COMMISSION DES FINANCES,

DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN

COMPTE RENDU N° 22

(Application de l'article 46 du Règlement)

Mardi 8 novembre 2005
(Séance de 22 heures 00)

Présidence de M. Pierre Méhaignerie, Président,

SOMMAIRE

 

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-  Suite de l'examen des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540) (M. Gilles CARREZ, Rapporteur général)


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- Article 60

- Après l'article 60

- Article 61

- Article 67

 

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La Commission des finances, de l'économie générale et du plan a poursuivi l'examen, sur le rapport de M. Gilles Carrez, Rapporteur général, des articles non rattachés du projet de loi de finances pour 2006 (n° 2540).

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Article 60 : Intégration dans les taux du barème de l'impôt sur le revenu de l'abattement de 20% :

La Commission a examiné trois amendements de suppression présentés, respectivement, par MM. Richard Maillé, Jean-Pierre Brard et Didier Migaud.

Le Rapporteur général a indiqué qu'il convient de rejeter ces amendements leur adoption remettrant en cause l'économie générale du dispositif proposé par le Gouvernement pour la simplification de l'impôt sur le revenu.

M. Richard Maillé a indiqué que son amendement de suppression doit se lire dans une perspective historique. La loi de finances pour 1974 a instauré un abattement de 20% au profit des travailleurs indépendants adhérents à des centres de gestion agréés ou des associations de gestion agréées, afin de lutter contre l'évasion fiscale. Avec la refonte du barème de l'impôt et la suppression concomitante de l'abattement de 20%, l'application proposée par l'article d'un coefficient de majoration de 1,25 aux revenus déclarés par les professionnels n'adhérant pas à de telles structures n'est pas satisfaisante. D'une part, elle revient à imposer des revenus fictifs, d'autre part, elle constitue une incitation à minorer le montant des revenus déclarés, allant ainsi à l'encontre des objectifs poursuivis avec la création des centres de gestion agréés et des associations de gestion agréées, à savoir la lutte contre la fraude fiscale. Le Gouvernement doit proposer une solution plus solide.

M. Augustin Bonrepaux a insisté sur l'opportunité de supprimer cet article.

La Commission a rejeté ces amendements.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Pierre Albertini, tendant à supprimer l'instauration d'un coefficient multiplicateur de 1,25 applicable aux revenus des professions indépendantes qui ne bénéficient actuellement pas de l'abattement de 20%, aux revenus occultes et aux pensions alimentaires déductibles versées en application d'une décision de justice.

M. Charles de Courson a expliqué que le D du I de l'article 200-00 A revient à inventer le « revenu fictif imposable ». Les 1°, 2° et 3° du D du I de l'article 60 posent trois problèmes distincts :

- pour le 1°, il existe actuellement un abattement de 20% instauré au bénéfice des revenus imposables dans les catégories des BIC, BNC ou BA pour les personnes adhérentes à des centres ou des associations de gestion agréés. Afin de maintenir l'écart, sur le plan fiscal, entre les adhérents et les non-adhérents à ces organismes, le Gouvernement propose de majorer d'un coefficient 1,25 les revenus déclarés par les personnes qui ne sont pas adhérentes des centres ou associations de gestion agréés. Un tel procédé est monstrueux : il revient à dire que tous ces contribuables sont des fraudeurs. Cette disposition ne pourra qu'être annulée par le juge constitutionnel. Elle repose sur une présomption de fraude et prévoit sa sanction immédiate ;

- le 2° concerne la distribution de dividendes occultes ;

- le 3° concerne les pensions alimentaires versées en vertu d'une décision de justice devenue définitive avant le 1er janvier 2006. Ces pensions sont actuellement déduites du revenu imposable de la personne qui en est redevable après application de l'abattement de 20%. Il est proposé de leur appliquer le coefficient multiplicateur de 1,25.

La sagesse commande de supprimer ces dispositions.

Le Rapporteur général a souligné la complexité des problèmes qui sont traités dans l'article 60, qui fait partie intégrante de la réforme du barème de l'impôt sur le revenu. M. Charles de Courson s'est fait connaître par son combat permanent contre l'injustice fiscale. Or, justement, seuls les revenus d'activité bénéficient aujourd'hui de l'abattement de 20%, mais tous les revenus vont bénéficier du nouveau barème de l'impôt sur le revenu, qui « intègre » l'effet de l'abattement de 20%. La justice fiscale exige que l'on corrige cet avantage indu dont risqueraient de bénéficier les revenus qui ne sont pas d'activité. Il s'agit pour l'essentiel :

- des revenus des professions indépendantes qui ne sont pas membres d'un centre ou d'une association de gestion agréé parce qu'ils refusent la déclaration des revenus par un tiers. On peut, bien sûr, entendre les critiques qui sont parfois portées sur le coût de ces centres ou de ces associations, mais on peut s'interroger sur les raisons qui incitent un professionnel à ne pas faire déclarer ses revenus par un tiers ;

- des revenus fonciers, pour lesquels un dispositif correctif est également prévu, notamment à travers la suppression de l'abattement forfaitaire de 14% ;

- des revenus mobiliers pour lesquels un correctif est prévu.

L'article 60 concerne tous les revenus bénéficiant de l'abattement de 20% : il n'est donc pas possible de le scinder sans remettre en cause l'équilibre de la réforme.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a fait valoir que les professions indépendantes ne font appel aux services des centres et associations de gestion agréés que pour bénéficier de l'avantage fiscal procuré par l'abattement de 20%. L'article 60 oblige, en fait, à continuer de recourir à ces organismes, sur l'utilité desquels il y a en fait beaucoup à dire. Chaque professionnel indépendant a son comptable, son expert-comptable, voire son commissaire aux comptes, qui exerce les contrôles et diligences exigés par les usages de la profession. Le passage par un centre ou une association de gestion agréé est une contrainte formelle sans grande signification. Les principes sur lesquels est bâti l'article 60 passent mal : les professionnels se sentent suspectés et contraints à rester entre les mains des organismes de gestion agréés.

M. Richard Mallié a rappelé les bienfaits engendrés par la création des CGA et des AGA par la loi de finances pour 1974. Ceux-ci se sont, en effet, partiellement substitués à l'administration des impôts au point de représenter un véritable progrès dans la transparence fiscale. Mais le coefficient multiplicateur de 1,25 proposé à l'article 60 paraît aberrant.

M. Charles de Courson a rappelé l'existence d'une étude effectuée il y a quelques années par le Conseil des impôts, qui comparait les taux de redressement appliqués aux contribuables adhérant à un CGA et aux autres travailleurs indépendants. Le résultat était quelque peu « décevant », dans la mesure où la différence de taux de redressement observée était beaucoup plus restreinte que le différentiel de 20%. Le coefficient de 1,25 revient donc à créer, par la loi, une rupture de l'égalité devant les charges publiques, que ne manquera pas de sanctionner le Conseil constitutionnel.

M. Marc Laffineur a jugé au contraire qu'au terme de cette réforme, tout le monde est gagnant. Le revenu fictif mis en place répond à un problème moral : il faut tenir compte de la suppression de l'abattement de 20% et de son intégration dans le barème pour les professionnels qui ne sont pas adhérents d'un CGA ou d'une AGA. Sans la mesure correctrice proposée à l'article 60, ceux-ci réaliseraient un gain tout à fait anormal.

