscard d'Estaing a suggéré que l'on réduise les cotisations salariales, afin que le bénéfice soit visible sur la feuille de paie.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, s'est déclaré favorable à toute mesure qui aurait cette caractéristique.

Répondant à la question de M. Jean-Louis Dumont, il a précisé que la « norme » d'un contrat d'avenir pour 200 logements HLM n'était qu'indicative, et s'est dit favorable à un grand engagement national associant tous les partenaires concernés.

M. Gérard Bapt s'est étonné de ne pas retrouver, dans le projet de budget, les exonérations de cotisations sociales consenties l'an dernier, pour un montant de 110 millions d'euros, au secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Ce montant est-il inclus dans l'enveloppe de 18,9 milliards d'euros transférés à l'ACOSS par l'article 41 du projet de loi de finances ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, l'a assuré que cette mesure était reconduite à l'identique, avec inscription des crédits dans la mission « Emploi ». En réponse à la question de M. Augustin Bonrepaux, il a précisé que la séparation entre les zones couvertes par l'ANRU et les autres est maintenue. Il peut arriver que, dans une zone particulièrement dégradée, un organisme se focalise, plutôt, sur son patrimoine éligible à l'ANRU. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que la baisse des taux et l'allongement de la durée des prêts permettront, en tout état de cause, d'améliorer de 8 % l'équilibre des opérations dans la construction neuve à compter du 1er novembre.

M. Augustin Bonrepaux a insisté sur le fait qu'il n'est plus possible de construire en s'appuyant sur les seuls crédits d'Etat : les collectivités locales doivent désormais apporter une participation importante. Or, leur situation financière ne leur permet pas d'accompagner le doublement annoncé de l'effort de construction neuve.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a objecté que le principal obstacle à la construction n'est plus l'équilibre financier, mais l'accès au foncier, ce qui est pour le moins paradoxal dans le pays le moins densément peuplé d'Europe !

Le Président Pierre Méhaignerie a observé que, de SCOT en PLU, les Directions Départementales de l'Équipement ont fait prendre, ces dernières années, un retard considérable aux collectivités qui souhaitent constituer des réserves foncières. L'empilement des réglementations et des structures a des incidences négatives.

Le niveau régional est-il le plus pertinent pour la constitution d'établissements publics fonciers : la communauté d'agglomération n'est-elle pas plus proche du terrain ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a répondu que la loi fait simplement référence au « territoire pertinent », ce qui laisse une grande souplesse, au demeurant souhaitable, car ce niveau n'est pas le même partout. Cela dit, est-il légitime que seuls soient mis à contribution les contribuables d'une agglomération, lorsque tout un bassin est concerné par l'opération et en bénéficiera ? L'assiette de la taxe, dans ce cas, pose un problème.

M. Didier Migaud s'est dit plutôt d'accord avec la réponse du ministre. Il s'est cependant inquiété de la possibilité offerte, semble-t-il, aux communes qui ne font rien pour atteindre le quota de 20 % de logements sociaux sur leur territoire et qui font partie d'une communauté d'agglomération ayant la compétence en matière de « logement social », de faire acquitter la pénalité par cette dernière.

M. Gilles Carrez, rapporteur général, a contesté l'existence juridique d'une telle possibilité : en pareil cas, la pénalité est communale, elle fait partie des dépenses obligatoires. Toutefois la commune doit alors en verser le montant à la communauté d'agglomération.

M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la cohésion sociale et du logement, a conclu en soulignant le basculement psychologique qui s'est opéré dans l'administration à l'occasion de la mise en œuvre de la LOLF. Dans son ministère en tout cas, le regard sur la dépense a changé, et la vieille mentalité consistant à vouloir absolument dépenser toutes les dotations avant le 31 décembre pour ne pas avoir moins d'argent l'année suivante est en train de disparaître.

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