COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 10

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mercredi 19 octobre 2005
(Séance de 9 heures 30)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

puis de M. Charles de Courson, Secrétaire

SOMMAIRE

 

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- Examen, pour avis, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 2575) (M. Yves Bur, Rapporteur)


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Examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) :

- vote sur les crédits de la mission Politique des territoires :
- Tourisme (M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial)
- Politique des territoires (M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial)

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- vote sur les crédits des missions :
- Travail et emploi et des articles 91 et 92, rattachés (M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial)
- Administration générale et territoriale de l'État (M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial)

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La Commission a tout d'abord examiné, sur le rapport de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 2575).

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est le premier à être présenté selon la nomenclature et les règles fixées par la nouvelle loi organique du 2 août 2005, qui est la transposition de la LOLF aux finances sociales ; il appartient cependant au Parlement de s'approprier ce nouvel outil et de faire vivre la réforme, en s'attelant à la lourde tâche de l'optimisation de la gestion de la sécurité sociale.

À ce titre, la démarche, proposée par M. Gilles Carrez, Rapporteur général, visant à « barémiser » les allégements de charges sociales, afin de montrer aux entreprises ce qu'elles payent réellement, soit 4 % de cotisations au niveau du SMIC, doit être approuvée. Cette orientation serait en outre favorable au financement de la sécurité sociale, car elle permettrait de sortir du sempiternel débat sur la « compensation intégrale » et sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

La situation financière de cette dernière est tributaire d'une conjoncture économique incertaine. Le ralentissement de la croissance de la masse salariale s'est traduit en 2005 par un manque de recettes de 1,2 milliard d'euros par rapport à la loi de financement de la sécurité sociale votée l'an dernier. Pour autant, les mesures correctrices courageuses prises par le Gouvernement permettront de ramener le déficit du régime général, toutes branches confondues, de 11,9 milliards d'euros en 2004 et 2005 à 8,9 milliards d'euros en 2006 et 6,5 milliards d'euros en 2007.

Le déficit de la branche famille atteindra 1,1 milliard d'euros en 2005 comme en 2006, du fait du dynamisme plus rapide que prévu des aides au logement, des prestations d'action sociale et, surtout, de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, qui est un vrai succès. Le projet de loi prévoit de modifier le complément de libre choix d'activité, en ajoutant la possibilité de toucher 750 euros par mois pendant un an.

La branche vieillesse a vu son déficit se creuser en 2005 à 2,1 milliards d'euros, déficit qui sera ramené à 1,8 milliard d'euros en 2006 avec l'augmentation des cotisations qui avait été prévue dès la loi Fillon en 2003. Ce déficit s'explique notamment par la montée en charge de la mesure permettant les départs anticipés à la retraite. Le gouvernement de M. Lionel Jospin n'avait pas satisfait cette revendication légitime des salariés âgés, de même qu'il n'avait prévu aucune solution de financement pérenne pour faire face à la charge liée à l'augmentation des retraites. La réforme de 2003 va donc dans le bon sens, mais beaucoup de chemin reste à parcourir.

Il faut cependant s'interroger sur le rôle que pourra réellement jouer ce fonds dans le lissage du financement des retraites à l'horizon 2020, compte tenu de son relativement faible montant actuel, de l'ordre de 25 milliards d'euros, et de l'incertitude qui plane sur les abondements futurs. Il est nécessaire que le Gouvernement apporte rapidement des éclaircissements sur ce point. Son rôle de fonds de pension à la française, investi en actions, est pour autant favorable à l'économie.

Des mesures devront également être prises rapidement en ce qui concerne les fonds de financement, FSV et FFIPSA notamment, mais aussi les fonds amiante, car on ne peut laisser s'accumuler des déficits qui aggravent l'endettement et les charges d'intérêt. Les marges de manœuvre financières sont, certes, très étroites, mais des efforts et des choix seront nécessaires.

La situation de la branche maladie s'améliore quelque peu grâce aux mesures de recettes et d'économies contenues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, mais aussi grâce à la nouvelle organisation mise en place pour piloter le système de santé, davantage tourné vers la qualité des prescriptions et des soins.

Comme l'ont montré les rapports parlementaires de suivi de l'application de la loi, celle-ci a été mise en œuvre de façon exemplaire : la Haute Autorité de santé, l'UNCAM pour les caisses nationales, l'UNOCAM pour les organismes complémentaires, sont désormais en place ; la convention médicale du 12 janvier 2005 a mis en forme le parcours de soins coordonné et le dispositif du médecin traitant, qui concerne déjà 32 millions de Français et 99 % des médecins généralistes ; ne manquent plus que le déploiement du dossier médical personnel, prévu pour 2007 et dont le projet de loi assure le financement pour 2006, et les expérimentations relatives aux agences régionales de santé, notamment en Alsace.

S'agissant du bilan de cette réforme, après un an seulement d'application, il convient d'attacher une attention particulière aux changements de comportements, qui doivent concerner tous les acteurs : les pilotes de la réforme, c'est-à-dire le ministère de la Santé et des solidarités et l'UNCAM, qui ont déjà commencé à prendre des décisions courageuses, comme les déremboursements de médicaments à service médical rendu insuffisant ou les baisses de prix ; les professionnels de santé, appelés à modérer les prescriptions d'indemnités journalières et à promouvoir les génériques ; les caisses, qui doivent renforcer leurs contrôles ; les organismes complémentaires, assureurs et mutuelles, qui ne pourront rester longtemps encore des payeurs passifs ; les entreprises pharmaceutiques mises à contribution à travers un nouveau plan médicament ; les patients « responsabilisés », enfin, qui doivent comprendre que l'assurance maladie est condamnée si la spirale des déficits n'est pas enrayée.

La maîtrise médicalisée des dépenses représentera 675 millions d'euros cette année, grâce aux efforts conjugués engagés pour réduire les prescriptions inappropriées d'arrêts maladie, d'antibiotiques, d'anxiolytiques et de statines, et pour promouvoir les génériques.

L'ONDAM 2005 sera le premier, depuis 1997, à n'être pas dépassé. Mais les dépenses qu'il recouvre n'en auront pas moins progressé de 5 milliards d'euros en un an ! L'ONDAM pour 2006, fixé à 140,7 milliards d'euros en incluant ses changements de périmètre, représentera une nouvelle progression annuelle de près de 6 milliards d'euros - 3,3 milliards si l'on retenait le périmètre 2005. Quant au déficit de la branche maladie, qui atteindra 8,3 milliards d'euros cette année, il devrait être ramené à 6,5 milliards d'euros en 2006 et à 3,5 milliards en 2007, avec retour à l'équilibre à l'horizon 2008-2009.

Des interrogations subsistent, concernant en particulier l'hôpital, qui doit encore améliorer substantiellement son management, tant administratif que médical, et résister aux tentations de freiner la mise en place de la tarification à l'activité. Le fait que le coût moyen d'une journée d'hospitalisation varie entre 1.151 euros au CHR de Metz et 3.126 euros au CHU de Clermont-Ferrand montre que des marges de manœuvre existent.

M. Gérard Bapt a dit ne pas partager l'optimisme du Rapporteur quant aux effets de la réforme de l'assurance maladie, et jugé irréalistes les prévisions macroéconomiques sur lesquelles reposent tant le projet de loi de financement de la sécurité sociale que le projet de loi de finances. La sincérité des comptes est altérée, de surcroît, par de nombreux transferts de dépenses, par exemple l'indemnisation des victimes de l'amiante ou le financement de la CMU complémentaire.

L'assurance maladie se défausse de nombreuses dépenses sur les complémentaires, et en particulier sur les mutuelles, et il serait bon que le Rapporteur fasse une évaluation chiffrée et rigoureuse des charges nouvelles qui leur incombent - la dernière en date étant le forfait de 18 euros applicable aux actes coûtant plus de 91 euros, mesure annoncée comme devant « responsabiliser » les patients, alors que la responsabilité, s'agissant d'interventions ou d'examens « lourds » , appartient évidement aux prescripteurs.

Les économies réalisées en 2005 grâce à la maîtrise médicalisée des dépenses auront été d'un tiers inférieures aux prévisions : 660 millions d'euros au lieu des 985 millions prévus. Les deux tiers de ces économies portent sur les indemnités journalières, les arrêts de travail faisant l'objet de contrôles accrus à la demande des entreprises, qui accentuent ainsi la pression sur leurs salariés. C'est donc bien sur ces derniers que repose l'essentiel de l'effort, tandis que les professions de santé ont vu leurs honoraires revalorisés - et cela sans même parler des dépassements « sauvages » que l'on observe souvent.

Un autre transfert caché est celui de l'aide médicale d'État, qui concerne les étrangers en attente de décision sur leur situation personnelle.

Le Président Pierre Méhaignerie a fait observer que ces crédits relèvent de la mission Solidarité et intégration, et non du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Gérard Bapt en a convenu. Toutefois, il a observé que le risque est grand que ces personnes s'adressent aux services d'urgences des hôpitaux, déjà surchargés, ou ne se soignent pas, ce qui peut poser un problème de santé publique. Force est enfin de constater qu'il n'aura pas fallu un an pour observer que la réforme de 2004 ne permettra pas de rétablir - contrairement à ce qu'avait annoncé le ministre de la Santé de l'époque, M. Philippe Douste-Blazy, mais alors contesté par une note de la direction de la Prévision du ministère de l'Économie - l'équilibre de l'assurance maladie en 2007.

M. Pascal Terrasse a estimé le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 économiquement irréaliste, socialement inacceptable et médicalement contestable. Ce projet signe l'échec de la réforme de l'assurance maladie intervenue en 2004. Le déficit tendanciel continue de se creuser, malgré l'oubli, dans les comptes tels qu'ils sont présentés, de certaines dépenses - parmi lesquelles 2,8 milliards d'euros au titre de la dette du FOREC - et malgré des hypothèses de croissance d'un optimisme exagéré - les conjoncturistes les plus sérieux s'accordent tous à prévoir, pour 2006, une progression du PIB non pas égale à 2,5 %, mais inférieure à 2 %. Ce sont les salariés, une fois de plus, qui paieront l'essentiel de la résorption partielle du déficit des comptes sociaux : 3 milliards d'euros, contre 0,8 milliard pour les entreprises. Si les économies faites sur le médicament sont la partie la moins critiquable du dispositif, la participation de 18 euros à laquelle donnera lieu tout acte d'un coût supérieur à 91 euros touche à l'essence même de la sécurité sociale, c'est-à-dire l'universalité de la prise en charge. C'est un précédent dangereux, qui dissuadera les patients modestes de se faire opérer, mais aussi de passer certains examens de prévention, tels qu'une scintigraphie ou une microbiopsie. Quant aux mutuelles, déjà lourdement pénalisées par l'augmentation à 2,5 % du taux de la taxe pour financer la CMU, elles ne pourront prendre en charge ce nouveau ticket modérateur sans augmenter leurs cotisations. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une désocialisation des recettes et donc d'un véritable démantèlement de la sécurité sociale.

M. Richard Mallié s'est inscrit en faux contre ce jugement, et a considéré que la réforme de 2004 vise avant tout à changer l'état d'esprit de l'ensemble des acteurs du système. C'est une évolution qui ne se fera pas en quelques mois, et il est déjà réconfortant de constater que le déficit de 2006 sera inférieur à celui de 2005, lui-même inférieur à celui de 2004.