M. Philippe Auberger a insisté sur le fait que la situation actuelle est très différente de celle qui prévalait dans les années 1970 après la création des CGA et des AGA. A l'époque, il n'était pas rare d'être tout à la fois expert-comptable et soumis à l'évaluation administrative des bénéfices non commerciaux. Il en découlait une proportion de recettes non déclarées assez substantielle. Les CGA ont permis une moralisation du système fiscal. Aujourd'hui, beaucoup de professions libérales recourent aux services d'experts-comptables et adhèrent cependant - pour un montant assez coûteux (de 3.000 à 4.000 euros) - à un CGA dans l'unique but de bénéficier de l'abattement de 20%. En conséquence, le coefficient de 1,25 est une mesure pertinente, tandis que l'amendement défendu par M. Charles de Courson pose un problème d'égalité entre les contribuables.

Le Rapporteur général a nuancé les propos de M. Philippe Auberger, les niveaux de cotisation aux CGA étant en réalité inférieurs aux chiffres avancés. Quant à la proposition de M. Charles de Courson, qui consiste à maintenir un dispositif de nature incitative, elle engendrerait mécaniquement un gain injustifié pour les contribuables visés. Cela créerait une inégalité entre les 90% de contribuables salariés (ou retraités) et les travailleurs indépendants non adhérents à un CGA.

M. Daniel Garrigue s'est demandé si, plutôt qu'un revenu fictif résultant de l'application d'un coefficient, il ne serait pas préférable de soumettre les contribuables concernés à un taux d'imposition supplémentaire, qui leur serait spécifique.

Le Rapporteur général a estimé qu'un tel système serait trop complexe. Si la notion de revenu fictif n'est pas intellectuellement très satisfaisante, il s'agit pourtant, pratiquement, du meilleur système possible.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Auberger, tendant à prendre en considération les charges afférentes à la gestion d'un patrimoine immobilier à hauteur de 3% des revenus fonciers.

M. Philippe Auberger a expliqué que son amendement vise à proposer une déduction forfaitaire de 3% assise sur les recettes dans la mesure où le forfait de frais divers de 20 euros par local et par an semble insuffisant lorsque le local, au lieu d'être mis en gérance, est géré par le propriétaire lui-même.

Le Rapporteur général s'est opposé à cet amendement qui aurait pour effet de privilégier les revenus de l'épargne. On peut déjà considérer que les revenus fonciers bénéficient d'un traitement favorable du fait, entre autre, de la suppression de la contribution sur les revenus locatifs (CRL). Ne sont en outre pas supprimées (mais même accrues) les possibilité de déduction des frais d'assurance ainsi que des frais de procédure lorsque, par exemple, le propriétaire engage des procédures en vue de faire partir un locataire. Ces frais qui étaient inclus dans la déduction forfaitaire de 14% seront admis en déduction pour leur montant réel.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a ensuite adopté l'article 60 ainsi modifié.

Après l'article 60 :

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Philippe Rouault, proposant d'exonérer d'impôt sur le revenu, dans la limite de trois fois le montant mensuel du SMIC, les salaires perçus par les jeunes de moins de 25 ans pendant leurs vacances.

M. Philippe Rouault a indiqué que cet amendement a pour objet d'étendre le dispositif adopté en loi de finances pour 2005 qui vise à ce que les rémunérations perçues par les personnes de moins de 21 ans pendant les vacances scolaires et universitaires soient exonérées d'impôt dans la limite de deux fois le SMIC.

Le Rapporteur général a considéré qu'il ne convient pas d' étendre le dispositif voté en loi de finances pour 2005. Ce dernier devra être évalué à un horizon de deux à trois ans. En l'état, il n'apparaît pas opportun de multiplier les cas dans lesquels des rémunérations ne font pas l'objet d'un assujettissement aux règles fiscales de droit commun.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Didier Migaud, proposant un plafonnement global de la réduction du revenu imposable résultant de l'application de l'ensemble des dispositifs fiscaux dérogatoires.

M. Didier Migaud a expliqué que son amendement tend à instituer une réduction maximale de 40%, en dehors de l'application de l'abattement de 10% pour frais professionnels et de la déduction des cotisations sociales.

Le Rapporteur général a jugé légitime la question posée par l'amendement mais elle a sa place dans l'examen de l'article 61 du présent projet de loi de finances.

La Commission a rejeté cet amendement.

Elle a rejeté un autre amendement présenté par M. Didier Migaud, visant à mettre en place un plafond des réductions d'impôt égal à 7.500 euros.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Charles de Courson, visant à accorder aux personnes vivant seules un quotient familial de 1,2 pour le calcul de l'impôt sur le revenu.

M. Charles de Courson a expliqué que les contribuables vivant seuls et bénéficiant d'une seule part de quotient familial supportent une charge fiscale très lourde alors qu'un célibataire assure un nombre d'unités de consommation proportionnellement plus important qu'un couple. Il a ajouté que, d'après ses calculs, cette mesure coûterait environ 3 milliards d'euros.

Le Rapporteur général ayant confirmé le coût important de la mesure, excluant une adoption à ce stade, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Yves Censi, tendant à permettre l'étalement de la réduction d'impôt pour les investissements locatifs dans les résidences de tourisme en zone de revitalisation rurale et dans les zones rurales de l'Objectif 2, sur une durée de neuf ans au lieu des six ans prévus actuellement.

M. Yves Censi a indiqué qu'il s'agit ne pas pénaliser la politique menée en matière de développement des activités touristiques rurales eu égard aux effets des mesures de plafonnement des avantages fiscaux prévus par le présent projet de loi. Le but est donc de maintenir l'attractivité des résidences de tourisme dans les zones de revitalisation rurale (ZRR).

Le Rapporteur général a souligné l'intérêt de cet amendement. L'étalement de la réduction d'impôt pour ces investissements locatifs a fait l'objet d'un réaménagement dans la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux. Il convient aujourd'hui de conforter ce dispositif, compte tenu du plafonnement des « niches » prévu par le présent projet de loi de finances. L'étalement de la réduction d'impôt sur neuf ans paraît opportun.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Michel Bouvard, visant à permettre au contribuable ayant effectué des travaux de reconstruction, d'agrandissement ou d'amélioration effectués sur une résidence de tourisme, de bénéficier de la réduction d'impôt au titre de l'année de paiement de tout ou partie des dépenses de travaux et non au titre de l'année d'achèvement de ceux-ci.

M. Michel Bouvard a considéré qu'une erreur a été faite au moment du vote de la loi relative au développement des territoires ruraux précitée, loi qui a institué une réduction d'impôt sur le revenu en faveur des contribuables réalisant de tels travaux. Il est indiqué que la réduction d'impôt est accordée au titre de l'année d'achèvement des travaux. Or, ces travaux ne peuvent que rarement être réalisés sur un an. L'amendement tend à prendre en compte l'étalement sur deux ans des travaux pour l'application de la réduction d'impôt.

Le Rapporteur général a souligné l'objectif légitime de cet amendement qui est de permettre au contribuable concerné de bénéficier pleinement de cette réduction d'impôt, au demeurant plafonnée à 5.700 euros pour les personnes seules et 11.400 euros pour les couples mariés. L'étalement sur deux ans pour l'application de cette réduction d'impôt paraît justifié.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a examiné deux amendements identiques présentés par MM. Michel Bouvard et Pascal Terrasse, tendant à permettre la distribution de chèques vacances à tous les salariés sans plafond de ressources dans les entreprises de moins de cinquante salariés.

M. Michel Bouvard a rappelé que devant son insistance à soulever la question importante de la faible implantation du chèque vacances dans les PME, le Gouvernement s'était engagé l'année dernière à apporter une réponse à brève échéance. Il n'en a rien été.

Le Rapporteur général a observé que l'une des causes principales du faible succès de la formule des chèques vacances dans les PME semble en effet identifiée depuis longtemps : leur distribution est assortie d'une condition de ressources applicable à leurs salariés, qui n'est levée que pour les salariés d'entreprises bénéficiant d'un comité d'entreprise - ce qui n'est par définition pas le cas dans les PME.

M. Michel Bouvard a souligné que, bien souvent, les PME renoncent à distribuer des chèques vacances pour éviter d'introduire une inégalité entre ceux de leurs salariés dont les ressources sont suffisamment modérées pour qu'ils puissent bénéficier des chèques vacances et les autres.

M. Jean-Jacques Descamps s'est étonné que les règles applicables aux tickets-restaurants, dont le succès n'est plus à démontrer, n'aient pas été jusqu'à ce jour transposées aux chèques vacances qui en ont cruellement besoin. Il a remarqué que le quasi-monopole de l'Agence nationale des chèques vacances (ANCV) n'est sans doute pas totalement étranger à cette situation insatisfaisante.

Après que le Rapporteur général s'en fut remis à sa sagesse, la Commission a adopté ces amendements.

Article 61 : Plafonnement de certains avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu :

La Commission a examiné un amendement de suppression de l'article présenté par M. Jean-Pierre Descamps.

M. Jean-Pierre Descamps a indiqué qu'à ses yeux l'article procède d'une profonde erreur d'analyse. La création et le développement de plus de 450 « niches » fiscales à ce jour ne sont pas les fruit du hasard ou de l'inconséquence : ces « niches » répondent à des besoins d'intérêt collectif, identifiés comme tels, comme le prouve, a contrario, l'incapacité du Gouvernement comme du Parlement à dénoncer des « niches » inutiles et à les supprimer. Il est vrai qu'il est particulièrement choquant de constater, comme l'a fait le Président Pierre Méhaignerie lors de la précédente réunion de Commission, que certains redevables fiscaux excellent à cumuler les exonérations et réductions fiscales pour en arriver à ne plus payer d'impôt du tout ou à acquitter un impôt hors de proportion avec leur revenu. Cependant, la solution n'est en aucune manière dans le plafonnement de l'ensemble des « niches », qui ne peut être justifié et soulève des débats sans fin. Ainsi, quel intérêt collectif supérieur à tel autre justifie, d'une part, que telle ou telle « niche », qu'elle concerne la culture ou l'outre-mer par exemple, échappe au plafonnement, ou, d'autre part, que telle ou telle soit vidée de sa substance parce qu'elle y est intégrée ? L'intérêt général aurait à l'inverse commandé d'appliquer un plafond à chacune des « niches » fiscales, à l'image du plafond applicable à la réduction d'impôt sur le revenu au titre des emplois à domicile.

Le Rapporteur général a souligné que la réforme proposée par le Gouvernement constitue un ensemble. Dès lors qu'il est procédé à l'intégration des 20%, à la baisse de l'impôt sur le revenu et au plafonnement général à 60% des impositions, il est légitime qu'en contrepartie les « niches » fiscales soient plafonnées. Un tel plafonnement est réclamé par la Commission depuis plusieurs années.

Certes, le dispositif pose problème notamment pour les investissements outre-mer et le dispositif « Malraux », mais une suppression pure et simple s'avèrerait dangereuse et maladroite car un mécanisme de rééquilibrage apparaît nécessaire à destination des hauts revenus.

M. Augustin Bonrepaux a indiqué être défavorable à cet amendement mais qu'effectivement il ne sert à rien de mettre en place un tel plafonnement dès lors que, parallèlement, est institué le « bouclier fiscal ». Les seuls contribuables concernés seront en effet ceux qui ne bénéficieront pas de ce « bouclier ». La seule solution efficace est donc de retenir le plafonnement proposé par le groupe socialiste et de supprimer le « bouclier fiscal ».

M. Charles de Courson a indiqué que le groupe UDF souhaite également déposer un amendement de suppression. Il a rappelé que lors des débats en séance, le ministre avait conclu à la nécessité d'analyser les 220 mesures propres à l'impôt sur le revenu, de procéder à des suppressions et des plafonnements par « niche » et, le cas échéant, d'instituer un plafonnement global. Telle n'est pas la démarche proposée par cet article, qui ne traite que le cas de 17 niches. Pour les seules niches propres à l'impôt sur le revenu, le coût est de 35 milliards d'euros (quotient familial inclus). Le Gouvernement a annoncé une économie de 50 millions d'euros, 10.000 personnes étant concernées. Il est évident qu'au lieu d'investir dans les 17 niches concernées, les contribuables se reporteront sur les 200 et quelques autres exclues du plafonnement. En outre, il s'est interrogé sur la façon dont ont été choisies les 17 niches, notamment le dispositif « Malraux » et les emplois familiaux. Il a enfin indiqué qu'un second amendement sera proposé, tendant à l'évaluation des mesures, comme il était initialement envisagé.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Marc Le Fur, tendant à plafonner les avantages fiscaux au titre de l'impôt sur le revenu visés par l'article à 4.000 euros par part de quotient familial.

M. Marc Le Fur a regretté un plafonnement des « niches » fiscales qui contribuerait, comme de trop nombreuses mesures, à vider l'impôt sur le revenu de son aspect familial. Le plafonnement à 8.000 euros s'appliquerait à chaque foyer fiscal, quel que soit le nombre de ses membres et leur situation familiale. En contradiction avec l'orientation nataliste de notre système fiscal, cette réforme constitue par ailleurs un puissant découragement au mariage : en effet, deux célibataires dont les avantages fiscaux sont plafonnés, pour chacun, à 8.000 euros verraient leurs avantages fiscaux être plafonnés à 8.000 pour deux s'ils décident de se marier.

Le Rapporteur général a émis un avis défavorable pour des raisons de coût, un autre amendement présenté par M. Hervé Mariton, en vue d'augmenter la majoration au titre des enfants, lui semblant préférable.

M. Marc Le Fur a contesté l'argument de coût car, pour un célibataire, son amendement tendrait à réduire le plafond à 4.000 euros. De plus, en termes de neutralité fiscale, il a rappelé que celle-ci n'était pas respectée lorsque deux personnes se marient.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Richard Mallié, tendant à majorer le plafond pour les couples mariés à 12.000 euros.

M. Richard Mallié a expliqué que le seuil de 8.000 euros par foyer fiscal ne tient pas compte du fait qu'un foyer peut se composer de deux personnes et d'enfants. Les personnes disposant de hauts revenus pourraient mêmes, dans ces conditions, décider de divorcer pour constituer deux foyers fiscaux.

La Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Hervé Mariton, tendant à relever de 750 à 1.000 euros la majoration du plafond par enfant à charge.

M. Hervé Mariton a indiqué que l'amendement tend à améliorer la familialisation du dispositif en portant l'augmentation de 750 à 1.000 euros, ce qui constitue une formule raisonnable. Il existe néanmoins une logique dans les amendements demandant une approche par part compte tenu du fait que le système de l'impôt sur le revenu est historiquement et légitimement calé sur un tel raisonnement.

La Commission a adopté cet amendement.

La Commission a examiné un amendement présenté par M. Michel Bouvard, tendant à exclure du plafonnement le « dispositif Malraux » relatif à la conservation du patrimoine et issu de la loi n° 62-903 du 4 août 1962 sur les secteurs sauvegardés.