M. Charles de Courson a rappelé que le groupe UDF n'a pas voté la réforme de 2004 et observé que le déficit global des comptes sociaux ne se résorbe pas. S'il y a en effet une légère amélioration sur le front de l'assurance maladie, les trois autres branches - vieillesse, famille, accidents du travail et maladie professionnelle - enregistrent une dégradation. L'inscription d'une « provision pour recettes » de 2 milliards d'euros, au titre d'une soulte que seraient susceptibles de verser la Poste et la Banque de France, est contestable. Où en sont les négociations avec ces deux établissements et quel serait leur écot respectif ? Le procédé, pour le moins singulier, illustre, en l'aggravant, la dérive récente qui consiste à tirer des traites sur l'avenir. Quant au FFIPSA, son déficit devient un gouffre, qui se creuse de 1,7 à 1,9 milliard d'euros chaque année, soit un montant cumulé de 7,7 milliards d'euros depuis 2004, le montant des dettes transférées par l'État étant de 3,2 milliards d'euros. Or, la seule proposition concrète faite par le Gouvernement consiste à porter l'autorisation de découvert en trésorerie à 8,1 milliards d'euros, ce qui est tout à fait extravagant puisque le montant annuel des dépenses est de 14 milliards d'euros environ ! Par ailleurs, le taux de croissance de l'ONDAM pour 2006 est fixé à 2,5 %. Certes, on observe, depuis trois ans, une décélération d'année en année, mais l'objectif est-il bien réaliste ? Enfin, il serait intéressant de savoir quelle recette est attendue, en 2006, de la participation de 18 euros laissée à la charge des patients.

Le Président Pierre Méhaignerie a demandé si les tarifs de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) sont fixés par la CNAF seule, ou si l'État intervient également. S'agissant de la branche maladie, des économies pourraient être réalisées grâce à une meilleure gestion des établissements hospitaliers, ce qui suppose que le ministère de la Santé et des solidarités cesse d'établir tous les trois mois de nouvelles orientations...

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a apporté aux divers intervenants les réponses suivantes :

- les modalités de la soulte de La Poste et celle de la Banque de France ne sont pas encore connues. Les partenaires sociaux sont légitimement inquiets. Le Gouvernement devra apporter des précisions et des garanties pour le régime général ;

- le déficit du FFIPSA est un vrai problème. La meilleure solution serait que l'État reprenne à sa charge les 3,2 milliards d'euros de dettes transférés en 2004 et décide, simultanément, d'affecter à celui-ci des recettes nouvelles. Mais lesquelles ? C'est toute la question ;

- l'ONDAM 2005 a été presque atteint, ce qui n'avait jamais été le cas auparavant, notamment grâce aux efforts considérables réalisés par les praticiens de ville. Pour poursuivre la décélération amorcée, il faut absolument réduire les dépenses inutiles, que ce soit dans le secteur du médicament, où persiste une certaine réticence à développer l'usage des génériques, ou, surtout, à l'hôpital. Les effectifs ont progressé entre 1999 et 2003 de 7,75 % à l'hôpital public, de 9,61 % dans les établissements privés sous budget global et de 3 % dans les établissements sous objectif quantifié national - et respectivement de 11,34 %, de 16 % et de 5,4 % s'agissant des seuls personnels administratifs - sans que le service rendu se soit véritablement amélioré. Les combats d'arrière-garde visant à retarder la mise en place de la tarification à l'activité sont une mauvaise chose. Avant de remettre à plat la question du financement, il faut aller jusqu'au bout de la démarche d'optimisation des dépenses ;

- le forfait de 18 euros, qui sera perçu sur certains actes à l'hôpital devrait rapporter chaque année 100 millions à l'assurance maladie sous forme de dépenses en moins. Il ne devrait pas avoir de conséquences dramatiques pour les assurés, étant donné qu'il sera pris en charge, dans neuf cas sur dix, par les mutuelles. S'agissant de ces dernières, on doit regretter, cependant, qu'elles servent, trop souvent encore, de variable d'ajustement, faute d'un vrai partage négocié des responsabilités entre le ministère, l'UNCAM et l'UNOCAM. L'existence d'une double prise en charge est en effet une heureuse spécificité du système français, grâce à laquelle, ainsi que l'a établi le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, la part laissée à la charge du patient est l'une des plus faibles d'Europe.

M. Pierre Hériaud s'est étonné, s'agissant du FFIPSA, que l'on s'attache à résoudre le seul problème de trésorerie, et non celui du déficit structurel - de 1,7 milliard d'euros en 2005 sur un total de dépenses de 13,9 milliards. Au lieu de transférer une charge de 3,2 milliards d'euros du BAPSA au FFIPSA, ne conviendrait-il pas plutôt de l'intégrer au programme Engagements financiers de l'État et de trouver une recette appropriée pour équilibrer le fonds ? Quant au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), conçu à l'origine pour disposer de l'équivalent de 150 milliards d'euros à l'horizon 2020, il ne s'élève à ce jour qu'à 25 milliards d'euros. Le rendement des sommes investies varie entre 4,7 % et 7,5 % par an. Il serait souhaitable de savoir de combien ce fonds devrait être abondé annuellement pour pouvoir jouer, le moment venu, le rôle qui lui a été assigné.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a apporté les réponses suivantes :

- S'agissant du FFIPSA, plusieurs solutions sont à l'étude. M. Yves Censi, Président du comité de surveillance du fonds, a proposé un emprunt d'État, remboursable sur une dizaine d'années, mais il faut, en outre, résorber le déficit structurel du fonds. Parmi les recettes suggérées, il semble que la taxation des boissons sucrées ne soit pas à la hauteur du problème, si elle ne s'accompagne d'une taxation des alcools ;

- le FRR a atteint, en 2005, quelque 25 milliards d'euros, et devrait être abondé de 1,4 milliard d'euros l'an prochain. La gestion du fonds, exemplaire, est l'illustration de ce que pourrait être un fonds de pension à la française, partenaire du développement à long terme des entreprises et de l'économie du pays. Les travaux du Conseil d'orientation des retraites permettront bientôt de préciser, compte tenu de la réforme « Fillon », sa fonction de « lissage ». Pour jouer ce rôle, il a vraisemblablement besoin d'être abondé de quelque 5 milliards d'euros par an, somme d'autant plus considérable que d'autres fonds, comme par exemple le FSV, sont en déficit structurel. Il faut enfin rappeler que la création du FRR avait été utilisée, par le gouvernement de l'époque, pour faire diversion et différer l'indispensable réforme des retraites, aggravant d'autant le déficit à financer.

Soulignant que, selon le Gouvernement, les charges brutes de pensions de l'État employeur passeront de 37 à 42 milliards d'euros entre 2005 et 2006, et les charges nettes de 28 à 31 milliards d'euros, le Président Pierre Méhaignerie s'est inquiété d'une éventuelle augmentation des cotisations des collectivités territoriales à la CNRACL.

M. Charles de Courson a rappelé qu'une augmentation de 0,2 point par an avait été programmée, et que l'échéancier s'arrêtait à la fin de 2005.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a insisté sur les conséquences des politiques de recrutement menées par les collectivités territoriales au cours des dernières années, et plaidé pour le non-remplacement d'une grande partie des départs à la retraite.

La Commission est ensuite passée à l'examen des amendements au projet de loi.

Article 10 « Conditions d'assujettissement des intérêts des plans d'épargne logement aux prélèvements sociaux »

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Gérard Bapt. Son auteur a estimé qu'il s'agissait d'une recette très aléatoire, qui chuterait l'année suivante pour ne plus représenter qu'un dixième du produit prévu pour 2006.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis a reconnu qu'il ne s'agissait pas d'une mesure structurelle mais qu'elle représente néanmoins une clarification et qu'elle ne fera peser aucun prélèvement supplémentaire sur les épargnants.

Suivant l'avis du Rapporteur, la Commission a rejeté cet amendement.

Après l'article 10

La Commission a examiné un amendement de M. Gérard Bapt visant à mettre entièrement à la charge de l'employeur la hausse de cotisation vieillesse de 0,2 point qui interviendra au 1er janvier 2006, contrairement à ce que laisse entrevoir l'avant-projet de décret, lequel prévoit de faire porter cette charge à 0,15 % sur la part salariale et à 0,05 % sur la part patronale.

M. Charles de Courson a souhaité savoir si la répartition actuellement envisagée était bien celle annoncée par l'auteur de l'amendement. Par ailleurs, se pose le problème de l'équité entre agents du secteur public et salariés du secteur privé. On rencontre dans le secteur public des situations éminemment critiquables, telles celle de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRAL). L'augmentation des cotisations de ce régime ne pèse que sur l'employeur. La retenue pour pension stagne à 7,85 % depuis des années. Or, ce mécanisme est de niveau législatif quant à l'encadrement des taux. Dès lors, ne pourrait-on demander cette année une légère hausse des cotisations salariales, de l'ordre de 0,1 ou 0,2 point ?

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, s'est dit défavorable à l'amendement, qui relève du domaine règlementaire. Il semble que le partage envisagé par le Gouvernement évolue vers une parité entre employeur et salarié. Le Gouvernement s'exprimera sans doute sur ce point. Il faut en effet rechercher davantage de justice entre secteur public et secteur privé dans le domaine de la retraite.

Le Président Pierre Méhaignerie a ajouté que cette iniquité s'observait également pour l'âge de départ à la retraite : les douaniers dits en service actif peuvent, depuis peu, bénéficier de conditions encore plus avantageuses qu'auparavant.

M. Louis Giscard d'Estaing a soulevé la question globale du partage du poids des cotisations entre salariés et employeurs, qu'aborde en creux l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006. Sur un tel partage, la décision revient-elle au Gouvernement ou aux partenaires sociaux ?

Après que M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, eut répondu que la décision était réglementaire, M. Charles de Courson a ajouté que les principes régissant ce type de décision relèvent du domaine législatif.

La Commission a rejeté cet amendement.

Après l'article 13

La Commission a examiné un amendement de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, destiné à exercer un droit de suite sur la mise en œuvre de la réforme de l'assurance maladie de 2004, en prévoyant 300 millions d'euros d'économie au titre de la systématisation du recours contre tiers. L'indemnité forfaitaire pour frais de dossier à la charge du tiers responsable et au profit des caisses d'assurance maladie serait revalorisée de près de 15 %. Cet amendement avait été adopté l'an dernier, puis dénaturé au Sénat et censuré par le Conseil constitutionnel. Il faut espérer que le Sénat reconsidère cette année sa position.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 14

La Commission a examiné un amendement de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, tendant à assujettir les cigarettiers à une contribution sur leur chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France, dont le taux progresse en fonction de l'indice des prix à la consommation. Il s'agit d'écrêter les marges de ces entreprises de façon similaire à ce que prévoit la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques. C'est à la fois une mesure de rendement pour l'assurance maladie et une mesure de santé publique, qui ne se répercutera ni sur le prix de vente des cigarettes, ni sur les ventes des buralistes. La recette ainsi créée doit permettre une augmentation de la taxe sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques moindre que celle prévue à l'article 15.

M. Charles de Courson a estimé que le véritable problème réside dans les importations transfrontalières de cigarettes. Leur consommation représenterait 40 % du volume total de consommation dans certaines zones.

M. Richard Mallié, évoquant l'augmentation de taxe prévue à l'article 15 du projet, l'a jugée trop importante et contradictoire avec la négociation qui a eu lieu l'an dernier pour fixer le taux de ladite taxe. Pour autant, il n'est pas acceptable de compenser une moindre augmentation de cette taxe sur les entreprises pharmaceutiques par une ponction supplémentaire sur l'industrie du tabac. Des économies sont à trouver au sein des dépenses de l'assurance maladie, par exemple sur les médicaments génériques, dont le prix, semble-t-il, baisserait prochainement.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a précisé qu'il entendait également s'attaquer à la question des achats transfrontaliers de tabac à travers un autre amendement. Il existe par ailleurs un débat au sujet de la convergence à rechercher entre la taxation du tabac et celle de l'alcool. Quant à la consommation clandestine, elle fait souvent l'objet d'une désinformation délibérée. Cet amendement, qui vise un produit très particulier, s'inscrit en cohérence avec la moindre augmentation de la taxe pharmaceutique ; il est normal d'opérer un prélèvement sur les marges existantes.

M. Gérard Bapt a approuvé la philosophie de cet amendement et de celui figurant à l'article 15 du projet.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, proposant de modifier le code général des impôts afin de mieux encadrer la circulation des produits du tabac et de ramener les seuils de détention de tabacs manufacturés au minimum autorisé par la législation communautaire.

Après que M. Charles de Courson eut évoqué un risque d'incompatibilité avec le principe de libre circulation des marchandises au sein de l'Union européenne, le Rapporteur pour avis a précisé qu'il s'agissait précisément d'en appeler à la Commission européenne. Il faut insister sur la spécificité du tabac, produit dangereux pour la santé publique. La Commission doit pouvoir entendre cet argument, qu'il reviendra au Gouvernement de porter.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 15 « Spécialités pharmaceutiques inscrites sur la liste des médicaments rétrocédés - Taxe sur les dépenses de promotion - Contribution des laboratoires pharmaceutiques assise sur le chiffre d'affaires »

La Commission a examiné deux amendements identiques de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, et de M. Richard Mallié ramenant à 1,5 % le taux de la contribution des laboratoires pharmaceutiques exploitant des médicaments bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) que le projet de loi prévoit de porter exceptionnellement de 0,6 % à 1,96 % en 2006. Le Rapporteur a rappelé la cohérence de cet amendement avec la création d'une taxe sur le chiffre d'affaires des cigarettiers qui vient d'être votée par la Commission. Il s'agit en outre de préserver l'attractivité du « site France ».

La Commission a adopté ces amendements.

Puis la Commission a examiné un amendement de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, visant à exonérer de la taxe précitée les médicaments dits « orphelins ».

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 26

La Commission a examiné un amendement de M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, proposant d'affilier au régime étudiant tous les étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement supérieur, quelle que soit leur activité éventuellement exercée par ailleurs.

M. Charles de Courson, rappelant l'obligation d'affiliation autonome à partir de l'âge de 21 ans, a estimé que cet amendement allait provoquer un transfert vers le régime général, qui est aussi le régime étudiant, de tous les affiliés à d'autres régimes.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a nié que l'amendement aurait un tel effet, dans la mesure où il vise les étudiants salariés, donc en grande majorité affiliés au régime général. L'âge d'affiliation est maintenu, aucun problème de cotisation ne se posera et la prise en charge des étudiants concernés sera plus adaptée.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 27

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, visant à faciliter la prescription des médicaments en dénomination commune internationale (DCI).

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a constaté que, bien qu'étant en progression sensible, la prescription en dénomination commune internationale en lieu et place du nom de marque reste marginale. On estime ainsi qu'à la fin de l'année 2005, 7,7 % des généralistes et 3,4 % des spécialistes prescriront en DCI. On recense par ailleurs plus de 8.000 présentations de marque pour seulement 1.700 DCI. Or, l'utilisation de la DCI est un puissant levier de promotion des médicaments génériques, et permet par ailleurs d'éviter certaines interactions médicamenteuses. Il convient donc de rendre aussi automatique que possible la prescription en DCI, et pour ce faire, l'amendement propose de confier à la Haute Autorité de santé, au titre de sa mission de certification des logiciels d'aide à la prescription, le soin de vérifier, sinon d'exiger, que ces logiciels incitent bien à une prescription directe en DCI sans l'intermédiaire obligatoire d'un nom de marque.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, créant un mécanisme de révision triennale du prix des médicaments.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a indiqué que la mise en place d'un tel mécanisme automatique permettra de décharger le Comité économique des produits de santé (CEPS) de toute difficulté éventuelle de renégociation périodique et d'assurer, en s'inspirant de la philosophie de la Haute Autorité de santé, une adaptation régulière des mécanismes de prise en charge à l'évolution du progrès médical. Par ailleurs, ce mécanisme ne remet pas en cause les conventions passées entre le Comité et les entreprises pharmaceutiques, ni les pouvoirs dont disposent les ministres compétents.

La Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, prévoyant que le prix de vente au public des médicaments appartenant à un même groupe générique est égal au prix de référence de ce groupe.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a estimé illégitime que l'assurance maladie rembourse durablement deux médicaments identiques à des prix différents. Il faut donc aligner progressivement le prix des médicaments d'un même groupe générique, en proposant un échéancier réglementaire de convergence des prix. Cela conduit, d'une part, à assurer une cohérence de prix entre tous les médicaments d'un même groupe générique, d'autre part à aligner progressivement, sur une période de trois ans, le prix des princeps sur les génériques en prenant comme référence pour cet alignement le prix le plus bas majoré d'un pourcentage dégressif. Pour les groupes génériques apparus avant le 1er janvier 2005, le cas échéant, ces trois étapes d'alignement des prix devraient se faire respectivement en 2006, 2007 et 2008.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 28

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, permettant aux organismes d'assurance maladie de conclure avec les établissements de santé des conventions réglant les conditions de prise en charge des prescriptions hospitalières réalisées en ville.

Après que M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a estimé nécessaire de permettre aux caisses de conclure avec les établissements de santé publics et privés des conventions relatives aux prescriptions hospitalières réalisées en ville, la Commission a adopté cet amendement.

Elle a ensuite examiné un autre amendement du Rapporteur pour avis, prévoyant la remise par le Gouvernement d'un rapport annuel au Parlement sur les prescriptions hospitalières réalisées en ville. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a estimé nécessaire d'améliorer l'information du Parlement sur cette question et de lui permettre de suivre, annuellement, l'évolution des prescriptions hospitalières réalisées en ville, qui augmentent de manière significativement plus élevée qu'en ville. L'adoption de cet amendement permettra de demander au Gouvernement de faire un effort particulier sur ce segment de la dépense.

Après que le Président Pierre Méhaignerie se soit interrogé sur la charge administrative que constitue la multiplication des demandes de rapports, la Commission a adopté cet amendement.

Article 30 « Dispositions diverses relatives à l'application de la tarification à l'activité aux établissements de santé »

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, maintenant l'étape intermédiaire pour la convergence de la tarification entre établissements publics et privés. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 a ambitieusement lancé la généralisation de la tarification à l'activité (T2A) des établissements de santé publics et privés en organisant une convergence des tarifs à l'horizon 2012. Or cet article aménage la mise en œuvre de la T2A, sans remettre en cause l'échéance de 2012 mais en supprimant le point de repère à mi-parcours, en 2008. Il faut maintenir la disposition selon laquelle « l'objectif de convergence des tarifs devra être atteint à 50 % en 2008. » Il y va de la crédibilité de cette réforme nécessaire.

M. Gérard Bapt n'a pas estimé opportun de rétablir l'étape intermédiaire en 2008, que supprime à juste titre le Gouvernement dans l'attente d'un rapport de mission IGF-IGAS sur la mise en œuvre de la T2A.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 30

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Gérard Bapt, demandant la remise d'un rapport de l'IGAS au Parlement sur les pratiques de dépassement d'honoraires médicaux notamment en secteur hospitalier.

M. Gérard Bapt a rappelé que le directeur général de l'UNCAM a dénoncé, début septembre 2005, les dépassements tarifaires « déraisonnables » pratiqués par certains chirurgiens du secteur 2, notamment en Île-de-France ou dans la région PACA. Ces dépassements contreviennent à la réglementation qui impose au secteur 2 une politique tarifaire modérée. Pour autant, ils interviennent dans un secteur aux honoraires libres. Tel n'est pas le cas des dépassements sauvages qui seraient pratiqués notamment par les praticiens hospitaliers du secteur 1 ou par des médecins de ville en secteur 1. De tels comportements contreviennent gravement aux règles de la pratique médicale et organisent de fait une sélection des patients par l'argent. Afin que les pouvoirs publics puissent bénéficier d'une photographie officielle de la réalité de ces pratiques, pour l'instant dénoncées dans la presse, il est donc nécessaire que le Gouvernement diligente une enquête de l'IGAS sur ce sujet, qui sera transmise au Parlement.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a donné un avis favorable à l'amendement, estimant que la notion de tact et de mesure dans les honoraires doit être respectée.

Après que le Président Pierre Méhaignerie se soit interrogé sur les différences qui existent entre régions en la matière, la Commission a adopté cet amendement.

Article 32 « Convention pluriannuelle, forfait soins des établissements médico-sociaux et fonctionnement des pharmacies à usage interne »

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, supprimant la prolongation jusqu'au 31 décembre 2007 du délai de signature des conventions tripartites par les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD). M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a estimé qu'il n'est pas de bonne politique de repousser, d'année en année, la date limite de signature des conventions tripartites entre les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, les conseils généraux et l'État. Maintenir les dates existantes reste le meilleur moyen d'inciter à la conclusion des conventions pluriannuelles. Il faut fixer un butoir, pour donner un signal fort aux établissements.

M. Pascal Terrasse a soutenu cet amendement, car la réforme de la tarification des EHPAD tarde toujours à se mettre en place, ce qui empêche les établissements de recevoir les financements annoncés depuis trop longtemps par l'État. On constate ainsi, dans les comptes de la CNSA, que 600 millions d'euros ne sont pas utilisés, alors qu'il y a de fortes attentes sur le terrain.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 37 « Modification de la règle d'imputation du forfait journalier sur le ticket modérateur pour les actes dont le tarif est supérieur à 91 euros »

La Commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Gérard Bapt.

M. Gérard Bapt a constaté que la création d'un ticket modérateur de 18 euros pour les soins dont le prix dépasse 91 euros constitue un nouveau déremboursement unanimement dénoncé par tous les partenaires sociaux. Ce ticket modérateur ne peut pas être justifié par une quelconque volonté de modération du recours aux soins, car il s'agit d'actes lourds que les patients n'ont pas la capacité d'imposer. Les personnes le plus en difficultés seront les premières pénalisées par cette mesure.

Après que M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que les bénéficiaires de la CMU ne sont pas concernés, que les organismes complémentaires prendront en charge ce ticket modérateur et que ces derniers ont les moyens financiers de le faire, la Commission a rejeté cet amendement.