M. Michel Bouvard a expliqué que plusieurs éléments plaident pour exclure le « dispositif Malraux » du plafonnement. La « loi Malraux » comporte des contraintes importantes quant aux travaux à réaliser. L'investissement moyen est de 250.000 euros : il s'agit d'investissements importants, d'autant que l'on cherche à encourager la réhabilitation des grands appartements pour permettre le retour des familles dans les centres villes. Le plafonnement interviendrait alors qu'il existe un consensus sur la situation du patrimoine en France : deux rapports de la Cour des comptes soulignent la déshérence du patrimoine et l'Etat se désengage des secteurs sauvegardés. Il convient de noter que dans toutes les critiques formulées par le Conseil des impôts sur les « niches » fiscales, aucune n'a visé le « dispositif Malraux ». En outre, de nombreux investisseurs subissent un contrôle fiscal, l'administration présumant facilement qu'il y a matière à redressement. Dans ces conditions, compte tenu des montants en cause et du décalage entre investissement et récupération, l'inclusion de « l'avantage Malraux » dans le plafonnement revient à mettre fin au dispositif lui-même. C'est l'existence même de l'avantage en matière de réhabilitation dans les secteurs sauvegardés et les villages qui est en question.

M. Hervé Mariton a rappelé que la logique sous-jacente au plafonnement des « niches » fiscales est la distinction entre les actes volontaires et les actes contraints du contribuable en la matière. En ce qui concerne la « loi Malraux », il s'agit de distinguer entre ce qui relève des contraintes imposées par les architectes des bâtiments de France et ce qui relève du libre choix du contribuable en matière d'aménagement, notamment intérieur. Le plafonnement ne s'appliquerait que dans le second cas. L'amendement qu'il proposera améliorerait sensiblement la proposition du Gouvernement tout en évitant de multiplier les brèches dans le dispositif de plafonnement.

Le Rapporteur général a observé que l'amendement présenté par M. Hervé Mariton serait aussi efficace que celui présenté par M. Michel Bouvard. L'avantage du premier serait de s'inscrire dans la démarche du Gouvernement qui distingue pour l'application du plafonnement entre les incitations fiscales résultant d'une situation subie et celle découlant d'un libre choix du contribuable. Il est donc préférable, pour des motifs de cohérence, ainsi que le propose l'amendement défendu par M. Hervé Mariton, de ne pas sortir le « dispositif Malraux » du plafonnement.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé que le « dispositif Malraux » permet de déduire de l'impôt sur le revenu la majorité des dépenses de travaux effectués dans un secteur sauvegardé ou une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP).

Le Rapporteur général a précisé que les dépenses correspondant à des travaux sur les façades et les toitures peuvent notamment être déduites, mais que tel n'est pas le cas, par exemple, des dépenses d'aménagement intérieur.

M. Michel Bouvard a indiqué que le « dispositif Malraux », par ailleurs très efficace, est à l'origine de nombreux contentieux.

Le Président Pierre Méhaignerie a cependant souligné que l'ampleur de la réduction d'impôt sur le revenu qu'il permet n'est pas acceptable.

M. Jean-Jacques Descamps a estimé qu'en plaçant le « dispositif Malraux » sous le plafond des « niches » fiscales, les communes qui n'ont pas encore lancé de travaux de restauration de leur centre-ville seraient défavorisées par rapport à celles qui les ont déjà effectués.

M. Philippe Auberger a douté que ce qui est proposé soit opérationnel. La seule issue valable reste celle du conventionnement des loyers des logements réalisés grâce au « Malraux ».

M. Denis Merville a estimé que l'adoption de l'amendement présenté par M. Hervé Mariton entraînerait de nombreux contentieux quant à l'application du « dispositif Malraux ».

Le Président Pierre Méhaignerie a proposé qu'un contribuable ne puisse plus réduire son impôt sur le revenu de plus de 50 %.

M. Hervé Mariton a souligné que le conventionnement aurait des conséquences sur l'organisation sociologique des quartiers. De plus, l'efficacité incontestable du « dispositif Malraux » n'empêche pas que la logique du plafonnement des « niches » fiscales serait mise à mal si trop d'entre elles y échappent. C'est pourquoi l'amendement propose de n'exclure du plafonnement que la réduction d'impôt découlant de dépenses prescrites par l'autorité publique. En distinguant ainsi le volontaire et le contraint, on respecte à la fois l'originalité du « dispositif Malraux » et la logique du plafonnement. S'agissant du contentieux, le « dispositif Malraux » est déjà l'origine de nombreux contentieux, cet amendement ne changerait donc rien de ce point de vue.

M. Marc Laffineur a rappelé que la réforme de l'impôt sur le revenu consiste, outre la modification du barème, dans la création d'un « bouclier » fiscal et l'institution d'un plafonnement du montant des réductions d'impôt dont le contribuable peut bénéficier. Si on retire de ce plafonnement un nombre toujours plus grand de dispositifs fiscaux, c'est l'essence même de la réforme qui est remise en cause.

Approuvant M. Marc Laffineur, le Président Pierre Méhaignerie a également estimé que la sortie du « dispositif Malraux », s'ajoutant à celle des réductions d'impôt au titre des investissements outre-mer, réduirait à peu de chose la portée du plafonnement. Or, il apparaît plus que jamais nécessaire de plafonner les avantages fiscaux, afin que, comme c'est le cas aux Etats-Unis depuis 1969, aucun contribuable, par le jeu des « niches » fiscales, ne puisse échapper totalement à l'impôt. Enfin, il ne fait aucun doute que l'amendement présenté par M. Hervé Mariton est un nid à contentieux.

M. Charles de Courson a douté que parmi les 17 niches plafonnées, il n'y aient vraiment que des « niches » choisies. Ce n'est manifestement pas le cas. Par exemple, la mesure relative à la retraite mutualiste du combattant n'y est pas, alors qu'elle résulte d'un libre choix du contribuable d'y souscrire. Il a également cité la déduction des souscriptions au capital de SOFIPECHE.

Le Rapporteur général a indiqué que les SOFIPECHE ont été mises en extinction et n'ont donc pas à être plafonnées puisque le plafonnement n'est pas rétroactif.

M. Charles de Courson a de nouveau contesté l'analyse du Rapporteur général : il n'y a aucune raison légitime pour le Gouvernement d'exclure un grand nombre d'avantages fiscaux du dispositif de plafonnement prévu par l'article.

Le Rapporteur général a marqué sa préférence pour l'amendement relatif à l'exclusion du déficit provenant des charges spécifiques au « régime Malraux » proposé par M. Hervé Mariton car il est le plus respectueux de la démarche générale de l'article 61. Tous ces amendements doivent être appréciés en ayant conscience de quelques chiffres clefs : pour atteindre le plafond de 8.000 euros prévu par l'article 61 au titre de l'avantage fiscal « Malraux », il faudrait tout d'abord que le montant des travaux soit supérieur au montant des loyers perçus ; il faudrait ensuite aller au-delà de 10.700 euros d'imputation sur le revenu global ; il faudrait enfin imputer des travaux d'un montant de 80.000 euros par an au-delà de ces 10.700 euros, pour un contribuable imposé à un taux moyen de 10%, et de 40.000 euros au-delà de ces 10.700 euros pour un contribuable imposé à un taux moyen de 20%. Cela représente un effort en travaux considérable.

M. Philippe Auberger a estimé que les contribuables imposés au taux moyen de 10% ne sont pas concernés par la « loi Malraux ».

Le Rapporteur général a estimé que le montant nécessaire de travaux imputés au-delà de 10.700 euros de revenu global atteindrait la somme toujours considérable de 40.000 euros pour un contribuable imposé au taux moyen de 20%.

M. Michel Bouvard a affirmé que le dispositif de la « loi Malraux » serait entièrement vidé de sa portée s'il était intégré au mécanisme de plafonnement des avantages fiscaux. Chacun sait que ce ne sont pas les contribuables imposés à ces taux moyens de 10% ou 15% qui sont les principaux acteurs du « Malraux ». Au contraire, le mécanisme de plafonnement proposé par le Président Pierre Méhaignerie est une bonne mesure.

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé qu'un plafonnement en valeur relative à 50% du montant de l'impôt dû, pour les contribuables imposés dans les plus hautes tranches, paraît préférable au mécanisme proposé par le Gouvernement. En revanche, le plafond fixé en valeur absolue pourrait être conservé pour les tranches les plus basses, afin de maintenir un dispositif d'ensemble incitatif.

M. Charles de Courson a estimé cette proposition bien plus « dure » que celle du Gouvernement.

M. Marc Laffineur a souhaité que la Commission prenne le temps nécessaire pour écrire le dispositif et évaluer les effets de la proposition du Président Pierre Méhaignerie, séduisante dans son principe.

Mme Marie-Hélène des Esgaulx a estimé que certains éléments de cette proposition mériteraient d'être précisés, en particulier la date du « fait générateur » de l'avantage fiscal et de son plafonnement. Il y a, en effet, un risque de rétroactivité important.

M. Philippe Auberger a souligné que le Gouvernement propose par ailleurs un dispositif spécifique pour l'outre-mer, reposant sur la combinaison d'un plafonnement en valeur absolue (5.000 euros) et en valeur relative (15% du revenu). Il ne pourrait donc pas contester l'adoption d'un mécanisme similaire pour le plafonnement général des avantages fiscaux.

Le Rapporteur général a fait valoir que le Gouvernement a déposé un amendement supprimant le dispositif de plafonnement des avantages fiscaux établis au profit de l'outre-mer.

M. Jean-Jacques Descamps a rappelé que deux solutions de plafonnement sont logiquement envisageables : soit chaque « niche » est plafonnée en valeur absolue, soit le plafonnement se fait sur une base globale, une fois calculés le montant « normal » de l'impôt et le montant total des avantages fiscaux ; on peut alors prévoir de plafonner l'avantage fiscal total à 50% du montant de l'impôt.

M. Hervé Mariton a jugé intéressante la proposition du Président Pierre Méhaignerie en ce qu'elle introduit un plafonnement en valeur relative. C'est une démarche attrayante car elle s'intègre globalement dans le schéma du plafonnement proposée par l'article 61, mais comment y intégrer les spécificités de la « loi Malraux »? Le choix politique fondamental consiste à savoir s'il faut plafonner les avantages fiscaux en valeur absolue ou en valeur relative.

Le Président Pierre Méhaignerie a précisé que l'idée consiste à plafonner l'avantage fiscal total soit à 8.000 euros, soit à 50% du montant de l'impôt dû, le contribuable étant libre de choisir la solution la plus avantageuse. On règle ainsi à la fois les situations du cadre moyen et des hauts revenus.

M. Hervé Mariton a souligné que cette proposition aboutit bien à ce que l'avantage fiscal maximal dont pourront bénéficier les hauts revenus soit supérieur à 8.000 euros ; en particulier, le contribuable aisé qui, dans le dispositif du Gouvernement, aurait été plafonné en raison d'un investissement « Robien » et de l'emploi d'une personne à domicile, pourrait retrouver une marge supplémentaire pour d'autres avantages fiscaux.

Le Président Pierre Méhaignerie a souhaité avant tout moraliser une situation où, actuellement, un contribuable astucieux peut réduire considérablement son impôt sur le revenu, dans certains cas nettement au-delà de 50% de son montant. Il a estimé nécessaire, avant de prendre une décision pérenne applicable à l'outre-mer, de faire le bilan triennal de l'impact socio-économique des dispositifs fiscaux existants, conformément à la loi de programme pour l'outre-mer de 2003 (loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003). Pour les avantages fiscaux en dehors de l'outre-mer, en revanche, la réflexion mérite d'être poursuivie.

M. Hervé Mariton s'est dit favorable à l'approche défendue par le Président Pierre Méhaignerie à propos du plafonnement à 50%.

M. Marc Laffineur a fait part de sa réticence à l'idée d'un plafonnement à 50%. Les contribuables aux revenus les plus élevés sont ceux qui en bénéficieraient le plus.

Le Président Pierre Méhaignerie a proposé de rejeter les amendements en discussion pour permettre de les examiner à nouveau, au terme d'une réflexion plus approfondie, lors de la réunion de la Commission tenue en application de l'article 88 du Règlement de l'Assemblée nationale.

Intervenant en application de l'article 38, paragraphe premier, du Règlement, Mme Béatrice Vernaudon a rappelé que la loi de programme pour l'outre-mer, dite « loi Girardin » s'est substituée à la « loi Pons », qui prévoyait elle-même un plafonnement à 50% de l'impôt dû. La mesure découlant de l'article 61 du projet de loi de finances aboutirait donc à revenir, en quelque sorte, à l'ancien dispositif. Les élus d'outre-mer se sont mis d'accord avec le Président de la Commission des finances pour que cet éventuel plafonnement n'intervienne qu'après l'évaluation triennale, qui aura lieu en milieu d'année 2006.

Le Président Pierre Méhaignerie a approuvé ces propos, tout en insistant sur un autre impératif essentiel : celui de ne pas permettre la déduction de la totalité de l'impôt, même outre-mer.

Intervenant en application de l'article 38, paragraphe premier, du Règlement, M. René-Paul Victoria a rappelé que l'article 5 de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer, dite « loi Girardin » a précisément prévu que ses effets, notamment en termes de création d'emplois, soient l'objet tous les trois ans d'une évaluation dont les conclusions sont transmises au Parlement et peuvent amener à revoir les niveaux d'exonération et les secteurs bénéficiaires. Il est dès lors préférable d'attendre ces conclusions qui seront disponibles à brève échéance.

M. Philippe Auberger a rappelé à son tour que la remise en cause prématurée des avantages fiscaux spécifiques à l'outre-mer serait contraire à l'engagement politique pris lors de l'examen et de l'adoption de la « loi Girardin », qu'il avait rapportée à l'Assemblée nationale. Il conviendrait d'attendre trois ans pour procéder à un bilan et, le cas échéant, à des adaptations de la loi de programme. Il faut donc à tout le moins attendre l'été 2006 pour y voir plus clair, ce qui d'ailleurs ne rend guère possible la résolution de cette question avant la fin de la présente législature.

D'autre part, l'exclusion de la réduction d'impôt sur le revenu au titre des emplois à domicile des avantages fiscaux plafonnés par l'article permettrait sans doute d'éviter ce débat difficile en réduisant l'impact du plafonnement à 8.000 euros sur l'ensemble des autres niches fiscales visées.