Après l'article 37

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, prévoyant que la participation de l'assuré ne peut pas être limitée ou supprimée pour les médicaments remboursés à 35 % ou à 15 %, et que les organismes complémentaires d'assurance maladie ont accès au code CIP de ces médicaments.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que le ticket modérateur peut être limité ou supprimé dans certains cas, en particulier pour les patients hospitalisés ou pour les personnes atteintes d'une affection de longue durée. Mais pour les médicaments remboursés à 35 % ou à 15 %, c'est-à-dire ceux reconnus comme ayant un service médical rendu insuffisant, faible ou modéré, il serait responsable de supprimer la possibilité d'une prise en charge à 100 % par l'assurance maladie. En effet, il semble particulièrement peu cohérent que l'assurance maladie rembourse intégralement des produits de santé dont l'efficacité médicale a été reconnue comme insuffisante par des instances scientifiques. Il y va de la crédibilité des travaux de la Haute Autorité de santé.

En donnant ainsi aux assureurs complémentaires la possibilité de compléter la prise en charge au-delà de 15 % ou de 35 %, il faut aussi leur donner les moyens de ne plus prendre en charge ces médicaments moins performants. C'est pourquoi cet amendement propose de leur permettre l'accès, pour ces médicaments seulement, au code CIP. L'assuré pourra alors choisir le type de contrat qu'il entend souscrire, en toute connaissance de cause, compte tenu de sa propre consommation médicale de médicaments peu efficaces sur le plan médical. La responsabilisation doit être partagée.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 38 « Messages à caractère sanitaire dans les publicités alimentaires »

La Commission a rejeté un amendement de suppression présenté par M. Gérard Bapt, après que son auteur a déploré la trahison opérée par le Gouvernement de la volonté du Parlement au travers de cet article relatif à la lutte contre les excès publicitaires concernant les produits sucrés à destination des enfants.

Article 42 « Objectifs de dépenses de la branche maladie pour 2006 »

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, réduisant de 100 millions d'euros l'objectif de dépenses administratives de la CNAM. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a considéré que cet amendement permet d'exercer un droit de suite sur la mise en œuvre de la réforme de l'assurance maladie de 2004, qui prévoyait 200 millions d'euros d'économies au titre de la diminution des coûts de gestion de la CNAM. Or, aucun résultat financier à ce titre ne semble encore tangible. Aucune mesure nouvelle n'est ainsi chiffrée à ce titre dans le projet de loi. Bien au contraire, les charges de gestion courante de la CNAM augmentent de 5,3 à 5,4 milliards d'euros entre 2005 et 2006, selon les hypothèses de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Il faut donc se donner les moyens d'atteindre les résultats annoncés. Un effort important doit être entrepris pour accroître la productivité des caisses d'assurance maladie. Une réduction de 100 millions d'euros de leurs dépenses de gestion paraît tout à fait raisonnable, car elle permet de maintenir l'existant, sans augmentation par rapport à 2005.

Un objectif encore plus ambitieux de réduction devra être intégré dans la négociation de la nouvelle convention d'objectifs et de gestion de la CNAM, prévue pour entrer en vigueur en 2006.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 43

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, mettant en réserve 1 % des dépenses de l'ONDAM, hors soins de ville, pour en garantir le respect en exécution. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a cité l'exemple du mécanisme introduit, pour le budget de l'État, au 4° bis de l'article 51 de la LOLF par la loi organique du 12 juillet 2005. Cet amendement propose d'appliquer un taux de mise en réserve aux sous-objectifs de l'ONDAM qui concernent les établissements de santé et les établissements médico-sociaux, en le fixant à 1 % pour 2006. En effet, contrairement aux soins de ville et aux « autres modes de prise en charge », ces dépenses font l'objet de procédures de délégation par arrêté interministériel qui rendent applicable un mécanisme voisin de la régulation budgétaire. Le Comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie créé par la loi du 13 août 2004 serait chargé de donner sur le « dégel » de cette réserve un avis motivé, lui qui a pour mission de veiller au respect de l'ONDAM et de déclencher, dès qu'il perçoit un risque sérieux de dépassement de 0,75 %, une procédure devant conduire à des mesures de redressement. La crédibilité de l'ONDAM s'en trouverait renforcée.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 44

La Commission a rejeté deux amendements présentés par M. Gérard Bapt demandant au Comité d'alerte de publier des prévisions d'évolution des dépenses hospitalières.

Article 49 « Contribution de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante et au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante »

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, augmentant la contribution due par les entreprises dont des salariés bénéficient de la préretraite amiante, et diminuant en contrepartie la cotisation due par toutes les entreprises au titre des accidents du travail. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que les dépenses dues au titre des préretraites amiante continuent d'augmenter, sans qu'une solution pérenne de financement n'ait été trouvée. La contribution instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, à la charge des entreprises ayant employé des personnes amiantées, est loin d'avoir atteint le rendement escompté : seulement 30 millions d'euros de recettes, contre 120 millions d'euros attendus. En conséquence, le Gouvernement se voit contraint pour 2006 d'augmenter de 100 millions d'euros le versement de la branche accidents du travail au fonds des préretraites amiante (FCAATA), et donc de prévoir une augmentation des cotisations payées par toutes les entreprises. Pour garantir l'efficacité de la mesure votée l'an dernier, et mieux impliquer les entreprises responsables des maladies de l'amiante, il est proposé par cet amendement d'augmenter le rendement de la contribution due par ces entreprises, ce qui permettra en contrepartie une non augmentation des cotisations payées par toutes les entreprises. Il s'agit de l'application du principe pollueur-payeur.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 57 : Contrôle et lutte contre la fraude aux prestations sociales

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, instaurant un mécanisme de lutte contre la fraude en cas de non déclaration par les assurés d'un changement de leur situation au regard de leurs droits à prestations. M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que cet article prévoit que, pour les branches famille et vieillesse, « l'inobservation des règles du code ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge ou à un remboursement ou à une prise en charge indus peuvent faire l'objet d'une pénalité ». Il serait intéressant d'élargir à la branche maladie le champ des pénalités qui pourraient être infligées à des assurés qui ne signalent pas des changements intervenus dans leur situation, et qui devraient avoir pour conséquence la perte de leurs droits. A titre d'exemple, certains assurés sociaux transfèrent leur résidence à l'étranger sans restituer leur carte Vitale. Dans ces conditions, ils peuvent continuer à utiliser leur carte à l'occasion de leur séjour en France et bénéficier ainsi des prestations en nature, malgré une perte de droits.

La Commission a adopté cet amendement.

Après l'article 57

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, subordonnant le bénéfice du tiers payant pour les médicaments remboursés délivrés en pharmacie à la vérification préalable par les pharmaciens d'officine, lors de la délivrance des prestations, des données de prise en charge détenues par l'organisme dont relève chaque bénéficiaire de l'assurance maladie.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé que la lutte contre la fraude à l'assurance maladie constitue une priorité. Pour être efficace, cette lutte passe par la vérification en temps réel, lors de l'utilisation de la carte Vitale, des droits des assurés. Le GIE SESAM Vitale ayant annoncé qu'il était en mesure de déployer une offre en ligne dans le courant de l'année 2006, il est important que ce dispositif se déploie dans les pharmacies, afin de garantir la conformité des droits des assurés avec les informations présentes sur la carte Vitale.

M. Pascal Terrasse a souligné les carences du GIE SESAM Vitale, qui met en circulation des cartes à puce non sécurisées. Il faudrait que le Parlement mène une enquête approfondie sur le fonctionnement de ce GIE.

M. Louis Giscard d'Estaing s'est interrogé sur la possibilité d'insertion d'une photo sur la carte Vitale.

M. Yves Bur, Rapporteur pour avis, a rappelé qu'il est aujourd'hui techniquement possible de mettre une photo sur la carte Vitale, mais que cette demande récurrente, votée par le Parlement à l'occasion de la réforme de l'assurance maladie, ne sera pas mise en œuvre avant la diffusion des cartes Vitale 2, pour des raisons de coût. D'ici là, des mesures de sécurisation et la résolution d'un certain nombre de problèmes techniques liés à la carte doivent intervenir. L'amendement proposé s'inscrit dans ce cadre de sécurisation des échanges de données entre caisses, professionnels de santé et pharmaciens.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis elle a donné un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, ainsi modifié.

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La Commission a ensuite poursuivi l'examen de la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2006 et procédé, sur le rapport de M. Pascal Terrasse, à l'examen des crédits du programme « Tourisme » de la mission Politique des territoires.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a d'abord confirmé la tendance, observée depuis 2001, à la baisse du solde touristique de la France. Pour la première fois depuis quinze ans, le tourisme n'était plus, en 2004, le premier poste excédentaire de la balance des biens et des services. Malgré une légère progression des recettes, qui se sont établies à 32,8 milliards d'euros, au lieu de 33,7 milliards d'euros en 2001 et 34,2 milliards d'euros en 2002, l'excédent enregistré n'était plus que de 9,8 milliards d'euros, derrière celui de l'automobile - 12,2 milliards d'euros. C'est la progression des dépenses des Français en voyage à l'étranger qui est à l'origine de ce résultat : en hausse constante depuis plusieurs années, elle a connu une nette accélération pour atteindre 8,7 % entre 2003 et 2004, et les premières analyses de la saison 2005 semblent confirmer le phénomène.

Cette « évasion » des touristes français de l'hexagone s'inscrit dans un contexte où l'industrie touristique française n'a pas réussi à capter sa part du regain de dynamisme observé chez ses concurrents. Tandis que les recettes de l'Espagne progressaient de 7 % et celles de l'Italie de 4 %, les recettes françaises n'ont enregistré qu'une légère amélioration de 1,5 % et restent inférieures aux 33,7 et 34,2 milliards d'euros réalisés respectivement en 2001 et 2002.

Cette dégradation des performances du tourisme français a été à l'origine d'une mobilisation des pouvoirs publics avec, notamment, la réunion de deux comités interministériels du tourisme en 2003 et 2004, auxquels le Premier ministre a participé. Les décisions prises lors de ces réunions se sont principalement traduites par un renforcement de l'effort de promotion de la destination France sur les marchés étrangers, une réorganisation des moyens mis en œuvre pour l'amélioration de l'offre et la promesse d'une réflexion sur le développement de la demande intérieure et l'aide au départ des Français.

Parallèlement, les acteurs du tourisme et les collectivités territoriales déploient des efforts considérables pour assurer le développement de leur offre, malgré l'extraordinaire complexité des dossiers qu'ils ont à porter et l'importance des investissements à réaliser. Certaines de ces actions sont menées à bien grâce au concours de l'État, notamment par son assistance technique ou financière par le biais des contrats de plan. Cependant, malgré une apparente prise de conscience au sommet de l'État, l'importance économique du tourisme et le besoin d'une politique pour le soutenir parviennent difficilement à s'imposer comme une évidence. Ce constat s'illustre particulièrement dans la manière dont sont traités les crédits du ministère délégué au tourisme, notamment dans le cadre de la gestion budgétaire. Il s'illustre également par les freins qui s'opposent à la mise en œuvre d'une véritable politique d'aide au départ en vacances des Français dans leur pays.