Le Rapporteur général a contesté que le plafonnement des avantages fiscaux remette en cause les incitations à l'investissement dans l'outre-mer mises en place par la « loi Girardin ». Il ne faut pas oublier que les décisions d'investissement s'opèrent dans un contexte donné et procèdent d'un arbitrage entre divers type de placement et la fiscalité qui leur est associée. Ainsi, un plafonnement des avantages fiscaux accordés par exemple aux investissements dits « Malraux » ou aux investissements dans les fonds propres des PME qui ne s'appliquerait en revanche pas aux investissements dans l'outre-mer créerait en faveur de ces derniers un très fort biais fiscal qui dépasserait, et de très loin, les incitations prévues dans la « loi Girardin » dans un contexte fiscal fort différent. Avancer plus loin dans cette direction sans disposer d'évaluations réelles de l'incidence de ces choix fiscaux serait dangereux et sans doute préjudiciable à de nombreux autres investissements dont l'intérêt général est incontestable.

Il convient que l'impôt sur le revenu préserve une forte dimension incitative pour les investissements « Malraux » et ceux dans les fonds propres des PME. Des réflexions préalables comparables doivent accompagner les débats relatifs au plafonnement à 50% de l'impôt dû. En particulier, faudrait-il considérer que l'ensemble des avantages fiscaux devraient alors être plafonnés ? Quel serait dans ce contexte le traitement des avantages fiscaux au titre des PEA ou de l'assurance-vie notamment ?

M. René-Paul Victoria a indiqué qu'en tout état de cause, l'instauration du plafonnement des avantages fiscaux applicables à l'outre-mer en particulier remettrait gravement en cause l'équilibre des incitations à l'investissement dans des territoires qui ont un criant besoin de solidarité économique et, par là même, ne pourrait qu'être contradictoire avec l'engagement de la majorité, rendu solennel par l'adoption de la « loi Girardin », de répondre à ce besoin décisif.

Le Président Pierre Méhaignerie, regrettant l'absence d'évaluations permettant d'éclairer pleinement la Commission, a estimé qu'il serait imprudent de statuer sur des questions complexes de manière prématurée.

M. Charles de Courson a considéré que la philosophie même de l'article 61 mérite réflexion.

M. Philippe Auberger a considéré que l'amendement présenté par le Gouvernement a pour effet de modifier l'équilibre général de l'article 61. Il convient sans doute de remettre à plat l'ensemble des éléments afin que la Commission puisse s'exprimer en pleine connaissance de cause sur ce sujet.

Le Rapporteur général a douté de l'opportunité d'émettre un vote négatif sur l'article 61, même si de nombreuses questions se posent et si un examen plus approfondi des différents amendements, et notamment celui du Gouvernement, pourrait être recommandé. Il serait bon que la Commission n'adopte aucun des amendements portant sur l'article 61, y compris celui du Gouvernement. Ce dernier ayant été déposé peu de temps avant le début de la réunion de la Commission, il n'a pu être expertisé dans de bonnes conditions.

Mme Béatrice Vernaudon a insisté sur le fait que pour les acteurs concernés en outre-mer, les dispositifs d'incitation fiscale ne sont pas perçus comme des moyens d'échapper à l'impôt, mais bien comme un outil d'efficacité économique sur le terrain. Il convient de dresser un bilan précis des bénéficiaires de ces mesures : si réellement de nombreux bénéficiaires utilisent ces mécanismes à des buts de défiscalisation et que des excès sont apparus, il sera nécessaire de mettre en place un mécanisme de plafonnement. Il faut cependant rappeler que l'outre-mer nécessite des mesures d'encouragement à l'activité économique particulièrement fortes. En effet, le PIB de l'outre-mer est de 47% inférieur à celui de la métropole.

Le Président Pierre Méhaignerie a estimé qu'un des moyens de faciliter le développement économique de l'outre-mer peut passer par l'accroissement des subventions d'Etat. Mais on ne peut pas considérer comme normal dans un pays démocratique que des citoyens puissent ne plus payer aucune somme au titre de l'impôt sur le revenu du fait de dispositifs non soumis à un plafonnement de l'avantage fiscal qu'ils procurent.

M. Yves Censi a jugé regrettable la tendance à dramatiser la portée de l'amendement présenté par le Gouvernement. Il ne faut pas considérer les investisseurs qui utilisent les dispositifs d'incitation fiscale liés à l'outre-mer comme uniquement mus par la volonté de contourner la fiscalité de droit commun. Les investisseurs mettent en place de véritables stratégies de développement qui ne peuvent être fondées uniquement sur la recherche d'effets d'aubaine. Le risque que des investissements aujourd'hui orientés vers les ZRR se retrouvent, du jour au lendemain, déplacés vers des investissements en outre-mer paraît faible.

M. Didier Migaud s'est interrogé sur la cohérence des mesures présentées par le Gouvernement dans le présent projet de loi de finances. De nombreux dispositifs n'ont manifestement pas fait l'objet de simulations particulières. C'est le cas pour cette question du plafonnement, pour ce que l'on nomme le « bouclier fiscal » et enfin s'agissant du plafonnement en matière de taxe professionnelle. Jamais la Commission n'a eu à se prononcer sur des mesures fiscales présentées par le Gouvernement en ayant à sa disposition aussi peu d'éléments d'appréciation et de simulation.

Le Président Pierre Méhaignerie a reconnu que le Gouvernement a travaillé dans des délais brefs sur l'élaboration de certains dispositifs fiscaux proposés dans le présent projet de loi de finances. On peut cependant se féliciter de ce que le Gouvernement cherche dans ses propositions à prendre en compte un certain nombre d'observations faites par les parlementaires au cours des dernières années en matière de plafonnement des avantages fiscaux. Il a enfin considéré qu'il serait de bonne méthode d'adopter en l'état l'article 61 et de rejeter à ce stade tous les amendements portant sur cet article étant donné le manque de vision claire et cohérente du sujet pour l'instant.

La Commission a par conséquent rejeté :

- l'amendement présenté par M. Michel Bouvard et celui présenté par M. Denis Merville, tendant à exclure le « dispositif Malraux » du plafonnement ;

- un amendement présenté par M. Hervé Mariton, tendant à exclure du plafonnement les dépenses imposées par l'autorité publique dans le « régime Malraux » ;

- un amendement présenté par M. Hervé Mariton, tendant à exclure du plafonnement les dépenses spécifiques au « régime Malraux » ;

- un amendement présenté par M. Daniel Garrigue, tendant à exclure du plafonnement la réduction d'impôt au titre des souscriptions de parts de Fonds communs de placement en innovation (FCPI). M. Daniel Garrigue a estimé indispensable un effort fiscal en faveur de la recherche. Les placements en FCPI doivent être favorisés, afin de drainer l'épargne privée vers les nouvelles technologies, les microtechnologies, les nanotechnologies etc. Un autre amendement, présenté ultérieurement, visera d'ailleurs à prendre des mesures en faveur des jeunes entreprises innovantes. La recherche est un enjeu au moins aussi essentiel que le patrimoine ;

- l'amendement n° II-108 présenté par le Gouvernement, tendant à supprimer le plafonnement spécifique des avantages fiscaux relatifs aux investissements réalisés outre-mer et un sous-amendement présenté par M. Victor Brial, tendant à préciser que l'éventuelle extension aux investissements réalisés outre-mer du plafonnement ne pourra intervenir avant l'évaluation du dispositif de défiscalisation institué par la loi de programme pour l'outre-mer de 2003 ;

- deux amendements présentés par M. Michel Bouvard, prévoyant respectivement d'exclure du plafonnement le dispositif fiscal sur les investissements en résidence de tourisme dans les zones de revitalisation rurale et de soumettre ce dispositif à un plafond spécifique ;

- un amendement présenté par M. Yves Deniaud, tendant à exclure du plafonnement la réduction d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile et le crédit d'impôt pour frais de garde du jeune enfant ;

- deux amendements présentés par M. Olivier Dassault, visant respectivement à porter le taux de la réduction d'impôt au titre des souscriptions au capital des SOFICA à 60% et à exclure cet avantage fiscal du plafonnement ;

- un amendement présenté par M. Didier Migaud, visant à inclure l'avantage fiscal dont bénéficient les contribuables qui cotisent à un PERP dans le plafonnement des « niches » fiscales.

La Commission a adopté l'article 61 ainsi modifié.

La Commission a réservé l'examen des amendements après l'article 61 et des articles 62 à 66.

Article 67 : Réforme de la taxe professionnelle :

M. Didier Migaud a rappelé que les simulations transmises par le Gouvernement ne permettent pas d'apprécier les effets de la réforme de la taxe professionnelle.

Le Président Pierre Méhaignerie a jugé que l'évolution des taux de taxe professionnelle au cours des dix dernières années n'est pas acceptable. Il a soutenu en conséquence l'effectivité d'un plafonnement à 3,5% de la valeur ajoutée. Si le dispositif appelle des aménagements, il constitue une base de travail.

M. Charles de Courson a indiqué que la réforme comporte deux aspects inacceptables. D'une part, elle tend à instaurer un plafonnement s'inscrivant dans la ligne des propositions du ministère des finances de ces quinze dernières années en vue de nationaliser la taxe professionnelle et donc mettre fin à l'autonomie des collectivités locales. Les collectivités territoriales se trouveront coupées des entreprises. Lesquelles d'entre elles accepteront de créer des zones d'activités dans ces conditions ? D'autre part, certaines communes verraient près de 100% de leurs bases plafonnées et les départements entre 30% et 72%. Il a indiqué avoir déposé un amendement alternatif de responsabilisation des collectivités locales tendant à abaisser le taux-plafond de la taxe professionnelle et a cité, à titre d'exemple, le département de la Marne pour lequel 2,8 millions d'euros seraient « ponctionnés » du fait des hausses de taux opérées en 2004 et 2005 après vingt ans de stabilité. Il a dit le groupe UDF prêt à saisir le Conseil constitutionnel au motif que cet article introduit une rupture d'égalité entre les collectivités locales, défavorisant celles qui ont été vertueuses.

M. Augustin Bonrepaux a souligné que la Commission commence l'examen du dispositif le plus dangereux. Si le souhait est de se venger des régions, il convient de garder à l'esprit que celles-ci ne sont pas les seules concernées. D'autres collectivités territoriales ont procédé à des augmentations parce qu'elles y étaient contraintes et le seront encore l'année prochaine, notamment du fait du déficit du RMI. De plus, les disparités entre les collectivités territoriales vont être aggravées. Surtout, la méthode manifeste un manque de confiance à l'égard des élus de la Nation en ne transmettant pas les informations sur l'impact de la réforme sur les collectivités territoriales. Un certain nombre d'entre elles, pas seulement celles qui ont été mal gérées, se retrouvent avec très peu de marge du fait des caractéristiques de leurs bases. Le Gouvernement souhaite une coopération avec les collectivités territoriales pour ramener le calme en Île-de-France, il refuse par ailleurs d'accorder sa confiance à ces mêmes collectivités.

M. Denis Merville a rappelé la nécessité de réformer la taxe professionnelle et de disposer des simulations. Il semblerait que l'industrie, notamment les grosses industries, bénéficieraient de la réforme. De même, quelles sont les conséquences sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ?

M. Hervé Mariton a jugé malheureux de ne pas disposer de simulations précises mais a rappelé que la réforme a pour objet de protéger les entreprises et de prendre en compte leur point de vue. Le choix politique qui a été fait d'apporter une meilleure réponse aux entreprises a effectivement un impact sur les collectivités territoriales et il est exact que cela limitera, dans certains cas, leur marge. L'article proposé répond à une double logique : l'amélioration de la situation des entreprises et la modération de la dépense et de l'impôt. En outre, des effets contraignants ne s'opposent pas tout à fait à une modération des dépenses et des impôts qui est souhaitable.

M. Michel Bouvard a estimé nécessaire d'adopter cette réforme en totale transparence, ce qui nécessite une vision d'ensemble de ses conséquences. Or, les élus locaux sont maintenus à dessein dans le brouillard, les services fiscaux des départements refusant de leur transmettre la moindre simulation. En particulier, quelle serait l'incidence de cette réforme sur le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP)? Quant aux 3,5 % de plafonnement, s'appliquent-ils à tous les établissements, y compris les établissements exceptionnels et les producteurs d'énergie ? Qu'en est-il de la règle du double plafonnement ?

M. Didier Migaud a estimé que la transparence est une question de principe et que les travaux de la Commission ne pourront se poursuivre convenablement si les élus de la Nation ne disposent pas de simulations complètes sur les conséquences de cette réforme, à la fois pour les entreprises et pour les collectivités territoriales. La présentation de simulations anonymes relève de ce point de vue d'une véritable mascarade. Le choix a visiblement été fait de la plus grande opacité. Sur le fond, malgré ce manque criant et délibéré d'informations, les problèmes sont clairement identifiés : outre celui de l'année de référence, le vrai problème est celui des collectivités territoriales qui verraient plafonnées plus de 60 % de leurs bases. De fait, alors même que leurs compétences s'élargissent suite à l'acte II de la décentralisation, comment pourraient-elle les assumer convenablement si elles n'ont plus de marge de manœuvre ?

M. Jean-Jacques Descamps a estimé que la référence à la valeur ajoutée en matière de taxe professionnelle, notion bien connue des entreprises, constituerait un progrès indéniable dans la connaissance par les contribuables du poids, pour eux, de la charge fiscale. En effet, actuellement, les entreprises ne savent pas si elles paient trop ou peu. L'introduction d'un plafonnement effectif à 3,5% de la valeur ajoutée introduirait donc une « borne » permettant aux entreprises de connaître précisément le poids pour elles de cet impôt. Quant aux simulations, elles sont difficiles à réaliser, au moins en ce qui concerne les communes. Ce qui est sûr, c'est que l'autonomie des collectivités territoriales est maintenue s'agissant de la fixation des taux. Enfin, il est préférable de prendre en compte les taux 2005 afin que la réforme se fasse dans la transparence.

Le Rapporteur général a rappelé que la réforme de la taxe professionnelle est à l'ordre du jour depuis sa création même. Il suffit de considérer les modifications incessantes dont cet impôt a fait l'objet, la dernière en date ayant été la suppression progressive de la part salariale de son assiette à partir de 1999 et son remplacement par une dotation. C'est d'ailleurs en réaction à cette dernière réforme, qui a eu pour conséquence de priver les collectivités territoriales d'une part non négligeable de leurs ressources propres, que la Constitution a été modifiée afin d'intégrer le principe de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Du point de vue des entreprises, la suppression de la part salariale a été une très bonne chose. Cependant, elle a déséquilibré la taxe professionnelle au détriment des entreprises ayant une forte base « investissements ». En particulier, les entreprises du secteur industriel paient une taxe professionnelle qui représente une part considérable de leur valeur ajoutée. Par ailleurs, afin d'éviter une hémorragie budgétaire, le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée s'applique depuis 1995 à une cotisation théorique calculée sur la base de taux gelés à leur niveau de 1995.