Le tourisme constitue l'un des cinq programmes de la mission « Politique des territoires ». Sa définition et sa place dans la maquette générale du budget résultent d'un processus dans lequel sont notamment intervenus la mission d'information de la commission des Finances, la Cour des comptes et le Comité interministériel d'audit des programmes. Les discussions engagées à cette occasion ont permis, d'une part, d'ouvrir une réflexion sur le périmètre du programme qui devrait aboutir à une présentation plus complète des financements publics consacrés à ses objectifs, et d'autre part, de réaffirmer la contribution essentielle de la politique touristique dans l'aménagement du territoire.

Le programme se compose de quatre actions : « Promotion de l'image touristique de la France et de ses savoir-faire », « Économie du tourisme », « Accès aux vacances », « Soutien au programme ».

Le projet de loi de finances pour 2006 propose de doter le programme « Tourisme » de 79,788 millions d'euros en AE et de 78,298 millions d'euros en CP, soit 3,298 millions d'euros de plus que le plus petit programme de la mission « Information géographique et cartographique », ce qui donne une idée de la modestie de ces crédits.

Par rapport à la loi de finances pour 2005, les crédits de paiement restent stables et les autorisations d'engagement sont en baisse de 1,65 %. Les priorités affichées par le Gouvernement sont réduites à la promotion de la destination France, à la poursuite de la mise en œuvre du plan « Qualité France » et aux contrats de plan État-régions. Il n'est plus fait mention de l'accès aux vacances.

En ce qui concerne les crédits consacrés aux actions considérées comme prioritaires, la dotation destinée à l'action 1, « Promotion », est réduite de plus d'un million d'euros, en AE comme en CP, et les crédits de l'action 2, « Économie du tourisme », bien que bénéficiant d'une hausse de 1,6 million d'euros en CP, sont bien en deçà des besoins, notamment au regard des engagements de l'État envers les régions.

Par ailleurs, il faut souligner le fait qu'au 10 octobre, échéance fixée par la loi organique, seulement 28 % des réponses aux 71  questions budgétaires étaient parvenues au Rapporteur spécial, et que le mardi 18 octobre, jour de l'ouverture de la discussion du projet de loi de finances en séance publique, 50 % des réponses n'étaient toujours pas parvenues. Il ne lui a pas été possible, en outre, de s'entretenir avec le directeur du tourisme, trois rendez-vous successifs ayant dû être annulés en raison de déplacements au cours desquels celui-ci devait accompagner le ministre délégué. Le Rapporteur spécial aurait vivement apprécié de pouvoir entendre ses éclaircissements sur des points aussi importants que les orientations de la politique touristique de la France, la saison touristique 2005, les vacances des Français, la justification des dépenses fiscales intégrées au programme « Tourisme », Maison de la France, ou encore le tourisme social.

Durant la plus grande partie de l'exercice 2005, les crédits avaient été gelés à plus de 25 %, et 14 % restaient gelés au milieu du mois d'octobre. En conséquence, le ministère avait demandé, pour 2006, un déplafonnement des reports, qui n'a pas été accepté.

Quant aux autorisations de programme, 27,43 % restent gelées ; or, bien que la LOLF soit muette sur la possibilité de les reporter, les outils informatiques mis en place par le ministère des finances ne le permettent pas. En conséquence, toutes les AP non engagées au 31 décembre 2005, seront annulées, parmi lesquelles 4,2 millions d'euros que l'État doit à des associations de tourisme social, pour des opérations déjà exécutées !

S'agissant du plan de consolidation des hébergements du tourisme social, faute de pouvoir reporter les crédits, il n'est pas possible d'ouvrir, comme l'an dernier, des crédits en loi de finances rectificative. Il serait cependant possible de dégager des crédits sur les résultats de l'Agence nationale pour les chèques-vacances, conformément à l'article 79 de la loi de finances rectificative pour 2001.

La situation n'est pas brillante, et toutes les personnes auditionnées s'accordent à dire que la France, qui avait été à la pointe de la modernité touristique au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, n'avait pas su, depuis, renouveler ses équipements, qu'il s'agisse des stations de moyenne montagne ou du littoral, tandis que de nombreux pays émergents, méditerranéens en particulier, ont su adapter leur offre à l'évolution de la demande. Il convient donc, non seulement d'accompagner l'effort de modernisation des capacités d'accueil, mais aussi de mettre l'accent sur la promotion et la valorisation de l'offre, ainsi que sur la solvabilisation de la clientèle française, afin que les vacances ne soient plus, en France, un luxe réservé à une minorité.

Le Président Pierre Méhaignerie a contesté que les vacances soient l'apanage de quelques-uns. Il a déploré que trop de rigidités fassent obstacle à la construction de nouveaux équipements, dans un secteur où les perspectives de croissance et d'emploi sont pourtant très importantes, compte tenu du vieillissement de la population en Europe, et où la concurrence des autres pays, notamment méditerranéens, est rude.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a estimé que les crédits du programme, stables en loi de finances initiale, sont relativement satisfaisants, mais que les gels et annulations de crédits ont pris, depuis quelques années, de telles proportions que nombre d'opérations programmées ne sont en fait pas financées, tandis que certaines directions régionales du tourisme ne servent plus à grand-chose, faute de crédits à gérer. Il s'abstiendra donc sur le vote des crédits du programme.

Le Président Pierre Méhaignerie a observé que toute opération de construction ou d'aménagement n'a pas vocation à être subventionnée...

M. Jean-Pierre Gorges a déclaré que Chartres, ville dont il est le maire, ne se plaint pas du vieillissement régulier de son patrimoine, bien au contraire. Ce qui fait le succès d'une destination touristique, c'est un patrimoine, un relief, un climat et un accueil, ce dernier relevant pour l'essentiel de l'initiative privée. L'exemple de la Croatie montre que point n'est besoin de directions régionales du tourisme - au demeurant jugées inutiles par le Rapporteur spécial lui-même...

M. Alain Joyandet a dit partager l'opinion du Président Pierre Méhaignerie sur les rigidités qui font obstacle au développement des territoires, et cité l'exemple des activités nautiques, entravées en France par la longueur et la complexité des procédures à suivre pour créer des places supplémentaires dans les ports ou les marinas : le résultat est que les plaisanciers préfèrent aller en Italie. L'administration devrait favoriser davantage le foisonnement des initiatives privées.

M. Pascal Terrasse, Rapporteur spécial, a répondu à M. Jean-Pierre Gorges que, par « patrimoine », il entend moins les monuments et les vieilles pierres que les équipements touristiques proprement dits. Or, une grande partie de ces aménagements a vieilli et ne correspond plus aux exigences des touristes, français et étrangers, d'aujourd'hui : la Grande-Motte, construite dans les années 1960, n'a pas été réhabilitée, contrairement aux cités, contemporaines, de Vénissieux ou de la Courneuve. En revanche l'extension du port de la Grande-Motte avait reçu toutes les autorisations nécessaires : ce qui fait défaut, ce sont les financements !

La Commission a approuvé l'adoption des crédits du programme « Tourisme ».

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Puis, la commission a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, des crédits de la mission « Politique des territoires ».

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a regretté qu'a chaque changement de gouvernement l'aménagement du territoire soit rattaché à un ministère différent : Intérieur cette année, Équipement l'an dernier, Fonction publique et réforme de l'État il y a deux ans.

Le Président Pierre Méhaignerie a également déploré ces incessants changements de périmètres ministériels.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a indiqué que la mission interministérielle « Politique des territoires » comprend l'ensemble des politiques concourant à l'aménagement des territoires et des espaces urbains, et concerne le ministère des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, le ministère de l'Intérieur et de l'aménagement du territoire et les services du Premier ministre. La commission des Finances de l'Assemblée nationale a maintenu le rapport spécial Tourisme, alors que celle du Sénat a opté pour un rapport spécial couvrant l'ensemble de la mission.

En 2006, cette mission devrait bénéficier de 864,54 millions d'euros d'autorisations d'engagement, et de 701,81 millions d'euros de crédits de paiement. Par ailleurs, elle devrait être dotée de 1.549 emplois (ETP). Les principales mesures en 2006 seront la mise en œuvre des pôles de compétitivité, la poursuite de l'adaptation de l'ingénierie publique dans un contexte de décentralisation, et la mise en place des interventions territoriales de l'État.

Le programme « Stratégie en matière d'équipement », qui regroupe les moyens de pilotage stratégique du ministère de l'Équipement, devrait bénéficier de 99,463 millions d'euros d'autorisations d'engagement, soit une hausse de 6,15 % par rapport à 2005, et de 99,473 millions d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 5,92 % par rapport à 2005. Il concerne au total 1.709 ETP travaillés, dont 847 inscrits sur le programme proprement dit et 862 sur le programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ». Compte tenu d'arbitrages tardifs des périmètres respectifs de ces deux programmes, les données fournies par le projet annuel de performance ne rendent compte qu'imparfaitement de l'évolution des budgets des différentes actions entre 2005 et 2006.

Étant donné la complexité du périmètre du programme « Stratégie en matière d'équipement », il est envisagé de transférer l'ensemble de ses crédits dans le programme « Conduite des politiques d'équipement » de la mission « Transports » en 2007. Toutefois, ceci irait à l'encontre de l'effet recherché par la LOLF, qui vise à identifier les dépenses par nature, ce qui nécessite la stabilisation des périmètres et la justification des choix de définition de ces périmètres.

Le programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » finance les grandes opérations d'urbanisme initiées par l'État, l'exercice de ses missions en matière de planification ou d'application du droit des sols, et le soutien technique ou opérationnel apporté par le ministère de l'Équipement aux collectivités territoriales et à d'autres ministères - Défense, Outre-mer, Écologie et développement durable -, aussi bien en matière d'urbanisme et d'application du droit des sols que de prestations d'ingénierie.

En 2006, le programme devrait représenter 93,45 millions d'euros d'autorisations d'engagement, (+ 13,63 %) et 92,36 millions d'euros de crédits de paiement (+ 17,97 %). Cette hausse est due à l'augmentation des crédits de l'action « Soutien », qui résulte principalement du changement de périmètre de certains postes budgétaires - contentieux - et du rebasage de certaines dépenses - études.

Dans le cadre de la réorganisation des services déconcentrés du ministère de l'Équipement dans un contexte de décentralisation, il a été décidé que les rémunérations des personnels des services déconcentrés oeuvrant pour le programme, soit 19.007 ETP travaillés, seraient inscrits provisoirement à l'action « Personnels œuvrant pour les politiques du programme aménagement, urbanisme et ingénierie publique » du programme « Conduite et pilotage des politiques d'équipement » de la mission « Transports ».

En 2006, seront financés par le programme :

le soutien des réseaux professionnels, avec notamment 10,34 millions d'euros en faveur des agences de l'urbanisme, soit une augmentation de 7,5 % permettant de financer 4 nouvelles agences ;

- le renforcement des politiques foncières, de planification et d'aménagement portées par les collectivités locales ;

- l'entretien de la réserve foncière de l'État ;

- le soutien aux villes nouvelles et l'accompagnement du retour au droit commun des ex-villes nouvelles ;

- les opérations d'intérêt national, c'est-à-dire les subventions aux établissements publics d'aménagement Euroméditerranée, Plaine de France et Saint-Etienne ;

les rémunérations des agents œuvrant pour le programme au sein de la direction générale de l'urbanisme, de l'habitat et de la construction ;

- les crédits correspondant aux fonctions supports dédiées - études, communication, contentieux, informatique...

La hausse des crédits de l'action « Soutien » est due à la nouvelle organisation des services ; elle a donc vocation à être exceptionnelle.

Le programme « Information géographique et cartographique » comprend la subvention de l'État à l'Institut national géographique, unique opérateur du programme. Celle-ci devrait s'élever, en 2006, à 75 millions d'euros d'autorisations d'engagement, soit une baisse de 4,6 % et 75 millions d'euros de crédits de paiement, soit une baisse de 1,92 %. Cette dotation s'inscrit dans le cadre du contrat d'objectif et de moyens signé en 2003, visant à diminuer la part de la dotation de l'État par rapport aux ressources propres. Ce programme soulève deux questions. En premier lieu, dans le cadre de la mise en œuvre de la LOLF, le fait que le directeur de l'IGN soit aussi le responsable du programme pose le problème du bon exercice de la tutelle du ministère de l'Équipement. En second lieu, on peut regretter que suite à la numérisation de la cartographie, les effectifs de l'IGN ne connaissent pas une baisse plus sensible.

Le programme « Aménagement du territoire » retrace l'ensemble des crédits gérés par la DATAR et consacrés à l'aménagement du territoire. Ce programme devrait bénéficier de 382,01 millions d'euros d'AE, soit une hausse de 11,24 % et de 275,51 millions d'euros de CP, soit une hausse de 3,56 %. Ce budget finance principalement la PAT - 10 % des AE et 12 % des CP -, les engagements au titre des contrats de plan État-régions - 45 % des AE et 47 % des CP - et les engagements du Gouvernement au titre du FNADT - 30 % des AE et 29 % des CP.

L'action « Attractivité et développement économique » regroupe les politiques visant à renforcer, sur le plan économique, les atouts des territoires. La principale dotation est la PAT, qui devrait bénéficier de 38 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 32 millions d'euros de crédits de paiement en 2006. Le budget est en baisse par rapport à 2005, en raison d'une mise à niveau des crédits, cette dotation connaissant, chaque année, des reports importants pour cause de consommation insuffisante.

L'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) devrait être dotée de 7,5 millions d'euros en 2006. Les locaux de l'Agence seront transférés et rapprochés de ceux d'Ubi France : ce déménagement répond pleinement aux interrogations du Rapporteur spécial, l'an passé, sur le coût excessif du loyer.

L'action « Développement territorial et solidarité » comprend le financement du volet territorial des contrats de plan État-régions - 150,5 millions d'euros d'AE et 113 millions d'euros de CP -, le financement des engagements du Gouvernement pris en CIADT en matière de couverture du territoires en téléphonie mobile et en haut débit, ainsi que de service public en milieu rural, le soutien au réseau des associations de la DATAR, l'assistance technique aux programmes européens et les transports collectifs en site propre.

L'action « Identification des enjeux d'aménagement du territoire et grands projets interministériels » comprend les crédits de prospective et d'études, les grands projets d'envergure intéressant plusieurs ministères et les actions en faveur de la politique des massifs.

L'action « Soutien » permet de financer les 117 ETP de la DATAR ainsi que ses crédits de fonctionnement. Les dépenses de personnel connaissent une hausse de 2,7 millions d'euros due à l'intégration dans le périmètre du programme des dépenses de pensions.

La mission ne retrace cependant que partiellement l'effort financier global en faveur de l'aménagement du territoire, puisque celui-ci devrait être, en 2006, de 9,02 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et de 8,55 millions d'euros de crédits de paiement.

Le programme « Interventions territoriales de l'État » est composé d'actions régionales ou interrégionales, de nature interministérielle, couvrant des projets d'envergure de portée nationale. Ces actions sont élaborées de façon interministérielle et déconcentrée, leurs ressources proviennent de différents ministères et sont rendues fongibles. Ce programme, sans emplois, est piloté par le responsable du programme qui assume la responsabilité de sa gestion et le ministère, responsable « politique » de l'action. Il devrait bénéficier de 134,83 millions d'euros d'AE et de 81,17 millions d'euros de CP en 2006.

L'action 1 relative au Rhin et à la bande rhénane vise à améliorer l'efficacité du transport fluvial, à maîtriser les risques de toute nature et à préserver la biodiversité. L'action 2 « Reconquête de la qualité de l'eau en Bretagne » s'attache à améliorer la qualité de l'eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l'environnement. L'action 3 « Plan Loire grandeur Nature » a pour priorités d'augmenter la sécurité face aux risques d'inondations, d'améliorer la gestion de l'eau et des espaces naturels et ruraux de la vallée, et de mettre en valeur le patrimoine naturel, culturel et paysager. L'action 4 « Programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse » vise à favoriser le développement économique de l'île par une remise à niveau des équipements publics structurants. L'action 5 « Filière bois - Auvergne et Limousin » a pour objectif de dynamiser la récolte forestière, de rechercher une valorisation optimale du bois et des co-produits, et d'accompagner la multifonctionnalité de la forêt avec sa valorisation environnementale et touristique. L'action 6 « Plan gouvernemental sur le marais Poitevin -Poitou-Charentes » a pour objectif de reconquérir les prairies naturelles de ce marais et de restaurer leurs fonctions de zone humide. L'action 7 « Plan Durance multi-usages » vise à augmenter la sécurité face au risque d'inondation, à restaurer les milieux aquatiques, à sécuriser et optimiser l'alimentation en eau, à assurer une valorisation touristique, culturelle et économique des territoires du bassin versant... Enfin, l'action 8 « Accueil des demandeurs d'asile en Rhône-Alpes » vise à assurer une meilleure maîtrise des flux migratoires, à mettre en œuvre une politique d'accueil plus dynamique et à aider l'intégration des étrangers en situation régulière.

M. Yves Deniaud a relevé, dans le programme « Aménagement du territoire » l'intégration de la MIME au sein de la DATAR, pour souhaiter que ce louable effort de regroupement et de rationalisation ne s'arrête pas en si bon chemin. Les crédits européens s'élèvent à 3,324 milliards d'euros, et il convient d'anticiper le tarissement de cette source de financement en réservant les fonds nationaux disponibles à de vraies actions de développement. La partie des contrats de plan Etat-régions concernée par le programme « Aménagement du Territoire » progressera-t-elle en 2006 ?.

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que la Commission entendra dans quelques semaines M. Dominique Perben, ministre des Transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, sur l'exécution des contrats de plan, les crédits de l'AFITF et l'affectation du produit de la privatisation des autoroutes.

M. Augustin Bonrepaux s'en est réjoui, car il n'est pas rassuré sur l'exécution des contrats de plan : on dit que les crédits de l'AFITF permettront de les solder, mais quand ? Si c'est en 2012, le bénéfice est douteux. Dans certains départements, ruraux et excentrés, l'implication de l'État est très faible dans la réalisation des infrastructures ; or, la qualité de celle-ci est un élément déterminant de l'attractivité des territoires.

Il s'est par ailleurs inquiété des raisons pour lesquelles les dotations de la prime à l'aménagement du territoire ne sont consommées, toujours dans certains départements, que très partiellement. Lorsque, comme c'est le cas dans l'Ariège, Pechiney supprime 500 emplois et que 200 autres disparaissent dans le textile, il est vital d'attirer de nouvelles entreprises. Hélas, l'impression qui domine est que les moyens qui permettraient de le faire sont réservés aux « pôles de compétitivité ». Enfin, le FNADT, qui a financé une première tranche de l'amélioration de la couverture du territoire par la téléphonie mobile, agira-t-il de même en faveur du haut débit ? Et si oui, sa participation sera-t-elle suffisante, ou faudra-t-il faire appel aux fonds européens ?

M. Charles de Courson s'est étonné du prélèvement de 110 millions d'euros opéré au profit du budget de l'État sur l'Institut géographique national, dont le budget annuel est de 120 millions d'euros.

Le Président Pierre Méhaignerie a critiqué la création d'une nouvelle institution compétente pour la politique foncière, l'établissement public foncier régional. De l'avis de nombreux élus, dont le président du conseil régional d'Alsace, M. Adrien Zeller, c'est la communauté d'agglomération qui est l'échelon le plus pertinent. Les acquisitions de terrains par les collectivités locales seraient plus rapides et plus simples si l'État ne créait sans cesse de nouvelles structures.

M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a apporté aux différents intervenants les précisions suivantes :

- l'absorption de la MIME par la DATAR se traduira par le rattachement de ses huit équivalents temps plein : ce sera donc, en termes d'effectifs, un « jeu à somme nulle ». Le délégué étudie, en revanche, un possible regroupement géographique dans de nouveaux locaux qui remplaceraient le siège historique de la DATAR, dont la cession produirait une forte plus-value ;

- s'agissant des contrats de plan, il est prévu de budgéter un huitième de l'enveloppe et non un septième, ce qui signifie que la durée d'exécution sera allongée d'un an ;

- en ce qui concerne la PAT, les autorisations de programme de 2004 n'ont été consommées qu'à 50 %, mais les crédits de paiement l'ont été en totalité. Pour 2005, le taux de consommation n'est à ce jour que de 42 %, car un grand nombre de dossiers déjà instruits, et qui se trouvaient « dans les tuyaux », n'ont pas encore abouti. La DATAR, que le Rapporteur spécial a interrogée, affirme qu'il n'y a aucun retard de paiement, comme c'était le cas il y a trois ans. On ne peut cacher que cette situation n'a rien de rassurant ;

- les pôles de compétitivité n'ont pas le monopole des aides à l'attractivité du territoire : il existe également des pôles d'excellence en milieu rural ;

- enfin, il ressort de contacts pris par le Rapporteur spécial avec le président de l'Institut géographique national que celui-ci envisage de céder ses participations dans une société nord-américaine cotée, participations qui ont pris beaucoup de valeur et dont la cession devrait rapporter bien davantage que 110 millions d'euros, pour peu qu'elle soit effectuée au bon moment, de façon à ne pas déstabiliser le titre.

La Commission a examiné un premier amendement du Rapporteur spécial visant à diminuer de 530.000 euros les dépenses de personnel du programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique », supprimant la création de huit équivalents temps plein travaillés prévue par le projet de loi de finances pour 2006. M. Louis Giscard d'Estaing, Rapporteur spécial, a indiqué que cette réduction de crédits marque la volonté de ne pas augmenter les effectifs des services centraux du ministère de l'Équipement et de stabiliser ses structures dans le cadre de la nouvelle donne de la décentralisation.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un deuxième amendement du Rapporteur spécial relatif au programme « Information géographique et cartographique ». Ce programme est doté de 78 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 75 millions d'euros de crédits de paiement. Cette dotation correspond à la subvention de l'État à l'Institut géographique national, seul opérateur du programme. Or, le directeur de cet opérateur est aussi le responsable du programme, ce qui n'est pas conforme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de finances et rend plus complexe l'exercice de la tutelle par le ministère de l'Équipement. Cet amendement propose que le programme « Information géographique et cartographique » comprenne la subvention de l'État à l'Institut géographique national et les crédits relatifs à l'information géographique et cartographique du ministère de l'Équipement qui s'élèvent à 60.800 euros et qui correspondent au financement du Conseil national d'information géographique. Le directeur du programme pourrait alors être le directeur de la recherche et de l'animation scientifique et technique du ministère de l'Équipement.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné un troisième amendement présenté par le Rapporteur spécial et le Président Pierre Méhaignerie visant à supprimer, sur le programme « Aménagement, urbanisme et ingénierie publique » les crédits d'aide au démarrage des établissements publics fonciers. Le Rapporteur spécial a indiqué que la création de tels établissements conduit à un empilement des structures particulièrement complexe dans le domaine foncier, domaine dans lequel sont déjà compétents les services déconcentrés de l'équipement et les agglomérations. Cette multiplication des structures nuit à la lisibilité de la politique foncière, entraîne un brouillage des responsabilités et un émiettement préjudiciable des postes des personnels compétents en matière d'équipement.