Afin de ne pas reproduire les errements passés, le Gouvernement a pris le temps de la réflexion. La Commission Fouquet, à l'issue de longs débats, a conclu que l'assiette la plus juste économiquement serait la valeur ajoutée. Un travail de simulation a été fait afin d'analyser les conséquences de la substitution à l'assiette actuelle d'une assiette assise sur la valeur ajoutée. Deux obstacles se sont présentés. D'une part, si les entreprises industrielles avaient été favorisées, celles du secteur des services auraient été pénalisées. D'autre part, ce transfert de charge entre entreprises aurait également eu des conséquences sur les ressources des collectivités territoriales, en fonction de la nature des activités présentes sur leur territoire. En pratique, cette réforme favorisait grandement la région Ile de France, où les activités de service sont prépondérantes.

C'est pourquoi il a été décidé une réforme a minima qui supprime les déséquilibres de l'assiette actuelle. Désormais, aucune entreprise ne paiera plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée au titre de la taxe professionnelle. L'effort budgétaire consenti par l'Etat représente 1,4 milliard d'euros s'ajoutant aux 3 milliards d'euros que coûte le dégrèvement au titre des investissements nouveaux. Cependant, si la réforme se fait en fonction des taux de l'année 2005, elle ne coûtera plus 1,4 milliard mais 1,869 milliard d'euros, ce delta résultant de l'augmentation très forte des taux de taxe professionnelle.

Cependant, cette réforme pose un problème déjà identifié par le comité des finances locales de septembre : 50 % des bases relèvent d'ores et déjà d'entreprises plafonnées. Or, la répartition de ces entreprises est très inégale. Si une région dispose de beaucoup d'entreprises industrielles, alors, elle présente un pourcentage très important de bases plafonnées.

Quant aux simulations, elles existent. Le Gouvernement a les chiffres, par collectivité (pour les 18.000 communes qui ne sont pas membres d'un EPCI à taxe professionnelle unique, des échantillons suffisent). Il doit donc les transmettre. Il est en effet important que la Commission, comme les collectivités territoriales, soient informées du nombre et de la répartition des établissements plafonnés.

Par ailleurs, il faut aussi souligner que les effets contraignants de cette réforme pour les collectivités territoriales ne le sont qu'autant qu'elles augmentent leurs taux de taxe professionnelle.

Enfin, le Rapporteur général a avancé deux propositions :

- d'une part, retenir comme taux de référence les taux de taxe professionnelle de l'année 2005 et non ceux de l'année 2004 parce que lorsque les collectivités territoriales ont voté leurs taux, au début de l'année 2005, elles ne connaissaient pas encore les modalités de la réforme. Il est donc légitime de retenir comme taux de référence les taux de 2005. A ce propos, il a précisé que sur les 469 millions d'euros supplémentaires à la charge du contribuable national, 217 millions le seraient au titre des régions, 177 millions des départements et le reste des communes et groupements de communes ;

- d'autre part, il est important d'afficher que cette réforme n'est qu'une étape et que le dispositif sera évalué le moment venu, par exemple en 2009. Il est en effet évident que pour les collectivités territoriales, notamment les départements, plafonnés à plus de 70 %, une évaluation des conséquences de la réforme devra être faite après trois ans.

Cette réforme n'a en outre pas d'effet sur les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle puisqu'elle ne modifie pas l'assiette de la taxe professionnelle établie par établissement dans les communes. Lorsque dans une commune, un établissement a des bases de taxe professionnelle qui, rapportées à la population de la commune, excèdent deux fois la moyenne nationale, il continuera à faire l'objet d'un écrêtement au profit d'un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle

Le Président Pierre Méhaignerie a indiqué que chaque parlementaire pourrait disposer, dès le mercredi 10 novembre au matin, d'une fiche de simulation relative à son département, à la région correspondante et aux EPCI du département.

M. Augustin Bonrepaux a estimé que cette décision démontre que les simulations précises que l'opposition s'évertue à réclamer depuis plusieurs jours sont, en fait, disponibles à la Commission. Toute la réforme proposée par le Gouvernement n'est que le reflet d'un manque de courage : le Gouvernement n'a pas pu se résoudre à assumer une véritable péréquation entre les entreprises qui sont fortement imposées et celles qui le sont faiblement. Il veut contourner l'obstacle en organisant un système de pression sur les élus pour que ceux-ci augmentent la pression fiscale locale sur les ménages. Le Gouvernement lui-même a avoué ce plan caché en indiquant qu'il serait souhaitable de « rééquilibrer » les ressources fiscales des collectivités locales. L'astuce consiste à empêcher les collectivités d'augmenter globalement les impôts et les obliger à faire payer les ménages plutôt que les entreprises. Ce plan est aggravé - ou favorisé, dans l'optique du Gouvernement - par les transferts de charge qu'il décide à destination des collectivités locales : comment celles-ci pourront-elles financer le RMI ou la loi sur le handicap sans augmenter l'imposition des ménages ? Le Gouvernement manque de courage et n'arrive pas à assumer ses choix politiques fondamentaux ; sa réforme ne donne lieu qu'à un simulacre de débat.

Le Président Pierre Méhaignerie a affirmé que le véritable courage consiste à faire le choix d'une imposition des entreprises limitée strictement et définitivement à 3,5% de la valeur ajoutée. Deux points nécessitent encore débat :

- le choix de l'année de référence : 2004 ou 2005, ou une combinaison moyenne des taux 2004 et 2005 ; il faut être juste envers les collectivités locales tout en refusant de consentir une prime à l'activisme fiscal tel que revendiqué par M. Georges Frêche, par exemple ;

- la situation des départements, dont les finances sont particulièrement fragiles. La loi sur le handicap et la multiplication des normes sont les prochains risques à surmonter et il serait souhaitable de réunir prochainement, autour d'une même table, l'État et les départements pour analyser les conséquences financières de la loi sur le handicap.

Pour autant, le combat doit continuer pour inciter les élus à une pause nécessaire dans l'augmentation des dépenses. Les dépenses locales ont augmenté beaucoup plus vite en France qu'en Europe, même en faisant abstraction des évolutions de périmètre résultant, notamment des lois de décentralisation. Il est, certes, séduisant de construire des piscines ou des médiathèques, mais vient un moment où les autorités politiques doivent arbitrer entre le pouvoir d'achat des familles et les dépenses collectives. Cela n'exclut pas, cependant, de clarifier les règles du partage de l'effort collectif entre les collectivités locales et l'État.

M. Augustin Bonrepaux s'est demandé comment prétendre que les entreprises auraient un environnement de travail plus performant si les collectivités territoriales ne peuvent plus construire et entretenir les routes, financer la formation professionnelle, assurer le développement de la téléphonie mobile ou la pénétration du haut débit sur tout le territoire national. La politique de la majorité consiste-t-elle vraiment à interdire tout cela ?

Le Président Pierre Méhaignerie a rappelé avoir récemment conduit, avec le Rapporteur général, une mission en Suède, qui les a conduit à constater que la France va bientôt rattraper la Suède en matière de taux de prélèvements obligatoires, alors même que tous les pays scandinaves se sont engagés dans des efforts de stabilisation de leurs dépenses publiques et que la plupart des experts font un lien explicite entre le niveau des dépenses publiques et celui du chômage, au-delà d'un certain seuil. Ce débat, lui non plus, ne pourra être évité.

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