La Commission a adopté cet amendement.

Puis, la commission des Finances, suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, a adopté les crédits des programmes correspondant au rapport spécial, et les crédits de la mission « Politique des territoires », ainsi modifiés.

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La Commission a ensuite examiné, sur le rapport de M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, les crédits de la mission « Travail et emploi » et les articles 91 et 92, rattachés à cette mission.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a indiqué que plus que jamais, l'emploi demeure la priorité du Gouvernement. Dans la continuité de son engagement pour la cohésion sociale et dans la logique du plan d'urgence pour l'emploi, lancé par le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, la politique de l'emploi s'impose logiquement dans le projet de loi de finances pour 2006 comme la « priorité des priorités ». C'est dire l'importance que revêt la mission Travail et emploi, même si la politique de l'emploi s'appuie également sur d'autres missions - telles que la mission « Développement et régulation économiques » pour accélérer la croissance, ou la mission « Recherche et enseignement supérieur », pour stimuler l'essor des secteurs innovants - ou bien un certain nombre de mesures fiscales figurant dans la première partie du projet de loi de finances.

Dans le format LOLF, cette mission comprend cinq programmes. Le programme « développement de l'emploi » (880,5 millions d'euros), qui couvre 7 % des crédits, regroupe divers dispositifs destinés à stimuler la création d'emplois par le biais d'allégements de cotisations patronales ciblés sur des secteurs ou des territoires spécifiques. Mais le financement de ces dispositifs s'effectue désormais principalement par une affectation directe d'impôts et taxes, au profit de la sécurité sociale, et non plus par une inscription de crédits au budget de l'État versés aux organismes de sécurité sociale.

Le programme « accès et retour à l'emploi » (7,1 milliards d'euros), qui porte sur 55 % des crédits, regroupe les actions visant à lutter contre le chômage par la mobilisation du service public de l'emploi et à faire bénéficier les publics les plus en difficulté de parcours d'insertion adaptés, s'appuyant notamment sur des contrats de travail spécifiques. Il contribue également au financement des allocations du régime de solidarité. Le troisième programme, « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » (4,3 milliards d'euros), qui concerne 35 % des crédits, couvre l'anticipation et l'accompagnement des mutations économiques (gestion prévisionnelle des effectifs, soutien au reclassement des salariés licenciés...) et les actions tendant à favoriser la formation tout au long de la vie, par le biais « d'un soutien à la professionnalisation des actifs » (formations en alternance, valorisation des acquis de l'expérience...).

Quant au quatrième programme, « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » (81,9 millions d'euros, soit 1 % des crédits), il comporte des actions destinées à renforcer la sécurité et la santé au travail, ainsi que l'application du droit et du dialogue social. Enfin, le cinquième programme, « conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et de travail » (723,9 millions d'euros, soit 2 % des crédits), regroupe les moyens financiers et humains nécessaires à la mise en œuvre des quatre programmes précédents.

Étant donné le périmètre de la mission, ce sont les dépenses d'intervention qui sont les plus importantes (77 % des crédits de paiement), alors que les dépenses de fonctionnement s'élèvent à 18,6 % et les dépenses de personnel à 4 %. Les crédits d'investissement sont quasiment nuls (0,1 %).

Trente-sept objectifs et quatre-vingt-quinze indicateurs de performance ont finalement été retenus pour le programme, soit en moyenne 2,5 indicateurs par objectif. Le nombre d'objectifs varie de quatre (pour le programme développement de l'emploi) à dix (pour le programme amélioration pour la qualité de l'emploi et des relations du travail).

Les crédits de la mission pour 2006 s'élèvent à 13,17 milliards d'euros en crédits de paiement, soit près de 5 % du budget de l'État, contre 32,23 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2005 pour la section travail. Ces montants ne peuvent, cependant, être comparés sans tenir compte des modifications de périmètre budgétaire entraînées par le passage du cadre de l'ordonnance organique de 1959 à celui de la LOLF. En intégrant ces modifications, en particulier le transfert direct de la compensation des allègements généraux de charges sociales aux organismes de sécurité sociale, les crédits prévus sont de 32,61 milliards d'euros, soit une progression de 6,08 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2005. En neutralisant l'augmentation de ces allègements et en incorporant les dépenses fiscales en faveur du travail et de l'emploi, ces crédits s'élèvent à environ 40 milliards d'euros, soit une hausse de l'ordre de 5 %.

Quant aux effectifs correspondant à la mission, ils sont en légère augmentation (10.552 emplois équivalents temps plein prévus en 2006 contre 10.517 en 2005). Ceux-ci sont inscrits au programme conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail.

La mission poursuit deux orientations principales. En premier lieu, la mise en œuvre du plan de cohésion sociale. Au total, les crédits du volet emploi de ce plan s'élèvent à 2,1 milliards d'euros, soit 17 % des crédits de la mission.

S'agissant des dispositifs pour l'accès et le retour à l'emploi, l'année 2006 devrait voir l'accroissement des nouveaux contrats aidés. Désormais, deux contrats de travail permettent d'activer les minima sociaux, le contrat d'avenir dans le secteur non marchand et le contrat d'insertion - revenu minimum d'activité (CI-RMA) dans le secteur marchand. Pour tous les autres publics en difficulté, ont été adaptés le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), dans le secteur non marchand, et le contrat initiative emploi (CIE), dans le secteur marchand. Les crédits relatifs à ces contrats spécifiques s'élèvent à 3.345,37 millions d'euros, dont 2.030,29 millions au titre des contrats du plan de cohésion sociale, 1.278,5 millions pour le financement des dispositifs en extinction, et 36,6 millions d'euros pour couvrir les frais de gestion du CNASEA.

Concernant les dispositifs en faveur des jeunes, le Gouvernement s'est donné pour objectif de développer des parcours d'insertion professionnelle. Un accent particulier est mis sur l'apprentissage, élément essentiel du plan de cohésion sociale, considéré comme le meilleur moyen pour garantir aux jeunes actifs une bonne insertion professionnelle. Le plan de cohésion sociale prévoyant de faire passer le nombre d'apprentis de 350.000 à 500.000 de 2004 à 2009, les prévisions d'entrées pour 2006 sont en augmentation de 6 %, à 265.000. Le soutien de l'État aux contrats de professionnalisation est également amplifié, avec 160.000 entrées prévues. Les crédits correspondants s'élèvent à 1,3 milliard d'euros, dont 846 millions d'euros pour l'apprentissage.

Le budget assure également le financement des parcours d'accès aux trois fonctions publiques (PACTE) et des contrats de volontariat pour l'insertion (CVI) des jeunes accueillis dans l'établissement public d'insertion de la défense. Pour les jeunes les plus en difficulté, le budget prévoit une montée en charge du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS), ainsi que des dispositifs qui y sont associés (bourses intermédiaires, fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes).

Par ailleurs, les moyens nécessaires sont consacrés à la mise en œuvre du plan « services à la personne ». Ce secteur très créateur d'emplois bénéficie d'allégements de charges spécifiques : un abattement de 15 points de charges sociales, une exonération totale de cotisations patronales de sécurité sociale pour les entreprises et associations agréées opérant dans le secteur. Une agence nationale pour le développement des services à la personne doit accompagner et stimuler l'essor de ce gisement d'emplois.

La mise en place des maisons de l'emploi se poursuit : l'objectif d'atteindre 200 maisons de l'emploi à la fin de 2006 est maintenu. De même, les dispositifs tendant à favoriser l'insertion par l'activité économique (entreprises d'insertion, ateliers et chantiers d'insertion, fonds départemental d'insertion), ainsi que la stimulation de la création et reprise d'entreprises - notamment par la garantie de prêts à des créateurs d'entreprise, chômeurs ou titulaires de minima sociaux - restent une priorité.

Enfin, ce budget traduit financièrement le renforcement de l'accompagnement personnalisé des demandeurs d'emploi par le biais de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et l'Association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), ainsi que la mise en œuvre du plan « sécurité au travail ». A cet effet, une nouvelle agence, l'Agence française pour la sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET) est créée.

La deuxième orientation est l'application du plan d'urgence pour l'emploi. Celui-ci crée le contrat nouvelle embauche et prévoit en outre le développement de l'emploi des jeunes en entreprise (en évitant les effets de seuils lors de l'embauche d'un jeune par une entreprise, mais aussi en prévoyant un crédit d'impôt de 1.000 euros pour les jeunes acceptant de travailler dans un métier connaissant des difficultés de recrutement) ; le chèque emploi pour les très petites entreprises ; les allègements de charges pour les entreprises passant au-dessus du seuil de dix salariés ; l'augmentation de la prime pour l'emploi lors de la reprise d'activité pour les demandeurs d'emploi bénéficiaires des minima sociaux ; la convention de reclassement personnalisé s'adressant aux salariés licenciés pour motif économique et la prime de mobilité pour les chômeurs retrouvant un emploi.

En conclusion, si l'on ajoute au plan de cohésion sociale, dans son volet emploi, le plan d'urgence pour l'emploi, l'effort consenti par le Gouvernement témoigne que sa première préoccupation est bien l'emploi. Les résultats enregistrés depuis plusieurs mois font apparaître une amélioration incontestable de la situation de l'emploi, à laquelle les politiques mises en oeuvre ne sont pas étrangères. Cependant, l'évaluation du rendement de certains dispositifs, tels que les multiples allègements de charges sociales, la prime pour l'emploi, ou certaines mesures catégorielles, s'impose. Par ailleurs, deux questions principales se posent aujourd'hui : peut-on continuer à financer à hauteur de près de 70 % le modèle social français en taxant le travail et donc la production ? Ne peut-on pas améliorer rapidement la cohérence entre notre système de formation et le marché de l'emploi ?

M. Augustin Bonrepaux s'est interrogé sur l'avenir des contrats d'insertion et des contrats d'avenir. Les réalisations sont loin des objectifs annoncés. Par ailleurs, se pose la question de l'insertion professionnelle des publics concernés dans deux ou trois ans, alors que les grandes entreprises disparaissent et que le secteur textile est en crise. Dans le département de l'Ariège, le taux de chômage est de 11 % et même de 15 à 16 % dans les zones du secteur textile. Le reclassement de ces chômeurs dans des emplois durables est loin d'être garanti.

En réponse, M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a indiqué que, conformément à l'article 41 du projet de loi de finances, les allégements généraux de cotisations sociales patronales ne seraient plus inscrits dans les crédits de la mission, mais seraient affectés en tant que recettes fiscales directes aux organismes de sécurité sociale. Par ailleurs, 100 millions d'euros d'aides sont prévus en faveur de l'hôtellerie et de la restauration. La reconduction de cette mesure est prévue par l'article 91 du projet de loi de finances. S'agissant de la reconversion dans les zones industrielles en crise, le budget de l'emploi prévoit des moyens pour financer les projets de reconversion. Ces moyens connaissent une hausse de 5 %. Cependant, si les moyens financiers sont prévus, ils ne seront utilisés que si des projets existent. L'État ne peut lui-même créer des projets industriels dans ces régions en crise.

M. Gérard Bapt s'est interrogé sur la baisse des aides en faveur de la restauration, qui sont passées de 695 millions d'euros en 2005 à 569 millions d'euros en 2006, et sur la répartition du budget inscrit dans la mission « Travail » entre allégements de charges et aides forfaitaires.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a répondu que figurait dans le périmètre de la mission l'intégralité des aides accordées au secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Les contrats d'avenir constituent une formule très intéressante : 40 ont été créés à Vesoul, soit 10 % des effectifs. Quand aura lieu le « papy boom » dans quelques années, ces personnes auront eu une formation et pourront remplacer les agents qui partiront à la retraite. L'avenir professionnel et la formation de ces personnes sont donc assurés.

Puis la Commission a examiné un amendement du Rapporteur général transférant 203 millions d'euros du programme « Accès et retour à l'emploi » vers le programme « Accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques ».

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a jugé qu'il n'est pas possible de mettre en cause l'échéance prévue s'agissant de la taxe d'apprentissage. De ce fait, il faut compenser les ressources qu'aurait fournies l'article 18. Le ministère de finances, tout en sachant cette suppression probable, a laissé le problème aux mains du ministre du travail. Dans le cadre de la fongibilité des crédits, l'amendement cherche donc des économies par un transfert de crédits.

M. Jean-Jacques Descamps s'est interrogé sur la logique de l'article 18. La modification des règles du jeu est elle rendu indispensable par le nombre d'apprentis ou s'agit-t-il d'un cadeau fait aux régions ?

M. Hervé Novelli s'est interrogé sur le caractère réaliste du montant des économies prévues, qui représente 3 % du montant des crédits d'un programme.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que cet amendement n'a pas été élaboré sans que des contacts soient établis avec le Gouvernement. Même si telle ou telle ville pilote se révèle exemplaire dans la mise en œuvre des nouveaux contrats, l'objectif global de 180.000 emplois d'avenir ne sera pas tenu. La suppression de l'article 18 relatif à la taxe d'apprentissage doit se traduire, pour compenser cette perte de recettes pour les régions, par la mobilisation de crédits de la mission.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, s'est dit gêné par cet amendement. Comment va-t-on financer cela pour les entreprises ? Le refus de l'augmentation des charges aux entreprises sera compensé par des économies sur un budget principalement tourné vers des dépenses d'intervention. 100 millions d'euros seraient en outre retirés à l'ANPE. Pour toutes ces raisons, le Rapporteur spécial ne pourra s'associer au vote de cet amendement. Une solution pourrait être de négocier une contrepartie globale en diminuant, par exemple, le nombre de fonctionnaires.

M. Philippe Auberger a précisé que cet amendement a été étudié avec le ministère afin d'évaluer ses conséquences financières. Il s'agit de faire des économies qui restent dans le domaine du raisonnable et d'ajuster les crédits à la réalité des objectifs.

M. Charles de Courson s'est étonné des problèmes soulevés, le système étant par nature compensé via une dotation de l'État aux régions.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a confirmé qu'il manquait bien, du fait de la non-adoption de l'article 18, 203 millions d'euros destinés aux régions.

M. Alain Joyandet, Rapporteur spécial, a jugé que l'amendement, en rognant sur les crédits correspondant au plan emploi, voté par le Parlement, revenait lui aussi sur des engagements précis.

M. Gérard Bapt a fait part de sa préoccupation quant aux crédits qui pourront réellement être mobilisés dans les territoires, notamment en faveur des régions à faible attractivité.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé qu'il était du rôle de la commission des Finances de veiller à la valeur des engagements de l'État vis-à-vis des entreprises. La position du Rapporteur spécial est néanmoins respectable.

Après avoir adopté cet amendement, la Commission a adopté, sur la proposition du Rapporteur spécial, les crédits de la mission « Travail et emploi », ainsi modifiés.

Article 91 « Reconduction, pour 2006, de l'aide à l'emploi dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants ».

Après que le Rapporteur spécial a indiqué qu'il était favorable à l'adoption de cet article, le système ayant prouvé ses effets positifs, la Commission a adopté cet article, sans modification.

Article 92 « Extension du champ des financements du Fonds de solidarité à l'activation de l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ».

Après que le Rapporteur spécial a présenté le dispositif de cet article et indiqué qu'il était favorable à son adoption, la Commission a adopté cet article, sans modification.

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La commission des Finances a enfin examiné les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial a indiqué que la mission « Administration générale et territoriale de l'État » avait une triple importance : elle finance les préfectures ; elle regroupe les actions de soutien du ministère de l'Intérieur ; elle touche, au travers de la réglementation de la vie politique, des cultes et des associations, aux libertés publiques. Financièrement, elle représente 16 % du budget du ministère de l'Intérieur et 0,83 % du budget de l'État.

La mission s'articule en trois programmes : « administration territoriale », qui absorbe les trois-quarts des crédits et finance l'ensemble des missions des préfectures ; « vie politique, cultuelle et associative », qui représente 7 % des crédits de la mission et finance la mise en œuvre des lois de 1901 et de 1905 sur les associations, et de 1988 et 1990 sur la vie politique ; « conduite et pilotage des politiques de l'Intérieur », qui regroupe 21 % des crédits et contient les moyens de gestion humaine, matérielle et immobilière du ministère.

Sans surprise, les dépenses de personnel mobilisent près des trois-quarts des crédits de paiement. Les dépenses d'investissement comptent pour 3,8 % seulement. A la mission sont assignés 18 objectifs et 32 indicateurs de performance.

Les crédits de paiement, d'un montant global prévisionnel de 2.213,2 millions d'euros, affichent une baisse de 3,3 %, soit une diminution de 76,3 millions d'euros. Cette baisse ne peut cependant être appréciée sans tenir compte des modifications entraînées par la création du compte d'affectation spéciale Pensions (intégration des crédits relatifs aux cotisations sur le budget du ministère et « sortie » des dépenses de pensions) : hors dépenses de personnel, le budget de la mission progresse de 2,9 %, contre 2,2 % pour l'ensemble du ministère. Cette baisse s'explique aussi par le faible nombre d'élections prévues l'an prochain.

Pour 2006, plusieurs priorités ont été retenues : la préparation du lancement du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV), qui devrait être opérationnel au premier semestre 2008 ; l'introduction de la biométrie pour le passeport, puis la carte d'identité électroniques : pour les usagers, cela devrait se traduire par une simplification des démarches, une meilleure fiabilité des titres et une plus grande efficacité des services ; le projet « Cristal » de développement de la téléphonie sur Internet, qui représente un investissement de plus de 6 millions d'euros en 2006 ; le plan pluriannuel des ressources humaines, avec pour objectif d'améliorer le service rendu aux usagers et les perspectives de carrière des agents ; des investissements immobiliers importants, guidés par la volonté de rationaliser les installations de l'administration centrale, à commencer par le regroupement des différents services de renseignement sur un site unique dès l'an prochain, sans oublier les préfectures et sous-préfectures, ni l'immobilier territorial d'outre-mer.

Cette présentation budgétaire étant nouvelle, il est souhaitable que l'Assemblée nationale puisse en suivre au plus près la mise en œuvre. L'effort ne peut se résumer à la seule modernisation des installations et des techniques, mises à la disposition de personnels toujours mieux formés et motivés : il faut aussi progresser dans la restructuration de notre administration territoriale. Notre réseau de préfectures et, encore davantage, de sous-préfectures, ne peut subsister en ignorant l'évolution démographique, historique et économique. Il doit évoluer, ne serait-ce que pour tenir compte des lois de décentralisation, du développement de l'intercommunalité, ou de la loi du 13 décembre 2000 sur la solidarité et le renouvellement urbain. D'ailleurs, quand il était ministre de l'Intérieur, le Premier ministre avait demandé aux préfets de lui faire des propositions en la matière, après consultation des parlementaires. D'autre part, on sait que certains préfets ont soumis des propositions de réforme - parfois radicales - au Secrétaire général du Gouvernement.

Sans doute, bien des sous-préfets trouveraient à s'employer mieux et plus utilement dans des missions précisées et renouvelées. On peut facilement imaginer un préfet et son secrétaire général entourés d'une équipe de sous-préfets délégués, l'un à la sécurité, l'autre à l'aménagement du territoire, et le troisième au conseil des collectivités locales, par exemple. Les mairies des villes sous-préfectures pourraient en outre hériter de tout ou partie des services rendus aujourd'hui aux usagers dans les sous-préfectures, avec compensation financière intégrale ou partielle de ces charges nouvelles et sous réserve de la préservation nécessaire du caractère régalien de certaines activités. Il serait donc utile de créer une mission d'évaluation et de contrôle (MEC) sur ces thèmes. Cette mission permettrait d'impliquer les députés dans cette grande réforme que chacun sent inévitable, sauf à rester englués dans l'empilement de structures lourdes, coûteuses et de moins en moins efficaces.

M. Jean-Louis Dumont a jugé que si la présence de la République sur l'ensemble du territoire était indispensable, des questions aussi fondamentales que celles des lieux d'implantation des sous-préfectures, du rôle des préfets, de la répartition des compétences déconcentrées ne peuvent pas être évitées. La nécessité du débat est donc évidente, et une MEC peut effectivement être une formule appropriée.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général, a posé des questions sur la possibilité de regrouper par pôles des services extérieurs, de manière à éviter tout éparpillement des structures. La modernisation du travail de l'État s'impose s'agissant des services extérieurs.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a rappelé qu'il est parfaitement possible de modifier les lieux d'implantation de sous-préfectures et de regrouper les compétences techniques. Il y a souvent plusieurs SCOT dans une même agglomération. Il faut harmoniser autant que faire se peut les zones d'exercice des compétences de l'État, qui se chevauchent trop souvent.

M. Charles de Courson, Président, a estimé que le fait que seulement 77 % des déférés préfectoraux au titre du contrôle de légalité étaient gagnés prouve indéniablement l'existence d'un problème : les préfectures prennent des décisions mal étayées sur le plan juridique. Il est par ailleurs certain que le regroupement des services extérieurs s'impose, et l'on peut à cet égard cite le cas d'une ville de la Marne où depuis un an le poste de sous-préfet est vacant, sans que cela porte atteinte au fonctionnement des services publics : le Secrétaire général assure les fonctions. Il s'est ensuite interrogé sur le fait que les crédits consacrés à la vie politique s'établissent à 30 millions d'euros dans une année où il n'y a pas d'élection, sur le nombre très limité des suppressions de postes dans les sous-préfectures, sur les implantations immobilières outre-mer et sur le niveau des revalorisations indemnitaires des personnels.

M. Jean-Pierre Gorges, Rapporteur spécial, a indiqué qu'il n'avait pas encore reçu de précisions sur l'outre-mer, et que les résultats des contentieux de légalité démontraient un mauvais fonctionnement de certaines prises de décision, en partie explicable par le développement de l'informatique, qui pose parfois des problèmes de communication aux administrés.

Puis, sur la proposition du Rapporteur spécial, la Commission a adopté les crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État.

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